ARCHIVÉ - Au croisement des secteurs - expériences en action intersectorielle, en politique publique et en santé
5. Approches visant à faciliter l’action conjointe
Le présent document qui passe en revue l’expé-rience acquise en matière d’approches inter-sectorielles met en lumière l’existence d’une gamme d’outils, de stratégies et de mécanismes interdépendants. Les outils sont définis en l’occurrence comme des catalyseurs ayant facilité l’AS; les mécanismes comme des structures et des mesures institutionnelles; et les processus et stratégies comme une combinaison plus générale de mesures ou d’initiatives planifiées en vue de la réalisation d’un ou de plusieurs objectifs précis.
Soutiens de l’action intersectorielle
Outils d’information
L’information–qui se présente sous diverses formes, depuis les renseignements non scienti-fiques concernant l’incidence sur les iniquités dans le domaine de la santé des déterminants sociaux de la santé, jusqu’aux données plus formelles et aux outils fondés sur le savoir–a fait office de catalyseur de la participation de parties multiples à l’élaboration de saines politiques publiques, tant au sein du secteur de la santé qu’à l’extérieur de ce dernier. Les documents examinés étaient surtout centrés sur les outils d’évaluation de l’impact, qui étaient présentés comme un moyen de saisir l’information essentiellement axée sur la santé ou comprenant un volet santé. Mentionnons, par exemple, les évaluations des incidences sur la santé, les évaluations des incidences sur l’environnement, les évaluations des incidences intégrées et les systèmes d’information géographique. Chacun de ces outils fait l’objet d’une brève description ci-dessous.
L’évaluation des incidences sur la santé (EIS) a été décrite comme « un mélange de procédures, de méthodes et d’outils permettant d’évaluer une politique, un programme ou un projet en fonction de ses effets potentiels sur la santé d’une population et de la répartition de ces effets au sein de la population » (Centre européen de l’OMS pour la politique sanitaire 1999). Elle peut s’appliquer de manière prospective, simultanée ou rétrospective. Lock et McKee font remarquer que dans les cas où, pour des raisons stratégiques, la décision a été prise de mettre en œuvre une politique ayant des répercussions défavorables sur la santé, l’AS a contribué à faire connaître le processus et à le rendre plus clair (2005). Au nombre des avantages observés de l’EIS, mention-nons une meilleure compréhension, par les décisionnaires, la manière dont les divers secteurs de politique influent sur la santé, l’élaboration subséquente d’un programme d’action commun et l’amélioration des relations intersectorielles (Lock et MacKee, 2005). L’EIS a été utilisée comme un mécanisme de mobilisation de multiples intervenants, tant au sein du secteur public qu’à l’extérieur de ce dernier.
Lorsqu’elle est axée sur l’équité, l’EIS « permet de déterminer, grâce à la méthodologie, les réper-cussions qu’une politique, un programme ou un projet peut avoir sur la santé de la population et celle d’un groupe en particulier au sein de cette population, de divers points de vue y compris de celui de la répartition, et d’évaluer si elles sont inéquitables » (Harris-Roxas, Simpson et Harris, 2004, p. 1). L’étude réalisée par Harris-Roxas, Simpson et Harris analyse quatre modèles : les Merseyside Guidelines; le Bro Taf Health Inequalities Impact Assessment; la vérification de l’équité; et le Equity Gauge. Ils ont signalé « l’absence de directives claires et systéma-tique-ment unifiées sur le mode d’évaluation des répercussions sur la santé et des répe-r-cussions sur l’équité en santé d’un projet » (2004, p. 43), et en viennent à la conclusion suivante,
Bon nombre de ceux qui sont à l’origine de l’intérêt international accru envers l’EIS font également la promotion d’un plan d’action favorisant l’équité en santé. De surcroît, la manière dont ces deux éléments pourraient être combinés retient de plus en plus l’atten-tion. En dépit des suggestions voulant que l’équité soit prise en considération dans chaque EIS, peu de directives d’exécution ont été émises. Des directives claires, structurées et pratiques doivent être données concernant l’intégration de l’équité dans les EIS, en particulier dans les cas où aucun engagement explicite de réduire les inégalités en santé n’a été pris (Harris-Roxas, Simpson et Harris, 2004, p. ix).
Parmi les autres types d’évaluation des incidences, signalons les évaluations des incidences sur l’environnement (EIE), dont un volet traite de la santé des humains, et les évaluations des incidences intégrées (EII). Les EII tentent de saisir une gamme de facteurs complexes de même que les liens entre ces facteurs et l’intervention stratégique en cause. Les EII regroupent les connaissances et les opinions d’un éventail de secteurs sociaux et économiques en vue de l’évaluation des multiples incidences des projets ou décisions stratégiques. La Health Development Agency du Royaume-Uni signale qu’étant donné que l’EII « traite expres-sément de l’éducation, du logement, du transport et des autres déterminants, il peut être utile qu’on considère l’EII comme un outil d’évaluation des incidences des déterminants de la santé » (NHS Health Development Agency, 2004, p. 4).
Une vaste gamme de secteurs utilisent de plus en plus fréquemment les systèmes d’information géographique (SIG) pour cartographier des variables, comme des données démographiques, l’emploi, le revenu, les structures de la santé et de la morbidité. Étant de nature visuelle, les cartes des SIG permettent de cerner la répartition et le degré de concentration des multiples variables. Les SIG sont reconnus comme des outils indispen-sa--bles qui facilitent le dialogue entre les secteurs concernant les sujets de préoccupation communs et lancent la collaboration, d’où leur influence sur la santé, l’éducation, le logement et d’autres indica-teurs du développement social ou économique.
Parmi les autres exemples du genre d’information ayant facilité l’action intersectorielle, signalons les profils des catastrophes naturelles, à la fois dans les pays développés et non développés; les données de la surveillance des risques pour la santé humaine; les résultats de l’évaluation; et, les plates-formes à utilisation partagée des réseaux électroniques.
