Page 10 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes

9.0 Effets sur la santé

9.1 Effets chez les êtres humains

9.1.1 Toxicité aigüe

L'ingestion accidentelle de toluène provoque des effets toxiques aigus graves, notamment l'irritation de l'oropharynx et de l'estomac, des vomissements et des hématémèses (Von Burg, 1993). Des douleurs abdominales, des gastrites hémorragiques et des dépressions du système nerveux central ont été observées chez une personne qui avait ingéré environ 1 L de diluant de peinture contenant du toluène (Caravati et Bjerk, 1997). Une personne est décédée en 30 minutes après avoir ingéré environ 60 mL (625 mg/kg p.c.) de toluène (Ameno et coll., 1989). L'ingestion de xylènes cause des malaises gastro-intestinaux graves (Sandmeyer, 1981). Il n'existe aucune information sur l'ingestion humaine d'éthylbenzène.

L'exposition par inhalation à un mélange de COV contenant du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes pendant 2,75 heures à des concentrations de 5 mg/m 3 et plus a été associée à une irritation des yeux, du nez et de la gorge (Molhave et coll., 1986). Les autres effets aigus du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes touchent généralement le système nerveux central. Des expositions accidentelles à des concentrations élevées de toluène (= 10 000 ppm ou 37 500 mg/m3) ont provoqué l'excitation du système nerveux central, suivie d'une dégradation progressive de l'état de conscience, de convulsions et d'un coma (PISSC, 1986). Des études contrôlées chez l'humain ont permis de constater une détérioration de la fonction neurologique à des concentrations de toluène entre 100 et 150 ppm (~ 377 et 566 mg/m3) (Andersen et coll., 1983; Baelum et coll., 1985; Echeverria et coll., 1989). Une co-exposition humaine contrôlée au toluène et aux xylènes porte à croire qu'à partir de 200 ppm (~ 754 mg/m3), l'exposition au toluène (pendant 7 heures, entrecoupée d'une pause) entraîne l'augmentation du temps de réaction, la diminution du pouls et la baisse de la pression artérielle systolique (Ogata et coll., 1970). Des études sur l'exposition humaine contrôlée au m-xylène pendant plusieurs jours ont montré que les concentrations de 90 ppm (~ 339 mg/m3) et plus avaient des effets négatifs sur le temps de réaction, sur la coordination manuelle et sur l'équilibre corporel (Savolainen et coll., 1979, 1980). Cependant, Olson et coll. (1985) ont noté que des hommes exposés pendant 4 heures à 3,25 mmol/m 3 de toluène, à 2,84 mmol/m3 de p-xylène ou à un mélange des deux composés (2,20 mmol/m3 de toluène et 0,94 mmol/m3 de p-xylène) n'avaient présenté aucune modification du temps de réaction, de la mémoire à court terme ni du temps de réaction au choix, que ce soit immédiatement après l'exposition ou 2 et 4 heures après celle-ci.

Les études indiquent donc que l'exposition aigüe au toluène et aux xylènes est associée à des effets intéressant le système nerveux central. L'exposition aux vapeurs de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes peut aussi irriter les membranes muqueuses, et l'exposition par ingestion peut causer des effets gastro-intestinaux modérés et graves.

9.1.2 Toxicité chronique et subchronique et cancérogénicité

Les études sur l'exposition chez l'humain se limitent essentiellement à l'inhalation, avec co exposition à d'autres solvants dans le milieu de travail. Des données probantes limitées ont établi une association entre l'exposition chronique au toluène et aux xylènes et des troubles neurologiques, des affections malignes et d'autres manifestations. En raison de l'absence de milieux de travail où l'exposition à l'éthylbenzène est prédominante, il existe très peu d'information sur la toxicité chronique de l'éthylbenzène.

9.1.2.1 Effets neurologiques

Les conséquences neurologiques de l'exposition au toluène et aux xylènes ont été examinées chez des personnes exposées dans le cadre de leur emploi. Toutefois, aucune étude n'a été publiée sur l'exposition à l'éthylbenzène et aucune des études recensées n'a abordé l'exposition par voie orale.

Plusieurs études ont porté sur les effets du toluène chez les travailleurs des industries de l'impression et du caoutchouc, où l'exposition au toluène est courante. La diminution de la perception des couleurs est un effet qui a été soigneusement documenté. Une perte de la perception des couleurs a été notée chez les ouvriers d'une imprimerie à une concentration moyenne de toluène de 120 ppm (452 mg/m3) et chez des ouvriers du caoutchouc dont les concentrations urinaires de toluène allaient de 60 à 73 µg/L (Zavalic et coll., 1998; Cavalleri et coll., 2000). Dans les deux cas, les travailleurs avaient été exposés principalement au toluène et non à d'autres substances neurotoxiques. Cependant, une étude ayant porté sur des concentrations de toluène plus faibles, soit environ 44-48 ppm ou 166-181 mg/m3 (le toluène représentant au moins 90 % de l'exposition), n'a fait ressortir aucune modification notable de la perception des couleurs (Nakatsuka et coll., 1992). L'exposition au toluène a aussi été associée à des variations accrues du potentiel évoqué visuel chez des ouvriers d'imprimerie exposés à environ 40-60 ppm (151-226 mg/m3) de toluène et employés depuis 20,6 ans en moyenne (Vrca et coll., 1995); toutefois, une étude de suivi n'a pas permis de corroborer ces résultats (Vrca et coll., 1997). D'autres études sur l'exposition au toluène concernent des effets neurologiques plus généraux, notamment la difficulté à se concentrer et à raisonner et certains symptômes subjectifs autodéclarés. Plusieurs études ont montré que les travailleurs exposés au toluène avaient des problèmes de mémoire et de la difficulté à se concentrer et à raisonner, même à des concentrations inférieures à 100 ppm ou 377 mg/m3 (Foo et coll., 1990; Boey et coll., 1997; Eller et coll., 1999; Neubert et coll., 2001; Kang et coll., 2005; Nordling Nilson et coll., 2010). D'autres études sur les effets cognitifs de faibles concentrations n'ont mis en évidence aucun effet de l'exposition au toluène à des concentrations allant jusqu'à 50 ppm ou 189 mg/m3 (Zupanic et coll., 2002; Seeber et coll., 2004, 2005). Une étude a établi une relation concentration-réponse claire avec les troubles de la mémoire (Chouaniere et coll., 2002). Cet effet n'était toutefois pas significatif dans les études sur l'exposition cumulative, indiquant qu'il n'est peut-être pas durable. Par ailleurs, l'exposition professionnelle au toluène a entraîné l'augmentation des symptômes subjectifs déclarés (Ukai et coll., 1993; Tanaka et coll., 2003) et une étude a évoqué la possibilité que l'exposition chronique au toluène soit associée à des atteintes du système nerveux autonome, comme en témoigne l'altération de la conduction nerveuse chez les personnes exposées (Murata et coll., 1993; Tanaka et coll., 2003).

Dans une étude à mesures répétées, Seeber et coll. (2004) ont exploré les effets du toluène sur la fonction cognitive au moyen de tests de l'attention (test de substitution de codes, test d'orientation de l'attention, temps de réaction simple), de la mémoire (test de mémoire des chiffres, Syndrom-Kurztest) et de la fonction psychomotrice (stabilité, traçage de lignes, test de visée, test de pointage, panneau perforé) dans un sous-échantillon de 192 sujets participant à quatre examens sur une période de 5 ans. Les valeurs suivantes ont été attribuées aux expositions et aux durées d'exposition : exposition actuelle élevée = 26 ppm (98 mg/m3) pour 106 sujets; exposition actuelle faible = 3 ppm (11 mg/m3) pour 86 sujets; longue durée = 21 ans; et courte durée = 6 ans. Les niveaux d'exposition actuels ont été calculés à l'aide de quatre mesures, tandis que les moyennes pondérées sur la vie entière ont été déterminées à l'aide d'une matrice d'exposition professionnelle. L'application de l'analyse de la variance à mesures répétées et d'une régression pas à pas avec ajustement en fonction de l'âge, du niveau de scolarité, de la consommation d'alcool et de l'anxiété ont révélé une différence significative entre, d'une part, le temps de l'erreur au test de stabilité entre les expositions et, d'autre part, le temps de l'erreur au traçage de lignes lorsque le niveau d'exposition et la durée de l'exposition étaient combinés. Cependant, dans d'autres analyses, la variabilité inter-sujets dans l'effet de l'exposition sur le test de stabilité n'était pas significative et les résultats du traçage de lignes ne correspondaient pas à ceux d'une réponse liée à l'exposition. Des analyses ont aussi établi l'absence de différences entre les groupes d'exposition après stratification en fonction de la durée de l'exposition (courte ou longue). Dans une étude ultérieure, Seeber et coll. (2005) ont examiné ces résultats en utilisant une méthode cas-témoins dans laquelle les cas ayant présenté une altération du fonctionnement ont été définis comme ceux s'étant classés 20 % au-dessus ou en dessous de la moyenne (selon la mesure de l'effet) du groupe de référence. La seule observation significative (erreur de stabilité dans la main dominante) devenait marginale après la prise en compte des erreurs et du temps de l'erreur dans une approche à mesures répétées (Seeber et coll., 2005).

Des effets neurologiques non spécifiques de l'exposition aux xylènes ont été signalés en milieu de travail et dans une étude humaine contrôlée. Lorsque l'exposition aux xylènes représentait plus de 70 % de l'exposition professionnelle totale aux composés chimiques (somme de tous les isomères, concentration moyenne géométrique de 14 ppm ou 61 mg/m3) chez des ouvriers des industries du caoutchouc, du plastique et de l'impression, la prévalence des symptômes neurologiques subjectifs augmentait de façon significative. Les symptômes significatifs étaient les étourdissements, les sensations de tête lourde et les maux de tête. Toutefois, aucune tendance dose-réponse n'a été établie et les effets potentiels des autres produits chimiques n'ont pas été clairement définis (Uchida et coll., 1993). Des symptômes chroniques comprenant étourdissements, fatigabilité, humeur dépressive et palpitations ont aussi été observés chez des personnes ayant été exposées à un mélange constitué d'environ 50 % de xylènes, 24 % de toluène (valeurs correspondant à 18 ppm ou 78 mg/m3 de xylènes et 10 ppm ou 38 mg/m3 de toluène) et d'autres solvants à l'état de traces (Wang et Chen, 1993). Savolainen et coll. (1985) ont établi une corrélation entre la hausse des concentrations sanguines de m-xylène et la diminution de l'équilibre à la suite d'une exposition humaine contrôlée à une concentration fixe de m-xylène de 200 ppm (868 mg/m3) ou à des concentrations fluctuantes de m-xylène de 135-400 ppm (586-1 736 mg/m3) pendant 6 semaines (4 heures/jour, 6 jours/semaine). Par contre, on ne sait pas si cet effet est durable.

