Immunologie et vaccinologie de base : Guide canadien d'immunisation
Pour les professionnels de la santé
Dernière révision complète du chapitre : octobre 2024
Ce chapitre a fait l'objet d'une mise à jour complète afin de refléter les connaissances actuelles dans les domaines en évolution de l'immunologie et de la vaccinologie. S'appuyant sur les concepts fondamentaux précédemment présentés dans le chapitre, cette mise à jour vise à saisir l'état actuel des connaissances et à fournir des renseignements généraux sur les domaines de recherche émergents dans ces champs.
Ces renseignements sont repris dans le tableau des mises à jour.
Sur cette page
- Introduction
- Composantes du système immunitaire
- Réponses immunitaires
- Agents immunisants
- Évolution du paysage de la vaccinologie
- Remerciements
- Références choisies
Introduction
L'immunologie est l'étude de l'organisation et du fonctionnement du système immunitaire. La vaccinologie est la science de la mise au point des vaccins et de la réaction du système immunitaire aux vaccins. Elle comporte également une évaluation continue des programmes de vaccination, de l'innocuité et de l'efficacité réelle des vaccins ainsi que la surveillance de l'épidémiologie des maladies évitables par la vaccination. Le présent chapitre donne un aperçu de quelques notions clés en immunologie et en vaccinologie pour ce qui est de l'immunisation. En outre, il vise à fournir aux professionnels de la santé les connaissances de base essentielles pour mieux comprendre l'importance des recommandations vaccinales du Guide canadien d'immunisation (GCI), la logique qui les sous-tend et la façon dont ces recommandations sont ancrées dans les principes de l'immunologie. Un examen détaillé de l'immunologie et de la vaccinologie dépasse le cadre du présent GCI.
Composantes du système immunitaire
Cellules B
Les cellules B, ou lymphocytes B, sont un type de globules blancs spécialisés qui reconnaissent les antigènes et y répondent en produisant des anticorps. Elles contribuent à la capacité à long terme de l'organisme à prévenir les maladies grâce à l'établissement de cellules B mémoires.
Anticorps
Des globules blancs spécialisés appelés lymphocytes B (cellules B) produisent des protéines appelées anticorps en réponse à des antigènes introduits dans l'organisme. Les anticorps sont la principale composante du système immunitaire humoral. Ils se déplacent dans tout l'organisme et sont spécifiques aux sites de leurs antigènes correspondants. Il existe de nombreux types d'anticorps qui protègent l'organisme des maladies en éliminant les agents pathogènes par les moyens suivants :
- Liaison à la surface de l'antigène pour bloquer son activité biologique
- Liaison à l'antigène qui recouvre la surface de l'agent pathogène (opsonisation) pour le rendre plus susceptible d'être éliminé (phagocytose) par des cellules immunitaires spécialisées appelées phagocytes
- Liaison aux cellules spécialisées du système immunitaire, ce qui leur permet de reconnaître plus efficacement l'antigène et d'y répondre
- Activation du système du complément pour provoquer directement la désintégration (lyse) de l'agent pathogène afin de favoriser sa phagocytose et d'attirer d'autres cellules immunitaires vers l'agent pathogène.
La spécificité et la force de l'interaction de liaison entre un anticorps et un antigène sont connues sous le nom d'affinité envers les anticorps. Une affinité accrue indique une liaison plus forte et plus stable entre l'anticorps et l'antigène, tandis qu'une affinité faible indique une liaison plus faible et moins stable entre l'anticorps et son antigène cible. Au fil du temps, le système immunitaire s'adapte pour améliorer l'affinité envers les anticorps pour leurs antigènes cibles. Cette réponse immunitaire adaptative est importante pour la mise en place d'une immunité durable et l'efficacité réelle des agents immunisants. C'est ce qu'on appelle la maturation de l'affinité.
Les anticorps monoclonaux (AcM) sont des anticorps synthétiques qui peuvent être administrés aux patients comme médicaments ou traitements préventifs.
Cellules T
Les cellules T, ou lymphocytes T, sont un type de globules blancs spécialisés capables de tuer directement les cellules infectées et de soutenir d'autres composants du système immunitaire, notamment en aidant les cellules B à produire des anticorps.
