ARCHIVÉ : Chapitre 2 : Manuel de pratique sensible à l'intention des professionnels de la santé : Leçons tirées des personnes qui ont été victimes de violence sexuelle durant l'enfance – Quelques renseignements généraux
La violence sexuelle pendant l'enfance : quelques renseignements généraux
Définitions
Bien que l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents ou adolescentes constitue un acte criminel, la définition juridique de la violence sexuelle pendant l'enfance varie d'une autorité législative à l'autre. Cependant, il est généralement admis que la violence sexuelle pendant l'enfance englobe : (a) des actes sexuels commis avec des enfants ou des jeunes qui sont dépourvus de la maturité nécessaire et qui n'ont pas franchi le stade de développement affectif et cognitif requis pour comprendre ces actes ou pour y consentir ; et (b) « une condition abusive telle que la contrainte ou une différence d'âge marquée entre les parties, dénotant l'absence de rapport consensuel »61p.32 [traduction]. En règle générale, les enfants et les jeunes adolescents sont incapables de consentir à des actes sexuels avec des adultes, faute de maturité et de pouvoir relatif*. Une condition abusive suppose un rapport de force inégal entre l'agresseur ou l'agresseuse et la victime. Par ailleurs, les enfants peuvent subir de mauvais traitements aux mains d'autres enfants ou d'adolescents et d'adolescentes qui occupent une position dominante en raison de leur âge, de leur force, de leur expérience de la vie, de leur intelligence, de leur autorité ou de leur place dans la société. L'Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants a examiné huit formes de violence sexuelle à l'endroit d'enfants : la pénétration (pénétration du pénis, d'un doigt ou d'un objet dans le vagin ou l'anus) ; la tentative de pénétration ; les relations sexuelles orales ; les caresses des organes génitaux ; les activités où une personne adulte exhibe ses organes génitaux devant des enfants ; l'exploitation sexuelle (p. ex., la participation d'enfants à des actes de prostitution ou de pornographie) ; les conversations à caractère sexuel (y compris les suggestions de nature sexuelle et l'exposition d'enfants à du matériel pornographique) ; de même que le voyeurisme168 p.37.
Une condition abusive suppose un rapport de force inégal entre l'agresseur ou l'agresseuse et la victime.
La violence rituelle est une forme grave et controversée de violence qui désigne toute agression psychologique, sexuelle et/ou physique commise, à l'endroit d'une victime humaine qui s'y refuse, par une ou plusieurs personnes qui se conforment ainsi à un rituel visant à atteindre l'objectif précis ou à satisfaire les besoins perçus de leur dieu25,140.
Personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance
La violence sexuelle pendant l'enfance alimente un grand paradoxe, car si la conscience publique y attache aujourd'hui une plus grande importance, le phénomène demeure néanmoins enveloppé par le secret. La couverture médiatique accordée à des enquêtes et des révélations ayant retenu l'attention du public fournit la preuve de l'existence de la violence sexuelle pendant l'enfance. Celle-ci éclate dans de « bonnes » familles et au sein d'institutions « de confiance ». Elle touche des personnes de tout statut socioéconomique et sévit dans tous les groupes raciaux ou ethniques. Souvent, les personnes ayant survécu à une agression sexuelle font les manchettes ou alimentent les conversations. Il s'agit d'hommes et de femmes de toutes les couches de la société : étudiants ou étudiantes, personnalités sportives, membres du clergé, artistes de spectacle, éducateurs ou éducatrices, agents ou agentes de police, juges, hommes ou femmes politiques, praticiens ou praticiennes de la santé. Il s'agit de collègues, de voisins ou de voisines, d'amis ou d'amies. Il s'agit peut-être même de nous ou de membres de notre famille ! Malgré cette prévalence, la plupart des personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance échappent à notre regard, d'autant plus que la majorité d'entre elles plus de la moitié, selon les estimations refuseraient de partager le récit de leurs sévices avec qui que ce soit61,105. Pour certaines, ce silence est motivé par la crainte de représailles de la part d'agresseurs ou d'agresseuses. D'autres redoutent l'incrédulité, le blâme ou même les punitions que pourrait servir leur entourage55,112. D'autres encore se taisent parce qu'elles se croient, à tort, responsables des mauvais traitements qu'on leur a infligés.
Les personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance sont nos collègues, nos voisins ou voisines, nos amis ou amies. Peut-être s'agit-il de nous ou de membres de notre famille !
