Les principales inégalités en santé au Canada – Sommaire exécutif

Des inégalités en santé existent au Canada, elles sont persistantes, et dans certains cas, elles s'accentuent Note de bas de page 1 Note de bas de page 2 Note de bas de page 3. Un grand nombre d'entre elles sont la conséquence des désavantages relatifs dont souffrent certaines personnes et certains groupes sur les plans social, politique et économique. De telles inégalités influencent la probabilité qu'une personne soit en bonne santé et le demeure tout au long de sa vie Note de bas de page 4. Les inégalités en matière d'issues de santé ou l'accès aux ressources qui favorisent la santé peuvent être considérées comme injustes et inéquitables si elles sont systématiques (autrement dit, que des différences similaires sont invariablement présentes entre les groupes démographiques) et qu'une action collective permettrait vraisemblablement de les éliminer ou de les atténuer Note de bas de page 5 Note de bas de page 6 Note de bas de page 7.

Le présent rapport décrit l'importance et la répartition des principales inégalités en santé au Canada, ce qui représente une étape essentielle d'une démarche de promotion de l'équité en santé. Ce rapport est un produit de l'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé, une collaboration de l'Agence de la santé publique du Canada, du Réseau pancanadien de santé publique, de Statistique Canada et de l'Institut canadien d'information sur la santé.

L'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé vise à renforcer la capacité de mesure, de surveillance et d'établissement de rapports en ce qui concerne les inégalités en santé au Canada. Elle a pour vocation d'appuyer les activités de recherche et de surveillance, d'éclairer les décisions relatives aux politiques et aux programmes pour réduire plus efficacement les inégalités en santé, et de rendre possible le suivi des progrès réalisés au fil du temps.

Les fondements théoriques de l'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé s'inspirent d'un cadre conceptuel élaboré à l'origine par la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la Santé Note de bas de page 8. Ce cadre souligne le rôle majeur que jouent les grands facteurs politiques, économiques et sociaux (p. ex. les systèmes de gouvernance; les politiques publiques, sociales et macroéconomiques; les normes et valeurs sociétales) dans la création et la consolidation de hiérarchies sociétales. Ces différences dans les positions socioéconomiques déterminent les conditions physiques et sociales qui influent sur la santé et dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent. Ces conditions comprennent les circonstances matérielles (p. ex. le niveau de vie et les normes relatives au logement; les conditions de travail; les commodités et la sécurité du voisinage); les facteurs psychosociaux (p. ex. le stress au travail; les liens sociaux ou l'isolement social; l'accès à un soutien social); les comportements liés à la santé (p. ex. l'alimentation; l'activité physique; la consommation d'alcool et de tabac); et les facteurs biologiques (y compris les facteurs génétiques). Par les interactions entre ces divers domaines, les processus d'inégalité sociale engendrent des inégalités dans les issues de santé et de bien-être.

En s'appuyant sur un ensemble d'indicateurs proposés par le Réseau pancanadien de santé publique en 2010, l'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé a rassemblé des données sur plus de 70 indicateurs portant sur les issues de santé, des facteurs de risque et des déterminants sociaux de la santé. Ces indicateurs ont été désagrégés de manière systématique selon différentes variables socioéconomiques et sociodémographiques (« les groupes de stratification sociale ») qui étaient pertinentes du point de vue de l'équité en santé (voir la figure 1).

Figure 1. Résumé de la démarche d'analyse de l'Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé

Indicateurs État de santé

Indicateurs :

  • Espérance de vie et espérance de vie ajustée en fonction de l'état de santé
  • Mortalité et incapacité
  • Santé mentale et physique perçue
  • Maladies infectieuses et chroniques
Déterminants de la santé

Indicateurs :

  • Comportements liés à la santé
  • Développement de la petite enfance
  • Environnements physiques et sociaux
  • Conditions de travail
  • Accès aux soins de santé
  • Protection sociale
  • Inégalités sociales
↓↓↓
Stratificateurs sociaux Statut socioéconomique
  • Revenu
  • Niveau de scolarité
  • Emploi
  • Profession
  • Défavorisation matérielle et sociale
Peuples autochtones
  • Premières Nations
  • Inuits
  • Métis
Lieu de résidence
  • Rural ou urbain
Groupe de la population
  • Âge
  • Statut d'immigrant
  • Orientation sexuelle
  • Santé fonctionnelle
  • Origine culturelle ou raciale
Sexe : Homme ou femme
Région : Échelle nationale ou provinciale/territoriale

