Pour une mesure plus précise du fardeau économique associé aux maladies chroniques au Canada

Vol 25 No 1, 2004

John Rapoport, Philip Jacobs, Neil R Bell et Scott Klarenbach

Résumé

Le présent article analyse le fardeau économique associé à un certain nombre de maladies chroniques au Canada. Dans cette analyse, nous avons rajusté la mesure de l'utilisation des services médicaux et hospitaliers en fonction des maladies chroniques concomitantes, qui se sont révélées très répandues et qui influent sur l'utilisation des ressources. À l'aide des données de l'Enquête nationale sur la santé de la population de 1999, nous avons classé par ordre d'importance l'utilisation des ressources pour plusieurs maladies chroniques et tenu compte dans un second temps de la prévalence et de l'utilisation par personne. Nos résultats indiquent que, pour les maladies qui ont le plus d'impact, les mesures de l'utilisation des ressources sont davantage influencées par la prévalence de la maladie que par le degré d'utilisation des ressources par les personnes atteintes. Les maladies liées à la plus grande utilisation des ressources sont les maux de dos, l'arthrite ou le rhumatisme, l'hypertension artérielle et les migraines chez les personnes de moins de 60 ans, ainsi que l'arthrite ou le rhumatisme et l'hypertension chez les personnes de plus de 60 ans. Nos méthodes peuvent servir à prévoir l'impact relatif général sur l'utilisation des ressources qui est lié à la prévalence de la maladie ainsi que le degré d'utilisation des ressources par personne pour diverses maladies.

Mots clés : économie; maladies chroniques; utilisation

Introduction

De nombreuses études publiées ainsi que la «littérature grise»* ont analysé le fardeau économique associé à des maladies chroniques. Plusieurs de ces études ont permis d'effectuer une comparaison entre différentes maladies1, mais la plupart des auteurs ont concentré leur attention sur une maladie chronique spécifique et, plus particulièrement, sur les services fournis aux personnes atteintes de cette maladie2-5. Rares sont les études sur le fardeau économique qui ont mesuré le coût par patient6, paramètre important si les estimations doivent servir à prévoir les dépenses ou à évaluer l'impact des interventions (qui est l'objectif habituel déclaré de ces études). En outre, bien qu'il existe depuis longtemps des lignes directrices pour l'établissement du coût des maladies7,8, les chercheurs ne se servent pas souvent de méthodes ou de sources de données communes. Et, surtout, ils adoptent rarement un concept qui englobe les maladies concomitantes9. Le fait de ne pas tenir compte de l'effet additionnel ou inhérent des maladies concomitantes sur l'utilisation et le coût peut entraîner un biais dans les estimations de l'utilisation des ressources.

Dans la présente étude, nous adoptons une approche différente pour estimer le fardeau associé aux maladies chroniques : nous examinons les données à l'échelle individuelle provenant d'une enquête nationale sur la population et, au moyen d'une mesure commune, nous examinons la relation entre les maladies chroniques et l'utilisation des services médicaux et hospitaliers, en tenant compte des maladies concomitantes. Nous nous servons des données de l'Enquête nationale sur la santé de la population (ENSP); cette enquête nationale en population fournit de l'information sur la présence d'un certain nombre de maladies chroniques différentes et sur les caractéristiques des personnes atteintes ou non de ces maladies.

Méthodologie

Toutes les données dans cette analyse proviennent de l'ENSP, enquête sur la santé générale effectuée par Statistique Canada en 1998-1999. Nous nous sommes servis du volet sur la santé en général de l'enquête, lequel a porté sur 17 244 sujets. Le questionnaire de l'ENSP contenait une série de questions sur les maladies chroniques auto-déclarées, définies comme des problèmes de santé qui ont duré ou devraient durer six mois ou plus et qui ont été diagnostiquées par un professionnel de la santé. Les maladies chroniques suivantes ont été examinées dans notre analyse : asthme, arthrite ou rhumatisme, problèmes de dos (à l'exclusion de l'arthrite), hypertension, migraines, bronchite chronique ou emphysème, sinusite, diabète, épilepsie, cardiopathies, cancer, ulcères de l'estomac ou de l'intestin, effets d'un accident vasculaire cérébral, incontinence urinaire, troubles intestinaux comme la maladie de Crohn ou la colite, maladie d'Alzheimer ou toute autre démence, cataractes, glaucome et troubles thyroïdiens. Nous avons créé des variables nominales qui indiquent la présence ou l'absence de chacune de ces maladies. Nous avons également eu recours à une variable distincte qui signalait le nombre total de maladies chroniques déclarées par chaque répondant.