Jusqu'à un tiers de toutes les femmes auraient survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance alors que pour les hommes, cette proportion s'établirait à quatorze pour cent.
Annexe B Prévalence de la violence sexuelle à l'endroit d'enfants
Avant de poursuivre leur lecture, les praticiens et praticiennes de la santé qui ont eux-mêmes survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance sont priés de consulter la section 5.9 Entretien personnel des praticiens et praticiennes.
Selon les estimations les plus récentes et les plus fiables du taux de prévalence à tout âge de la vie, jusqu'à un tiers de toutes les femmes auraient survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance alors que pour les hommes, cette proportion s'établirait à quatorze pour cent23,29,61.
Auteurs ou auteures de violences sexuelles à l'endroit d'enfants
Les personnes ayant subi des sévices sexuels pendant l'enfance sont, à l'âge adulte, des hommes et des femmes de tout âge, de toute ethnicité, de toute profession, de tout niveau d'instruction, de tout niveau de revenu et de tout état matrimonial14,29,47,73,111,139. La plupart des études sur les infractions sexuelles se sont attardées aux agresseurs de sexe masculin. De fait, les sévices sexuels envers les enfants sont le plus souvent infligés par des hommes29,47,48,59. Cependant, des recherches récentes donnent à penser que la pratique de la violence sexuelle à l'endroit d'enfants serait plus courante chez les femmes que ne l'indiquent des études antérieures29,47,59. Les agresseurs ou agresseuses ont tous un point en commun : l'exercice, sur les victimes, d'une domination fondée sur la force, le pouvoir social et/ou l'autorité.
Dans son dernier rapport, l'Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants 2003 constate que, contrairement aux mauvais traitements physiques infligés aux enfants, les violences sexuelles sont avant tout le fait (dans trente-cinq pour cent des cas) de membres de la famille autres que les parents168 p.52. Les autres groupes d'agresseurs ou d'agresseuses sont : les amis ou amies de l'enfant ou ses camarades (quinze pour cent) ; les beaux- pères (treize pour cent) ; les pères biologiques (neuf pour cent) ; d'autres connaissances (neuf pour cent) ; les partenaires du parent ou de la parente (cinq pour cent) ; ainsi que les mères biologiques (cinq pour cent).
Dynamique de la violence sexuelle à l'endroit d'enfants
Tout rapport sexuel avec un enfant ou une enfant vise à satisfaire aux besoins de l'auteur ou de l'auteure, sans grand souci des répercussions sur l'enfant. Certains agresseurs ou agresseuses recourent à la force ou aux menaces explicites de préjudices pour contraindre leurs jeunes victimes à se soumettre. D'autres cultivent des relations à long terme avec leurs victimes et les façonnent soigneusement en leur donnant des cadeaux ou en leur portant une attention spéciale. La violence sexuelle pendant l'enfance ne s'accompagne pas toujours de préjudices corporels. Il s'agit d'une violation du corps, des limites personnelles et de la confiance21 qui donne généralement lieu à une expérience traumatisante pour la victime81.
Les personnes qui font état d'antécédents de violence sexuelle pendant leur enfance courent un risque accru d'éprouver un large éventail de problèmes à l'âge adulte. Cependant, certaines études concluent « que de vingt à quarante pour cent des personnes disant avoir subi des violences sexuelles pendant l'enfance ne souffrent, à l'âge adulte, d'aucune dysfonction mesurable qui pourrait être liée de façon plausible à ces mauvais traitements »59 p.89,60 [traduction]. De nombreux facteurs influencent la réaction précise d'une personne aux violences sexuelles subies pendant l'enfance. Il s'agit notamment du nombre d'agresseurs ou d'agresseuses et de leur sexe, de la nature et de la proximité de la relation entre la victime et ces personnes, de la durée et de la fréquence des mauvais traitements, des caractéristiques de ces derniers (p. ex., absence ou présence de contact ou de pénétration), du recours à la force ou aux menaces ainsi que de l'âge de la victime au moment de l'agression16,27,29.
Annexe C Dynamique traumagénique de la violence sexuelle pendant l'enfance
Effets sur la santé de la violence sexuelle à l'endroit d'enfants
Les praticiens et praticiennes de la santé n'interrogent pas invariablement leurs patients et patientes à propos de la violence sexuelle pendant l'enfance. Ainsi, les répercussions à long terme de cette violence ne sont pas pleinement reconnues, les ennuis de santé connexes font l'objet d'un mauvais diagnostic, et les traitements qui en résultent ne s'inscrivent pas dans une démarche sensible et intégrée.