Réponses immunitaires
L'immunité est la capacité du corps humain à se protéger contre les maladies infectieuses. L'immunogène ou antigène est une substance que l'organisme peut reconnaître comme étrangère et qui déclenche une réponse immunitaire. Les termes immunogène et antigène sont souvent utilisés de manière interchangeable. Les antigènes peuvent être dérivés d'agents infectieux tels que des virus ou des bactéries, ou ils peuvent être conçus synthétiquement pour ressembler à un antigène. Le même antigène peut susciter des réponses immunitaires différentes en fonction de sa présentation au système immunitaire, y compris la plateforme, le site, le type d'administration et les modifications de la structure de l'antigène lui-même.
La mémoire immunologique est la capacité du système immunitaire à se souvenir de son expérience avec un antigène et est à la base de la protection durable fournie par les agents immunisants. La mémoire immunologique est une caractéristique clé de la réponse immunitaire adaptative et conduit à des réponses immunitaires efficaces et rapides lors d'une exposition ultérieure à un immunogène identique ou semblable. L'immunité à long terme nécessite la persistance de plasmocytes producteurs d'anticorps, ou la création et le maintien de cellules mémoires spécifiques à l'antigène (amorçage) qui peuvent se réactiver rapidement pour produire une réponse immunitaire efficace lors d'une exposition ultérieure à un antigène identique ou similaire. Le développement d'une mémoire immunologique complète nécessite la participation des cellules B et T. Le développement des cellules B mémoires et la maturation de l'affinité dépendent de la présentation des antigènes par les cellules T.
Le système immunitaire humain est capable de réagir à un très grand nombre et à une très grande variété d'antigènes étrangers et assure l'immunité par le biais de 2 types de réponses complémentaires :
- L'immunité innée est le premier mécanisme de défense de l'organisme qui entre en jeu immédiatement ou dans les heures qui suivent l'entrée d'un agent pathogène dans l'organisme. L'immunité innée se compose de barrières physiques (épiderme et muqueuses), de défenses physiologiques (température, pH faible et médiateurs chimiques), de récepteurs de reconnaissance des formes conservés au fil de l'évolution qui réagissent aux signatures moléculaires des agents pathogènes (c.-à-d. les motifs moléculaires associés aux agents pathogènes), ainsi que de réponses inflammatoires phagocytaires et humorales. En général, l'immunité innée :
- implique une réponse généralisée (non spécifique à un agent pathogène particulier)
- ne dépend pas d'une exposition antérieure à l'agent pathogène
- ne produit pas de mémoire immunologique à long terme
- n'augmente pas en force et en précision avec une exposition répétée à l'agent pathogène.
- L'immunité adaptative est le second niveau de défense du corps qui se développe à la suite d'une infection par un agent pathogène ou de l'immunisation. L'immunité adaptative fournit une protection contre un agent pathogène précis et met plusieurs jours, voire des semaines, à devenir protectrice. L'immunité adaptative :
- a la capacité d'une mémoire immunologique
- fournit une immunité à long terme pouvant durer toute une vie
- devient plus forte et plus précise chaque fois qu'elle affronte un antigène.
Les cellules du système immunitaire adaptatif sont constituées de leucocytes spécialisés (lymphocytes T et B) pouvant procurer une immunité à médiation cellulaire ou une immunité à médiation des anticorps (humorale) :
- L'immunité à médiation cellulaire procure une protection par l'activation des cellules T qui peuvent détruire les cellules hôtes infectées ou stimuler d'autres cellules immunitaires pour détruire directement des agents pathogènes.
- L'immunité à médiation des anticorps (humorale) procure une protection par l'activation des cellules B qui produisent des anticorps. Les termes anticorps et immunoglobuline (Ig) sont souvent utilisés de façon interchangeable. Il existe 5 types (classes) d'anticorps : IgA, IgD, IgE, IgG et IgM (IgA et IgG comprennent également plusieurs sous-classes). Chaque classe d'anticorps a une façon différente de contribuer à l'immunité.
Agents immunisants
L'immunisation désigne le processus par lequel une personne devient protégée contre une maladie par l'exposition à des agents immunisants. Les agents immunisants sont classifiés comme actifs ou passifs, selon le processus par lequel ils confèrent l'immunité. La prévention de la maladie par l'utilisation des agents immunisants s'appelle immunoprophylaxie. Le développement d'une réponse immunitaire à un agent immunisant dépend de plusieurs facteurs, notamment du type d'agent, de l'âge du sujet, de l'exposition antérieure à l'antigène et de la présence d'affections immunodéficientes.