Tous conviennent, semble-t-il, de la nécessité d’une vaste gamme d’outils d’information dans le secteur de la santé en vue de la conversion des données et des connaissances en éléments probants grâce auxquels des liens pourront être établis entre les politiques sectorielles et la santé. Lorsqu’ils ont passé en revue les innovations dans les services ruraux associés aux zones d’action pour la santé (Health Action Zones) au RU, Asthana et Halliday ont signalé la nécessité d’établir une distinction entre l’information destinée aux professionnels [du secteur de la santé et d’ailleurs] et celle destinée aux utilisateurs (2004, p. 462-463). Outre les utilisateurs particuliers, signalons, entre autres publics, la population, les médias, les décisionnaires et les autres organismes non gouvernementaux. Les outils d’information mis en lumière dans ces exemples illustrent les liens entre une politique proposée ou mise en œuvre et la santé des humains, l’équité en santé et la répartition équitable des déterminants de la santé.
Mesures institutionnelles
La création de nouvelles entités organisationnelles ou mesures institutionnelles à l’appui de l’action intersectorielle a été documentée à plus d’un niveau de prise de décisions. À l’échelon planétaire, le Sommet sur le développement durable de 2002 organisé par les NU est un exemple d’un événement dans le cadre duquel les intervenants institutionnels des secteurs de l’environnement, de l’énergie, de la santé et de l’industrie se sont réunis pour relever les défis stratégiques à long terme du développement durable (von Schirnding, 2005).
| Pleins feux sur le SRI LANKA |
Cadre national de la santéLe Sri Lanka a fait la preuve qu’il donne une place de choix à l’action intersectorielle dans le domaine de la santé. En 1980, le premier ministre du Sri Lanka et l’Organisation mondiale de la Santé ont signé la charte visant l’amélioration des soins de santé. Le gouvernement du Sri Lanka s’est engagé à faire en sorte que tous ses citoyens atteignent des niveaux de santé acceptables d’ici 2000 et a privilégié à cette fin l’approche axée sur les soins de santé primaires. Le réseau national d’amélioration de la santé, dirigé par le conseil national de la santé (présidé par le premier ministre), a été établi pour garantir l’engagement politique envers l’action intersectorielle pour la santé. Le conseil national de la santé fixe les politiques gouvernementales concernant les soins de santé et la mobilisation des secteurs autres que celui de la santé; coordonne l’action multisectorielle; et encourage la participation aux soins de santé. Siègent à ce conseil les ministres de la santé, du développement de l’agriculture et de la recherche agricole; de l’éducation supérieure; des finances et de la planification; de l’administration locale, du logement et de la construction; des affaires domestiques; du travail; et du développement rural. Le rôle de la décentralisation dans l’ASLa décentralisation fournit un puissant élan pour l’AS. Le conseil régional de santé a été établi en 1981 afin de promouvoir l’action multisectorielle et la coordination intersectorielle dans 24 régions administratives au Sri Lanka. Quatre interventions clés ont eu une incidence sur l’équité depuis ce temps : l’investissement dans le développement humain, grâce à l’accès à l’éducation, aux services de santé et aux suppléments alimentaires; le développement d’une infrastructure de la santé; l’accès aux médicaments essentiels; et, l’approvisionnement continu en fournitures médicales et en vivres durant les périodes de conflit armé (Perera, 2006, p. 40). Les conseils provinciaux de la santé ont été établis par une modification constitutionnelle en 1987 et l’administration de la santé a été entièrement dévolue. Le ministre responsable s’occupe de la formulation des politiques, de la gestion des hôpitaux, des campagnes spécialisées, des établissements de formation technique et des achats en vrac des fournitures médicales. L’effort de décentralisation le plus récent date de 1992, année de la création des directions divisionnaires des services de santé. Au nombre des principaux faits nouveaux liés à la santé et à l’équité, mentionnons l’élaboration du premier programme en vue de l’élimination de la pauvreté (1989); l’utilisation du marketing social pour éliminer la lèpre (1990); l’établissement des directions divisionnaires de la santé (1992); l’adoption d’une politique relative à la santé de la population et à l’hygiène de la reproduction (1998); le recours à une approche de mise en œuvre intersectorielle de la politique des personnes âgées. Une commission nationale sur la macro-économie et la santé a été formée (2002) afin de renforcer les engagements nationaux ayant trait aux investissements dans la santé, visant en particulier les pauvres. Plan directeur pour la santé et le développementL’an 2002 marque le lancement du plan directeur décennal pour le développement de la santé. Cinq objectifs stratégiques ont été fixés : garantir la prestation et la promotion de services de santé complets afin de réduire le fardeau de la maladie; permettre aux collectivités de participer plus activement au maintien de l’état de santé; renforcer les fonctions de gérance et de gestion du système de santé; de veiller au perfectionnement des ressources humaines affectées au développement et à la gestion de la santé; et, d’améliorer le financement de la santé de même que la répartition et l’utilisation des ressources. En dépit du fait que le plan ne fixe pas d’objectif stratégique précis concernant l’action intersectorielle, on prévoit que l’AS sera abordée dans le cadre des discussions entourant les deuxième et troisième objectifs. Entre autres plans, signalons une plus large participation de la société civile et des organismes non gouvernementaux à la promotion des modifications aux comportements et aux modes de vie. L’amélioration de la coordination et l’établissement de partenariats avec d’autres secteurs sont les solutions envisagées en vue du renforcement de la gérance de la santé. Le projet de développement du secteur de la santé, établi en 2004, vise à renforcer la capacité du secteur de la santé de jouer ce rôle d’intendance. Améliorations attribuables à des facteurs internes ou externes au secteur de la santéAu Sri Lanka, les indicateurs de la santé ont subi d’importantes améliorations en raison du rendement du secteur de la santé et de bouleversements socio-économiques dans le domaine de l’éducation et de l’agriculture ainsi que dans d’autres secteurs. L’éducation est désormais accessible à tous les citoyens et fait l’objet d’une intense promotion et de solides liens ont été tissés avec le secteur de la santé. Des organismes gouvernementaux (tant nationaux que locaux), communautaires et non gouvernementaux jouent en permanence un fort rôle dans la promotion de l’action intersectorielle pour la santé et l’équité. Un leadership politique fort de même que des synergies intersectorielles positives entre le secteur de la santé et les autres secteurs semblent être les éléments clés de l’AS au Sri Lanka. La gratuité de l’enseignement depuis 1945, à l’origine des taux élevés d’alphabétisation des femmes, a transformé les attitudes et permis d’établir une base de connaissances qui est demeurée stable en dépit des périodes de déclin économique. Des améliorations spectaculaires ont été apportées à l’état nutritionnel des familles pauvres, aux taux de mortalité et à une foule de services sociaux (entre autres, aux réseaux d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement), et également au système de soins de santé. De multiples défis sont associés aux autres améliorations à l’équité en santé et à l’action intersectorielle. Le conflit dans le Nord-Est (guerre qui sévit depuis 20 ans) a débouché sur la détérioration de l’état de santé, de l’infrastructure et des ressources humaines dans la région. À l’échelon national, on a assisté à une transition épidémiologique vers les maladies non transmissibles, à laquelle sont liés des problèmes influant sur la qualité des services de santé. Même si la prévalence du VIH est faible au Sri Lanka à l’heure actuelle, bon nombre des facteurs de risque sont présents. Les réponses intersectorielles sont prises en considération dans le projet de politique visant à contrer le VIH/sida. (Pour obtenir d’autres détails, consultez : Perera, 2006, Intersectoral action for health in Sri Lanka, Institute for Health Policy, Sri Lanka). |
À l’échelon régional, EuroHealthNet est un organisme sans but lucratif ayant pour objet de contribuer à l’assainissement de l’Europe en faisant la promotion d’une plus grande équité en santé entre les pays européens et au sein de ces derniers, et en facilitant le réseautage et la coopération parmi les organismes nationaux, régionaux et locaux pertinents et responsables des pays membres de l’Union européenne (UE), les pays candidats à l’adhésion et les pays de l’EEE (Welsh Assembly Government, 2003). Même si les membres de ce réseau sont des organismes des services sanitaires et sociaux de gouvernements nationaux, l’établis-sement de partenariats avec d’autres secteurs est un facteur crucial de l’avancement de leurs priorités.
