ARCHIVÉE - Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier de 2005, résultats

Margot Shields et Kathryn Wilkins
Statistique Canada
Publié en collaboration avec Santé Canada et l'Institute canadien d'information sur la santé
Décembre 2006
ISBN 0-662-72917-X (publication imprimée)
No 83-003-XPF au catalogue (publication imprimée)

Sommaire

L'Enquête nationale sur le travail et la santé du personnel infirmier (ENTSPI) de 2005 est le résultat d'une collaboration entre l'Institut canadien d'information sur la santé, Santé Canada et Statistique Canada. L'ENTSPI a permis d'étudier les liens entre le milieu de travail et la santé des infirmières réglementées au Canada. Il s'agit de la première enquête représentative du genre à l'échelle nationale. Le taux de réponse élevé (80 %) témoigne de l'enthousiasme avec lequel les infirmières ont participé à l'enquête.

Près de 19 000 infirmières réglementées - infirmières autorisées (IA), infirmières auxiliaires autorisées (IAA) et infirmières psychiatriques autorisées (IPA) - au pays ont été interrogées sur divers sujets, dont les conditions dans lesquelles elles pratiquent leur travail, les défis auxquels elles font face au travail, ainsi que leur bien-être physique et mental. Elles nous ont fait part de leur point de vue sur l'organisation du travail, notamment les effectifs, le travail par quart, les heures supplémentaires et le soutien aux employés. Les infirmières ont également répondu à des questions sur le stress au travail, la charge de travail excessive, le respect ainsi que la qualité des soins aux patients. Elles ont en outre fourni des renseignements sur leur état de santé tel que les affections chroniques, la douleur, l'autoévaluation de la santé mentale et générale, l'utilisation de médicaments et l'incidence de l'état de santé sur l'accomplissement des tâches en soins infirmiers.

Les principaux résultats de l'ENTSPI de 2005 sont présentés ci-dessous. Dans la mesure du possible, les comparaisons entre les infirmières et la population active occupée (personnes de 21 ans et plus) ont été établies à partir de données provenant d'autres enquêtes de Statistique Canada, soit l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, l'Enquête sur la population active et l'Enquête sur le milieu de travail et les employés.

Principaux résultats

[Remarque : Tous les résultats - par exemple les différences entre les sous-catégories d'infirmières ou entre les infirmières et la population active occupée - dont fait état le présent rapport sont statistiquement significatifs. Cependant, les différences statistiquement significatives ressortant de l'analyse ne sont pas toutes comprises dans ce rapport. On a défini les différences significatives selon une valeur de p inférieure à 0,05; la signification de toutes les différences a fait l'objet d'une vérification à l'aide de la méthode bootstrap.]

Personnel infirmier au Canada

  • En 2005, environ 314 900 Canadiens occupaient un emploi en soins infirmiers réglementés, la plupart étant des femmes (94,5 %). Même si les infirmières représentaient seulement 2 % de l'ensemble de la main-d'oeuvre canadienne, elles comptaient pour 4 % de l'ensemble des femmes actives occupées.
  • En outre, 8 infirmières réglementées sur 10 qui occupaient un emploi au Canada (79 %) étaient des infirmières autorisées (IA), et 20 %, des infirmières auxiliaires autorisées (IAA). Quant aux infirmières psychiatriques autorisées (IPA), elles représentaient moins de 2 % des infirmières occupant un emploi.
  • Environ 6 infirmières sur 10 travaillaient en milieu hospitalier. De plus, 16 % travaillaient dans des établissements de soins de longue durée, 12 %, dans le milieu de la santé communautaire, et 13 %, dans d'autres milieux comme les cabinets de médecin, les agences privées de soins infirmiers, les établissements d'enseignement, les gouvernements ou les associations.
  • En 2005, l'âge moyen des infirmières était de 44,3 ans, et elles travaillaient en moyenne depuis 18,3 ans en soins infirmiers. Tant les infirmières que les infirmiers étaient sensiblement plus âgés, en moyenne, que leurs homologues au sein de l'ensemble de la population active occupée de 21 ans et plus. L'âge moyen des infirmières se situait à 3,4 ans de plus que l'ensemble des femmes actives occupées, tandis que l'âge des infirmiers était de 1 an de plus que les hommes actifs occupés.
  • Bien que globalement, les infirmières se trouvaient avantagées par rapport à la population active occupée sur le plan du revenu familial, on a relevé d'importantes différences de revenu entre les diverses catégories d'infirmières. Les IAA vivaient dans des ménages faisant partie du plus bas quintile de revenu de leur province ou territoire en proportion beaucoup plus grande (16 %) que les IA (4 %) ou que les IPA (3 %). De même, seulement 12 % des IAA vivaient dans des ménages faisant partie du plus haut quintile de revenu de leur province ou territoire, comparativement à 39 % des IPA et 34 % des IA.

