Ce que nous avons entendu : perspectives sur les changements climatiques et la santé publique au Canada

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Organisation : Agence de la santé publique du Canada

Date de publication : 2023-04-17

Cat. : HP5-155/2023F-PDF

ISBN : 978-0-660-47358-1

Pub. : 220743

Le présent rapport a été rédigé par Dre Heather Castleden, Isaac White et Jennifer Otoadese de HEC Research and Consulting et soumis à l'Agence de la santé publique du Canada.

Table des matières

Résumé

Pour l'administratrice en chef de la santé publique du Canada (ACSP), les changements climatiques constituent un problème de santé publique urgent. Afin de mieux comprendre les répercussions des changements climatiques sur la santé de la population, l'ACSP a chargé HEC Research and Consulting d'élaborer le présent rapport Ce que nous avons entendu. Notre rapport est fondé sur l'analyse de 21 entrevues individuelles et de deux groupes de discussion (comptant quatre et cinq participants respectivement) avec des experts clés en santé publique de partout au Canada. Notre collecte et notre analyse de données ont consisté à étudier sur les contributions de la santé publique à la compréhension des répercussions des changements climatiques sur la santé et le bien-être des personnes vivant au Canada, à examiner le rôle des systèmes de santé publique dans l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets, et à déterminer comment les systèmes de santé publique doivent être renforcés pour entreprendre ce travail. Les opinions exprimées dans ce document ne représentent pas nécessairement celles de l'ACSP/Agence de la santé publique du Canada.

Comme en témoignent les propos des experts avec lesquels nous nous sommes entretenus, et qui sont reproduits tout au long du présent rapport, nos constatations montrent à quel point le travail des systèmes de santé publique est essentiel pour comprendre les répercussions du climat sur la santé et le bien-être. Les experts ont affirmé que les systèmes de santé publique ont un rôle central à jouer dans l'adaptation aux changements climatiques. Approfondissant la question, certains experts ont déclaré que, bien que la santé publique ait un rôle à jouer dans les mesures visant à répondre et à s'adapter aux changements climatiques, la réussite de ces mesures passe par un engagement gouvernemental plus vaste visant à atténuer les principaux facteurs responsables des changements climatiques. Il a été fortement recommandé d'envisager les mesures d'atténuation sous l'angle de la santé publique et du bien-être. Nous avons également entendu qu'il faut, de toute urgence, renforcer la vision, les stratégies, les moyens, le financement et les capacités des systèmes de santé publique pour assurer une participation active aux mesures de décolonisation et à l'adoption d'autres systèmes de connaissances concernant le bien-être humain et la santé planétaire.

Nous avons commencé nos conversations avec les experts en leur demandant quels étaient leurs plus grands espoirs et leurs plus grandes craintes en ce qui concerne les interventions des systèmes de santé publique dans le contexte des changements climatiques. Leurs plus grandes craintes comprenaient notamment les suivantes :

  • Inertie et maintien du statu quo, incluant la crainte de ne pas faire grand-chose ou de ne rien faire et de ne pas tenir compte des voix qui doivent être entendues pour s'attaquer à la crise climatique;
  • Manque de compréhension de la part des décideurs de l'ampleur et de l'interdépendance de la crise des changements climatiques et des répercussions connexes sur la santé publique;
  • Polarisation et fragmentation plutôt que cohésion et effort concerté pour atténuer les répercussions des changements climatiques sur la santé et s'y adapter.

Bien que ces craintes puissent sembler alarmantes, les experts avaient des solutions pratiques, qui ont été exprimées par leurs espoirs d'un avenir sain et équitable. Ils ont souligné qu'un tel avenir serait possible en ayant le pouvoir, la capacité et le financement pour :

  • Adopter une approche intersectorielle englobant tous les intervenants en ce qui concerne le défi climatique;
  • Veiller à ce que la santé publique et les changements climatiques fassent partie de toutes les conversations, politiques et décisions qui sont prises en santé publique et dans différents domaines stratégiques;
  • Utiliser de façon proactive les connaissances pour passer à l'action.

Les experts proposent plusieurs domaines de contribution potentielle des systèmes de santé publique. En voici des exemples :

  • Accroissement du leadership en santé publique axé sur la décolonisation, la justice et l'équité;
  • Raffermissement de la volonté politique et du courage de la santé publique dans la lutte contre les changements climatiques;
  • Renforcement de la collaboration intersectorielle et de la participation communautaire;
  • Évolution des valeurs et transition vers des économies axées sur la santé et le bien-être;
  • Promotion du travail en amont en matière de politiques et de dispositions législatives.

Toutefois, de telles solutions ne sont pas dénuées de difficultés et d'obstacles. Les experts en ont cerné plusieurs. Ils ont admis qu'il y avait un risque à parler ouvertement de la santé publique et des changements climatiques. Ils se sont demandé si les systèmes de santé publique devraient être gouvernés de façon indépendante ou à tout le moins sans lien de dépendance avec les structures gouvernementales pour ne pas avoir à craindre des répercussions, ou s'il serait possible de faire plus et mieux au sein de ces structures. Les experts étaient très préoccupés par les défis auxquels ils font déjà face en ce qui concerne la désinformation sur les changements climatiques et les questions de pouvoir, de politique et de polarisation. Ils ont aussi soulevé les problèmes de financement et de ressources matérielles et humaines limités dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques, ce qui n'est pas étonnant. Bon nombre d'entre eux ont déclaré que les activités qu'ils accomplissaient à cet égard s'ajoutaient à leur travail, car ils n'étaient pas autorisés à consacrer leur temps et leur énergie (et celle de leur personnel) aux questions de santé publique associées aux répercussions des changements climatiques, même lorsqu'il y avait des mandats gouvernementaux permettant de le faire. Les défis liés au travail en vase clos, aux mandats sans soutien et à la fragmentation des responsabilités des ordres de gouvernement ont trouvé écho dans le bassin diversifié de participants. Il en découle un dernier défi important qui a été mentionné, soit la sous-estimation des répercussions des changements climatiques sur la santé mentale. Par conséquent, nous sommes totalement mal préparés et nous manquons de personnel pour nous attaquer à ce problème croissant pour le personnel de la santé publique lui-même, ainsi qu'aux effets néfastes des changements climatiques sur la santé mentale et le bien-être de tous.

Compte tenu de ces craintes et espoirs, ainsi que des défis et des contributions potentielles des systèmes de santé publique au Canada, les experts qui ont participé à ce rapport ont souligné le besoin urgent d'environnements sains et équitables. Afin de réorienter la santé publique au Canada pour répondre à ce besoin, sept recommandations thématiques ont été formulées :

  1. Décoloniser la santé publique.
  2. Adopter des approches multidisciplinaires et une expertise diversifiée dans la prise de décisions en santé publique en vue de lutter contre les changements climatiques.
  3. Créer des espaces de collaboration pour l'échange de connaissances sur la santé publique et les changements climatiques.
  4. Établir des centres de connaissances et de formation sur la santé climatique axés sur la participation et les solutions pour lutter contre les changements climatiques.
  5. Réorienter la surveillance afin de favoriser les interventions locales contre les changements climatiques.
  6. Mettre en œuvre des mesures de responsabilisation à l'égard de l'inaction dans le domaine des changements climatiques.
  7. Offrir un financement et des ressources réservées aux travaux concernant la santé climatique.

Ce que nous ont dit clairement les experts du domaine de la santé publique, c'est qu'il faut maintenant prendre des mesures importantes, audacieuses et transformatrices qui s'harmonisent avec la science des changements climatiques et les systèmes de connaissances de ceux qui ont vécu en ayant de bonnes relations avec l'environnement. Cinq thèmes transversaux permettent d'asseoir et d'orienter l'élaboration de politiques, de mandats et de mesures pour les systèmes de santé publique au Canada :

  1. La santé et le bien-être humains dépendent d'écosystèmes sains.
  2. Les facteurs systémiques des résultats négatifs en matière de santé et de changements climatiques se chevauchent et doivent être abordés.
  3. Les obstacles à la lutte contre les changements climatiques dans le domaine de la santé publique sont connus et doivent être abordés de façon systémique.
  4. Il existe une vision et un leadership local pour se pencher sur les enjeux de santé et de changements climatiques dans le domaine de la santé publique, si celle-ci se voit accorder la latitude, les moyens et les fonds nécessaires pour relever les défis.
  5. La santé et le bien-être publics doivent être intégrés et omniprésents dans les processus décisionnels, dans tous les secteurs et tous les ordres de gouvernement.

Les principaux messages de ces experts de la santé publique ont mis en évidence que la santé publique et les changements climatiques exigent qu'une attention particulière soit portée à l'équité, à la justice, à un financement adéquat, à l'engagement politique et aux partenariats intersectoriels. Les experts croient aussi que des changements fondamentaux dans nos structures socioéconomiques sont nécessaires pour rebâtir les relations humaines et les relations avec notre planète. Il y avait un consensus clair au sujet d'un désir collectif de cibler l'attention sur les déterminants en amont de la santé (c'est-à-dire les facteurs politiques, économiques, juridiques, coloniaux et racistes); la nécessité d'adopter une vision plus large et multidisciplinaire de la façon dont la santé publique recoupe ces déterminants; et l'importance d'accorder la primauté, sur le plan du temps et des ressources, à ces déterminants souvent moins tangibles.

En résumé, le rapport constitue une compilation des discussions que nous avons tenues au début de 2022. Les experts ont fait part de leurs réflexions sur les rôles et contributions actuels et potentiels des systèmes de santé publique, ainsi que sur les défis et les obstacles qui nous empêchent de lutter contre les changements climatiques avec la force et l'agilité nécessaires à un leadership fort en la matière. Les craintes, les espoirs et les solutions pratiques ont été traités et analysés. Ensemble, ces réflexions offrent des recommandations stratégiques pour un leadership en santé publique dans tous les ordres de gouvernement à l'échelle du Canada afin de transformer la façon dont nous appuyons les mesures des systèmes de santé publique dans le domaine climatique. Les participants ont souligné que cette transformation est nécessaire de toute urgence pour s'attaquer aux énormes problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Abréviations et définitions

2ELGBTQIA+ :
personnes bispirituelles (deux esprits), lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queers ou en questionnement, intersexuées, asexuelles, et les innombrables autres façons affirmatives choisies par les gens pour s'identifier à leur genre et à leur sexualité
ACME :
Association canadienne des médecins pour l'environnement
ACSP :
Administratrice en chef de la santé publique du Canada
BACSP :
Bureau de l'administratrice en chef de la santé publique du Canada
Changements climatiques anthropiques :
Les changements climatiques anthropiques résultent des activités humaines. Bien que le climat ait changé tout au long des relevés géologiques, le changement climatique anthropique est le changement supplémentaire et accéléré du climat terrestre causé par l'activité humaine, en particulier la combustion de combustibles fossiles, l'élimination du stockage de carbone par les changements d'utilisation des terres, et le rejet d'autres gaz à effet de serreNote de bas de page 1.
Collaboration intersectorielle :
Selon la définition de l'Agence de la santé publique du Canada, la collaboration intersectorielle est « l'action conjointe du secteur de la santé et des autres secteurs gouvernementaux, ainsi que des représentants du secteur privé, des bénévoles et des groupes sans but lucratif, en vue d'améliorer la santé de la population. Les initiatives intersectorielles réussies obtiennent rapidement l'engagement […] avec un objectif clairement établi […] des partenaires possibles des secteurs autres que la santé, de même que de différentes disciplines et niveaux du secteur de la santé […]Note de bas de page 2.
Décolonisation :
Alors que la colonisation suppose qu'un groupe de personnes prenne le contrôle des terres et des ressources d'un autre groupe et leur impose la langue, la culture et les systèmes d'éducation, de droit, de santé, d'économie et de gouvernance du colonisateur, la décolonisation consiste à éliminer ou à réparer les dommages causés par la colonisation ou qu'elle cause encoreNote de bas de page 3.
DNUDPA :
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
GIEC :
Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
Intersectionnalité :
Kimberlé Crenshaw est à l'origine du concept qui désigne [traduction] « un point de vue adopté pour étudier d'où vient le pouvoir, où il frappe, où il s'entrechoque et s'entrecroise. Il ne s'agit pas de questions de performance sur l'identité et la représentation, mais de questions structurelles et systémiques profondes sur la discrimination et l'inégalité. Il ne s'agit pas de dire simplement qu'il y a un problème de race ici, un problème de genre là »Note de bas de page 4. Une approche intersectionnelle consiste à reconnaître qu'une catégorie comme « femme » est insuffisante pour comprendre les expériences uniques de discrimination et d'oppression qu'une femme autochtone pourrait vivre par rapport à une femme blanche ou qu'une femme homosexuelle noire en situation de handicap pourrait vivre par rapport à une femme hétérosexuelle autochtone qui n'est pas en situation de handicap. La recherche de l'équité en santé doit être intersectionnelle.
Limites planétaires :
Le cadre des frontières planétaires définit les limites écologiques d'un espace de fonctionnement sûr pour les humains et la vie sur terre. Neuf limites ont été proposées et à la mi-2022, cinq d'entre elles avaient été franchies en raison de l'activité humaine, soit les changements climatiques, la perte d'intégrité de la biosphère, les modifications du système terrestre, la modification des cycles du phosphore et de l'azote et l'introduction d'entités nouvelles (produits chimiques synthétiques, y compris les plastiques). Les changements climatiques et l'intégrité de la biosphère sont des limites fondamentales, leur dépassement entraîne la Terre dans un nouvel état inhospitalierNote de bas de page 5.
OMS :
Organisation mondiale de la Santé
ONU :
Organisation des Nations Unies
Réconciliation :
La réconciliation est, du moins en théorie, une vision visant à établir des points communs entre les idéaux autochtones et canadiens. Elle consiste à « établir et à maintenir une relation mutuellement respectueuse entre les Autochtones et les non-Autochtones au Canada. Pour que cela se concrétise, il faut connaître le passé, reconnaître les dommages qui ont été infligés, se repentir des causes et poser des gestes pour changer les comportements »Note de bas de page 6.
Science de la santé planétaire :
[Traduction] « La santé planétaire est un domaine et un mouvement social transdisciplinaires axés sur les solutions ainsi que sur l'analyse et la prise en compte des répercussions des perturbations humaines des systèmes naturels terrestres sur la santé humaine et toute la vie sur Terre »Note de bas de page 7. Elle [traduction] « repose sur le postulat que la santé humaine et la civilisation humaine dépendent de systèmes naturels florissants et de la sage intendance de ces systèmes naturels »Note de bas de page 8. Depuis des temps immémoriaux, les chercheurs et les praticiens en santé autochtone, les Aînés et les gardiens du savoir s'intéressent à la science et aux pratiques de la santé planétaire qui sont conformes à une planète en santé.

Préambule

Le travail d'élaboration de ce rapport, y compris les conversations approfondies avec des experts clés dans le cadre d'entrevues et de groupes de discussion, a eu lieu partout au Canada, un pays qui est en grande partie composé de territoires autochtones non cédés. Ainsi, les auteurs du rapport, qui s'identifient tous comme des colons blancs, sont reconnaissants de vivre et de travailler sur les territoires traditionnels de divers peuples autochtones, plus précisément les peuples qui parlent la langue lək̓ʷəŋən, soit les Premières Nations Esquimalt, Songhees et W̱SÁNEĆ ainsi que la Première Nation K'ómoks et sur les territoires traditionnels des Neutres, des Anichinabés et des HaudenosauneeNote de bas de page i. Parallèlement, nous reconnaissons que nous sommes des occupants non invités des territoires, qui contribuent, en raison de notre identité, aux multiples manifestations du colonialisme de peuplement dans notre société. Collectivement, nous comprenons très bien les relations étroites et continues que les peuples autochtones entretiennent avec les terres et les eaux du territoire où nous vivons, et nous sommes déterminés à entreprendre un voyage d'apprentissage continu pour devenir de bons invités sur ce territoire. Pour commencer ce rapport, voici une histoire au sujet de cette relation qu'un des experts avec qui nous nous sommes entretenus nous a racontée :

« Lorsque les Premiers Peuples ont parcouru ce territoire pour la première fois, ils ont appris à connaître l'eau, la terre, les plantes, les animaux. C'est dans ce contexte que les liens avec l'environnement ont été créés et que les Premiers Peuples sont devenus forts mentalement, émotionnellement, physiquement et spirituellement. […] Notre histoire témoigne de pratiques ancestrales pour rester en santé; c'est une question de santé publique […]. Depuis les origines de mon peuple, il y a cette stratégie de promotion de la santé qui nous dit ce qu'il faut faire pour prévenir […]. Je vois toutes ces choses comme étant interreliées, mais ce sont vraiment les liens avec l'environnement qui ont sont à la base de tout. Et lorsque nos terres ou nos eaux […], le climat change autour de nous […] si nous guérissons ces liens, en remontant vraiment loin en arrière, je veux dire vraiment loin, en remontant en amont, jusqu'au début […] [Nous devons] recommencer à zéro, réapprendre et guérir ces liens. »

Les changements climatiques anthropiques ont des répercussions graves, généralisées et diverses sur la santé de chaque personne et de la population mondiale, allant de la santé physique et mentale à la santé émotionnelle et spirituelle de tous les peuples. Les changements climatiques s'ajoutent à la perte de biodiversité en tant que processus planétaire fondamental qui porte atteinte à l'espace de fonctionnement sûr pour les êtres humains et la vie non humaine sur cette planète, à moins que des mesures urgentes d'atténuation ne soient prises. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a déclaré que « les éléments scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique menace le bien-être de l'humanité et la santé de la planète. Tout retard dans l'action mondiale concertée nous ferait perdre un temps précieux et limité pour instaurer un avenir viable »Note de bas de page 9.