Dans l'ensemble, les données indiquent que le toluène et les xylènes pourraient être neurotoxiques, mais l'information sur le toluène est plus abondante, car il est couramment utilisé dans l'industrie de l'impression. L'exposition au toluène pourrait être associée à des effets neurologiques indésirables, notamment la diminution de la perception des couleurs et l'altération de la fonction cognitive. On ne sait pas si l'éthylbenzène est neurotoxique chez l'humain.

9.1.2.2 Effets sur les reins, sur le foie et sur d'autres tissus

Aucune étude n'a abordé les effets à long terme de l'exposition humaine par voie orale au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes sur les reins, sur le foie et sur d'autres tissus. Cependant, un certain nombre d'études se sont concentrées sur l'exposition professionnelle à ces trois composés chimiques, particulièrement le toluène. Dans le cas du toluène, il existe également des données limitées concernant les personnes ayant une dépendance aux solvants.

Dans plusieurs études, on a évalué l'hépatotoxicité chez l'humain à l'aide de marqueurs sanguins de l'hépatotoxicité. La plupart des études concernant des travailleurs exposés au toluène dans les industries de l'impression, de la peinture et de la chaussure ont obtenu des résultats négatifs à des concentrations de toluène allant jusqu'à 324 ppm ou 1 221 mg/m3 (Seiji et coll., 1987; Ukai et coll., 1993). Dans une étude visant huit ouvriers d'imprimerie exposés à de faibles concentrations de toluène (= 200 ppm ou 754 mg/m3), des biopsies hépatiques ont fait ressortir une légère élévation des transaminases sériques, y compris l'aspartate aminotransférase, accompagnée de modifications des tissus adipeux dans la région péricentrique du foie (Guzelian et coll., 1988). Des études sur les personnes ayant une dépendance aux solvants exposées principalement au toluène ont révélé des lésions des reins, notamment une dégénérescence et une nécrose des tubules rénaux (Kamijima et coll., 1994; Kamijo et coll., 1998). Les imprimeurs, toutefois, n'ont présenté que des effets très légers au chapitre de la fonction rénale, tels que des altérations de la clairance de la créatinine (Stengel et coll., 1998). Cela porte à croire que la toxicité rénale augmente probablement dans les populations humaines selon une tendance reliée à la dose. Des études ont aussi recensé des cas d'acidose découlant d'une exposition au toluène par inhalation, bien qu'il soit peu probable que cet effet entraîne des lésions rénales permanentes (ATSDR, 2000). Aucune étude chez l'humain concernant des tissus autres que le foie et les reins n'a été trouvée.

La majorité des expositions professionnelles à l'éthylbenzène sont associées à des expositions à d'autres solvants organiques. Il est donc difficile de déterminer les effets propres à l'éthylbenzène dans des études chez l'humain. Une étude a évalué les effets de l'exposition sur la santé d'ouvriers ayant travaillé dans un établissement de fabrication de l'éthylbenzène pendant plus de 20 ans (Bardodej et Cirek, 1988). Bien que les concentrations exactes dans l'air n'aient pas été établies, on a estimé la concentration moyenne dans l'air à 6,4 mg/m3 en se fondant sur les concentrations urinaires moyennes d'acide mandélique observées chez les ouvriers (Bardodej et Bardodejova, 1970; ATSDR, 2010). L'étude n'a fait ressortir aucune lésion hépatique découlant de l'exposition chronique à l'éthylbenzène. Il est néanmoins possible que la concentration ait été trop faible pour avoir des effets sur la santé.

Une seule étude a porté sur l'exposition chronique (moyenne de 7 ans) à environ 14 ppm (61 mg/m3) d'un mélange de xylènes représentant plus de 70 % de l'exposition totale aux solvants (Uchida et coll., 1993). Cette étude n'a révélé aucune modification des paramètres biochimiques sériques qui puisse indiquer des anomalies au niveau du foie ou des reins. Il est donc peu probable que l'inhalation de faibles concentrations de xylènes provoque des effets indésirables dans le foie ou les reins.

Le toluène semble donc causer des effets néfastes dans les reins et le foie chez l'humain après une exposition par inhalation. Cependant il n'y a pas suffisamment d'information concernant l'éthylbenzène et les xylènes pour pouvoir tirer des conclusions sur leurs effets néfastes dans les différents tissus.

9.1.2.3 Cancer

Les études sur le potentiel cancérogène du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes se limitent aux expositions professionnelles. Aucune étude n'a porté sur les effets cancérogènes de l'exposition par voie orale chez l'humain.

Le potentiel cancérogène du toluène chez l'humain a été étudié dans trois cohortes constituées de travailleurs principalement exposés au toluène. Svensson et coll. (1990) ont montré que, chez des opérateurs de presse à rotogravure employés entre 1925 et 1985, le fait d'être exposé pendant au moins 3 mois avait augmenté la mortalité due aux cancers gastro-intestinaux et de l'estomac (ratio standardisé de mortalité [RSM] = 2,1, intervalle de confiance [IC ] à 95 % = 1,1-3,5; et RSM = 2,7, IC à 95 % = 1,1-5,6, respectivement) et la morbidité associée aux cancers de l'appareil respiratoire (ratio standardisé d'incidence [RSI] = 1,8, IC à 95 % = 1,0-2,9). Cependant, l'effet sur les cancers gastro-intestinaux n'était significatif que si une période d'exposition minimum de 5 ans et une période de latence de 10 ans étaient prises en considération; de plus, une exposition au benzène a aussi été notée chez les sujets exposés avant les années 1960. Une étude sur des travailleurs de l'industrie de la chaussure employés pendant au moins 1 mois entre 1940 et 1979-1982 a révélé une augmentation de la fréquence du cancer du poumon, plus prononcée chez les hommes (Walker et coll., 1993; Lehman et Hein, 2006). Toutefois, ces ouvriers ont aussi été exposés au méthyléthylcétone, à l'acétone et à l'hexane et ils pourraient également avoir été en contact avec le benzène. Le tabagisme a aussi été un facteur de confusion important dans l'étude. Anttila et coll. (1998) ont mené une étude dans laquelle ils ont surveillé des marqueurs biologiques du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes chez des ouvriers finlandais : ils n'ont réalisé aucune observation significative, et une exposition possible au benzène a été notée. Une étude cas-témoins a établi que les professions comportant les plus fortes expositions au toluène étaient associées à un risque accru de cancer du rectum, mais à aucun autre type de cancer (Gérin et coll., 1998). D'autres études épidémiologiques ont porté sur des personnes exposées à des mélanges de solvants contenant du toluène. Ces études n'ont fait ressortir aucune hausse significative des cas de cancer (Wen et coll., 1985; Carpenter et coll., 1988; Blair et coll., 1998; Lundberg et Milatou-Smith, 1998; Costantini et coll., 2008), mis à part une augmentation de la fréquence des lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens (Olsson et Brandt, 1980; Miligi et coll., 2006) et des cancers du côlon (Dumas et coll., 2000; Goldberg et coll., 2001). Les sujets de ces études ont toutefois été exposés à d'autres solvants, si bien qu'il est difficile d'évaluer le rôle du toluène dans les effets observés. Dans l'ensemble, il existe peu de preuves d'une association entre le toluène et le cancer; les résultats significatifs ayant été trouvés pourraient avoir été faussés par des expositions à d'autres produits chimiques, dont le benzène.

Une seule étude concernait des sujets principalement exposés à de l'éthylbenzène : il s'agissait d'ouvriers dans une usine de fabrication d'éthylbenzène. Bien que l'exposition ait été très faible (estimée à environ 6,4 mg/m3, d'après les concentrations urinaires moyennes d'acide mandélique chez les sujets), aucun cas excessif d'affection maligne n'a été recensé dans l'établissement (Bardodej et Cirek, 1988). Il n'existe donc pas suffisamment d'information pour déterminer la cancérogénicité de l'éthylbenzène chez l'humain.

L'exposition aux xylènes n'était prédominante dans aucune étude réalisée en milieu de travail, et il existe très peu de preuves de la cancérogénicité des xylènes chez l'humain. Une étude sur la leucémie lymphoïde chez des ouvriers du caoutchouc exposés à des solvants a fait ressortir une association possible avec l'exposition aux xylènes (Arp et coll., 1983). Miligi et coll. (2006) ont observé un risque potentiel accru de lymphome non hodgkinien associé aux expositions moyennes et élevées (selon des facteurs de correction en fonction de l'emploi et de l'exposition) aux xylènes (rapport de cotes [RC] = 1,7, IC à 95 % = 1,0-2,6). Cependant, Costantini et coll. (2008) n'ont pas observé de risque accru de leucémie lymphoïde chronique à la suite d'expositions moyennes ou élevées aux xylènes. Gérin et coll. (1998) ont déterminé que les professions comportant les plus fortes expositions aux xylènes étaient associées à un risque accru de cancer du rectum, mais à aucun autre risque excédentaire pour ce qui est des autres types de cancer. Une étude cas-témoins en population portant sur le cancer du rectum a révélé un risque légèrement accru chez les personnes exposées aux xylènes (Dumas et coll., 2000). Cependant, en raison des expositions à d'autres solvants, il est difficile de tirer des conclusions de ces études.

Le peu d'études menées sur l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes chez l'humain et les divers facteurs de confusion présents dans ces études font qu'il n'y a pas assez de données probantes pour établir les effets cancérogènes de ces trois composés chez l'humain.