Caractéristiques relatives à l'emploi, au travail et au milieu de travail

  • La grande majorité des infirmières et infirmiers, soit 84 %, occupaient un emploi permanent en 2005, alors que dans la population active occupée de 21 ans et plus, la proportion était de 77 % chez les femmes et de 71 % chez les hommes.
  • Environ 6 infirmières sur 10 occupaient un emploi principal à temps plein, tandis que les autres travaillaient à temps partiel. Les IAA étaient moins susceptibles d'occuper un emploi à temps plein que les IA et les IPA. Les IAA travaillant à temps partiel étaient aussi beaucoup plus susceptibles de ressentir de l'insatisfaction quant à leurs conditions de travail. Parmi les IAA qui travaillaient à temps partiel, 42 % auraient préféré avoir un emploi à temps plein, comparativement à 18 % des IA et 11 % des IPA.
  • Environ 8 infirmières sur 10 étaient assujetties à une convention collective, ce qui était le cas de seulement un tiers de la population active occupée. Les infirmières travaillant en milieu hospitalier étaient plus susceptibles d'être syndiquées que les infirmières travaillant dans d'autres milieux : 90 % d'entre elles étaient syndiquées, suivies des infirmières de centres de soins de longue durée (79 %), de celles du milieu de la santé communautaire (73 %), puis de celles d'autres milieux (51 %).
  • En outre, 3 infirmières sur 10 ont déclaré avoir fait des heures supplémentaires payées (5,4 heures en moyenne par semaine) dans le cadre de leur emploi principal, une proportion beaucoup plus élevée que chez l'ensemble des travailleurs canadiens.
  • Chez les infirmières, les heures supplémentaires non payées étaient encore plus courantes que les heures supplémentaires payées. Près de la moitié ont déclaré faire habituellement des heures supplémentaires non payées (4 heures en moyenne par semaine) dans le cadre de leur emploi principal. Les infirmières faisaient des heures supplémentaires non payées plus couramment en Alberta, au Manitoba et en Ontario, où plus de la moitié des infirmières ont déclaré faire habituellement des heures supplémentaires non payées dans le cadre de leur emploi principal.
  • Chez les femmes, près de 1 infirmière sur 5 (19 %) occupait plus d'un emploi, ce qui représentait le double de la proportion chez l'ensemble des femmes actives occupées (9 %). Chez les infirmiers, la probabilité d'occuper plus d'un emploi était encore plus grande : 23 %, comparativement à 9 % chez l'ensemble des hommes actifs occupés.
  • Les infirmières québécoises étaient beaucoup plus susceptibles que les infirmières du reste du pays d'avoir accès à un soutien de leur employeur pour la garde d'enfants. En effet, un quart des infirmières au Québec (26 %) y avaient accès, tandis qu'ailleurs, les proportions allaient de moins de 2 % à Terre-Neuve-et-Labrador à 14 % au Manitoba.

