Page 6 : Recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada : document technique – le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes

5.0 Exposition

Les Canadiens sont essentiellement exposés au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes par l'air, principalement en inhalant des vapeurs émises par divers produits de consommation. L'exposition par l'eau potable et par le sol est aussi possible, mais généralement dans une moindre mesure, sauf dans les zones de contamination. Bien qu'il existe des données sur l'exposition, elles ne sont pas suffisantes pour justifier la modification de la proportion par défaut de la dose journalière attribuée à l'eau potable (20 %).

5.1 Eau

Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes ont été détectés à de faibles concentrations dans les approvisionnements d'eau potable du Canada. Dans une étude menée en 1979 sur 30 usines de traitement de l'eau du Canada, les concentrations moyennes de toluène dans l'eau potable traitée étaient de 2 µg/L, tandis que celles de l'éthylbenzène et du m-xylène étaient inférieures à la limite de détection de 1 µg/L (Otson et coll., 1982). Dans une étude ontarienne de 1975, les concentrations observées de toluène et de xylènes étaient inférieures à 0,5 µg/L dans des échantillons obtenus d'approvisionnements d'eau potable, y compris des eaux souterraines et des eaux de lacs et de cours d'eau, tant à proximité qu'à l'écart des Grands Lacs (Smillie et coll., 1978).

La surveillance du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes par les provinces et les territoires a fait ressortir des concentrations faibles ou indétectables de ces composés chimiques dans la plupart des approvisionnements d'eau potable au Canada. Dans une série de lieux représentatifs de l'ensemble de l'Ontario évalués de 2007 à 2012, 62 des 46 472 échantillons recueillis ont présenté des concentrations de toluène supérieures à la limite de détection de la méthode (LDM) (0,5 µg/L), la plus élevée étant de 20,0 µg/L (Ministère de l'Environnement de l'Ontario, 2012). Au Manitoba, les plus fortes concentrations de toluène, d'éthylbenzène et d'o-xylène mesurées entre 2007 et 2012 étaient de 22,0, 5,5 et 30,0 µg/L, respectivement (Conservation et Gestion des ressources hydriques Manitoba, 2012). De 2003 à ce jour, le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes ont été respectivement détectés dans seulement 1 %, 1,5 % et 1,1 % de tous les échantillons d'eau potable recueillis au Nouveau Brunswick (plus de 5 000 échantillons); les concentrations détectables les plus élevées de ces composés chimiques dans l'eau potable étaient de 1,3 µg/L dans le cas du toluène, de 1,4 µg/L dans le cas de l'éthylbenzène et de 7,5 µg/L dans le cas des xylènes (Ministère de la Santé du Nouveau Brunswick, 2012). Au Québec, depuis 2002, les concentrations maximales de toluène, d'éthylbenzène, d'o-xylène et de m-xylène/p-xylène dans l'eau non traitée ont été de 2,0, 0,12, 0,13 et 0,21 µg/L, respectivement (Ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec, 2012). Les données de la Saskatchewan indiquent des incidences de contaminations avec des niveaux de toluène supérieurs à 1 µg/L dans 44 de 321 échantillons d'eau potable traitée analysés, et dont la plus forte concentration mesurée a été de 3 300 µg/L; les plus fortes concentrations d'éthylbenzène et de xylènes ont été de 550 et 2 825 µg/L, respectivement, de 1989 à 2012 (Ministère de l'Environnement de la Saskatchewan, 2012). Durant la période allant de 2002 à 2012, les plus fortes concentrations de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes à avoir été détectées dans l'eau potable traitée de la Saskatchewan ont été de 22, 16 et 7 µg/L, respectivement.

5.2 Alimentation

On manque d'information sur la présence et sur les concentrations de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes dans les aliments au Canada. Selon l'étude menée par l'U.S. Food and Drug Administration sur l'alimentation totale, les concentrations moyennes de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes étaient inférieures à 0,17, 0,01 et 0,02 partie par million (ppm), respectivement, dans environ 280 aliments, y compris des pains et des céréales, des produits laitiers, des desserts, des fruits et des légumes, ainsi que des viandes crues et préparées, de 1991 à 2004 (U.S. FDA, 2008). Le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes peuvent aussi pénétrer dans les aliments à la suite de l'utilisation d'eau durant leur préparation ou indirectement par les composants des emballages commerciaux.

5.3 Air

Comme le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes se dispersent surtout dans l'atmosphère, l'exposition par l'air peut être considérable. Les concentrations moyennes de toluène dans l'air ambiant se situent de 1,0 à 30,7 µg/m3 dans diverses villes canadiennes (Dann et coll., 1989; Ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2000), tandis que les concentrations moyennes d'éthylbenzène vont de 0,1 à 17,0 µg/m3 (Ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2000; Alberta Environment, 2004). Les concentrations moyennes de xylènes dans l'air ambiant des zones urbaines et des banlieues du Canada vont quant à elles de 0,6 à 20,4 µg/m3 (Dann et coll., 1989; Ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario, 2000). De façon générale, les concentrations de ces composés sont plus faibles dans les zones rurales. Dans la zone rurale de l'île Walpole, en Ontario, les concentrations mesurées de toluène et de xylènes se sont établies en moyenne à 4,9 et 4,3 µg/m3, respectivement (Dann et coll., 1989).