L'immunisation active consiste en la production inhérente d'anticorps contre un agent précis après l'exposition à un antigène par la vaccination. Les agents immunisants actifs sont généralement connus sous le nom de vaccins. Pour de nombreux agents immunisants actifs, une réponse immunitaire protectrice est généralement obtenue dans les quelques semaines qui suivent la vaccination. Par exemple, il faut environ 2 semaines après la vaccination pour atteindre les niveaux protecteurs d'anticorps humoraux qui sont associés à l'immunité contre l'infection grippale. Voir les chapitres sur les vaccins pertinents de la partie 4 pour des renseignements sur les vaccins actifs. L'immunisation passive implique le transfert des anticorps préformés (notamment les AcM), afin de fournir une protection temporaire immédiate contre l'infection ou de réduire la sévérité de la maladie causée par l'agent infectieux. L'immunisation passive peut se produire par le transfert transplacentaire des anticorps maternels au fœtus en croissance ou par l'administration par voie systémique d'un agent d'immunisation passive. La protection ainsi fournie est immédiate au moment de l'administration mais temporaire et généralement de moindre durée par rapport à l'immunisation active, car les anticorps transférés se dégradent plus rapidement au fil du temps. Ces principes généraux sont importants pour que les fournisseurs de la santé comprennent le moment de la protection induite par les agents immunisants actifs et passifs et conseillent les personnes de manière appropriée, en particulier celles qui présentent un risque élevé d'exposition à des maladies infectieuses avant ou après la vaccination.
Outre la composante active (l'antigène dans le cas des vaccins ou les anticorps dans le cas des immunoglobulines), les agents immunisants peuvent contenir des ingrédients supplémentaires, comme des agents de conservation, des additifs, des adjuvants et des traces d'autres substances. Voir le chapitre Contenu des agents immunisants autorisés au Canada pour de plus amples renseignements.
Vaccins
Les vaccins sont des produits biologiques complexes visant à provoquer de manière efficace et sans danger une réponse immunitaire qui confère une protection contre la maladie. Historiquement, ils ont été conçus et testés pour leur capacité à provoquer une réponse immunitaire humorale (basée sur les anticorps). Un vaccin idéal est sans danger et ne comporte que des effets indésirables minimes; une dose unique administrée à la naissance peut assurer une protection à vie contre une maladie; il est peu coûteux, stable durant l'expédition et l'entreposage et il est facile à administrer. Certains vaccins répondent davantage à ces critères que d'autres. Même si chaque vaccin possède ses propres avantages et risques, indications et contrindications, tous les vaccins assurent une protection contre la maladie pour laquelle ils ont été conçus.
Tous les vaccins sont soumis à un processus de développement très rigoureux. Les premières étapes du développement d'un vaccin comprennent l'identification du micro-organisme ou de la toxine à l'origine d'un important fardeau de la maladie dans la population. Une fois l'agent pathogène identifié, des recherches sont lancées sur la possibilité de développer un vaccin pour réduire l'incidence ou la sévérité de la maladie, ou les deux. Des tests précliniques en laboratoire sont effectués pour s'assurer que le vaccin candidat produit la réponse immunitaire nécessaire à la prévention de la maladie et qu'il ne présente pas de toxicité susceptible d'empêcher son utilisation chez l'humain. Les essais cliniques (études sur l'humain) se déroulent ensuite en plusieurs phases impliquant un nombre croissant de participants à l'étude. La partie 2 du GCI, La sécurité des vaccins et pharmacovigilance, décrit la recherche préclinique et clinique tout au long du cycle de vie du vaccin et les exigences réglementaires qui l'accompagnent afin de garantir la qualité des données et des produits.
Un vaccin est autorisé sur la base de son efficacité potentielle et/ou de sa capacité à générer des réponses immunitaires fortes contre l'agent pathogène qu'il est censé cibler. Certains agents pathogènes changent ou évoluent au fil du temps et aboutissent à de nouvelles caractéristiques qui n'étaient pas présentes dans le virus « parent » initial. Ceci est particulièrement vrai pour les virus qui changent rapidement et qui sont transmis entre les humains et les animaux (c.-à-d. les agents pathogènes zoonotiques) ou qui infectent de grands groupes de personnes. Dans le cas d'agents pathogènes qui évoluent avec le temps et génèrent de nouveaux variants, la protection vaccinale peut ne pas être aussi efficace contre les nouveaux variants de l'agent pathogène. Si les variants invasifs sur le plan immunitaire deviennent suffisamment répandus pour provoquer un fardeau de la maladie important, cela pourrait justifier une modification de la composition antigénique des vaccins existants. Cela peut compliquer la mise au point d'un vaccin, car de nouvelles itérations du vaccin pourraient être nécessaires périodiquement pour cibler les variants immunitaires envahissants les plus répandus.