9.1.2.4 Autres effets

Des études ont exploré les effets du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes sur l'ouïe et sur la santé cardiovasculaire et pulmonaire. Aucune d'entre elles n'a cependant abordé l'exposition par voie orale à ces composés chimiques.

L'exposition aux solvants en général est associée à une perte auditive plus importante que celle à laquelle on peut s'attendre dans un milieu de travail bruyant. Le seul des trois composés chimiques d'intérêt sur lesquels on dispose de données est le toluène. Une perte auditive a été observée chez des ouvriers d'imprimerie principalement exposés au toluène (Morata et coll., 1997). Des ouvriers exposés en moyenne à 97 ppm (366 mg/m3) de toluène ont présenté des altérations du potentiel évoqué auditif indiquant des déficiences auditives (Abbate et coll., 1993). Des altérations du potentiel évoqué auditif ont aussi été notées chez des ouvriers d'imprimerie exposés à de faibles concentrations de toluène pendant une période moyenne de 20,3 ans (Vrca et coll., 1996, 1997). Cependant, les études sur des opérateurs de presse à rotogravure répartis dans différents groupes selon la durée et le niveau d'exposition ont montré que le seuil d'audition était affecté par le bruit, et non par le toluène (Schäper et coll., 2003). Bien qu'on ne sache pas si les effets de l'exposition au toluène sur l'ouïe sont dus à une ototoxicité directe ou à des altérations au niveau du cerveau, les données concernant l'humain portent à croire que ces effets pourraient être neurologiques.

D'autres études ont abordé les effets indésirables d'ordre cardiovasculaire, immunologique et pulmonaire. Xu et coll. (2009) ont établi des associations significatives entre les concentrations sanguines de toluène, d'éthylbenzène, d'o-xylène et de m-xylène/p-xylène (0,248, 0,05, 0,058 et 0,210 ng/mL, respectivement) et la prévalence des maladies cardiovasculaires; ces associations étaient particulièrement marquées dans le cas du toluène. Yoon et coll. (2010) ont noté que les concentrations urinaires d'acide hippurique et d'acide méthylhippurique (métabolites du toluène et des xylènes, respectivement) chez les personnes âgées étaient associées à la diminution du volume expiratoire maximum-seconde (VEMS), indiquant une diminution de la fonction pulmonaire ainsi qu'une augmentation des marqueurs urinaires du stress oxydatif. Billionnet et coll. (2011) ont montré que l'exposition à l'éthylbenzène, au m-xylène/p-xylène et à l'o-xylène était associée à la rhinite chez l'humain. Aucune étude n'a fait ressortir d'effet hématologique indésirable significatif en rapport avec l'exposition au toluène (Matsushita et coll., 1975; Ukai et coll., 1993); aucune donnée n'existe concernant l'éthylbenzène et les xylènes.

L'exposition professionnelle au toluène pourrait donc être associée à une perte auditive. Les données n'ont pas permis d'établir de relation avec le risque d'effets indésirables cardiovasculaires ou pulmonaires.

9.1.3 Toxicité pour la reproduction et le développement

Il existe des données limitées concernant les effets de l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes sur la reproduction et le développement chez l'humain. Les études se limitent à l'exposition professionnelle. Dans l'ensemble, il existe très peu de preuves concernant la toxicité de ces trois composés chimiques pour la reproduction et le développement.

9.1.3.1 Effets sur la reproduction

Les études épidémiologiques d'intérêt comprennent des enquêtes sur l'exposition professionnelle à des solvants organiques. Ces études, qui étaient limitées à l'exposition par inhalation, visaient principalement les avortements spontanés. Aucune étude n'a examiné le risque d'effets toxiques pour la reproduction chez les personnes exposées à l'éthylbenzène par quelque voie que ce soit.

Le risque d'avortement spontané et la fertilité ont été examinés dans le cadre d'études portant sur les effets de l'exposition professionnelle au toluène sur la reproduction. La seule étude à avoir abordé une exposition presque exclusive au toluène a révélé une hausse des avortements spontanés chez le rat. Le taux d'avortements spontanés chez des femmes travaillant dans une usine de fabrication de haut-parleurs ayant été exposées de façon presque exclusive au toluène (concentration moyenne de 88 ppm ou 332 mg/m3), établi à 12,4 %, était significativement élevé par rapport aux taux de 2,9 % et 4,5 % dans les groupes témoins internes et externes, respectivement (Ng et coll., 1992). Une autre étude, menée auprès de femmes travaillant en laboratoire, a révélé une augmentation du taux d'avortements spontanés chez les sujets ayant exécuté des tâches impliquant une exposition au toluène au moins 3-5 jours/semaine (RC = 4,7, IC à 95 % = 1,4-15,9) (Taskinen et coll., 1994). Une étude concernant des femmes travaillant dans l'industrie de la chaussure exposées à des concentrations élevées de toluène a mis en évidence un risque accru d'avortement spontané, qui devenait néanmoins non significatif après l'application de modèles de régression propres au toluène (Lindbohm et coll., 1990). Les résultats significatifs pourraient être attribuables à l'exposition des travailleuses de l'industrie de la chaussure à d'autres produits chimiques comme l'acétone et l'hexane. Une étude a fait ressortir de légères augmentations non significatives du taux d'avortements spontanés chez des femmes employées par huit sociétés pharmaceutiques finlandaises ayant été exposées au toluène dans le cadre de leur emploi (Taskinen et coll., 1986). Le taux de reproduction a aussi été examiné. Les femmes classées comme fortement exposées au toluène en raison de leur emploi ont présenté une diminution significative de la fertilité, telle que mesurée par le délai de conception (Sallmén et coll., 2008). Bien qu'il existe peu de données à l'appui des effets du toluène sur la reproduction, l'exposition à celui-ci pourrait être associée à des avortements spontanés.

Aucune étude n'a abordé les effets de l'éthylbenzène sur la reproduction, mais deux des études ci-dessus ayant porté sur l'exposition aux solvants englobaient aussi les effets des xylènes. Les travailleuses de laboratoire ayant manipulé des xylènes plus de trois fois par semaine ont présenté un taux accru d'avortements spontanés (RC = 3,1, IC à 95 % = 1,3-7,5) (Taskinen et coll., 1994), mais la fréquence des avortements spontanés n'a pas été affectée dans l'autre étude sur l'exposition professionnelle (Lindbohm et coll., 1990). À l'instar du toluène, les xylènes n'ont pas affecté de façon significative la fertilité des femmes y ayant été exposées dans le cadre de leur emploi (Sallmén et coll., 2008).

En dépit des observations contradictoires décrites, il existe des preuves indiquant que le toluène a induit des avortements spontanés chez l'humain. Par contre, les données existantes ne permettent pas d'établir que l'exposition à l'éthylbenzène et aux xylènes est associée à des effets sur la reproduction humaine.

9.1.3.2 Effets sur le développement

Il existe très peu de données épidémiologiques sur les effets de l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes sur le développement chez l'humain. Des études ayant porté sur de fortes expositions au toluène dues à une utilisation abusive pendant la grossesse ont fait ressortir des cas excédentaires de naissances prématurées, de faible poids/taille à la naissance, de microcéphalie et de retard de développement postnatal (Arnold et coll., 1994; Pearson et coll., 1994). Cependant, aucune association n'a été établie avec les malformations congénitales chez les travailleuses de laboratoire fréquemment exposées au toluène ou aux xylènes (Taskinen et coll., 1994). Par ailleurs, une étude sur les anomalies du tube neural en fonction des concentrations estimées de toluène (0,01-14,3 µg/m3), d'éthylbenzène (0,01-2,74 µg/m3) et de xylènes (0,18-8,84 µg/m3) dans l'air ambiant n'a révélé aucune hausse des taux de spina-bifida ni d'anencéphalie (Lupo et coll., 2011). Il est donc peu probable que l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes ait des effets sur le développement, excepté à de très fortes doses, comme dans le cas des personnes ayant une dépendance aux solvants.

9.2 Effets chez les animaux de laboratoire

9.2.1 Toxicité aigüe

La toxicité aigüe du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes est relativement faible. La dose létale médiane (DL50) orale du toluène chez le rat varie de 5 300 à 7 400 mg/kg p.c., tandis que l'exposition cutanée chez le lapin a donné une DL50 de 12 400 mg/kg p.c. (INRS, 2008). La concentration létale médiane (CL50) du toluène inhalé pendant 4 heures s'est située à 7 500 ppm (2 828 mg/m3) chez le rat et à 5 308-7 440 ppm (20 011-28 048 mg/m3) chez la souris (INRS, 2008). L'exposition orale du rat à l'éthylbenzène a donné des DL50 d'environ 2 500 mg/kg p.c. (Wolf et coll., 1956) et de 4 769 mg/kg p.c. (Smyth et coll., 1962). Les DL50 orales des isomères du xylène chez le rat vont de 3,6 à 5,8 g/kg p.c., tandis que la CL50 par inhalation pendant 4 heures est d'environ 6 500 ppm (28 210 mg/m3) chez le rat et de 4 000-5 000 ppm (17 360-18 850 mg/m3) chez la souris (CIRC, 1989; OMS, 2004).

9.2.2 Exposition de courte durée

9.2.2.1 Effets neurologiques

Plusieurs études ont exploré les effets neurologiques du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes chez des animaux de laboratoire. Bien que la plupart des données concernent l'exposition par inhalation, des effets neurotoxiques ont aussi été notés à la suite d'une exposition par voie orale.

