Page 5 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes
4.0 Propriétés, utilisation et sources dans l'environnement
Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont des liquides volatils, inflammables et incolores qui ont une odeur sucrée ou piquante, semblable à celle de l'essence. Le toluène est également connu sous le nom de méthylbenzène et de toluol. Les xylènes, quant à eux, sont aussi appelés diméthylbenzènes. Les trois composés sont des hydrocarbures mono aromatiques dérivés du benzène. Le toluène et l'éthylbenzène se distinguent du benzène par l'addition d'un groupement méthyle ou éthyle, respectivement, tandis que les xylènes présentent deux substitutions de groupements méthyle. La position de ces derniers sur le noyau benzénique détermine l'isomère du xylène : ortho-xylène (o-xylène), méta-xylène (m-xylène) ou para-xylène (p-xylène), également appelés 1,2 diméthylbenzène, 1,3 diméthylbenzène et 1,4 diméthylbenzène, respectivement (U.S. EPA, 1990). Les mélanges de xylènes sont normalement composés d'environ 40 % de m-xylène, 24 % d'o-xylène, 19 % de p-xylène et 17 % d'éthylbenzène (Hancock, 1982).
Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont modérément solubles dans l'eau et ils présentent tous un coefficient de partage n-octanol/eau (Koe) relativement faible (Mitra et Roy, 2011). Le toluène est, parmi ces composés, celui qui est le plus soluble dans l'eau. Tous trois ont une pression de vapeur saturante relativement élevée et produisent des vapeurs qui, à des concentrations suffisamment élevées, deviennent hautement inflammables et explosives (Vallero, 2004). Le tableau 1 expose les propriétés physicochimiques du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes (dont la composition peut varier et comprendre un éventail d'impuretés, l'éthylbenzène étant le plus volumineux), ainsi que des isomères o-xylène, m-xylène et p-xylène.
Propriété | Toluène | Éthylbenzène | Xylènes | o-xylène | m-xylène | p-xylène |
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CAS : Chemical Abstracts Service; Koe : coefficient de partage n-octanol/eau a Budavari et coll. (1989); b Lide (1994); c Budavari et coll. (1996); d Cannella (2007); e U.S. EPA (1995a); f U.S. EPA (1995b); g U.S. EPA (1995c); h ATSDR (1995); i 1 mmHg = 133,3 Pa; j Verschueren (1983); k HSDB (1999); l Welch et coll. (2005). |
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Formule moléculaire | C6H5CH3 | C6H5CH2CH3 | C6H4(CH3)2 | |||
Nº CAS | 108-88-3 | 100-41-4 | 1330-20-7 | 95-47-6 | 108-38-5 | 106-42-3 |
Masse molaire (g/mol) | 92,13a | 106,17b | 106,17c | |||
Point de fusion (°C) | -95,0a | -95,0d | -47,4 | -25,0c | -47,4c | 13–14c |
Point d'ébullition (°C) |
110,6a | 136,2d | 137.0–140,0c | 144,4c | 139,0c | 138,4c |
Koe | 2,69e | 3,15f | 3,12–3,20g | 2,77h | 3,20h | 3,15h |
Pression de vapeur saturante (mm Hg)i | 22,0 (20°C)j |
7,0 (20°C)j |
6,0–16.0 (20°C)h |
6,6 (25°C)h |
8,3 (25°C)h |
8,8 (25°C)h |
Densité (g/mL) | 0,87 (20°C)k |
0,87 l | 0,86 h | 0,86 h | 0,88 h | 0,86 h |
Solubilité dans l'eau (mg/L) | 515 (20°C)j |
152 (20°C)j |
106 (25°C)h |
178 (25°C)h |
161 (25°C)h |
162 (25°C)h |
Facteur de conversion dans l'air (ppm en mg/m3) | 3,77 | 4,34 | 4,34 |