Les personnes qui font état d'antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance ne souffrent pas toutes d'ennuis de santé. Cependant, bon nombre d'entre elles éprouvent des troubles physiques, des troubles du comportement et des troubles psychologiques chroniques qui les poussent à recourir souvent aux services de praticiens et de praticiennes de la santé. Ces derniers n'interrogent pas invariablement ces personnes à propos de la violence sexuelle pendant l'enfance. Ainsi, les répercussions à long terme de cette violence ne sont pas pleinement reconnues, les ennuis de santé connexes font l'objet d'un mauvais diagnostic et, dans bien des cas, les traitements qui en résultent ne s'inscrivent pas dans une démarche sensible et intégrée.
Pendant l'enfance, la violence sexuelle se conjugue souvent à d'autres types d'événements indésirables, qu'il s'agisse de violence physique, de difficultés conjugales, de la séparation ou de la perte de parents ou de parentes, d'une psychopathologie et/ou d'une consommation abusive d'alcool ou d'autres drogues chez ces derniers ainsi que d'autres formes de négligence et de mauvais traitements29,59,107. Même en contrôlant l'effet des variables que constituent ces événements indésirables, la violence sexuelle pendant l'enfance demeure une importante variable explicative des ennuis de santé à l'âge adulte28,31,167,183. Décrivant le mécanisme qui sous-tendrait l'apparition de tels ennuis, d'aucuns croient que « la violence sexuelle pendant l'enfance disloque le sentiment d'identité de la victime et complique ses relations avec les autres, minant ainsi la capacité de l'enfant de réguler ses réactions aux événements stressants et entraînant d'autres défis sur le plan interpersonnel et émotionnel »107 p.753 [traduction]. Pour sa part, Kathleen Kendall-Tackett décrit en ces termes les cheminements comportementaux, émotionnels, sociaux et cognitifs qu'emprunte la violence envers les enfants pour influencer la santé : « Les adultes ayant survécu à une agression sexuelle risquent d'être touchés par l'un de ces quatre cheminements ou par chacun d'eux, attendu que les cheminements s'influencent mutuellement. À vrai dire, les cheminements forment une matrice complexe de rapports mutuels qui, tous, pèsent sur la santé »92 p.716 [traduction]. Par ailleurs, des recherches en immunologie, en endocrinologie et en médecine psychosomatique ont démontré l'existence de liens psychologiques manifestes entre le stress, les affections et la maladiep. ex.,71,95,101,104.
La croyance très répandue voulant que les hommes fassent rarement l'objet de violences sexuelles et que la violence sexuelle pendant l'enfance ait peu de répercussions sur eux incite les garçons et les hommes à ne pas divulguer les sévices qu'ils subissent, empêchant du coup la société de légitimer le problème que posent ces mauvais traitements.
Chapitre 3 L'expérience des personnes ayant survécu à une agression sexuelle pendant l'enfance : élément d'une rencontre de santé
Chapitre 8 Lignes directrices pour la pratique sensible : divulgation
Le Tableau 1 dresse une liste de constats tirés d'une série d'études considérant la corrélation entre les antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance, d'une part, et la santé et le fonctionnement des sujets plus tard dans leur vie, d'autre part. En grande majorité, les recherches qui abordent ces relations se sont intéressées à des femmes. Là où la recherche s'attarde aux hommes ayant survécu à une agression sexuelle, elle a surtout considéré le rapport entre les sévices passés et la santé mentale des sujets. Selon Guy Holmes, Liz Offen et Glenn Waller85, la croyance très répandue voulant que les hommes fassent rarement l'objet de violences sexuelles et que la violence sexuelle pendant l'enfance ait peu de répercussions sur eux incite les garçons et les hommes à ne pas divulguer les sévices qu'ils subissent, empêchant du coup la société de légitimer le problème que posent ces mauvais traitements. La reconnaissance sociale grandissante de la prévalence et de la gravité de la violence sexuelle à l'endroit des garçons aura pour résultat probable une multiplication des recherches consacrées aux corrélats de cette violence sur le plan de la santé.