À l’échelon national, le RU a mis en place un service, le Social Exclusion Unit, qui préconise des approches pluriorganisationnelles pour les zones d’action pour la santé (Health Action Zones), zones d’action pour l’éducation (Education Action Zones) et les équipes qui travaillent avec de jeunes délinquants (Young Offender teams). Au Canada, un certain nombre de tables rondes intersectorielles et interjuridictionnelles ont été organisées aux fins de la détermination de la politique à suivre, entre autres celle des ministres fédéral-provinciaux-territoriaux (FPT) de la Santé et de l’Environnement ou des ministres FPT responsables du Sport, de l’Activité physique et des Loisirs. Ces tables rondes favorisent la discussion des enjeux stratégiques intéressant les secteurs participants et la prise de décisions à ce sujet. Le Brésil a récemment établi la commission nationale des déterminants sociaux de la santé (Comissao Nacional sobre Determinantes Sicuaks da Saude), qui a pour mission d’assurer l’égalité et l’équité en matière de santé pour tous les citoyens (Commission de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé 2006a).
Les documents passés en revue aux fins de la rédaction du présent document mettent en lumière un éventail de nouveaux mécanismes institutionnels. En dépit de l’indisponibilité des résultats d’évaluation portant sur l’incidence de ces établissements assez récents, deux observations sont de mise :
- Ces établissements ne portent pas toujours des titres spécifiques à la santé. Bien que le secteur de la santé soit un participant actif, il n’est pas nécessairement celui qui assume la direction.
- Peu de sources faisaient allusion à des tables rondes décisionnelles existantes, sur la scène politique ou bureau-cratique. Bien que les nouveaux mécanismes visent, semble-t-il, à combler les écarts dont les tables rondes décisionnelles ne peuvent s’occuper, l’inter-action entre les mécanismes nouveaux et existants doit être prise en considération. La documentation n’étudiait pas cette dynamique et ne fournissait aucune lumière à ce sujet.
Mécanismes financiers
L’absence de mécanismes financiers à l’appui de l’action intersectorielle a été désignée comme un obstacle commun à l’AS. Toutefois, des exemples tirés de documents sources mettent l’accent sur des outils et des mécanismes financiers pouvant être prometteurs :
- Des affectations financières exclusives à l’action intersectorielle, assorties de paramètres clairs quant à ce qui constitue ou ne constitue pas une AS, qui peuvent être combinées à des règlements fournissant des instruments légaux aux fins de l’application de l’action intersectorielle dans certaines situations (OMS 2004, p. 19).
- Faire de l’action intersectorielle une condition de financement est le moyen qu’utilisent les établissements financiers internationaux pour obliger les secteurs à collaborer à la résolution des questions épineuses (OMS 2004, p. 19). Cette approche fondée sur des incitatifs établit des paramètres qui soutiennent le travail intersectoriel. Le gouvernement du Canada s’en sert pour son Fonds pour la santé de la population, qui offre des subventions et des contri-butions à des organismes universitaires, communautaires ou bénévoles aux fins de l’avancement des objectifs de la politique et du programme ayant trait aux enfants, aux personnes âgées et à d’autres groupes de population et enjeux. Par ailleurs, certains pays ont adopté une approche fondée sur des pénalités prévoyant des sanctions gouvernementales pour le manque de transparence et les erreurs systématiques allant à l’encontre de la collaboration intersectorielle (OMS 2004, p. 19-20).
- Le partage des frais ou la mise en commun des ressources nécessite des contributions financières d’une gamme d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux à l’appui d’une population ou d’un enjeu en particulier qui s’aligne sur les mandats de ces derniers.
- Les ressources concrètes sont celles que fournissent les secteurs dont la contribution est limitée, par les accords financiers, à des ressources non financières (p. ex. des ressources humaines, de l’information, de l’expertise, des locaux et des technologies) à l’appui de la réalisation des objectifs communs. En ce qui a trait aux ressources concrètes, les exigences relatives à la respon-sabilisation sont souvent moins rigoureuses que celles associées aux investissements de ressources financières. Les mesures concrètes prises par des organismes peuvent offrir une plus grande flexibilité, ce qui permet à ces derniers de s’adapter aux besoins changeants du travail intersectoriel aux diverses étapes de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des politiques.
La documentation ne contenait pas beaucoup de détails sur ces outils et mécanismes fiscaux dans le contexte de l’information en matière de santé ou des mesures institutionnelles. Toutefois, les incitatifs ou désincitatifs financiers ont une solide influence sur les comportements des organismes et des particuliers qui prennent part à l’action intersectorielle.
