ARCHIVÉE - Les enfants victimes de maltraitance : un enjeu de santé publique

Santé Canada
2004
ISSN 1499-3511

Table des matières

Les enfants victimes de maltraitance : un enjeu de santé publique

Le sain développement des enfants constitue un déterminant clé de la santé. Malgré tout, chaque année, un nombre alarmant d'enfants canadiens sont victimes de violence, d'abus ou de négligence. La recherche révèle que les sévices physiques et psychologiques liés aux mauvais traitements peuvent avoir des séquelles immédiates et prolongées sur la santé et exercer des pressions indues sur le système de soins de santé.

Le secteur de la santé joue un rôle de premier plan en vue de réduire le fardeau de la maltraitance des enfants grâce à ses programmes de prévention, de signalement, d'orientation et de traitement. Le présent numéro du Bulletin de recherche sur les politiques de santé examine en quoi le leadership démontré par Santé Canada et sa bonne coordination du système national de surveillance des mauvais traitements infligés aux enfants sont à la base même de tels efforts. Le Bulletin se penche, en particulier, sur les facettes suivantes de la question :

  • il définit la maltraitance des enfants et décrit en quoi notre perception du problème évolue au fil des ans, sous l'influence de divers secteurs actifs dans le domaine;
  • il met en lumière des données importantes tirées de l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) et d'autres projets de cueillette de donnés, il explique en quoi ces données nous aident à mieux comprendre le drame des enfants maltraités et nous sensibilise aux nouveaux enjeux qu'engendre une telle situation;
  • il se penche sur les facteurs et les conditions qui sous-tendent la maltraitance des enfants et présente, à titre d'exemple, une récente enquête qui examine les liens entre la violence à l'égard des enfants et la consommation abusive d'alcool et de drogues chez les parents;
  • il puise à deux sources de données nationales pour explorer les séquelles physiques, psychologiques et comportementales associées à la maltraitance des enfants.

Même s'il reste beaucoup à faire pour mettre au point des systèmes mieux intégrés et plus exhaustifs de cueillette, d'analyse et de signalement des cas de violence à l'égard des enfants, les activités de surveillance et de recherche actuelles commencent à porter fruit et à orienter les politiques et pratiques dans divers secteurs clés.

Profil du Bulletin de recherche sur les politiques de santé

Le Bulletin de recherche sur les politiques de santé de Santé Canada est publié trois fois l'an. Le bulletin s'inscrit dans un programme général de communication axé sur la recherche en politiques ayant pour but d'enrichir la base de données probantes pertinente aux politiques de Santé Canada.

C'est un comité directeur ministériel qui guide les orientations du Bulletin. Au sein de la Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, c'est la Division de la gestion et de la diffusion de la recherche (DGDR) qui coordonne la préparation et la production du bulletin. La DGDR tient à remercier les membres du comité directeur, ainsi que Nancy Hamilton, directrice-rédactrice en chef, Jaylyn Wong, rédactrice adjointe, et Tiffany Thornton, coordination, et Raymonde Sharpe, révision et vérification de la qualité. Un merci particulier à Lil Tonmyr et à la rédactrice en chef invitée du présent numéro, le Dre Catherine McCourt, directrice de la Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique.

N'hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, de vos suggestions et de votre désir d'ajouter votre nom à notre liste d'envoi. Prière de faire parvenir toute rétroaction ou tout avis de changement d'adresse à : bulletininfo@hc-sc.gc.ca.

Vous pouvez accéder à la version électronique du bulletin.

Bulletin de recherche sur les politiques de santé

Les avis exprimés dans les articles, notamment en ce qui concerne l'interprétation des données, appartiennent aux auteurs et ne peuvent être considérés comme des positions officielles de Santé Canada.

La présente publication est offerte en d'autres formats sur demande.

La reproduction à des fins non commerciales est autorisée à condition que la source soit clairement indiquée.

Publié sous l'autorité du ministre de la Santé.

© Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, représentée par le ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2004

ISSN 1499-3511

Révision, conception et mise en page : Allium Consulting Group Inc.

Postes Canada, numéro de convention 4006 9608

En cas de non livraison, retourner à :

Santé Canada
DGIAC/ IACB
DGDR/ RMDD
LP : 1904A
Ottawa (Ontario)
K1A 0K9

Statistiques éclair sur les enfants canadiens

Population des enfants de 0 à 18 ans (2003)

Garçons : 3 824 389
Filles : 3 640 464

Enfants de moins de 18 ans dans des familles à faible revenu
(2001)

Nombre d'enfants : 1 245 700
Proportion d'enfants : 18 %

Structure des familles d'enfants de moins de 18 ans qui vivent chez leurs parents (1996)

74,3 % dans des familles dirigées par un couple présentement marié
8,4 % dans des familles dirigées par des conjoints de fait
2,7 % dans des familles monoparentales dirigées par un homme
14,5 % dans des familles monoparentales dirigées par une femme

Taux de mortalité infantile (2000)

5,3 pour 1 000 naissances vivantes

Taux de mortalité liée à une blessure chez les enfants de 0 à 19 ans (2000)

15,0 pour 100 000

Taux de morbidité liée à une blessure chez les enfants de 0 à 19 ans (2000-2001)

529,6 pour 100 000

Hospitalisations résultant d'une blessure, selon la cause et le sexe, 2000-2001 7
Hommes Tous les âges 1 à 19 ans
Blessure de la route 11,3% 11,5%
Chute 36,4% 33,1%
Autres blessures involontaires 38,1% 45,1%
Blessures volontaires 12,7% 9,3%
Intention inconnue 1,4% 1,1%
Femmes Tous les âges 1 à 19 ans
Blessure de la route 8,1% 11,6%
Chute 56,0% 29,4%
Autres blessures involontaires 19,8% 33,3%
Blessures volontaires 14,4% 23,4%
Intention inconnue 1,7% 2,3%

Une alliance fondamentale ancrée dans la preuve et l'action

L'entrevue suivante avec le Dre Catherine McCourt, directrice de la Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique de Santé Canada a été effectuée par Nancy Hamilton, rédactrice en chef du Bulletin de recherche sur les politiques de santé.

À quoi fait-on référence lorsqu'on parle de « violence envers les enfants »?

À nos fins, la violence envers les enfants se définit comme toute forme de violence physique, d'abus sexuel, de négligence ou de violence psychologique dont est victime un enfant. L'article intitulé Comment définir la violence envers les enfants? (voir la page 6) fournit des explications plus détaillées sur cette terminologie. En outre, cet article examine l'évolution du concept de violence envers les enfants et décrit les perspectives divergentes des gens face à ce problème. En ce qui touche la définition d'un enfant, l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) a recours à la plage d'âge de 0 à 15 ans inclusivement.

La violence envers les enfants semble préoccuper les responsables des politiques de nombreux secteurs. Quelle importance ce problème revêt-il à l'échelle du secteur de la santé?

La violence envers les enfants peut avoir des effets néfastes immédiats et à long terme sur la santé. La maltraitance des enfants et la négligence dont ils sont victimes peuvent entraîner des blessures à la fois émotives et physiques et engendrer des problèmes de développement comportemental, social, émotif et cognitif.

Le secteur de la santé joue un rôle crucial en vue de réduire les effets de la violence à l'endroit des enfants en misant sur des programmes de prévention, sur le signalement, sur l'orientation et sur le traitement. Les fournisseurs de soins de santé, par exemple, mettent sur pied des programmes pour sensibiliser les parents aux dangers qu'il y a à secouer leur bébé. Les équipes de protection de l'enfance des hôpitaux pédiatriques participent à l'évaluation, au signalement et au traitement des enfants qu'on soupçonne d'avoir été violentés. De plus, les services de santé mentale pour enfants constituent une importante composante des services offerts aux jeunes victimes de violence ou de négligence.

Pourquoi Santé Canada s'est-il engagé sur cette piste?

En premier lieu, les enfants constituent une priorité aux yeux de Santé Canada et du gouvernement fédéral dans son ensemble. Dans le concret, le ministère est actif dans la lutte contre la violence envers les enfants car nous avons une contribution unique à faire au plan de la santé, une contribution qui complète et enrichit les mandats des autres secteurs et compétences. Selon moi, une scientifique active en élaboration des politiques, le point de départ, c'est le leadership démontré par Santé Canada et sa fonction de coordination des activités nationales de surveillance de la violence envers les enfants de Santé Canada. Comme vous le savez, la surveillance de la santé dépend d'un système permanent de collecte des données, d'analyses expertes et interprétatives, et de communication de l'information menant à des mesures actives en santé publique. Le rôle du ministère dans la surveillance de la violence envers les enfants se fonde sur notre expertise et nos contributions au niveau de projets de surveillance nationaux centrés sur divers enjeux de santé publique comme les maladies infectieuses, les maladies chroniques, la santé périnatale et les blessures involontaires.

Santé Canada participe aussi en favorisant les recherches à l'externe, dont celles du Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants, l'un des quatre Centres d'excellence pour le bien-être des enfants du pays. À plus grande échelle, les études financées par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) nous aident également à faire des percées. Une troisième contribution vient du Centre national d'information sur la violence dans la famille, un centre de documentation au service des professionnels et du public.

Que répondez-vous aux personnes qui croient que nos ressources devraient financer les services de première ligne plutôt que les activités de surveillance et de recherche?

Je réponds que les deux sphères ont leur utilité. Les activités de surveillance et de recherche servent surtout à produire et disséminer un savoir pour aider les travailleurs de première ligne à fournir des services efficaces. La surveillance, par exemple, génère de l'information sur les cas de violence envers les enfants, les grandes tendances et les modes d'occurrence. Il s'agit de données essentielles aux prises de décisions éclairées sur les politiques et à l'affectation pertinente des ressources dédiées aux programmes.

Les activités de surveillance servent également à sensibiliser les gouvernements et le public à la tragédie de la négligence et de la maltraitance des enfants. Les recherches aident à faire la lumière sur les causes de la violence envers les enfants et sur les facteurs de prévention et de protection, ce qui favorise l'élaboration de programmes et de politique de prévention et d'intervention plus efficaces. Les études axées sur la conception et l'évaluation des programmes de prévention et d'intervention sont jugées essentielles pour exploiter à meilleur escient les ressources financières et humaines à notre disposition.

De quel genre de données et d'études avons-nous besoin? Quel rôle Santé Canada a-t-il joué en vue d'élargir cette base de données probantes?

Au plan de la surveillance, il faut d'abord établir l'ampleur du problème de la violence envers les enfants, y compris les taux et tendances qui se dessinent au fil du temps. Nous devons connaître les circonstances à la source de la maltraitance pour analyser et interpréter correctement les taux. Santé Canada est responsable de l'ECI, qui permet de recueillir des données sur l'incidence des cas de mauvais traitements signalés aux sociétés de protection de l'enfance à l'échelle du pays et qui donnent lieu à une enquête (voir l'article en page 9). Cette étude périodique, qui aborde son deuxième cycle, permet également de glaner des renseignements sur les circonstances et facteurs contextuels comme le revenu familial, le logement, les responsabilités du soignant et les facteurs de stress familial. Ceci reflète l'approche axée sur les déterminants de la santé de l'ECI.

Les rapports généraux de l'ECI s'appliquent à l'échelle nationale, mais les analyses provinciales et territoriales s'avèrent très importantes parce que ces compétences sont responsables du bien-être de l'enfance et de la prestation des services de protection de l'enfance. Certaines provinces et certains territoires favorisent le suréchantillonnage au sein de leur compétence pour encourager ce niveau d'analyse et de rapport (voir l'article en page 24).

Il importe de souligner que le travail engagé par Santé Canada au niveau de l'ECI est mené en collaboration avec les directeurs du bien-être de l'enfance des provinces et territoires et avec les collectivités universitaires et les organismes de revendication voués au bien-être des enfants. Cette approche vise à garantir la valeur scientifique, la pertinence et l'ouverture des activités pour les personnes qui planifient et dispensent les services aux enfants.

Que nous apprennent les données probantes au sujet des facteurs qui contribuent à la violence envers les enfants et à ses effets sur la santé?

Nous savons que les facteurs de risque liés à la maltraitance peuvent être un miroir de la situation de l'enfant, de la situation des parents ou de facteurs sociaux plus globaux, et que ces facteurs de risque peuvent varier selon le type de mauvais traitement infligé (voir aussi L'ampleur du fléau de la violence envers les enfants au Canada, page 12). Les facteurs de risque, dont le faible statut socioéconomique, la maladie parentale, la violence familiale, l'isolement social et bien d'autres, engendrent une plus grande probabilité de maltraitance mais n'en constituent pas nécessairement la cause. Pour ce qui est de l'impact sur la santé, l'article Séquelles immédiates et prolongées des mauvais traitements (en page 19) décrit certains effets de la violence sur les enfants.

Quels leviers politiques peut-on activer pour prévenir ou réduire les effets de la violence envers les enfants? En quoi nos efforts de recherche peuvent-ils influencer l'élaboration des politiques dans ce domaine?

Des leviers politiques comme la législation et les approches en planification, en financement et en prestation des services de protection de l'enfance existent aux échelons provincial et territorial et à des ordres inférieurs. Les provinces et territoires adoptent également des politiques visant d'autres secteurs, comme l'éducation (programmes de sensibilisation et de prévention), l'administration de la justice et les services de santé, y compris la dispensation de services de santé mentale aux enfants.

Au niveau fédéral, le ministère de la Justice joue un rôle clé en misant sur le Code criminel et sur divers aspects du droit familial alors que la Gendarmerie royale du Canada a le mandat clair d'assurer les services de police et d'application de la loi. Santé Canada et d'autres ministères fédéraux collaborent par le biais de l'Initiative de lutte contre la violence familiale sous l'égide de Santé Canada et ils se départagent les responsa-bilités d'élaboration des politiques à l'appui de grandes initiatives internati-onales comme la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et Un monde digne des enfants (voir la page 26). En réaction au dernier document, le gouvernement fédéral s'est affilié à des partenaires issus de nombreux secteurs pour mettre au point le plan d'action national Un Canada digne des enfants.

Santé Canada déploie également des efforts pour prévenir la violence et les blessures et, de manière plus générale, souscrit au contenu du Rapport mondial sur la violence et la santé. Finalement, les politiques socioéconomiques définies par divers secteurs du gouvernement fédéral s'avèrent fort utiles pour identifier les circonstances socioéconomiques qui exposent davantage les enfants à la violence.

L'ECI a déjà eu un certain impact sur l'élaboration des politiques et je m'attends à ce que ses effets s'intensifient au fur et à mesure qu'on appliquera et analysera d'autres cycles de l'étude. Dans le monde de l'enseignement par exemple, on a intégré les résultats de l'ECI aux programmes des écoles secondaires et des universités, ainsi qu'aux cours d'éducation permanente offerts aux administrateurs scolaires. À l'échelon fédéral, les résultats de l'ECI ont étoffé l'intervention du Canada et permis l'ajout du concept de négligence des enfants à Un monde digne des enfants. Les récentes analyses ont aussi alimenté et enrichi les discussions stratégiques sur les procédures et les enquêtes axées sur les cas de violence envers les enfants et facilité l'adoption de systèmes de réponse différentiels selon le degré d'urgence de l'intervention1.

Vers où devrait-on orienter les efforts de recherche dans les années à venir?

L'article Le grand saut du savoir à l'action (voir la page 24) décrit les difficultés qu'il y a à consolider les éléments de preuve pour lutter efficacement contre le problème de la violence envers les enfants et pour le prévenir. Je crois que divers domaines clés méritent qu'on s'y attarde davantage. Nous devons déployer plus d'efforts, par exemple, pour mieux comprendre les mauvais traitements infligés aux enfants vulnérables ou avec des besoins spéciaux, comme les enfants handicapés ou auto-chtones, ainsi que le rôle des facteurs socioculturels et l'effet de la violence sur la santé et sur l'économie.

J'ai la conviction que l'engagement ferme et croissant de Santé Canada à collaborer avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, de même qu'avec les Instituts de recherche en santé du Canada, est fondamental pour arriver à combler ces failles. La création de la nouvelle Agence de santé publique du Canada nous donne la chance de consolider cette collaboration et renforce nos mesures de surveillance de la violence envers les enfants, des blessures et de violence en général. En terminant, je crois que nous devons miser davantage sur la collaboration internationale en matière de surveillance et de recherche sur la violence envers les enfants, car si nous avons des choses à apprendre des autres pays, nous avons aussi bien des choses à leur offrir.

Comment définir la violence envers les enfants?