Le portrait dressé des inégalités en santé au Canada peut être examiné par l'intermédiaire de l'Outil de données sur les inégalités en santé. Il s'agit d'une base de données interactive en ligne

Puisant dans l'ensemble des issues de santé et des déterminants de la santé qui figurent dans l'Outil de données, le présent rapport met en avant les observations se rapportant à 22 indicateurs. Ces indicateurs représentent quelques-unes des inégalités en santé les plus prononcées et répandues au Canada et pourraient constituer des domaines prioritaires pour une action initiale (voir la figure 2).

Figure 2. Liste des indicateurs du rapport Les principales inégalités en santé au Canada
Domaine de l'indicateur Indicateur
Issues de santé
  • Espérance de vie à la naissance
  • Espérance de vie ajustée en fonction de l'état de santé
  • Mortalité infantile
  • Mortalité attribuable à des blessures non intentionnelles
  • Mortalité attribuable au suicide
  • Santé mentale perçue (passable ou mauvaise)
  • Taux d'hospitalisations liées à la santé mentale
  • Arthrite
  • Asthme
  • Diabète (à l'exception du diabète gestationnel)
  • Incapacité
  • Incidence du cancer du poumon
  • Obésité
  • Santé buccodentaire (incapacité de mâcher)
  • Tuberculose
Déterminants de la santé A :

conditions de vie

  • Consommation d'alcool (consommation abusive)
  • Tabagisme
  • Logement non conforme aux normes
  • Exposition à la fumée secondaire à la maison
Déterminants de la santé B :

facteurs structurels

  • Développement de la petite enfance (Instrument de mesure du développement de la petite enfance)
  • Insécurité alimentaire
  • Travailleurs à faible revenu

Les indicateurs des déterminants de la santé peuvent être des conditions de vie telles qu'une consommation élevée d'alcool, le tabagisme et l'exposition à la fumée secondaire, le développement de la petite enfance et logement non conforme aux normes. De même, des facteurs structurels, tels que l'insécurité alimentaire et la pauvreté au travail, peuvent être des indicateurs des déterminants de la santé.

Les indicateurs qui figurent dans le présent rapport ont été sélectionnés d'après plusieurs éléments, dont leur capacité à :

  • révéler des inégalités particulièrement prononcées et répandues au sein des groupes de la population;
  • englober un vaste éventail d'issues de santé, de comportements liés à la santé et de déterminants sociaux plus généraux de la santé;
  • permettre une ventilation systématique des données en fonction des principaux groupes de la population;
  • être utiles pour les politiques et donner lieu à des mesures concrètes.

Déterminants sociaux de la santé et inégalités en santé - perspectives autochtones

Préparé par le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations et le Ralliement national des Métis

Traditionnellement, les Autochtones ont une conception équilibrée et globale de la santé, dans laquelle sont liées les dimensions spirituelles, émotionnelles, mentales et physiques. De même, les déterminants de la santé des Autochtones sont considérés comme étant étroitement interreliés Note de bas de page 9 Note de bas de page 10 Note de bas de page 11. Ces déterminants peuvent être proximaux (comportements liés à la santé), intermédiaires (infrastructures communautaires, réseaux de parenté, relation à la terre, langue, cérémonies, partage des connaissances) ou structurels (fondements historiques, politiques, idéologiques, économiques et sociaux, y compris les éléments favorables tels que l'autodétermination, la spiritualité et les visions du monde autochtones) Note de bas de page 11 Note de bas de page 12. Pour les Métis en particulier, la compréhension des déterminants de la santé repose sur l'intégration des systèmes de connaissances autochtones et occidentaux afin de tirer de manière holistique des récits, expériences, informations et données disponibles de ces deux « modes de connaissance » ancestraux Note de bas de page 10.