Lois et règlements
Combinés aux autres outils et mécanismes, les lois et règlements peuvent avoir des répercus-sions du point de vue de l’action intersectorielle. Le Règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la Santé a une incidence sur les politiques sanitaires de toutes les nations et des répercussions qui vont au-delà du secteur de la santé (p. ex. secteurs des voyages, de l’alimentation et du tourisme). Toutefois, le règlement n’impose pas néces-sairement la collaboration intersectorielle.
Les textes de lois ont été mis à profit pour officialiser la prise de mesures institutionnelles intersectorielles. C’est ce qui s’est produit, par exemple, dans l’Union européenne (UE), avec l’établissement de la Commission de la santé de l’UE et les règlements régissant l’application de l’EIS aux positions de principe adoptées au sein du secteur de santé et à l’extérieur (Lock et McKee, 2005, p. 357). Lock et McKee soulignent cependant qu’en dépit du fondement juridique de l’EIS dans l’UE, les problèmes de capacité entravent souvent sa mise en application.
Cadres de responsabilisation
Les cadres de responsabilisation des secteurs public et privé varient considérablement. Dans bien des pays, on s’attend de plus en plus à ce que les organismes optimisent leurs ressources et attribuent les résultats aux interventions en matière de politique. Le fait de devoir rendre compte d’initiatives conjointes auxquelles plus d’une administration prend part peut susciter des tensions entre la vérification de la conformité (comportant des règles et des principes établis) et la reddition de comptes fondée sur les résultats. Fox et Lenihan soulignent que « de nos jours, les citoyens s’intéressent autant au « quoi » qu’au « comment » ...ils se préoccupent de l’issue des résultats atteints » (Fox et Lenihan, 2006, p. 3) :
La prise de décisions en commun ne semble pas être un élément essentiel des initiatives conjointes comme cela est le cas dans le secteur du développement communautaire. Au contraire, l’exécution de la plupart des tâches est encore compartimentée...la collaboration réelle s’effectue en majeure partie aux stages préliminaires, alors que les partenaires tentent encore de décider ce qu’ils veulent faire ensemble. Même s’il n’est peut-être pas toujours possible de fournir un compte rendu complet de la manière dont ces décisions sont prises, il n’est vraisembla-blement pas nécessaire de le faire...s’il y a un problème de transparence, il est probablement marginal et nous sommes prêts à nous en accommoder pour pouvoir établir un partenariat qui se traduit par l’obtention de bien meilleurs résultats (2006, p. 7).
Les défis liés à la responsabilisation sont particulièrement évidents lorsque la collabo-ration est à la fois horizontale et verticale. Au Canada, l’Accord de Vancouver est un exemple d’initiative socio-économique qui regroupe trois ordres de gouvernement, plusieurs ministères et des organismes communautaires et du secteur privé en vue de la revitalisation du quartier Downtown Eastside. Dans le cadre de ce réseau complexe d’organismes, mandat et efforts, des cadres d’évaluation conjointe ont été négociés aux fins d’évaluation, tant du processus que des résultats.
Planification et établissement des priorités
La documentation contient peu de renseignements sur le recours à des processus continus de planification et d’établissement des priorités. Elle porte surtout sur les mécanismes novateurs plutôt que sur ceux qui existent déjà; l’hypothèse étant peut-être que les thèmes de la santé et de l’équité en santé sont des volets établis des cycles pangouvernementaux de la plani-fication et de l’établissement des priorités. Elle n’accorde pas beaucoup d’importance au degré et au mode d’institutionnalisation de l’AS au sein des mécanismes ou rouages gouvernementaux de planification et d’établis-sement des priorités.
Dans la plupart des contextes socio-politiques, les processus décisionnels permettent de fixer les principales orientations stratégiques et les affectations financières connexes. Les services de trésorerie jouent un rôle de premier plan ou significatif en ce qui a trait à la planification des budgets et à l’établissement des priorités dans l’ensemble du gouvernement. Le chapitre 6 : Rôles et responsabilités, étudie plus en détail la nature de leur rôle dans les secteurs de la santé et dans d’autres secteurs gouvernementaux.
Approches en matière d’action intersectorielle
Outre une gamme d’outils et de mécanismes à l’appui de l’action intersectorielle, le présent examen des expériences permet de découvrir un éventail d’approches en matière d’AS visant à surmonter les obstacles ayant trait à la santé et à l’équité en santé – y compris les approches dirigées par les collectivités, par étapes et ciblées, de même que les cadres stratégiques généraux.
Approches axées sur le lieu ou le cadre
Le projet des collectivités/villes-santé de l’Organisation mondiale de la Santé est mis en œuvre à l’échelon local. Ce concept général se fonde sur l’utilisation du « cadre » en tant que structure de la prestation de méthodes permettant d’atteindre des populations définies. Depuis son lancement, le projet villes-santé a été mis en exécution dans des villes, des municipalités, des villages, des îles et des collectivités, des écoles et des lieux de travail (Werna et coll. 1998, p. 74 dans Huchzemeyer et coll. 2001, p. 12).
L’initiative des zones d’action pour la santé du RU s’inspire du modèle des villes-santé et illustre des approches gérées à l’échelon local qui visent à améliorer l’équité en santé. Sous le gouvernement travailliste, les efforts de redistribution nationale ont été complétés par l’action locale dans des zones défavorisées qualifiées de collectivités ayant des besoins cruciaux. L’établissement de ces zones était considéré comme un moyen clé de « s’attaquer aux causes fondamentales du mauvais état de santé – la pauvreté, le chômage, l’itinérance et l’éclatement de la famille. Cette mesure faisait suite à des initiatives gouvernementales prises dans d’autres secteurs sociaux – les zones d’action pour l’éducation, les zones d’action pour l’emploi et les équipes qui travaillent auprès de jeunes délinquants ... [et] les ministres espèrent qu’elles déboucheront sur une coopé-ration plus étroite à l’échelon local en vue de s’attaquer à la privation sociale » (Dean, 1998, p. 1111). Des initiatives axées sur le revenu, l’emploi, l’éducation, le développement du jeune enfant et la revitalisation [communautaire] ont été combinées et des partenariats ont été formés entre le gouvernement, le secteur privé et les collectivités (Commission de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé, 2006c).