Carol MacLeod, Unité de la prévention de la violence familiale, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada; Lil Tonmyr, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada; et Tiffany Thornton, Division de la gestion et de la diffusion de la recherche, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada

Au fil des ans, notre compréhension des enjeux et concepts entourant la violence envers les enfants a beaucoup évolué. Cet article décrit le contexte historique qui encadre les définitions et approches en matière de violence envers les enfants et décrit les perspectives qui ont guidé cette évolution.

Un regard rétrospectif

Il n'y a pas si longtemps encore, les enfants des pays occidentaux n'étaient pas considérés comme des entités distinctes de la famille. Cette perception a changé à l'époque de la Révolution industrielle, alors que les conditions de vie des enfants sont devenues inquiétantes. Les gouvernements ont réagi en limitant l'âge et les heures de travail des enfants et en rendant obligatoire la fréquentation scolaire au niveau primaire. Au même moment, des réformateurs sociaux bénévoles prenaient les devants pour dispenser des soins aux enfants victimes de négligence ou de violence sexuelle ou physique.

Au Canada, la protection de l'enfance a été confiée principalement aux provinces puisque ces dernières ont les compétences voulues pour réglementer les organismes charitables. La première Société de protection de l'enfance a vu le jour en Ontario en 18911 . Pendant la première moitié du vingtième siècle, les efforts provinciaux visaient surtout à contrer la pauvreté des enfants et les cas de négligence ou d'abandon. Dans les années 1960, la recherche produisait une définition du « syndrome de l'enfant battu », ce qui donnait rapidement lieu à de nouvelles perceptions du concept de violence envers les enfants. Par conséquent, les services sociaux modifiaient leur tir, délaissant quelque peu la négligence parentale pour se concentrer davantage sur les problèmes de violence sexuelle et physique.

Paru en 1984, le rapport Badgley appuyait une réorientation plus ciblée des droits parentaux vers les droits de l'enfant2 . Les provinces et territoires rajustaient leurs lois de protection de l'enfance, définissaient diverses formes de violence, statuaient que les cas de violence devaient être signalés aux sociétés de protection de l'enfance ou à la police et exigeaient la tenue d'une enquête suivant une allégation de mauvais traitements à l'égard d'un enfant. En même temps, les services sociaux délaissaient leurs pratiques d'appréhension et de placement des enfants en faveur d'une approche préventive centrée sur la mesure « la moins dérangeante » possible, y compris le soutien aux familles et le traitement des enfants maltraités.

Un regard introspectif

Au fur et à mesure qu'on se familiarise avec les effets de la violence envers les enfants et que les attitudes évoluent, les concepts et approches prennent aussi de nouvelles tangentes. En raison des croyances qui sous-tendent les droits de l'enfant, on juge maintenant que la violence psychologique justifie l'adoption de mesures pour protéger l'enfant. De nos jours, les typologies sur la violence envers les enfants intègrent généralement trois éléments : la relation entre l'adulte et l'enfant; les gestes de commission ou d'omission commis par un adulte ou un jeune; et les mauvais traitements ou les menaces de mauvais traitements à l'endroit d'un enfant. La plupart des typologies citent quatre catégories de violence envers les enfants, soit la violence physique, l'abus sexuel, la négligence et la violence psychologique (voir l'encadré).

Types de violence envers les enfants

La violence physique (assaut) équivaut à appliquer délibérément sur n'importe quelle partie du corps d'un enfant, une force qui provoque ou peut provoquer une blessure non accidentelle. On inclut dans cette catégorie le fait de secouer, d'étouffer, de mordre, de frapper à coups de pied, de brûler ou d'empoisonner un enfant, ou de le maintenir sous l'eau et toute autre forme dangereuse ou préjudiciable de recours à la force ou à la contrainte.

L'abus sexuel survient lorsqu'un adulte ou adolescent se sert d'un enfant à des fins sexuelles. Cette forme d'abus suppose l'exposition d'un enfant à un contact, une activité ou un comportement de nature sexuelle. L'abus sexuel comprend la pénétration, la tentative de pénétration, le sexe oral, les attouchements, les conversations à caractère sexuel, le voyeurisme, l'exhibitionnisme et l'exploitation.

La négligence survient lorsque la personne responsable de l'enfant n'arrive pas à répondre à ses besoins physiques et psychologiques de base. On parle de négligence lorsque l'omission de superviser l'enfant donne lieu à des blessures physiques ou à l'abus sexuel, favorise des comportements criminels, entraîne la négligence physique ou médicale de l'enfant, l'empêche d'obtenir un traitement psychologique, résulte en l'abandon de l'enfant et à la négligence éducative.

La violence psychologique englobe des comportements qui causent des torts psychologiques, émotifs ou spirituels à l'enfant. La violence psychologique comprend l'abus psychologique, la négligence émotive et l'exposition à la violence familiale.

Approches

Il existe deux approches différentes pour lutter contre la violence envers les enfants. L'approche axée sur les comportements vise les actes fautifs légalement interdits posés par un adulte ou un jeune et qui causent un préjudice à l'enfant; l'approche axée sur les effets ou l'approche axée sur les droits repose sur le droit des personnes ou le droit des enfants de vivre sans préjudice et en fait un enjeu de société. Les approches canadiennes et internationales actuelles intègrent ces deux perspectives. À titre d'exemple, le Rapport mondial sur la violence et la santé 2002 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)4 mise sur l'approche axée sur les effets, selon laquelle les mauvais traitements résultent des comportements d'un adulte qui nuisent à la santé de l'enfant, à sa survie, à son développement ou à sa dignité. L'OMS souscrit au principe qu'on peut éviter la violence en modifiant les conditions à la source des comportements adultes inappropriés.

L'Organisation des Nations Unies (ONU) recommandait de protéger les droits de l'enfant dans sa Convention sur les droits de l'enfant5 que le Canada a ratifié en 1991. Santé Canada s'acquitte de ses responsabilités en vertu de la Convention en garantissant le droit des enfants à la survie, au sain développement, à la protection et à la participation.

Lors de la Session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur les enfants de 2002, les gouvernements du monde s'engageaient à adopter officiellement le document Un monde digne des enfants6 . Donnant suite à cet engagement, le Canada se dotait d'un plan d'action propre intitulé Un Canada digne des enfants7, dont sont conjointement responsables les ministres de la Santé et du Développement social. Le plan fait de la prévention de la violence envers les enfants constitue sa grande priorité, sous la thématique « Protéger les enfants ».

Pleins feux sur la collaboration

Les approches axées sur les effets et les approches axées sur les comportements se traduisent par trois niveaux d'intervention : les interventions fondées sur la loi, qui visent à protéger les victimes et à punir les agresseurs; les interventions axées sur le service social, qui visent à protéger les enfants; et les interventions axées sur le système de santé, qui visent à prévenir, à identifier et à traiter les effets des mauvais traitements. Pour mettre fin aux mauvais traitements et pour protéger les enfants, il faut miser sur la coopération entre le gouvernement fédéral et les gouverne-ments provinciaux et les organismes du secteur bénévole. Ces efforts doivent s'ancrer dans une base législative applicable à l'ensemble des compétences.

Cadres législatifs

Justice Canada assure la bonne application du Code criminel du Canada qui s'occupe des plus graves formes de mauvais traitements à l'égard des enfants et d'exploitation sexuelle des enfants, ainsi que des questions interprovinciales ou internationales comme le tourisme sexuel et la pornographie infantile à l'Internet. Les lois provinciales et territoriales servent à protéger les enfants de la maltraitance et à renforcer les familles. Il revient aux provinces et territoires d'appliquer les lois sur la protection des enfants, d'administrer le droit civil et de traduire en justice les personnes qui commettent la plupart des délits régis par le Code criminel.

Services sociaux

La plupart des provinces et territoires confient aux ministères de la santé, des services sociaux, des services communautaires ou des services à la famille la tâche de protéger les enfants. Quelques provinces et territoires délèguent cette fonction aux sociétés ou conseils régionaux, alors que d'autres financent les services communautaires fournis par des organismes non gouvernementaux comme les sociétés de protection de l'enfance. En outre, la portée des services varie d'un endroit à l'autre mais comprend généralement les cours de formation à l'intention des parents et les cours axés sur l'autonomie fonctionnelle, les services de consultation, de relève et de garderie, ainsi que les programmes de traitements spécialisés à l'intention des jeunes victimes ou des agresseurs.

Lorsque des provinces ou territoires demandent aux collectivités des Premières Nations de s'occuper de leurs services de protection de l'enfance, Affaires indiennes et du Nord canadien (AINC) accordent une aide financière aux collectivités pour leur permettre d'établir et d'administrer des programmes, conformément aux lois provinciales et territoriales. Dans d'autres secteurs, AINC finance divers services octroyés par des organismes ou des ministères provinciaux ou territoriaux.

Services de santé

Nul doute la notion que la santé et l'absence de mauvais traitements constituent un droit fondamental des enfants en fait-elle un grand enjeu de santé publique. Le sain développement de l'enfant est considéré comme un déterminant clé de la santé, alors que les blessures et les problèmes émotifs découlant des mauvais traitements peuvent engendrer des troubles physiques, émotifs et cognitifs permanents qui taxeront gravement le régime de soins de santé. Les recherches ont permis d'établir des liens entre la maltraitance et une gamme de problèmes physiques, émotifs et de santé mentale, y compris un retard de développement du cerveau; des attachements malsains; l'adoption de stratégies d'adaptation dangereuses (p.ex., la toxicomanie, l'alcoolisme et le tabagisme); des expériences sexuelles précoces et des relations sexuelles non protégées résultant en des maladies transmises sexuellement, des grossesses involontaires et des issues de grossesse malsaines; des stratégies de contrôle corporel comme les troubles de l'alimentation, la mutilation et le suicide; et le recours à des stratégies abusives dans les relations entre adultes8 .

Au-delà de l'enfant maltraité, la violence affecte la famille, la collectivité et les instances chargées d'identifier, de traiter et de soigner les enfants victimes d'abus. Par conséquent, il est depuis longtemps acquis que la violence envers les enfants a des répercussions sur nombre de secteurs comme la loi, le logement, l'éducation, les services sociaux et la santé.

Au fil des ans, les gouvernements fédéral et provinciaux ont eu tendance à adopter des stratégies pluriministérielles engageant la participation clé des ministères de la santé pour lutter contre la violence faite aux enfants. En ce sens, plusieurs initiatives fédérales interministérielles spéciales ont vu le jour, y compris le Plan d'action national pour les enfants, Rassembler nos forces : le plan d'action national du Canada pour les questions autochtones, la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones, la Stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime, l'Initiative nationale pour les sans-abri et l'Initiative de lutte contre la violence familiale.

Le gouvernement fédéral récolte des données et effectue des recherches sur la nature et l'ampleur de la violence envers les enfants, surtout dans les secteurs de la santé. Notons, en particulier, l'Étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes, qui compile des données sur le parentage et la violence familiale, et l'Étude sur les comportements de santé des jeunes d'âge scolaire, qui se penche sur le phénomène de l'intimidation dans les écoles. Sous l'égide de Santé Canada et de Développement social Canada, l'Entente sur le développement de la petite enfance conclue entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux favorise le bien-être des parents et des enfants, tout comme le Programme d'action communautaire pour les enfants, le Programme national de nutrition prénatale et le Programme Y'a personne de parfait de Santé Canada.

Rôles attribués aux secteurs de la santé

La violence envers les enfants engendre des problèmes de santé graves et persistants. Voilà pourquoi le secteur de la santé a un rôle crucial à jouer dans l'identification et la prévention des mauvais traitements à l'endroit des enfants, la protection des jeunes et la prestation de soins aux victimes de sévices émotifs et physiques. Les politiques et programmes du secteur de la santé favorisent le sain développement des enfants et l'instauration de facteurs et de conditions aptes à protéger les enfants du danger, immédiatement et à long terme. Les activités engagées à l'échelle du secteur de la santé s'inspirent des initiatives de surveillance et des recherches menées par Santé Canada dans l'optique de mieux comprendre l'effet des expériences vécues dans la petite enfance sur le développement subséquent, les comportements sains et l'état de santé.

L'Étude canadienne sur l'incidence : Une source de données probantes

Valérie Gaston, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada, et Nico Trocmé, Ph.D., directeur du Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants, faculté du Travail social, Université de Toronto

L' Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) constitue la pierre angulaire du réseau canadien de surveillance de la violence envers les enfants. Auparavant, puisqu'il n'existait aucune donnée estimative sur l'incidence de la maltraitance à l'échelle canadienne, les décideurs avaient recours aux données américaines pour produire les « estimations les plus pertinentes possibles » sur la situation au Canada. Le présent article décrit les aspects clés de l'ECI, qui fonctionne selon un cycle périodique quinquennal de collecte et de déclaration des données. Le premier cycle a été lancé en 1998, le second en 2003, et les activités d'analyse de données conséquentes sont en cours.

Un mot au sujet de l'ECI

Santé Canada mène l'ECI de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et une équipe pluridisciplinaire d'enquêteurs affiliés à des centres universitaires régionaux sous l'égide de l'université de Toronto. Son orientation relève d'un groupe directeur multisectoriel qui réunit des porte-parole des secteurs de la santé et des services sociaux, des représentants de la jeunesse, des groupes autochtones, des chercheurs universitaires et des groupes de revendication.

L'ECI examine les cas de violence envers les enfants (violence physique, sexuelle et psychologique, ainsi que négligence) signalés aux responsables des services de protection de l'enfance à l'échelle du Canada et qui font l'objet d'une enquête. Elle permet, entre autres, d'engager les mesures suivantes :

  • examiner les taux de cas signalés de mauvais traitements (p.ex., le type, la durée, la gravité);
  • explorer les caractéristiques clés de l'enfant faisant l'objet d'une enquête (p.ex., les signalements antérieurs de mauvais traitement et les caractéristiques de fonctionnement de l'enfant, comme un retard de développement ou la dépression) et de sa famille (p.ex., l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, les facteurs de risque, la source première de revenu et le logement de la personne soignante);
  • vérifier les sources de signalement et les résultats à court terme du cas (p.ex., le placement à l'extérieur du domicile et le rôle du tribunal de protection de la jeunesse).

Le rôle crucial de la surveillance

On définit la surveillance de la santé comme l'utilisation systématique et continue de données sur la santé régulièrement produites dans l'optique de faciliter l'adoption de mesures actives en santé publique. Elle mène à la production de données qui aident les chercheurs à identifier les tendances, à glaner de l'information sur les déterminants de la santé (ainsi que divers facteurs de risque et de protection), à définir les priorités nationales en recherche et à orienter le développement et l'évaluation des politiques et programmes. Elle met aussi en lumière les questions émergentes et aide les chercheurs et les analystes des politiques à vérifier le progrès accompli en matière de prévention et de traitement des maladies et blessures.

Véritable fondement du réseau canadien de surveillance de la violence envers les enfants, l'ECI s'articule en trois étapes propres au cycle de surveillance de la santé (voir la Figure 1). Les données servant à l'ECI sont recueillies tous les cinq ans pour être ensuite analysées. L'information résultante est diffusée et sert à enrichir les politiques et la pratique. On incite également tous les chercheurs du pays à analyser plus en détail les données produites (voir l'article en page 16).

Un réseau intégré de surveillance de la violence envers les enfants doit permettre de recueillir et, éventuellement, de relier les données produites par les milieux professionnels qui s'occupent des jeunes victimes de mauvais traitements, y compris les services de protection de l'enfance, la police, la justice et les hôpitaux pédiatriques. On observe une lacune, soit la pénurie de données provenant des bureaux de coroners et de médecins légistes, quoique ces données seront bientôt disponibles à partir de la base de données nationale des coroners et médecins légistes qui fournira de précieux renseignements sur les circonstances entourant le décès d'enfants pour cause de négligence ou de maltraitance.

Figure 1 : Le cycle de surveillance


Source : Adapté des Centers for Disease Control.

Le cycle de surveillance

L'ECI : Pierre angulaire des activités de surveillance

Avant l'ECI, le Canada ne disposait pas de données nationales exhaustives sur les enfants et les familles ayant fait l'objet d'enquêtes suivant des allégations de maltraitance ou de négligence, ce qui ralentissait l'élaboration et l'évaluation des politiques, des programmes et des interventions. Entre autres grands objectifs, l'ECI vise à produire des estimations fiables sur la fréquence et les caractéristiques des cas signalés de mauvais traitements infligés aux enfants de 0 à 15 ans; à mieux cibler les ressources qui s'offrent aux enfants à risque d'abus et de négligence; et à orienter l'élaboration des politiques et programmes.