Pour comprendre les inégalités en santé qui existent entre les Autochtones et les non-Autochtones, il faut les situer dans le contexte des conditions historiques, politiques, sociales et économiques qui ont influencé la santé des Autochtones Note de bas de page 13. La structure coloniale, qui visait à assimiler les Autochtones à la culture eurocanadienne dominante, est largement responsable de la déstabilisation des déterminants de la santé des Autochtones Note de bas de page 13. Le déplacement forcé des Premières Nations dans des collectivités éloignées et des réserves inhabitables et dépourvues de ressources; les prétentions des pouvoirs coloniaux sur les régions traditionnelles riches en ressources; l'oppression des Premières Nations découlant de la Loi sur les Indiens; l'héritage destructeur des pensionnats indiens et de la rafle des années 1960; la discrimination systémique contre tous les peuples autochtones sur le plan social et en matière de justice pénale, de soins de santé et d'emploi, de même que le manque d'investissements publics ou privés dans le développement économique des collectivités autochtones sont autant d'exemples de la manière dont la structure coloniale a participé à l'émergence des inégalités en santé qui existent aujourd'hui Note de bas de page 11 Note de bas de page 14. En plus de cette expérience vécue du colonialisme, du racisme et des obstacles à l'autodétermination, les inégalités en santé chez les Métis ont aussi été particulièrement influencées par l'exclusion sociale et la perte de langues autochtones due à l'assimilation culturelle Note de bas de page 10 Note de bas de page 12.

Les indicateurs retenus dans le présent rapport aident à faire ressortir les inégalités en santé entre les Autochtones et les non-Autochtones, ainsi qu'à évaluer les progrès réalisés en vue d'éliminer ces inégalités. Cependant, ces indicateurs quantitatifs, qui sont en grande partie basés sur les déficits, n'intègrent pas adéquatement les conceptions autochtones de la santé et du mieux-être. Ces indicateurs sont insuffisants pour créer des programmes et des politiques qui contribuent à l'amélioration de la santé de la population autochtone. Ils peuvent même s'avérer néfastes s'ils sont mal utilisés, dans la mesure où ils risquent de perpétuer des stéréotypes négatifs envers les Autochtones Note de bas de page 15 Note de bas de page 16. De plus, sans contexte explicatif approprié au sujet des facteurs structurels qui ont eu une incidence sur les collectivités autochtones (p. ex. le financement inadéquat des infrastructures ou encore les politiques discriminatoires qui limitent l'accès aux prêts ou au financement hypothécaire), les indicateurs qui ne portent que sur les problèmes présents dans ces collectivités peuvent accentuer les attitudes discriminatoires à l'endroit des Autochtones. En fin de compte, pour que la planification et les interventions soient efficaces, les indicateurs doivent être propres aux Autochtones et issus de la communauté. Ils doivent tenir compte des ressources, des récits et des visions du monde holistiques des Autochtones Note de bas de page 16. Une approche équilibrée qui définit les facteurs de protection, tels que la résilience, l'autodétermination et l'identité, offre une meilleure compréhension de la question et peut s'avérer plus efficace pour outiller des personnes ou une collectivité et les inciter à améliorer leur santé.

Le présent rapport s'appuie sur un certain nombre d'enquêtes nationales et de bases de données administratives pour donner corps aux indicateurs, notamment l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, la Base canadienne de données sur l'état civil et le Registre canadien du cancer. Si bon nombre de ces sources contiennent des données sur les membres des Premières Nations vivant hors réserve, les Métis et les Inuits, la plupart d'entre elles excluent les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et dans les collectivités du Nord. L'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations, la seule enquête nationale sur la santé à être dirigée par les membres des Premières Nations au Canada, contribue à pallier cette lacune. Le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations a coordonné l'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations, avec le concours de ses dix partenaires régionaux. L'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations recueille des renseignements sur les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et dans les collectivités du Nord, en s'appuyant à la fois sur les conceptions occidentales et traditionnelles de la santé et du bien-être. Dans le cadre du présent rapport, le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations a fourni, le cas échéant, les données nationales de l'Enquête régionale sur la santé des Premières Nations et des renseignements contextuels sur les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et dans les collectivités du Nord. L'Agence de la santé publique du Canada a travaillé en partenariat avec le Centre de gouvernance de l'information des Premières Nations pour veiller à ce que l'inclusion des données sur les Premières Nations vivant dans les réserves soit conforme aux principes PCAP®des Premières Nations (propriété, contrôle, accès et possession).