Soins infirmiers : qualité, risques et pression attribuable à la charge de travail

  • Lorsqu'on leur a demandé si la qualité des soins dispensés dans leur milieu de travail avait changé au cours de la dernière année, plus de la moitié (57 %) des infirmières ont répondu non, 27 % ont fait état d'une détérioration, et 16 %, d'une amélioration.
  • Plus du quart (27 %) des infirmières québécoises ont fait état d'erreurs de médication occasionnelles ou fréquentes parmi leurs patients, une proportion plus élevée que ce qui a été déclaré ailleurs. À l'extérieur du Québec, les proportions variaient de 7 % à Terre-Neuve-et-Labrador à 18 % en Colombie-Britannique.
  • Les infirmières de la Colombie-Britannique avaient plus tendance que les autres à faire état de soins passables ou mauvais dispensés en équipe. Les infirmières de la Colombie-Britannique, ainsi que celles de la Saskatchewan, étaient aussi plus enclines à déclarer avoir dispensé elles-mêmes des soins passables ou mauvais.
  • Les infirmières de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan étaient plus susceptibles que les autres de s'être blessées au travail : 1 infirmière sur 8 en Colombie-Britannique (12 %), et presque la même proportion en Saskatchewan (11 %), a déclaré s'être blessée, ce qui représente le double de la proportion observée à l'Îledu- Prince-Édouard (1 sur 20). La probabilité de blessures au travail était également relativement faible chez les infirmières du Québec (7 %).
  • Près de la moitié (48 %) des infirmières qui ont dispensé des soins directs ont déclaré qu'elles avaient déjà été blessées par une aiguille ou un autre objet acéré (p. ex. des ciseaux, un scalpel, un rasoir) contaminé qui avait été utilisé sur un patient, et 11 % ont déclaré qu'elles avaient subi une telle blessure au cours de la dernière année.
  • Plus du quart (29 %) des infirmières qui dispensent des soins directs ont déclaré avoir été agressées physiquement par un patient au cours de l'année précédente. Chez les infirmiers, la proportion était de 4 sur 10 (44 %), alors que chez les infirmières, elle était d'un peu moins de 3 sur 10 (28 %). En outre, 44 % des infirmières ont déclaré avoir fait l'objet de violence psychologique.
  • Plus de la moitié (54 %) des infirmières ont déclaré qu'elles arrivaient souvent tôt au travail ou qu'elles restaient tard afin d'accomplir leurs tâches; 62 % ont déclaré qu'elles travaillaient pendant leurs pauses. En outre, deux tiers (67 %) avaient souvent l'impression d'avoir trop de travail et 45 % ont dit qu'elles n'avaient pas assez de temps pour s'acquitter de leurs tâches.

Milieu de travail : stress, collaboration et respect

  • Les infirmières canadiennes considéraient en grande proportion - 45 % chez les femmes et 51 % chez les hommes - ne pas avoir beaucoup de soutien de leurs collègues, alors que dans l'ensemble de la population active occupée, la proportion était d'environ 33 % pour chaque sexe.
  • Plus de 60 % des infirmières et des infirmiers ont déclaré que leur travail était très exigeant physiquement; dans l'ensemble de la population active occupée, les proportions étaient de 38 % chez les femmes et de 46 % chez les hommes. Les IAA ont déclaré en plus grande proportion (75 %) que les IA (60 %) et les IPA (45 %) que leur travail était très exigeant physiquement.
  • Les infirmières avaient une perception largement positive de leurs relations professionnelles avec les médecins : 87 % ont fait état de bonnes relations, 81 %, de beaucoup de travail d'équipe, et 89 %, de collaboration.
  • L'insatisfaction au travail était beaucoup plus répandue chez les infirmières qu'au sein de la population active occupée. Environ 12 % des infirmières et infirmiers étaient insatisfaits, comparativement à 8 % de l'ensemble des femmes et des hommes actifs occupés. Cependant, seulement 4 % des infirmières ont déclaré qu'elles prévoyaient quitter les soins infirmiers dans la prochaine année, et la plupart d'entre elles prenaient leur retraite.

