Recherche quantitative originale – Disparités dans la santé mentale positive des adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre au Canada

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Sonia Hajo, M. Sc.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 2; Colin A. Capaldi, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1; Li Liu, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.01f

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Attribution suggérée

Article de recherche par Hajo S et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0 International

Rattachement des auteurs
Correspondance

Colin A. Capaldi, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 613-299-7714; courriel : colin.capaldi@phac-aspc.gc.ca.

Citation proposée

Hajo S, Capaldi CA, Liu L. Disparités dans la santé mentale positive des adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre au Canada. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(5):219-231. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.01f

Résumé

Introduction. L’objectif de cette étude était d’examiner les disparités potentielles en matière de santé mentale positive chez les adultes au Canada selon leur orientation sexuelle et leur modalité de genre.

Méthodologie. À l’aide des données de la composante annuelle de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2019 (N = 57 034), nous avons comparé la satisfaction moyenne à l’égard de la vie et la prévalence d’un niveau élevé de santé mentale auto-évaluée (SMAE), de bonheur et de sentiment d’appartenance à la communauté entre les adultes hétérosexuels et les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle, ainsi qu’entre les adultes cisgenres et les adultes faisant partie d’une minorité de genre. Nous avons utilisé les données de la composante de réponse rapide sur la santé mentale positive de l’ESCC de 2019 (N = 11 486) pour comparer la prévalence d’un niveau élevé de bien-être psychologique chez les adultes hétérosexuels et les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle. Des analyses de régression linéaire nous ont permis de relever les différences entre ces groupes en ce qui concerne la satisfaction moyenne à l’égard de la vie et des analyses de régression logistique en ce qui concerne les autres paramètres de la santé mentale positive.

Résultats. Par rapport aux adultes hétérosexuels, les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ont fait état d’une moins grande satisfaction moyenne à l’égard de la vie (B = −0,7, IC à 95 % : −0,8 à −0,5) et étaient moins susceptibles de déclarer un niveau élevé de SMAE (RC = 0,4, IC à 95 % : 0,3 à 0,5), de bonheur (RC = 0,4, IC à 95 % : 0,3 à 0,5), de sentiment d’appartenance à la communauté (RC = 0,6, IC à 95 % : 0,5 à 0,7) et de bien-être psychologique (RC = 0,4, IC à 95 % : 0,3 à 0,6). Les différences n’étaient pas toujours statistiquement significatives pour certains groupes de minorités sexuelles dans les analyses stratifiées selon le sexe. Les adultes faisant partie d’une minorité de genre ont fait état d’une moins grande satisfaction moyenne à l’égard de la vie et étaient moins susceptibles de déclarer un niveau élevé de SMAE et de bonheur que les adultes cisgenres.

Conclusion. Les travaux de recherche ultérieurs pourraient porter sur l’origine de ces disparités en matière de santé mentale positive, sur les facteurs de risque et les facteurs de protection au sein de ces populations, sur la façon dont d’autres facteurs sociodémographiques interagissent avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre et influent sur la santé mentale positive, et sur l’évolution de ces disparités au fil du temps.

Mots-clés : orientation sexuelle, identité de genre, inégalités en matière de santé, santé mentale positive, satisfaction à l’égard de la vie, bonheur, bien-être psychologique, sentiment d’appartenance à la communauté.

Points saillants

  • Nous avons étudié les disparités en matière de santé mentale positive entre les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle et les adultes hétérosexuels, ainsi qu’entre les adultes faisant partie d’une minorité de genre et les adultes cisgenres au Canada en 2019.
  • La satisfaction moyenne à l’égard de la vie était significativement plus faible chez les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle que chez les adultes hétérosexuels.
  • La prévalence d’un niveau élevé de santé mentale auto-évaluée, de bonheur, de sentiment d’appartenance à la communauté et de bien-être psychologique était également significativement plus faible chez les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle que chez les adultes hétérosexuels.
  • La satisfaction moyenne à l’égard de la vie et la prévalence d’un niveau élevé de santé mentale auto-évaluée et de bonheur étaient également significativement plus faibles chez les adultes faisant partie d’une minorité de genre que chez les adultes cisgenres.