Constats

Dans l'ensemble, des inégalités en santé substantielles ont été constatées parmi les Autochtones, les minorités sexuelles et raciales, les immigrants et les personnes ayant des limitations fonctionnelles. On note également l'existence d'un gradient des inégalités en fonction du statut socioéconomique (revenu, niveau de scolarité, emploi et situation professionnelle) pour de nombreux indicateurs. Certaines populations (en particulier, celles ayant un statut socioéconomique plus faible, ainsi que les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis) ont obtenu systématiquement des résultats plus défavorables, alors que d'autres groupes (dont les immigrants récents et les minorités raciales) ont affiché des résultats contrastés quant aux comportements liés à la santé, aux issues de santé et aux déterminants structurels de la santé.

Issues de santé

Espérance de vie et mortalité. Des gradients socioéconomiques évidents ont été remarqués pour l'ensemble des indicateurs de l'espérance de vie et de la mortalité. L'espérance de vie et l'espérance de vie ajustée en fonction de l'état de santé étaient systématiquement inférieures chez les habitants des régions à faible revenu, les personnes moins scolarisées et celles dont la défavorisation matérielle et sociale était plus importante. En outre, dans ces groupes, la mortalité infantile et la mortalité attribuable à des blessures non intentionnelles étaient invariablement plus élevées. De même, les résultats associés à ces indicateurs étaient moins bons dans les régions comptant une concentration élevée de membres des Premières Nations, d'Inuits ou de Métis. Des gradients socioéconomiques comparables étaient présents en fonction du revenu, du niveau de scolarité et de la défavorisation matérielle et sociale en ce qui concerne la mortalité attribuable au suicide. Cette dernière était aussi relativement fréquente dans les régions où la concentration de membres des Premières Nations, d'Inuits et de Métis était élevée, en particulier chez les hommes dans les régions où une forte proportion de personnes indiquent être des Inuits. Dans tous les groupes de stratification sociale, la mortalité attribuable au suicide était plus élevée chez les hommes que chez les femmes.

Santé mentale et maladie mentale. Une faible autoévaluation de la santé mentale a été constatée plus souvent parmi les personnes ayant le plus faible revenu, un faible niveau de scolarité et une profession non qualifiée ou semi-qualifiée. Le niveau de santé mentale autodéclarée diminuait à mesure que les gradients socioéconomiques augmentaient. Une faible autoévaluation de la santé mentale était également plus fréquente chez les personnes qui ont déclaré être bisexuelles ou homosexuelles par rapport à celles qui ont indiqué être hétérosexuelles.

De la même manière, on constate des gradients socioéconomiques évidents en ce qui concerne les hospitalisations liées à la santé mentale, dont les taux progressaient à chaque baisse de palier du revenu du quartier et du niveau de scolarité, et à chaque augmentation du niveau de défavorisation matérielle et sociale. Par ailleurs, dans les régions où une concentration élevée de personnes indiquaient être des Métis, des Inuits ou des membres des Premières Nations, le taux d'hospitalisations liées à la santé mentale était de deux à trois fois supérieur au taux dans les régions où la concentration d'Autochtones déclarés était faible.

Issues par cause. En comparaison des adultes qui occupaient un emploi, les personnes ayant une incapacité permanente de travailler ont été significativement plus nombreuses à déclarer être atteintes d'arthrite, d'asthme et de diabète. De la même façon, les personnes ayant un revenu et un niveau de scolarité plus faibles signalaient invariablement une prévalence plus élevée de ces maladies chroniques que les personnes appartenant aux groupes de statuts socioéconomiques supérieurs. L'arthrite, l'asthme et l'obésité étaient moins courants chez les Canadiens issus de l'immigration, particulièrement les immigrants récents (se trouvant au Canada depuis dix ans ou moins), que chez les Canadiens de naissance. Cependant, la prévalence du diabète était supérieure chez les immigrants de longue date que chez les non-immigrants.