Santé physique et mentale

  • Chez les femmes en soins infirmiers, les maux de dos et l'arthrite étaient plus courants que dans l'ensemble des femmes actives occupées, mais aucune différence importante n'a été décelée chez les hommes. Le quart (25 %) des femmes en soins infirmiers souffraient de maux de dos, comparativement à 19 % de l'ensemble des femmes actives occupées.
  • Au cours des 12 mois précédents, plus de 1 infirmière sur 3 (37 %) avait ressenti une douleur assez grave pour ne pas être en mesure d'accomplir ses activités quotidiennes normales. Plus de 1 infirmière sur 10 a fait état d'une douleur « intense » ou « intolérable », et près du quart de l'ensemble des infirmières ont déclaré que la douleur avait une incidence sur leur capacité à effectuer leurs tâches en soins infirmiers. Les trois quarts des infirmières qui avaient ressenti une douleur ayant limité leurs activités au cours de l'année précédente ont déclaré attribuer cette douleur à des facteurs liés au travail.
  • Par comparaison avec l'ensemble de la population active occupée, les infirmières étaient plus susceptibles d'avoir souffert de dépression au cours de l'année précédente. Dans l'ensemble des femmes et des hommes actifs occupés, 7 % et 4 %, respectivement, avaient souffert de dépression, comparativement à 9 % des infirmières et infirmiers.
  • Environ 1 infirmière sur 3 a déclaré que, dans certains cas, sa santé physique lui avait causé des difficultés dans l'accomplissement de ses tâches au cours du mois précédent.
  • Au cours de l'année précédant l'enquête, 61 % des infirmières avaient pris des congés pour des raisons de santé. Les infirmières qui se sont absentées du travail ont manqué en moyenne 23,9 jours au cours de l'année. Le nombre moyen de jours d'absence pour l'ensemble des infirmières - y compris celles qui ne s'étaient pas absentées - était de 14,5 jours par infirmière. Environ 14 % de l'ensemble des infirmières s'étaient absentées pendant 20 jours ou plus au cours de l'année précédente. Au Québec, les infirmières qui s'étaient absentées ont manqué en moyenne 44 jours au total, soit au moins deux fois plus souvent qu'ailleurs (de 13 à 20,6 jours).

Bilan : liens entre les conditions de travail des infirmières et leur santé

  • Les liens entre les conditions de travail et la santé ont été examinés à l'aide d'une analyse multivariée, tout en tenant compte des effets potentiellement confondants liés au sexe, à l'âge, à la catégorie d'infirmière, à la province ou au territoire, au revenu familial, au tabagisme et à l'obésité.
  • L'état de santé général passable ou mauvais chez les infirmières était lié à des facteurs de stress au travail, notamment le degré élevé de tensions et de contraintes, le manque de soutien de la part de leur superviseur ou de leurs collègues de travail, ainsi que les exigences physiques excessives. D'autres facteurs - le manque d'autonomie et de contrôle sur la pratique ou de respect de la part des supérieurs, les mauvaises relations entre infirmières et médecins et la surcharge de travail - étaient aussi associés à un état de santé général passable ou mauvais.
  • Comparativement aux infirmières qui faisaient habituellement un quart de jour, celles qui travaillaient le soir avaient plus tendance à déclarer que leur état de santé général était passable ou mauvais. Les infirmières travaillant dans les centres de soins de longue durée étaient, elles aussi, plus susceptibles d'avoir un état de santé passable ou mauvais, comparativement aux infirmières travaillant en milieu hospitalier.
  • L'état de santé mentale passable ou mauvais était associé aux quarts de soir réguliers. Les facteurs psychologiques étaient également importants pour la santé mentale; ils comprenaient le degré élevé de tensions et de contraintes au travail, le manque de soutien et de respect de la part des superviseurs ou des collègues, d'autonomie et de contrôle sur la pratique, les mauvaises relations entre infirmières et médecins et la surcharge de travail.
  • Les absences pour des raisons de santé totalisant 20 jours ou plus au cours de l'année précédente étaient plus courantes chez les infirmières syndiquées.
  • La probabilité qu'une infirmière s'absente pendant 20 jours ou plus pour des raisons de santé était élevée parmi les infirmières ayant déclaré un degré élevé de tensions et de contraintes au travail, un manque de soutien et de respect de la part des superviseurs, d'autonomie et de contrôle sur la pratique ou une surcharge de travail. La probabilité que les infirmières ayant déclaré faire l'objet d'un manque de respect de la part de leurs superviseurs s'absentent pendant 20 jours ou plus était 50 % plus élevée, comparativement aux infirmières ayant déclaré faire l'objet d'un meilleur respect de la part de leurs superviseurs.

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