Des expositions importantes au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes peuvent aussi se produire à l'intérieur des bâtiments. Des études de foyers canadiens couvrant les quatre saisons ont révélé des concentrations moyennes allant de 2,5 à 84,3 µg/m3 dans le cas du toluène et de 0,6 à 14,0 µg/m3 dans le cas de l'éthylbenzène (Fellin et Otson, 1994; Zhu et coll., 2005; Héroux et coll., 2008). Les concentrations moyennes des isomères du xylène se sont situées de 0,8 à 8,2 µg/m3 dans le cas de l'o xylène et de 1,8 à 34,2 µg/m3 dans le cas du m-xylène/p-xylène (Fellin et Otson, 1994; Zhu et coll., 2005; Héroux et coll., 2008).

En 2005 2006, dans le cadre d'une campagne de surveillance de l'exposition personnelle financée par la Stratégie sur la qualité de l'air transfrontalier, Santé Canada et l'Université de Windsor ont recueilli des échantillons pour évaluer l'exposition personnelle pendant 24 heures, à l'intérieur et à l'extérieur, à 188 composés organiques volatils (COV) polaires et non polaires (Santé Canada, 2010a). Au total, 100 résidents de Windsor, en Ontario, ont fait l'objet de suivis pendant deux périodes de 1 an. Les échantillonnages, qui se sont déroulés sur des périodes « d'hiver » et « d'été » de 8 semaines chacune en 2005 et en 2006, consistaient à effectuer cinq mesures consécutives des COV pendant 24 heures afin de définir l'exposition personnelle, à l'intérieur et à l'extérieur (2005 seulement). Pendant la période de 2 ans, les concentrations médianes de toluène ont varié de 8,3 à 23,5 µg/m3 dans l'air intérieur et de 1,9 à 4,3 µg/m3 dans l'air extérieur. Les concentrations médianes d'éthylbenzène ont varié de 1,1 à 2,9 µg/m3 dans l'air intérieur et de 0,3 à 0,6 µg/m3 dans l'air extérieur. Enfin, les concentrations médianes de xylènes allaient de 1,0 à 8,6 µg/m3 dans l'air intérieur et de 0,3 à 1,6 µg/m3 dans l'air extérieur. Des tendances semblables ont été notées dans une étude récemment effectuée à Regina, en Saskatchewan (Santé Canada, 2010b).

Les données sur les concentrations de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes dans l'air intérieur et ambiant au Canada concordent avec celles concernant les États Unis (ATSDR, 2000, 2007, 2010).

5.4 Sol

Il existe peu de données sur les concentrations de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes dans le sol au Canada et à l'étranger. Le ministère de l'Environnement et de l'Énergie de l'Ontario (1993) a évalué le 98e percentile des concentrations de toluène, d'éthylbenzène et de xylènes à 0,9, 0,4 et 0,8 µg/kg, respectivement, dans les sols de vieux parcs urbains et à 0,9, 0,5 et 0,9 µg/kg, respectivement, dans les sols de parcs ruraux. Aucune région n'a été affectée par des sources locales de pollution ponctuelle. En raison du devenir du toluène, de l'éthylbenzène et des xylènes dans l'environnement, leurs concentrations dans le sol sont généralement faibles; les cas de contamination importante se limitent aux lieux à proximité des dépôts de déchets dangereux et aux déversements de produits chimiques.

5.5 Consumer products

Comme ils sont largement utilisés comme solvants et dans les carburants, le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes sont présents dans de nombreux produits de consommation. Ces produits comprennent notamment l'essence et les carburants diesel, les peintures et les encres, de même que divers produits de nettoyage, vernis et adhésifs. Le stockage de ces produits est une source fréquente d'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes. Par exemple, les vapeurs des matières stockées et des gaz d'échappement des véhicules peuvent pénétrer à l'intérieur des bâtiments par les garages adjacents (Graham et coll., 2004; Dodson et coll., 2008). La fumée de cigarette est également une source importante d'exposition au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes.

5.6 Exposition multivoie par l'eau potable

Une composante cutanée a été incorporée à un modèle pharmacocinétique physiologique (PBPK) humain mis au point pour le toluène, l'éthylbenzène et les xylènes et reposant sur des données de Tardif et coll. (1997), afin d'évaluer plusieurs voies d'exposition. Le modèle a été conçu pour extrapoler les données sur l'exposition par inhalation chez des rats, des souris et des travailleurs exposés dans le cadre de leur emploi (Korsak et coll., 1994; NTP, 1999; Seeber et coll., 2004, 2005) à l'exposition humaine à de faibles concentrations de chacun des composés chimiques par l'eau potable. Le modèle a aussi servi à estimer les contributions en litres équivalents (L-eq) des expositions par absorption cutanée et par inhalation pendant la douche ou le bain. En se fondant sur les doses externes établies à l'aide du modèle PBPK humain (voir la section 8.5.4) et en les appliquant à un bain de 30 minutes, on a estimé les expositions par absorption cutanée et par inhalation pendant la douche ou le bain. La comparaison des doses internes établies pour l'absorption cutanée et l'inhalation avec la dose interne établie pour l'ingestion en fonction du poids corporel total a permis d'estimer les contributions respectives des expositions par absorption cutanée et par inhalation à 0,2 et 0,43 L-eq pour le toluène, à 0,21 et 0,44 L-eq pour l'éthylbenzène, et à 0,21 et 0,43 L-eq pour les xylènes. Si on additionne ces valeurs à la consommation standard d'eau potable au Canada, qui est de 1,5 L par jour, on obtient des expositions quotidiennes totales respectives de 2,13, 2,15 et 2,14 L-eq au toluène, à l'éthylbenzène et aux xylènes dans l'eau potable. Les expositions quotidiennes en litres équivalents ont été utilisées dans les évaluations des risques de cancer et d'effets autres que le cancer à la section 10.

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