Chez l'animal, l'exposition au toluène est associée à des altérations du comportement et du système nerveux central, notamment des modifications de la neurotransmission. On a trouvé une seule étude sur l'exposition orale par l'eau potable : on y a constaté que l'exposition à des concentrations de toluène à partir de 17 mg/L pendant 28 jours (correspondant à un apport journalier de 5 mg/kg p.c.) entraînait l'élévation de la norépinéphrine, de la dopamine et de la sérotonine dans l'hypothalamus de souris CD-1 mâles ainsi que dans d'autres régions du cerveau (Hsieh et coll., 1990). Dans une étude par gavage oral, une nécrose des neurones a été observée dans le gyrus denté et l'hippocampe de rats mâles et femelles à partir de 1 250 mg/kg p.c. par jour, 5 jours par semaine, après une durée d'exposition de treize semaines (Huff, 1990; NTP, 1990). Les pertes de tissu cérébral pourraient être liées à la dégradation des phospholipides (Kyrklund et coll., 1987). D'autres études sur l'exposition par inhalation ont fait ressortir des modifications du nombre de neurotransmetteurs, notamment en ce qui concerne la norépinéphrine, la dopamine et la sérotonine, dans le cerveau de rats, ainsi que des modifications des concentrations sériques de prolactine à des concentrations de toluène à partir de 40 ppm ou 151 mg/m3 (Ladefoged et coll., 1991; Von Euler et coll., 1994; Berenguer et coll., 2003; Soulage et coll., 2004). Les études portent à croire que ces effets peuvent persister considérablement après l'exposition au toluène. Par exemple, une augmentation de l'affinité de liaison à l'agoniste de la dopamine D2 au niveau du noyau caudé et du putamen a été observée chez le rat 29-40 jours après l'exposition à 80 ppm (302 mg/m3) de toluène pendant 4 semaines (6 heures/jour, 5 jours/semaine) (Hillefors-Berglund et coll., 1995). L'exposition à des concentrations de toluène à partir de 500 ppm (1 885 mg/m3) pendant 6 mois, à raison de 6 heures par jour, 5 jours par semaine, a modifié les taux de norépinéphrine, de dopamine et de sérotonine dans diverses régions du cerveau chez le rat, même 4 mois après l'exposition (Ladefoged et coll., 1991). L'exposition au toluène par inhalation a aussi modifié le comportement des rats à des concentrations à partir de 40 ppm (151 mg/m3) durant 104 heures par semaine (Forkman et coll., 1991; Berenguer et coll., 2003; Beasley et coll., 2010, 2012; Bikashvili et coll., 2012), tandis que d'autres chercheurs n'ont signalé aucun effet sur le comportement (Ladefoged et coll., 1991; Von Euler et coll., 1994). Des altérations importantes du comportement ont été recensées au chapitre de la mémoire, de la résolution de problèmes, de l'accoutumance à la narcose induite par le toluène et de l'élevage. D'autres études donnent à penser que l'inhalation de toluène pourrait être liée à la mort neuronale, comme en témoignent chez le rat la diminution du poids du cerveau entier et du cortex cérébral après l'inhalation de 320 ppm (1 206 mg/m 3) de toluène pendant 30 jours et la diminution du poids du système limbique sous-cortical après 4 semaines d'exposition à des concentrations de toluène dépassant 80 ppm ou 302 mg/m3 (Kyrklund et coll., 1987; Hillefors-Berglund et coll., 1995). Une étude sur l'injection intrapéritonéale de 300 mg/kg p.c. de toluène chez la souris a révélé un affaiblissement de la mémoire accompagné d'une régulation à la baisse de la transcription des gènes intervenant dans la mémoire (p. ex. Nr1 et Nr2b) dans l'hippocampe.

Deux études seulement ont exploré les effets neurologiques de l'exposition à l'éthylbenzène chez l'animal. Li et coll. (2010) ont signalé que l'exposition par gavage oral à des doses allant jusqu'à 500 mg/kg p.c. par jour, pendant 90 jours, n'avait induit aucune anomalie neurologique chez le rat en ce qui concerne l'activité motrice, les fonctions autonomes, les réponses sensorimotrices, les réactions, la démarche ni quelque manifestation clinique connexe que ce soit. Des effets neurologiques, à savoir la diminution de l'étalement de la patte posée sur le sol chez les rats mâles et l'augmentation de l'activité motrice chez les rats femelles ayant reçu 750 mg/kg p.c. par jour pendant 13 semaines (5 jours/semaine), ont été observés par Mellert et coll. (2007). Cependant, les effets ont seulement été observés chez les mâles. Aucun effet n'a été observé aux doses d'exposition plus faibles.

L'exposition de souris B6C3F1 à des xylènes par gavage oral pendant 13 semaines a causé de la léthargie, des respirations rapides et superficielles, de l'instabilité, des tremblements et de la parésie à la dose maximale de 2 000 mg/kg p.c., mais seulement pour une période de 15-60 minutes, environ 5-10 minutes après l'exposition (NTP, 1986). Cependant, l'inhalation d'une concentration de 80 ppm (347 mg/m3) 6 heures par jour, 5 jours par semaine, n'a pas affecté la liaison à l'agoniste de la dopamine D2 au niveau du noyau caudé et du putamen chez le rat (Hillefors-Berglund et coll., 1995). Ces résultats indiquent que des effets neurologiques passagers peuvent se produire peu de temps après l'exposition aux xylènes. Toutefois, des études visant à mesurer l'équilibre et la coordination chez le rat à l'aide du test de la tige tournante et d'autres tests neurocomportementaux ont fait ressortir des effets potentiels à plus long terme de l'exposition au m-xylène. Korsak et coll. (1992) ont montré que l'exposition de 12 rats Wistar à 100 ppm (434 mg/m3) de m-xylène pendant 6 mois et à 1 000 ppm (4 340 mg/m3) pendant 3 mois diminuait la performance au test de la tige tournante et l'activité spontanée 24 heures après l'exposition finale (cet intervalle permettrait aux animaux d'éliminer la majorité des xylènes). Dans une étude semblable menée par les mêmes chercheurs, l'exposition par inhalation de 12 rats Wistar mâles à 0, 50 ou 100 ppm (ou 0, 217 et 434 mg/m3) a entraîné une diminution de la performance au test de la tige tournante dans le groupe traité par 100 ppm et une réduction du léchage de la patte au test de la plaque chaude dans le groupe traité par 50 ppm (Korsak et coll., 1994). D'autres études menées chez le rat indiquent que l'exposition au m-xylène pendant plusieurs semaines affecte la capacité de se retrouver dans un labyrinthe et provoque d'autres anomalies neurocomportementales (Gralewicz et coll., 1995; Gralewicz et Wiaderna, 2001).

Le toluène et les xylènes sont donc associés à des altérations du comportement et de la neurotransmission ainsi qu'à des lésions des tissus cérébraux, qui peuvent contribuer à des troubles neurologiques persistants. On ne sait pas si l'éthylbenzène est associé à des effets neurologiques néfastes.

9.2.2.2 Effets sur les reins, le foie et d'autres tissus

Les expositions de courte durée au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes, que ce soit par voie orale ou par inhalation, peuvent affecter plusieurs tissus. Les tissus les plus souvent touchés sont le foie et les reins, mais des effets ont aussi été observés au niveau du cerveau, du cœur et des poumons.

L'exposition au toluène par voie orale et par inhalation est associée à des effets dans divers tissus. L'exposition du rat au toluène par gavage oral pendant 13 semaines (5 jours/semaine) et par inhalation du corps entier pendant 15 semaines (6,5 heures/jour, 5 jours/semaine) a entraîné l'augmentation du poids relatif du foie et des reins chez les deux sexes à des doses à partir de 625 mg/kg p.c. et à des concentrations à partir de 1 250 ppm ou 47 125 mg/m 3 (NTP, 1990). Dans un groupe de rats exposés par inhalation, des augmentations du poids relatif du cerveau, des poumons et du cœur ont été observées chez les deux sexes et le poids relatif des testicules a augmenté chez les mâles aux concentrations supérieures à 2 500 ppm (9 425 mg/m 3). Une augmentation du poids relatif du foie a aussi été constatée chez des souris des deux sexes ayant été exposées à des doses de toluène à partir de 312 mg/kg p.c. (5 jours/semaine, 13 semaines) et à des concentrations à partir de 625 ppm ou 2 356 mg/m3 (6,5 heures/jour, 5 jours/semaine, 14 semaines) (NTP, 1990). Les souris mâles exposées à plus de 1 250 mg/kg p.c. ont aussi présenté une augmentation du poids relatif du cerveau et des testicules. Malgré les augmentations du volume du foie et des reins signalées chez le rat et chez la souris, aucun signe de lésion histopathologique n'a été détecté dans ces tissus. Le nombre de lésions s'est accru de façon significative seulement chez les rats exposés par gavage oral. Ces rats présentaient une augmentation de la nécrose cérébrale, particulièrement dans l'hippocampe, aux doses dépassant 1 250 mg/kg p.c. (mâles) et 2 500 mg/kg p.c. (femelles). Un nombre accru d'hémorragies a été noté dans la vessie, mais les rats de ce groupe expérimental (5 000 mg/kg p.c.) sont morts peu après l'exposition (NTP, 1990). Dans d'autres études, des rats exposés au toluène par gavage oral (jusqu'à 422 mg/kg p.c. pendant 193 jours) et par intubation (560 mg/kg p.c. pendant jusqu'à 6 mois) n'ont manifesté aucun signe de toxicité (Wolf et coll., 1956; PISSC, 1986). Par conséquent, l'exposition au toluène est associée à une augmentation du poids de certains organes, particulièrement le foie et les reins, mais peu de signes de lésions histopathologiques ont été observés ailleurs que dans le cerveau.

Mellert et coll. (2007) ont constaté que l'administration d'éthylbenzène à des rats mâles et femelles par gavage oral (jusqu'à 750 mg/kg p.c. par jour pendant 4 et 13 semaines, respectivement) avait induit des modifications histopathologiques et de la chimie sérique. Après 13 semaines d'exposition, les modifications de la chimie sérique comprenaient l'élévation des taux d'alanine aminotransférase, de bilirubine totale, de cholestérol, de potassium, de calcium et de magnésium aux doses dépassant 250 mg/kg p.c. et les modifications histopathologiques comprenaient l'augmentation du volume du foie et des reins aux doses de 75 mg/kg p.c. et plus. L'incidence de l'hypertrophie centrolobulaire hépatocytaire et de la néphropathie par hyalinisation était plus élevée après 4 et 13 semaines d'exposition. Cependant, cette hausse n'était pas statistiquement significative. Une autre étude sur l'exposition orale, dans laquelle des rats ont été traités pendant 90 jours, a fait ressortir une augmentation du volume du foie et des reins qui était significative aux doses supérieures à 250 mg/kg p.c. par jour, mais seulement chez les rats mâles (Li et coll., 2010). L'exposition à l'éthylbenzène par inhalation pendant 13 semaines (6 heures/jour, 5 jours/semaine) a aussi fait augmenter le volume du foie et des reins de rats F344/N mâles exposés à des concentrations de 500-750 ppm ou 2 170-3 255 mg/m3 (NTP, 1992). La phosphatase alcaline, qui est un marqueur de dysfonction hépatique, était élevée chez les rats mâles et femelles tout au long de leur exposition à des concentrations de 100 ppm (434 mg/m3) et plus. Des souris B6C3F1 mâles et femelles ont aussi présenté une augmentation du volume du foie à des doses dépassant 750 ppm (3 255 mg/m3). Toutefois, l'éthylbenzène n'a induit aucune modification histopathologique dans quelque tissu que ce soit chez le rat ou la souris au cours de cette étude.