« Si vous prenez en compte ce que l'ONU [Organisation des Nations Unies] dit depuis quelques années, elle parle constamment de la triple crise écologique […]. Lorsque l'OMS affirme que c'est la plus grande menace pour la santé au XXIe siècle, pourquoi ne pas la prendre au mot? Pourquoi ne l'acceptons-nous pas? Pourquoi ne pas la considérer comme telle? Si vous prenez en compte toutes les ressources que nous avons consacrées à la COVID-19, qui a tué en deux ans environ la moitié du nombre de personnes que la pollution tue chaque année […] qu'elles sont nos priorités? S'il s'agit de la plus grande menace pour la santé de la population au XXIe siècle, commençons à faire comme si c'était vrai. »

Les répercussions des changements climatiques sur la santé découlent des événements météorologiques extrêmes (p. ex. dômes de chaleur, sécheresses, inondations, tornades), des feux de forêt, de l'élévation du niveau de la mer, du dégel du pergélisol et du risque accru de zoonoses et de maladies à transmission vectorielle. Ces menaces ont des répercussions directes, associées à l'environnement, ainsi que des répercussions indirectes, différées et transférées sur la santé, notamment les maladies liées à la chaleur, l'insécurité liée à l'accès à l'eau, à la nourriture et aux médicaments, les maladies respiratoires, les maladies cardiovasculaires, le stress, l'incertitude et la maladie mentale (y compris le trouble de stress post-traumatique) et l'exposition à des maladies infectieusesNote de bas de page 10.

Bien que toutes les personnes vivant au Canada soient touchées par les changements climatiques, ce n'est pas tout le monde qui est touché de la même façon ou dans la même mesure. Les déterminants sociaux et écologiques de la santé – stabilité économique, éducation, soins de santé, air propre, eau potable, nourriture suffisante et logement sûr – sont répartis de façon inéquitable entre les populations. Des facteurs structurels (p. ex. pour les personnes touchées par la pauvreté, la stigmatisation et la discrimination, qui vivent dans des quartiers moins sûrs et qui occupent des emplois à risque élevé) ainsi que des facteurs sociodémographiques (p. ex. le genre, l'âge, la sexualité et l'incapacité) ont tous une incidence sur les risques pour la santé et sont exacerbés par les changements climatiquesNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16.

Introduction

Chaque année, l'ACSP produit un rapport indépendant sur la santé des personnes vivant au Canada, qui est remis au ministre de la Santé pour dépôt au Parlement et qui est rendu public. Ce rapport permet d'étudier l'état de la santé publique au Canada et de favoriser le dialogue sur les priorités en matière de santé publique. Le rapport de 2022, intitulé Mobiliser la santé publique contre les changements climatiques au Canada met l'accent sur les répercussions des changements climatiques sur la santé ainsi que sur le rôle des systèmes de santé publique en ce qui a trait aux changements climatiques.

Pour éclairer le rapport, le Bureau de l'ACSP (BACSP) a demandé l'élaboration du présent document Ce que nous avons entendu afin de recueillir un éventail de perspectives sur les enjeux propres aux changements climatiques et à la santé publique. Les opinions exprimées dans ce document ne représentent pas nécessairement celles de l'ACSP/Agence de la santé publique du Canada. Dans le cadre d'entrevues et de groupes de discussion, nous avons parlé à 30 chercheurs universitaires, praticiens de la santé publique, dirigeants d'organisations non gouvernementales de santé publique, employés en santé publique de tous les ordres de gouvernement, dirigeants communautaires et médecins (voir le Annexe A, Annexe B, Annexe C, Annexe D, Annexe E). Leur message collectif et cohérent se résume ainsi :

« Les changements climatiques constituent la plus grande menace pour notre santé collective. »

Compte tenu de l'urgence d'atténuer les changements climatiques et d'en réduire les effets néfastes sur la santé, l'ACSP a accordé une attention particulière aux contributions et aux rôles actuels et potentiels des systèmes de santé publique relativement aux changements climatiques, ainsi qu'aux possibilités d'agir et aux défis à relever à cet égard. Cette urgence a été exprimée avec éloquence par l'un des participants avec lequel nous nous sommes entretenus :

« L'exercice habituel de modernisation écologique ou d'écologisation des activités ne nous permettra pas de traverser les tempêtes qui se profilent à l'horizon. Et les tempêtes dont je parle ne sont pas celles que nos petits-enfants devront affronter. Barnosky et ses collègues ont publié en 2012 un article dans la revue Nature qui montre l'effondrement en cascade de l'écosystème entre 2025 et 2045Note de bas de page 17. C'est imminent, et nous sommes restés les bras croisés pendant les 20 dernières années. Les responsables de la santé publique continuent de croire qu'une combinaison de persuasion morale et de meilleurs systèmes de données et de surveillance sera la solution. Pourtant, nous avons des décennies de preuves qui démontrent le contraire. Non seulement ça n'a pas été une solution, mais cette idée a été activement utilisée pour reporter des mesures sous prétexte que nous avons toujours besoin de meilleures données, de meilleurs systèmes de surveillance, d'un meilleur contrôle et de tout le reste. »

Les scientifiques, appuyés par les rapports sur la santé et les changements climatiques, s'accordent pour inciter de plus en plus les pays d'intégrer stratégiquement les changements climatiques dans tous les processus décisionnels, y compris la santé publique (voir le récent rapport de Santé Canada intitulé La santé des Canadiens et des Canadiennes dans un climat en changement : faire progresser nos connaissances pour agirNote de bas de page 1Note de bas de page 18. Les propos sincères et les réflexions perspicaces sur l'état actuel de la santé publique et des changements climatiques présentés dans ce rapport offrent des conseils sur le rôle essentiel que peuvent jouer les leaders, les praticiens, les chercheurs et les décideurs de la santé publique dans l'action transformatrice pour lutter contre les changements climatiques au Canada.

« Nous hésitons à nous lancer dans ce genre de jeu plus inconfortable dans lequel les groupes de pression en général se sentent à l'aise, qu'ils soient de notre côté ou non. Je comprends et je peux accepter une partie de cette réserve. Mais je n'ai pas à accepter qu'un [PDG d'une entreprise] ait la latitude de dire tout ce qu'il veut, tandis que moi, tout ce que je dis doit être appuyé par une liste de références de 50 articles examinés par les pairs. Cela n'a aucun sens! Donc, je reviens à notre autorité morale et à notre position dans la société, qui est basée sur le fait que les gens nous font confiance. Surtout en tant que médecins, une partie de notre travail consiste à faire preuve de jugement, à exercer ce jugement clinique que nous travaillons à développer pendant 10 ou 15 ans, puis à améliorer tout au long de notre vie. »

Les réponses des experts à nos questions nous ont permis d'intégrer leurs recherches, leurs expériences, leurs histoires, leurs espoirs et leurs craintes dans un appel clair à l'action. Nous avons adopté une approche fondée sur la théorie intersectionnelleNote de bas de page ii pour recruter des experts clés partout au CanadaNote de bas de page 19. Ceux ci fournissent une compréhension de leur propre intersectionnalité et une occasion de commencer à explorer certaines des nombreuses perspectives diversifiées sur les effets des changements climatiques sur la santé.

Les propos tenus par ces experts peuvent servir de fondement aux voies d'accès audacieuses, structurées, systématiques, créatives, exploratoires et expérimentales nécessaires qui mènent à un environnement plus sain pour l'ensemble de la population canadienne. Grâce à ces propos, les décideurs de tous les ordres de gouvernement ont l'occasion d'approfondir les discussions et d'éclairer l'action, y compris l'établissement de réseaux, de lignes directrices, de politiques, de lois, de mesures d'éducation et de structures de soutien nécessaires à la mise en œuvre de systèmes transformateurs pour l'atténuation des changements climatiques et l'adaptation à ces derniers.

Pourquoi la santé publique et les changements climatiques

Nous avons demandé aux experts pourquoi ils avaient accepté de participer au rapport Ce que nous avons entendu. D'après toutes leurs réponses, il est clair qu'ils considéraient les changements climatiques comme la plus grande menace à la santé publique de notre époque et que les systèmes de santé publique doivent sensibiliser la population et s'attaquer aux changements climatiques en tant que problème de santé publique.

« Les changements climatiques occupent le premier rang des problèmes de santé publique. La santé publique commence à trouver ses marques et à lancer un appel à l'action à l'égard de certaines répercussions des changements climatiques sur la santé de la population. »

« La majorité des gens croit que [les changements climatiques] les touchent d'une façon ou d'une autre, mais ils ne savent pas vraiment que les changements climatiques représentent un problème de santé […] [Ce rapport peut] donc sensibiliser les gens à l'idée que les changements climatiques constituent un problème de santé […], faire bouger les gens sur ce qu'ils appuieront en matière de politique publique […], parce que nous nous soucions de nos familles et de notre propre bien-être. »

Des experts en santé publique de partout au pays occupant divers postes – médecins en chef, titulaires de chaires de recherche du Canada, dirigeants d'organisations non gouvernementales pertinentes, en milieu urbain, rural, et éloigné, et des experts en santé publique autochtones et racialisés, ont expliqué pourquoi ils ont choisi de participer.

« Nous devons vraiment nous battre pour les besoins et le bien-être des générations à venir. (Ceux et celles) qui ne sont pas encore nés et qui ne peuvent pas mener cette lutte seront quand même touchés par les décisions qui sont prises aujourd'hui. »

« La santé publique ne tient pas vraiment compte des changements climatiques. De plus, la façon dont les peuples autochtones sont touchés par les changements climatiques n'est pas prioritaire. C'est une très grande préoccupation, car les communautés autochtones vont subir certaines des pires répercussions des changements climatiques au Canada. »

Un grand nombre de personnes ont souligné les liens entre la santé publique et la santé des écosystèmes, la santé planétaire et les limites planétaires, ont exprimé le désir de placer la santé publique et les changements climatiques dans ce contexte plus large. Elles ont fait valoir l'importance de reconnaître que la santé planétaire est essentielle à la santé humaine et elles veulent que toutes les personnes vivant au Canada admettent que les changements climatiques sont un problème de santé.

« Il faut encore beaucoup plus travailler sur [les répercussions écologiques], particulièrement en ce qui concerne les limites planétaires […], d'abord dans le domaine scientifique, puis dans celui des politiques publiques. »

Plusieurs participants ont insisté sur le fait que des liens complexes ont toujours existé dans nos systèmes vivants, mais que cette complexité ne peut pas constituer un obstacle à l'action.

« Les changements climatiques sont un fait, les effets sont réels, il y a d'innombrables incertitudes […]. Nous devons apprendre à composer avec la complexité sans que cela nous empêche d'exprimer ce qui doit être dit. »

Bien que les experts aient généralement mis l'accent sur l'adaptation aux changements climatiques comme priorité pour les mesures de santé publique, bon nombre d'entre eux ont expliqué que les efforts d'adaptation sont amoindris sans effort d'atténuation. En l'absence de cible écologique de maintien de la vie, les répercussions sur les processus critiques du système terrestre demeurent et minent la capacité d'adaptation des collectivités et les adaptations proposées en matière de santé publique.

Espoirs et craintes : santé publique et changements climatiques au Canada

Nous avons demandé aux experts de nous faire part de leurs plus grandes craintes et de leurs plus grands espoirs quant à l'avenir de la santé publique et des changements climatiques. La compréhension de ces craintes et de ces espoirs révèle les forces et les faiblesses des structures de santé publique au Canada. De plus, les participants ont brossé un tableau détaillé de ce qui peut favoriser ou entraver une riposte efficace de la santé publique canadienne aux changements climatiques qui rejoint les solutions que nous présentons plus loin dans le rapport. Ce qui est intéressant ici, c'est que même si les craintes exprimées peuvent paraître inquiétantes, les experts avaient aussi des solutions pratiques véhiculées par leurs espoirs d'un avenir sain et équitable. Pour chaque peur et chaque espoir, nous résumons ce que nous avons entendu et présentons des citations illustrant de nombreuses perspectives.

Plus grandes craintes

Les craintes des participants étaient en grande partie un prolongement, ou une combinaison, des obstacles existants en ce qui concerne les efforts de lutte contre les changements climatiques dans le domaine de la santé publique. Trois craintes principales ont émergé :

1. L'inertie et le maintien du statu quo, qui comprenaient la crainte de ne pas faire grand-chose ou de ne rien faire et de ne pas tenir compte des voix qui doivent être entendues pour s'attaquer à la crise climatique.

« Avez-vous vu le film "Déni cosmique"? Voilà, c'est dans ce film. Et j'ai littéralement l'impression que nous y sommes presque. »

Les participants ont déclaré que les pratiques actuelles sont de plus en plus insuffisantes pour s'adapter aux risques pour la santé publique causés par le climat. Les obstacles à des politiques d'adaptation équitables et transformatrices comprennent le maintien du travail cloisonné au gouvernement, le maintien d'une éducation désuète en matière de santé publique et de sciences du climat, la préférence accordée au pouvoir des entreprises de combustibles fossiles, la persistance du modèle économique dominant de l'extraction des ressources et de la croissance, et l'importance accordée au mode de connaissance occidental. (Voir aussi la section « Défis et obstacles » sous « Principales constatations » plus loin dans le présent rapport.)

« Il s'agit vraiment des fondements de notre société, du système capitaliste, de la culture de l'extraction des ressources – et nous devons changer cela. Comment faire? »

« Nous ne faisons que communiquer des données, mais en tant que médecin, je ne peux pas continuer à dire à un patient venu consulter à la clinique "votre tension artérielle est élevée aujourd'hui, à plus tard". Nous avons besoin d'un plan de soins, et nous avons besoin d'un plan de soins qui touchent nos communautés et nos patients de manière à changer les choses. »

2. Manque de compréhension et d'action de la part des décideurs au sujet de l'ampleur et de l'interdépendance de la crise des changements climatiques et des répercussions connexes sur la santé publique. Les participants ont déclaré que sans une approche intégrée et systémique de la santé et des changements climatiques, la planification, la mise en œuvre et la coordination à court et à long terme seront insuffisantes à l'échelle du Canada, ce qui mènera à des interventions inéquitables et inefficaces.

« Ce que je crains le plus, c'est le maintien du statu quo sans véritable action. Je pense aux vies perdues, aux vies brisées et à la souffrance humaine extrême […]. Il sera difficile pour les gens d'avoir une idée nette de ce qui se passe. Nous vivons déjà à une époque de deuils et de dévastation. Nous sommes témoins d'une suite sans fin de pertes de vie, de souffrance et de menaces pour les espèces, comme si cela se produisait seulement à cet endroit vraiment horrible. Et pourtant, d'une façon ou d'une autre, nous considérons toujours cette situation comme étant acceptable. »

Bien que la citation ci-dessus fasse référence à une absence générale de mesures de santé publique dans le contexte de la crise climatique, la citation suivante d'un autre participant décrit le type d'action politique qui est nécessaire, mais qui n'est pas entreprise :

« J'ai trouvé frustrant de constater le peu de considération des conséquences pour la santé de certaines décisions, comme l'expansion de l'utilisation des combustibles fossiles. L'étude de ces conséquences est pourtant très pertinente et cela ne semble être prévu nulle part. Je ne suis pas le seul à penser cela, beaucoup de mes collègues et beaucoup d'autres personnes avec lesquelles nous traitons sont de cet avis. »

3. Polarisation et fragmentation, plutôt que cohésion et effort concerté pour atténuer les effets des changements climatiques sur la santé et s'y adapter en mettant l'accent sur les principaux facteurs.

« La santé publique est menacée dans certaines provinces […] et il y a ce déni des changements climatiques qui, nous le savons tous, est alimenté par le secteur des combustibles fossiles. Je crains donc qu'en ce qui concerne la santé publique, nous ne soyons pas en mesure de faire ce que nous devons faire. »

Les experts ont fait remarquer l'absence d'approches équitables, inclusives et participatives qui intègrent la lutte contre les changements climatiques dans la prise de décisions en santé publique dans le cadre d'un effort communautaire cohérent.

« Je crois vraiment que les initiatives relatives à la diversité en santé publique, qui touchent les personnes qui occupent des postes de pouvoir et celles qui sont à la table de discussion sont importantes. Par exemple, il faut inclure un plus grand nombre de femmes dans les processus décisionnels. Des données montrent que les femmes sont généralement plus susceptibles de prendre des décisions favorables à l'environnement. Il faut aussi assurer la participation des communautés racialisées et des communautés autochtones, et la présence des jeunes, et ce, jusqu'aux échelons les plus élevés. »

« À mon avis, l'effondrement de la société n'a rien à voir en fin de compte avec la crise énergétique ou alimentaire. L'effondrement de la société est dû en fait à notre incapacité à travailler ensemble, à se retrousser les manches et à agir, et c'est ce qui me fait le plus peur. »

Enfin, de nombreux experts ont exprimé le même sentiment au sujet de la crainte de négliger les principaux facteurs de l'urgence mondiale en matière de santé publique que représentent les changements climatiques. Ils mentionnent plus précisément les problèmes fondamentaux de la croissance économique, du capitalisme et de la colonisation.

« La situation est insoutenable et nous ne réussirons pas à renverser la vapeur si nous nous contentons de gérer les risques et d'intervenir en cas d'urgence […] cela ne remet pas en question les principaux facteurs. »

« Si nous ne nous attaquons pas au capitalisme, au colonialisme, au racisme, au patriarcat, etc., nous allons nous maintenir à flot pendant longtemps jusqu'à ce que nous finissions par nous noyer […]. Je ne vois pas combien de temps encore nous pourrons croire que nous accomplissons notre travail en tant que professionnels de la santé publique en ce qui concerne les changements climatiques sans aborder les fondements de notre système qui nous ont conduits là où nous en sommes et qui nous gardent dans la mauvaise direction. »

Ces principaux facteurs qui contribuent aux changements climatiques – l'extraction des ressources, le capitalisme et le colonialisme – ont également été décrits comme la cause de la polarisation et de la fragmentation observées récemment dans le domaine de la santé publique. Les espoirs décrits ci-dessous donnent des idées et proposent des solutions, ou des antidotes, pour contrer les craintes mentionnées ci-dessus, notamment en créant des espaces équitables pour la conception de stratégies, de politiques et d'interventions intégrées.

Plus grands espoirs

L'espoir, comme Jonathan Lear l'a décrit [traduction] « peut être le fondement de l'action sociale et politique collective »Note de bas de page 20. Les espoirs exprimés par les participants englobaient une telle vision du collectivisme. Quatre thèmes centraux ont été dégagés.