Les vaccins peuvent être classés en fonction du type de composant actif (antigène) qu'ils contiennent et de leur capacité de réplication. Les vaccins sont classés suivant le type de composant actif (antigène) qu'ils renferment, le plus souvent en 2 groupes – les vaccins vivants atténués et les vaccins non-vivants :
- Les vaccins vivants atténués contiennent des bactéries ou des virus vivants entiers affaiblis. Puisque l'agent se réplique à l'intérieur du sujet vacciné, le stimulus au système immunitaire ressemble davantage à celui associé à l'infection naturelle, produisant une immunité de plus longue durée et plus large que celle qu'on peut obtenir avec d'autres types de vaccins. À cause d'une forte réponse immunogène, les vaccins vivants atténués, sauf ceux administrés par voie orale, produisent généralement l'immunité chez la plupart des sujets vaccinés à l'aide d'une dose. Néanmoins, une deuxième dose assure une protection supplémentaire de chaque sujet ou presque, car certaines personnes peuvent ne pas réagir à la première dose. Il faut conserver et manipuler avec soin les vaccins vivants afin d'éviter leur inactivation accidentelle.
- Les vaccins non-vivants contiennent des bactéries ou des virus inactivés (tués), leurs parties ou des produits sécrétés par des bactéries modifiées afin d'éliminer leurs effets pathogéniques (anatoxines). Les vaccins non vivants comprennent également les vaccins à acide ribonucléique messager (ARNm). Les vaccins non-vivants ne peuvent pas causer la maladie qu'ils sont conçus pour prévenir. Comme la réponse immunitaire aux vaccins non-vivants peut être plus faible que celle induite par des organismes vivants, ils ont souvent besoin d'adjuvants et nécessitent plusieurs doses. Les doses initiales amorcent le système immunitaire. Elles sont appelées vaccination primaire ou série primaire. Dans la mesure où la protection à la suite d'une vaccination primaire diminue avec le temps, des doses supplémentaires périodiques (doses de rappel) peuvent se révéler nécessaires pour augmenter ou stimuler les taux d'anticorps.
Les vaccins peuvent également être classés en 2 catégories : les vaccins réplicatifs et les vaccins non réplicatifs.
- Dans les vaccins non réplicatifs, l'agent infectieux ou ses composants sont incapables de se répliquer chez le sujet vacciné. Les vaccins non réplicatifs posent souvent moins de risque pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli, car il n'y a pas de risque que la souche vaccinale provoque une maladie.
- Les vaccins réplicatifs sont généralement des vaccins vivants, dans lesquels les bactéries ou les virus affaiblis ou atténués ont la capacité de se répliquer dans l'organisme du sujet vacciné. Un immunogène qui se réplique suscite une réponse immunitaire plus robuste et plus longue, contribuant ainsi à une immunité plus durable. À ce jour, la majorité des vaccins vivants atténués sont également réplicatifs et sont donc généralement contrindiqués chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli. Cependant, certains vaccins vivants ne se répliquent pas, comme c'est le cas pour ImvamuneMD, ce qui permet de les administrer en toute sécurité aux populations qui sont immunodéprimées pour lesquelles l'utilisation de vaccins vivants serait autrement contrindiquée.
La distinction entre les vaccins vivants et non vivants est liée au fait que le vaccin contient ou non des formes vivantes de l'agent infectieux. Les vaccins vivants peuvent être classés en 2 catégories : les vaccins réplicatifs et les vaccins non réplicatifs. Les vaccins vivants réplicatifs contiennent des formes vivantes de l'agent infectieux capables de se répliquer chez une personne vaccinée, tandis que les vaccins vivants non réplicatifs contiennent des formes vivantes de l'agent infectieux qui ne peuvent pas se répliquer chez une personne vaccinée. Les vaccins non vivants ne contiennent pas d'agents infectieux vivants. Ces distinctions ont un impact sur la nature de la réponse immunitaire générée et posent des questions importantes sur l'innocuité des vaccins dans des populations particulières.
Comment les vaccins agissent-ils?
Les vaccins agissent à un niveau individuel afin de protéger la personne vaccinée contre une maladie particulière ainsi qu'à l'échelle d'une certaine population afin d'y réduire l'incidence globale de la maladie, ce qui réduit l'exposition des personnes susceptibles, et donc la maladie. Même si la première mesure d'efficacité réelle a lieu à l'échelle individuelle, l'intérêt existe également pour diminuer ou même éliminer la maladie à l'échelle de la population.