Alexander et coll. (1982) ont mesuré les seuils de perception olfactive et gustative de divers produits chimiques dissous dans l'eau, dont le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes. Les seuils de perception olfactive ont été exprimés en milligrammes de composé par litre d'eau inodore à 60 °C. Les auteurs ont conclu que le seuil de perception olfactive mesuré à 60 °C devrait être semblable à la température ambiante, car l'effet de la température semblait faible. Les seuils de perception gustative ont quant à eux été exprimés en milligrammes de composé par litre d'eau inodore à 40 °C. Les auteurs ont publié deux mesures du seuil de perception olfactive de 0,024 mg/L pour le toluène ainsi que deux autres de 0,0016 mg/L et 0,0032 mg/L pour l'éthylbenzène. Ils ont aussi publié deux mesures du seuil de perception gustative de 0,12 mg/L et 0,16 mg/L (valeur moyenne : 0,14 mg/L) pour le toluène, ainsi que deux autres de 0,064 mg/L et 0,080 mg/L (valeur moyenne : 0,072 mg/L) pour l'éthylbenzène. Dans le cas des xylènes, Middleton et coll. (1958) ont indiqué que le goût et l'odeur pouvaient être détectés à des concentrations allant de 0,3 à 1,0 mg/L; l'OMS (2003b) a rapporté que le seuil de perception olfactive des isomères du xylène dissous dans l'eau était situé entre 0,02 et 1,8 mg/L par VanGemert et Nettenbrijer (1977) et Verschueren (1983).
Le toluène est principalement obtenu par reformage catalytique du pétrole; l'éthylbenzène, par alkylation du benzène; et les xylènes, par déhydrocyclodimérisation et méthylation du toluène et du benzène (Camford Information Services Inc., 1996, 2003, 2004). Ces trois composés ont un grand nombre d'applications industrielles et techniques et sont notamment utilisés dans la synthèse de certains composés chimiques et comme solvants industriels. Le toluène est un solvant communément utilisé dans la fabrication des peintures, des diluants de peinture, des vernis à ongles, des laques, des adhésifs et des produits en caoutchouc, ainsi que dans certains procédés d'impression et de tannage du cuir (ATSDR, 2000). Il s'agit d'un additif courant dans l'essence (ATSDR, 2000) qui sert également à la fabrication de divers composés organiques, dont le benzène et le diisocyanate de toluène (U.S. EPA, 1995d). Il est aussi utilisé comme source de carbone dans la synthèse des nanotubes de carbone multiparois (Mi et coll., 2005). On estime que les utilisations du toluène se répartissent comme suit : 46 % pour la préparation du benzène, 37 % comme additif dans l'essence, 8 % comme solvant, 7 % pour la préparation du diisocyanate de toluène et 2 % à d'autres fins (U.S. EPA, 1995d). L'éthylbenzène est utilisé presque exclusivement comme intermédiaire dans la préparation du styrène. En 2003, 789 kilotonnes de styrène ont été produites par deux fabricants canadiens (Ontario et Alberta) et on s'attendait à ce que la production passe à 811 kilotonnes de styrène en 2006 (Camford Services, 2004). L'éthylbenzène est aussi présent dans l'essence (< 15 %) et dans les mélanges de xylènes (< 25 %) (CIRC, 2000). Les xylènes sont couramment employés comme solvants ainsi que dans la fabrication de diluants de peinture, de vernis et de produits de nettoyage (ATSDR, 2007). À l'instar du toluène et de l'éthylbenzène, les xylènes sont utilisés comme additifs dans les carburants; ils constituent environ 10 % de l'essence. Le p-xylène, qui représente environ 82 % des xylènes produits, sert à la préparation de l'acide téréphtalique et du téréphtalate de diméthyle, qui sont tous deux nécessaires à la fabrication des bouteilles en polytéréphtalate d'éthylène (PTPE) et des vêtements en polyester. Les isomères o-xylène et m-xylène servent dans une moindre mesure à la préparation de l'anhydride phtalique et de l'acide isophtalique, respectivement (Agence suédoise des produits chimiques, 2010).