Faits saillants de la méthodologie

Que veut-on compter

L'ECI permet de recueillir de l'information sur les cas signalés de mauvais traitements qui font l'objet d'enquêtes de la part des services de protection de l'enfance, y compris les cas de mauvais traitements corroborés, soupçonnés et non corroborés. Puisque, au Canada, les taux d'incidence de la violence envers les enfants se fondent sur les cas de mauvais traitements corroborés, il importe de bien saisir les nuances entre ces trois termes (voir l'encadré).

Corroboration des mauvais traitements

On dit que des mauvais traitements sont corroborés lorsqu'il existe assez de preuves pour porter le travailleur social à conclure qu'il y a bel et bien des signes d'abus ou de négligence. À titre d'exemple, un cas de violence psychologique sera corroboré si la police porte des accusations de violence familiale dans le cas d'un événement qui s'est déroulé en présence des enfants.

On dit que les mauvais traitements sont soupçonnés lorsqu'il n'existe pas assez de preuves pour conclure qu'il y a bel et bien des signes d'abus ou de négligence, quoique la chose s'avère fort probable. À titre d'exemple, une école fait appel aux services sociaux pour aiguiller un enfant qui arrive à l'école en pleurs, avec une blessure au visage, en alléguant que son père était fâché et a crié après lui. Après enquête, il s'avère que les versions du père et de l'enfant sont toutes deux plausibles mais pas entièrement convaincantes.

On dit que les mauvais traitements ne sont pas corroborés lorsqu'il existe assez de preuves pour conclure en l'absence totale d'abus ou de négligence. À titre d'exemple, un voisin téléphone aux services sociaux pour avertir que de jeunes enfants ont été laissés seuls à la maison sans supervision, qu'ils sont sales et qu'il n'y a pas de nourriture ou de chauffage. Pendant l'enquête, le travailleur social se rend compte que les enfants sont bel et bien supervisés et qu'ils ont tous les soins requis.

Le problème de la sous-déclaration

Puisque certains cas ne sont pas inclus dans l'étude, on considère généralement que les taux de mauvais traitements corroborés précisés dans l'ECI sous-estiment le taux d'incidence réel des cas de maltraitance au niveau de la population infantile.

Tel qu'illustré à la Figure 2, par exemple, l'ECI ne comprend pas :

  • les nouveaux rapports sur des cas dont s'occupent déjà les services de protection de l'enfance;
  • les signalements rejetés avant enquête (c.-à-d. les signalements où il n'y a pas assez d'information pour identifier la famille, comme le cas d'une femme anonyme qui frappe un enfant dans le stationnement d'un centre commercial);
  • les enquêtes sur des allégations de cas connus uniquement de la police (comme un cas de violence familiale dans une famille avec des enfants que la police n'a pas signalé à une société de protection de l'enfance);
  • les cas de mauvais traitements inconnus ou connus non signalés (comme le cas d'un prêtre qui sait qu'un enfant est victime de négligence et qui vient en aide à la famille dans le contexte de la paroisse au lieu d'aviser les services de protection de l'enfance).

Figure 2 : Échantillonnage - Portée de l'ECI

Échantillonnage - Portée de l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants

Échantillonnage

Le premier cycle de collecte de données de l'ECI s'est tenu en 1998 (ECI-1998) et a permis de compiler les données de 51 sites à l'échelle du pays - y compris trois sites autochtones - portant sur 7 672 enquêtes sur des cas de violence envers les enfants. Les données recueillies lors du second cycle (ECI-2003) ont été compilées à partir de 68 sites à l'échelle du Canada, y compris 10 sites autochtones. On estime que l'ECI-2003 fournira de l'information sur plus de 10 000 enquêtes sur des cas de violence envers les enfants.

L'échantillonnage s'effectue en plusieurs étapes et exige la sélection de sites et de cas. D'une part, les sites sont choisis au hasard à même la liste de toutes les sociétés de protection de l'enfance du Canada stratifiée selon la province ou le territoire et selon le statut d'Autochtone. On invite ensuite les responsables des sites à participer à l'étude. En cas de refus, on remplace ce site par un autre choisi au hasard parmi tous les sites restants figurant dans la liste.

À l'intérieur des sites participants, on choisit des cas actifs ayant fait l'objet d'une enquête par suite d'allégations de violence envers les enfants pendant la période de cueillette des données de trois mois (entre le 1er octobre et le 31 décembre 2003 dans le cas de l'ECI-2003). Fait notoire, l'ECI a mis au point des définitions fonctionnelles pour contourner diverses pratiques administratives et lois sur la protection de l'enfance. En dernier lieu, les données sont pondérées pour en arriver à produire des taux d'incidence nationaux annuels.

Cueillette des données

Dans chaque site, on enseigne aux enquêteurs de l'aide à l'enfance à se servir d'un outil de cueillette des données de trois pages. Le questionnaire fournit des renseignements sur la source du signalement, sur l'âge et le sexe de tous les enfants qui habitent le domicile en cause, sur les personnes qui en ont la charge, sur le ménage, sur les caractéristiques de fonctionnement de l'enfant, ainsi que sur le type, la durée et la gravité des mauvais traitements. Les données de l'ECI ne contiennent aucun identificateur personnel.

Forces et faiblesses

L'une des forces de l'ECI tient au fait que les données proviennent directe-ment des travailleurs de l'aide à l'enfance à partir d'une série de définitions types. On évite ainsi certains problèmes inhérents aux pénuries de données et aux disparités régionales susceptibles d'amoindrir l'utilité des statistiques sur les services officiels déclarés. Cela dit, la méthodologie n'accommode pas un suivi à long terme des cas étudiés. En outre, puisque les données de l'ECI ont une portée nationale, elles ne permettent pas d'évaluer l'efficacité de programmes régionaux particuliers ou de comparer des résultats provinciaux et territoriaux. Par contre, les provinces et territoires ont le droit de procéder à des suréchantillonnages, une option qui permet de comparer leurs résultats aux estimations nationales produites.

L'ECI en action

En tant qu'étude cyclique, l'ECI sert à prévoir les tendances au fil du temps et sous-tend les mesures de prévention et d'intervention fondées sur la preuve. Le savoir accumulé peut s'appliquer à la pratique, à la recherche, à l'élaboration des programmes et politiques et à l'évaluation. Comme l'explique l'article en page 24, les résultats de l'ECI ont joué un rôle clé dans la transformation profonde de l'organisation des services de bien-être de l'enfance, ainsi que dans les discussions stratégiques portant sur la négligence des enfants et la violence familiale.

L'ampleur du fléau de la violence envers les enfants au Canada

Lil Tonmyr, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique (DGSPSP), Santé Canada, et Lesley Doering, Division de l'enfance et de l'adolescence, Centre de développement de la santé humaine, DGSPSP, Santé Canada.

Les facteurs à la source des manifestations de violence envers les enfants s'avèrent fort complexes. Le présent article examine l'ampleur du fléau de la violence envers les enfants au Canada et les facteurs de risque qui augmentent les probabilités qu'un enfant soit victime de maltraitance.

Introduction

Tel que souligné dans le cadre des articles précédents, l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI)1 fournit les premières estimations nationales des cas de violence envers les enfants au Canada. Jointes aux données d'autres sources, ces estimations aident à définir la portée du problème et la gamme élargie des facteurs contributifs.

Incidence

Dans le jargon de l'aide à l'enfance, le terme incidence fait référence au nombre de nouveaux cas d'enfants victimes de mauvais traitements signalés aux sociétés de protection de l'enfance au cours d'une année donnée. En 1998, on a mené des enquêtes sur quelque 135 573 cas de violence envers les enfants à l'échelle du pays affectant 2,2 pour cent des enfants canadiens de 0 à 15 ans. De ce nombre, 45 pour cent étaient des cas corroborés répartis selon les quatre grandes catégories de maltraitance suivantes : la négligence (40 pour cent); la violence physique (31 pour cent); la violence psychologique (19 pour cent); et l'abus sexuel (10 pour cent)1. De ces cas corroborés, 51 pour cent concernaient les garçons alors que 49 pour cent concernaient les filles. Les Figures 1 et 2 révèlent en quoi les mauvais traitements varient selon l'âge et le sexe.

Puisque les taux d'incidence de violence envers les enfants se fondent sur les rapports officiels de mauvais traitements produits par les sociétés de protection de l'enfance, ils tendent à sous-estimer le nombre réel de cas d'abus. Cette situation s'explique de plusieurs façons2 :

  • beaucoup d'enfants victimes d'avis ne sont pas connus de la police ou des sociétés de protection de l'enfance;
  • les enfants peuvent hésiter à déclarer qu'ils ont été victimes de mauvais traitements par crainte qu'on ne les croira pas ou d'être stigmatisés;
  • les enfants sont dépendants, ce qui les rend plus vulnérables à l'intimidation;
  • les enfants se blâment souvent pour les mauvais traitements dont ils sont victimes et peuvent associer la divulgation à des conséquences négatives comme l'éclatement de la famille ou le placement en foyer;
  • les adolescents peuvent craindre de dire à leurs parents qu'ils sont victimes d'abus par crainte que ces derniers limitent leurs activités;
  • bien des gens sont d'avis que la vie familiale est une chose privée et craignent de s'immiscer dans le quotidien des autres;
  • les professionnels peuvent ne pas reconnaître ou déclarer un cas de violence envers un enfant.

Figure 1 : Cas corroborés de mauvais traitements chez les garçons, selon la catégorie de mauvais traitement et selon le groupe d'âge, 1998

Cas corroborés de mauvais traitements chez les garçons, selon la catégorie de mauvais traitement et selon le groupe d'âge, 1998

Source : Tiré de Trocmé et al., 20011.

Prévalence

La prévalence fait référence à la proportion de population ayant été victime de mauvais traitements dans l'enfance. Malgré l'absence de données nationales sur la prévalence, les données recueillies dans le cadre d'une étude communautaire menée en Ontario (n= 9 953, 15 à 64 ans) portent à croire que les cas de violence physique ou d'abus sexuel dans l'enfance sont chose commune et que le fait d'être victime de violence physique est plus courant chez les hommes (31,2 pour cent) que chez les femmes (21,1 pour cent). Les chiffres révèlent aussi que les femmes tendent plus à être victimes d'abus sexuel (12,8 pour cent) que les hommes (4,3 pour cent).3 On a également demandé aux répondants de préciser s'ils avaient eu des contacts avec les services de protection de l'enfance dans leur jeunesse. Seul un petit nombre de victimes de violence physique (5,1 pour cent) ou d'abus sexuel (8,7 pour cent) disent avoir eu des contacts avec une société de protection de l'enfance4 , ce qui porte à conclure qu'un grand nombre de cas ne sont jamais signalés.

Tendances

Malgré la pénurie de données nationales, deux études ontariennes donnent un aperçu des changements survenus au plan de la violence envers les enfants au fil du temps.L'Étude ontarienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants s'est tenue en 1993 et en 1998, alors que l'Ontario procédait au suréchantillonage de l'ECI pour produire des estimations provinciales5 . En cinq ans, le nombre estimatif total des cas de violence envers les enfants sujets à enquête a grimpé, passant de 44 900 cas à 64 888 cas, une hausse de 44 pour cent. La proportion de cas corroborés parmi tous les enfants de 0 à 15 ans a augmenté de 0,6 pour cent en 1993 à 1,0 pour cent en 1998, ce qui constitue une hausse statisti-quement significative.

Point de mire sur les enfants autochtones

À l'heure actuelle, on ne dispose pas de données nationales sur la portée de la violence envers les enfants autochtones du Canada. Cela dit, le premier cycle de l'ECI visait trois centres de protection de l'enfance autochtone et une analyse exploratoire des données a été effectuée par des représentants de la First Nations Child & Family Caring Society of Canada (voir Qui fait quoi? en page 28). Les résultats portent à croire que les enfants autochtones sont plus susceptibles de faire l'objet de déclarations aux sociétés de protection de l'enfance que les enfants non autochtones et que la négligence constitue la forme première de violence dont sont victimes les enfants de ce groupe6 .

Tel qu'indiqué à l'article précédent, on a augmenté le nombre de centres de protection de l'enfance qui s'occupent des enfants autochtones lors du second cycle de l'ECI et on s'attend à ce qu'un plus grand nombre de chercheurs autochtones se penchent sur ces données. Pour accroître la composante autochtone de l'ECI, il importe de respecter certaines conditions, soit appuyer davantage la recherche centrée sur les autochtones dans le cadre de l'ECI; établir d'autres partenariats avec les sociétés de protection de l'enfance vouées aux enfants autochtones; et coordonner davantage les efforts gouvernementaux fédéraux à l'échelle des ministères desservant les collectivités autochtones.

Figure 2 : Cas corroborés de mauvais traitements chez les filles, selon la catégorie de mauvais traitement et selon le groupe d'âge, 1998


Source : Tiré de Trocmé et al., 20011.

Cas corroborés de mauvais traitements chez les filles, selon la catégorie de mauvais traitement et selon le groupe d'âge, 1998

La Figure 3, qui compare le nombre estimatif d'enquêtes sur les cas de violence ou d'abus corroborés en Ontario en 1993 et en 1998 dans les quatre catégories de mauvais traitements, fait état d'une hausse radicale des signalements de cas de violence physique pendant cette période. Les analyses révèlent que cette hausse tient, en grande partie, au nombre accru de cas de châtiment inapproprié. Ceci peut témoigner d'une hausse réelle des cas de châtiment corporel inapproprié ou, ce qui semble plus probable, de l'intolérance croissante de la société face à toute forme de châtiment corporel à l'endroit des enfants, d'où un plus grand nombre de signalements aux organismes de protection de l'enfance. Même si le nombre de cas signalés d'abus sexuel a diminué, il importe d'examiner les données avec grande attention. Même si l'on observe des tendances similaires aux États-Unis, on ignore si cette baisse tient à une propension accrue à signaler les cas d'abus des enfants ou à l'adoption de politiques et de programmes de prévention plus efficaces.

En outre, l'incidence croissante des cas d'abus émotif et de négligence s'avère fort inquiétante. La hausse des cas d'abus émotif tient, en très large partie, à l'inclusion récente de l'exposition à la violence familiale comme fondement des enquêtes sur la violence émotive. Ceci fait ressortir l'urgence de mettre au point des programmes pour contrer les effets des conflits familiaux sur les enfants et les soignants. L'incidence croissante des cas signalés de négligence pourrait aussi tenir à une sensibilisation accrue aux effets néfastes de la négligence.

Figure 3 : Incidence des cas corroborés de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement, Ontario, 1993 et 1998

Incidence des cas corroborés de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement, Ontario, 1993 et 1998

Pourquoi certains enfants sont-ils plus vulnérables que d'autres?

Les facteurs derrière les manifestations de violence envers les enfants sont complexes et profondément ancrés dans l'organisation des familles, des collectivités, des lieux de travail et de la société en général. Pour bien comprendre le phénomène de la violence envers les enfants, il faut examiner l'influence des déterminants de la santé physiques, sociaux et économiques globaux et déceler les facteurs qui augmentent la probabilité ou le risque de mauvais traitements. Dans un tel contexte, l'expression « facteur de risque » s'appliquera à toute variable - en rapport avec l'enfant, le parent ou la société en général - associée à la probabilité accrue qu'un enfant soit victime de maltraitance. Puisque la plupart des études menées jusqu'ici se concentrent sur la femme comme soignante principale, les facteurs de risque maternels, y compris le jeune âge de la mère et son faible taux de scolarité, ont attiré davantage l'attention que les facteurs de risque paternels, une situation à rectifier. À titre d'exemple, l'abus sexuel d'un enfant ne survient généralement pas en vase clos mais dans le contexte de problèmes coexistants, y compris d'autres formes de maltraitance7.

La recherche démontre que les facteurs de risque peuvent varier selon le type de mauvais traitement infligé à un enfant. On observe aussi des variantes au plan de la disponibilité des données qui servent à établir des liens entres des formes particulières de violence envers les enfants et des facteurs de risque spécifiques*.

Violence physique

La base de données probantes sur les indicateurs de risque est plus fournie dans le cas de la violence physique que des autres formes de maltraitance. Ceci pourrait tenir au fait que beaucoup de facteurs de risque liés à la violence physique sont des variables démographiques qui sont plus faciles à identifier que d'autres types de variables. Voici un aperçu des facteurs de risque associés à la violence physique7 :

*Dans le présent article, l'information sur les facteurs de risque liés à la violence physique et l'abus sexuel provient d'un échantillon communautaire croisé. L'information sur les indicateurs de risque liés à la négligence est tirée d'une étude longitudinale prospective portant sur des cas officiellement enregistrés et des cas auto-signalés de violence envers les enfants aux États-Unis. L'information sur les facteurs de risque liés à la violence psychologique provient de cas signalés aux sociétés de protection de l'enfance du Québec.