Une augmentation du volume du foie et des reins a aussi été observée chez des rats ayant reçu par gavage oral des mélanges de xylènes de 750 mg/kg p.c. et plus par jour pendant 90 jours consécutifs (Condie et coll., 1988). Des néphropathies chroniques légères ont aussi été notées chez les femelles (Condie et coll., 1988). Aucun effet néphrotique n'a été signalé chez les rats mâles ayant reçu 0,5 ou 2,0 g/kg p.c. de m-xylène par gavage oral 5 jours par semaine pendant 4 semaines (Borriston Laboratories Inc., 1983). Les études sur l'exposition aux xylènes (m-xylène et p-xylène) par gavage oral chez le rat n'ont révélé aucune anomalie histopathologique dans quelque tissu ou organe que ce soit à des doses allant jusqu'à 800 mg/kg p.c. pendant 90 jours (Wolf, 1988a, 1988b). Cependant, le taux de survie a diminué et une étude a fait ressortir des tachetures sur les poumons ainsi qu'une incapacité des poumons à se collaber aux doses de 200 mg/kg p.c. par jour et plus (exposition de 90 jours) (Wolf, 1988a).

L'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes est donc principalement associée à des effets hépatiques et rénaux, notamment l'augmentation du volume du foie et des reins, la néphropathie et l'hypertrophie hépatique. Il existe aussi des preuves que le toluène contribue à des effets dans le cerveau.

9.2.2.3 Autres effets

(a) Ototoxicité

Des réactions d'ototoxicité ont régulièrement été associées aux trois composés chimiques. Bien que la majorité des données se rapportaient à l'exposition par inhalation, une étude a révélé une perte auditive chez des rats exposés par voie orale au toluène, à l'éthylbenzène et à l'o-xylène, au m-xylène et au p-xylène individuellement à raison de 8,47 mmol/kg p.c. par jour (Gagnaire et Langlais, 2005). L'ototoxicité a été démontrée par la perte de cellules ciliées externes dans l'organe de l'audition. L'éthylbenzène a causé une ototoxicité sévère qui s'est manifestée par la disparition quasi totale de trois rangées de cellules ciliées externes dans la columelle et l'apex de la cochlée. Une ototoxicité modérée a été associée au toluène et au p-xylène, mais non aux autres isomères du xylène. L'exposition par inhalation à l'éthylbenzène et à un mélange de deux isomères du xylène (6 heures/jour, 6 jours/semaine, pendant 13 semaines) a causé une perte auditive qui a été confirmée par les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral et par la disparition modérée à sévère des cellules ciliées externes de l'organe de l'audition à des concentrations allant de 200 à 800 ppm (ou 868 à 3 472 mg/m3) dans le cas de l'éthylbenzène et de 250 à 2 000 ppm (ou 1 085 à 8 680 mg/m3) dans le cas du mélange d'isomères du xylène (Gagnaire et coll., 2007). D'autres études sur l'exposition par inhalation au toluène et à l'éthylbenzène chez l'animal ont appuyé l'existence d'une ototoxicité, mais seulement à des doses relativement élevées d'au moins 1 000 ppm (3 770 mg/m 3) dans le cas du toluène et 400 ppm (1 736 mg/m3) dans le cas de l'éthylbenzène (Johnson et Canlon, 1994; Campo et coll., 1997; Lataye et Campo, 1997; Cappaert et coll., 1999, 2000). Contrairement aux données concernant l'humain, les données concernant les animaux de laboratoire portent à croire que des lésions directes de l'appareil auditif pourraient être la cause de l'ototoxicité. Le rôle exact des effets neurologiques dans l'ototoxicité est inconnu.

(b) Immunotoxicité

Plusieurs études semblent indiquer que le toluène est un immunosuppresseur. Une étude sur des souris exposées par l'eau potable a révélé une diminution du poids du thymus, une prolifération de lymphocytes spléniques en réponse à des alloantigènes, une réponse des cellules formatrices d'anticorps et la production d'interleukine 2, mais seulement à la dose maximale de 405 mg/L (Hsieh et coll., 1989). Ces observations sont appuyées par une étude ultérieure menée par le même groupe à l'aide des mêmes doses (Hsieh et coll., 1991). Une autre étude dans laquelle la dose la plus élevée était de 325 mg/L n'a fait ressortir aucun effet immunotoxique évident (Hsieh et coll., 1991).

L'exposition de rats à l'éthylbenzène à des concentrations allant jusqu'à 500 ppm (2 170 mg/m3) n'a eu aucun effet immunotoxique, comme en témoigne l'absence de réponse des cellules formatrices d'anticorps contre les érythrocytes de mouton (Li et coll., 2010). Le seul signe d'immunotoxicité des xylènes est la diminution du poids du thymus et de la rate chez des rats exposés au p-xylène à raison de 2 000 mg/kg p.c. par jour (Condie et coll., 1988).

9.2.3 Exposition de longue durée et cancérogénicité

Des études de longue durée chez l'animal ont été effectuées concernant le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes. Dans l'ensemble, ces études ne portent pas à croire que l'exposition au toluène et aux xylènes par voie orale, par inhalation ou par voie cutanée puisse induire des tumeurs. Cependant, on a observé des signes de tumorigénèse induite par l'éthylbenzène, ainsi que de la néphropathie et de l'hyperplasie rénale.

Le potentiel cancérogène du toluène a été examiné dans des études visant l'exposition orale et l'inhalation. Dans l'étude sur l'exposition orale, on a administré à des rats Sprague-Dawley mâles et femelles 500 ou 800 mg/kg p.c. de toluène dans de l'huile d'olive au moyen d'une sonde gastrique (4-5 jours/semaine pendant 104 semaines). Après l'exposition de 104 semaines, on a laissé les rats mourir de causes naturelles. Cette étude a fait augmenter les cancers du cerveau, les leucémies et les lymphomes chez les deux sexes ainsi que les cancers du sein chez les femelles (Maltoni et coll., 1997). Cependant, aucun effet lié à la dose n'était apparent et les détails de l'étude n'ont pas été présentés d'une manière permettant de tirer des conclusions solides sur la cancérogénicité. Le toluène n'a pas eu d'incidence sur le nombre de tumeurs dans une étude où des souris et des rats ont inhalé pendant 2 ans des concentrations allant jusqu'à 1 200 ppm ou 4 524 mg/m3 (doses administrées pendant 6,5 heures/jour, 5 jours/semaine) (NTP, 1990; Huff, 2003). Bien que quelques cas de néoplasme du nez, du rein ou de l'estomac antérieur aient été signalés chez les rats femelles, ils ont été jugés sans rapport avec l'exposition au toluène. Presque tous les rats, y compris les témoins, ont présenté une néphropathie, mais la sévérité de l'affection était légèrement plus élevée chez les rats des deux sexes ayant été exposés à 1 200 ppm. Il existe donc peu de preuves d'une cancérogénicité du toluène chez les animaux de laboratoire. Cependant, une exposition chronique pourrait être associée à une augmentation de la sévérité des néphropathies.

L'éthylbenzène a eu des effets cancérogènes chez les animaux de laboratoire exposés tant par inhalation que par voie orale. Dans des essais biologiques de cancérogénicité par inhalation et par exposition orale, des groupes de 50 souris B6C3F1 et de rats F344/N des deux sexes ont été exposés à 0, 75, 250 ou 750 ppm (0, 326, 1 090 ou 3 260 mg/m3) de vapeurs d'éthylbenzène pendant 103 et 104 semaines, respectivement (Chan et coll., 1998; NTP, 1999). Une hausse significative, liée aux concentrations administrées, de l'incidence des adénomes bronchio-alvéolaires, de même que des adénomes bronchio-alvéolaires et cancers du poumon combinés, et une hausse significative de l'incidence des métaplasies de l'épithélium alvéolaire ont été observées chez les souris mâles à la concentration de 750 ppm. Les souris femelles ont présenté des augmentations liées aux concentrations administrées de l'incidence des adénomes hépatocellulaires et des adénomes et carcinomes combinés. Ces augmentations étaient significatives à la concentration de 750 ppm comparativement à la concentration nulle, mais elles se trouvaient à l'intérieur des limites des groupes témoins historiques. Les foyers éosinophiles, considérés comme des précurseurs de la néoplasie hépatocellulaire, étaient significativement plus fréquents dans le foie des souris femelles à 750 ppm. Les rats mâles ont présenté une hausse, liée aux concentrations administrées, de l'incidence des adénomes et des carcinomes des tubules rénaux, et cette hausse était significative à 750 ppm. Des augmentations significatives de l'incidence des adénomes des tubules rénaux chez les rats femelles et des adénomes testiculaires chez les rats mâles ont aussi été notées dans le groupe exposé à la concentration de 750 ppm. Les rats des deux sexes ont présenté une hausse significative de l'incidence des hyperplasies focales des tubules rénaux à 750 ppm; cette observation était considérée par les auteurs de l'étude comme un stade précurseur de la formation d'adénomes. Des augmentations proportionnelles à la dose de la sévérité de la néphropathie progressive chronique ont été notées chez les rats femelles à tous les niveaux d'exposition et chez les rats mâles au niveau le plus élevé (Chan et coll., 1998; NTP, 1999).