En 2009, les Canadiens ont consommé 42,3 milliards de litres d'essence; le marché de l'Ontario a représenté 39 % du volume des ventes d'essence à moteur au Canada, et il était suivi de ceux du Québec (21 %), de l'Alberta (13 %), de la Colombie Britannique (11 %) et du Canada atlantique (7 %) (RNCan, 2011). Les ventes intérieures de carburant diesel au Canada ont alors représenté 26,0 milliards de litres, environ 49 % des ventes de diesel ayant lieu dans les provinces et les territoires de l'Ouest, suivis de l'Ontario (25 %), du Québec (18 %) et du Canada atlantique (8 %) (RNCan, 2011). Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes (ainsi que le benzène) font partie des composés aromatiques de l'essence et du carburant diesel. En 2008, la teneur en composés aromatiques de l'essence canadienne typique se situait entre 24,8 et 30,3 % (Rahumathulla et coll., 2010). La teneur en composés aromatiques du carburant diesel (d'été ou d'hiver, régulier ou à faible teneur en soufre) vendu au Canada se situe entre 28,76 et 36,8 % (Guthrie et coll., 2003). Le sol et l'eau peuvent être contaminés par des déversements accidentels d'essence et de carburant diesel – dont l'utilisation est largement répandue au Canada – découlant des activités liées à leur préparation, à leur transport et à leur stockage, ainsi que du ravitaillement en carburant des véhicules (Mitra et Roy, 2011). En raison de leur nature volatile, le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes s'évaporent rapidement de l'eau et du sol au contact de l'air (Vallero, 2004). Le toluène peut aussi être libéré dans l'atmosphère par plusieurs procédés de fabrication, notamment lors de la production de carburants issus du pétrole brut, lors de la production de coke tiré du charbon et comme sous produit de la production de styrène (ATSDR, 2000).
4.1 Devenir dans l'environnement
Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes tendent à être absorbés dans l'air et dans l'eau en raison de leur pression de vapeur saturante relativement élevée, de leur solubilité modérée dans l'eau et de leur faible Koe. L'atmosphère est un réservoir important de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes, car plus de 98 % des composés libérés dans l'environnement finissent par passer dans l'air (ASTER, 1995; PISSC, 1997; OCDE, 2002). Les principaux processus d'élimination du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes de l'eau sont la volatilisation et la dégradation microbienne, cette dernière étant plus fréquente dans les eaux très profondes (Arthurs et coll., 1995). Dans les eaux de surface, le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes peuvent flotter près de la surface et se volatiliser facilement (Mitra et Roy, 2011). Des demi vies de 5 heures à 16 jours dans le cas du toluène et de 3,1 heures à 4,1 jours dans le cas de l'éthylbenzène et des xylènes ont été observées dans des eaux allant de calmes à turbulentes (Mackay et Leinonen, 1975; Thomas, 1982; HSDB, 1986, 2010; ATSDR, 2000). Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont rapidement biodégradables dans le sol et l'eau dans des conditions anaérobies. Des demi vies de biodégradation de 2 à 92 jours, de 0,1 à 231 jours et de 24 à 161 jours ont été observées pour le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes, respectivement (Barker et coll., 1986; Wilson et coll., 1986; Slooff et Blokzijl, 1988; Mackay et coll., 1992; Earl et coll., 2003). La biodégradation de ces composés peut être considérablement ralentie s'ils sont présents à des concentrations suffisantes pour causer la mort microbienne ou s'ils se trouvent dans des conditions anaérobies. Par exemple, la dégradation de l'éthylbenzène peut prendre jusqu'à 1 155 jours dans des conditions anaérobies (Earl et coll., 2003). Le ralentissement de la dégradation du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes peut favoriser le transport de ces composés sur de grandes distances depuis leur source originale (Zogorski et coll., 2006). On ne s'attend pas à ce que le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes se bioconcentrent ni ne se bioamplifient de façon considérable dans les organismes aquatiques (ATSDR, 2010).