L'utilisation des services médicaux et hospitaliers a été mesurée d'après le nombre de consultations médicales par année et le nombre de nuits passées à l'hôpital chaque année. Dans le fichier de données à grande diffusion de l'ENSP, les consultations médicales par répondant ayant consulté plus de 30 fois par année sont combinées dans une catégorie ouverte; nous avons attribué une valeur de 31 dans ces cas. Nous avons fait la même chose pour les nuits passées à l'hôpital, qui ont également été compilées dans les fichiers de données de l'ENSP comme une catégorie supérieure ouverte de plus de 30. Les variables démographiques addi- tionnelles qui suivent ont été incluses comme variables de contrôle : âge, sexe, revenu du ménage et niveau de scolarité comme variable nominale indiquant si la personne a fait des études postsecondaires.

L'analyse a porté uniquement sur les personnes de plus de 20 ans. Nous avons calculé des statistiques descriptives sur l'utilisation dans quatre strates d'âge : 20-39, 40-59, 60-79 et plus de 80. Les analyses de la prévalence des maladies chroniques et de régression ont été effectuées séparément pour les personnes de moins de 60 ans et celles de 60 ans et plus.

Quatre variables pour l'utilisation ont été employées comme variables dépendantes. L'utilisation des services médicaux a été mesurée d'après le nombre de consultations par année. Comme la catégorie la plus élevée pour cette variable était ouverte et que les utilisateurs très fréquents peuvent avoir un effet disproportionné sur l'utilisation générale, une autre variable dépendante, à savoir une variable nominale indiquant un nombre de consultations supérieur à 12 par année, a également été ajoutée. De même, nous avons calculé l'utilisation des services hospitaliers au moyen d'une variable nominale indiquant toute hospitalisation durant l'année ainsi qu'au moyen d'une variable dépendante représentant le nombre de nuits passées à l'hôpital.

Pour chaque variable dépendante, deux régressions ont été effectuées. La première incluait comme variables indépendantes les variables démographiques de contrôle et le nombre de maladies chroniques. Dans la seconde régression, le nombre de maladies chroniques a été remplacé par le groupe de variables nominales pour les maladies chroniques particulières. Une régression linéaire a été effectuée pour les variables dépendantes continues, et une régression logistique pour les variables dépendantes nominales. Les observations ont été pondérées à l'aide des poids d'échantillonnage tirés du fichier de données de l'ENSP. La régression utilisant les nuits passées à l'hôpital comme variable dépendante n'a été calculée que pour les patients qui avaient fait état d'une hospitalisation.

Une mesure sommaire de l'utilisation des ressources par maladie a été établie pour les services médicaux. Afin d'estimer le nombre de consultations médicales attribuables à chaque maladie chronique, nous avons multiplié le coefficient de régression pour la variable nominale de la maladie par le nombre de personnes qui avaient déclaré être atteintes de la maladie. Toutes les analyses ont été effectuées à l'aide du progiciel SPSS® (Statistical Package for the Social Sciences : SPSS Inc., Chicago, Illinois), version 10.