Dans une étude, on a constaté des augmentations non liées à la dose du nombre total de tumeurs malignes et de cancers du cerveau chez des rats Sprague-Dawley mâles et femelles ayant reçu, par sonde gastrique, de l'éthylbenzène mélangé dans de l'huile d'olive extra-vierge à raison de 500 et 800 mg/kg p.c. par jour pendant 104 semaines (Maltoni et coll., 1997) comparativement à des rats témoins. Il n'est toutefois pas possible d'en tirer des conclusions solides en raison de l'absence de relations dose-réponse et de la présentation inadéquate des détails de l'étude.

D'autres études ont exploré les effets à long terme propres aux xylènes. Aucune hausse de l'incidence des tumeurs n'a été observée chez des rats Fischer 344 mâles et femelles exposés à un mélange de xylènes (60 % de m-xylène, 14 % de p-xylène, 9 % d'o-xylène et 17 % d'éthylbenzène) à raison de 0-500 mg/kg p.c. par jour ni chez des souris B6C3F1 mâles et femelles exposées à un mélange de xylènes à raison de 0-1 000 mg/kg p.c. par jour; dans les deux cas, les doses ont été mélangées à de l'huile de maïs et administrées par gavage oral pendant 103 semaines (5 jours/semaine) (NTP, 1986). Bien que quelques cas de tumeurs testiculaires aient été signalés dans le groupe de rats soumis à la plus forte exposition, ils n'ont pas été attribués au traitement. Les souris mâles et femelles exposées à la dose de 1 000 mg/kg p.c. par jour ont présenté des signes d'hyperactivité 5-30 minutes après l'exposition à compter de la semaine 4. Des augmentations non liées à la dose des cancers du sein ont été notées chez les rats femelles exposées à 500 mg/kg p.c. de xylènes par jour, et des augmentations des cancers du cerveau, des lymphomes et des leucémies ont été notées chez les rats mâles et femelles exposés à 500 et 800 mg/kg p.c. par jour pendant 104 semaines (Maltoni et coll., 1997). Cependant, tel que mentionné précédemment, le manque d'information sur l'étude empêche d'interpréter les données adéquatement.

Les études de longue durée sur la toxicité du toluène et des xylènes indiquent qu'il est peu probable que l'exposition chronique à ces composés chimiques cause des tumeurs ou d'autres effets indésirables pour la santé. Aucune étude acceptable sur l'exposition à l'éthylbenzène par voie orale n'a été publiée. Cependant, l'inhalation d'éthylbenzène a été associée à une hausse de l'incidence des tumeurs. Une exposition de longue durée à l'éthylbenzène a aussi été associée à de la néphropathie et de l'hyperplasie rénale.

9.2.4 Génotoxicité

Dans l'ensemble, les études sur le toluène, sur l'éthylbenzène et sur les xylènes reposant sur des cultures cellulaires d'animaux de laboratoire ont fourni très peu de preuves d'une activité génotoxique.

9.2.4.1 Observations in vitro

Il n'existe pas de données probantes indiquant que le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont des agents génotoxiques. Le toluène s'est avéré négatif dans un essai de mutation inverse sur Salmonella typhimurium, avec ou sans activation métabolique (Nestman et coll., 1980; Bos et coll., 1981; Connor et coll., 1985; Nakamura et coll., 1987; NTP, 1990; Huff, 2003). Le toluène n'a pas non plus induit d'échange de chromatides sœurs ni d'aberration chromosomique dans des cellules ovariennes de hamster chinois (NTP, 1990) ou des lymphocytes humains (Gerner-Smidt et Friedrich, 1978), même à des concentrations inhibant la croissance cellulaire dans les lymphocytes humains (Richer et coll., 1993). L'éthylbenzène a été négatif dans un essai de mutation inverse sur S. typhimurium (Florin et coll., 1980; Nestman et coll., 1980; Dean et coll., 1985; Zeiger et coll., 1992), dans un essai de mutation inverse sur Escherichia coli (Dean et coll., 1985), dans un essai de conversion génique sur Saccharomyces cerevisiae et dans un essai de mutation directe sur des lymphomes de souris (Wollny, 2000; Seidel et coll., 2006), chaque fois avec ou sans activation métabolique. Une étude a révélé la présence de cassures simple brin, mais non double brin, de l'acide désoxyribonucléique (ADN) (Chen et coll., 2008).

L'éthylbenzène n'induit pas de lésions chromosomiques dans les cellules épithéliales hépatiques de rat ni dans les cellules ovariennes de hamster chinois (Dean et coll., 1985); cela dit, des micronoyaux ont été observés dans des cellules embryonnaires de hamster syrien (Gibson et coll., 1997). En général, aucun échange de chromatides sœurs n'a été remarqué, mais une étude a fait ressortir des augmentations marginales de la fréquence des échanges de chromatides sœurs dans les lymphocytes humains à une dose cytotoxique d'éthylbenzène (Norppa et Vainio, 1983).

Les mélanges de xylènes et les isomères du xylène pris individuellement (o-xylène, m-xylène et p-xylène) se sont avérés négatifs dans un essai de mutation inverse sur S. typhimurium (Florin et coll., 1980; Bos et coll., 1981; Haworth et coll., 1983; Connor et coll., 1985; Shimizu et coll., 1985) et dans un essai de mutation inverse sur E. coli (Shimizu et coll., 1985; DeMarini et coll., 1991), chaque fois avec ou sans activation métabolique. L'éthylbenzène n'a pas induit d'échange de chromatides sœurs ni d'aberration chromosomique dans les lymphocytes humains (Gerner-Smidt et Friedrich, 1978; Richer et coll., 1993) ou les cellules ovariennes de hamster chinois (Anderson et coll., 1990). Des cassures de brins d'ADN ont été constatées dans des lymphocytes humains, mais elles ont été associées à des effets cytotoxiques (Morozzi et coll., 1999). Les données n'indiquent donc pas que le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont génotoxiques in vitro.

9.2.4.2 Observations in vivo

Aucun signe tangible de génotoxicité du toluène, de l'éthylbenzène ni des xylènes n'a été observé chez les animaux de laboratoire. Chez la souris, l'injection intrapéritonéale de deux doses des trois solvants (c.-à-d. toluène, éthylbenzène et isomères du xylène [o-xylène, m-xylène et p-xylène]) allant de 0,12 à 0,75 mL/kg p.c. (jusqu'à 70 % de la DL50) n'a pas induit la formation de micronoyaux dans les érythrocytes polychromatiques de la moelle osseuse, sauf dans le cas du toluène, pour lequel des micronoyaux ont été détectés aux doses de 0,25 mL/kg p.c. et plus (Mohtashamipur et coll., 1985). Toutefois, l'inhalation de 500 ppm (1 885 mg/m3) de toluène 6 heures par jour pendant 8 semaines n'a pas induit de cassures de brins d'ADN dans les cellules du sang périphérique, dans la moelle osseuse ni dans le foie des souris (Plappert et coll., 1994). L'exposition orale de la souris à un mélange d'isomères du xylène à des doses allant jusqu'à 1 000 mg/kg p.c. n'a pas induit d'aberration chromosomique ni de micronoyau dans les réticulocytes (ATSDR, 2007). Malgré l'existence de signes de cancérogénicité chez les animaux de laboratoire, les rares études à avoir porté sur la génotoxicité de l'éthylbenzène ont donné des résultats négatifs. L'injection intrapéritonéale d'éthylbenzène à des doses allant jusqu'à 650 mg/kg p.c. n'a produit aucun signe d'effet génotoxique (Litton Bionetics, 1978; Washington et coll., 1983; Mohtashamipur et coll., 1985). Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes ne sont donc probablement pas génotoxiques.

9.2.5 Toxicité pour la reproduction et le développement

9.2.5.1 Effets sur la reproduction

Aucune preuve concluante indiquant que le toluène, l'éthylbenzène ou les xylènes ont des effets indésirables sur la reproduction n'a été trouvée. La seule étude à avoir exploré les effets sur la reproduction de l'exposition orale au toluène n'a fait ressortir aucun effet sur la viabilité des portées de souris exposées à une dose maximale de 2 350 mg/kg p.c. pendant les jours 7 à 14 de la gestation (Smith, 1983). D'autres études ont porté sur l'exposition par inhalation. Des diminutions du nombre de spermatozoïdes et du poids des épididymes ont été observées chez des rats mâles exposés à 2 000 ppm (7 540 mg/m 3) pendant 90 jours (6 heures/jour) (Ono et coll., 1996), tandis que les rats femelles exposés à 3 000 ppm (11 310 mg/m3) pendant 7 jours ont présenté un grand nombre de vacuoles et de zones lytiques ainsi qu'une dégénérescence des mitochondries dans les follicules antraux des ovaires (Tap et coll., 1996). Cependant, aucune lésion histopathologique liée au traitement n'a été observée dans les testicules ni les ovaires des rats et des souris, même après 2 ans d'exposition à 1 200 ppm (4 524 mg/m3) de toluène (NTP, 1990). Ungváry (1985) a montré que l'exposition continue de lapines gravides à 267 ppm (1 007 mg/m3) de toluène durant les jours 7 à 20 de la gestation entraînait une diminution de la prise de poids pendant la gestation et des avortements spontanés. L'exposition de rats à des doses allant jusqu'à 3 000 ppm de toluène n'a eu aucun effet indésirable sur l'implantation, le nombre ou la viabilité des fœtus ni sur la répartition des sexes au moment de la césarienne le jour 20 de la gestation (Roberts et coll., 2007). Une diminution du poids corporel chez les mères a cependant été relevée à la concentration de 1 500 ppm. Les deux études ayant porté sur les effets du toluène sur deux générations n'ont fait ressortir aucun effet indésirable sur la reproduction. L'accouplement, la fertilité et les indices de gestation chez les petits des rates gravides exposées à des concentrations allant jusqu'à 1 200 ppm (6 heures/jour entre les jours 9 et 21 de la gestation) n'ont pas été affectés (Thiel et Chahoud, 1997). De plus, aucun trouble excédentaire de la reproduction n'a été noté chez les rates exposées de façon intermittente à des concentrations allant jusqu'à 2 000 ppm (6 heures/jour jusqu'à 95 jours) en comparaison avec des témoins (API, 1985).