1. Envisager un avenir durable et équitable qui accorde une place centrale à la santé et au bien-être des personnes et aux systèmes naturels. Les experts ont échangé des idées sur la vision d'un monde post-carbone. Il a notamment été question de l'utilisation d'une approche fondée sur des scénarios pour imaginer ce qui pourrait être créé en bâtissant une communauté et en établissant des liens entre l'alimentation, l'infrastructure, la santé et le bien-être.

« Dans mes moments les plus remplis d'espoir, je pense que cette crise, associée à notre capacité à être proactif, sera la combinaison dont nous avons besoin pour nous pousser […] vers [un avenir] qui embrasse le défi de vivre dans une réciprocité sacrée avec toute la vie. »

Ce travail de conception proactif préconisé par des experts a révélé le désir de créer des espaces en santé publique pour mettre en pratique les connaissances sur les changements climatiques et le bien-être. Par exemple, des experts ont recommandé de concevoir des interventions de santé publique comportant des co bénéfices sur le plan de la santé, de l'équité et de l'environnement, ainsi que d'élaborer des scénarios qui englobent d'autres modes de connaissance et élargissent donc l'éventail des options d'intervention proactive.

« Dans la conception occidentale du futur, nous pensons habituellement à un monde dystopique où nous subirions les impacts des changements climatiques : nous n'aurions plus accès à la nourriture, nous serions envahis par des extraterrestres, ou il y aurait une apocalypse ou autre chose. Mais selon le futurisme autochtone – et l'afrofuturisme – nous vivons déjà l'apocalypse, nous avons survécu aux envahisseurs étrangers qui ont pris le contrôle de notre monde et l'ont détruit […] Le futurisme autochtone offre une façon d'imaginer l'avenir sans colonisation et de nous demander comment nous pouvons y arriver. »

Poussant plus avant l'idée d'adopter d'autres modes de connaissance, de nombreux experts ont souligné que le soutien de l'autodétermination des Autochtones, la reconnaissance des droits des peuples autochtones et le soutien de l'adaptation fondée sur les savoirs autochtones sont essentiels pour réduire les risques pour la santé liés aux changements climatiques. Les espoirs exprimés comprenaient la prise en compte des connaissances et des pratiques autochtones dans le domaine de la santé publique, en associant la santé à des systèmes naturels sains.

« Le leadership autochtone est essentiel […]. Les terres gérées par les peuples autochtones ont été beaucoup plus saines sur le plan de la biodiversité et d'autres aspects que les terres gérées par les peuples non autochtones […] parce que les Autochtones ont établi des liens avec la terre, et ils perçoivent la santé dans le contexte des liens qu'ils ont créés. La santé planétaire n'aborde la question que superficiellement […] et nous sommes sur le point de nous rendre compte que nous devons prendre soin de l'environnement pour être en bonne santé. Mais les peuples autochtones comprennent que […] nous devons trouver l'équilibre et mieux vivre. Ce genre de choses devraient être intégrées à la santé publique. »

2. Avoir le pouvoir, la capacité et le financement nécessaires pour adopter une approche intersectorielle concertée à l'égard des changements climatiques et de la santé publique, en sachant que les crises de santé publique sont interreliées. Des experts ont convenu que les façons d'être et de faire actuelles en santé publique permettent de moins en moins de s'adapter aux risques, aux pertes et aux dommages sanitaires liés au climat. Avec un financement suffisant et une orientation adéquate, il serait possible d'intégrer la santé et le bien-être dans les processus décisionnels dans tous les secteurs et de promouvoir des politiques d'adaptation équitables et transformatrices qui protègent la santé publique. La décentralisation du pouvoir vers le travail à l'échelle locale et communautaire a aussi été un thème commun.

« Le gouvernement change tous les quatre ans, n'est-ce pas? Je pense que nous devons décentraliser les mesures de santé publique et les confier aux municipalités et aux administrations locales pour vraiment faire bouger les choses. Il y a de très bons exemples de ce genre d'initiative. Par exemple, au Québec, il y a la Direction de santé publique de la Montérégie, qui a travaillé à des évaluations d'impact sur la santé dans le cadre de projets municipaux qui n'étaient pas liés à la santé, et qui appuie entièrement les municipalités dans la conception de différents projets ayant un impact positif sur la santé de la population […] Je pense que c'est là que la santé publique devrait concentrer ses efforts. »

« [Nous avons] des occasions comme celle-ci de créer un avenir meilleur, de concevoir une meilleure façon de faire des affaires ou différentes économies, ou d'avoir différents systèmes énergétiques et différentes technologies concernant la façon dont nous établissons des liens et nous évoluons […] Et donc, il serait intéressant de trouver des façons pour nous de [soutenir] les gens qui commencent à apporter de grands changements au système pour les mettre à l'essai dans de petits milieux. »

3. Intégrer des conversations, des politiques et des décisions dans tous les secteurs. Des participants ont exprimé une vision claire de la santé publique pour tous. Plusieurs partagent le sentiment que les processus inclusifs auxquels participent des détenteurs de connaissances multiples et diversifiés ainsi que la coordination entre les établissements sont essentiels à un système de santé publique résilient au Canada dans les scénarios climatiques actuels et futurs.

En outre, des participants nous ont donné des exemples d'approches de leadership intersectorielles. Ils ont fait remarquer que leur succès découlait de la convergence entre des années d'expérience personnelle et professionnelle et une vision de ce que pourrait être un avenir en santé.

« La santé publique fait beaucoup de choses qui sont entièrement liées aux changements climatiques; […] la convergence est présente […]. Certains services de santé réussissent très bien, s'occupent réellement de l'aménagement du territoire et de la planification des transports. Dans ces cas-là, nous sommes des partenaires dans l'élaboration conjointe de politiques, de plans et de stratégies qui intègrent tout ce dont nous avons besoin pour créer des collectivités saines et durables. »

4. Mettre en application les connaissances en utilisant les rapports, les évaluations et les travaux dont nous disposons et en appliquant les mesures et les recommandations découlant de ces travaux. Tous les participants nous ont affirmé que la santé publique doit faire preuve d'audace et de courage dans ses conseils et ses mesures concernant les changements climatiques.

« Nous devons vraiment mettre fin à la collecte de données, car nous avons déjà toute l'information dont nous avons besoin. Elles sont là. Arrêtez de collecter des données et de rédiger des rapports et commencez à agir sur les plans de la formation, du financement et des ressources. »

Des mesures spécifiques ont émergé des réflexions des experts sur leurs espoirs, notamment : (i) mettre en application les connaissances, en s'appuyant sur l'expertise établie en matière de changements climatiques et de santé dans le domaine de la santé publique; et (ii) codifier la déclaration de l'OMS, selon laquelle les changements climatiques constituent une menace urgente et existentielle pour la santé et le bien-être, dans les politiques, les décisions et la promotion de la santé publique.

Principales constatations

Dans le cadre de nos entrevues et de nos groupes de discussion, nous avons demandé aux experts de donner leur opinion sur les rôles et les contributions actuels et potentiels de la santé publique en matière d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets. À mesure que nous avons pris connaissance de ce qu'ils considéraient comme les principales possibilités, nous leur avons demandé s'ils percevaient des défis ou des obstacles à l'opérationnalisation du travail nécessaire pour l'apport d'une contribution. De nombreux obstacles ont été cernés, et nous les avons décrits dans le rapport. Mais les experts ne se sont pas contentés de cerner les défis et les obstacles. Ils ont également proposé des solutions pratiques et plusieurs recommandations, que nous présentons vers la fin du rapport.

Cet important ensemble de données est présenté avec nos constatations et des citations représentatives des propos des participants. Au cours de notre analyse, nous avons tenu compte des points de vue divergents des experts. Dans l'ensemble, leurs messages étaient cohérents. Nous avons constaté qu'il y avait des différences dans les points de vue sur la portée des responsabilités en matière de santé publique en ce qui a trait à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets (c'est-à-dire allant du soutien des messages de promotion de la santé à la transformation à l'échelle des systèmes). Une autre divergence d'opinions avait trait à la question de savoir s'il fallait plus de données ou plus de surveillance des liens entre la santé humaine et les changements climatiques pour prendre des décisions stratégiques. La grande majorité des participants étaient d'avis que des recherches supplémentaires ne sont pas une condition préalable à une intervention immédiate en matière de santé publique et de changements climatiques.

Rôles et contributions actuels de la santé publique dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques au Canada

Au début de notre collecte de données, nous nous sommes concentrés sur le rôle actuel des systèmes de santé publique au Canada et sur leur contribution à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets. Les experts que nous avons consultés étaient enthousiastes au sujet des champions de la santé publique qui font déjà le travail. Ils ont souligné que ces champions ont besoin de mandats clairs, de possibilités de réseautage, d'un appui de la haute direction et de temps réservé à la défense des intérêts.

« Faire suffisamment d'espace pour les changements climatiques et les déterminants écologiques de la santé a été une bataille difficile dans les cercles de la santé publique, [mais] il y a des champions dans un certain nombre de services de santé, comme il y en a dans plusieurs domaines, et ces personnes sont vraiment pressées d'agir davantage. Les champions ont une longueur d'avance, et ils ont simplement besoin d'un peu de légitimation pour obtenir l'espace nécessaire pour faire ce qu'ils savent déjà qu'il faut faire […]. Notre tâche consiste à déterminer comment nous pouvons encourager les champions et les mettre en contact les uns avec les autres afin qu'ils ne se sentent pas aussi isolés, parce que bon nombre d'entre eux sont les seuls dans leur région qui ont vraiment hâte d'accomplir ce travail. »

L'un des participants au groupe de discussion a donné un exemple de ce rôle de champion :

« J'ai participé au plan d'atténuation des changements climatiques [de la municipalité] […] et chaque fois que je siège à ces grandes tables multipartites, j'ai toujours l'impression d'essayer d'aborder le sujet sous l'angle de la santé, mais aussi de l'équité en santé. »

Principalement, nous avons entendu dire que les rôles actuels de la santé publique dans l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets comprennent la promotion de l'équité en santé, la sensibilisation accrue aux répercussions des changements climatiques sur la santé publique, l'établissement de ponts avec d'autres ministères (p. ex. agriculture, transport, infrastructure, patrimoine, conservation) et l'organisation de rencontres pour le partage des connaissances, les évaluations de la vulnérabilité et les plans d'action.

Les participants ont convenu en général que la santé publique devrait se concentrer sur la prévention plutôt que sur la gestion des interventions en cas de catastrophe, comme nous permet de le constater la citation représentative suivante :

« Nous ne consacrons pas suffisamment ou en tous cas pas autant de ressources à des choses comme la promotion de la santé, qui vise précisément à faire de la prévention en amont et empêche les problèmes que nous avons cernés de survenir. »

Pour se concentrer en amont sur les déterminants généraux de la santé, les systèmes de santé publique doivent adopter une approche holistique ou globale de pensée systémique. La santé publique devrait jouer un rôle de leader à cet égard, mais selon les participants, les déterminants intermédiaires et plus éloignés de la santé n'ont pas encore été pris en compte :

« Si vous essayez d'intervenir, comme on dit, en amont […] et que vous demandez : "Eh bien, le logement, où est la santé publique dans la conversation sur le logement? " Bien, elle n'est pas là. La santé publique n'a pas vraiment été très présente, et les changements climatiques sont donc encore plus éloignés ou en amont que le logement, et ils englobent tout. »

Le désir de s'attaquer à ces déterminants était clairement partagé par les participants, mais pour la plupart d'entre eux, en réalité, les problèmes de santé publique sont abordés selon une logique d'intervention d'urgence grave, et ce, tant à l'échelle locale que nationale.

« Je crois que la santé publique peut jouer un rôle ambitieux, et puis il y a le rôle pratique. Dans les faits, nous finissons par nous occuper de crises qui créent une approche très proximale et très linéaire où l'accent est mis sur la façon dont nous pouvons prévenir les expositions dangereuses plutôt que sur la façon dont nous pouvons promouvoir les systèmes vivants dont nous dépendons pour continuer dans cette voie et pour exister. »

Selon les experts, deux des principales raisons pour lesquelles les systèmes de santé publique n'ont pas encore assumé un rôle de leadership important dans les déterminants de la santé en amont sont le temps et la capacité de travailler à l'interface des disciplines et des secteurs.

« Le rôle de la santé publique, qui consiste à avoir le temps et la capacité de s'occuper de ces problèmes en amont, moins proximaux et plus éloignés, a été extrêmement limité. »

« [Il] serait très utile que les gens comprennent que pour que la santé publique soit vraiment efficace, [il faut] de bons responsables des politiques qui travaillent dans l'ensemble des ministères, des administrations ou des disciplines pour se pencher sur les changements de politique dont nous avons besoin, qui sont bons pour la santé de la population, ainsi que pour les changements climatiques. »

Bien que les experts aient relevé les contributions actuelles de la santé publique dans le contexte de l'adaptation aux changements climatiques et de l'atténuation de leurs effets sous un angle relativement positif, les contributions elles-mêmes étaient limitées, tout comme les remarques des experts.

« Je ne pense pas que [la santé publique] passe à l'étape suivante […]. Il n'y a pas eu de véritable avancée selon ce que je peux constater. La santé publique reste dans cet espace où elle répond au système de santé, […] elle ne répond pas aux changements climatiques. »

Essentiellement, lorsque nous avons posé des questions au sujet de la situation actuelle, la plupart des participants ont immédiatement parlé des rôles et des contributions potentiels des systèmes de santé publique en ce qui concerne la nécessité de s'adapter aux changements climatiques et d'en atténuer les effets.

Rôles et contributions potentiels de la santé publique dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques au Canada

Les réponses portant sur les rôles et les contributions potentiels des systèmes de santé publique concernant l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de ceux-ci au Canada se démarquaient par leur amplitude et leur profondeur. Nous avons regroupé les réponses en cinq catégories de rôles et de contributions potentiels :

  • Accroissement du leadership en santé publique axé sur la décolonisation, la justice et l'équité;
  • Raffermissement de la volonté politique et du courage de la santé publique dans la lutte contre les changements climatiques;
  • Renforcement de la collaboration intersectorielle et de la participation communautaire;
  • Évolution des valeurs et transition vers des économies axées sur la santé et le bien-être;
  • Promotion du travail intersectoriel en matière de politiques et de dispositions législatives.

Chacune de ces catégories est développée ci-dessous avec des exemples et des citations de participants.

Accroissement du leadership en santé publique axé sur la décolonisation, la justice et l'équité

Bien que les experts aient exprimé de sérieuses préoccupations au sujet de la contribution et du rôle actuels limités des systèmes de santé publique en ce qui a trait aux changements climatiques au Canada, ils étaient fort désireux de voir la santé publique assumer un rôle de leadership dans ce domaine en mettant fortement l'accent sur la justice, la décolonisation et l'équité. Cette idée suscitait beaucoup d'enthousiasme chez les experts. Ceux-ci ont notamment déclaré qu'il n'existe pas d'approche unique en matière de lutte aux changements climatiques. Pour cette raison, la santé publique doit faire appel à diverses connaissances et perspectives dans toutes les interventions d'adaptation et d'atténuation. Plusieurs experts ont fait valoir que la santé publique doit non seulement apprécier la richesse des connaissances autochtones pour comprendre et contrer les changements climatiques, mais aussi trouver des façons de renforcer les relations avec les dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis, à l'échelle locale, provinciale, territoriale et nationale.

« L'Agence de la santé publique du Canada peut faire beaucoup mieux en travaillant avec les principaux organismes autochtones nationaux. Il y a un écart énorme par rapport à tous les ordres de gouvernement […]. Il est primordial de consulter les trois organismes nationaux, mais le leadership autochtone revêt vraiment une très grande importance dans chaque province et territoire, car vivre dans des régions différentes et avoir des besoins différents donne un point de vue particulier. Les diverses histoires culturelles, géographiques et climatologiques et les situations actuelles sont vraiment importantes. C'est donc essentiel, vous avez besoin du leadership autochtone et devez montrer la voie à cet égard. »

Les experts ont mentionné en particulier la relation problématique entre l'injustice, le racisme systémique et la vulnérabilité aux changements climatiques. Ils ont également indiqué qui devait assumer la responsabilité dans ces domaines.

« Toutes les mesures qui ont des co-bénéfices pour la santé, ou un grand nombre d'entre elles commencent à être intégrées dans le travail de santé publique de façon relativement importante, et c'est très bien […]. Et c'est là que nous commençons à penser au pouvoir et nous nous heurtons à de la résistance. Nous avons donc besoin de beaucoup, beaucoup de courage. Le sujet commence à apparaître quelque peu dans les conversations sur le racisme environnemental, ce qui est formidable. Mais les communautés autochtones ne devraient pas avoir à faire valoir ce point; cette tâche ne revient pas aux communautés racialisées. »

Les participants ont expliqué que ce sont les populations les plus vulnérables qui seront les plus durement touchées par les changements climatiques, comme les populations des pays du Sud, les peuples autochtones, les personnes racialisées, les personnes qui font face à l'insécurité en matière de logement ou d'alimentation, les personnes en situation de handicap, la communauté 2ELGBTQIA+, les personnes âgées, les enfants et d'autres groupes vivant des iniquités.

« Les plus pauvres et les plus vulnérables seront plus durement touchés. Nous avons donc le devoir de protéger la population, et ce, en remédiant aux iniquités. De nombreuses études révèlent que moins il y a d'iniquités dans les sociétés, plus la population est résiliente et moins elle sera durement touchée par une crise. »

La relation troublante entre les changements climatiques et les conséquences pour la santé liées à la variabilité des conditions météorologiques, comme la chaleur extrême, a été particulièrement signalée en tant que problème de santé publique. En même temps, les participants ont fait observer un manque de décisions axées sur les politiques et sur l'action dans ce domaine.