Résultats

Le tableau 1 présente une stratification selon le nombre de maladies chroniques et compare le pourcentage de personnes dans chaque strate avec le degré d'utilisation des services médicaux et hospitaliers exprimé en pourcentage. Comme on peut le voir dans ce tableau, les maladies chroniques concomitantes sont courantes, et leur prévalence augmente plus le groupe étudié est âgé. Dans le groupe plus jeune des 20 à 39 ans, les personnes qui souffrent d'une ou plusieurs maladies chroniques utilisent plus que «leur part» des services et celles qui ne souffrent d'aucune maladie chronique utilisent moins que «leur part». Dans les groupes plus âgés, ce n'est que lorsqu'il existe deux ou plusieurs maladies chroniques que le pourcentage de services utilisés dépasse le pourcentage de personnes

TABLEAU 1
Nombre de maladies chroniques et utilisation des services médicaux et hospitaliers
dans l'Enquête nationale sur la santé de la population

Nombre de maladies chroniques Nombre de personnes (%) Nombre total de consultations médicales (%) Nombre total de jours à l'hôpital (%)
20-39 ans
  0 3 292 (62) 9 623 (47) 625 (38)
1 1 407 (27) 6 501 (32) 587 (36)
2 424 (8) 2 439 (12) 263 (16)
3 127 (2) 1 056 (5) 91 (6)
4 42 (1) 445 (2) 60 (4)
5 10 (<1) 125 (1) 3 (<1)
6-10 6 (<1) 101 (<1) 14 (1)
Total 5 308 20 290 1 643
40-59 ans
  0 2 060 (44) 4 552 (24) 332 (16)
1 1 419 (30) 5 550 (29) 449 (21)
2 681 (14) 3 717 (19) 433 (21)
3 319 (7) 2 621 (14) 482 (23)
4 141 (3) 1 323 (7) 101 (5)
5 58 (1) 696 (4) 151 (7)
6-10 42 (<1) 683 (3) 151 (7)
Total 4 720 19 142 2 099
60-79 ans
  0 601 (20) 1 311 (8) 226 (6)
1 756 (25) 3 166 (20) 602 (16)
2 719 (24) 3 997 (25) 1 065 (28)
3 435 (15) 3 092 (19) 590 (16)
4 244 (8) 2 089 (13) 602 (16)
5 126 (4) 1 129 (7) 345 (9)
6-10 114 (3) 1 289 (8) 327 (8)
Total 2 995 16 073 3 757
80 ans et +
   1 77 (12) 323 (8) 138 (7)
2 160 (24) 674 (16) 282 (15)
3 147 (22) 941 (23) 366 (20)
4 111 (17) 847 (20) 385 (21)
5 80 (12) 634 (15) 322 (17)
6 45 (7) 369 (9) 180 (10)
6-10 39 (5) 360 (9) 201 (11)
Total 659 4 148 1 874

Le tableau 2 illustre la prévalence pour chaque maladie chronique. Dans le groupe des moins de 60 ans, trois maladies chroniques sont recensées chez 10 % ou plus des répondants : maux de dos (15 %), arthrite ou rhumatisme (12 %) et migraines (10 %). Chez les personnes de 60 ans et plus, sept maladies chroniques affichent une prévalence de 10 % ou plus. La prévalence de l'arthrite ou rhumatisme (46 %) et de l'hypertension (35 %) est environ deux fois plus élevée que celle de la troisième maladie la plus courante.

TABLEAU 2
Prévalence de certaines maladies chroniques* dans
l'Enquête nationale sur la santé de la population

  Âge < 60
(n = 10 068)
Âge >= 60
(n = 3 688)
Nbre atteints Pourcentage Nbre atteints Pourcentage
Arthrite/rhumatisme 1 167 12 1 679 46
Hypertension artérielle 747 7 1 287 35
Maux de dos 1 513 15 654 18
Cardiopathies 194 2 585 16
Cataractes 61 1 551 15
Diabète 220 2 394 11
Troubles thyroïdiens 404 4 355 10
Asthme 832 8 321 9
Incontinence urinaire 133 1 248 7
Sinusite 619 6 242 7
Bronchite/emphysème 227 2 206 6
Ulcères 314 3 194 5
Cancer 85 1 171 5
Glaucome 60 1 169 5
Migraine 963 10 159 4
Accident vasculaire cérébral 44 > 1 145 4
Troubles intestinaux 174 2 111 2
Maladie d'Alzheimer 15 > 1 41 1
Épilepsie 63 1 33 1

* Classées par ordre de prévalence dans le groupe des 60 ans et plus.