L'administration de l'antigène d'un vaccin déclenche une réaction inflammatoire qui est initialement médiée par le système immunitaire inné, puis la réaction s'étend pour faire intervenir le système immunitaire adaptatif par l'activation des cellules T et B. Bien que la majorité des vaccins ont été étudiés pour offrir une protection par induction de l'immunité humorale (essentiellement par les cellules B), certains vaccins, comme le bacille Calmette-Guérin (BCG) et le vaccin à virus vivant contre le zona, agissent principalement en induisant l'immunité à médiation cellulaire (essentiellement par les cellules T). La protection à long terme nécessite l'activation des cellules T et B. Bien que l'immunité humorale soit la base la plus souvent utilisée comme marqueur de l'efficacité d'un vaccin, l'étude des marqueurs immunitaires cellulaires de la protection est un domaine de recherche actif.
L'efficacité potentielle des vaccins fait référence à la capacité du vaccin à prévenir la maladie chez les personnes vaccinées dans le cadre d'études contrôlées menées selon des protocoles d'essais cliniques stricts, où les participants sont inclus ou exclus sur la base de critères préétablis et peuvent ne pas savoir s'ils reçoivent ou non un vaccin ou un produit de comparaison (souvent un placebo). L'efficacité réelle des vaccins fait référence à la capacité du vaccin à prévenir la maladie chez les personnes en « situation réelle » et est souvent déterminée par des études d'observation, où les participants qui reçoivent un vaccin ou un comparateur ont choisi de le faire sur la base d'une décision clinique individuelle et ne sont pas soumis à un examen en aveugle. L'efficacité potentielle d'un vaccin est une mesure de son efficacité lorsqu'il est administré dans des conditions idéales et contrôlées, alors que l'efficacité réelle d'un vaccin est une mesure de son efficacité dans des conditions normales d'utilisation en situation réelle, y compris dans des populations qui peuvent avoir été exclues des essais cliniques, et est sujette à des biais inhérents aux études d'observation.
L'immunité collective désigne l'immunité d'une population contre une maladie infectieuse spécifique. La résistance de cette population à la propagation d'une maladie infectieuse dépend du pourcentage de personnes immunisées et de la probabilité que les personnes encore sensibles entrent en contact avec une personne infectée. La proportion de la population qui doit être immunisée pour atteindre l'immunité collective dépend de plusieurs facteurs, le plus important étant la transmissibilité de l'agent infectieux, qu'il provienne d'une personne infectée présentant des symptômes ou d'une personne colonisée sans symptôme.
Le taux de reproduction (R0), également appelé taux de reproduction de base, est défini comme étant le nombre moyen de transmissions attendues d'un seul cas primaire introduit dans une population totalement sensible. Les maladies très infectieuses ont un R0 élevé (p. ex., la rougeole) et nécessitent une couverture vaccinale plus importante pour atteindre l'immunité collective qu'une maladie ayant un R0 plus faible (p. ex., la rubéole et l'Haemophilus influenzae de type b). La couverture vaccinale désigne la proportion de la population (dans son ensemble ou pour des groupes à risque particuliers) qui a été vaccinée contre une maladie. Pour arrêter la transmission d'une maladie donnée, il faut qu'un pourcentage déterminé (1 moins 1/R0) de la population soit immunisé contre la maladie. Par exemple, le R0 de la rougeole est estimé à 15; il faut donc qu'au moins 94 % (1 moins 1/15 = 94 %) de la population soit immunisée pour empêcher la transmission de la rougeole.
Marqueurs de la protection induite par la vaccination
L'immunogénicité est la capacité du vaccin à induire une réponse immunitaire. Un corrélat de protection est une mesure d'une réponse immunitaire précise qui est statistiquement liée à la protection contre l'infection ou la maladie. À la suite de l'administration de la plupart des vaccins, il a été démontré que la prévention de l'infection est principalement corrélée à la production d'anticorps spécifiques de l'antigène. Dans les cas où il n'est pas possible de déterminer un corrélat de protection, un marqueur immunitaire de substitution est utilisé. Les marqueurs de substitution peuvent ne pas être directement liés à la protection contre l'infection ou la maladie. Par exemple, les vaccins contre les rotavirus produisent à la fois des anticorps muqueux et des sériques. Si les anticorps sériques ne protègent pas directement contre l'infection à rotavirus, ils servent de substitut à la protection, car les anticorps des muqueuses sont difficiles à mesurer. Différents marqueurs de corrélation et de corrélat de substitution peuvent être pertinents pour différentes populations.