Des inégalités touchent également les Autochtones en ce qui a trait aux issues par cause. La prévalence de l'arthrite, de l'asthme, du diabète et de l'obésité dans la population adulte était plus élevée chez les Premières Nations vivant hors réserve, les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et les collectivités du Nord et les Métis, en comparaison des non-Autochtones. La prévalence de l'obésité était également plus élevée chez les Inuits adultes que chez les Canadiens non autochtones. Les résultats liés à d'autres causes particulières n'atteignaient pas le seuil de signification statistique.

Les inégalités relatives à l'incapacité et à une mauvaise santé buccodentaire (incapacité de mâcher) étaient particulièrement marquées entre les groupes socioéconomiques (selon la situation d'emploi, le niveau de scolarité et le niveau de revenu).

Enfin, selon les données sur les cas déclarés, l'incidence de la tuberculose active était extrêmement élevée chez les Inuits : dans cette population, le taux d'incidence représentait près de 300 fois celui constaté chez les Canadiens de naissance non autochtones. Le taux d'incidence de la tuberculose active était aussi très élevé chez les membres des Premières Nations vivant dans les réserves (32 fois le taux pour les Canadiens de naissance non autochtones) et chez les Canadiens nés à l'étranger (20 fois le taux pour les Canadiens de naissance non autochtones).

Déterminants de la santé : les conditions de vie

Comportements liés à la santé. Un fort gradient socioéconomique était manifeste pour ce qui concerne le tabagisme, l'exposition à la fumée secondaire à la maison et l'incidence du cancer du poumon. Ces trois indicateurs augmentaient lorsque les niveaux de revenu, de scolarité et de qualification professionnelle (dans le cas du tabagisme et de la fumée secondaire) diminuaient, ainsi qu'à mesure que la défavorisation sociale et matérielle du quartier augmentait (dans le cas de l'incidence du cancer du poumon). La prévalence du tabagisme chez les adultes sans diplôme d'études secondaires représentait près de quatre fois la prévalence chez les diplômés universitaires. La prévalence parmi les travailleurs non qualifiés représentait plus de deux fois la prévalence parmi les professionnels. De même, l'exposition à la fumée secondaire était significativement plus élevée dans les catégories inférieures de revenu, de situation professionnelle et de scolarité.

À l'inverse, la consommation élevée d'alcool était plus fréquente parmi les personnes disposant d'un revenu supérieur. Exprimée en fonction du niveau de scolarité, la prévalence de la consommation abusive d'alcool était la plus faible parmi les diplômés universitaires, alors qu'elle était comparable dans les autres groupes. La forte consommation d'alcool était environ trois fois plus fréquente chez les adultes blancs que chez les Canadiens noirs et les Canadiens asiatiques de l'Est ou du Sud-Est, asiatiques du Sud et arabes ou asiatiques de l'Ouest. La prévalence d'une consommation élevée d'alcool et du tabagisme était aussi plus grande parmi les Inuits, les Métis et les membres des Premières Nations vivant dans les réserves ou hors réserve, que parmi les non-Autochtones.

Environnements physiques et sociaux. Au Canada, la prévalence du logement non conforme aux normes était près de 7,5 fois plus élevée dans le groupe dont les revenus sont les plus faibles que dans celui ayant les revenus les plus élevés. La prévalence diminuait graduellement à mesure que l'on passait des revenus les plus faibles aux plus élevés. Les immigrants récents ont déclaré du logement non conforme aux normes deux fois plus souvent que les non-immigrants; cette inégalité était encore plus marquée entre les immigrants récents appartenant à une minorité visible et les non-immigrants n'appartenant pas à une minorité visible.