Facteurs infantiles
  • sexe masculin
Facteurs parentaux
  • jeunesse de la mère, troubles psychiatriques et faible niveau de scolarité
  • non participation à des cours prénataux
  • famille monoparentale
  • exposition à la violence physique, alcoolisme et toxicomanie, violence familiale dans l'enfance
  • violence familiale
  • grossesse accidentelle ou attitude parentale négative face à la grossesse
  • isolement social ou manque de soutien social
  • faible pratique religieuse
Facteurs sociaux
  • faible statut socioéconomique
  • grande famille
  • stress récent dans sa vie

Abus sexuel

On possède peu d'indicateurs sur l'abus sexuel et ceux dont on dispose tendent à être imprécis. Le sexe de l'enfant, par exemple, constitue un facteur de risque identifié dans les cas d'abus sexuel, ce qui confirme la vulnérabilité accrue des filles. La liste suivante fait état de divers autres facteurs de risque associés à l'abus sexuel7 :

Facteurs infantiles
  • sexe féminin
Facteurs parentaux
  • fait de vivre dans une famille sans un parent biologique
  • mauvaises relations entre les parents, mauvaises relations entre les parents et les enfants
  • présence d'un beau-père

Violence psychologique et négligence

Même si l'information sur les facteurs de risque liés à la violence psychologique est peu abondante, on a néanmoins réussi à identifier certains facteurs parentaux et sociaux, dont les suivants8 :

Facteurs parentaux
  • antécédents de maltraitance dans l'enfance
  • violence familiale
  • séparation/ divorce
  • antécédents de toxicomanie ou d'alcoolisme
  • famille reconstituée
Facteurs sociaux
  • faible statut socioéconomique

En ce qui touche la négligence, un grand nombre de facteurs de risque ont été identifiés9 :

Facteurs infantiles
  • anxiété et repli sur soi dans la petite enfance
  • faible QI verbal de l'enfant
Facteurs parentaux
  • sociopathie et psychopathologie parentale, conflit
  • mauvais mariage
  • toxicomanie et alcoolisme
  • manque de dévouement et de la chaleur de la part des parents
  • séparation précoce de la mère
  • jeunesse de la mère, aliénation, colère, mécontentement, locus de contrôle externe, hostilité, faible estime de soi et maladie grave
  • famille monoparentale
Facteurs sociaux
  • faible statut socioéconomique
  • grande famille

Corrélation et causalité

Puisque dans la plupart des cas, les études sur la violence envers les enfants se fondent sur des déclarations rétrospectives, les facteurs de risque associés aux mauvais traitements doivent être vus comme des facteurs de corrélation et non de causalité. Comme le précisent Kraemer et ses collègues, pour bien comprendre les causes de la violence envers les enfants, les recherches doivent être pleinement axées sur les facteurs de risque causals (des facteurs de risque variables qui peuvent modifier les résultats du risque)10 . En ce sens, certains croient que seules les études longitudinales servant à glaner des données prospectives permettent d'établir quels facteurs constituent des indicateurs et, plus important, des facteurs de risque causaux (voir L'utilisation des données relatives à la santé au Canada en page 32). Quoique les données longitudinales s'avèrent préférables, les données croisées fournissent également des renseignements utiles. À titre d'exemple, les liens établis entre la négligence, la violence physique, la violence psychologique et la pauvreté doivent être davantage pris en compte au moment d'élaborer des politiques et des programmes.

Le mot de la fin

Une fois identifiés les facteurs de risque qui sous-tendent la violence envers les enfants, il importe de se demander pourquoi certains enfants exposés à un ou plusieurs types de violence affichent des séquelles à long terme alors que d'autres semblent moins affectés. Comme l'indiquent les articles suivants, il est essentiel de faire la lumière sur le phénomène de la tolérance à la violence pour établir les stratégies d'intervention qui conviennent11.

Liens entre la violence envers les enfants et la consommation abusive d'alcool et de drogues

Christine Wekerle, Ph.D., Université de Western Ontario, Anne-Marie Wall, Ph.D., Université York, Nico Trocmé, Ph.D., Université de Toronto, et Eman Leung, M.A., Centre de toxicomanie et de santé mentale. Cet article se fonde sur une étude commandée par la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs (DGSESC), Santé Canada. Les auteurs tiennent à souligner la participation et l'appui de Stéphane Racine, M.Sc., Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées, DGSESC.

Si la consommation abusive d'alcool et de drogues chez les parents ne constitue pas un acte violent envers les enfants, on observe néanmoins diverses corrélations entre cette pratique et les mauvais traitements infligés aux enfants. Une récente analyse secondaire de l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) s'est penchée sur les liens entre les cas confirmés de consommation abusive d'alcool et de drogues chez les parents soignants et les cas corroborés de violence envers les enfants. Le présent article décrit la complexité des facteurs à la source de la violence envers les enfants et démontre en quoi l'ECI a servi à mettre en lumière ces types d'interaction.

Introduction

On observe maintes situations où la violence envers les enfants et la consommation abusive d'alcool et de drogues de la part des parents semblent aller de pair. Même si la consommation d'alcool ou de drogues des parents ne constitue pas, en soi, un mauvais traitement, ce comportement peut remettre en cause leur aptitude à s'acquitter efficacement de leurs responsabilités de soignants. De fait, les preuves s'accumulent à l'effet qu'un enfant qui vit et grandit en compagnie d'un adulte qui consomme beaucoup d'alcool ou de drogues est plus exposé que d'autres à subir des mauvais traitements1. Ces mauvais traitements peuvent se traduire par la pauvreté du ménage, un abandon parental qui peut durer plusieurs heures ou journées, le manque de disponibilité émotive et physique, ainsi que la capacité cognitive réduite de la personne. Ils peuvent également exposer l'enfant à des activités criminelles, à des substances illicites, voire à des personnes dangereuses.

Données sur la consommation abusive d'alcool et de drogues chez les parents

L'ECI2 offre un point de départ empirique pour l'étude des liens entre la violence envers les enfants et la consommation abusive d'alcool et de drogues de la part des parents. Santé Canada commandait récemment une analyse secondaire des données de l'ECI sur la consommation d'alcool et de drogues chez les parents dans le but de cerner les points de convergence entre la consommation abusive d'alcool et de drogues, les types de mauvais traitements infligés, les caractéristiques familiales et les résultats du cas. Les travailleurs sociaux identifiaient comme « confirmé » un cas de consommation abusive d'alcool ou de drogues si la situation avait été diagnostiquée, observée par le travailleur ou divulguée par le parent. On décrivait la consommation abusive d'alcool comme « toute consommation d'alcool posant un problème pour le ménage », alors que la consommation abusive de drogue se définissait comme « l'abus de médicaments sur ordonnance, de drogues illicites ou d'autres produits ».

L'analyse a révélé qu'une importante sous-population d'adultes faisant l'objet d'enquêtes des services de protection de l'enfance (15 pour cent) avait un problème confirmé de consommation abusive d'alcool ou de drogues. Plus de la moitié (59 pour cent) de cette sous-population était constituée de femmes. Ces parents, hommes et femmes, tendaient 1,5 fois plus que les autres à faire partie du groupe d'âge des 26 à 30 ans.

Les comparaisons entre les cas de l'ECI touchant les parents n'affichant aucun problème de consommation abusive d'alcool et de drogues et les cas de parents aux prises avec de tels problèmes révélaient ce qui suit en rapport avec les parents consommateurs :

  • le rapport était une fois et demie plus susceptible de constituer un second signalement du cas de l'enfant, et la famille était près de trois fois plus susceptible d'avoir fait l'objet d'un signalement antérieur, y compris des signalements liés au cas d'un autre enfant;
  • le rapport était plus de trois fois plus susceptible d'être considéré par les travailleurs sociaux comme un dossier à long terme, et le cas était au-delà de cinq fois plus susceptible d'aboutir à la soumission d'une demande au tribunal du bien-être de l'enfance.

Ces données portent à croire que les familles aux prises avec des problèmes de consommation abusive d'alcool et de drogues tendent plus à faire plus souvent appel aux services de protection de l'enfance que les autres et que leurs problèmes d'incompétence parentale semblent plus ancrés. Une telle situation n'a rien de surprenant, compte tenu du contexte de la consommation abusive d'alcool ou de drogues, à savoir que le rétablissement d'une consommation chronique est très difficile et les rechutes fréquentes1 .

Un mot au sujet des parents qui font un usage abusif d'alcool ou de drogues

Les données de l'ECI révèlent que les parents avec un problème confirmé de consommation abusive d'alcool et de drogues sont nettement désavantagés aux plans personnel et socioéconomique, et que leur stabilité et leur sécurité résidentielles sont moins solides par rapport à la situation des parents libres de tels problèmes. Dans le cas des parents qui consomment de fortes quantités d'alcool ou de drogues par exemple, les probabilités de mauvais traitements dans l'enfance, de troubles de santé physique et mentale, de faible scolarisation et de bas revenu sont plus fortes et la probabilité d'habiter un logement insalubre ou temporaire est plus élevée. Pour mieux isoler les liens entre la consommation abusive d'alcool et de drogues des parents et les types de violence envers les enfants, ces facteurs parentaux et démographiques doivent être contrôlés dans les analyses statistiques, au même rang que l'âge et le sexe des enfants. Ainsi, quoique la négligence et les mauvais traitements à l'égard des enfants soient associés à une série de facteurs contextuels et inhérents aux enfants, cet article examine surtout les liens entre la consommation abusive et la maltraitance.

Négligence et violence psychologique

La consommation abusive d'alcool et de drogues chez les adultes, qu'il s'agisse des parents ou d'autres adultes ayant accès à l'enfant, est associée à tous les types de maltraitance, soit la violence physique, l'abus sexuel, la violence psychologique et la négligence. Les données révèlent un lien étroit entre la consommation abusive d'alcool et de drogues des parents et des types particuliers de violence envers les enfants, lorsque l'âge et le sexe de l'enfant et les facteurs parentaux et démographiques font l'objet d'un contrôle statistique.

La Figure 1 démontre l'existence de liens significatifs entre la consommation abusive d'alcool et de drogues confirmée chez les parents et les cas d'abus sexuel, de violence psychologique et de négligence, mais pas de violence physique. Ce qui frappe le plus, c'est la constatation que les cas de violence psychologique et de négligence sont très fréquents lorsque la consommation abusive d'alcool et de drogues par les parents est confirmée. En outre, la consommation abusive d'alcool et de drogues des parents est associée à une plus faible incidence d'abus sexuel (baisse de 65 pour cent). Il faut néanmoins reconnaître que dans de nombreux cas d'abus sexuel où la protection de l'enfance n'est pas en cause, les cas peuvent être aiguillés vers la police plutôt que vers les sociétés de protection de l'enfance. Lorsqu'on établit des comparaisons entre diverses structures familiales, on constate que les cas corroborés d'abus sexuel sont plus courants dans les foyers où vivent des hommes seuls et où la consommation abusive d'alcool et de drogues a été confirmée.

De façon plus spécifique, le risque de négligence corroboré était 1,5 fois plus élevé dans les familles où les parents consommaient beaucoup d'alcool et de drogues que dans les autres familles visées par l'ECI. Dans tous les cas, c'est surtout au sein des ménages constitués d'un parent biologique et d'un beau-parent que les manifestations de négligence étaient les plus fréquentes. Mais quand la consommation abusive d'alcool et de drogues posait un problème, on remarquait plus de cas de négligence dans les familles ayant à leur tête une mère monoparentale. Cette situation porte à croire que ces derniers types de familles ont besoin d'aide additionnelle pour fournir des soins adéquats aux enfants lorsque les parents subissent des traitements en raison d'une consommation abusive d'alcool et de drogues.

Figure 1 : Hausse/baisse du risque de mauvais traitement en rapport avec la consommation abusive d'alcool et de drogues chez la personne soignante, selon le type de mauvais traitement

Hausse/baisse du risque de mauvais traitement en rapport avec la consommation abusive d'alcool et de drogues chez la personne soignante selon le type de mauvais traitement

Le risque de violence psychologique, dont le fait d'être témoin de violence familiale, était 61 pour cent plus élevé dans les familles affichant des problèmes de consommation abusive d'alcool et de drogues. Ces résultats sont conformes à la recherche qui révèle une forte corrélation entre la consommation abusive d'alcool et de drogues chez les adultes et la violence familiale1,3. Pour sa part, la violence psychologique était surtout causée par un parent biologique et un beau-parent agissant ensemble, une observation qui valait aussi lorsque la consommation abusive d'alcool et de drogues était également en jeu.

Une question pressante demeure en suspens, soit la coordination de la prestation des services. Compte tenu de la forte incidence de rechute, il importe d'établir quelle est la meilleure façon d'offrir des services coopératifs et coordonnés. Il faut songer à des modèles qui permettent de synchroniser efficacement les services offerts par les sociétés de protection de l'enfance, les refuges pour femmes battues, les services policiers, les centres de traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie, les services de soutien communautaire et les programmes de formation parentale de façon à favoriser la récupération à long terme de la dépendance. Les intervenants oeuvrant dans le domaine de la toxicomanie n'arrivent toujours pas à s'entendre sur les façons d'intervenir pour offrir les meilleurs traitements possibles aux adultes et régler du même coup les problèmes de violence et de consommation abusive d'alcool et de drogues1 . Quoi qu'il en soit, l'intervention précoce est fort indiquée, compte tenu des effets néfastes des traumatismes cumulatifs chroniques sur la structure et les fonctions du cerveau en développement3,4 .

Connaissances actuelles

Les enfants de parents surveillés par le système de bien-être de l'enfance en raison de problèmes confirmés de consommation abusive d'alcool et de drogues tendent plus à souffrir de négligence et de violence psychologique que les autres. Malheureusement, le traitement des cas de consommation abusive d'alcool et de drogues chez les adultes présente un constant défi une fois que les comportements sont ancrés dans le répertoire et ces parents sont susceptibles de perpétuer ces problèmes parentaux1,5. Même si les parents aux prises avec des problèmes de consommation abusive d'alcool et de drogues ne sont associés qu'à une faible proportion (15 pour cent) des cas signalés de mauvais traitements, ils ont plus tendance à faire l'objet de signalements répétés aux services de protection de l'enfance5. Leurs adolescents tendent à quitter l'école tôt et sont au moins quatre fois plus aptes à souffrir de problèmes psychologiques, y compris la dépression, la consommation abusive d'alcool et de drogues et un comportement antisocial6.

Puisque la consommation abusive d'alcool et de drogues des parents et les manifestations de violence familiale sont des variables explicatives de signalements répétés aux services de protection de l'enfance7,8 , les résultats de la présente analyse soulignent l'urgence de mener des études sur le dépistage régulier de la consommation abusive d'alcool et de drogues des parents visés par les enquêtes des services de protection de l'enfance. Pour ce faire, on peut utiliser diverses mesures de dépistage valides élaborées à d'autres fins mais adaptables à ce genre d'évaluation9. Comme dans le cas de la plupart des groupes de professionnels de la santé, la formation offerte aux travailleurs sociaux en matière d'alcoolisme et de toxicomanie n'est pas assez poussée. En plus de fournir des orientations sur les évaluations et la formation, ces analyses font ressortir l'importance cruciale d'adopter des stratégies axées sur la prévention de la violence envers les enfants et sur la consommation abusive d'alcool et de drogues.

Orientations futures

Pour contrer la violence à l'endroit des enfants, il faut se doter d'un programme de recherche national intégré et pleinement axé sur un solide leadership scientifique et communautaire, puis en faire le fondement de services empiriques multidirectionnels. Les études sur le bien-être de l'enfance doivent nécessairement inclure des activités permanentes de surveillance et d'évaluation de la qualité, tout comme une démonstration de leurs effets sur le sain développement des enfants et la prévention de la violence à leur endroit. Il faut mettre sur pied des projets essentiels, y compris l'instauration d'une base de données nationale et le suivi longitudinal des clients des services de bien-être de l'enfance pour mieux évaluer la prévalence et les tendances au fil du temps de l'alcoolisme et de la toxicomanie chez les clients de ces services. Il faut aussi se donner un autre objectif fondamental, soit la mise au point de modèles de prestation de services coopératifs efficaces qui répondent aux besoins des familles avec des multiples problèmes que traitent les travailleurs de l'aide à l'enfance.