La séroconversion induite par la vaccination est le développement d'anticorps spécifiques à l'antigène détectables dans le sérum à la suite de la vaccination. La séroprotection est une concentration d'anticorps prédéterminée, au-dessus de laquelle la probabilité d'infection est faible. La concentration d'anticorps séroprotecteurs diffère selon le vaccin. La quantité et l'activité fonctionnelle des anticorps peuvent être mesurées à l'aide de tests de laboratoire tels que l'essai immuno-enzymatiques (ELISA), le test d'anticorps bactéricides sériques, le test de neutralisation des virus et le test d'activité opsonophagocytaire. Ces essais sont très spécifiques au système pathologique. En outre, les corrélats des réponses immunitaires cellulaires peuvent également fournir des informations précieuses. Ces marqueurs et mécanismes de protection peuvent varier en fonction de différentes caractéristiques de la personne, notamment l'âge, la grossesse, l'état de santé sous-jacent, etc.
Déterminants de la réponse au vaccin chez les personnes
La force et la durée de la réponse du système immunitaire à un vaccin sont déterminées par un certain nombre de facteurs, comme l'indique le Tableau 1.
Déterminants de la réponse au vaccin | Explication |
---|---|
Type de vaccin | Le type d'antigène d'un vaccin et son immunogénicité influent directement sur la nature de la réponse immunitaire induite pour fournir une protection. |
Adjuvants de vaccin et protéines porteuses | L'ajout d'adjuvants à certains types de vaccins non-vivants renforce la réponse immunitaire et prolonge la durée de l'activation des cellules B et T. Par exemple, la conjugaison (liaison) d'un polysaccharide avec une protéine porteuse (protéine facilement reconnue par le système immunitaire comme la diphtérie ou le tétanos) entraîne une réponse immunitaire significativement plus élevée. |
Dose optimale de l'antigène | Des doses plus élevées d'antigène disponibles pour le système immunitaire, jusqu'à un certain seuil, provoquent généralement des réponses anticorps plus élevées. |
Intervalle entre les doses | L'intervalle recommandé entre les doses permet le développement de vagues successives de réponses du système immunitaire spécifiques à l'antigène, ainsi que la maturation des cellules mémoires. |
Âge de la personne vaccinée | Au début de la vie, le système immunitaire fonctionne différemment, ce qui donne lieu à des réponses immunitaires limitées à certains vaccins (p. ex., les vaccins polysaccharidiques). Avec l'âge, les réponses immunitaires diminuent (immunosénescence) et peuvent occasionner une réduction de la force et de la persistance des réponses anticorps aux vaccins, ainsi qu'un accroissement de l'incidence et de la sévérité des maladies infectieuses. |
Anticorps préexistants | La réponse immunitaire aux vaccins peut être influencée par les niveaux d'anticorps préexistants, tels que les anticorps maternels transférés à travers le placenta ou les anticorps transférés passivement après l'administration de certains produits sanguins. |
État du système immunitaire | La réponse immunitaire aux vaccins dépend du bon fonctionnement du système immunitaire, qui peut être altéré par des troubles héréditaires ou acquis du système immunitaire. |
Produits thérapeutiques ou vaccins administrés de façon concomitante | Certains médicaments et vaccins peuvent affecter la réponse immunitaire à un autre vaccin administré en même temps. |
Immunoglobulines
L'immunisation passive à l'aide d'immunoglobulines offre une protection lorsque les vaccins pour l'immunisation active ne sont pas disponibles ou sont contrindiqués, ou dans certains cas lorsque des personnes non immunisées ont été exposées à l'agent infectieux et qu'une protection rapide est nécessaire (immunoprophylaxie post-exposition). L'immunisation passive joue également un rôle dans la prise en charge des personnes qui sont immunodéprimées et qui peuvent ne pas être en mesure de répondre adéquatement aux vaccins ou pour lesquelles les vaccins vivants peuvent être contrindiqués. La durée des effets bénéfiques des agents d'immunisation passive est relativement courte et la protection peut être incomplète. Voir le tableau 2 dans Contenu des agents immunisants autorisés au Canada de la partie 1 du GCI pour la liste de tous les agents d'immunisation passive dont l'utilisation est autorisée au Canada et de leur contenu.