Dahlgren et Whitehead font remarquer que l’approche axée sur le cadre « a été utilisée pour s’attaquer aux risques pour la santé au travail et porte essentiellement sur les principaux déterminants de la santé dans un lieu de travail en particulier, plutôt que sur un seul facteur de risque. » Ils font cependant la mise en garde suivante : « pour ce qui est du volet santé de ces programmes – lieux de travail sains, écoles saines et hôpitaux sains – l’équité a parfois été faible ». Ils soulignent également « la nécessité de cerner, dans le cadre de cette approche, les déterminants des inégalités sociales en santé ... des efforts spéciaux devraient être faits pour lancer des initiatives axées sur le cadre dans des collectivités défavorisées » (2006, p. 101).
L’ampleur des approches axées sur le lieu peut varier considérablement et il est possible qu’une gamme de secteurs et d’instances gouvernementales y soient associés. Toutefois, le cadre fait office de plate-forme commune pour l’action. L’AS axée sur le lieu a l’avantage d’être concrète et visible : elle est propice à l’organisation de visites sur place à l’intention des décideurs, des médias et des intervenants en vue d’étudier le problème d’intérêt public et les interventions connexes.
Approches par étapes
D’autres projets à l’échelon planétaire, national ou local ont recours à des approches structurées selon les étapes de la planification et de la préparation conjointes aux fins d’élaboration d’options, de recommandations et de plans d’action. Participent aux discussions mondiales concernant l’eau, l’hygiène et la protection sanitaire de l’environnement humain des représen-tants des secteurs de la santé, de l’agriculture, de l’environnement, des ressources naturelles et des secteurs économiques, entre autres des organismes multilatéraux gouvernementaux ou non gouvernementaux. Grâce au Forum politique-développement, des cadres supérieurs ont pris part à des discussions informelles sur des questions de politique publique à facettes multiples ayant trait à l’eau, à l’hygiène et à la protection de la santé. Cette initiative, qui date de 2001, a réuni des représentants de secteurs qui ont des intérêts communs et subissent les mêmes répercussions. Un rapport aux participants a été soumis au Forum mondial de l’eau, à Mexico en 2006.
Bos (2006) signale que cette approche comporte deux éléments essentiels :
- procéder à un examen conjoint de toutes les politiques sectorielles afin de promouvoir l’harmonisation et de tenir compte des questions de santé dans l’élaboration des politiques sectorielles, au besoin; et
- élaborer des mesures institutionnelles dans le contexte d’un cadre stratégique renforcé afin de cerner le potentiel des mesures existantes; élaborer des mesures institutionnelles précises concernant des questions de santé en voie d’élaboration; identifier les partenaires et cerner le contenu de la collaboration; et mettre en place les mécanismes et les ressources. L’expérience a démontré qu’en l’absence de ressources adéquates, les actions intersectorielles ont rarement une incidence durable. En dernier lieu, Bos recommande d’élaborer des protocoles d’entente clairs afin d’officialiser des mesures plus permanentes, de définir clairement les liens avec des organismes intersectoriels, d’établir des mandats clairs et de fournir les ressources nécessaires.
Les trois étapes suivantes font partie du processus : analyse de la situation en ce qui a trait aux mesures institutionnelles; désignation des obstacles à la collaboration intersectorielle; et mise au point des idées suggérées pour combler les lacunes intersectorielles (OMS 2004, p. 18).
| Pleins feux sur la NORVÈGE |
En 2005, la direction de la santé et des affaires sociales de la Norvège a adopté une approche par étapes en vue de réduire les inégalités sociales en santé. Première étapeLa première étape consistait à recueillir plus de données sur les inégalités sociales en santé en renforçant l’expertise, la recherche et la documentation. L’évaluation des incidences a été utilisée comme un outil d’évaluation des incidences des politiques, programmes et projets visant à lutter contre les inégalités sociales en santé. La direction a veillé à ce que les inégalités sociales soient prises en considération dans ses propres politiques et à préparé l’assise professionnelle de la stratégie nationale regroupant tous les secteurs. Deuxième étapeAu printemps 2007, le gouvernement de la Norvège a soumis un rapport [budget national] au parlement norvégien, le Stortling, dans lequel il expose sa stratégie visant à réduire les inégalités sociales en santé. Le gouvernement de la Norvège a accordé la priorité au renforcement des responsabilités et du rôle du secteur public dans des secteurs clés du bien-être, à savoir la santé, les soins médicaux et l’éducation. La stratégie visant la réduction des inégalités sociales en santé fixe les lignes directrices relativement à l’orientation du gouvernement et de l’administration centrale en matière d’égalité sociale et à leur promotion de ce principe comme l’un des plus importants déterminants de la santé pour une période de dix ans (2007-2017). (Pour des détails additionnels, consultez Directorate for Health and Social Affairs 2005 et The Ministry of Health and Care Services 2006). |
Ces approches par étapes semblent avoir été utilisées dans les cas où il était reconnu que les secteurs devaient agir de concert pour améliorer la santé et l’équité en santé et lorsque de fortes pressions étaient exercées en vue de la présentation d’éléments probants à l’appui de la sélection du secteur dans lequel une collaboration conjointe était de mise et du moment de passer à l’action. Au nombre des risques associés à cette approche, mentionnons la perte potentielle de soutien entre les résultats scientifiques, l’élaboration des options et la prise de décisions. Font partie des avantages que comporte cette méthode, l’élaboration d’éléments probants plus solides pour l’ensemble d’une vaste gamme de déterminants de la santé et de l’équité, la prise de décisions plus judicieuses et l’utilisation plus efficace des ressources.
Approches ciblées
Compte tenu des ressources limitées et du désir d’obtenir des résultats opportuns et concrets, il est possible que les décideurs choisissent de centrer ou cibler les efforts sur une population ou un enjeu en particulier. La documentation passée en revue comprend deux types principaux d’approches ciblées : les approches axées sur la population ou le groupe, et celles axées sur les maladies ou les facteurs de risque.