Une fois qu'on s'est doté d'un réseau national, il devient plus facile d'intégrer le fruit des recherches, soit des résultats autrefois répartis en fonction de la discipline, du type de violence, de la sous-population, des services et des activités stratégiques. En outre, il est probable qu'une approche coordonnée fondée sur les données probantes face aux familles vulnérables maximisera les possibilités des clients des services de protection de l'enfance, y compris les alcooliques et les toxicomanes, et engendrera des bienfaits personnels, sociétaux et socioéconomiques démontrables.

Séquelles immédiates et prolongées des mauvais traitements

Richard De Marco, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada, et Jennifer Phelan, Division des infections acquises dans la collectivité, Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada

À long terme, la violence envers les enfants peut avoir de graves séquelles sur la santé et le bien-être des enfants, des familles et de la collectivité en général. Cet article s'intéresse aux séquelles physiques, psychologiques et comportementales immédiates et prolongées des actes de violence envers les enfants en présentant les résultats tirés de deux sources de données nationales de Santé Canada sur les enfants et les adolescents.

Deux sources de données nationales

De nombreuses études internationales confirment le fait que la violence envers les enfants a des séquelles immédiates et prolongées sur la santé et le bien-être des jeunes, y compris la détresse psychologique1,2 et le suicide3 chez les victimes d'abus sexuel et des sévices physiques comme des ecchymoses et des coupures chez les victimes de violence physique4 . Les mauvais traitements peuvent aussi donner lieu à des comportements à risque comme la consommation de drogues et les relations sexuelles non protégées5.

Il existe deux sources de données de Santé Canada qui fournissent d'importants renseignements sur les mauvais traitements infligés aux enfants et aux adolescents. L'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) fournit des données d'incidence à partir d'un échantillon de cas de maltraitance ayant fait l'objet d'enquêtes dans les 13 provinces et territoires. La Surveillance accrue des jeunes de la rue au Canada (SAJRC) est un système de surveillance national multicentrique en coupe qui se penche sur les jeunes de la rue au Canada. Alors que l'objectif premier de la SAJRC consiste à produire des données sur les infections transmises sexuellement (ITS) et sur les comportements à risque, il permet également de glaner des données sur les cas de maltraitance à la maison et dans la rue (comme l'exploitation sexuelle).

Ces sources offrent une occasion unique d'étudier l'incidence des mauvais traitements au niveau de deux groupes différents. De fait, l'ECI se concentre sur les jeunes victimes de mauvais traitements ayant fait l'objet d'une enquête officielle alors que la SAJRC examine les circonstances de jeunes qui, en raison de leur mode de vie marginal, peuvent ne pas obtenir les soins dont ils ont besoin par suite de mauvais traitements subis dans le passé. La première source fournit des données détaillées sur la violence envers les enfants dès leur manifestation et indique que les effets sur la santé varient selon le type de mauvais traitement subi. Le second porte à croire que la violence envers les enfants peut avoir de graves séquelles à long terme sur les comportements de santé malgré la présence d'autres éléments stressants de la vie.

Faits saillants de la méthodologie

La section ci-dessous décrit brièvement les mesures de résultats qui s'avèrent intéressantes au niveau de l'ECI. Voir la page 10 pour une description plus complète des méthodes d'enquête utilisées dans le cadre de l'ECI.

  • On évalue les sévices liés aux mauvais traitements comme des sévices physiques (c.-à-d. une blessure) et des sévices psychologiques. Les deux sont évalués par des travailleurs sociaux au moment de l'enquête et sont signalés si l'on sait ou l'on croit qu'ils peuvent résulter de mauvais traitements. La confirmation clinique des sévices ne fait pas partie de l'étude.
  • On qualifie de sévices physiques : les ecchymoses, coupures, égratignures, brûlures, os brisés, traumatismes à la tête et autres blessures. L'ECI précise également si l'on a fait appel à un médecin pour soigner la blessure.
  • Les sévices psychologiques sont plus difficiles à déterminer. Les travailleurs sociaux prennent en note tout changement observé au niveau du développement de l'enfant (p.ex, une régression ou un repli sur soi), de la maîtrise de soi (p.ex., les habitudes de sommeil ou d'élimination) ou les émotions (p.ex., pleurer). On détermine la gravité selon que ces changements exigent ou non une intervention thérapeutique.

La SAJRC repose sur un échantillon de commodité de 1 733 jeunes de 15 à 24 ans recrutés dans les refuges de sept grandes villes canadiennes. L'étude s'est déroulée en quatre cycles - cette analyse utilise les données du Cycle 2 recueillies entre février et octobre 1999. Pour expliquer les données, des infirmières de santé publique ont administré un questionnaire de 24 pages qui comprenait, entre autres, des questions sur l'activité physique, les ITS, la consommation de drogues et les conditions de vie. Aux fins du présent article, on a défini comme victimes de mauvais traitements les jeunes de la rue qui disaient avoir quitté le domicile familial pour des motifs de violence physique, de violence psychologique ou d'abus sexuel. Il importe de noter que les jeunes de la rue font face à des défis uniques et qu'on ne peut appliquer les conclusions de l'étude à l'ensemble des enfants canadiens.

Plus des trois cinquièmes (62 pour cent) de l'échantillon étaient de sexe masculin et la moyenne d'âge s'établissait autour de 19 ans. Au plan ethnique, plus du quart des jeunes (28 pour cent) s'affichaient comme des Autochtones.

Le Tableau 1 permet de comparer ces deux systèmes de surveillance.

Tableau 1 : Comparaisons entre l'ECI et la SAJRC
ECI, 1998
(n=7 672)
SAJRC, 1999
(n=1 733)
  • échantillon randomisé de nouvelles enquêtes sur des cas de violence envers les enfants effectuées par les services de protection de l'enfance (excluant les enquêtes menées par d'autres instances, comme les rapports de police ou d'hôpital)
  • enfants et adolescents de 0 à 15 ans
  • échantillon représentatif au plan national (13 provinces/ territoires, échantillonnage stratifié)
  • comprend des mesures pour évaluer les cas de violence physique, d'abus sexuel, de violence psychologique et de négligence; examine aussi les corollaires de la maltraitance (caractéristiques de l'enfant, de la famille et du responsable) et les effets de la violence envers les enfants (comme les sévices physiques et psychologiques)
  • repris à intervalles réguliers (tous les cinq ans)
  • questionnaire administré par l'infirmière portant sur les ITS, les comportements à risque et les mauvais traitements passés, sondage en boule de neige (recrutement de pairs) auprès des jeunes de la rue et des jeunes dans les halte-accueil
  • jeunes de 15 à 24 ans
  • sept grands centres urbains (Vancouver, Edmonton, Saskatoon, Winnipeg, Toronto, Ottawa et Halifax)
  • comprend des mesures pour évaluer les cas de violence physique, d'abus sexuel et de violence psychologique, ainsi que l'information socio-démographique et les données sur les caractéristiques familiales et les conditions de vie, les interactions avec les groupes de soutien social et l'appareil judiciaire, les antécédents et comportements sexuels, la consommation d'alcool et de drogues et le bien-être émotionnel, entre autres
  • repris à intervalles réguliers (tous les deux ans)

Séquelles immédiates de l'ECI

Sévices physiques

L'ECI fournit de l'information sur les incidences de blessures et de détresse émotive observées au sein d'un échantillon d'enquêtes sur les cas de violence envers les enfants. Certains types de sévices physiques sont évidents aux yeux des travailleurs sociaux dans 18 pour cent des cas corroborés. On constate l'existence de blessures dans 44 pour cent des cas corroborés de violence physique. En outre, on observe des sévices associés à d'autres formes de violence, en particulier la négligence (10 pour cent), l'abus sexuel (8 pour cent) et la violence psychologique (1 pour cent)6 . Comme l'indique la Figure 1, les deux types de blessures les plus courants dans les cas corroborés de violence envers les enfants sont les ecchymoses, les coupures et les égratignures (environ 70 pour cent de tous les sévices physiques), suivis « d'autres problèmes de santé »* (environ 28 pour cent de tous les cas de sévices physiques). Environ 24 pour cent des cas corroborés de mauvais traitement accompagnés de blessure exigent des traitements médicaux.

*Les cas d'asthme non soignés ou un manque de développement non organique, par exemple.

Figure 1 : Sévices physiques immédiats dans les cas corroborés de mauvais traitement infligé à un enfant, 1998

Sévices physiques immédiats dans les cas corroborés de mauvais traitement infligé à un enfant, 1998

Source : ECI, 1998

Sévices psychologiques

Les cas de sévices psychologiques s'avèrent plus fréquents que ceux de sévices physiques dans les cas corroborés de mauvais traitements. La Figure 2 illustre la proportion de jeunes de chaque catégorie souffrant des séquelles émotionnelles de la violence envers les enfants. On note l'existence de violence psychologique dans 34 pour cent environ des cas corroborés. Même si la plus forte incidence de violence psychologique découle de l'abus sexuel (47 pour cent), la négligence, la violence physique et la violence psychologique engendrent également des sévices psychologiques, tant chez les garçons que les filles. Environ 21 pour cent des cas corroborés de violence psychologique exigent des traitements médicaux.

Somme toute, il appert que les sévices psychologiques sont plus étroitement liés à la maltraitance qu'aux blessures physiques. On note néanmoins que ces deux types de sévices ne sont pas mutuellement exclusifs puisque dans 8 pour cent environ des cas corroborés, les enfants sont à la fois victimes de sévices physiques et émotionnels.

Figure 2 : Mauvais traitement infligé à un enfant et sévices psychologiques immédiats, selon le type de mauvais traitement et selon la nécessité du traitement, 1998


Source : ECI, 1998

Mauvais traitement infligé à un enfant et sévices psychologiques immédiats, selon le type de mauvais traitement et selon la nécessité du traitement, 1998

Différences selon le sexe

Les jeunes victimes de mauvais traitements ne vivent les mêmes expériences selon qu'il s'agisse d'un garçon ou d'une fille. Même si les taux globaux de violence envers les enfants sont très similaires d'un sexe à l'autre, les données de l'ECI indiquent que les cas corroborés de violence physique sont plus fréquents chez les garçons (60 pour cent) alors que les filles sont plus souvent victimes d'abus sexuel (69 pour cent). La négligence et la violence psychologique affectent en proportions égales les garçons et les filles.

L'incidence de sévices physiques et de sévices psychologiques varie également en fonction du sexe. En général, les filles victimes d'abus sexuel et physique tendent plus à afficher des signes de sévices psychologiques que les garçons, quoique l'écart ne soit pas statistiquement significatif (voir le Tableau 2). Il en va de même des sévices physiques qui semblent plus probables chez les victimes féminines de violence physique ou d'abus sexuel (voir le Tableau 3).

Tableau 2 : Violence envers les enfants et sévices psychologiques immédiats, selon le type de mauvais traitement et selon le sexe, 1998
Pourcentage de cas corroborés où l'on note la présence de sévices psychologiques
  Violence physique Abus sexuel Négligence Violence psychologique
Filles 37% 50% 36% 32%
Garçons 32% 42% 36% 31%
Tableau 3 : Violence envers les enfants et sévices physiques immédiats, selon le type de mauvais traitement et selon le sexe, 1998
Pourcentage de cas corroborés où l'on note la présence de sévices physiques
  Violence physique Abus sexuel Négligence Violence psychologique
Filles 49% 9% 11% --
Garçons 45% -- 12% --

--Certaines barres ont été omises parce que les estimations sont faibles et non fiables statistiquement.

Source : ECI, 1998.

Séquelles prolongées : La SAJRC

La violence envers les enfants peut également avoir des effets à long terme profonds et complexes sur la santé. La SAJRC facilite l'examen des liens entre la maltraitance et les comportements subséquents qui mettent en péril la santé et le bien-être à long terme d'un groupe particulier de jeunes.

Comme l'illustre la Figure 3, 28 pour cent (477) des jeunes de la rue disent avoir quitté le domicile familial parce qu'ils étaient victimes d'une forme quelconque de violence : 22 pour cent pour cause de violence psychologique, 17 pour cent pour cause de violence physique et 5 pour cent pour cause d'abus sexuel.

L'analyse des données de la SAJRC confirme l'association entre divers comportements à risque des jeunes de la rue et leur exposition à la violence, qu'elle soit de nature psychologique, physique ou sexuelle. À titre d'exemple, les jeunes de la rue victimes de mauvais traitements étaient nettement plus susceptibles** d'apprendre qu'ils souffraient d'une ITS que ceux n'ayant pas subi de mauvais traitements (28 pour cent contre 18 pour cent). Les jeunes de la rue maltraités disaient également avoir eu un nombre moyen de partenaires de vie nettement plus élevé que leurs homologues non maltraités (34 partenaires contre 16 partenaires). En outre, les jeunes de la rue victimes d'une forme de violence quelconque avaient nettement plus tendance à s'être adonnés au commerce sexuel que ceux qui n'ayant pas été victimes de violence (34 pour cent contre 18 pour cent). Ils tendaient surtout à offrir leurs services sexuels en échange d'argent (69 pour cent), de drogues, d'alcool, de cigarettes (15 pour cent) ou d'un logement (10 pour cent). Finalement, les jeunes de la rue victimes de mauvais traitements avaient nettement plus tendance que les autres à utiliser des drogues injectables (26 pour cent contre 18 pour cent). La violence physique, l'abus sexuel et la violence psychologique étaient indépendamment et fortement associés à la consommation de drogues injectables et au commerce sexuel.

** Toutes les associations statistiquement significatives affichaient une valeur -p<0,05.

Figure 3 : Jeunes de la rue ayant quitté le domicile familial pour cause de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement, 1999

Jeunes de la rue ayant quitté le domicile familial pour cause de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement, 1999

Source : SAJRC, 1999.

Différences selon le sexe

Le sexe constitue un important facteur de l'étude sur les jeunes de la rue et les comportements à risque. Dans le cadre de ce cycle de la SAJRC, le ratio homme-femme s'établissait à 1,6 : 1. Tel qu'illustré à la Figure 4, les adolescentes de la rue avaient nettement plus tendance que leurs homologues masculins à avoir quitté le domicile familial pour cause de violence psychologique, de violence physique ou d'abus sexuel (34 pour cent contre 24 pour cent).

En outre, les adolescentes de la rue tendaient beaucoup plus que leurs homologues masculins à signaler des types de violence particuliers : violence psychologique (28 pour cent des femmes contre 19 pour cent des hommes); violence physique (22 pour cent contre 14 pour cent); et abus sexuel (8 pour cent contre 3 pour cent). Les liens entre un passé violent et le commerce sexuel, la consommation de drogues injectables et le nombre moyen de partenaires de vie demeuraient significatifs lorsqu'on analysait séparément les cas de femmes et d'hommes.

Figure 4 : Jeunes de la rue ayant quitté le domicile familial par suite de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement et selon le sexe, 1999

Jeunes de la rue ayant quitté le domicile familial par suite de mauvais traitement, selon le type de mauvais traitement et selon le sexe, 1999

Source : SAJRC, 1999.

Une relation complexe

Les résultats tirés de ces deux sources de données font la lumière sur diverses séquelles physiques, psychologiques et comportementales immédiates et prolongées des mauvais traitements infligés aux enfants et aux adolescents canadiens. Dans les deux cas, les données indiquent que les perceptions générales de la violence à l'endroit des enfants doivent être revues. Alors que les politiques et les médias portent surtout attention à la violence physique et à l'abus sexuel, on doit aussi se préoccuper des effets pernicieux de la négligence et de violence psychologique qui peuvent s'avérer fort dommageables eux aussi.

Les études démontrent que l'association entre la violence à l'endroit des enfants et les sévices subis est complexe et que les séquelles ne sont pas toujours claires. À l'instar de nombreux enjeux de santé, les liens entre un facteur prédisposant et un résultat sont souvent tributaires de facteurs contextuels. À titre d'exemple, la gravité des sévices psychologiques affectant une jeune victime d'abus sexuel dépend souvent de la durée et du type d'acte violent à l'endroit de l'enfant, de son âge, de sa relation avec l'agresseur et de son accès à un soutien émotif et social7. De plus, les séquelles ne sont pas toujours immédiates. Dans bien des cas, elles résultent de complexes interactions entre divers facteurs de stress et de préservation comme le soutien social et l'estime de soi, qui interagissent à différents moments de la vie d'une personne. Pour mettre en place des interventions et des traitements efficaces, il importe de comprendre cette relation complexe.