Il existe deux types de préparations d'anticorps :
- L'immunoglobuline (Ig) standard d'origine humaine, parfois appelée « immunoglobuline sérique » ou « gammaglobuline »
- Les immunoglobulines spécifiques d'origine humaine ou animale - contenant des titres élevés d'anticorps spécifiques contre un micro-organisme particulier ou sa toxine. Les produits d'origine humaine sont privilégiés à ceux d'origine animale en raison de l'incidence élevée des réactions indésirables aux sérums animaux et de la protection plus durable conférée par les immunoglobulines humaines.
Immunoglobuline standard (humaine)
L'Ig humaine standard, GamaSTANMD, est une solution concentrée stérile pour injection intramusculaire (IM) contenant 15 à 18 % d'Ig. Il est obtenu à partir d'un bassin de plasma humain provenant de donneurs sélectionnés et contient principalement des IgG avec de petites quantités d'IgA et d'IgM.
Les préparations d'Ig sous-cutanées (SC) et intraveineuses (IV) sont principalement utilisées pour l'immunisation passive continue chez les personnes présentant des déficits en Ig congénitaux ou acquis sélectionnés et comme immunomodulateur dans certaines maladies.
Immunoglobulines spécifiques
Les immunoglobulines spécifiques sont dérivées du mélange de sérums de personnes ayant des anticorps contre des agents infectieux spécifiques, d'antisérums de chevaux hyper-immunisés contre un organisme spécifique lorsque les produits humains ne sont pas disponibles, ou de la technologie de l'acide désoxyribonucléique (ADN) recombinant. Les immunoglobulines d'origine humaine ou animale sont produites par plus d'un clone de cellules B (polyclonales) et peuvent se lier à des antigènes hétérogènes. Les anticorps produits par la technologie de l'ADN recombinant proviennent d'un seul clone de cellules B (monoclonales) et sont spécifiques à un seul antigène. Les produits à base d'AcM sont autorisés pour la prévention de diverses maladies infectieuses, notamment le virus respiratoire syncytial (VRS) et le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV-2). En raison du risque relativement élevé d'un type spécifique de réaction immunologique (connue sous le nom de maladie sérique) à la suite de l'utilisation de produits animaux, les Ig humaines devraient être utilisées dans la mesure du possible.
Type d'agents immunisants | Description | Exemples d'agent immunisant utilisant cette technologie | |
---|---|---|---|
Vivant (organisme entier atténué/affaibli) | Contiennent un agent pathogène vivant qui est affaibli ou « atténué » de sorte que sa capacité à se reproduire est compromiseNote de bas de page a. Chez les personnes qui ne sont pas immunodéprimées, ces vaccins ne peuvent pas provoquer de maladie importante. | Rougeole, oreillons, rubéole, varicelle, fièvre jaune, BCG, rotavirus, typhoïde, vaccin antigrippal vivant atténué (VVAI) | |
Inactivé (a tué l'organisme entier) | Ils contiennent des versions entières de l'agent pathogène qui ont été inactivées ou tuées à l'aide de chaleur ou de produits chimiques. L'agent pathogène ne peut pas se reproduire. | Choléra, grippe, hépatite A, encéphalite japonaise, poliomyélite, rage | |
Toxoïde | Ils contiennent des toxines inactivées provenant de bactéries. | Diphtérie, tétanos, coqueluche | |
Sous-unité | Protéine purifiée, protéine recombinante ou peptide | Elles contiennent des protéines qui sont produites en laboratoire. Cela inclut également les protéines présentées dans des réseaux ou des formats particuliers (y compris les nanoparticules). | Hépatite A, SRAS-CoV-2, grippe, varicelle, méningocoque, virus respiratoire syncytial |
Polysaccharide | Elles contiennent des molécules de sucre présentes sur les bactéries pathogènes. | Pneumocoque | |
Particule pseudo-virale (PPV) | Elles contiennent plusieurs protéines isolées de l'agent pathogène qui s'auto-organisent en une structure « semblable à celle d'un virus », sans matériel génétique viral ni capacité de réplication. | Papillomavirus humain, hépatite B | |
Vésicule de membrane externe (VME) | Les VME sont constituées de parties de membranes extérieures bactériennes qui contiennent des antigènes bactériens; elles ne sont pas vivantes et ne peuvent pas se répliquer. | Méningocoques B | |
Vaccins conjugués | Ils contiennent les composants d'une capsule de polysaccharide bactérien combinés à une protéine porteuse. | Haemophilus influenzae de type B, méningocoque, pneumocoque, typhoïde | |