Déterminants de la santé : les facteurs structurels

Développement de la petite enfance. La proportion de jeunes enfants en situation de vulnérabilité sur le plan du développement était plus de deux fois plus supérieure dans les quartiers les plus défavorisés sur le plan matériel et social que dans les quartiers les moins défavorisés. De même, il y avait une proportion deux fois supérieure d'enfants vulnérables parmi ceux que leur professeur avait déclaré être autochtone que parmi les non-Autochtones. Ici aussi, un gradient socioéconomique était manifeste : la prévalence de la vulnérabilité sur le plan du développement augmentait à mesure que le niveau de scolarité et les revenus du quartier diminuaient.

Inégalités sociales. Un faible statut socioéconomique était fortement associé aux facteurs structurels de l'inégalité. Par exemple, l'insécurité alimentaire des ménages découlant de contraintes financières augmentait radicalement à mesure que le revenu du ménage diminuait : la prévalence parmi les adultes était près de 30 fois supérieure dans le groupe ayant les revenus les plus faibles comparativement au groupe ayant les revenus les plus élevés. Chez les adultes appartenant à un ménage dans lequel aucun membre ne possédait de diplôme d'études secondaires, la prévalence de l'insécurité alimentaire représentait 8,5 fois la prévalence chez les adultes dont le ménage comptait au moins un diplômé universitaire. L'insécurité alimentaire était 3,7 fois plus fréquente chez les Inuits adultes que chez les adultes non autochtones, 2,7 fois plus fréquente chez les adultes des Premières Nations hors réserve que chez les adultes non autochtones, et 2,2 fois plus fréquente chez les Métis adultes que chez les adultes non autochtones. La prévalence de l'insécurité alimentaire des ménages était également élevée parmi les membres des Premières Nations vivant dans les réserves et dans les collectivités du Nord, mais des limites méthodologiques empêchent sa comparaison directe avec la prévalence dans la population non autochtone. La prévalence de l'insécurité alimentaire des ménages parmi les adultes se déclarant bisexuels représentait près de trois fois la prévalence parmi les adultes se déclarant hétérosexuels. La prévalence de la pauvreté au travail était nettement plus élevée chez les Canadiens sans diplôme d'études secondaires, les membres des Premières Nations vivant hors réserve, les immigrants récents et les minorités raciales.

Discussion et répercussions

La population du Canada compte parmi les plus en santé du monde. Cependant, comme le montre le présent rapport, les Canadiens ne bénéficient pas tous également d'une bonne santé. Certaines des inégalités observées rejoignent ce que d'autres recherches ont montré au sujet des déterminants sociaux de la santé et de l'équité en santé, tandis que d'autres inégalités restent à analyser plus en profondeur. Quoi qu'il en soit, la persistance, l'ampleur et l'importance des inégalités en santé au Canada plaident en faveur d'une action à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société. Au cours des dernières décennies, les preuves se sont accumulées à l'échelle mondiale à l'égard des approches efficaces pour réduire les inégalités. Ces travaux ont mis en lumière des principes clés d'intervention et des pratiques prometteuses qui peuvent être adaptés pour faire progresser l'équité en santé dans le contexte canadien.