« Ce sont les personnes sans domicile fixe ou qui vivent dans des logements précaires qui font déjà face aux conséquences réelles des conditions météorologiques liées au climat, […] de la variabilité climatique, des phénomènes comme la chaleur, les vagues de chaleur. [Il y a] très peu de discussion au sujet de [ces] répercussions sur la santé, alors la santé publique, depuis l'échelon national jusqu'à la base, doit être présent à cette table et participer à la conversation et vraiment utiliser son effet de levier et son influence pour pousser à investir davantage là où l'investissement est le plus nécessaire. »

Dans le même ordre d'idées, certains experts ont décrit en détail la possibilité d'une augmentation des effets néfastes sur la santé liés à la vulnérabilité et à l'inadéquation des logements à mesure que les phénomènes météorologiques violents s'intensifient en raison des changements climatiques. Ils ont recommandé d'utiliser les données disponibles pour comprendre et communiquer les risques, ainsi que d'axer les interventions sur la prise de décisions fondées sur des données probantes.

« Une chaleur de 30 degrés en soi ne tuera pas les gens. La chaleur à 30 degrés telle que vécue par des personnes mal logées, socialement isolées, matériellement démunies – c'est ça qui tue. Je pense que plus nous pouvons faire connaître ces données, plus nous pouvons comprendre le risque et orienter nos interventions efficacement, surtout lorsque les ressources mises à notre disposition pour s'attaquer directement au problème sont toujours limitées. »

Les experts ont admis qu'il y a et qu'il y aura de nombreux défis liés aux réfugiés climatiques à mesure que les changements climatiques s'intensifieront. Pourtant, seuls quelques experts ont traité de la façon dont la santé publique doit élaborer des plans structurés pour se préparer aux réfugiés climatiques, tant internes que transfrontaliers, et les soutenir, leur santé étant affectée de diverses façons. Ce « silence flagrant dans les données » a été exposé dans la citation suivante d'un participant.

« La question des réfugiés climatiques […] ne fait pas encore partie de la discussion, et c'est quelque chose que je veux vraiment mettre de l'avant. Mais je dois convaincre les membres de mon organisation qu'il s'agira d'une question de santé publique et que nous devons commencer à nous préparer dès maintenant. Nous aurions dû commencer il y a longtemps. »

Ceux qui ont soulevé le sujet ont insisté sur le fait que la santé publique doit aborder toutes les interventions relatives aux réfugiés climatiques sous l'angle de l'équité.

« Les pays du Sud continueront d'être touchés de façon disproportionnée par les changements climatiques. Pourtant, ce sont les pays du Nord et les pays développés qui contribuent le plus aux changements climatiques. Et donc, si nous pensons que oui, il y a beaucoup de travail à accomplir à l'échelle locale, il ne faut pas oublier que chaque nouvel immigrant réfugié qui arrive au Canada, dans notre région, est touché par d'autres effets sur la santé découlant des changements climatiques en raison de ce problème systémique mondial. »

Raffermissement de la volonté politique et du courage de la santé publique dans la lutte contre les changements climatiques

La possibilité de raffermir la volonté politique et le courage de la santé publique dans la lutte contre les changements climatiques a été un thème dominant parmi les propos tenus par les experts. Plus précisément, plusieurs experts ont déclaré à quel point l'amplification des voix de la santé publique et des mesures collectives contre les changements climatiques, à l'échelle locale et nationale, est cruciale pour l'adaptation et l'atténuation.

« Nous n'avons pas créé l'espace nécessaire pour que les responsables de la santé publique soient courageux. Je pense que c'est un changement énorme qui doit se produire, car nous exigeons que la santé publique intervienne fermement dans le domaine de la prévention. Et je ne pense pas que la santé publique occupe solidement cet espace au Canada. »

Compte tenu du rythme accéléré de l'intensification des changements climatiques, de nombreux experts ont expliqué comment la santé publique devrait aborder l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets avec la même urgence et les mêmes efforts concertés que pour la COVID-19.

« Il devrait vraiment y avoir une volonté politique [pour les changements climatiques], de la même façon qu'il y a eu une volonté politique de faire face au défi de la COVID au Canada d'une façon assez respectable. »

Certains experts se demandaient comment communiquer les pratiques exemplaires à l'ensemble des administrations de sorte que les responsables, les professionnels et les praticiens de la santé publique puissent prendre des décisions éclairées sur la meilleure façon de veiller sur les populations tout en prenant les mesures nécessaires pour l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets.

« Comment pouvons-nous diffuser et mettre de l'avant des pratiques exemplaires pour donner aux médecins de la santé publique le courage de pouvoir vraiment parler au nom de leur population de patients sur des questions qui ont une pertinence réelle pour le pouvoir et la politique? Parce qu'à l'heure actuelle, ils ne le font tout simplement pas. »

En réponse, d'autres ont décrit à quel point la santé publique doit faire preuve de plus de courage en ce qui concerne les mesures immédiates de lutte contre les changements climatiques.

« Je pense que nous avons eu tendance à être limités par ce que j'appellerai la "tyrannie du faisable". Nous avons eu tendance à examiner ce que nous pouvons faire dans notre propre domaine […], mais si nous restons sous le joug de ce genre de tyrannie du faisable. Je crois que nous ne sommes pas assez créatifs, ni assez audacieux. L'ampleur et l'audace de nos ripostes ne correspondent pas à l'ampleur et à l'urgence des défis auxquels nous faisons face. »

De nombreux experts ont souligné que la santé publique a un rôle à jouer dans la collecte de données et l'évaluation des répercussions sur la santé associées à l'extraction des ressources et aux combustibles fossiles. Les experts ont relevé le manque actuel de présence de la santé publique dans les espaces où sont prises des décisions qui pourraient avoir des conséquences néfastes sur la santé des humains et des espèces non humaines, ainsi que sur la santé globale et la biodiversité des écosystèmes et de l'environnement. Les experts ont aussi indiqué que la santé publique pourrait s'exprimer davantage dans ces espaces et assumer des rôles plus importants en matière de collecte de données, de communication et de défense des intérêts en ce qui a trait aux divers effets sur la santé associés aux combustibles fossiles et à l'extraction des ressources.

« La principale conversation sur les mesures d'atténuation que nous n'avons pas ici, c'est la remise en question […] du soutien à l'industrie des combustibles fossiles, que ce soit par des subventions ou simplement en fermant les yeux sur les effets externes liés à la santé publique […]. La santé publique au Canada doit commencer à faire du bruit et à recueillir des données sur les effets de l'extraction des ressources sur la santé à l'échelle locale, en élaborant des propositions de politiques connexes, et en veillant à ce que ces études intègrent le savoir traditionnel en association avec le savoir occidental parce que nous en avons réellement besoin. »

Renforcement de la collaboration intersectorielle et de la participation communautaire

Plusieurs experts ont appuyé l'idée selon laquelle une collaboration intersectorielle et une mobilisation communautaire accrues seront nécessaires pour se pencher efficacement sur l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets. Bon nombre d'experts ont mentionné en particulier les façons dont la santé publique pourrait jouer un rôle de chef de file plus solide dans ce domaine en rassemblant les gens pour mettre en œuvre des mesures rapides et collectives de lutte contre les changements climatiques.

« La santé publique plus que tout autre secteur […] a toujours prôné la notion de "santé dans toutes les politiques" et par conséquent, la santé publique voudrait manifestement participer à toute forme de collaboration ou d'intervention intersectorielle dans le cas d'une menace globale et écosystémique à la santé et au bien-être de l'être humain […]. La Stratégie nationale sur le logement du Canada, par exemple. Qu'en est-il de la santé publique? […] Quel rôle joue [la santé publique dans] l'adaptation de la Stratégie canadienne sur le logement à certaines conséquences des changements climatiques en ce qui a trait au logement [et] aux normes de logement? »

Nous avons entendu parler de la possibilité pour la santé publique de collaborer dans l'ensemble des secteurs avec les planificateurs, les services d'urgence et les collectivités pour élaborer et mettre en œuvre des plans d'adaptation et d'atténuation à l'échelle locale et municipale.

« Si nous ne travaillons pas avec les gens qui planifient le système de gestion des eaux usées et le système de gestion de l'eau potable, ainsi qu'avec les services forestiers, les services d'urgence et les services d'incendie, si nous n'abordons pas ensemble la santé publique, nous continuons à créer conjointement des problèmes qui ne font que s'aggraver et s'accumuler. Tout le monde a un lien avec la santé, alors la santé publique pourrait vraiment jouer un rôle de premier plan en rassemblant les gens. »

Malgré le désir de collaboration intersectorielle, de nombreux participants ont reconnu qu'il était difficile de concrétiser ce désir en raison des limites ministérielles et bureaucratiques.

« Sur le plan pratique, de nombreux responsables de la santé publique veulent établir des liens, mais on ne leur donne littéralement pas le mandat ou l'autorisation de le faire parce que l'on considère que cela ne relève pas de leurs fonctions. »

De nombreux experts ont expliqué comment la santé publique est bien placée pour faciliter une forte mobilisation communautaire et une collaboration intersectorielle afin de mettre en œuvre des mesures de lutte contre les changements climatiques – si on leur donne le mandat et les ressources nécessaires. Cependant, ils ont fortement insisté sur le fait que la santé publique doit redoubler d'efforts pour mettre en œuvre des plans stratégiques afin de travailler en synergie dans tous les secteurs et favoriser une adaptation, atténuation et préparation globale aux situations d'urgence rapides et audacieuses.

« Il va falloir quelque chose qui permette aux responsables de la santé publique d'aider d'autres personnes à accomplir leurs tâches, car travailler en amont signifie que les responsables de la santé publique doivent collaborer avec des alliés qui ne viennent pas du secteur de la santé, pour leur donner les moyens de réaliser ce qu'ils peuvent dans le domaine de la santé publique. Le fait que ces alliés fassent leur travail aidera la santé publique à faire le sien, et il faudra que ce soit en partenariat. »

L'idée selon laquelle le secteur de la santé publique ne peut pas s'attaquer aux changements climatiques indépendamment des autres secteurs et des secteurs gouvernementaux a été mentionnée par un bon nombre des experts que nous avons entendus. Notamment, plusieurs d'entre eux ont déclaré que la santé publique pourrait jouer un rôle dans l'accroissement de la collaboration avec les différents ordres de gouvernement et des partenariats avec des alliés à l'extérieur du secteur de la santé publique afin de travailler à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets selon une approche descendante et ascendante.

« Il faut travailler sur le terrain, avec les gens, et comprendre la situation de ces gens […] et les intervenants en santé publique devraient servir de facilitateurs et de traducteurs entre les niveaux, parce que les enjeux sur le terrain sont intersectoriels. En haut, les gens travaillent de façon cloisonnée. Il faut donc les amener à travailler ensemble. »

Plusieurs experts ont également souligné la possibilité pour la santé publique d'améliorer son rôle en travaillant de façon intersectorielle à l'écologisation de l'infrastructure et de l'environnement bâti.

« Nous devrions soutenir l'économie verte émergente. La santé publique devrait donc trouver des façons de s'associer à des systèmes agricoles, des services d'alimentation et des régimes alimentaires qui font peu de place à la viande. Elle devrait trouver des façons de créer des partenariats avec des systèmes de transport écologiques, évidemment, avec le transport en commun, avec des gens qui construisent des logements abordables et durables, avec des systèmes d'énergie propre et verte […]. Nous voulons que l'économie [verte émergente] remplace l'ancienne économie. »

Évolution des valeurs et transition vers des économies axées sur la santé et le bien-être

De nombreux experts ont souligné l'importance de changer les valeurs sociétales dominantes et d'effectuer la transition vers des économies axées sur la santé et le bien-être si nous voulons prendre des mesures concrètes d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci. Des experts ont mentionné la possibilité pour la santé publique de jouer un rôle de chef de file dans ce domaine et de préconiser des types de changements de valeurs qui favoriseraient l'équité, la santé et le bien-être des êtres humains et des espèces non humaines, ainsi que des écosystèmes et des environnements robustes.

« En fin de compte, il y a trois valeurs fondamentales dans la société occidentale, et même du monde entier, qui doivent changer. L'une des valeurs fondamentales est la croissance et le matérialisme. La deuxième valeur fondamentale est la liberté et l'individualisme, qui doivent être repensés parce que le genre d'individualisme que prêchent les néo-libéraux fait partie du problème. Cela fait passer l'individu avant le collectif, c'est-à-dire "tant que j'obtiens ce que je veux, tant pis pour les autres", et cela entraîne un très grand nombre de problèmes, et mine le processus collectif. Une troisième valeur fondamentale qui doit changer, c'est notre séparation de la nature, et en quelque sorte, nous sommes distincts et séparés de la nature. Et je suis sûr qu'il y en a deux ou trois autres qui sont importantes, mais pour moi, ce sont les trois principales. »

Les valeurs fondamentales susmentionnées, qui minent la santé et le bien-être publics, sont connues. Mais les systèmes de santé publique ont réussi à réorienter des valeurs de la société. Par exemple, la recherche en santé publique et les communications ont changé notre relation sociétale avec les produits du tabac.

« Nous avons en fait modifié des valeurs fondamentales en santé publique. Nous l'avons fait pour le tabac, alors, sous l'angle de la santé, quelle est notre vision de la liberté, de la croissance, et des relations avec la nature? Dans ce dernier cas en particulier, il y a beaucoup de liens avec les valeurs autochtones, les croyances et les modes de compréhension autochtones et tout cela […]. Comment pouvons-nous penser en termes d'"une société, une même planète"? Nous ne pouvons pas le faire si nous ne changeons pas ces valeurs fondamentales […]. Et sans changement, l'existence de l'être humain sur Terre sera encore plus menacée et nous assisterons à des décès massifs. »

Certains experts ont signalé des occasions pour la santé publique de participer davantage aux conversations sur les économies et les mesures utilisées pour évaluer et mesurer le succès au Canada. Nous avons entendu parler de la possibilité pour la santé publique de recueillir des données et d'exposer les co-bénéfices sains de la transition vers des sociétés de santé et de bien-être.

« J'ai aidé à rédiger une lettre avec l'Association canadienne de santé publique […] pour demander une transition globale vers une économie axée sur le bien-être, afin que nous puissions tous au moins avoir cet ensemble de paramètres constituant une sorte d'évaluation globale de nos réalisations en tant que pays et en tant que société. Parce que je ne vois pas comment nous pourrions autrement décloisonner suffisamment notre travail et aussi orienter le financement de la façon la plus utile si nous ne faisons pas vraiment la transition vers le bien-être de notre société. »

Promotion du travail intersectoriel en matière de politiques et de dispositions législatives

Plusieurs des experts que nous avons entendus ont insisté sur la nécessité pour les systèmes de santé publique non seulement de préconiser du travail intersectoriel stratégique en amont en ce qui concerne la santé et l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de ceux-ci, mais aussi de s'y engager. Nombreux sont ceux qui ont attiré l'attention sur la façon dont la santé publique et les changements climatiques devraient représenter un aspect fondamental de tous les processus décisionnels liés à l'élaboration de politiques.

« Tout devrait être examiné sous l'angle du climat. Chaque grand portefeuille ministériel compose avec les répercussions des changements climatiques, et il est essentiel d'en tenir compte. Il faut donc une approche d'intégration de "la santé dans toutes les politiques" et du "climat dans toutes les politiques" envisagées. Je pense que c'est là qu'il faut un leadership solide de la part de la santé publique, et un appui de la part des autres gouvernements, si l'on veut leur donner les moyens de faire ce genre de chose. »

Certains experts ont également fait remarquer que le fait de placer la santé humaine au centre de toutes les propositions de politiques peut être un moyen efficace d'influer sur le public et de renforcer le soutien de celui-ci à l'égard des initiatives de lutte contre les changements climatiques.

« Nous savons que la formulation de propositions de politiques sous l'angle de la santé […], c'est l'une des façons les plus efficaces d'obtenir l'appui du public pour ces changements en matière de politiques. »

Les experts ont souligné des stratégies pour que l'élaboration de toutes les politiques et les lois intersectorielles prennent en compte la santé publique et le climat.

« De toute évidence, vous devez élaborer une politique publique saine, alors ils feraient bien de jeter un coup d'œil à la Charte de Genève pour le bien-être et d'adopter les mesures qui s'y trouvent, en particulier les trois premières, qui consistent essentiellement à faire la paix avec la nature, à repenser l'économie, et à élaborer des politiques publiques saines. »

La plupart des participants ont aussi mentionné la nécessité d'adopter une démarche d'équité en santé dans toute décision relative à l'élaboration et à la mise en œuvre de politiques.

Défis et obstacles auxquels fait face la santé publique en matière d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci

Comme ce fut le cas pour les réponses concernant la possibilité pour les systèmes de santé publique de contribuer à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de ceux-ci au Canada, nous avons entendu parler de manière approfondie d'un large éventail de défis et d'obstacles auxquels ces systèmes sont confrontés en ce qui concerne la façon dont ils tentent actuellement de lutter contre les changements climatiques. Plusieurs thèmes clés sont ressortis, chacun d'eux étant présenté ici, puis décrit ci-dessous avec des citations représentatives.

  • Pouvoir en matière de santé publique : les risques d'exprimer publiquement ce que l'on pense
  • Désinformation et mésinformation sur les changements climatiques et questions de pouvoir, de politique et de polarisation
  • Manque de financement et de ressources matérielles
  • Ressources humaines limitées et mesures isolées contre les changements climatiques
  • Cloisonnements, mandats et fragmentation des responsabilités des ordres de gouvernement
  • Répercussions sous-estimées des changements climatiques sur la santé mentale

Pouvoir en matière de santé publique : les risques d'exprimer publiquement ce que l'on pense

Bon nombre des experts ont déclaré qu'ils avaient eu l'impression de prendre un risque professionnel en parlant de l'importance de s'attaquer aux changements climatiques, et qu'ils avaient observé que d'autres personnes avaient eu aussi cette impression. Ils ont précisé qu'ils ont souvent été empêchés de parler en raison du climat politique. Dans leurs propres mots :

« En tant que responsable régional de la santé, je dirais que, dans certaines provinces, il pourrait y avoir un certain degré de contrôle central sur le moment où les responsables locaux de la santé publique peuvent s'exprimer sur un sujet donné. »

De plus, de nombreux experts ont décrit comment le fait d'être assujetti à une orientation politique crée également des défis en ce qui a trait à la promotion efficace de la santé publique, lorsque la santé publique est incapable de s'exprimer librement à propos d'enjeux liés à la santé des populations, maintenant et pour l'avenir.