Le tableau 3 montre les résultats de l'analyse de régression pour les services médicaux, le nombre de maladies chroniques étant utilisé dans les équations. Le nombre de maladies chroniques est en fait un prédicteur très significatif de l'utilisation (p < 0,001) dans toutes les régressions. Dans le groupe plus jeune, la présence d'une autre maladie chronique est associée à une augmentation de 1,74 du nombre de consultations médicales par année et, dans le groupe plus âgé, la hausse du nombre de consultations médicales prévues est de 1,29. Le nombre de maladies chroniques est également un prédicteur statistiquement significatif du recours très fréquent aux services d'un médecin (plus de 12 consultations par année). Les rapports de cotes dans les régressions logistiques illustrées au tableau 3 semblent indiquer que la présence d'une autre maladie chronique est associée à une augmentation de 76 % du risque qu'une personne de moins de 60 ans utilise fréquemment des services médicaux, risque qui est accru de 51 % chez une personne de plus de 60 ans.

TABLEAU 3
Résultats de la régression pour les services médicaux

Variable dépendante Consultations médicales (régression linéaire) Nombre de consultations Consultations médicales (régression logistique) Au moins 12 consultations ou moins que 12
Moins de 60 ans Plus de 60 ans Moins de 60 ans Plus de 60 ans
Coefficient Valeur p Coefficient Valeur p Rapport des cotes Valeur p Rapport des cotes Valeur p
Variables indépendantes
Constante 4,49 < 0,001 -1,8 0,07 0,12 < 0,001 0,01 < 0,001
Âge -0,02 < 0,001 0,06 < 0,001 0,99 0,004 1,02 0,03
Sexe masculin -1,39 < 0,001 0,64 0,002 0,50 < 0,001 1,58 0,002
Revenu -0,008 < 0,001 -0,0002 0,97 0,99 < 0,001 0,99 0,13
Études post-secondaires 0,06 0,57 -0,37 0,08 1,06 0,54 0,89 0,45
Nombre de maladies chroniques 1,74 < 0,001 1,29 < 0,001 1,76 < 0,001 1,51 < 0,001
R2 rajusté 0,15   0,16          
N 9,511   3,352   9,512   3,353  

Les intervalles de confiance indiqués aux figures 1 à 4 s'appliquent aux coefficients ou aux rapports de cotes des variables nominales pour les maladies chroniques lorsque le nombre de maladies chroniques est remplacé par la série de variables spécifiques pour une maladie chronique dans les régressions. Seules sont indiquées les variables dont l'intervalle de confiance des coefficients exclut zéro dans la régression linéaire ou dont l'intervalle de confiance des rapports de cotes exclut 1 dans la régression logistique. Même si les intervalles de confiance sont assez importants, ces derniers montrent que certaines maladies ont des répercussions toujours plus notables sur l'utilisation des services médicaux que d'autres. Les cardiopathies ont un impact important dans les deux groupes d'âge. Le cancer dans le groupe plus âgé et les troubles intestinaux dans le groupe plus jeune semblent influer grandement sur l'utilisation.

FIGURE 1
Intervalles de confiance pour les coefficients des variables
relatives aux maladies chroniques (chez les personnes
de < 60 ans) pour les consultations médicales

* Les variables sont classées d'après la taille du coefficient; certaines maladies chroniques ont été omises car leur coefficient n'était pas statistiquement significatif.

FIGURE 2
Intervalles de confiance pour les coefficients des variables
relatives aux maladies chroniques (chez les personnes
de >= 60 ans) pour les consultations médicales

* Les variables sont classées d'après la taille du coefficient; certaines maladies chroniques ont été omises car leur coefficient n'était pas statistiquement significatif.

FIGURE 3
Intervalles de confiance pour les rapports de cotes des variables
relatives aux maladies chroniques* (chez les personnes de
< 60 ans) dans la régression logistique, > 12 consultations médicales

* Les variables sont classées selon le rapport des cotes; certaines maladies chroniques omises avaient un taux de prévalence inférieur à 1 % ou un intervalle de confiance qui incluait 1.

FIGURE 4
Intervalles de confiance pour les rapports de cotes des variables
relatives aux maladies chroniques*
(chez les personnes de> = 60 ans)
dans la régression logistique, > 12 consultations médicales

* Les variables sont classées selon le rapport des cotes; certaines maladies chroniques omises avaient un taux de prévalence inférieur à 1 % ou un intervalle de confiance qui incluait 1.