Une seule étude a exploré les effets directs de l'exposition à l'éthylbenzène par voie orale chez des animaux de laboratoire. L'administration orale de 500 mg/kg p.c. et plus à des rats a entraîné la diminution des taux d'hormones périphériques pendant le diœstrus (Ungváry, 1986). Dans une étude sur deux générations visant à évaluer la capacité de reproduction à la suite de l'inhalation d'éthylbenzène (Faber et coll., 2006), des rats ont été exposés à des doses allant jusqu'à 500 ppm pendant la période de préaccouplement (au moins 70 jours chez les deux sexes), pendant la gestation (jusqu'au jour 20) et pendant les jours 5 à 21 de l'allaitement (avec une exposition orale qui entraînerait les mêmes concentrations sanguines les jours 1 à 4 de l'allaitement). Cette étude n'a révélé aucun effet sur la reproduction, que ce soit au chapitre de l'accouplement et de la fertilité, du temps de gestation, de la taille et de la viabilité des portées ou de la répartition des sexes. Le seul effet significatif a été la réduction de la durée du cycle œstral chez les femelles F0 (parents) (Faber et coll., 2006). L'exposition par inhalation de rats Wistar femelles à des doses allant jusqu'à 1 000 ppm d'éthylbenzène pendant 3 semaines n'a pas affecté leur fertilité (Hardin et coll., 1981). L'exposition par inhalation de souris et de rats à des doses d'éthylbenzène de 99 à 975 ppm pendant 13 semaines a causé la diminution du poids des épididymes chez la souris, mais aucun autre effet touchant la reproduction, qu'il s'agisse des spermatozoïdes ou des cycles menstruels, n'a été observé chez les deux espèces (NTP, 1992). Il existe donc peu de preuves indiquant que l'éthylbenzène affecte la reproduction des animaux de laboratoire.

Il existe peu d'information concernant les effets de l'exposition aux xylènes sur la reproduction, et aucune étude n'a porté sur l'exposition par voie orale. Aucune altération des testicules n'a été observée à des concentrations allant jusqu'à 1 000 ppm ou 4 340 mg/m3 (Nylén et coll., 1989; Korsak et coll., 1994). Il est donc peu probable que les xylènes aient des effets indésirables sur la reproduction.

Les informations trouvées sur le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes ne portent pas à croire que l'exposition à ces composés puisse avoir des effets indésirables sur la reproduction, même aux fortes doses administrées dans le cadre des études ci-dessus.

9.2.5.2 Effets sur le développement

Il existe des preuves limitées indiquant que l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes entraîne des effets toxiques sur le développement.

Une série d'expériences chez le rat a permis d'établir que l'exposition par gavage oral à 520 ou 650 mg/kg p.c. de toluène causait la diminution du poids des fœtus, du foie et des reins (Gospe et coll., 1994, 1996; Gospe et Zhou, 2000). On a aussi recensé des cas de diminution du poids du cœur et d'ossification du squelette à la dose la plus élevée (Gospe et coll., 1996; Gospe et Zhou, 2000). Les effets sur le poids des organes sont survenus le jour 19 de la gestation et ont persisté jusqu'au jour postnatal 10. Bien que les différences de poids des organes entre les animaux de laboratoire et les animaux témoins eussent disparu le jour postnatal 21, des analyses histologiques des cerveaux ont révélé une diminution de la densité des neurones et des altérations de la coloration à la bromodéoxyuridine, indiquant que le toluène influe sur la neurogénèse et sur la migration des neurones (Gospe et Zhou, 2000). L'exposition par inhalation du rat a aussi entraîné la diminution du poids des fœtus à des concentrations de toluène de 1 000 mg/m3 (8 heures/jour les jours de gestation 1 à 21) (PISSC, 1986) et à partir de 250 ppm ou 943 mg/m3 (6 heures/jour les jours de gestation 6 à 15) (Roberts et coll., 2007). Une autre étude a révélé des diminutions du nombre de spermatozoïdes et du poids des épididymes chez des rats exposés à 2 000 ppm (7 540 mg/m3) 6 heures par jour, pendant 90 jours, malgré l'absence de troubles de la reproduction (Ono et coll., 1996). Une étude sur la reproduction sur deux générations n'a fait ressortir aucun effet indésirable chez des rats exposés à 2 000 ppm de toluène (6 heures/jour) pendant des périodes allant jusqu'à 95 jours (API, 1985).

Aucune étude sur l'exposition orale à l'éthylbenzène n'a été trouvée. Chez des rats exposés par inhalation, le nombre de fœtus ayant des côtes surnuméraires a augmenté à partir des concentrations de 100 ppm (434 mg/m3) d'éthylbenzène (Hardin et coll., 1981). L'exposition de rates gravides à des concentrations d'éthylbenzène dépassant 1 000 ppm (4 340 mg/m3) les jours de gestation 6 à 20 a causé une diminution du poids fœtal (Saillenfait et coll., 2003, 2006, 2007), et l'exposition à 2 000 ppm (8 680 mg/m3) d'éthylbenzène a accru l'incidence des variations squelettiques chez les petits (Saillenfait et coll., 2003). Cependant, aucune observation significative n'a été réalisée au chapitre de la survie, du poids, de la fonction neurologique et des étapes du développement des petits des générations de souris F1 et F2 exposées à des doses allant jusqu'à 500 ppm ou 2 170 mg/m3 (6 heures/jour) pendant 70 jours consécutifs (Faber et coll., 2006, 2007). Il est donc possible qu'il existe des effets sur le développement, mais seulement à des doses élevées.

Deux études ont montré que les xylènes avaient des effets indésirables sur le développement des animaux y ayant été exposés par voie orale. L'exposition à une dose élevée de 2 060 mg/kg p.c. par jour les jours de gestation 6 à 15 a été associée à la diminution du poids corporel et à l'augmentation des malformations (principalement des fentes palatines) (Marks et coll., 1982). On n'a toutefois observé aucun signe de tératogénicité chez des souris exposées au m-xylène à raison de 2 000 mg/kg p.c. par jour les jours de gestation 8 à 12 (Seidenberg et coll., 1986). L'exposition par inhalation de xylènes a été associée à des troubles neurologiques chez les petits de mères exposées à des concentrations de 200 ppm ou 868 mg/m3 et plus (Hass et Jakobsen, 1993; Hass et coll., 1997). Des effets ont été notés sur le développement du rat, notamment des anomalies du squelette et une diminution du poids fœtal. À la lumière des diverses limites des études chez le rat, on a établi que ces effets survenaient seulement aux concentrations supérieures à 350 ppm ou 1 519 mg/m3 (ATSDR, 2007).

Il est donc possible que l'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes ait des effets sur le développement. Toutefois, le rôle exact de la toxicité maternelle dans ces effets n'est pas entièrement connu.

9.3 Mode d'action

Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes, qui ont des propriétés chimiques semblables, sont distribués dans les tissus riches en lipides où ils exercent des effets toxiques par différents modes d'action.

Les propriétés lipophiles de ces solvants constituent la principale cause de la nature aigüe des symptômes d'exposition. Les effets narcotiques et anesthésiques du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes qui se produisent à la suite d'une exposition aigüe peuvent être liés à l'insertion rapide des solvants dans la bicouche lipidique des membranes nerveuses, qui entraîne des modifications biochimiques des protéines membranaires et, du même coup, des perturbations de la transmission synaptique. Une étude a fait ressortir des baisses des taux d'acétylcholinestérase et d'adénosine triphosphate (ATP) ainsi que des activités Mg2+-ATPase dans les érythrocytes et les synaptosomes chez les rats exposés à 2 000 ppm (7 540 mg/m3) de toluène pendant 2 heures (Korpela et Tahti, 1988). L'analyse de l'expression génique globale dans plusieurs régions du cerveau de rats ayant inhalé du toluène pendant 6 heures appuie aussi la présence d'altérations de la fonction synaptique (Hester et coll., 2011). Cette analyse a permis de cerner des voies associées à des altérations de la plasticité synaptique. Des observations semblables ont été faites à l'égard de l'éthylbenzène et des xylènes. L'éthylbenzène et les xylènes ont fait diminuer les activités Na+/K+-ATPase et Mg2+-ATPase dans des cultures d'astrocytes du cervelet de rats Sprague-Dawley nouveau-nés (Vaalavirta et Tahti, 1995). L'éthylbenzène et les xylènes ont eu des effets plus prononcés que le toluène sur les activités de ces protéines membranaires. Dans l'ensemble, ces données indiquent que le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes peuvent perturber les protéines membranaires et entraîner des effets indésirables sur le système nerveux central.

Les perturbations de la fonction cérébrale peuvent aussi être liées à des effets au niveau des neurotransmetteurs, tels que des anomalies persistantes des enzymes régulant leur synthèse, leur dégradation et leur liaison. Chez les animaux de laboratoire, l'exposition au toluène par inhalation a entraîné l'augmentation des neurotransmetteurs, notamment du glutamate, de la taurine, de la dopamine, de la norépinéphrine, de la sérotonine et de l'acétylcholine, dans plusieurs régions du cerveau (Rea et coll., 1984; Aikawa et coll., 1997). Les liaisons du glutamate et de l'acide ?-aminobutyrique aux récepteurs ont généralement augmenté dans plusieurs régions du cerveau à la suite d'une exposition au toluène à des concentrations dépassant 50 ppm ou 189 mg/m3 (Bjornaes et Naalsund, 1988). Dans une étude, on a noté que l'inhibition de la liaison au récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) induite par le toluène pouvait jouer un rôle dans le manque de coordination et les troubles de la mémoire observés après l'exposition au toluène (Lo et coll., 2009). Les xylènes ont entraîné l'élévation de la dopamine et des catécholamines dans plusieurs régions du cerveau de rats exposés à 2 000 ppm (8 680 mg/m3), tandis que la même concentration d'éthylbenzène a entraîné la diminution des catécholamines (Andersson et coll., 1981). Une exposition à 750 ppm (3 255 mg/m3) d'éthylbenzène a fait diminuer la dopamine dans le striatum et dans la voie tubéro-infundibulaire chez le lapin, tandis que l'exposition au toluène et aux xylènes n'a eu aucun effet (Mutti et coll., 1988). Les modifications des concentrations des neurotransmetteurs à la suite d'une exposition à des solvants semblent être un effet passager et spontanément résolutif. L'exposition chronique pourrait néanmoins être associée à des altérations persistantes du comportement, à des humeurs dépressives et à des pertes de mémoire.