Même si d'importantes questions restent sans réponse, l'ECI et la SAJRC constituent d'importantes composantes d'une grande stratégie de surveillance nationale de la violence envers les enfants. Les deux sources font ressortir des effets négatifs de la violence physique, de l'abus sexuel et de la violence psychologique dont sont victimes les jeunes. De plus, l'ECI démontre l'impact négatif de la négligence sur la santé des enfants. Pour être pleinement efficaces, les mesures d'intervention et de prévention engagées doivent prendre en compte tous les aspects du problème.

Autres facteurs probablement liés aux sévices

  • Durée et gravité des mauvais traitements
  • Âge et sexe de l'enfant
  • Lien avec l'agresseur
  • Appui d'un parent non agresseur

Répercussions

Les données mettent en lumière des enjeux de taille au plan des politiques et des programmes. D'une part, il appert que les fournisseurs de services de santé publique doivent tenir compte du passé violent des jeunes de la rue qu'ils desservent. Les jeunes de la rue tendent plus que d'autres à afficher des comportements malsains, surtout s'ils ont été victimes de maltraitance dans l'enfance. Par conséquent, les questionnaires utilisés pour évaluer ces jeunes devraient inclure des questions sur les sévices passés. Une fois que ces jeunes à risque élevé ont été identifiés, on pourrait leur offrir des orientations et de l'aide additionnelles pour les inciter à réduire leurs comportements dangereux. D'autre part, puisque la violence perpétrée à l'endroit d'un enfant le prédispose à des comportements pouvant mettre en péril sa santé, les résultats font ressortir l'urgence d'accroître la vigilance pour mieux protéger les enfants de la violence et de la négligence. Dans le cas des jeunes de la rue, la victimisation précoce a des incidences sur des aspects cruciaux de la santé même si leur mode de vie actuel est teinté de misère et de difficultés extrêmes. Si les effets de la violence envers les enfants sont aussi dangereux et profonds, il va de soi que la question mérite d'être examinée dans le contexte des politiques de santé publique. L'information découlant des deux sources de données de Santé Canada est à la base des efforts de prévention intenses qu'il faudra déployer dans un cadre de santé publique intégré.

Les auteurs tiennent à remercier Margaret Herbert, Cara Bowman et Michelle Wesley de leur précieuse participation à la rédaction de ce texte.

Le grand saut du savoir à l'action

Peter Dudding, directeur général, Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada, et Margaret Herbert, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada

Jusqu'ici, les lois, les politiques et les pratiques sur le bien-être de l'enfance reposaient surtout sur les valeurs, les idéologies, l'expérience et la disponibilité des ressources. Mais le nombre croissant de données probantes est en voie de constituer une base suffisante pour soutenir les politiques et les pratiques. Cet article examine l'évolution de la base de données probantes, décrit les forces et faiblesses des systèmes actuels de cueillette de données et fournit des exemples de liens de plus en plus étroits entre le savoir et l'action.

Le changement en contexte

Dans le passé, les services de protection de l'enfance du Canada avaient souvent du mal à accéder à l'information générée lors des activités de cueillette, de suivi et d'évaluation des données. Par conséquent, on a souvent modifié des choses sans examiner à fond les facteurs contextuels et les répercussions éventuelles que seule une surveillance systématique et les recherches sous-jacentes étaient en mesure de fournir. Mais cette situation est en voie de changer. L'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) offre dorénavant aux services de protection et de santé des enfants des points de référence nationaux. Malgré sa portée limitée, ce système de surveillance national fournit de précieux renseignements qui servent à appuyer les efforts des intervenants de l'aide à l'enfance en vue d'améliorer la qualité de vie des enfants vulnérables.

En mettant sur pied l'ECI, Santé Canada et ses partenaires contribuent grandement à la mise au point d'un système intégré et global de surveillance axé sur la santé et le développement des enfants canadiens. Les liens établis avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, les organismes de la société civile, les professionnels et les chercheurs s'avèrent essentiels pour en arriver à un consensus sur le développement et l'application des sources de données canadiennes menant à l'instauration d'une véritable culture « du savoir à l'action ».

La difficile mobilisation du savoir

Le mouvement actuel en faveur d'une imputabilité accrue au plan de l'élaboration et de la prestation des services de protection de l'enfance amplifie l'importance de la recherche, de la surveillance et de l'évaluation. Les systèmes de surveillance et les réseaux de recherche multidisciplinaire qu'on s'affaire à mettre en oeuvre engendreront le savoir requis pour étoffer les lois, les politiques et les pratiques.

Une étape cruciale consiste à garantir que les connaissances serviront aux instances les mieux équipées pour y donner suite. En ce sens, il faudra convertir les méthodes de diffusion passive en activités de mobilisation du savoir créatives et interactives, tel que décrit à la Figure 1. Dans le cas de ce modèle, on intègre l'information issue de plusieurs secteurs et sources pour créer des produits du savoir et les mettre à la disposition des bons usagers. Ce savoir en vient à constituer le fondement de mesures qu'on peut vérifier et évaluer dans le cadre d'activités de surveillance et de recherches ultérieures. En bout de ligne, ces efforts entraînent la mise en oeuvre d'un système national de surveillance de la santé et du bien-être de l'enfance à la fois proactif et rétroactif pour garantir que le contrôle et la surveillance engendreront des politiques et des pratiques améliorées, et vice versa.

Figure 1 : Cycle de mobilisation du savoir axé sur la santé et le bien-être de l'enfant

Sévices physiques immédiats dans les cas corroborés de mauvais traitement infligé à un enfant, 1998

Un bon point de départ

Même si l'ECI répond à un besoin unique de données ponctuelles sur le bien-être de l'enfance, l'étude ne constitue qu'un élément parmi d'autres jugés nécessaires. À titre d'exemple, on a également besoin d'information sur les cas non signalés dans le contexte d'autres services, comme ceux offerts par la police et les hôpitaux.

Divers autres projets de cueillette de données axés sur la santé et le bien-être des enfants ont été engagés et qui, associés à l'ECI, peuvent aider à faire la lumière sur des questions fort complexes. Le Rapport statistique sur les services à la famille et à l'enfance (CFS), l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), le projet canadien S'occuper des enfants (SOCEN) et la Matrice d'indicateurs des résultats en protection de l'enfance (MIR) constituent tous des sources possibles d'information sur les enfants vulnérables (voir Qui fait quoi? en page 28). Mais jusqu'à présent, il n'a pas été possible de comparer tous les résultats en raison de la capacité de recherche réduite.

Il n'est pas facile de faire la transition de méthodes d'échantillonnage périodique limité (comme celle de l'ECI) à des systèmes à base élargie. À titre d'exemple :

  • La comparabilité des données à l'intérieur des systèmes provinciaux et territoriaux, et entre ces divers systèmes, est restreinte en raison des variances dans les définitions, les classifications et les modes de cueillette des variables clés. En outre, il importe d'investir davantage en vue d'élargir et d'améliorer les systèmes en place.
  • On court le risque que la collecte de données impose un surcroît de travail à des employés de première ligne déjà surchargés par l'énorme fardeau administratif.
  • Le manque de capacités et l'absence de cadres de travail précis empêchent les organismes d'utiliser les données au meilleur escient possible.
  • Il s'avère difficile et coûteux d'atteindre les groupes d'enfants à risque.
  • Aucune grande enquête sur la santé de la population ne sert à recueillir de l'information sur la maltraitance et la négligence dans l'enfance.

Il importe d'améliorer notre aptitude à comparer les données de diverses études et recherches nationales puis à les désagréger au service des régions, des provinces, des territoires et des localités. Ce partage intersectoriel de l'information repose sur une solide documentation au niveau local, sur des définitions et des systèmes de classification communs et sur des variables de cueillette similaires. Les systèmes doivent aussi s'avérer pertinents et utiles pour un grand nombre d'usagers et de clientèles. Les entrepôts de données propres aux secteurs de la justice, de l'exécution de la loi, de l'éducation et de la santé devront aussi être reliés et consolidés pour mieux appuyer l'analyse des tendances et des résultats.

Liens entre la preuve et l'action

Il faut déployer de constants efforts en vue de perfectionner et d'intensifier les activités de surveillance et de recherche. Mais comme l'illustrent les exemples suivants, les résultats de l'ECI et d'autres sources ont déjà commencé à orienter les politiques et les pratiques dans quelques domaines clés.

Accent sur la négligence

L'Alberta est la première compétence à modifier considérablement son système de bien-être de l'enfance à partir des données de l'ECI. En novembre 2001, le ministère des Services à l'enfance de l'Alberta engageait une série de transformations stratégiques en dotant ses services de protection de l'enfance d'un nouveau modèle d'intervention, l'Alberta Response Model (ARM). Le ARM souscrit au principe que la protection des enfants, la prévention de la maltraitance et la consolidation des familles doivent être ancrées dans un continuum de services1.

Les données de l'ECI fournissent des renseignements fort utiles au processus d'élaboration des politiques. Le fait de comprendre, par exemple, que la plupart des aiguillages de la protection de l'enfance sont fermés au moment de l'admission ou après l'évaluation initiale s'est avéré essentiel à la mise au point de l'approche « différentielle » de l'ARM. Ce nouveau modèle de prestation intègre deux avenues de services : la protection des enfants et l'amélioration des familles. Les services axés sur l'amélioration des familles recoupent une gamme de services communautaires qui visent à contrer les problèmes liés à la négligence des enfants. Suivant la transition vers le modèle de ARM, le ministère s'est engagé à mesurer les résultats, désignant la récurrence des incidences de mauvais traitements comme un indicateur clé. L'Alberta procédera au suréchantillonnage de l'ECI-2003 dans le but de garantir la disponibilité des données sur la violence envers les enfants à l'échelon provincial.

Nombre d'autres provinces et territoires, y compris la Colombie-Britannique, ont manifesté de l'intérêt envers ce genre de modèle.

Respect des engagements internationaux

Suivant la ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CDE) de 1991, le Canada produisait deux rapports pour le compte du Comité sur les droits de l'enfant. Réagissant à ces rapports, le comité recommandait « à l'État partie de renforcer et de centraliser son mécanisme de façon à compiler et à analyser systématiquement des données ventilées couvrant l'ensemble des enfants de moins de 18 ans », en particulier les jeunes victimes de violence et de négligence. De plus, « le Comité enjoint l'État partie d'exploiter efficacement les indicateurs mis au point et les données collectées en vue de la formulation et de l'évaluation des législations, politiques et programmes concernant l'allocation des ressources ainsi que la mise en oeuvre et le suivi de la Convention ».

Le Canada publiait récemment Un Canada digne des enfants qui fait état du plan d'action national adopté jusqu'en 2015. Le sénateur Landon Pearson, conseiller en matière de droit de l'enfant auprès du ministre des Affaires étrangères, expliquait la valeur du plan en précisant que le Plan d'action national pour les enfants du Canada confirme l'importance d'un système de cueillette de données mieux intégré et plus détaillé, surtout au service des groupes d'enfants les plus vulnérables. Le profil de la violence envers les enfants de l'ECI s'avère fort utile en ce sens.

Transformation des pratiques de protection de l'enfance

Le public et la collectivité des services de protection de l'enfance s'entendent pour dire que la prévention des mortalités et des sévices physiques revêt une importance capitale. Par conséquent, il est devenu pratique courante de retirer les enfants de la garde des parents pour les placer dans une autre famille ou dans un centre régi par l'État. Les résultats de l'ECI révèlent toutefois que les sévices physiques suffisamment graves pour exiger des soins médicaux ne surviennent que dans 4 pour cent des cas corroborés2 . Ces résultats portent à croire que dans la plupart des cas, il y aurait lieu d'examiner avec grande attention des options qui n'affaiblissent pas l'attachement de l'enfant à ses parents. Si les données de l'ECI-2003 et d'autres sources continuent de confirmer une faible incidence des sévices physiques, on pourrait constater une réorientation graduelle des mesures d'intervention vers des services de protection de l'enfance et à la famille qui n'entraînent pas le retrait de l'enfant de sa famille. Il faudrait également s'assurer que l'évaluation des sévices relève d'une équipe d'employés dûment formés à cette fin.

Promotion du développement sain de l'enfant

Si la contribution la plus directe de Santé Canada à la prévention de la violence envers les enfants tient à l'ECI et aux activités de conversion des connaissances tirées des données de surveillance et de recherche, les activités de promotion de la santé du ministère forment la toile de fond qui sous-tend les modes d'appui aux enfants et aux familles. Des initiatives comme le Programme d'action communautaire pour les enfants, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et le Programme canadien de nutrition prénatale, ainsi que des mesures d'aide comme le crédit d'impôt pour enfants, font partie de la panoplie de politiques pour enfants axées sur le développement des jeunes, la vie familiale, le parentage, le développement communautaire et l'éducation publique du gouvernement fédéral.

Le ministère mise aussi sur des activités permanentes de suivi et d'évaluation des mesures collectives à l'échelle nationale et déploie des efforts pour sensibiliser les professionnels et le public aux enjeux de promotion de la santé et de violence à l'endroit des enfants. Ces activités enrichissent et complètent d'autres efforts fédéraux, provinciaux, territoriaux et locaux en matière de promotion de la santé, de protection des enfants et de services à la famille.

Meilleure conversion des connaissances

Dans le cadre du processus de formation sur les modes de cueillette des données de l'ECI, les équipes de recherche régionales ont rencontré des centaines de travailleurs sociaux de première ligne dans des lieux déterminés à l'échelle du Canada pour discuter des méthodes, des objectifs et des usages de la recherche. Fait surprenant et important à la fois, cette démarche a suscité un vif intérêt chez ces groupes. La formation coopérative s'est traduite par une sensibilisation et un recours accrus aux données de l'ECI pour concevoir des programmes et des pratiques à l'échelle locale, ce qui a donné lieu à une véritable culture d'élaboration des politiques et pratiques axées sur les données probantes.

Un pas en avant

Le Canada est en voie de se doter de systèmes de cueillette et d'analyse de données plus complets et mieux intégrés. Le grand appui que toutes les provinces et tous les territoires ont donné à l'ECI témoigne de l'intérêt croissant envers des politiques et des pratiques axées sur les données probantes et envers des activités qui visent à améliorer les mesures et la surveillance. De plus, l'Entente cadre sur l'union sociale confirme le leadership et l'engagement manifestés par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que leur désir de collaborer avec des organismes non gouvernementaux pour accroître la transparence et l'imputabilité en améliorant les activités de surveillance et la reddition des comptes.

Pour donner suite à l'engagement pris envers les enfants canadiens, il faut investir dans l'élaboration et le développement des systèmes de cueillette, d'analyse et de diffusion des données qui conviennent. Cela dit, l'objectif du « savoir à l'action » ne saurait être atteint en misant exclusivement sur l'évaluation des systèmes de collecte des données. Il importe tout autant de renforcer la capacité d'analyse, d'interprétation et de réduction des données et de dissémination du savoir. Plus encore, les partenaires de tous les secteurs visés doivent être prêts à engager les mesures nécessaires, faisant appel à la base de données probantes pour garantir la bonne évolution des politiques et des pratiques.

Qui fait quoi?

Qui fait quoi? est une chronique régulière du Bulletin de recherche sur les politiques de santé qui présente les chercheurs clés s'intéressant aux politiques sous l'angle de la thématique particulière de chaque numéro. Cet article trace le profil de diverses initiatives engagées par des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux actifs dans la lutte contre la violence envers les enfants.

Tiffany Thornton, Division de la gestion et de la diffusion de la recherche, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada, et Lil Tonmyr, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada

Au niveau national

Initiative de lutte contre la violence familiale ILVF)

L'ILVF appuie et complémente les activités des ministères et organismes gouvernementaux et des sociétés d'État. Il revient à Santé Canada de coordonner l'ILVF et de gérer le Centre national d'information sur la violence dans la famille qui assure la plupart des services de signalement, de référence et de diffusion de l'information sur la prévention de la violence familiale, ainsi que la protection et le traitement des enfants. Pour en savoir plus à ce sujet, aller à : http://www.hc-sc.gc.ca/nc-cn.

Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants (CEPBEE) de Santé Canada

Le CEPBEE appuie des projets coopératifs axés sur l'intervention et la prévention en matière de violence envers les enfants dans plusieurs secteurs, y compris les soins de santé, l'éducation, la justice et les loisirs. Le Centre publiait récemment les résultats d'une étude commune visant à recueillir des données de base dans le cadre d'un sondage téléphonique national. Intitulée Public Attitudes Toward Family Violence, ce rapport révèle que les Canadiens définissent la violence familiale en termes très généraux et que la violence à l'endroit des enfants, surtout ceux de moins de 12 ans, suscite de graves inquiétudes. Pour obtenir un exemplaire de cette étude ou d'autres documents de recherche, aller à : Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants.

