Chapitre 5.5 – Prévention chez certains hôtes – Migrants et personnes visitant des amis et parents : Recommandations canadienne pour la prévention et le traitement du paludisme (malaria)

Une déclaration d’un comité consultatif (DCC) du
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV)

Préambule

Le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV) donne de façon continue à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) des conseils opportuns de nature médicale, scientifique et sanitaire concernant les maladies infectieuses tropicales et les risques pour la santé associés aux voyages internationaux. L’ASPC reconnaît que les recommandations et les conseils formulés dans cette déclaration reposent sur les meilleures pratiques médicales et connaissances scientifiques actuellement accessibles et les diffuse dans le but d’informer les voyageurs ainsi que les professionnels de la santé qui sont appelés à leur prodiguer des soins.

Les personnes qui administrent ou utilisent des médicaments, des vaccins ou d’autres produits devraient bien connaître la monographie des produits, ainsi que toute autre norme ou instruction approuvée concernant leur usage. Les recommandations relatives à l’usage des produits et les autres renseignements présentés ici peuvent différer de ceux qui figurent dans la monographie ou toute autre norme ou instruction approuvée pertinente établie par les fabricants autorisés. Les fabricants font approuver leurs produits et démontrent l’innocuité et l’efficacité de ceux-ci uniquement lorsque ces produits sont utilisés conformément à la monographie ou à toute autre norme ou instruction approuvée semblable.

5.5 Prévention chez certains hôtes – Migrants et personnes visitant des amis et parents migrants

Prévention du paludisme chez les migrants et personnes visitant des amis et parents

Migrants

Le risque de paludisme existe pour les migrants après leur arrivée au Canada et qui proviennent d’un pays impaludé. Bien qu’il se peut que certains réfugiés reçoivent un traitement préventif contre le paludisme dans les camps de réfugiés, avant leur départ, ce type de traitement n’est aucunement universel. La plupart des cas de paludisme se développeront dans les trois mois suivant la dernière exposition, mais un risque résiduel peut perdurer pendant un an ou plus, les rechutes les plus longues signalées apparaissant des décennies plus tard. De ce fait, le diagnostic de paludisme doit être envisagé pour les migrants nouvellement arrivés au Canada au moins 12 mois après leur arrivée.

Des lignes directrices cliniques récentes publiées au Canada comprennent des chapitres sur le paludisme touchant les migrantsRéférence 1, Référence 2. Dans l’ensemble, il n’existe pas de données sur le nombre de cas de paludisme des migrants diagnostiqués au Canada. Cependant, on dispose de données limitées concernant des cas graves de paludisme déclarés au Réseau canadien sur le paludisme. Entre 2001 et 2012, dans un peu moins de 20 % de tous les cas de formes graves de paludisme au Canada, l’immigration était signalée comme la raison des déplacements et 65,7 % de ces cas concernaient des personnes âgées de moins de 18 ans (A. McCarthy et J. Geduld, comm. pers., Domestic Response Unit, Malaria Branch – Division of Parasitic Diseases, Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis, 2012).

Visites à des amis et à des parents

Selon le Recensement de 2007, près de 20 % de la population canadienne est composée de personnes qui ne sont pas nées au CanadaRéférence 3 et un grand nombre d’entre elles font partie de familles dont les dernières générations sont arrivées au Canada. Étant donné la facilité d’effectuer des voyages internationaux, un nombre accru de voyageurs peuvent retourner dans leur pays d’origine et le font afin de rendre visite à des amis et leurs parents. Les personnes qui rendent visite à leurs amis et parents (VAF) sont un groupe unique possédant des caractéristiques et des comportements distincts et qui courent le risque de contracter une maladie en voyageant. Le paludisme représente un risque particulier pour les personnes VAF, certaines études laissant supposer qu’elles sont exposées à un risque de contracter le paludisme qui est 4,5 fois plus élevé par rapport aux touristesRéférence 4. Les personnes VAF constituent habituellement une proportion importante (de 21 à 68 %) des cas de paludisme importé dans divers paysRéférence 5. Le Canada ne dispose pas de données sur le nombre total de cas observés de personnes VAF. Cependant, celles-ci représentent environ 25,1 % des cas de formes graves de paludisme de 2001 à 2012 et 8,8 % (4 des 45 cas) concernaient des personnes âgées de moins de 18 ans (A. McCarthy et J. Geduld, comm. pers. 2012).

Aux États-Unis, 2 483 cas de paludisme déclarés au Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis entre 2006 et 2010 concernaient des personnes VAF, ce qui représente 32,9 % de tous les cas. Parmi ces voyageurs, 15,8 % étaient âgés de 18 ans et moins (K. Cullen et P. Arguin, comm. pers. 2012). Au cours de la même période, 8,1 % (n = 616) de tous les cas de paludisme déclarés au CDC étaient des immigrants ou des réfugiés et 45 % d’entre eux avaient 18 ans ou moins.