Approches axées sur la population
Au Chili, le ministère de la planification et de la coordination a établi le fonds de la solidarité et des investissements éthiques, soit le Programa Puente (programme passerelle), qui vise les familles vivant dans une extrême pauvreté. Tous les secteurs responsables de l’élaboration de politiques ayant une incidence sur la santé sont associés à ce programme qui prône des interventions sélectives en vue de combattre les inégalités. Les conseillers travaillent avec les familles afin d’établir des liens avec les services et de faciliter l’accès à ces derniers. Des incitatifs financiers sont offerts aux employeurs qui engagent des chômeurs chefs de familles qui sont visés par le programme. Le nombre de familles participant à ce programme a consi-dérablement augmenté. Aucune donnée n’est disponible concernant les répercussions sanitaires, sociales et économiques de ce dernier (Commission de l’OMS sur les déterminants sociaux de la santé, 2006b).
Il est bien connu que, dans bon nombre de pays, les autochtones sont dans un piètre état de santé. La Nouvelle-Zélande, l’Australie et le Canada sont au nombre des nations qui ont misé sur des approches intersectorielles ciblées pour résoudre les problèmes sociaux et économiques complexes des peuples autochtones. Les organismes communautaires autochtones, régionaux, nationaux et internationaux étudient des manières de réduire les iniquités. Au nombre des partenaires gouvernementaux, signalons les secteurs de l’éducation, de la santé, des services sociaux, du développement économique, des ressources naturelles, de l’environnement et des ministères se préoccupant essentielles des populations, p. ex, Affaires indiennes et du Nord Canada.
Action axée sur des maladies ou des facteurs de risque précis
De nombreux pays ont utilisé des stratégies axées sur une maladie, un facteur de risque |ou un groupe de facteurs de risque précis. Dahlgren et Whitehead observent que les approches axées sur des maladies spécifiques mettent l’accent sur les facteurs en aval de l’enchaînement causal; toutefois, ils recon-naissent qu’« une approche généralisée coordonnée axée sur une maladie précise est parfois efficace sur le plan de la mobili-sation de l’action publique » (2006, p. 101). Le chevauchement des efforts et un objectif restreint axé sur les conséquences en aval font partie des risques courants liés à cette approche.
Ce type d’approche ciblée peut se révéler utile lorsque le public et les intervenants ont une solide perception de la nécessité de prendre des mesures à l’égard d’un groupe démographique, d’une maladie ou d’un facteur de risque spécifique, p. ex. les familles à faible revenu, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le VIH-sida et le tabagisme.
Cadres stratégiques généraux
Le programme Action 21 des Nations unies (plan pour atteindre le développement durable) et le plan d’action national européen en matière d’environnement et de santé offrent des exemples de cadres stratégiques généraux. Les cadres du Royaume-Uni (R.U.) et de la Suède sont les plus fréquemment cités à titre de cadres stratégiques axés sur l’équité en matière de santé. Les principaux points de ces approches sont énoncés dans les encadrés des pages qui suivent.
L’approche de la Nouvelle-Zélande à l’égard des inégalités en matière de santé comporte quatre niveaux d’intervention (Crombie et coll. p. 22-23). Les éléments structuraux englobent l’éducation, la sécurité sociale et les politiques du marché du travail qui favorisent les personnes les plus vulnérables au chômage. Les professionnels de la santé demandent que d’autres secteurs adoptent des politiques qui permettront d’améliorer la santé et de réduire les inégalités en matière de santé. Les mesures axées sur des voies intermédiaires comportent des politiques visant à améliorer les conditions de vie et de travail, ainsi que des programmes communautaires et scolaires, complétés par des services touchant la santé et l’invalidité qui garantissent un accès équitable et l’élimination des obstacles. Ces mesures visent à réduire au minimum les conséquences de l’invalidité et de la maladie sur la position socio-économique.
| Pleins feux sur le Royaume-Uni |
En 1980, le rapport Black, qui cernait les inégalités en matière de santé parmi la population du Royaume-Uni, a déclenché un débat sur l’étendue des inégalités et sur leurs facteurs déterminants. Le rapport Wanless, examen transsectoriel des politiques nationales et des rapports d’évaluation touchant les inégalités qui portait sur la pauvreté chez les enfants et le transport, a également suscité de l’action. Cependant, même si l’on reconnaissait la situation, et malgré le débat continu dont celle-ci faisait l’objet, ce n’est que lorsque le parti travailliste a accédé au pouvoir, en 1997, que le Royaume-Uni a élaboré une politique nationale visant expressément à réduire les inégalités en matière de santé. Jusqu’en 2005, aucun autre pays n’avait adopté ce type d’approche. Le gouvernement décloisonné adopte l’action intersectorielle (AI) en guise de stratégie fondamentaleLa politique attribue la responsabilité en matière de santé au gouvernement dans son ensemble. Dans ce contexte, l’AI est reconnue comme une stratégie fondamentale en vue d’éliminer les inégalités en matière de santé. De plus, le concept de « gouvernement décloisonné », défini comme étant « la réunion d’un certain nombre d’entités publiques, privées et bénévoles afin de mettre en œuvre des démarches intersectorielles en vue d’atteindre un but commun » (National Audit Office, 2001), s’est révélée à titre de mécanisme facilitant la mise en œuvre de l’AI. Le mouvement axé sur l’AI était considéré comme faisant partie du processus de modernisation du gouvernement. Le Bureau du Conseil des ministres et le Conseil du Trésor se sont vu confier la responsabilité de la promotion et de la surveillance. Des politiques nationales connexes touchant les enfants et le renouvellement des quartiers ont été adoptées pendant la même période. De nombreux obstacles ont entravé le progrèsLa politique constituait le principal obstacle à la réalisation d’une action intersectorielle au Royaume-Uni. Jusqu’à ce qu’un gouvernement travailliste soit en place, l’AI n’était pas prioritaire. L’établissement de zones d’action en santé (HAZ) compte parmi les exemples d’initiatives les mieux documentées du gouvernement en matière d’AI. On a créé 26 zones d’action en santé (ZAS) afin d’organiser des initiatives sectorielles axées sur les déterminants sociaux de la santé. Ces initiatives étaient liées à l’unité d’exclusion sociale responsable de la promotion d’approches inter-organismes touchant les équipes des zones d’action en santé, des zones d’action en éducation et des jeunes contrevenants. Les zones d’action en santé, censées favoriser la collaboration intersectorielle et entre les organismes et canaliser l’expérience et les ressources communautaires, devaient être exploitées pendant au moins sept ans. Après un démarrage très médiatisé, accompagné