« Il y a aussi l'obstacle consistant à devoir suivre une orientation politique, ce qui fait qu'il est difficile d'être le défenseur de la santé publique […]. Il ne s'agit pas d'adhérer à la politique énergétique, mais de déterminer ce qui est bon pour la santé des gens, maintenant et pour les générations futures. »

Ils ont souligné la tension qui existe entre le fait de s'exprimer sur des enjeux particuliers et le risque de se voir retirer des fonds pour son travail. Un expert a décrit précisément la difficulté de trouver un équilibre entre l'accomplissement de ses tâches et les risques associés à la perte de financement ou au congédiement pour avoir effectué un travail qui va à l'encontre des intérêts politiques.

« Tout ce qui s'attaque au pouvoir est difficile à financer parce que c'est risqué et que cela fait peur aux bailleurs de fonds, à la santé publique, aux cliniciens […]. Les responsables craignent que leurs programmes ne soient pas financés, craignent d'être congédiés, d'être discrédités s'ils continuent à se livrer à des activités qui pourraient aller à l'encontre des intérêts politiques […]. Les médecins de la santé publique sont souvent préoccupés par la mesure dans laquelle leur travail est limité sur le plan politique. Alors, quels changements structurels pouvons-nous apporter au sein de la santé publique et du Canada pour protéger les agents de la santé publique afin qu'ils puissent être les plus indépendants possible? »

Ces risques professionnels, réels ou perçus, ont été clairement exprimés à l'aide d'exemples concrets, dont celui-ci :

« Un de mes très chers mentors, maintenant à la retraite […] – il a été médecin hygiéniste en chef pour [une métropole] pendant des années – avait l'habitude de dire : "Vous savez, si vous ne risquez pas d'être congédié, vous ne faites pas votre travail" […]. Notre domaine de travail est très public, très politique […]. Il comporte beaucoup de risques. »

De nombreux participants ont souligné que, contrairement aux organisations non gouvernementales de défense des intérêts, les employés de la santé publique sont souvent limités dans ce qu'ils peuvent dire d'un point de vue politique sur les questions des changements climatiques et de la santé.

« Je sais qu'il y a certaines choses que je pourrais dire à l'ACEP [Association canadienne des médecins pour l'environnement], mais pas selon une perspective politique. »

De plus, certains experts ont fait observer que les responsables de la santé publique sont très préoccupés par la nécessité d'avoir en main des données détaillées, avant d'être disposés, à titre professionnel, à s'exprimer et à agir avec audace sur les questions des changements climatiques et de la santé.

« J'ai l'impression que la santé publique est trop conservatrice, qu'elle attend presque qu'il y ait des preuves éclatantes, que les preuves lui sautent au visage, avant d'agir. J'ai donc l'impression que, discrètement, les responsables de la santé publique et le personnel de la santé publique m'appuient, mais publiquement, d'une certaine façon, ils peuvent être paralysés pour diverses raisons. »

Bien que le climat politique puisse entraver le travail des professionnels de la santé publique dans leur plaidoyer sur l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de leurs effets, les experts ont insisté sur l'importance de trouver des moyens d'équilibrer ces tensions tout en maintenant la crédibilité auprès de tous les détenteurs de droits.

« Nous savons qu'en tant qu'employés des systèmes de santé, il y a des limites à ce que nous pouvons dire et faire. En tant que spécialiste de la santé publique et médecin-hygiéniste, je ne peux pas vraiment m'associer à un organisme de défense des droits parce que je dois m'assurer que nous demeurons crédibles. Il est donc très important de comprendre comment nous travaillons ensemble avec ces partenaires pour apporter des changements. »

De nombreux experts ont fait remarquer qu'un obstacle énorme pour la santé publique est qu'elle n'occupe pas un espace indépendant pour rendre compte librement des facteurs influant sur la santé des populations.

« Ce que j'aimerais, c'est que la santé publique devienne une sorte d'entité indépendante, une sorte de société d'État indépendante. Une autre façon de procéder serait de faire de l'administratrice ou l'administrateur en chef de la santé publique l'équivalent d'un vérificateur général et qu'il relève du Parlement et soit un fonctionnaire indépendant du Parlement. Celui-ci pourrait donc faire rapport au Parlement sur la santé de la population et les facteurs qui ont des répercussions sur la santé. »

Un expert a donné un exemple de la façon dont la santé publique dans sa province peut non seulement continuer de s'appuyer sur des données probantes, mais aussi avoir le pouvoir de mettre en œuvre rapidement des mesures climatiques importantes :

« Le responsable de la santé publique [dans ma province] est indépendant du gouvernement, ce n'est pas une personne politique, parce que si cette personne doit prendre position contre ce que fait le gouvernement, elle devrait pouvoir pour le faire sans avoir les mains liées. Je pense qu'à l'avenir, nous aurons besoin d'une structure très puissante, fondée sur des données probantes, qui a un rôle politique, qui a le pouvoir de notre gouvernement de vraiment mettre en œuvre la transformation, dans toute son ampleur et en temps utile. »

Le défi général, cependant, est qu'il y a un manque de compréhension (ou de reconnaissance) de la façon dont le fonctionnement du pouvoir se manifeste sur le terrain, ce qui bloque une action pour le climat véritable et durable :

« L'une des choses qui m'étonnent dans le domaine de la santé publique, mais aussi dans celui de l'éducation en matière de santé publique, c'est que nous ne parlons presque jamais de la façon dont le pouvoir fonctionne. Il peut être question d'une manière très vague et très générale du pouvoir dans nos conversations en rapport avec des modifications de politiques ou de la nature intransigeante des facteurs sous-tendant la dégradation écologique et les changements climatiques, [mais] nous parlons rarement de la façon dont le pouvoir fonctionne activement pour bloquer le changement et coopter les efforts. »

Désinformation et mésinformation sur les changements climatiques et questions de pouvoir, de politique et de polarisation

Bon nombre des experts ont traité des défis que doit relever la santé publique pour être en mesure de travailler à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets en raison des problèmes découlant du déni des changements climatiques ainsi que de la désinformation et de la mésinformation dans ce domaine. En particulier, certains ont décrit en détail les défis que doit relever la santé publique pour obtenir l'appui de la population et lui faire comprendre que les changements climatiques constituent un problème de santé urgent, tout en étant en mesure de communiquer efficacement des renseignements crédibles au public sur les divers effets potentiels sur la santé.

« Je pense que la santé publique n'est pas du tout prête à jouer un rôle de premier plan et à livrer un plaidoyer vigoureux dans cette grande dynamique de polarisation, de désinformation et de manipulation de l'information. Je pense que nous devons comprendre cette dynamique et vraiment créer de nouvelles façons de travailler, de nouvelles façons de communiquer qui permettraient le genre de mesures efficaces que nous devons avoir. »

Plusieurs ont décrit comment le déni et la désinformation sont actuellement appuyés par des groupes puissants qui ont directement intérêt à ne pas apporter de changement pour s'adapter aux changements climatiques et les atténuer, comme l'industrie des combustibles fossiles. Les experts estiment que de tels récits de déni des changements climatiques et de désinformation constituent une menace pour les systèmes de santé publique et continueront d'empêcher la santé publique d'effectuer le travail d'adaptation et d'atténuation en temps voulu et avec la portée nécessaire.

« Je crains que nous n'arrivions pas à accomplir le travail d'atténuation parce qu'ici, au Canada, l'industrie des combustibles fossiles est extrêmement puissante, et les pressions exercées contre elle peuvent entraîner des coûts personnels […]. Ils sont tout simplement bien meilleurs que nous pour exercer des pressions. »

Attirant l'attention sur le rôle des médias sociaux dans la polarisation des attitudes, un expert a cerné le besoin de nouvelles compétences dans la prise de mesures audacieuses :

« Une menace à la santé publique est le genre de polarisation que nous avons observée […] autour de la vaccination, par exemple, ou autour des mesures de santé publique […]. Il y a donc quelque chose que nous ne comprenons pas très bien au sujet de l'utilisation tactique des médias sociaux pour polariser certains groupes […]. Je pense que nous avons une dynamique très politique et organisée autour des intérêts économiques, de la désinformation […]. Comment pouvons-nous jouer avec la structure actuelle pour vraiment avoir une influence dans cette dynamique très dure où il y aura beaucoup de résistance et d'opposition? Donc, si on décide d'agir avec audace en matière de changements climatiques, on peut s'attendre à ce que des groupes se mobilisent contre cette action […]. Je ne pense pas que nous soyons prêts pour cela. »

Manque de financement et de ressources matérielles

Tous les experts à qui nous avons parlé ont soulevé la question du financement des systèmes de santé publique.

« La santé publique est chroniquement sous-financée. »

Souvent, les défis associés au manque de financement et de ressources pour les systèmes de santé publique en général, et pour la santé publique et les changements climatiques en particulier, ont été soulevés au début de l'entrevue ou de la séance du groupe de discussion. Nous avons entendu des propos comme :

« Financement, financement, financement. Sérieusement, si vous voulez vraiment changer les choses, l'argent doit venir avec. Il y a eu beaucoup de belles paroles dans ce domaine, mais pas d'action. »

Même lorsque les plans d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci sont politiquement souhaitables, ils ne sont pas réalisables parce que le financement n'a pas été versé. En effet, il y a un décalage entre le fait de proclamer le climat comme une priorité et la mise en œuvre de toute mesure au moyen d'un financement protégé dans les budgets ministériels :

« La [Ville] désire élaborer un plan d'adaptation aux changements climatiques, mais l'idée est restée sur sa liste de financement pendant de nombreuses années, et elle n'a tout simplement pas les fonds nécessaires. »

De plus, il y a un problème chronique au sujet des responsabilités des différents ordres de gouvernement, à savoir qui financera le travail à accomplir, ce qui peut mener à l'inaction.

« Nous essayons de mobiliser nos intervenants et de collaborer, mais la question du financement est toujours présente : qui versera les fonds? Eh bien, ce ne sont pas des fonds municipaux, alors peut-être des fonds provinciaux, mais d'un poste budgétaire différent ou d'un ministère différent. Il faut donc relever les défis intersectoriels de l'opérationnalisation. »

Compte tenu des défis liés au manque de financement, les experts ont insisté sur la nécessité de mettre en commun des fonds provenant de tous les ordres de gouvernement, en particulier les gouvernements provinciaux et fédéral.

« Le transport actif a été financé par le gouvernement fédéral, la plus grande partie de la santé publique est financée par le gouvernement provincial, mais il faut que ce financement provienne des deux ordres de gouvernement pour offrir ce genre de programme qui permet aux praticiens de la santé publique de collaborer avec les collectivités pour commencer à intervenir. »

De nombreux experts ont attiré l'attention sur le montant du financement consacré au système de soins de santé primaires par rapport à celui que reçoit la santé publique. Ils ont expliqué que si le financement était versé à la santé publique pour les efforts de prévention, de protection et de promotion de la santé en premier lieu, alors non seulement le système de soins de santé primaires nécessiterait moins de financement, mais le personnel serait moins débordé, d'autant plus que les problèmes de santé liés aux changements climatiques s'intensifient.

« Il n'est pas sexy de dépenser de l'argent pour la santé publique, nous représentons environ 1 % du budget [je parle de l'autorité de santé de ma région] pour la santé publique. C'est juste, c'est stupéfiant […] parce que lorsque les gens vont bien, ils ne se plaignent pas. Les gens qui se plaignent obtiennent plus de ressources humaines et financières, alors il s'agit vraiment de changer cette mentalité et penser que nous devons investir beaucoup d'argent pour garder les gens en santé au départ. »

Parallèlement au financement, les experts ont affirmé qu'il n'y a pas suffisamment de ressources disponibles pour que les professionnels de la santé publique puissent participer à la lutte contre les changements climatiques. Plusieurs ont souligné l'urgence de mettre en place des ressources pour les systèmes de santé publique afin d'être en mesure de s'attaquer de façon proactive à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets :

« Si les changements climatiques ne sont pas une priorité (locale et nationale), au sein de l'Agence de la santé publique, si les ressources consacrées à l'Agence ne sont pas suffisantes pour lui permettre de devenir l'organisme plus proactif qu'il est censé être, et si les gens ne sont pas sensibilisés aux changements climatiques, alors, le gouvernement fédéral doit remédier au manque de ressources, afin que l'Agence puisse faire face à cette crise. »

Dans ce contexte, les experts ont insisté sur le besoin d'équité dans la distribution des ressources et des fonds actuels et futurs.

« [La santé publique] est sous-financée et les ressources sont vraiment limitées partout au pays, en particulier dans les régions rurales, éloignées et nordiques. Les services de santé publique sont extrêmement limités ici et dans d'autres régions du Nord […] et ils sont également répartis inégalement dans tout le pays […] particulièrement dans certaines collectivités éloignées. »

Ressources humaines limitées et mesures isolées contre les changements climatiques

Les experts ont indiqué que pour prendre des mesures judicieuses d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets, de façon structurée et systématique, il est essentiel d'établir des postes dédiés à ces questions et d'y allouer du financement (comme mentionné ci-dessus) pour que l'on puisse faire le travail. Bon nombre d'entre eux ont insisté sur le fait qu'ils ont demandé du personnel et des ressources supplémentaires pour élaborer des plans d'adaptation et d'atténuation, mais que leurs demandes sont restées lettre morte.

« À l'approche de la saison estivale, nous lançons un système d'alerte à la chaleur, et j'ai 0,5 employé pour m'aider […]. Quelle est la personne responsable, dont le rôle principal au sein de la santé publique concerne les changements climatiques […]? Nous avons 85 ans de retard à cet égard, nous devrions avoir une équipe de 10 personnes qui collaborent avec les gouvernements locaux. Comment pouvons-nous encore être à la même place? »

Plusieurs des personnes avec lesquelles nous avons discuté ont souligné la nécessité d'un personnel spécialisé qui pourrait établir des relations et des collaborations entre les ministères et les administrations pour s'attaquer à l'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de leurs effets.

« Ce dont nous avons vraiment besoin, c'est de personnel dans les services de santé qui s'occupe des vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés tous les jours et qui peut établir des relations entre les ministères […]. Il s'agit de s'assurer que nous avons du personnel qui a l'expertise, l'expertise en politiques, pour participer à certains de ces processus, et une certaine expertise dans les domaines des changements climatiques, des risques pour la santé, des causes et des solutions. »

La difficulté de trouver de tels employés comporte au moins deux volets. Premièrement, il y a un manque de compétences. Deuxièmement, il manque de temps.

« Si vous n'avez pas les compétences nécessaires et que vous essayez d'y travailler en plus de toutes les autres tâches prioritaires […], il est vraiment difficile de faire avancer les choses. »

Les participants ont donné des exemples de la façon de recruter les bonnes personnes qui peuvent servir de ressources pour l'ensemble de l'organisation, plutôt que de cantonner ces personnes à des postes cloisonnés qui exigent que celles-ci travaillent isolément.

« C'est un peu comme le travail qui est fait sur les déterminants sociaux de la santé. Si vous avez une personne, deux ou trois personnes qui sont considérées comme les spécialistes de l'équité en santé au sein de l'organisation, tout le travail qui a trait aux déterminants sociaux de la santé ne devrait pas nécessairement leur incomber. Celles-ci devraient être des personnes-ressources pour le personnel de leur système organisationnel. Ce type de travail devrait faire partie intégrante des tâches de tout le monde. J'aimerais que ce soit la même chose pour les changements climatiques. »

Les tâches liées aux changements climatiques qui sont réalisées par des employés au sein des services ou des autorités de santé publique, le cas échéant, sont surtout décrites comme étant accomplies de façon sporadique, incohérente ou en même temps que d'autres tâches prioritaires. Cependant, certains des participants ont affirmé qu'il serait possible d'améliorer les collaborations et les efforts structurés en matière d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci si ces tâches devenaient prioritaires.

« Il y a des priorités associées à la santé publique à l'échelle provinciale, et bien sûr, dans certaines petites régions, ce sont souvent les enjeux de l'heure qui ont la priorité, comme les maladies transmissibles [et] les avis d'ébullition de l'eau. Je dirais que la plupart de mes collègues ici dans [cette province] n'arrivent pas à faire ce travail, n'est-ce pas? Ils n'ont pas le luxe de consacrer des efforts aux [changements climatiques]. »

Bon nombre des experts ont fait remarquer que la priorité et l'attention continues accordées à la COVID-19 représentent un défi de taille pour la réalisation de travaux structurés et stratégiques concernant les changements climatiques.

« Le problème en ce moment, c'est que tout le monde est très occupé […], mais même en dehors de la COVID, même lorsque la COVID n'était pas un problème […], il peut y avoir une personne dans un service de santé publique qui considère les changements climatiques comme sa responsabilité. Je pense que nous devons élargir cela et aider les gens à comprendre que les changements climatiques sont la responsabilité de tout le monde et que tout le monde devrait réfléchir à la façon de les intégrer à son travail. »

Cloisonnements, mandats et fragmentation des responsabilités des ordres de gouvernement

Dans le cadre des nombreuses entrevues et des deux groupes de discussion, les cloisonnements institutionnels, ministériels et épistémologiques ont été décrits comme étant profondément problématiques dans l'avancement des interventions de santé publique en matière de changements climatiques.

« Il y a toute une tradition de cloisonnement institutionnel qui empêche la santé publique de vraiment jouer un rôle de leader en montrant les effets déjà assez répandus des changements climatiques sur la santé et en réagissant à ceux-ci. »

L'un des plus grands défis qui empêchent la santé publique d'assumer un rôle de leadership proactif est le manque de collaboration interne et intersectorielle qui sous-tend l'action pour le climat.

« Les changements climatiques n'ont pas été présentés comme un problème de santé ou un problème de santé publique […], mais maintenant […] tout le monde se réveille et dit : "Eh bien, non, c'est en fait l'affaire de tout le monde", et il faut que ce soit transversal et qu'il y ait une perspective de changements climatiques dans les interventions en santé publique. »

Les experts ont commenté les défis associés aux mandats législatifs désuets. Ils ont mentionné que la santé publique est bien placée pour agir contre les changements climatiques sous l'angle de la santé et de l'équité en santé, pourvu qu'elle en ait le mandat. Mais ils ont ajouté que les autorités et les services de santé publique sont limités dans leur capacité de passer d'un rôle à l'autre pour prendre des mesures d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci parce qu'ils n'ont pas le mandat ou l'autorisation.