Les caractéristiques de la destination de voyage, le voyageur, les croyances et les comportements en matière de santé des voyageurs augmentent les risques des personnes VAF de contracter le paludismeRéférence 5. Les personnes rendant visite à des amis et parents ont tendance à partir vers des destinations qui ne sont pas touristiques : elles vont souvent dans des endroits ruraux où le risque de transmission du paludisme (et d’autres maladies tropicales) est plus élevé que dans les centres urbainsRéférence 6. Le plus souvent, l’hébergement se fait chez des membres de la famille locale plutôt que dans des hôtels climatisés et munis de bonnes moustiquairesRéférence 6. Les personnes rendant visite à des amis et parents ont tendance à être plus jeunes, voyagent souvent avec leurs enfants nés au Canada et restent dans leur pays d’origine pendant une période plus longue que les touristes qui s’y rendentRéférence 6. Parfois, les plans de voyage sont faits à la dernière minute, en raison de situations urgentes, telles qu’un retour au pays pour rendre visite à un membre de la famille malade ou pour assister aux funéraillesRéférence 6. Ces personnes ont aussi moins tendance à rechercher des conseils sanitaires préventifs à l’intention des voyageursRéférence 7, Référence 8, Référence 9, y compris la chimioprophylaxie antipaludéenne et des mesures de protection individuelleRéférence 5, Référence 6, Référence 7, ou de s’y conformer, probablement en raison de contraintes financières ou de temps, d’idées fausses sur l’immunité contre le paludisme et du fait de s’en rapporter aux avis de membres de la famille ou de fournisseurs locaux une fois qu’elles sont arrivées à leur destinationRéférence 6, Référence 10, Référence 11, Référence 12, Référence 13. Pour ces raisons, le risque de contracter le paludisme chez les personnes VAF peut parfois être proche de celui des résidents locaux. Par contre, le risque de maladie grave est plus élevé en raison de la perte d’immunité partielle après avoir vécu à l’étrangerRéférence 6.

Tableau 5.5.1: Recommandations dans le cadre d'une approche de la médecine fondée sur les preuves
Recommandations Catégorie MFP
Test de dépistage du paludisme chez les migrants ayant une fièvre inexpliquée depuis au moins 12 mois, après leur arrivée au Canada. C III
Envisager un dépistage du paludisme chez les voyageurs asymptomatiques nouvellement arrivés et qui proviennent de zones endémiques élevées et le traitement des cas qui présentent une parasitémie (hormis la présence de gamétocytes seulement) dans les frottis sanguins. C III
Demander aux migrants provenant de pays impaludés quels sont leurs projets de voyage. Cela peut donner l’occasion d’offrir des conseils de prévention concernant le paludismeRéférence 6. C III
Aviser les Canadiens VAF et qui voyagent dans des pays impaludés du risque de paludisme, y compris la perte de l’immunité partielle liée au fait de vivre à l’étranger et du risque accru de maladie grave chez les enfants et les femmes enceintesRéférence 6. C III
Prodiguer des conseils aux Canadiens qui rendent visite à des amis et parents et qui voyagent dans des pays impaludés concernant les mesures de protection individuelle (répulsifs, moustiquaires de lit, choix de comportement) et la chimioprophylaxieRéférence 6. C III
Discuter de l’abordabilité de la chimioprophylaxie pour les Canadiens VAF et qui voyagent dans des pays impaludés, en tenant compte du coût au moment d’évaluer les différents choixRéférence 6. C III

Abréviation : MFP, médecine fondée sur les preuves. VAF, visite à leurs amis et parents.

Remarque : On trouvera une description des catégories et de la qualité des preuves pour les recommandations à l'annexe IV.

Références

Référence 1

Pottie K, Greenaway C, Feightner J, Welch V, Swinkels H, Rashid M, et al. Evidence-based clinical guidelines for immigrants and refugees. CMAJ 2011 Sep 6;183(12):E824-E925.

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Référence 2

McCarthy AE, Varghese S, Duggan A, Campbell G, Pottie K, Kuhn S. Appendix 9: Malaria: evidence review for newly arriving immigrants and refugees. CMAJ 2011.

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Référence 3

Statistique Canada. Population selon le statut d’immigrant et la période d’immigration, 2006.

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Référence 4

Pour Canada toutes les régions métropolitaines de recensement et agglomérations de recensement. Immigration et citoyenneté – Faits saillants en tableaux, Recensement de 2006. Ottawa.; 2012.Nº. au catalogue: 97-557-XWF2006007.

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Référence 5

Leder K, Tong S, Weld L, Kain KC, Wilder-Smith A, von SF, et al. Illness in travelers visiting friends and relatives: a review of the GeoSentinel Surveillance Network. Clin Infect Dis 2006 Nov 1;43(9):1185–93.

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Référence 6

Pavli A, Maltezou HC. Malaria and travellers visiting friends and relatives. Travel Med Infect Dis 2010 May;8(3):161–8.

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Référence 7

Bacaner N, Stauffer B, Boulware DR, Walker PF, Keystone JS. Travel medicine considerations for North American immigrants visiting friends and relatives. JAMA 2004 Jun 16;291(23):2856–64.

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Référence 8

dos Santos CC, Anvar A, Keystone JS, Kain KC. Survey of use of malaria prevention measures by Canadians visiting India. CMAJ 1999 Jan 26;160(2):195–200.

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Référence 9

Van HK, Van DP, Castelli F, Zuckerman J, Nothdurft H, Dahlgren AL, et al. Knowledge, attitudes and practices in travel-related infectious diseases: the European airport survey. J Travel Med 2004 Jan;11(1):3–8.

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Référence 10

Hagmann S, Neugebauer R, Schwartz E, Perret C, Castelli F, Barnett ED, et al. Illness in children after international travel: analysis from the GeoSentinel Surveillance Network. Pediatrics 2010 May;125(5):e1072-e1080.

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Référence 11

Centers for Disease Control and Prevention. CDC Health Information for international travel 2012. Atlanta: US Department of Health and Human Services, Public Health Service; 2012.

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Référence 12

Angell SY, Behrens RH. Risk assessment and disease prevention in travelers visiting friends and relatives. Infect Dis Clin North Am 2005 Mar;19(1):49–65.

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Référence 13

Campbell H. Imported malaria in the UK: advice given by general practitioners to British residents travelling to malaria endemic areas. J R Coll Gen Pract 1987 Feb;37(295):70–2.

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Référence 14

McCarthy M. Should visits to relatives carry a health warning? Lancet 2001 Mar 17;357(9259):862.

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