  1. Adopter une approche axée sur les droits de la personne pour agir sur les déterminants sociaux de la santé et l'équité en santé. Une approche axée sur les droits de la personne présuppose que l'accès équitable aux possibilités liées à la santé, au bien-être et à leurs déterminants constitue une question d'équité et de justice. Le droit à la santé est spécifiquement reconnu dans un certain nombre de pactes et de conventions des Nations Unies auxquels le Canada participe, notamment le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. La mise en œuvre d'une approche de la santé axée sur les droits de la personne peut être soutenue par des mesures cohérentes, participatives et fondées sur des données probantes dans tous les secteurs et paliers gouvernementaux. Cela peut comprendre l'élaboration d'interventions pertinentes et efficaces en collaboration avec les collectivités les plus touchées par les inégalités en santé.
  2. Intervenir à travers le parcours de vie grâce à des politiques fondées sur des données probantes et à des services sociaux et de santé appropriés sur le plan culturel. Les avantages et les désavantages en ce qui concerne la santé et la répartition de ses déterminants sociaux s'accumulent pendant la vie d'une personne et au fil des générations. Les interventions réalisées à différentes étapes de la vie, particulièrement au cours des périodes les plus cruciales ou délicates (p. ex. les premières années) peuvent avoir une influence considérable sur les résultats en santé et sur l'équité en santé.
  3. Intervenir à la fois sur les déterminants proximaux (en aval) et distaux (en amont) de la santé et de l'équité en santé. Les mesures de santé publique qui agissent sur les déterminants comportementaux à l'échelle individuelle peuvent accroître involontairement les inégalités en santé en l'absence d'interventions complémentaires qui ciblent les facteurs environnementaux, culturels, politiques et socioéconomiques « en amont ».
  4. Déployer une combinaison d'interventions ciblées et d'interventions ou de politiques universelles. Les interventions sous la forme de programmes ou de politiques peuvent cibler expressément les personnes dont les issues de santé sont les plus faibles et dont le désavantage social est le plus grand. Autrement, elles peuvent être conçues pour un déploiement universel dans toute la population et être mises en œuvre à différents degrés d'intensité en fonction des besoins de sous-groupes particuliers (« universalisme proportionné »). Le fait de coupler interventions ciblées et interventions universelles contribue à garantir que les effets des interventions ciblées ne seront pas « balayés » par des conditions générales qui perpétuent les inégalités.
  5. S'occuper à la fois des contextes matériels (conditions de vie, de travail et environnementales) et des processus socioculturels de pouvoir, de privilège et d'exclusion (les modalités de perpétuation des inégalités sociales au cours de la vie et au fil des générations). La défavorisation matérielle et les processus socioculturels qui perpétuent les privilèges et les désavantages, de même que l'inclusion et l'exclusion jouent un rôle important dans la création et la consolidation des inégalités sociales et en santé. En plus d'influer sur les conditions matérielles, des mesures efficaces pour l'équité en santé doivent renforcer l'autonomie des communautés défavorisées et combattre les processus délétères de marginalisation et d'exclusion (p. ex. la stigmatisation et la discrimination systémiques) qui sont incorporés dans les hiérarchies de pouvoir et des privilèges.
  6. Mettre en œuvre une approche plaçant « la santé dans toutes les politiques ». Nombre des leviers politiques qui ont une incidence sur les déterminants sociaux de la santé se situent en dehors du secteur de la santé; par conséquent, seule une action collaborative avec d'autres acteurs permettra d'agir sur ceux-ci. Devant ce constat, l'Organisation mondiale de la Santé a élaboré le cadre dit de « la santé dans toutes les politiques », dans le but d'aider les secteurs gouvernementaux à prendre systématiquement en compte les répercussions sur la santé de leurs décisions stratégiques, afin de mieux prévenir les conséquences néfastes sur la santé et d'améliorer la santé de la population et l'équité en santé.
  7. Effectuer une surveillance et une évaluation continues. L'amélioration de la santé de la population et de l'équité en santé nécessite des données probantes actuelles, systématiques et robustes, qui éclairent les décideurs, les praticiens, les organisations communautaires et les citoyens au sujet de la répartition de la santé et des déterminants de la santé dans les sous-populations, et au sujet de la manière dont les politiques et les interventions influent sur la santé et l'équité en santé. La surveillance continue des inégalités en santé et de leurs déterminants, de même que la production de rapports sur leur l'ampleur et l'évolution aident les acteurs publics à évaluer les progrès.

Au bout du compte, l'atteinte de l'équité en santé exige que nous reconnaissions notre interdépendance, c'est-à-dire notre responsabilité partagée de créer et maintenir des conditions et des milieux de vie et de travail sains, qui auront des retombées positives pour tous. S'attaquer aux inégalités en santé nécessite effort, innovation et ingéniosité, mais les Canadiens seront capables de relever ce défi s'ils mettent leur volonté et leur intelligence collectives au service du bien commun.

Références

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Anderson RB, Dana LP, Dana TE. Indigenous land rights, entrepreneurship, and economic development in Canada:"Opting-in" to the global economy. Journal of world business. 2006;41(1):45-55.

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Références 16

Donatuto J, Campbell L, Gregory R. Developing responsive indicators of indigenous community health. International journal of environmental research and public health. 2016;13(9):899.

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