« Les changements climatiques sont complexes parce c'est à la fois entièrement un enjeu d'équité et entièrement un enjeu environnemental […]. J'insiste sur le fait que, d'après moi, la main-d'œuvre en santé publique est bien placée pour agir si on lui donne simplement le mandat, si on lui donne l'autorisation de se concentrer sur l'équité et l'écologie en même temps […]. [Mais] je crois qu'il y aura toujours cette tension pour la santé publique en ce qui concerne son rôle législatif et ce que pourrait être son rôle. Sur le plan opérationnel […], une grande partie de la santé publique est liée à ces rôles législatifs. Et les rôles législatifs sont vraiment désuets […] et ils sont limités pour ce qui est de la capacité de consacrer réellement du temps et des ressources […]. Les changements climatiques figurent donc maintenant dans les lettres de mandat, mais ils ne sont pas financés. »

Si du financement commence à être versé, et certains experts le prévoyaient, le nouveau défi, selon ceux-ci, porterait sur la distribution de ces fonds :

« Je peux vous assurer, parce que le financement y sera associé, que les autorités de la santé vont se livrer bataille pour savoir qui sera "responsable" des changements climatiques. »

Les répercussions sous-estimées des changements climatiques sur la santé mentale

Les chercheurs et les praticiens de la santé font état d'anxiété climatique, de deuil écologique, de dépression et de suicide chez leurs patients et leurs relations. Plusieurs des experts participants ont souligné l'importance d'inclure la santé mentale dans les interventions en santé publique pour lutter contre les changements climatiques.

« Je crois que nous avons vraiment sous-estimé les répercussions sur la santé mentale de l'information [sur les changements climatiques] parce que, essentiellement, il s'agit d'un diagnostic pénible qui nous touche tous, tous les patients que nous traiterons un jour, notre famille et nos amis. »

Certains experts se sont particulièrement intéressés aux répercussions des changements climatiques sur la santé physique et mentale des jeunes :

« L'une de nos récentes campagnes […] se concentrait sur l'action pour le climat en mettant l'accent sur la mobilisation des jeunes, reflétant nos préoccupations, non seulement au sujet des répercussions des changements climatiques sur la santé physique, mais aussi des répercussions très, très lourdes de cette crise existentielle sur la santé mentale et émotionnelle des jeunes. »

Les participants étaient surtout préoccupés par l'effet que les multiples canaux de communication, qui ont largement mis l'accent sur les craintes plutôt que sur les indicateurs d'espoir par l'action, avaient sur les jeunes, prenant la forme d'un deuil climatique.

« Je suis préoccupé par le fait que la conversation sur les changements climatiques en ce moment est extrêmement pessimiste […], ce qui me fait craindre pour mes propres enfants et leur avenir […]. Et en fait, il y a des preuves […] qui montrent que nous faisons de très bonnes choses […] ralentissant certaines des répercussions que nous pensions inévitables […]. Je crois donc que nous devons nous concentrer sur ce qui donne de l'espoir à nos enfants, parce que le deuil climatique est réel et que certains de nos jeunes ont vraiment de la difficulté à mesure qu'ils vieillissent, et ils voient le monde qu'on leur a laissé, et ils sentent la pression d'agir, d'être ceux qui renversent la tendance. Il faut leur offrir l'espoir que leurs efforts ne seront pas en vain, n'est-ce pas? »

Certains ont même décrit la complexité sous-jacente des répercussions des changements climatiques sur leur propre santé mentale.

« Il y a une autre couche d'effets sur la santé mentale qui nous affectent nous les praticiens ainsi que beaucoup d'autres choses [...]. [Nous devons] reconnaître l'incidence émotionnelle des données et un volet pratique, qui aide les gens à comprendre leur fonctionnement et les domaines précis dans lesquels ils peuvent avoir des répercussions. »

De nombreux experts ont mentionné la nécessité pour les systèmes de santé publique de mesurer, de surveiller et de recueillir des données sur les changements climatiques et leurs répercussions sur la santé mentale.

« Quelles sont les mesures de l'intensification de la crise en santé mentale? Mon collègue de la santé publique a produit des données […], je crois qu'il s'agissait seulement des fournisseurs de soins primaires de l'Ontario, qui signalaient la hausse du nombre de personnes souffrant d'anxiété climatique. Mais si nous avions un système plus solide de collecte et d'utilisation de ces données […] Parce que c'est anecdotique, n'est-ce pas? [Pourtant] les gens le voient. »

Certains participants ont reconnu l'importance des données de surveillance pour appuyer la prise de décisions fondées sur des données probantes en santé publique dans ce contexte.

« Je pense que l'aspect "santé mentale" des changements climatiques […] nous devons commencer à le mesurer davantage parce que c'est un facteur que nous ne pouvons même pas quantifier […]. Je peux en parler de façon anecdotique, mais cela a un effet considérable et nous n'avons même pas les moyens de le mesurer. C'est donc un grand domaine où selon moi, on constate les premières répercussions des changements climatiques sur la santé mentale, et nous devons faire un meilleur travail pour les mesurer. »

Les experts ont indiqué de quelles façons les changements climatiques et la santé mentale devraient devenir une priorité du gouvernement, particulièrement en ce qui concerne l'élaboration et la mise en œuvre de politiques. Plus précisément, nous avons entendu parler de l'importance d'aborder tous les processus stratégiques sous l'angle des changements climatiques et de la santé mentale pour éclairer.

« La [santé mentale] est donc quelque chose qui recoupe de nombreux, nombreux domaines. Mais nous ne nous y attaquons pas assez sérieusement, nous ne la finançons pas, mais oui, tout le monde veut en parler, ce qui est vraiment, vraiment incroyable. Et du point de vue du public, tant d'intérêt, tant d'intérêt mondial, tant d'intérêt médiatique, c'est un sujet énorme pour les gens. Mais les gouvernements […] n'en parlent pas. Donc, à un moment donné, cela doit changer et devenir une politique et une orientation du gouvernement […]. Nous devons tout analyser sous l'angle des effets sur la santé mentale, des traumatismes causés par les changements climatiques. »

Solutions

La population canadienne dépend d'un environnement sain et d'un accès équitable à celui-ci. Les experts nous ont dit que les solutions doivent tout d'abord répondre aux problèmes systémiques (c.-à-d. capitalisme, colonialisme, racisme), qui entraînent des résultats inéquitables à la fois sur le plan de la santé publique et de la nature. La compréhension qu'ont les Premières Nations, les Inuits et les Métis des liens qui existent entre des terres saines (ce qui comprend l'eau, l'air et des éléments autres que les humains) et des peuples en santé est primordiale. Le rôle clé des peuples autochtones en tant que détenteurs de droits et gardiens du monde naturel, a été souligné par les participants. Pour les systèmes de santé publique, cela signifie déployer les efforts nécessaires pour être de bons partenaires afin d'obtenir l'expertise des peuples autochtones. Pour créer un environnement sain et équitable, les experts ont formulé les sept recommandations suivantes pour les systèmes de santé publique.

  1. Décoloniser la santé publique
  2. Adopter des approches multidisciplinaires et une expertise diversifiée dans la prise de décisions en santé publique en vue de lutter contre les changements climatiques
  3. Créer des espaces de collaboration pour l'échange de connaissances sur la santé publique et les changements climatiques
  4. Établir des centres de connaissances et de formation participatifs axés sur des solutions pour lutter contre les changements climatiques
  5. Réorienter la surveillance afin de favoriser les interventions locales contre les changements climatiques
  6. Mettre en œuvre des mesures de responsabilisation à l'égard de l'inaction dans le domaine des changements climatiques
  7. Offrir un financement et des ressources réservés aux travaux concernant la santé climatique

Décoloniser la santé publique

Comme il a été mentionné plus tôt dans le rapport au sujet des contributions potentielles des systèmes de santé publique, l'un des domaines sur lesquels les experts se sont entendus était la portée limitée de l'encadrement du système dans une perspective occidentale seulement. Comme les participants nous l'ont affirmé à maintes reprises, la décolonisation de la santé publique est essentielle pour réaliser des progrès dans la lutte contre les changements climatiques.

« Je pense qu'il y a une autre couche dont nous ne parlons pas assez, à savoir la nécessité de nous décoloniser du paradigme occidental […]. Si je pouvais réaliser un souhait avant de mourir, ce serait que la santé publique ainsi que de nombreux autres secteurs acceptent l'idée des liens de réciprocité sacrée avec toute la vie comme orientation principale et vision du monde relationnelle d'où découle tout le reste. Ensuite, nous prendrions soin de chaque personne et de chaque chose comme si c'était sacré, comme si cela méritait notre attention. Il n'y aurait pas de laissé-pour-compte, il n'y aurait pas de travailleur migrant exploité jusqu'à ce qu'il s'effondre et qu'il soit renvoyé chez lui. Il n'y aurait pas ce système de santé à deux vitesses et tout le reste, nous mettrions de l'ordre dans nos affaires. Nous ne nous contenterions pas de la gestion du risque. À mon avis, le nœud de la gestion des risques, c'est que nous ferons de notre mieux, à notre niveau, pour faire face aux retombées du système actuel sans jamais lui demander des comptes, et nommer les facteurs en cause et chercher activement à éliminer ces facteurs et à mettre en place les solutions qui doivent être apportées. »

Bien que nous n'ayons pas explicitement demandé aux experts d'expliquer concrètement comment entreprendre le travail de décolonisation, la citation suivante illustre l'ampleur et la profondeur du travail que les systèmes de santé publique doivent accomplir :

« La décolonisation de la santé publique couvre tout le spectre […]. [Il] s'agit d'un important travail non seulement en matière de réconciliation, mais aussi de résurgence et d'alliance importante (pas d'une alliance symbolique) et de rétrocession des terres. Il est aussi essentiel de réparer, de restaurer et de centrer les communautés autochtones et leur droit à l'autodétermination, ainsi que leur leadership sur ce plan. »

Les recommandations restantes indiquent toutes des façons concrètes de mettre en œuvre des approches de décolonisation des systèmes de santé publique; chacune d'entre elles est décrite ci-dessous.

Adopter des approches multidisciplinaires et une expertise diversifiée dans la prise de décisions en santé publique pour lutter contre les changements climatiques

Les experts ont insisté sur le fait que la santé publique doit adopter des approches socioscientifiques et multidisciplinaires si nous voulons que des mesures concrètes soient prises pour lutter contre les changements climatiques. Plus précisément, ils ont décrit la difficulté d'amener des changements de comportement et d'obtenir la confiance et le soutien du public au moyen de données purement quantitatives, et de la complexité du travail nécessaire pour y arriver.

« Les responsables de la santé publique sont habitués à faire appel uniquement aux sciences pures et pas suffisamment aux sciences sociales, à la science qualitative; ils ne sont pas habitués à établir des relations avec les communautés. Ils s'attendent à pouvoir simplement donner des conseils et s'attendent à ce que les gens les suivent. Mais non, pour que les gens vous suivent, vous devez avoir une relation continue avec eux de sorte qu'ils vous fassent confiance. »

Selon le point de vue des experts, il ne fait aucun doute que la santé publique doive dépasser son modèle actuel pour adopter des approches multidisciplinaires et fondées sur des solutions (qualitatives et quantitatives) novatrices en matière d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de ceux-ci. Plusieurs experts ont notamment souligné la nécessité d'une plus grande participation des spécialistes des sciences sociales et des sciences sociales appliquées aux approches axées sur les solutions en matière d'adaptation aux changements climatiques, d'atténuation de ceux-ci et de préparation globale.

« La santé publique doit être multidisciplinaire parce qu'il ne suffit pas d'avoir des épidémiologistes, des virologues, etc. Il est aussi important d'avoir des historiens, des anthropologues, des aînés autochtones, des aînés noirs, des représentants de plusieurs communautés, des experts en décolonisation et de réunir toutes sortes de personnes afin que nous puissions nous attaquer aux problèmes et proposer plusieurs solutions pour les résoudre. »

Les participants ont décrit en détail les façons dont les systèmes de santé publique doivent interagir avec les différents systèmes de connaissances, et les diverses façons de faire qui accordent une place centrale à diverses approches axées sur des solutions aux changements climatiques, tant à l'échelle locale que nationale. Les experts ont exprimé des préoccupations au sujet de la prédominance des experts cliniques actuellement en poste en santé publique et du manque d'autres domaines d'expertise. De nombreux experts ont insisté sur la nécessité pour la santé publique de valoriser et d'accepter pleinement la diversité et la complexité des perspectives et des visions du monde des Autochtones, des Noirs et des populations de l'hémisphère sud, qui ont souvent des visions du monde relationnelles. Il ne s'agit pas simplement d'intégrer diverses perspectives dans les modèles occidentaux, mais de créer quelque chose de nouveau qui s'appuie sur des modes de connaissance qui honorent le bien-être de nos relations humaines et non humaines.

« Nous devons trouver des façons d'accorder une place centrale aux perspectives des Noirs, des Autochtones et des populations de l'hémisphère sud. [Ce sont] des façons fondamentales d'être et de créer des liens qui sont essentielles […]. Au fondement des modes d'être et de savoir des Autochtones, des Noirs, des Ubuntus et d'autres encore, se trouve une vision du monde relationnelle, tandis que les méthodes occidentales d'acquisition du savoir sont essentiellement transactionnelles. »

Créer des espaces de collaboration pour l'échange de connaissances sur la santé publique et les changements climatiques

Les experts ont décrit une mesure pratique de collaboration que peut prendre la santé publique. Selon eux, la santé publique devrait consacrer suffisamment de temps et d'espace à l'établissement de relations respectueuses et continues avec des gens qui ont les connaissances, l'expertise ou l'expérience vécue en matière de changements climatiques et de leurs diverses répercussions. Elle devait aussi déployer des efforts pour organiser des tables rondes ou se rendre dans des lieux où il existe des possibilités de collaboration et de partage de diverses visions du monde, de points de vue et de solutions possibles concernant l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de ceux-ci.

« Nous devons être vraiment conscients que nos espaces, nos espaces occidentaux et nos modes de consultation, peuvent être en eux-mêmes désavantageux. Si vous devez interagir avec une communauté autochtone, demandez-lui combien de temps elle pense que la rencontre devrait durer, et où elle veut que celle-ci se déroule. Cessez de faire des choses comme essayer d'avoir une rencontre de consultation avec des Aînés en 45 minutes. »

Selon les experts, l'approche à double perspective est un moyen de créer des espaces collaboratifs de co-apprentissage mobilisant plusieurs disciplines, secteurs et visions du monde. Une traduction française du mot mi'kmaw « Etuaptmumk » est la « double perspective » (two-eyed seeing), qui consiste à apprendre à voir d'un œil les points forts des connaissances et des modes de connaissance autochtones, et à voir de l'autre œil les points forts des connaissances et des modes de connaissance occidentaux […], puis à apprendre à regarder le monde avec les deux yeux, au bénéfice de tousNote de bas de page 21.

« L'approche à double perspective […] nous enseigne que, même si nous pensons que nous avons ces visions du monde distinctes qui s'affrontent en quelque sorte, en fin de compte, il y a ces endroits où nous pouvons nous retrouver pour nous comprendre les uns les autres, et c'est dans ces espaces que nous pouvons avoir des conversations où nous apprenons. »

Établir des centres de connaissances et de formation participatifs axés sur des solutions pour lutter contre les changements climatiques

Bon nombre des experts ont souligné le manque de formation en santé et sur les changements climatiques que reçoivent actuellement les professionnels et praticiens de la santé publique. Pour remédier à cette situation, plusieurs experts ont attiré l'attention sur la nécessité d'améliorer l'éducation en santé publique ainsi que la formation et les ressources liées aux changements climatiques et à la santé.

« L'une des premières mesures à prendre immédiatement consiste à s'assurer que les professionnels de la santé publique sont formés. Ils ne sont même pas formés […], ce n'est même pas dans leur programme d'études […]. Il n'y a même pas de stagiaires en santé publique, même lorsqu'ils le demandent, ne pas obtenir la formation, donc [les universités] ne répondent pas. »

De plus, les participants ont fait remarquer qu'il y a une grande place et une excellente occasion pour la santé publique de participer à une éducation intersectorielle collaborative et participative afin de renforcer les efforts d'adaptation aux changements climatiques et d'atténuation de leurs effets.

« [Demander] à l'Agence de la santé publique du Canada de travailler avec des parties prenantes et des groupes clés pour mettre au point les ressources auxquelles les professionnels de la santé pourraient avoir accès lorsqu'ils en ont besoin pour leur perfectionnement professionnel. »

De nombreux experts ont souligné qu'une éducation et une formation appropriées en santé publique sont essentielles si nous voulons que le secteur de la santé publique prenne des mesures efficaces et durables en matière d'adaptation et d'atténuation.

« La plupart des programmes au Canada ne comportent pas de cours obligatoire sur les changements climatiques ou les déterminants écologiques. De nombreux programmes n'offrent même pas de cours facultatif dans ce domaine, et s'ils en offrent, la majorité des étudiants ne les suivent pas, même si la majorité de nos diplômés feront face à ces problèmes et seront en première ligne en tant que premiers intervenants à devoir affronter les conséquences. »

Des experts ont également fait ressortir que l'éducation en santé publique devrait être une entreprise collective et participative mettant l'accent sur les solutions.

« Je pense que nous avons aussi besoin d'une orientation axée sur les solutions parce que, trop souvent […] – et nous constatons que dans les programmes de formation en environnement, de façon plus générale, les gens se sentent dépassés et cela mène à la paralysie de l'analyse […]. Les problèmes et l'envergure des enjeux sont énormes. »

La participation de la santé publique à la formation interne en matière de santé et de changements climatiques peut faciliter les communications éducatives externes et les efforts de plaidoyer auprès du public au sujet des risques connexes pour la santé.