L'analyse de régression de l'utilisation des services hospitaliers est présentée au tableau 4; les intervalles de confiance pour les coefficients de régression et les rapports de cotes sont indiqués aux figures 5 à 8. La présence d'une autre maladie chronique accroît de 44 % la probabilité d'une hospitalisation au cours de l'année précédente dans le groupe plus jeune et de 27 % dans le groupe de plus de 60 ans. Bien que la variation expliquée soit assez faible (R2 rajustée < 10 %) dans la régression pour les nuits passées à l'hôpital, le nombre de maladies chroniques est assorti d'un coefficient statistiquement significatif pour les deux groupes d'âge. La présence d'une autre maladie chronique est associée à une augmentation de 0,77 du nombre de nuits passées à l'hôpital dans le groupe plus jeune et de 0,60 dans le groupe plus âgé.

TABLEAU 4
Résultats de la régression pour les services hospitaliers

Variable dépendante Hospitalisation ou non (régression logistique) Nuits à l'hôpital (régression linéaire)
Moins de 60 ans Plus de 60 ans Moins de 60 ans Plus de 60 ans
Rapport des cotes Valeurp Rapport des cotes Valeurp Coefficient Valeurp Coefficient Valeurp
Variables indépendantes
Constante 0,18 < 0,001 0,006 < 0,001 2,42 0,01 -6,37 0,17
Âge 0,98 < 0,001 1,04 < 0,001 0,05 0,01 0,23 < 0,001
Sexe masculin 0,51 < 0,001 1,38 0,006 1,28 0,01 1,23 0,19
Revenu 0,99 < 0,001 1,0 0,13 -0,01 0,07 -0,05 0,02
Études post-secondaires 0,91 0,30 1,06 0,61 -0,81 0,09 -0,56 0,57
Nombre de maladies chroniques 1,44 < 0,001 1,27 < 0,001 0,77 < 0,001 0,60 0,03
R2 rajusté         0,08   0,06  
Degrés de liberté totaux         693   484  
N 9,521   3,359          

FIGURE 5
Intervalles de confiance pour les rapports de cotes des variables
relatives aux maladies chroniques*
(chez les personnes de < 60 ans)
dans la régression logistique, hospitalisation

* Les variables sont classées selon le rapport des cotes; certaines maladies chroniques omises avaient un taux de prévalence inférieur à 1 % ou un intervalle de confiance qui incluait 1.

FIGURE 6
Intervalles de confiance pour les rapports de cotes des variables
relatives aux maladies chroniques*
(chez les personnes de > 60 ans)
dans la régression logistique, hospitalisation

* Les variables sont classées selon le rapport des cotes; certaines maladies chroniques omises avaient un taux de prévalence inférieur à 1 % ou un intervalle de confiance qui incluait 1.

FIGURE 7
Intervalles de confiance pour les coefficients des variables
relatives aux maladies chroniques*
(chez les personnes de < 60 ans)
pour les jours à l'hôpital

* Les variables sont classées selon la taille du coefficient; certaines maladies chroniques ont été omises car leur coefficient n'était pas statistiquement significatif.

FIGURE 8
Intervalles de confiance pour les coefficients des variables
relatives aux maladies chroniques*
(chez les personnes de >= 60 ans)
pour les jours à l'hôpital

* Les variables sont classées selon la taille du coefficient; certaines maladies chroniques ont été omises car leur coefficient n'était pas statistiquement significatif.