Tableau 1 - Indicateurs de santé et de fonctionnement pour lesquels existe une corrélation avec des antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance : liste sélective de constats tirés d'études de recherche
Chez les femmes, on observe une corrélation entre les antécédents de violence sexuelle ou un éventail de traumas subis pendant l'enfance et :
- une piètre santé, une santé mentale fragile et une mauvaise qualité de vie (sur le plan de la santé) par rapport aux personnes n'ayant pas subi de traumatisme58, 167, 176 ;
- les douleurs pelviennes chroniques 128 ;
- les troubles gastro-intestinaux 52, 141 ;
- les douleurs lombaires rebelles 145 ;
- les maux de tête chroniques 57 ;
- la multiplication des invalidités fonctionnelles, des symptômes physiques, des diagnostics codés par les médecins ainsi que des comportements posant un risque pour la santé (conduite avec facultés affaiblies, pratiques sexuelles à risque, obésité et autres)176 ;
- la cardiopathie ischémique, les maladies du c ur, le cancer, les affections pulmonaires chroniques, les fractures du squelette et les maladies du foie58 ;
- des niveaux élevés de phobie du dentiste ou de la dentiste 177, 185 ;
- une consommation plus marquée de services médicaux 33, 87, 102, 114, 149, 178 ;
- la consommation d'alcool ou d'autres drogues, l'automutilation, le suicide et les troubles de l'alimentation155 ;
- l'apparition, à l'âge adulte, de quatorze troubles de l'humeur, troubles anxieux ou troubles d'alcoolisme et de toxicomanie107;
- des taux élevés de troubles mentaux pendant l'enfance, de troubles de la personnalité, de troubles anxieux et de troubles affectifs graves (excluant la schizophrénie)153;
- le diagnostic du trouble de la personnalité limite 79, 82, 100.
Chez les hommes, on observe une corrélation entre les antécédents de violence sexuelle pendant l'enfance et :
- l'anxiété, la dévalorisation, la honte et le sentiment de culpabilité, la dépression, le syndrome de stress post-traumatique, l'isolement social et les comportements de retrait, les flashbacks, le trouble dissociatif de l'identité, l'engourdissement émotionnel, la colère et l'agressivité, l'hyper-vigilance, la passivité de même que le souci anxieux de plaire aux autres20, 26, 30, 44, 146;
- l'apparition, à l'âge adulte, de cinq troubles de l'humeur, troubles anxieux ou troubles d'alcoolisme et de toxicomanie107;
- la consommation d'alcool ou d'autres drogues, l'automutilation, le suicide, la dépression, la rage, les relations tendues, les problèmes d'identité et de concept de soi de même qu'un malaise à l'égard des activités sexuelles48, 53, 132, 160;
- un risque accru d'infection à VIH 3 ;
- l'anxiété et la confusion à propos de l'identité sexuelle et de l'orientation sexuelle 85, 132 ;
- un risque accru d'extériorisation agressive 85 ;
- les démêlés avec le système de justice pénale 85, 96.
* Le Code criminel fixe à dix-huit ans l'âge requis pour consentir à une activité sexuelle qui comporte une forme d'exploitation, à savoir une activité fondée sur la prostitution ou la pornographie ou une activité mettant en cause un partenaire ou une partenaire avec qui prévaut une relation fondée sur la confiance, l'autorité ou la dépendance. L'âge requis pour consentir à une activité qui ne comporte aucune forme d'exploitation est fixé à seize ans. Il existe cependant des exceptions. Ainsi, une personne de douze ou treize ans peut consentir à une activité sexuelle ne comportant aucune forme d'exploitation si son partenaire ou sa partenaire est de moins de deux ans son aîné ou son aînée. Une personne de quatorze ou quinze ans peut consentir à une activité sexuelle ne comportant aucune forme d'exploitation si son partenaire ou sa partenaire est de moins de cinq ans son aîné ou son aînée. Une personne de quatorze ou quinze ans peut également consentir à une activité sexuelle avec une personne avec qui elle est mariée. Les lois relatives à l'âge requis pour consentir à une activité sexuelle ne comportant aucune forme d'exploitation sont en vigueur depuis le 1er mai 2008. Des dispositions transitoires permettent à une personne de quatorze ou quinze ans qui avait un conjoint ou une conjointe de fait le 1er mai 2008 de continuer de pratiquer des activités sexuelles ne comportant aucune forme d'exploitation.
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