Centre canadien de la statistique juridique (CCSJ)

La violence au Canada : un profil statistique 2004 constitue une compilation des données actuelles sur la nature et la portée de la violence familiale. Publié par le CCSJ, ce rapport annuel examine les prononcés de sentences dans les cas de violence familiale, y compris les cas d'agression envers un enfant ou un adolescent. La publication permet aux décideurs de rester à la fine pointe du dossier et de mieux suivre l'évolution de la violence familiale au Canada. Pour tout renseignement additionnel à ce sujet, aller à : Statistique Canada.

Au niveau du secteur non gouvernemental

Mères adolescentes prises en charge

Mis sur pied par le Réseau national des jeunes pris en charge, les auteurs de cette initiative proposent des améliorations aux politiques sur le bien-être de l'enfance en s'inspirant de faits vécus et d'expériences de jeunes mères prises en charge par l'État. Teen Moms in Care: A Policy, Research and Program Development Initiative décrit diverses interventions qui offrent aux adolescentes enceintes et aux jeunes mères desservies par le système de bien-être social un logement adéquat, ainsi que la possibilité d'aller à l'école ou d'obtenir un emploi. Ils décrivent aussi les mesures à engager pour inciter ces jeunes femmes à faire des choix santé. Pour obtenir de plus amples renseignements à ce sujet, aller à : National youth in care network.

Au-delà des frontières

Le mandat de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations du Canada (SSEFPN), un organisme national sans but lucratif, consiste à appuyer les projets de recherche, d'élaboration des politiques et de perfectionnement professionnel des organismes des Premières Nations au service des enfants et des familles autochtones. La société, un partenaire du Centre d'excellence pour la protection et le bien-être des enfants, gère également le centre de recherches sur les Premières Nations de Winnipeg, au Manitoba. Elle produisait récemment un rapport de recherche intitulé Caring Across the Boundaries (Au-delà des frontières) qui examine la nature et la portée de l'engagement bénévole à l'échelle des organismes qui desservent les familles et les enfants des Premières Nations. Les conclusions s'avéreront utiles aux gouvernements, au secteur bénévole et à la collectivité philanthropique. Pour en savoir plus à ce sujet, aller à : Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières nations du Canada (SSEFPN).

Youth Relationship Project (YRP)

L'adolescence est une période de vie particulièrement sensible aux mesures de prévention de la violence et de promotion de la santé. Ce projet, qui s'intéresse aux relations entre jeunes, a pour but d'aider ces derniers à avoir des rapports plus positifs avec autrui et leur donne divers moyens de faire face aux difficultés de la vie. Les premiers résultats d'un essai pilote randomisé de deux ans révèlent que les jeunes participants au projet étaient moins souvent victimes de violence psychologique et physique avec leurs partenaires et souffraient moins de stress post-traumatique. Les recherches se poursuivent en vue de vérifier l'efficacité du YRP. Elles mettaient récemment l'accent sur les cooccurrences de consommation d'alcool et de drogues lors des interventions du programme dans l'optique d'évaluer les effets plus globaux du programme. Pour obtenir plus d'information à ce sujet, écrire à : cwerkerle@uwo.ca.

Maltraitance et cheminement des adolescents (MCA)

Fort de l'appui financier des Instituts de recherche en santé du Canada IRSC) et de l'Alliance canadienne de la recherche en santé, le projet sur les MCA examine les liens entre la violence envers les enfants et les comportements à risque des adolescents, y compris divers éléments modérateurs (p.ex., les types d'attachement) et médiateurs (p.ex., le processus cognitif) susceptibles d'affecter ces relations. L'étude s'intéresse tout particulièrement à la consommation abusive d'alcool et de drogues, à la violence dans les fréquentations, aux comportements sexuels à risque et aux problèmes psychologiques et psychiatriques des adolescents de 14 à 17 ans qui ont des rapports avec les services de protection de l'enfance. Les résultats de l'étude serviront à définir des stratégies de dépistage, d'évaluation et de prévention sur mesure et faciliteront l'évaluation des besoins et la planification des priorités au niveau des adolescents victimes de mauvais traitements. Le site suivant fournit de plus amples renseigne-ments en ce sens : http://www.cecw-cepb.ca/Research/ResearchStat-f.shtml.

Au niveau international

Bien-être des enfants et des adolescents aux États-Unis

La U. S. Department of Health and Human Services Administration for Children and Families effectue une étude longitudinale nationale représentative sur les cas de bien-être des enfants signalés aux sociétés de bien-être de l'enfance. L'échantillon comprend 5 504 enfants (de 0 à 14 ans) desservis par 97 sociétés ayant fait l'objet d'une enquête des services de protection de l'enfance, ainsi que 727 enfants en foyer d'accueil depuis un an environ. Pour en savoir plus, aller à : http://www.acf.dhhs.gov/programs/core/ongoing_research/afc/wellbeing_intro.html ou écrire à : mbwebb@acf.hhs.gov.

Projets de cueillette des données

Rapport statistique sur les services à l'enfance et à la famille

Le Rapport statistique sur les services à l'enfance et à la famille du Groupe de travail fédéral-provincial sur l'information sur les services à l'enfance et à la famille fournit des données provenant des systèmes provinciaux et territoriaux et qui portent sur une gamme de services aux enfants dont s'occupent les sociétés de protection de l'enfance ou encore qui sont adoptés ou pris en charge. L'absence de normes communes empêche néanmoins le regroupement des données recueillies par le Groupe de travail au niveau national ou l'établissement de comparaisons entre diverses compétences.

S'occuper des enfants

S'occuper des enfants est une étude longitudinale sur les enfants pris en charge par l'État (placés en famille d'accueil) effectuée par la Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada et qui sert à recueillir des données provinciales et territoriales sur la violence envers les enfants et les trajectoires du développement infantile. L'étude compare des variables clés entre les groupes d'enfants pris en charge et les enfants au sein de la popu-lation en général, à l'instar de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes. Cette étude sert présentement aux sociétés de protection de l'enfance de sept provinces et trois territoires (y compris des organismes des Premières Nations). Pour tout renseignement additionnel aller à : Ligue pour le bien-être de l'enfance du Canada (LBEC).

Matrice nationale de mesure des résultats sur le bien-être de l'enfance

Un Groupe de coordination des résultats provinciaux et territoriaux s'affaire à perfectionner les fonctions d'évaluation et de dissémination d'une matrice nationale de mesure des résultats sur le bien-être de l'enfance. Puisant à plusieurs sources de données susmentionnées, la matrice fera ressortir les liens entre la récurrence des mauvais traitements infligés aux enfants et l'incidence de mortalité et de blessures graves.

Le saviez-vous?

Le saviez-vous? est une chronique régulière du Bulletin de recherche sur les politiques de santé qui explore diverses idées fausses liées à l'information, à la recherche et aux données sur la santé. Le présent numéro examine une gamme de fausses perceptions entourant la violence envers les enfants.

Réalité ou fiction?

Valérie Gaston, Division de surveillance de la santé et de l'épidémiologie, Centre de développement de la santé humaine, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, Santé Canada

En ce qui touche les manifestations de violence à l'endroit des enfants, les médias tendent malheureusement à ne faire état que des cas spectaculaires. Ceux qui captent surtout l'attention nationale et qui font la manchette ont trait aux parents qui louent les services sexuels de leurs enfants, par exemple, ou qui les enferment dans la sécheuse. Nul doute ces histoires s'avèrent-elles désolantes et horribles mais elles ne reflètent pas pour autant la dure réalité que vivent la plupart des jeunes dont s'occupent les services de bien-être de l'enfance.

Puisque l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants (ECI) constitue une importante source de données, elle peut aider à faire éclater nombre des perceptions erronées qu'entretient le public et que véhiculent les médias. Tout comme les stéréotypes, ces idées fausses peuvent faire du tort aux enfants maltraités et à leurs familles.

La plupart des cas de violence envers les enfants concernent l'abus sexuel. Vrai ou faux?

Comme l'indiquent les articles précédents, les données de l'ECI révèlent que contrairement aux croyances populaires, c'est la négligence qui constitue la forme de mauvais traitement à l'égard des enfants la plus courante. En 1998, 40 pour cent de tous les cas corroborés de violence envers les enfants identifiaient la négligence comme la source première de violence. L'abus sexuel ne représentait que 10 pour cent des cas corroborés de mauvais traitements (voir la Figure 1). Il ne faut pas oublier non plus que ces données ne s'appliquent qu'aux cas de mauvais traitements corroborés par les services de protection de l'enfance. Il s'agit donc d'une sous-estimation du nombre total d'enfants qui sont victimes de violence et de négligence au cours de l'année (voir l'article en page 9)1.

La maltraitance affecte les enfants de façon différente selon l'âge et le sexe. Vrai ou faux?
  • Soixante pour cent des cas corroborés de violence physique concernent les garçons. Le groupe d'âge le plus exposé, chez les garçons comme chez les filles, est celui des jeunes de 12 à 15 ans. La plupart du temps, le cas de violence physique constitue un incident unique lié l'imposition d'un châtiment inapproprié2.
  • Soixante-neuf pour cent des cas corroborés d'abus sexuel concernent les filles. La plupart des victimes sont des filles de 4 à 7 ans et de 12 à 15 ans. Les caresses et attouchements constituent la forme d'abus sexuel la plus courante. Les garçons de 4 à 7 ans sont trois fois plus susceptibles d'être victimes d'abus sexuel que ceux de tout autre groupe d'âge2.
  • En ce qui a trait aux cas corroborés de négligence et de violence psychologique, la répartition selon l'âge et le sexe est semblable chez les garçons et les filles, quoique les garçons de trois ans et moins semblent plus exposés que les autres à souffrir de négligence ou de violence psychologique2.
  • Chez les filles, les cas de négligence atteignent leur point culminant entre 12 et 15 ans; les filles de 4 à 7 ans sont néanmoins les plus affectées par les incidences de violence psychologique. La plupart des cas corroborés de négligence résultent d'un manque de supervision entraînant un sévice physique ou un risque de sévice physique (p.ex., un enfant de 5 ans qui joue seul sur le balcon du deuxième étage où il y un danger de tomber, même si l'enfant ne tombe pas)2.
L'exposition à la violence familiale est la principale forme de violence psychologique corroborée. Vrai ou faux?

L'exposition à la violence familiale constitue un facteur dans plus de la moitié des cas corroborés de violence psychologique. De fait, l'Étude ontarienne sur l'incidence des signalements des cas de violence et de négligence envers les enfants fait état d'une hausse alarmante de 770 pour cent du nombre de cas d'exposition à la violence familiale entre 1993 et 19983 . L'une des causes principales de cette hausse tient à l'exigence imposée par la plupart des provinces et territoires de déclarer les cas de violence familiale aux services de protection de l'enfance si le ménage comprend des enfants.

Figure 1 : Nombre estimatif de cas corroborés de mauvais traitement infligé à un enfant, selon le type de mauvais traitement, 1998

Nombre estimatif de cas corroborés de mauvais traitement infligé à un enfant, selon le type de mauvais traitement, 1998
Les familles bénéficiaires de l'aide sociale ont plus tendance à violenter leurs enfants que les familles qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale. Vrai ou faux?

Nonobstant la croyance populaire, les données de l'ECI révèlent que le revenu de plus de la moitié des familles impliquées dans des cas corroborés de violence envers les enfants provenait d'un emploi à temps plein ou partiel. Trente-cinq pour cent des familles comptaient sur l'aide sociale pour obtenir une forme quelconque de soutien financier. Notons néanmoins qu'un emploi à temps plein ne signifie pas pour autant que la famille ne vit pas dans la pauvreté2 (voir aussi la page 15).

Les problèmes de violence envers les enfants sont plus graves dans les régions urbaines que dans les régions rurales. Vrai ou faux?

On croit généralement que la vie en milieu urbain se traduit par un effritement des valeurs familiales et une hausse du taux de violence envers les enfants. Mais la comparaison des données de l'ECI provenant des grandes sociétés métropolitaines et des sociétés rurales trace un tableau fort différent de la situation. De fait, 39 pour cent du nombre total de cas sujets à enquête se situaient dans des grandes zones métropolitaines, 24 pour cent dans des régions rurales et les autres, dans des régions mixtes rurales-urbaines (c.-à-d. des régions où les sociétés offraient des services dans une série de régions à densité démographique variable). Les deux cinquièmes environ (39 pour cent) des cas urbains étaient des cas corroborés de mauvais traitements comparativement à près de la moitié (49 pour cent) des cas donnant lieu à une enquête en milieu rural (voir la Figure 2). Quarante pour cent des enquêtes menées dans des régions mixtes rurales-urbaines étaient corroborés1.

Les parents biologiques tendent plus que les autres à être les auteurs présumés des gestes de violence. Vrai ou faux?

Cette vérité s'applique à tous les types de mauvais traitements hormis l'abus sexuel. Même si les gens songent, typiquement, à un prédateur sexuel inconnu, l'enfant connaît son agresseur dans la majorité des cas. La plupart des auteurs présumés d'agressions sexuelles étaient d'autres membres de la parenté ou des personnes non apparentées (un pair plus âgé de l'enfant, un ami ou une connaissance de la famille, la personne qui garde l'enfant, un enseignant ou un autre professionnel)2.

Un grand nombre de cas non corroborés de maltraitance résultent d'un signalement faux ou malicieux. Vrai ou faux?

Les résultats indiquent que la plupart des cas ou des rapports non corroborés de mauvais traitements ont été signalés de bonne foi. Un cas de mauvais traitement non corroboré n'indique pas nécessairement que le signalement était malicieux. Seulement 4 pour cent des 33 pour cent de cas non corroborés résultaient d'un signalement intentionnellement faux et les accusations venaient surtout de sources anonymes. Il arrive que les enfants signalent un faux cas d'abus quoique cette situation s'avère rare et s'applique surtout aux cas de violence physique1.

Près de 60 pour cent des cas portés à l'attention des sociétés de protection de l'enfance sont signalés par des professionnels qui côtoient les enfants. Ce sont les membres du personnel scolaire qui signalent le plus grand nombre de cas, puis les policiers et le personnel de la santé. Les signalements de non professionnels sont surtout faits par des parents, des membres de la parenté, des amis, des voisins ou par les enfants eux-mêmes.

Figure 2 : Répartition des cas corroborés de maltraitance, selon la région urbaine ou rurale, 1998

Répartition des cas corroborés de maltraitance, selon la région urbaine ou rurale, 1998

L'utilisation des données relatives à la santé au Canada

L'utilisation des données relatives à la santé au Canada est une chronique régulière du Bulletin de recherche sur les politiques de santé qui fait la lumière sur les plus récentes méthodologies utilisées pour recueillir et analyser les données sur la santé. Ce numéro met l'accent sur les types d'enquêtes et les sources de données disponibles.

Guide de poche des fichiers de données d'enquête

Sylvie Moreau et Chris Oster, Direction de la recherche appliquée et de l'analyse, Direction générale de l'information, de l'analyse et de la connectivité, Santé Canada

Les chercheurs doivent avoir recours aux études et aux fichiers de microdonnées qui conviennent le mieux à leurs projets de recherche. Il en va de même des analystes des politiques qui doivent être familiers avec les forces et faiblesses des études et des fichiers de microdonnées qui sous-tendent leurs recherches stratégiques. Le présent article permet d'établir des distinctions utiles entre les grandes catégories d'études et de fournir des renseignements sur les fichiers de microdonnées disponibles pour chaque étude menée par Statistique Canada.

Étude longitudinale ou en coupe?

Au moment d'amorcer un projet de recherche exigeant la tenue d'une enquête, les chercheurs doivent déterminer s'ils veulent fonder leur analyse sur une étude en coupe ou une étude longitudinale. Les analystes des politiques doivent aussi savoir quel type d'enquête peut fournir les données les plus pertinentes, compte tenu de leurs enjeux stratégiques particuliers.

Étude en coupe

La plupart des gens considèrent les études en coupe comme des enquêtes « conventionnelles ». Ce genre d'étude sert habituellement à mesurer la situation d'une population à un point donné dans le temps, soit au moment même où se tient l'étude en question. Il peut s'agir d'une étude fort simple, tel qu'un sondage d'opinion publique ne comportant qu'une seule question, ou d'une étude nationale complexe sur la santé comme l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de Statistique Canada1. L'étude en coupe peut servir à estimer les caractéristiques particulières d'une population (p.ex., le taux de tabagisme ou le pourcentage de personnes obèses), alors qu'une série d'études en coupe aidera à mesurer les tendances démographiques.