Au tableau 5, le produit du coefficient de régression par le nombre de personnes atteintes de la maladie est calculé pour estimer le nombre total de consultations médicales attribuables à cette maladie. Dans le groupe plus jeune, quatre problèmes de santé (maux de dos, arthrite ou rhumatisme, hypertension et migraine) sont chacun associés à plus du double du nombre de consultations que les autres troubles. Sauf dans le cas de l'hypertension artérielle, ce résultat dépend dans une large mesure de la fréquence de survenue de ces troubles, plutôt que du facteur d'impact sur les ressources. Le coefficient d'utilisation des ressources est élevé pour le diabète, les cardiopathies et les troubles intestinaux, mais ces troubles ne sont pas répandus chez les personnes de moins de 60 ans. L'arthrite ou le rhumatisme ainsi que l'hypertension viennent également au premier rang dans le groupe plus âgé, dans les deux cas à cause du nombre de personnes atteintes de ces maladies. Un moins grand nombre de personnes souffrent de cardiopathies, et comme ces maladies monopolisent beaucoup de ressources (facteur de 2,3), le nombre des consultations qui pourraient être économisées serait plus élevé en général si la maladie était éliminée.

TABLEAU 5
Nombre total de consultations médicales calculé en multipliant le coefficient
de régression par le nombre de personnes atteintes de la maladie

Maladie* Coefficient Nombre de personnes atteintes Consultations médicales épargnées**
Moins de 60 ans
Maux de dos 1.96 1 513 2 965
Arthrite/rhumatisme 1.43 1 167 1 669
Hypertension artérielle 2.25 747 1 681
Migraine 1.57 963 1 512
Diabète 3.47 220 763
Sinusite 1.14 619 706
Ulcères 2.23 314 700
Troubles intestinaux 3.82 174 665
Cardiopathies 3.34 194 648
Bronchite/emphysème 2.75 227 624
Troubles thyroïdiens 1.40 404 566
  Plus de 60 ans
Arthrite/rhumatisme 1.37 1 679 2 300
Hypertension artérielle 1.50 1 287 1 931
Cardiopathies 2.30 585 1 345
Diabète 1.85 394 729
Cancer 3.39 171 580
Troubles thyroïdiens 1.35 355 479
Incontinence urinaire 1.82 248 451
Maux de dos 0.63 654 412
Bronchite/emphysème 1.81 206 373
Sinusite 1.52 242 368
Accident vasculaire cérébral 1.93 145 280
Migraine 1.55 159 246
Troubles intestinaux 1.36 111 151

* Les maladies sont classées selon le nombre de consultations; certaines maladies chroniques ont été omises car leur coefficient n'était pas statistiquement significatif.

** Si la maladie était éliminée.

Analyse

Dans cet article, nous avons procédé à une analyse du fardeau économique associé aux maladies chroniques en utilisant une mesure commune du fardeau pour tous les problèmes de santé. Cette mesure a été divisée en deux composantes distinctes - l'utilisation par personne et la prévalence de la maladie - et rajustée en fonction du nombre et du type de maladies chroniques concomitantes. À cause de la petitesse des échantillons pour les services hospitaliers, nous avons axé notre mesure sur l'utilisation des services médicaux en nous servant des données de l'ENSP, enquête en population qui a été menée au Canada.

Comme les maladies chroniques concomitantes étaient fréquentes chez les personnes de tous les groupes d'âge et que la présence de plusieurs maladies influait sur l'utilisation des services, un rajustement pour tenir compte de la comorbidité est tout indiqué. Nos résultats montrent qu'après un tel rajustement, les maladies chroniques ne sont pas toutes associées au même degré à une utilisation accrue des services. La variation par patient peut différer par trois à quatre ordres de grandeur. Par exemple, dans le groupe plus jeune, la sinusite accroît le recours individuel aux services médicaux d'environ une consultation par année alors que la présence de troubles intestinaux ajoute environ quatre consultations de plus par année. Dans le groupe plus âgé, les troubles thyroïdiens requièrent environ un jour de plus de soins médicaux par personne alors que pour les accidents vasculaires cérébraux, il faut compter au moins trois jours de plus.