« Le principal rôle [pour l'éducation en santé publique], et c'est probablement le rôle que nous jouerons le mieux si nous avons le financement nécessaire, est l'éducation sur les risques pour la santé : voici ce que vous devez faire pour gérer ces risques ou pour vous y préparer dans votre foyer. »

Plusieurs experts ont déclaré qu'il est essentiel d'élargir la liste des compétences essentielles actuelles en santé publique pour prendre des mesures audacieuses et stratégiques en matière d'adaptation aux changements climatiques, d'atténuation et de préparation. Par exemple, ils ont mentionné que la santé publique doit créer et mettre en œuvre les bases de connaissances nécessaires et la formation correspondante pour les stagiaires, les professionnels et les praticiens de la santé publique afin qu'ils puissent exécuter le travail nécessaire sur les questions des changements climatiques et de santé.

« Nous avons la responsabilité morale d'intervenir et de commencer à offrir le genre d'éducation dont nos diplômés auront besoin pour le genre de monde qui les attend. À l'heure actuelle, ils sont terriblement mal préparés pour cela. »

Dans le même ordre d'idées, certains experts ont cerné non seulement le degré insuffisant d'éducation en santé publique et de formation sur les changements climatiques et les questions de santé, mais aussi le manque total d'éducation et de formation pour les professionnels de la santé publique et les praticiens en santé publique autochtone, ce qui concorde avec les résultats d'études récentesNote de bas de page 22Note de bas de page 23. Les experts ont insisté sur la nécessité pour la santé publique de s'attaquer aux compétences essentielles non développées en santé publique. Cela comprenait l'éducation et la formation essentielles sur les changements climatiques, les déterminants écologiques et écosociaux de la santé et la santé publique autochtone. Ces experts ont précisé que les professionnels de la santé publique et les praticiens ont besoin d'une éducation et d'une formation appropriées sur ces aspects de la santé publique afin de prévenir efficacement les problèmes liés à la santé et aux changements climatiques et y réagir, à l'échelle locale, territoriale et nationale.

« La santé publique autochtone – écart énorme; santé publique écologique – écart énorme [...]. Nous devons former les gens pour qu'ils soient en mesure de prévoir ce qui se passera dans nos collectivités et d'y réagir. »

Réorienter la surveillance afin de favoriser les interventions locales contre les changements climatiques

Quelques participants ont signalé l'utilité de la surveillance de la santé publique dans l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de ceux-ci. Les aléas et les vulnérabilités liés aux changements climatiques auront des fondements géographiques et sociaux différents qui peuvent être compris à l'échelle locale. Nous avons entendu dire que la promotion de la santé et les interventions localisées et adaptées à la collectivité permettront de mieux répondre aux besoins de la collectivité, ce qui perturbe l'approche homogène et universelle actuelle. Cela comprenait l'établissement de liens entre les données du système de santé (c.-à-d. les rapports sur la santé et les diagnostics par les fournisseurs de soins de santé et les hôpitaux) afin de recueillir les données nécessaires pour aller au-delà des données anecdotiques et obtenir les statistiques souvent nécessaires pour les interventions du gouvernement et des décideurs.

« Toutes ces données probantes doivent être prises en compte dans chaque interaction que nous mettons en place dans la collectivité. Et jusqu'à présent, nous avons fait un travail vraiment, vraiment horrible. Je pense que si nous commençons à faire mieux à cet égard, nous allons susciter une grande adhésion et des progrès énormes seront accomplis parce que les gens sont motivés. Ils ont simplement peur et ne savent pas quoi faire. »

En ce qui concerne plus particulièrement la surveillance des conséquences des changements climatiques sur la santé, cet expert a déclaré :

« Nous espérons étendre la [surveillance] à la qualité de l'air, en particulier lors des feux de forêt, puis aussi aux événements hivernaux, aux tempêtes, aux inondations, à d'autres phénomènes qui pourraient avoir une incidence […] et encore une fois, pas les choses évidentes comme la fréquentation des services d'urgence en raison de la chaleur, mais d'autres changements dans les événements touchant la santé mentale, d'autres changements dans les visites à l'urgence en raison de la consommation de substances et d'alcool et d'autres choses pendant les événements hivernaux où les gens pourraient être isolés de leur collectivité. »

Certains experts ont attiré l'attention sur l'importance d'obtenir l'appui du public à l'égard des mesures de santé publique dans le contexte des changements climatiques. Ils ont expliqué que si la santé publique peut recueillir et communiquer au public des données (c'est-à-dire de surveillance) qui peuvent l'aider à comprendre que les changements climatiques représentent un problème de santé, cela pourrait inciter le public à investir dans des mesures d'adaptation et d'atténuation.

« J'aimerais qu'il y ait […] des messages forts sur les changements climatiques et la santé. Et aussi des messages positifs […], présenter les choses sous l'angle des possibilités, par opposition aux menaces, ou autrement dit : "voici toutes les retombées positives qui se produiront si nous prenons des mesures pour lutter contre les changements climatiques grâce à cette politique, voici tous les co-bénéfices […]". Donc, se concentrer sur la santé, sur les possibilités et aussi sur les répercussions actuelles semble être la façon la plus efficace d'amener les gens à changer. »

Cependant, d'autres experts, tout en appuyant l'idée d'un plus grand nombre de données, doutaient du fait que la collecte de données plus détaillées entraîne une augmentation du soutien public à l'égard de l'action pour le climat.

« Si les gens écoutaient ce que disent les données, nous aurions agi différemment, il y a longtemps. Mais je pense que nous devons quand même présenter les données. Les dirigeants des gouvernements municipaux doivent convaincre le public de dépenser de l'argent dans ce domaine [et] les données montrent comment la santé est affectée. »

Dans certains cas, les participants étaient d'avis qu'il n'était pas nécessaire d'investir davantage dans les données de surveillance.

« Il y a ce récit fictif selon lequel la persuasion morale et l'amélioration des données et de la surveillance sont la solution, ce qui est un argument intéressé que les universitaires peuvent faire valoir, car cela ne fait que nous donner plus d'argent pour plus d'études. Je pense que nous devons aller beaucoup plus loin que cela, et une partie de cela nécessitera la problématisation et la remise en question de l'acceptation de nos propres approches dans ce domaine. De façon générale, nous avons fait preuve d'une résistance et d'une réticence remarquables à le faire. »

Mettre en œuvre des mesures de responsabilisation à l'égard de l'inaction dans le domaine des changements climatiques

Les participants ont souligné que des mesures de responsabilisation devraient être mises en place pour que les décideurs et les personnes en position de pouvoir soient tenus responsables de toutes les décisions et de toutes les interventions qui ont des conséquences négatives sur le climat et la santé.

« Comme les décideurs ont la responsabilité de prendre des décisions ayant des conséquences importantes, je crois qu'ils devraient rendre des comptes à l'égard de ces décisions, ce qui est, pourrait-on faire valoir, adéquat ou inadéquat. Mais ils devraient au moins être obligés d'être très explicites au sujet de l'information dont ils disposent, et s'ils choisissent de ne pas en tenir compte, ils doivent en assumer la responsabilité. Mais en niant la pertinence de la santé dans ces décisions, cela mine vraiment l'idée que nous devrions examiner les conséquences des changements climatiques sur la santé. »

Des experts ont sérieusement remis en question l'absence de mesures de lutte contre les changements climatiques de la part des gouvernements, des organisations non gouvernementales, de l'industrie et des personnes en position de pouvoir, surtout compte tenu du surplus de preuves et de données montrant que les changements climatiques constituent la plus grande menace pour la santé. Certains experts ont proposé l'élaboration d'incitatifs à l'action pour le climat ou la création de pénalités en cas d'inaction.

« Il y a des limites à constamment lire "Les changements climatiques ont une grande incidence sur la santé[...]." Chaque rapport le dit, nous le savons. Il s'agit donc de créer une stratégie qui est appropriée à l'échelle locale et régionale, mais qui est aussi efficace à l'échelle nationale. Et une stratégie qui est soutenue par des ressources et qui comporte des incitatifs et des pénalités […]. Je pense que cela pourrait jouer un rôle important dans l'atténuation. »

Offrir un financement et des ressources réservés aux travaux sur les liens entre la santé et le climat

Selon des experts, les réussites observées dans le domaine des travaux portant exclusivement sur l'adaptation aux changements climatiques et l'atténuation de ceux-ci sont en grande partie dues au financement et aux ressources spécifiquement réservés à ces travaux. Par exemple, plusieurs experts ont traité de l'importance du programme ADAPTATIONSanté. Ce programme pluriannuel de renforcement des capacités, qui a pris fin en mars 2022, a accordé jusqu'à 3,6 millions de dollars en partenariat avec 10 autorités de santé publique dans cinq provinces et territoiresNote de bas de page 24. Les experts ont souligné que la prolongation du financement et des ressources du programme ADAPTATIONSanté contribuerait à garantir la poursuite des efforts de la santé publique en matière d'adaptation aux changements climatiques et à l'atténuation de ceux-ci.

« Une grande partie de notre travail sur le climat a découlé du programme ADAPTATIONSanté, financé par Santé Canada. Ce programme a appuyé des projets partout au pays visant à lancer ou à faire avancer des travaux dans les domaines de la santé et de l'adaptation sur le plan de la santé et du climat […]. Cette subvention nous a aidés à avoir un employé permanent (et) […] parce qu'il a été embauché grâce à la subvention, il a probablement été l'une des seules personnes de mon équipe qui n'a pas été mobilisée dans le cadre de la réponse à la COVID-19. »

« Les responsables de la santé publique qui participent à des projets [ADAPTATIONSanté] les trouvent extrêmement utiles. Accroître le financement et les ressources à cette fin est extrêmement utile. Et je pense que c'est quelque chose que nous devons faire immédiatement. »

Observations finales

La santé publique a été au cœur de l'actualité à l'échelle mondiale en raison de la pandémie de COVID-19. La population canadienne a compté sur l'expertise en santé publique à l'échelle mondiale, nationale, sous-régionale et locale pour traverser cette crise sanitaire, et l'attention s'est de plus en plus tournée vers le rôle que la santé publique pourrait et devrait jouer dans la crise des changements climatiques. Alors que les défenseurs des droits dans le domaine de la santé publique et des changements climatiques avaient auparavant du mal à se faire entendre, un espace s'est ouvert pour que ces conversations prennent de l'importance. La santé publique peut prendre des mesures concrètes claires pour aider à atténuer les changements climatiques et à s'y adapter, comme le montre ce rapport.

Ce que les experts du domaine de la santé publique nous ont dit clairement aux fins de ce rapport, c'est qu'il faut maintenant prendre des mesures importantes, audacieuses et transformatrices, des mesures qui sont alignées à la fois avec la science des changements climatiques et les systèmes de connaissance de ceux qui ont vécu en ayant de bonnes relations avec l'environnement.

« Nous devrions adopter une approche de la santé planétaire, où nous travaillons sur les iniquités, la santé de la population, le climat […], où nous appuyons des mesures qui ne nuiront pas à l'environnement d'une autre façon. Nous avons vraiment besoin d'une approche holistique et non pas d'une approche cloisonnée pour relever le défi climatique. Adopter une approche cloisonnée c'est continuer d'agir comme nous l'avons toujours fait. Nous devons changer notre paradigme. »

Cinq messages directeurs ont émergé pour éclairer une action aussi audacieuse et transformatrice pour la santé publique au Canada :

  1. La santé et le bien-être humains dépendent d'écosystèmes sains.
  2. Les facteurs systémiques à la base des résultats négatifs en matière de santé et de changements climatiques se chevauchent; la suprématie blanche, le capitalisme, le colonialisme et le racisme doivent être abordés.
  3. Les obstacles à la lutte contre les changements climatiques dans le domaine de la santé publique sont connus et doivent être abordés de façon systémique.
  4. Il existe une vision et un leadership local pour se pencher sur les enjeux de santé et de changements climatiques dans le domaine de la santé publique, si celle-ci se voit accorder la latitude, les moyens et les fonds nécessaires pour relever les défis.
  5. La santé et le bien-être publics doivent être intégrés aux processus décisionnels dans tous les secteurs et tous les ordres de gouvernement.

Dans le contexte de la santé publique et des changements climatiques, les messages clés qui se dégagent des propos des experts soulignaient la nécessité de mettre l'accent sur la décolonisation, la justice et l'équité, un financement adéquat, l'engagement politique et les partenariats intersectoriels. Il est entendu qu'il faut apporter des changements fondamentaux à nos structures socio-économiques pour rebâtir les liens entre les êtres humains et avec notre planète.

Annexe A : Possibilités d'intervention

Voici une synthèse des idées d'intervention proposées par les participants. Bon nombre de ces mesures nécessiteront une collaboration intersectorielle.

  1. Ce que nous avons entendu au sujet de l'adoption d'approches participatives, équitables et inclusives qui intègrent l'action pour le climat dans la prise de décisions.
    • Mettre des subventions à l'innovation à la disposition du personnel en santé publique pour favoriser de grands changements à l'échelle du système.
    • Tenir des conversations et des forums à l'échelle des systèmes et concevoir des co-bénéfices pour la santé publique.
    • S'occuper du tissu social du Canada et s'attaquer à la polarisation.
    • Offrir une protection et des garanties qui permettront à l'administratrice en chef de la santé publique et à tous les travailleurs du domaine de la santé et du bien-être publics de parler sans aucune crainte des données probantes liées aux risques futurs si la prise de décisions n'intègre pas les projections relatives aux changements climatiques.
    • Intégrer la lutte contre les changements climatiques comme élément central de la prévention des maladies chroniques, puis collaborer avec les personnes qui se concentrent sur les maladies infectieuses et la santé environnementale.
    • Valoriser la promotion de la santé au même titre que la santé environnementale.
  2. Ce que nous avons entendu sur la mise en œuvre de politiques d'adaptation équitables et transformatrices sur l'utilisation durable et résiliente des terres, les modes de consommation, les activités économiques et les solutions axées sur la nature menées par les AutochtonesNote de bas de page 4, notamment ce qui suit.
    • Concevoir activement des initiatives qui sont bonnes pour la lutte contre les changements climatiques, qui sont bonnes pour l'équité et qui entraînent des co-bénéfices.
    • Participer à l'élaboration de scénarios futurs et réaliser une analyse rétrospective à partir d'une vision de l'avenir de la santé publique en 2050. Quelles mesures faut-il- prendre pour y arriver?
    • Établir à l'échelle microéconomique des solutions de rechange plus durables, attrayantes et agréables, et commencer à déterminer celles qui sont réalisables. Le travail de santé publique est aussi un travail de renforcement des communautés, comme les efforts liés aux circuits alimentaires locaux.
    • Remettre en question activement les fondements de notre société, le système capitaliste et notre culture d'extraction des ressources.
    • Élaborer des politiques intégrées qui vont au-delà du comportement individuel.
    • Lutter contre le déni des changements climatiques et la désinformation en favorisant l'information fondée sur des données probantes dans le domaine de la santé publique et des changements climatiques.
  3. Ce que nous avons entendu sur le soutien urgent à l'autodétermination des Premières Nations, des Inuits et des Métis en matière de santé publique, la reconnaissance des droits des Autochtones et le soutien à l'adaptation fondée sur le savoir autochtone, notamment ce qui suit.
    • Maintenir les droits inhérents et issus de traités des peuples autochtones et mettre en œuvre les normes de la DNUDPA (Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones).
    • Intégrer le futurisme autochtone pour imaginer l'avenir sans colonisation et se demander « Comment y arriver? ».
    • Reconnaître que les visions du monde autochtones sont les visions originales du monde de la santé planétaire et apprendre de cette expertise.
    • Adopter le leadership dont font preuve de nombreux peuples et nations autochtones à l'égard de la santé (planétaire) grâce à la résurgence des pratiques de remise en état, de revitalisation et de résilience.
    • Faire participer la santé publique au défi de vivre dans la réciprocité sacrée avec la terre (incluant l'air, l'eau et tous les autres éléments, mais non les êtres humains).
  4. Ce que nous avons entendu sur la coordination entre les secteurs et les administrations pour appuyer des solutions climatiques équitables et efficaces, notamment ce qui suit.
    • Établir une capacité pancanadienne à long terme pour suivre et surveiller la santé et le bien-être ainsi que les répercussions des changements climatiques.
    • Aller au-delà de la collecte d'information et de la rédaction de rapports pour offrir la formation, le financement et les ressources nécessaires pour accorder une place centrale à la santé publique et aux changements climatiques.
    • Placer la santé publique et le bien-être au cœur de toutes les décisions et de l'élaboration de politiques dans tous les secteurs et toutes les administrations.
    • Fournir des ressources adéquates aux organismes de santé publique pour prévenir l'aggravation de la mortalité et de la morbidité causées par les changements climatiques et les iniquités.
    • Établir des partenariats avec les initiatives et les organismes de défense des intérêts existants afin de tirer parti des synergies et des capacités dans tout le spectre de la santé publique.

Annexe B : Méthodologie

Introduction

La recherche associée à ce rapport « Ce que nous avons entendu » a porté sur un large éventail de points de vue d'experts clés en santé publique concernant la contribution d'une optique de santé publique à la compréhension de l'impact des changements climatiques sur la santé de la population. Nous avons eu recours à des entrevues individuelles et à des groupes de discussion pour obtenir ces points de vue. Les questions que nous avons explorées touchaient à la fois l'expérience de certains experts dans la mise en œuvre de mesures de lutte contre les changements climatiques dans le cadre de leurs travaux, ainsi que leur point de vue sur le rôle que la santé publique joue et peut jouer.

Première méthode de collecte des données : les entrevues

Parmi la gamme des participants aux entrevues, il y avait des personnes dont le travail recoupe principalement le climat, l'environnement et la santé publique. Les participants recrutés comprenaient des membres d'organisations non gouvernementales, d'établissements de recherche et d'organismes de santé publique. Les participants ont également été sélectionnés selon des critères intersectionnels (p. ex. communautés autochtones ou fondées sur des distinctions, communautés racialisées, jeunes, personnes 2ELGBTQIA+, personnes en situation de handicap, communautés de langue minoritaire, migrants) et la représentation géographique (p. ex. régions rurales et éloignées du Nord, autres régions rurales et éloignées, régions urbaines, régions côtières). Pour le recrutement des participants, nous nous sommes inspirés de la théorie intersectionnelle et nous avons utilisé les critères d'inclusion suivants :

  1. Une certaine compréhension des grandes facettes de la santé publique (p. ex. les fonctions essentielles de la santé publique);
  2. Une certaine compréhension des changements climatiques et en tant qu'enjeu de santé;
  3. L'appartenance à l'un des secteurs, des professions ou des disciplines prioritaires (voir le paragraphe ci-dessus);
  4. Des critères secondaires relatifs à la diversité et à l'inclusion.