La cytotoxicité et les lésions du système nerveux central peuvent causer des effets neurologiques de plus longue durée. La cytotoxicité au niveau du système nerveux central peut découler de la dégradation des phospholipides, particulièrement par le toluène. Il est établi que l'exposition au toluène fait diminuer les concentrations de phospholipides dans le cortex cérébral des rats, ce qui entraîne une perte de substance grise en cas d'exposition continue à 320 ppm (1 206 mg/m3) de toluène pendant 30 jours (Kyrklund et coll., 1987). Chez le rat, l'exposition à 1 500 ppm (5 655 mg/m3) pendant 6 mois (6 heures/jour, 5 jours/semaine) suivie de 4 mois de rétablissement a fait diminuer le nombre de neurones dans la région inférieure de l'hippocampe (Korbo et coll., 1996). Ces effets ont été validés chez l'humain par des tests diagnostiques d'imagerie par résonance magnétique (IRM) effectués sur des personnes ayant une dépendance aux solvants (Borne et coll., 2005). La consommation abusive chronique du toluène a entraîné des lésions irréversibles, notamment l'atrophie, la démyélinisation et une légère gliose du système nerveux central. Bien que des effets neurologiques indésirables aient été notés en rapport avec l'éthylbenzène et les xylènes, leur rôle exact dans les lésions tissulaires du système nerveux central reste inconnu.

On croit que, chez les animaux de laboratoire, le mode d'action du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes dans l'induction de l'ototoxicité est associé à la mort des cellules ciliées de la cochlée (Gagnaire et coll., 2001; Gagnaire et Langlais, 2005). Cet effet semble être médié par la présence d'une chaîne latérale courte unique sur le noyau benzénique des solvants aromatiques (Gagnaire et Langlais, 2005). Des observations réalisées chez l'humain indiquent néanmoins que des facteurs neurologiques pourraient intervenir.

Les études chez l'animal visant à définir les interactions métaboliques entre le toluène et les autres produits chimiques et l'ototoxicité indiquent que la perte auditive induite par le toluène est causée par le toluène en soi, et non par ses métabolites (Wallen et coll., 1984; Römer et coll., 1986; Pryor, 1991; Imbriani et Ghittori, 1997; Campo et coll., 1998). D'autres effets neurologiques, notamment la dépression et la narcose du système nerveux central, sont aussi considérés comme causés par le toluène en soi, et non par ses métabolites (ATSDR, 2000).

Dans le cas des xylènes, en ce qui concerne les effets neurologiques tels que les modifications des concentrations de différents neurotransmetteurs et de la composition lipidique observés à la suite d'expositions aigües et de durée moyenne aux xylènes (Savolainen et Seppalainen, 1979; Andersson et coll., 1981; Honma et coll., 1983), il n'est pas clair si les effets sont dus aux xylènes en soi ou à leurs intermédiaires métaboliques, tels que l'oxyde arénique et le méthylbenzaldéhyde (Savolainen et Pfäffli, 1980). Le méthylbenzaldéhyde (produit de l'action de l'alcool déshydrogénase sur l'alcool méthylbenzylique) a été détecté chez l'animal, mais sa présence n'a pas été confirmée chez l'humain (ATSDR, 2007).

Des preuves solides montrent que les lésions tissulaires observées dans le système nerveux central, dans le foie, dans les reins et dans d'autres structures affectées par le toluène, par l'éthylbenzène et par les xylènes sont médiées par le stress oxydatif. Dans le cas du toluène, de nombreux signes de stress oxydatif, notamment la présence accrue de dérivés réactifs de l'oxygène et de marqueurs de dommages oxydatifs, ont été observées dans le cerveau (Mattia, 1993; Burmistrov et coll., 2001; El-Nabi Kamel et Shehata, 2008), dans le foie (Tokunaga et coll., 2003) et dans les reins (Mattia, 1993; Tokunaga et coll., 2003) d'animaux de laboratoire ayant inhalé ou reçu par injection intrapéritonéale du toluène. De plus, les synaptosomes de rats exposés in utero présentaient des niveaux accrus de stress oxydatif à la suite d'une réexposition au toluène in vitro, indiquant la présence de modifications persistantes du statut oxydatif susceptibles d'affecter les petits à la suite d'une exposition maternelle (Edelfors et coll., 2002). Des marqueurs du stress oxydatif ont été notés dans le cerveau de rats exposés par inhalation à des concentrations d'éthylbenzène dépassant 433,5 mg/m 3 (Wang et coll., 2010). Ces observations sont appuyées par des marqueurs urinaires du stress oxydatif, qui ont été corrélés à l'exposition à l'éthylbenzène chez des pistoleurs (Chang et coll., 2011). Bien que les analyses des xylènes visaient d'autres tissus, il semble que les xylènes causent moins de stress oxydatif, comme le montrent les indicateurs de dommages oxydatifs dans les reins, mais non dans le foie (Kum et coll., 2007a, 2007b), et l'absence de corrélation entre l'exposition et l'excrétion de marqueurs urinaires (Chang et coll., 2011). Ces lésions tissulaires peuvent s'expliquer par l'induction de l'apoptose, de l'inflammation et de la prolifération cellulaire, qui mène à des effets toxiques dans les organes affectés.

L'exposition à l'éthylbenzène induit des tumeurs du rein et à cellules interstitielles chez le rat et des tumeurs du poumon et du foie chez la souris. Selon des tests de détection de la génotoxicité, l'éthylbenzène est non génotoxique in vivo et essentiellement non génotoxique in vitro (VCCEP, 2007); d'autres modes d'action ont donc été suggérés pour expliquer sa propension à induire des tumeurs. L'éthylbenzène n'est probablement pas cancérogène aux doses sous le seuil de toxicité. De plus amples renseignements sur les modes d'action de l'éthylbenzène intervenant dans l'induction de tumeurs chez les rongeurs sont présentés ci-dessous.

Il existe des preuves à l'appui du mode d'action de l'éthylbenzène dans l'induction de tumeurs du rein chez le rat, à savoir la hausse de l'incidence des néphropathies progressives chroniques par le 1-phényléthanol, qui est le principal métabolite de l'éthylbenzène (VCCEP, 2007). Le mode d'action peut aussi comprendre une légère accentuation possible des néphropathies progressives chroniques par l'intervention de la a2u-globuline chez les rats mâles. En raison de différences qualitatives critiques et, dans une certaine mesure, de différences quantitatives entre les espèces, on ne s'attend pas à ce que ce mode d'action concerne l'humain. Par conséquent, les tumeurs du rein chez le rat ne constituent pas un critère fiable pour l'évaluation des risques. Hard et coll. (2012) ont réévalué en profondeur les études portant sur la néphropathie progressive chronique chez le rat. Les auteurs ont conclu que des données établissaient hors de tout doute que les stades avancés de la néphropathie progressive chronique étaient associés chez les rats F344 mâles et femelles à une légère hausse de l'incidence des adénomes basophiles des tubules rénaux et d'une forme d'hyperplasie qui en constitue un précurseur. Cette analyse s'ajoute aux preuves indiquant que l'exacerbation chimique de la néphropathie progressive chronique est un mode d'action secondaire dans la formation de tumeurs qui est peu susceptible de pouvoir être extrapolé à d'autres espèces à des fins d'évaluation des risques, car il n'existe aucun équivalent de la néphropathie progressive chronique du rat (sur le plan tant biologique qu'histopathologique) chez l'humain.

Le mode d'action suggéré pour la formation des tumeurs du foie chez les rats femelles est semblable à l'induction par le phénobarbital, qui est aussi considéré comme non applicable à l'humain. Les tumeurs à cellules interstitielles ont vraisemblablement été causées par des modifications des concentrations sériques de testostérone, bien que de telles tumeurs soient courantes chez les rats âgés. En raison des nombreuses différences qualitatives et quantitatives bien documentées entre le rat et l'humain, on ne s'attend pas à ce que les tumeurs à cellules interstitielles observées soient pertinentes pour l'évaluation des risques pour l'humain (VCCEP, 2007).

Les tumeurs du poumon se formant à la suite d'une exposition par inhalation sont vraisemblablement dues à une prolifération de cellules régénératives survenant après le métabolisme et l'exposition aux métabolites cytotoxiques. Les étapes du mode d'action suggéré pour la formation des tumeurs du poumon induites par l'éthylbenzène sont les suivantes : 1) absorption de l'éthylbenzène; 2) acheminement de l'éthylbenzène vers les poumons; 3) métabolisme de l'éthylbenzène en métabolite actif; 4) détoxication/élimination du métabolite actif; 5) stress oxydatif potentiel en réponse à l'appauvrissement en glutathion et/ou au métabolisme de l'éthylbenzène par le CYP450 découlant des doses élevées; 6) arylation des macromolécules entraînant la cytotoxicité lorsque les capacités de détoxication et de réparation sont dépassées; et 7) promotion/évolution des tumeurs du poumon. Le rôle potentiel des métabolites oxydatifs dans le mode d'action des tumeurs induites par l'éthylbenzène porte à croire que les tumeurs observées chez la souris pourraient être pertinentes pour l'humain. Ce mode d'action évoque l'existence d'un seuil sous lequel aucune tumeur ne devrait se former. Il importe de noter qu'il existe des différences qualitatives entre la souris et l'humain sur le plan du métabolisme pulmonaire qui pourraient se traduire par une sensibilité accrue chez la souris (VCCEP, 2007) et que les tumeurs du poumon se situaient à l'intérieur des limites des groupes témoins historiques du National Toxicology Program (NTP, 1999). Cependant, compte tenu de l'analyse du mode d'action décrite ci-dessus et de l'absence de pertinence des autres formes de cancer (du foie, du rein et à cellules interstitielles) pour l'humain, les tumeurs du poumon sont considérées comme l'effet le plus pertinent pour l'humain en matière de cancer.

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