Comme nous n'avons pas expressément étudié les caractéristiques des maladies ni leurs effets sur l'utilisation des services médicaux, les généralisations à cet égard tiennent plutôt de la spéculation. Nos données ne nous renseignent pas sur les raisons spécifiques des consultations médicales. Toutefois, les résultats du classement des maladies selon les coefficients de régression aux figures 1 et 2 peuvent être imputables à des facteurs présumés qui contribuent à l'utilisation des services pour des maladies spécifiques. Les troubles qui requièrent en général une surveillance minimale et qui risquent peu de progresser une fois qu'ils ont été bien diagnostiqués et traités, tels que les troubles thyroïdiens, sont associés à un moins grand nombre de consultations chez le médecin. L'incontinence urinaire et la migraine, qui peuvent être accompagnées de symptômes pénibles mais qui ne sont pas en général associées à des effets très graves ou ne requièrent pas une surveillance fréquente, sont également classées à un rang inférieur. Les troubles qui sont corrélés à une utilisation plus fréquente des services médicaux, tels que le cancer, le diabète sucré et les cardiopathies, peuvent progresser malgré leur traitement, peuvent avoir des effets très graves, parfois mortels, et peuvent nécessiter une modification fréquente du traitement. L'hypertension artérielle, qui est en soi asymptomatique, doit faire l'objet d'une surveillance et peut exiger une modification répétée du traitement au fil des ans; elle semble se classer dans la moyenne sur la liste.

Du point de vue de l'utilisation composite de ressources, il importe de souligner que l'effet général d'une maladie donnée sur l'utilisation semble davantage lié au nombre de personnes atteintes qu'à l'effet mesuré chez chaque personne. Viennent aux premiers rangs pour l'effet total les troubles comme les maladies musculo-squelettiques et l'hypertension artérielle, qui sont très répandues même si leur effet sur l'utilisation par personne est modéré ou faible.

En divisant l'utilisation en deux composantes, la prévalence et le coefficient d'utilisation, il est possible de mieux évaluer l'impact potentiel sur de nombreux changements dans l'utilisation des ressources. Par exemple, la prévalence du diabète est faible comparativement à d'autres maladies chroniques examinées ici. L'augmentation généralement prévue de sa prévalence au cours de la décennie à venir, alliée au fort coefficient d'utilisation relevé dans la présente étude, pourra cependant contribuer à hisser cette maladie à un rang beaucoup plus élevé dans l'avenir.

Habituellement, le coefficient de régression pour le nombre de maladies chroniques de même que pour les maladies chroniques spécifiques est plus faible dans le groupe des plus de 60 ans que dans le groupe plus jeune. C'est le cas pour l'utilisation tant des services médicaux que des services hospitaliers. On peut avancer comme explications possibles que ces maladies sont traitées de façon plus énergique dans la population plus jeune, ou encore que les personnes âgées ont vécu avec ces maladies plus longtemps et sont mieux en mesure de se soigner elles-mêmes ou d'avoir recours à des services de soins parallèles. On peut également penser qu'étant donné que les personnes plus jeunes souffrent relativement moins de maladies chroniques, la présence d'une telle maladie crée beaucoup plus d'anxiété et les incite donc davantage à consulter. Dans le groupe plus âgé, par contre, l'effet différentiel de la présence d'une autre maladie sur la demande de soins médicaux peut être moins important lorsque plusieurs autres maladies chroniques sont déjà présentes.

Aucune autre mesure du fardeau économique associé aux problèmes de santé identifiés dans cette étude n'a été effectuée en utilisant les mêmes groupes que les nôtres. Certaines données dans le rapport de Santé Canada intitulé Le fardeau économique de la maladie au Canada, 19981 nous permettent cependant d'évaluer nos résultats, même si ce rapport englobe toutes les maladies et non seulement les maladies chroniques. Dans ce document, le coût des services médicaux imputables aux maladies musculo-squelettiques occupe un rang assez faible (voir la figure 8). Dans notre analyse, les maladies musculo-squelettiques (arthrite, rhumatisme et maux de dos) viennent au premier rang dans le groupe des moins de 60 ans, et l'arthrite/rhumatisme obtient la première place chez les plus de 60 ans. Plusieurs catégories liées aux cardiopathies occupaient un rang élevé chez les plus de 60 ans, ce qui correspondait aux classements établis par Santé Canada. Les maladies respiratoires se classaient cependant à un rang inférieur dans nos analyses.