d’un enthousiasme considérable à l’égard du concept, la plupart des zones ont été fermées au bout de trois ans, compte tenu d’un changement de cap du point de vue des priorités gouvernementales. Bauld (2005) observe que l’expérience de chaque zone était largement spécifique au contexte, et que des données probantes attestent d’avantages à long terme du point de vue de la familiarisation avec les méthodes de fonctionnement intersectorielles. Bref, les zones constituaient un « bon point de départ dans des circonstances difficiles », compte tenu, notamment des objectifs irréalistes, d’un financement insuffisant, d’objectifs et de partenariats changeants, de systèmes de gestion du rendement qui ne reconnaissaient guère l’action intersectorielle, des lacunes des capacités organisationnelles et de la tension entre l’exécution de changements locaux et la détermination des causes structurales des inégalités à l’échelle nationale. Obstacles et résultats positifsLa plupart des zones d’action en santé ont été fermées avant que leur incidence ne puisse être évaluée d’une manière appropriée. Cependant, certains évaluateurs, tout en reconnaissant la nature ambiguë des données obtenues des zones, affirment que des éléments probants attestent des avantages durables du point de vue de l’acquisition de connaissances touchant les initiatives intersectorielles, notamment : l’adoption d’un modèle amélioré de prestation de services à l’égard de groupes démographiques auparavant omis et l’établissement d’un contexte qui appuie des méthodes nouvelles et plus constructives de collaboration (Bauld et coll. 2005, p. 438). De plus, les zones ont permis de faire ressortir davantage les inégalités en matière de santé sur le plan politique, du moins à l’échelon local. Bien que des groupes de travail interministériels axés sur des enjeux thématiques aient été mis sur pied, et que des ministres de divers ministères signent de concert des documents stratégiques, il semble que les ministères puissent continuer de travailler d’une manière cloisonnée, et qu’ils soient dépourvus de sentiment de responsabilité collective à l’égard des politiques intersectorielles (Exworthy, Berney et Powell, 2002). Le gouvernement du Royaume-Uni maintient son engagement envers une administration décloisonnée et l’action intersectorielle, en prenant appui sur l’expérience antérieure afin de renforcer la collaboration intersectorielle et interorganisationnelle aux échelles nationale et locale. Leçons tirées de l’expérienceParmi les leçons documentées touchant l’action intersectorielle sous l’administration travailliste au Royaume-Uni (National Audit Office, 2001), (Exworthy, Berney et Powell, 2002) et (Bauld, 2002), notons :
(Pour de plus amples renseignements, consultez le National Audit Office 2001, Exworthy, Berney et Powell, 2002, et Bauld, 2005). |
Dahlgren et Whitehead traitent de « stratégies intégrées axées sur les déterminants de la santé », en précisant qu’une des approches les plus efficaces consiste à « intégrer les objectifs axés sur l’équité en matière de santé aux politiques et aux programmes sociaux et économiques existants sur les plans de la croissance économique, de la fiscalité, de l’emploi, de l’éducation, du logement, de la protection sociale, du transport et des ser-vices de santé » (2006, p. 100). Les auteurs soulignent qu’« il faut attribuer la priorité absolue à l’élaboration et à l’utilisation d’analyses d’impacts sur l’équité en matière de santé ... l’évaluation des impacts sur l’équité en matière de santé – tout comme les analyses des impacts sur l’hygiène du milieu – doit être consi-dérée comme un aspect normal de l’évaluation de politiques et de programmes publics et commer-ciaux suscep-tibles d’avoir une incidence favorable ou néfaste sur la santé. Il faudra peut-être rendre ce type d’analyse des impacts sur la santé obliga-toires en vertu d’une loi ou d’un règlement ».
| Pleins feux sur la Suède |
Mise en œuvre, par un gouvernement proactif, d’initiatives intersectorielles touchant la santé du point de vue des déterminants sociauxLes administrations nationales et locales de la Suède ont utilisé des approches intersectorielles bien avant la publication du rapport Black. La stratégie nationale actuelle de la Suède en matière de santé publique a découlé d’un modèle d’aide sociale et de la reconnaissance des inégalités liées à la santé définies au cours des années 1980. Des recherches significatives touchant la nature de ces inégalités et les approches connexes en matière d’intervention ont permis de dégager des éléments probants à l’appui d’objectifs généraux relatifs à la santé publique. En fin de compte, cette orientation était liée à un cadre de déterminants sociaux et comportant un volet fondamental d’action intersectorielle. Les facteurs suivants ont contribué à l’élaboration des objectifs en matière de santé publique : des antécédents liés à un gouvernement socio-démocrate; une relation solide avec le mouvement travailliste; un système d’aide sociale très élaboré; la demande d’objectifs nationaux touchant la santé publique de la part des municipalités; la participation des politiques de toutes allégeances; une connaissance civique solide; un processus très démocratique; un engagement politique à l’égard de l’équité; un organisme de surveillance de niveau supérieur; l’établissement de buts intersectoriels; des éléments probants solides et une préférence axée sur les approches collectives et généralisées (Östlin, 2003). Une stratégie nationale globaleLa commission nationale de la santé publique a déclaré ce qui suit : « Nous jugeons que la responsabilité de la santé personnelle est partagée entre l’individu et la société, bien que la responsabilité de l’injustice sur le plan de la répartition de la santé entre les groupes relève avant tout de la société ». (Comité national de la santé publique, 2001). Le document faisant état de la stratégie et des buts touchant la santé publique de la Suède, « conditions d’égalité en matière de santé (Health on Equal Terms) » fournissait un cadre théorique et pratique relatif à la coopération entre de nombreux secteurs et intervenants, du point de vue des principaux déterminants de la santé. Les buts, fondés sur des données scientifiques solides et élaborés selon un processus démocratique, précisaient les rôles et établissaient des objectifs liés aux déterminants de la santé. La politique régit les initiatives intersectorielles aux niveaux des conseils de comté et des municipalités, de sorte que la santé publique relève de la responsabilité conjointe de plusieurs organismes centraux, des 21 conseils de comté et des 290 municipalités du pays. De plus, la politique regroupe les organismes non gouvernementaux, les syndicats et les universités. L’étendue de cette approche offre un modèle singulier de gouvernance de l’action intersectorielle axée sur la santé et sur l’équité. Surmonter les obstacles grâce à des principes solides de recherche, de consultation et d’intégrationInitialement, la Suède ne possédait pas de stratégie globale à long terme en vue d’éliminer les inégalités en matière de santé. Le processus d’élaboration des buts comportait trois étapes fondamentales : élaboration et examen d’un cadre; valeurs éthiques, données scientifiques et établissement de l’ordre de priorité et achèvement de la stratégie. Des experts ont été chargés de recueillir des données scientifiques permettant de cerner les besoins. Des études pluridisciplinaires touchant les déterminants de la santé ont été mises en œuvre et analysées. La participation active des sept partis politiques a joué un rôle crucial dans l’établissement des orientations stratégiques. Il y a lieu de souligner la nature inclusive du processus – c.