Vecteur viral | Un virus non pathogène est utilisé pour transmettre le code génétique de l'antigène de l'agent pathogène. Ces virus ont été modifiés pour réduire leur capacité à se répliquer. | Ebola | |
Acide nucléique (ADN ou ARNm) | Produit chimiquement et contenant le code génétique d'un morceau ou d'un antigène entier de l'agent pathogène. | SRAS-CoV-2 | |
Anticorps monoclonal (AcM) | Anticorps ayant une spécificité antigénique administrés à titre préventif ou thérapeutique. | COVID-19, virus respiratoire syncytial | |
Immunoglobuline humaine | Anticorps polyclonaux ayant une large spécificité antigénique et administrés à titre préventif ou thérapeutique. | Rougeole, hépatite A | |
Sérums hyperimmuns | Produits sanguins obtenus à partir d'animaux ou d'êtres humains qui ont déjà été exposés à un antigène/agent pathogène. | Rage, tétanos, diphtérie | |
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Évolution du paysage de la vaccinologie
Les progrès scientifiques continus dans les domaines de la biotechnologie, de la génétique, de l'immunologie et de la virologie, soutenus par de nouvelles technologies prédictives fondées sur l'intelligence artificielle (p. ex., pour la conception d'antigènes), fournissent de nouveaux outils pour la mise au point de vaccins. Ces connaissances constituent la base de l'amélioration de l'efficacité réelle des vaccins existants, ainsi que de la mise au point de nouveaux vaccins et de systèmes d'administration des vaccins. Pour garantir l'efficacité réelle et l'innocuité des nouveaux produits, les progrès scientifiques doivent s'accompagner d'un suivi renforcé des nouveaux programmes de vaccination. Les domaines émergents de la vaccinologie, dont certains sont déjà testés et utilisés, comprennent les nouvelles plateformes vaccinales et les adjuvants.
Les vaccins à base d'acide nucléique utilisent des acides nucléiques, tels que l'ADN et l'ARNm, pour fournir aux cellules les instructions nécessaires à la fabrication d'un antigène. Les vaccins à vecteur viral utilisent généralement des virus modifiés pour introduire la séquence d'ADN d'un antigène dans les cellules hôtes, tandis que les nanoparticules lipidiques (NPL) constituent le système non viral le plus utilisé pour l'introduction de l'ARNm dans les cellules. Les vaccins à ARN auto-amplifiant (ARNaa) sont un type de vaccins à ARNm qui permettent à l'acide nucléique de se répliquer une fois que l'ARN vaccinal a été délivré à la cellule hôte, et peuvent générer des réponses immunitaires robustes lorsqu'ils sont administrés à des doses plus faibles que les vaccins à ARNm conventionnels. Les vaccins à base d'acide nucléique font l'objet d'études d'innocuité et d'efficacité réelle depuis des décennies. Ils offrent de nombreux avantages par rapport aux vaccins traditionnels, tels qu'un développement et une adaptation plus rapides aux changements antigéniques rapides (comme le démontre le développement réussi de vaccins à ARNm pour de nouveaux variants de virus comme le SARS-CoV-2) et la capacité de générer des réponses à long terme de la part des cellules B et T.
Outre les nouvelles technologies de présentation des antigènes, de nouveaux adjuvants sont mis au point dans le but de renforcer les réponses immunitaires aux vaccins. De nouvelles recherches sur le système immunitaire inné permettent de mettre au point des adjuvants qui utilisent mieux les mécanismes immunitaires innés pour orienter l'immunité adaptative vers un type de réponse immunitaire souhaité (humorale ou à médiation cellulaire) et qui permettent d'utiliser de plus petites quantités d'antigènes dans les vaccins.
Le paysage évolutif de la vaccinologie, stimulé par les progrès scientifiques continus et les nouvelles technologies, est prometteur pour l'amélioration des vaccins existants, la mise au point de nouveaux vaccins et l'amélioration des systèmes d'administration des vaccins, grâce à des efforts continus de surveillance et de recherche pour garantir leur innocuité et leur efficacité réelle.
Pour de plus amples renseignements, voir les références sélectionnées ci-dessous.
Remerciements
Ce chapitre a été préparé par R Krishnan, H Birdi, N Mohamed et revu par A Killikelly, O Baclic et M Tunis.
Le CCNI remercie vivement les personnes suivantes pour leur contribution : N Haddad et C Jensen.
Références choisies
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