Les intervalles de confiance indiqués dépendent bien sûr de la taille de l'échantillon et de la technique particulière d'estimation utilisée. Le recours à une estimation par la méthode bootstrap aurait produit des intervalles de confiance plus étendus. L'échantillon plus important de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2000-2001 (dont les données n'étaient pas disponibles au moment où nous avons effectué notre analyse) aurait produit des intervalles de confiance plus petits.

Dans notre analyse, nous n'avons pas tenté d'étudier l'ensemble du fardeau économique associé aux maladies chroniques au Canada mais plutôt seulement certains aspects du fardeau direct lié à l'utilisation des services de santé. Une des principales lacunes de notre analyse est l'omission des frais d'hospitalisation dans l'estimation du fardeau économique général des maladies chroniques. La principale raison pour laquelle nous avons omis cet aspect tenait à la petitesse des échantillons de patients pour certains groupes de maladies, ce qui entraînait une perte de puissance statistique. Toutefois, même en mettant simplement l'accent sur les services médicaux, notre analyse indique que le rajustement des données pour tenir compte des maladies concomitantes aura un impact sur le classement de la maladie selon le fardeau économique qu'elle représente. Nous croyons également que le fait de séparer les composantes de l'analyse permettra de mesurer plus précisément les concepts de fardeau économique et de coûts attribuables.

Remerciements

La rédaction de cet article a été rendue possible grâce à une subvention accordée dans le cadre du projet AIMS de l'Institute of Health Economics. Ce projet a été financé par des subventions de Merck Frosst Inc. et Pharmacia Inc. par l'entremise du ministère de la Santé et du Mieux-être de l'Alberta. Nous tenons à remercier Kathy Gooch, gestionnaire, AIMS, pour son appui.

Références

  1. Santé Canada. Le fardeau économique de la maladie au Canada, 1998, Ottawa : Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, 2002.
  2. Badley EM. The economic burden of musculoskeletal disorders in Canada is similar to that for cancer, and may be higher. J Rheumatol 1995;22(2):204-6.
  3. Coyte PC, Asche CV, Croxford R, Chan B. The economic cost of musculoskeletal disorders in Canada. Arthritis Care Res 1998;11(5):315-25.
  4. Coyte PC, Asche CV, Elden LM. The economic cost of otitis media in Canada. Int J Pediatr Otorhinolaryngol 1999;49(1):27-36.
  5. Stephens T, Joubert N. Le fardeau économique des problèmes de santé mentale au Canada. Mal Chron Can 2001; 22(1):18-23.
  6. Jacobs P, Blanchard JF, James RC, Depew N. Excess costs of diabetes in the Aboriginal population of Manitoba, Canada. Can J Public Health 2000;91(5):298-301.
  7. Hodgson TA, Meiners MR. Cost-of-illness methodology: A guide to current practices and procedures. Milbank Mem Fund Q Health Soc 1982;60(3):429-62
  8. Rice DP, Kelman S, Miller LS, Dunmeyer S. The economic costs of alcohol and drug abuse and medial illness. San Francisco: Institute for Health and Aging, University of California, 1990.
  9. Simpson SH, Corabian P, Jacobs P, Johnson JA. The cost of major comorbidity in people with diabetes milletus. CMAJ 2003;168(13):1-7.

* Il s'agit en fait de documents canadiens ou étrangers qui sont librement accessibles normalement par des canaux spécialisés et qui peuvent ne pas suivre la filière normale de publication, de distribution, de contrôle bibliographique ou d'achat par les libraires ou les fournisseurs d'abonnements (US Interagency Gray Literature Working Group, 1995).

Coordonnées des auteurs

John Rapoport, Département d'économique, Mount Holyoke College, South Hadley, Massachusetts, États-Unis

Philip Jacobs, Département des sciences de la santé publique, Université de l'Alberta, Edmonton, Alberta, Canada

Neil R Bell, Département de médecine familiale, Université de l'Alberta, Edmonton, Alberta, Canada

Scott Klarenbach, Département de médecine, Université de l'Alberta, Edmonton, Alberta, Canada

Correspondance : Philip Jacobs, Institute of Health Economics, 1200-10405 Jasper Avenue, Edmonton, AB Canada T5J 3N4; fax : (780) 448-0018; courriel : pjacobs@ihe.ab.ca

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