-à-d. veiller à ce que les partis d’opposition, le public et d’autres intervenants « s’approprient » le processus. Des consultations publiques ont accru la sensibilisation et la participation des citoyens. Les documents essentiels ont été mis à la disposition du public selon divers formats, y compris en braille. Le processus d’élaboration de buts en matière de santé publique mis en œuvre en 1998 a mené à l’adoption de la loi de 2003 sur les objectifs de santé publique (Public Health Objectives Act (2003)), la première politique formelle de la Suède touchant la santé publique et l’une des premières stratégies officialisées en matière de santé du monde fondée sur une approche axée sur les déterminants de la santé. Par le biais de cette loi, le Parlement approuvait le but global, qui consistait à « fournir des conditions sociales propices à la santé selon des conditions équitables à l’égard de l’ensemble de la population ». Onze buts relatifs à la santé publique, regroupés dans trois catégories (structures sociales et conditions de vie; milieux et environnement et modes de vie et comportements en matière de santé) appuient ce but principal. On a établi des objectifs mesurables et précis pour chacun des 11 buts. Plutôt que d’imposer de nouveaux buts aux autres secteurs, les responsables ont décidé les buts liés à l’emploi et au soutien social d’autres secteurs aux buts en matière de santé publique (Östlin, 2003). La santé montre la voieLe secteur de la santé a dirigé les étapes initiales et appuyé tout le processus, en demandant la mise en œuvre de recherches relatives aux inégalités en matière de santé et en offrant les connaissances spécialisées nécessaires à l’élaboration d’éléments probants qui permettraient aux milieux politiques de mener le processus. D’autres secteurs ont participé au processus : des recherches multisectorielles et pluridisciplinaires axées sur les enjeux ont permis de mettre en évidence les inégalités du système. La participation du gouver-nement, d’organismes non gouvernementaux, d’experts et du public tout au long du processus a contribué à l’approbation et à la mise en œuvre initiale de la stratégie et des buts liés à la santé publique. Un comité directeur présidé par le ministre de la Santé publique, de concert avec des ministres d’autres secteurs participants, supervise la mise en œuvre continue des buts relatifs à la santé publique extérieurs au secteur de la santé. Techniques de surveillance et d’évaluation en cours d’élaborationBien qu’il soit trop tôt pour évaluer les répercussions de la nouvelle politique, l’Institut national de la santé publique de la Suède s’est vu confier la responsabilité de la surveillance et de l’évaluation pour le compte du comité directeur. L’élaboration d’une méthode de surveillance et d’évaluation des composantes intersectorielles de la politique suédoise en matière de santé publique constitue une tâche complexe. (Pour de plus amples renseignements, consultez Östlin, P. et F. Diderichsen, 2001, « Equity-oriented national strategy for public health in Sweden: A case study », Policy Learning Curve Series Number 1, Centre européen de l’OMS pour la politique en santé, Bruxelles. Accessible [en ligne] à l’adresse : http://www.who.dk/Document/E69911.pdf). |
Les documents examinés n’ont pas fourni d’éléments probants attestant l’efficacité de ces cadres stratégiques généraux. Bien que les cadres offrent l’avantage d’intégrer les connaissances et les efforts vers des objectifs communs, ils peuvent également présenter des obstacles sur les plans de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation de politiques, compte tenu des nombreux participants et des divers points de vue qui entrent en jeu : par exemple, pour ce qui est de maintenir l’intérêt des divers intervenants, de mesurer l’impact et de fournir des éléments probants en temps opportun à l’appui des décisions prises dans un milieu dynamique. Parmi les risques, notons la perception d’une perte d’objectif axé sur les initiatives du secteur de la santé en vue d’assurer des politiques équitables. De toute évidence, les secteurs participants doivent posséder une solide capacité d’analyse pour définir les domaines qui seront évalués et pour fournir, de façon opportune, des conseils en ce qui concerne les options.
Combinaison d’approches
Dans de nombreux cas, on utilise une combi-naison d’approches. À l’échelle nationale, les gouvernements peuvent choisir une approche ciblée sur un groupe spécifique, combinée avec une approche progressive à l’égard d’une question émergente. Les résultats de l’éva-luation d’approches combinées étaient fournis, dans la mesure du possible; toutefois, d’une manière générale, il n’existe guère de preuves de l’efficacité des initiatives intersectorielles comparativement à l’action intrasectorielle du point de vue des objectifs en matière d’équité. Des obstacles importants se posent sur le plan de l’attribution. Dans bien des cas, des décennies peuvent s’écouler entre la mise en œuvre d’une initiative et la réalisation des résultats.
L’expérience démontre que la collaboration entre les secteurs impose de lourdes exigences sur le plan des ressources. La limitation des ressources d’un secteur peut faire en sorte que ce dernier ne puisse pas intervenir à l’égard à toutes les questions, en tout temps et avec tous les intervenants concernés. Il faut faire des choix en ce qui concerne les questions à traiter, à quel moment et avec quels colla-borateurs. Bien que les gains en matière de santé ne représentent pas nécessairement une priorité explicite pour d’autres secteurs, la santé constitue un indicateur critique de développement social et économique. L’équité peut servir de fondement commun appuyant les démarches des intervenants vers une répartition plus juste de la santé et les déter-minants des disparités sur le plan de la santé.
Dans le cadre du présent document, il est difficile d’évaluer le caractère approprié de chacune de ces approches dans le contexte d’un processus décisionnel précis. Toutefois, les divers exemples cités jettent un certain éclairage sur la portée des initiatives inter-sectorielles. Manifestement, le contexte et la culture entrent en ligne de compte dans le choix d’une approche; en outre, ils influeront également sur l’efficacité de celle qui sera retenue.