Les participants éventuels à ce travail de recherche ont été choisis en collaboration avec le BACSP. N'ayant que six semaines pour recueillir les données, notre plan était d'inviter au moins 25 personnes à participer, dans le but de recruter au moins 15 participants. La première ronde de recrutement a commencé en avril 2022. Nous avons envoyé des invitations par courriel et une lettre d'information aux personnes répondant aux critères d'inclusion et d'exclusion.

Une deuxième série d'invitations par courriel a été envoyée à ceux qui n'avaient pas répondu initialement. Nous avions l'intention, si nous ne recevions pas de réponse après la troisième tentative, de nous tourner vers une liste secondaire de candidats potentiels ayant une expertise et une expérience semblables. Cependant, nous n'avons pas eu besoin d'utiliser la liste secondaire, car nous avons reçu plusieurs autres excellentes suggestions de la part des participants (échantillonnage boule de neige), ce qui nous a amenés à dépasser la cible minimale de 15 participants.

À la fin de notre période de collecte de données de six semaines, nous avions interviewé 21 experts clés de partout au pays. Au début, nous avons convenu de continuer à recueillir des données au-delà du point de saturation (aucun nouveau renseignement communiqué) et de ne cesser de recruter que lorsque notre calendrier de projet nous obligeait à passer à l'analyse des données. En guise de modeste geste de reconnaissance pour leur contribution inestimable, chaque participant a reçu des honoraires de 30 $.

Les entrevues à l'aide de l'application Zoom duraient environ 45 à 60 minutes. Des entrevues semi-structurées- ont été menées, guidées par un ensemble commun de questions d'entrevue, afin d'obtenir la perspective des participants sur la santé publique et les changements climatiques.

Deuxième méthode de collecte des données : les groupes de discussion

Deux groupes de discussion formés de médecins hygiénistes intéressés ont été organisés. Les médecins ont été recrutés par l'intermédiaire du Réseau canadien pour la santé urbaine (RCSU), et le BACSP a aidé à faciliter le processus de recrutement. Un courriel d'invitation générique et une lettre d'information ont été distribués à l'aide de la liste de diffusion du RCSU. Les personnes intéressées étaient dirigées vers un portail d'inscription.

La plateforme Zoom de vidéoconférence en ligne a permis la tenue de deux groupes de discussion d'une durée d'environ 120 minutes chacun, soit un groupe de quatre personnes et un autre groupe de cinq personnes. La séance du premier groupe de discussion a eu lieu le 9 juin, et la séance du deuxième, le 17 juin. Comme pour les entrevues semi-structurées, notre collecte de données a été guidée par un ensemble commun de questions d'entrevue.

Analyse des données

L'analyse thématique a servi à organiser et à analyser les données des transcriptions des entrevues et des groupes de discussion. L'analyse thématique est une approche qualitative qui consiste à catégoriser des données codées en fonction des tendances qui ressortent de l'ensemble des données et à comparer ces thèmes au but de l'étude, aux concepts préexistants liés aux systèmes de santé publique et à la littérature grise et aux publications savantes pertinentes. Après avoir lu à plusieurs reprises chacune des transcriptions des entrevues et des groupes de discussion, un ensemble de codes thématiques a été mis au point pour le codage du texte des transcriptions. Pour améliorer la rigueur de l'analyse, les membres de l'équipe ont examiné puis validé les processus d'interprétation des données et d'élaboration des codes thématiques.

Annexe C : Liste des participants

Experts participants

  1. Abernethy, Paivi
  2. Allison, Sandra
  3. Anonyme
  4. Aubin, Louise
  5. Brouselle, Astrid
  6. Cunsolo, Ashlee
  7. Hancock, Trevor
  8. Howard, Courtney
  9. Kaiser, David
  10. Laplante, Odette
  11. Lem, Melissa
  12. Lewis, Diana
  13. Martin, Debbie
  14. Masuda, Jeff
  15. McDowell, Andrea
  16. Muecke, Cristin
  17. Muzumdar, Pemma
  18. Newhouse, Emily
  19. Odenigbo, Chúk
  20. Ouimet, Marie-Jo
  21. Parkes, Margot W.
  22. Perotta, Kim
  23. Phipps, Erica
  24. Poland, Blake
  25. Potvin, Louise
  26. Richards, Lisa
  27. Rizzuti, Franco
  28. Schwandt, Michael
  29. Spiegel, Jerry M.
  30. Waters, Shannon

Les auteurs du rapport, Heather Castleden, Isaac White et Jennifer Otoadese, aimeraient exprimer leur immense gratitude envers ces experts qui ont généreusement offert leur temps et expertise pour la production de ce rapport; sans eux, cela n'aurait pas été possible.

Annexe D : Lettre d'invitation pour les personnes interviewées

Ce que nous avons entendu : rapport sur les perspectives intersectionnelles sur les changements climatiques et la santé publique au Canada

Lettre d'information

Chaque année, l'administratrice en chef de la santé publique du Canada (ACSP) produit un rapport indépendant sur la santé des Canadiens et Canadiennes qui est remis au ministre de la Santé et au Parlement du Canada. Ce rapport permet d'étudier l'état de la santé publique au Canada et de favoriser le dialogue sur les priorités en matière de santé publique. Le rapport de l'ACSP de cette année porte sur le rôle que jouent les systèmes de santé publique en matière de changements climatiques.

En vue d'éclairer ce rapport, l'ACSP a demandé l'élaboration d'un document « Ce que nous avons entendu » afin de recueillir un éventail de points de vue sur cet enjeu. Celle qui dirige ce travail est Heather Castleden, directrice scientifique de HEC Research and Consulting et professeure titulaire d'une chaire Impact sur la gouvernance transformatrice pour la santé de la planète à l'École d'administration publique de l'Université de Victoria.

Nous avons déterminé que vous possédez une expertise et une expérience uniques dans ce domaine et que vous avez une certaine compréhension du rôle des systèmes de santé publique. Voici quelques renseignements généraux tirés du rapport de l'ACSP de l'an dernier sur les systèmes de santé publique, dont une explication du fonctionnement des systèmes de santé publique au Canada.

Nous espérons que vous accepterez notre invitation à contribuer à ce rapport en participant à une courte entrevue (30 ou 45 minutes) par téléphone ou visioconférence Zoom avec Heather. Si vous acceptez, vous pouvez parler autant ou aussi peu que vous le désirez durant la conversation. Votre participation est entièrement volontaire et vous n'avez pas l'obligation de participer si tel est votre désir. Votre refus de participer n'entraînera pas de conséquence. Si vous désirez justifier votre refus, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part.

L'objectif du rapport Ce que nous avons entendu consistera à cerner, à documenter, à comprendre et à synthétiser un éventail de points de vue dans de multiples secteurs au Canada. Nous examinons la contribution et le rôle actuels et potentiels de la santé publique liés aux changements climatiques. Nous solliciterons vos commentaires sur les points suivants :

  • Que vous vient-il à l'esprit lorsque vous pensez à la santé publique et aux changements climatiques?
  • Quels rôles les professionnels ou les systèmes de la santé publique jouent-ils dans la lutte contre les changements climatiques?
  • Quels rôles le système de santé publique devrait-il jouer et pourquoi?
  • Comment faudrait-il renforcer le système de santé publique pour mieux appuyer ces rôles?
  • Quelles sont les mesures pratiques immédiates à prendre pour y arriver?

Il n'y a aucun avantage direct à communiquer votre point de vue pour ce rapport. Nous espérons que vous trouverez utile d'y participer, sachant que votre point de vue renforcera finalement la réponse du système de santé publique du Canada à la crise climatique. Pour vous remercier de votre précieuse contribution, nous vous enverrons un virement électronique de 30 $ afin que vous puissiez déguster un repas quelque part dans votre quartier.

Avec votre accord, l'entrevue sera enregistrée et transcrite. Le rapport définitif sera remis au Bureau de l'ACSP le 15 août 2022. Vous recevrez alors une copie du rapport. Uniquement HEC Research and Consulting aura accès à l'enregistrement et à la transcription de votre entrevue. Les membres associés de HEC Research and Consulting ont signé des ententes de confidentialité. Ces renseignements électroniques (données) seront stockés de façon sécuritaire (protégés par un mot de passe) dans un appareil du laboratoire HEC jusqu'au 1er avril 2023. Après cette date, les données seront complètement supprimées de l'appareil.

Les citations qui figurent dans les rapports Ce que nous avons entendu de l'ACSP ne sont pas attribuées à des personnes en particulier. Toutefois, ces rapports comprennent une liste des participants. Nous tenons à vous signaler qu'il y a toujours un risque qu'une citation vous soit attribuée correctement ou incorrectement. Nous ferons de notre mieux pour supprimer tous les identificateurs personnels liés aux citations.

Si vous avez des questions au sujet de cette invitation, veuillez écrire à [courriel] ou composer le [téléphone].

Annexe E : Guide d'entrevue

Questions pour les participants aux entrevues individuelles

Tout d'abord, je cherche toujours à savoir pourquoi les gens acceptent de participer à la recherche. Pourriez-vous me dire pourquoi vous avez accepté de participer à cette entrevue ou à ce groupe de discussion?

  • Questions d'approfondissement : Quel est votre lien avec la santé publique et les changements climatiques?
  • Questions d'approfondissement : Quel est le lien entre votre travail, la santé publique et les changements climatiques?

Que pensez-vous du rôle actuel des systèmes de santé publique au Canada?

  • Selon vous, quelles sont les contributions actuelles des systèmes de santé publique au Canada?
  • Selon vous, quels pourraient être les rôles et les contributions des systèmes de santé publique au Canada?

Que vous vient-il à l'esprit lorsque vous pensez à la santé publique et aux changements climatiques?

  • Quel est le rôle actuel des systèmes de santé publique dans la compréhension des changements climatiques, dans leur atténuation ou dans l'adaptation à ceux-ci?
  • De quelles façons les systèmes de santé publique contribuent-ils actuellement à la compréhension des changements climatiques, à leur atténuation ou à l'adaptation à ceux-ci?
  • Quels devraient être les rôles et les contributions des systèmes de santé publique et pourquoi?

Quels sont les défis ou les obstacles auxquels vous ou d'autres professionnels ou systèmes de la santé publique êtes confrontés lors de l'exécution de travaux liés aux changements climatiques?

  • Pourquoi pensez-vous que ces obstacles existent?

Quelles mesures concrètes immédiates pourraient être prises par les systèmes de santé publique (locaux et nationaux) afin d'améliorer les travaux sur les changements climatiques?

  • Pouvez-vous donner quelques exemples afin d'expliquer votre réponse?

Quels sont vos espoirs pour l'avenir en matière de santé publique et d'atténuation des changements climatiques ou d'adaptation à ceux-ci?

À l'opposé, quelle est votre plus grande crainte? Avez-vous des suggestions ou des solutions à proposer?

Merci. Toutes les questions vous ont été posées, mais peut-être vouliez-vous aborder un sujet qui n'a pas été traité pendant l'entrevue? Avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous terminions l'entrevue?

Annexe F : Invitation aux groupes de discussion

Ce que nous avons entendu : rapport sur les perspectives intersectionnelles sur les changements climatiques et la santé publique au Canada

Lettre d'information

Chaque année, l'administratrice en chef de la santé publique du Canada (ACSP) produit un rapport indépendant sur la santé des personnes vivant au Canada qui est remis au ministre de la Santé et au Parlement du Canada. Ce rapport permet d'étudier l'état de la santé publique au Canada et de favoriser le dialogue sur les priorités en matière de santé publique. Le rapport de l'ACSP de cette année porte sur le rôle que jouent les systèmes de santé publique en matière de changements climatiques.

En vue d'éclairer ce rapport, l'ACSP a demandé l'élaboration d'un document sur « Ce que nous avons entendu » afin de recueillir un éventail de points de vue sur cet enjeu. Celle qui dirige ce travail est Heather Castleden, directrice scientifique de HEC Research and Consulting et professeure et titulaire d'une chaire sur l'impact sur la gouvernance transformatrice pour la santé de la planète à l'École d'administration publique de l'Université de Victoria.

À la suite d'une recherche de candidats menée en collaboration par l'équipe de Mme Castleden et le Bureau de l'ACSP, le Réseau canadien pour la santé urbaine (RCSU) a été désigné en tant que collectif de membres pouvant fort probablement fournir des points de vue précieux dans ce domaine. Plus précisément, nous cherchons à recruter des membres qui possèdent une certaine expérience, une certaine expertise ou des responsabilités professionnelles qui touchent aux interventions des systèmes de santé publique en matière d'atténuation des changements climatiques et d'adaptation à ceux-ci. Voici quelques renseignements généraux tirés du rapport de l'ACSP de l'an dernier sur les systèmes de santé publique, dont une explication du fonctionnement des systèmes de santé publique au Canada.

Nous espérons que vous accepterez notre invitation à contribuer à ce rapport en participant à l'un des deux groupes de discussion de 90 minutes avec Mme Castleden et son équipe. Si vous acceptez, vous pouvez parler autant ou aussi peu que vous le désirez durant la conversation. Votre participation est entièrement volontaire et vous n'avez pas l'obligation de participer si tel est votre désir. Votre refus de participer n'entraînera pas de conséquence. Si vous désirez justifier votre refus, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part.

L'objectif du rapport Ce que nous avons entendu consistera à cerner, à documenter, à comprendre et à synthétiser un éventail de points de vue dans de multiples secteurs au Canada. Nous examinons la contribution et le rôle actuels et potentiels de la santé publique liés aux changements climatiques. Nous solliciterons vos commentaires sur les points suivants :

  • Que vous vient-il à l'esprit lorsque vous pensez à la santé publique et aux changements climatiques?
  • Quels rôles les professionnels ou les systèmes de la santé publique jouent-ils dans la lutte contre les changements climatiques?
  • Quels rôles le système de santé publique devrait-il jouer et pourquoi?
  • Comment faudrait-il renforcer le système de santé publique pour mieux appuyer ces rôles?
  • Quelles sont les mesures pratiques immédiates à prendre pour y arriver?

Il n'y a aucun avantage direct à partager votre point de vue pour ce rapport. Nous espérons que vous trouverez utile d'y participer, sachant que votre point de vue renforcera finalement la réponse du système de santé publique du Canada à la crise climatique.

Avec votre accord, le groupe de discussion sera enregistré et transcrit. Le rapport définitif sera remis au Bureau de l'ACSP le 15 août 2022. Vous recevrez alors une copie du rapport. Uniquement HEC Research and Consulting aura accès à l'enregistrement et à la transcription de votre groupe de discussion. Les membres associés de HEC Research and Consulting ont signé des ententes de confidentialité. Ces renseignements électroniques (données) seront stockés de façon sécuritaire (protégés par un mot de passe) dans un appareil du laboratoire HEC jusqu'au 1er avril 2023. Après cette date, les données seront complètement supprimées de l'appareil.

Les citations qui figurent dans les rapports Ce que nous avons entendu de l'ACSP ne sont pas attribuées à des personnes en particulier. Toutefois, ces rapports comprennent une liste des participants. Nous tenons à vous signaler qu'il y a toujours un risque qu'une citation vous soit attribuée correctement ou incorrectement. Nous ferons de notre mieux pour supprimer tous les identificateurs personnels liés aux citations.

Si vous avez des questions au sujet de cette invitation, veuillez écrire à [courriel] ou composer le [téléphone].

Annexe G : Guide du groupe de discussion

Questions pour les participants aux groupes de discussion

Tout d'abord, je cherche toujours à savoir pourquoi les gens acceptent de participer à la recherche. Pourriez-vous me dire pourquoi vous avez accepté de participer à cette entrevue ou à ce groupe de discussion?

  • Questions d'approfondissement : Quel est votre lien avec la santé publique et les changements climatiques?
  • Questions d'approfondissement : Quel est le lien entre votre travail, la santé publique et les changements climatiques?

Que pensez-vous du rôle actuel des systèmes de santé publique au Canada?

  • Selon vous, quelles sont les contributions actuelles des systèmes de santé publique au Canada?
  • Selon vous, quels pourraient être les rôles et les contributions des systèmes de santé publique au Canada?

Que vous vient-il à l'esprit lorsque vous pensez à la santé publique et aux changements climatiques?

  • Quel est le rôle actuel des systèmes de santé publique dans la compréhension des changements climatiques, dans leur atténuation ou dans l'adaptation à ceux-ci?
  • De quelles façons les systèmes de santé publique contribuent-ils actuellement à la compréhension des changements climatiques, à leur atténuation ou à l'adaptation à ceux-ci?
  • Quels devraient être les rôles et les contributions des systèmes de santé publique et pourquoi?

Quels sont les défis ou les obstacles auxquels vous ou d'autres professionnels ou systèmes de la santé publique êtes confrontés lors de l'exécution de travaux liés aux changements climatiques?

  • Pourquoi pensez-vous que ces obstacles existent?

Quelles mesures concrètes immédiates pourraient être prises par les systèmes de santé publique (locaux et nationaux) afin d'améliorer les travaux sur les changements climatiques?

  • Pouvez-vous donner quelques exemples afin d'expliquer votre réponse?

Quels sont vos espoirs pour l'avenir en matière de santé publique et d'atténuation des changements climatiques ou d'adaptation à ceux-ci?

À l'opposé, quelle est votre plus grande crainte? Avez-vous des suggestions ou des solutions à proposer?

Merci. Toutes les questions vous ont été posées, mais peut-être vouliez-vous aborder un sujet qui n'a pas été traité pendant l'entrevue? Avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous terminions l'entrevue?

Références

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