Étude longitudinale

Une étude longitudinale permet de suivre l'évolution d'un groupe de personnes (échantillon) pendant une longue période de temps en interrogeant et en ré-interrogeant le même groupe de personnes pendant toute la durée de l'étude. L'Enquête nationale sur la santé de la population de Statistique Canada, qui interroge le même groupe de répondants tous les deux ans pendant 20 ans constitue un bon exemple d'étude longitudinale.

Puisque l'information sur la personne interviewée est disponible pendant plusieurs années, les études longitudinales s'avèrent fort utiles pour mesurer les changements qui affectent les personnes au fil du temps et pour mesurer le « cheminement de vie » d'une personne. Mais une étude longitudinale ne peut produire d'estimations sur les caractéristiques d'une population ou mesurer les tendances démographiques au fil du temps parce qu'elle ne reflète avec précision la population entière qu'au cours du premier cycle, au moment de la constitution de l'échantillon.

Fichier maître, fichier de microdonnées à grande diffusion ou fichier de données partagées?

En plus de bien comprendre en quoi consistent les divers types d'études et d'enquêtes, les chercheurs et les analystes des politiques doivent être familiers avec les sortes de fichiers de microdonnées disponibles pour chaque enquête. Statistique Canada produit jusqu'à trois fichiers de données différents par enquête : les fichiers maîtres, les fichiers de microdonnées à grande diffusion (FMGD) et les fichiers de données partagées.

Fichier maître

Le fichier maître est un fichier de données complet qui renferme toute l'information signalée sur chaque répondant ayant participé à l'enquête. Il est accessible uniquement sur les lieux de Statistique Canada et dans les Centres de données de recherche (CDR) de Statistique Canada. Les CDR offrent une autre façon d'accéder au fichier maître si jamais le fichier de données partagées ou le FMGD ne suffisent pas.

Fichier de microdonnées à grande diffusion

Le FMGD provient du fichier maître mais comme l'indique son nom, il est accessible au public. Lorsque Statistique Canada met au point le FMGD, il prend toutes les précautions nécessaires pour garantir la pleine confidentialité des répondants, ce qui pourrait s'avérer difficile quand l'échantillon de population est petit (p.ex., dans les régions nordiques) ou quand certaines variables n'apparaissent que dans de rares circonstances (p.ex., de jeunes répondants atteints de la maladie de Parkinson). Dans ces cas, les variables sont regroupées (en un plus petit nombre de catégories) ou supprimées. Le FMGD contient exactement le même nombre de répondants ou de dossiers que le fichier maître, mais moins de variables (voir la Figure 1).

Fichier de données partagées

Lorsque Statistique Canada recueille des données, il demande aux répondants s'ils lui permettent de rendre leur information disponible à ses partenaires (habituellement des ministères fédéraux, provinciaux et territoriaux). Un fichier de données partagées contenant les données de tous les répondants consentants est alors créé et acheminé aux partenaires. Le fichier de données partagées se distingue de deux façons du FMGD :

  • il fournit de l'information sur toutes les variables
  • l'échantillon est plus petit (voir la Figure 1)

Des partenaires comme Santé Canada ont souvent recours aux fichiers de données partagées parce qu'il n'y a aucun regroupement ou élimination de variables, ce qui permet aux chercheurs en matière de politiques d'explorer des sujets particuliers plus en détail qu'avec le FMGD. Cela dit, il revient aux partenaires de s'assurer que les répondants ne peuvent être identifiés à la sortie. En outre, si le fichier de données partagées recoupe moins de 85 pour cent de l'échantillon du fichier maître, les usagers du fichier de données partagées doivent user de prudence puisqu'il se peut que les données ne soient pas aussi représentatives de l'ensemble de la population.

Quel type de fichier de données convient le mieux?

Les chercheurs qui se lancent dans un nouveau projet devraient d'abord opter pour le FMGD puisqu'il comprend un plus grand échantillon que le fichier de données partagées et que les répondants ne peuvent être identifiés à la sortie. Néanmoins, les chercheurs devraient opter pour le fichier de données partagées si :

  • les variables qui les intéressent ont été regroupées ou supprimées dans le FMGD;
  • les variables sont incluses dans le FMGD mais l'analyse statistique exige des estimations spécifiques de la variance2 (p.ex., pour calculer l'intervalle de confiance3 ), ce qu'il n'est pas possible de faire avec le FMGD.

Il importe également que les analystes des politiques saisissent bien les différences entre ces divers types de fichiers. Ils doivent savoir, par exemple, s'il y a eu manipulation des variables (comme dans le cas du FMGD) ou non, comme dans le cas des fichiers de données partagées) avant de recommander l'adoption de politiques fondées sur des recherches spécifiques.

Figure 1 : Comparaisons entre divers types de fichiers de données

Comparaisons entre divers types de fichiers de données

Nouvelles notables

Nouvelles notables est une chronique régulière du Bulletin de recherche sur les politiques de santé qui met l'accent sur les « dernières nouveautés » dans le domaine de la recherche sur les politiques de santé.

S'adapter au changement climatique

Le Bureau du changement climatique et de la santé (BCCS) de Santé Canada et l'Organisation mondiale de la santé ont conjointement publié le document Méthodes pour évaluer la vulnérabilité de la santé humaine et l'adaptation de la santé publique au changement climatique. Ce document identifie les approches et méthodes de recherche qui conviennent à tous les niveaux de gouvernement et qui servent à évaluer la vulnérabilité de la santé humaine au changement climatique. Elle aide également d'autres pays à consolider leur base de connaissances en recherches sur les politiques. Un sommaire du document est disponible auprès du BCCS à : climatinfo@hc-sc.gc.ca. Pour en savoir plus à ce sujet, aller à : Changements mondiaux et santé.

Registre national des traumatismes

L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) publiait récemment l'édition 2003 du Rapport du registre national des traumatisme : Blessures importantes au Canada, qui comprend une analyse descriptive des patients hospitalisés pour cause de traumatisme majeur au cours de l'exercice 2001-2002. Les résultats révèlent qu'au Canada, 72 pour cent de toutes les blessures importantes et 67 pour cent de tous les traumatismes majeurs liés à des accidents routiers affectent les hommes. Les sortes de blessures les plus fréquentes sont les blessures à la tête, puis les blessures orthopédiques, y compris les fractures et les amputations, et les blessures superficielles. Pour obtenir une copie de ces données ou pour consulter le document en entier, aller à : L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS).

Inclusion socio-économique en Ontario

L'Initiative d'inclusion socio-économique (IISC) de l'Ontario est une stratégie de financement intégrée mise au point par la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique, dans les régions de l'Ontario et du Nunavut. Cette initiative démontre en quoi les collectivités peuvent se mobiliser pour instaurer de saines politiques publiques et des pratiques qui favorisent l'inclusion socioéconomique, améliorant du même coup les conditions sous-jacentes à la santé. Les stratégies intègrent plusieurs éléments clés, y compris le financement de projets de développement communautaire (par l'entremise du Fonds pour la santé de la population [FSP]), les partenariats horizontaux et verticaux engageant les gouvernements et secteurs, l'éducation populaire, les campagnes de promotion, ainsi que l'évaluation à divers niveaux. L'initiative produira une nouvelle base de recherches et de savoir sur l'inclusion socioéconomique, alors qu'une évaluation de processus mesurera l'efficacité des activités de planification de l'initiative. Cette évaluation permettra d'améliorer la prestation future du FSP et d'autres projets dans la région de l'Ontario. Pour en savoir plus à ce sujet, communiquer avec Sawson Saraf au
(416) 952-3568.

Programme d'action communautaire pour les enfants

Les effets à long terme de la maltraitance des enfants peuvent inclure une gamme de problèmes chroniques de santé physique et mentale. C'est pourquoi le Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE) de Santé Canada finance des programmes visant à promouvoir la santé et le développement social des enfants et des familles vulnérables. Un projet financé par le PACE, le Programme de prévention des mauvais traitements à l'égard des enfants, a vu le jour à Stettler, en Alberta. Axé sur la formation, le soutien et l'éducation, ce programme favorise des activités de sensibilisation populaire sur les séquelles des mauvais traitements à l'égard des enfants en misant sur le partenariat avec les organisations actives dans les domaines de la santé et de l'éducation, et avec les organismes communautaires. Pour en savoir plus à ce sujet, communiquer avec : Karen_Garant-Radke@hc-sc.gc.ca ou acaa@telusplanet.net.

Liens entre la santé et les réseaux de soutien social des enfants

Misant sur les données de l'Étude longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes de 1998-1999, la Division de l'élaboration et de la diffusion des données de Santé Canada a effectué une analyse statistique portant sur les réseaux sociaux des enfants et leurs liens avec la santé. La recherche analyse les réseaux de soutien social des enfants, des parents et des pairs, et indique en quoi ils affectent les comportements de santé. Les résultats actuels confirment les liens entre le soutien social et la santé des enfants. Pour en savoir plus à ce sujet, communiquer avec : chris. oster@hc-sc.gc.ca.

Évaluation de la violence à l'égard des femmes dans le cadre des soins de santé

On considère la violence à l'égard des femmes comme un problème de société ayant de graves répercussions sur la santé et le bien-être des femmes et des enfants. Jusqu'ici, la recherche n'a pas permis d'établir quelles mesures de santé semblent les plus efficaces pour identifier les femmes victimes d'abus. Grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), divers programmes de recherche connexes examineront la situation des femmes victimes de violence et de celles qui ne le sont pas, et s'intéresseront à leurs fournisseurs de soins de santé. On mettra à l'essai les approches sur la façon d'engager le dialogue sur les situations d'abus dans divers contextes de soins de santé, y compris la santé publique, la médecine familiale, les services d'urgence et les cliniques spécialisées. Les études miseront sur un concept de contrôle randomisé pour évaluer le dépistage universel des cas de violence à l'égard des femmes et l'orientation subséquente vers des services pour voir s'ils permettent de réduire l'exposition future à la violence et améliorent la santé des femmes. Pour en savoir plus à sujet, aller à : McMaster University Health Sciences.

Appui à la recherche sur les politiques de santé

Le Programme de recherche sur les politiques en matière de santé (PRPS) de Santé Canada finance des recherches extramuros jugées par les pairs qui enrichissent la base de données probantes et aident le ministère à prendre des décisions éclairées en matière de politiques. Le PRPS appuie les recherches primaires, secondaires et de synthèse, de même que la tenue d'ateliers de recherche et des conférences axés sur les politiques. Vingt-deux initiatives ont profité d'un soutien financier depuis la création du programme en 2001. Les sommaires de trois projets récents figurent ci-dessous. Pour en savoir plus au sujet du PRPS ou pour obtenir des exemplaires de ces rapports, s'adresser à : RMDDinfo@hc-sc.gc.ca.

Santé des migrants (Dre Sheela Basrur, Association of Local Public Health Agencies)

Compte tenu de la mondialisation et de l'évolution technologique, la santé des migrants est rapidement en voie de constituer un grave problème. Cette situation a motivé la tenue d'une conférence nationale de deux jours sur la santé des migrants qui avait lieu à Ottawa au mois de mars 2003. La conférence, qui se penchait sur l'état actuel des recherches dans le domaine, se concentrait sur les maladies transmissibles et non trans-missibles et sur l'accès aux services de santé. Les participants recommandaient fortement que les recherches futures s'intéressent à la dynamique de la mobilité démographique et à ses effets sur la santé des migrants, la santé publique et les politiques communautaires et gouvernementales.

Capacité communautaire (Dr Richard G. Crilly, Lawson Health Research Institute)

L'objectif de cette étude consistait à évaluer les données probantes sur la conceptualisation et la mesure de la capacité communautaire et à discuter des incidences sur les politiques, la recherche et l'adoption de mesures. Les résultats indiquent que la capacité communautaire a été largement conceptualisée et que la plupart des définitions confirment en quoi la capacité communautaire peut aider à améliorer la santé et la qualité de vie. On a également réussi à identifier les orientations stratégiques et les prochaines étapes de conceptualisation des capacités communautaires.

Soins intégrés de fin de vie (Donna Wilson, Ph. D., Université de l'Alberta)

La plupart des 220 000 Canadiennes et Canadiens qui meurent chaque année, surtout en raison de vieillesse et de maladies progressives, n'ont pas accès à des soins intégrés au terme de la vie. Cette situation peut les placer dans la difficile situation de rechercher activement des services de santé et des services sociaux. Cette étude de synthèse identifie une série de modèles et d'approches en matière de prestation de soins au terme de la vie qui favorisent l'intégration des soins au terme de la vie à l'échelle canadienne.

Faites une croix sur votre calendrier
Quoi Quand Thème
Conférence internationale : Vers une nouvelle perspective - Du vieillir au bien vieillir 3 au 5 octobre 2004
Montréal (Québec)
http://www.
geronto. org/
Favoriser la discussion et l'échange et mettre au point une nouvelle base de connaissances pour stimuler des recommandations et orienter les politiques et services
Maintenir le cap : L'alphabétisation et la santé - première décennie 17 au 19 octobre 2004
Ottawa (Ontario)
http://www.cpha.ca/
literacyand health
Forum national pour discuter des contributions visant à améliorer la santé des Canadiens peu alphabétisés au plan des politiques, de la pratique et de la recherche
7e Conférence sur les collectivités sécuritaires : La clé de la sécurité 17 au 19 octobre 2004
Perth (Ontario)
http://www.safecom
munities.ca/fre/index.htm
Discuter des plans d'action visant à réduire l'incidence des blessures aux plans local, provincial et national, et faire part de la plus récente information au sujet des programmes de prévention des blessures et de promotion de la santé
5e Réunion scientifique annuelle de la Canadian Rural Health Research Society et 4e Conférence de l'International Rural Nurses Congress 21 au 23 octobre, 2004
Sudbury (Ontario)
http://crhrs-scrsr
.usask.ca/sudbury2004/
Explorer divers enjeux inhérents aux services infirmiers et aux soins de santé en milieu rural, ainsi que les problèmes de santé particuliers des habitants des régions rurales
Conférence nationale sur les soins de santé et la violence familiale 2004 22 et 23 octobre, 2004
Boston (Massachusetts)
http://endabuse.org/
health/conference/
Pleins feux sur les plus récentes recherches, mesures de prévention et activités cliniques novatrices engagées pour faire obstacle à la violence familiale
Conférence nationale sur la santé des femmes de milieux ruraux 2004 28 au 30 octobre, 2004
Hershey (Pennsylvanie)
http://www.hmc.psu.edu/ ce/RWH2004/index.htm
Susciter un dialogue international entièrement voué aux problèmes de santé mentale et physique des femmes des collectivités rurales
Santé, travail et mieux-être 2004 28 au 30 octobre, 2004
Vancouver (Colombie-Britannique)
http://www. healthworkandw
ellness.com/fr/
Explorer diverses questions ayant trait à la santé et au bien-être en milieu de travail
4e Conférence européenne sur l'asthme et les allergies chez les enfants 22 au 23 novembre, 2004 Amsterdam
(Pays-Bas)
http://www. mahealthcareeve
nts.co.uk/1041n.html
Dernières découvertes et leurs répercussions sur les perceptions et le traitement de l'asthme et des allergies chez les enfants
9e Conférence annuelle canadienne sur la santé et la sécurité en milieu agricole 2 au 4 décembre, 2004
Ville de Québec (Québec)
http://www.casa-acsa.ca/ french/index.html
Mettre l'accent sur la sécurité en milieu agricole et les projets d'intervention et d'extension et d'éducation en matière de santé; définir des possibilités de collaboration
6e Conférence canadienne sur l'immunisation 5 au 8 décembre, 2004
Montréal (Québec)
http://www.hc-sc.gc.ca/
pphb-dgspsp/cnic-ccni/index-fra.php
Renseignements de pointe sur la science de l'immunisation, les politiques, programmes et pratiques, et forum axé sur les réseaux de contacts et la mise en commun des connaissances

Références

Références pour Statistiques éclair sur les enfants canadiens (p. 2)

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Références pour Le saviez-vous? (p. 30)

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Références pour L'utilisation des données relatives à la santé au Canada (p. 32)

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3. Ducharme, M. (octobre 2002). Un survol de la signification statistique. Bulletin de recherche sur les politiques de santé, 4, 27-28. 39

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