ARCHIVÉ : Annexe I : Manuel de pratique sensible à l'intention des professionnels de la santé : Leçons tirées des personnes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance – Demandes de renseignements sur la violence interpersonnelle

 

Annexe I : Le debat concernant les preuves à l'appui des demandes de renseigne ments sur la violence interpersonnelle

Les preuves empiriques ne laissent planer aucun doute au sujet de la forte prévalence de la violence sexuelle pendant l'enfance ou des liens existant entre les événements indésirables pendant l'enfance et les ennuis de santé à l'âge adulte. Cependant, il est moins certain que les praticiens et praticiennes de la santé doivent systématiquement évaluer la violence et les sévices présents ou passés dont le plus souvent la violence exercée par le partenaire intime (ou violence familiale) et la violence envers les enfants. Selon les constats formulés par trois études méthodiques provenant des États-Unis113, d'Angleterre124 et du Canada179, les preuves disponibles ne suffiraient pas à justifier une recommandation en vue du dépistage systématique de la violence familiale et/ou de la violence exercée par le partenaire intime. Par contre, tant l'Ordre des infirmières et infirmiers de l'Ontario116 que le Groupe de travail sur la violence exercée par le partenaire intime de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada152 ont publié des directives cliniques qui prônent l'évaluation systématique en tant que norme de pratique de la violence envers les femmes et de la violence exercée par le partenaire intime. En outre, les lignes directrices et recommandations existantes pour la gestion de diverses conditions prévoient l'évaluation des antécédents de mauvais traitementsp. ex.,4,5,6,10.

Section 2.5 Effets sur la santé de la violence sexuelle à l'endroit d'enfants

Ce débat est pertinent à toute discussion relative aux demandes de renseignements sur les antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance. Une personne ayant été exposée à des violences ou à de mauvais traitements pendant l'enfance court, à l'âge adulte, un risque accru de violence exercée par le partenaire intimep.ex.,15.

Étant assez fréquente, la présence simultanée des deux phénomènes donne à penser qu'il n'existe pas de cloison parfaitement étanche entre eux. Autrement dit, une personne qui dévoile des antécédents de violence exercée par le partenaire intime pourrait fort bien avoir subi des violences ou de mauvais traitements pendant l'enfance.

Bon nombre de spécialistes dont 56,152,181 contestent les conclusions des examens méthodiques précités. Leur désaccord tient en grande partie de la différence entre les concepts de demandes de renseignements sur la violence et de dépistage (qui, par définition, doit répondre à des critères stricts liés à l'absence de symptômes, à la spécificité, à la sensibilité, à la valeur prédictive positive, à la valeur prédictive négative, et ainsi de suite). Les opposants du dépistage universel font remarquer « l'absence de toute preuve de qualité attestant les bienfaits du dépistage ainsi que l'absence similaire de preuves démontrant que le dépistage ne cause aucun préjudice »181p.163 [traduction]. Les adeptes des demandes de renseignements systématiques sur la violence avancent que de telles demandes ne s'assimilent pas au dépistage, mais consistent plutôt « à poser des questions sur la violence familiale dans le cadre d'un échange consacré aux soins de santé »181p.163 [traduction]. Dans sa déclaration de consensus sur la violence exercée par le partenaire intime, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada reprend cette idée comme suit :

Le fait de poser aux femmes des questions sur la violence ne constitue pas une intervention de dépistage [c'est nous qui ajoutons l'italique] : les victimes ne sont pas asymptomatiques ; la divulgation ne constitue pas un résultat d'analyse, il s'agit bien d'un acte volontaire ; de plus, la présence ou l'absence de violence est indépendante de la volonté de la victime ; la plupart des interventions nécessaires pour la protection et le soutien des réchappées sont de nature sociétale et non médicale152.

Les trois études méthodiques ont fait porter leur examen sur les seules recherches qui répondaient aux critères établis pour le « dépistage ». Par conséquent, elles n'ont considéré qu'un pourcentage restreint des recherches existantes qui traitent de la violence exercée par le partenaire intime. Par exemple, des huit cent six sommaires ayant trait au dépistage de la violence exercée par le partenaire intime, seuls quatorze répondaient aux critères 113 d'inclusion fixés par Nelson et ses collaborateurs . De même, n'ont été considérés que deux des six cent soixante-sept sommaires d'essais sur le terrain portant sur la violence exercée par le partenaire intime56. À la lumière de ces observations, le Family Violence Prevention Fund Research Committee a tiré la conclusion suivante :

En raison de cette approche exagérément étroite à l'égard de la définition des questions de recherche les plus pertinentes, un vaste ensemble d'études sur la violence exercée par le partenaire intime a été ignoré. Les résultats les plus étroitement ciblés sont les préjudices, les décès et les handicaps. À l'inverse, la plupart des chercheurs et chercheuses dans le domaine s'attendraient à ce que les bienfaits mesurables (résultats souhaitables) englobent l'amélioration de la santé et de la sécurité des patients et patientes et de leurs enfants, l'amélioration des facteurs de protection ainsi que la diminution de la fréquence et de la gravité des sévices physiques et/ou psychologiques56p.2 [traduction].

Les auteurs du présent manuel de pratique croient que les recherches sur lesquelles se fonde leur ouvrage étayent davantage la thèse voulant que les demandes systématiques de renseignements sur les antécédents de violence ne causent aucun préjudice à la personne et favorisent l'amélioration de la santé de l'ensemble des patients et patientes à condition d'être faites de façon sensible et éclairée.

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