Introduction

En 2015-2018, 3,2 % des personnes de 15 ans ou plus au Canada se sont identifiées comme gaies, lesbiennes ou bisexuellesNote de bas de page 1 et en 2021, 0,3 % se sont identifiées comme transgenres ou non binairesNote de bas de page 2. L’orientation sexuelle et la modalité de genre (c’est-à-dire la congruence ou l’incongruence entre l’identité de genre et le sexe assigné à la naissanceNote de bas de page 3) sont des caractéristiques sociodémographiques susceptibles d’avoir de vastes implications pour la santéNote de bas de page 4Note de bas de page 5. La recherche montre que les personnes aux deux esprits (et bispirituelles), lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres et queers ainsi que les personnes faisant partie des communautés de la diversité sexuelle et de genre qui utilisent une autre terminologie (2ELGBTQ+)Note de bas de page * courent un plus grand risque d’état psychologique négatif que leurs pairs hétérosexuels et cisgenresNote de bas de page 6Note de bas de page 7 : les taux de dépression et de troubles d’anxiété, d’idées suicidaires et de tentatives de suicide sont notamment plus élevés chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelleNote de bas de page 6Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10 et chez les personnes transgenresNote de bas de page 7. L’automutilation non suicidaire est également plus fréquente chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genreNote de bas de page 11. Des disparités dans les difficultés psychologiques entre les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle et les hétérosexuels ont également été observées dans les enquêtes sur la santé de la population canadienneNote de bas de page 12Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 15Note de bas de page 16.

On explique souvent ces inégalités à l’aide de la théorie du stress des minorités, à savoir que les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre ont en moyenne une moins bonne santé mentale en raison du stress excessif causé par la stigmatisation, les préjugés et la discrimination auxquels elles sont confrontées et par l’intériorisation des attitudes négatives de la sociétéNote de bas de page 17Note de bas de page 18. À l’appui de cette théorie, les événements stigmatisants, la transphobie ou l’homophobie intériorisées, les attentes de rejet et la dissimulation de l’identité ont été associés à des conséquences psychologiques négatives chez les personnes 2ELGBTQ+Note de bas de page 19Note de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22.

Si les travaux de recherche dont on dispose permettent de mieux comprendre la maladie mentale et le sentiment de détresse dans les populations 2ELGBTQ+, ces difficultés psychologiques n’englobent pas tous les aspects de la santé mentale. L’Organisation mondiale de la santé définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »Note de bas de page 23. Cette définition implique que la santé mentale va au-delà de la maladie mentale (c’est-à-dire du mal-être) et souligne l’importance des aspects positifs de la santé mentale (c’est-à-dire le bien-être). Selon le modèle des deux continuums de la santé mentale, la santé mentale positive et la maladie mentale ne se situent pas aux extrémités opposées d’un même continuum, mais sont des concepts distincts (quoique reliés)Note de bas de page 24Note de bas de page 25. Par conséquent, une personne peut vivre avec une maladie mentale tout en ayant un niveau relativement élevé de santé mentale positiveNote de bas de page 26. Ainsi, pour bien comprendre la santé mentale des personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre, il est important d’étudier également leur bien-être émotionnel, psychologique et socialNote de bas de page 27. En mettant l’accent sur la santé mentale positive des personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre, il est possible d’aller au-delà des approches classiques, comme les approches biomédicales et les approches fondées sur les déficits, pour adopter une compréhension de la santé mentale de ces personnes qui soit davantage fondée sur les points fortsNote de bas de page 28.

Certaines études antérieures ont utilisé des données provenant d’enquêtes à grande échelle sur la santé de la population pour connaître la santé mentale positive globale des personnes appartenant à une minorité sexuelle au CanadaNote de bas de page 13Note de bas de page 29Note de bas de page 30. Par exemple, les analyses des données de la composante Santé mentale de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) de 2012 indiquent que les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle avaient un niveau moins élevé de santé mentale positive que les personnes hétérosexuellesNote de bas de page 29Note de bas de page 30, alors que les analyses de l’ESCC de 2015 ont révélé des disparités statistiquement significatives en matière de santé mentale positive uniquement chez les personnes bisexuellesNote de bas de page 13. Dans les analyses menées dans ces études, la santé mentale positive a été considérée comme un concept général unique, alors qu’il est possible d’étudier plusieurs paramètres de la santé mentale positive de façon à obtenir une compréhension plus fine et plus nuancée des différents aspects du bien-être au sein d’une population et entre diverses populationsNote de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33. En effet, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) fait un suivi de la santé mentale positive des adultes au Canada à l’aide de cinq paramètres dans son Cadre d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positive (CISSMP), soit la santé mentale auto-évaluée (SMAE), le bonheur, la satisfaction à l’égard de la vie, le bien-être psychologique et le sentiment d’appartenance à la communautéNote de bas de page 31Note de bas de page 32.

De manière plus générale, on sait peu de choses sur la santé mentale positive des personnes faisant partie d’une minorité de genre au Canada, étant donné que les questions faisant la distinction entre le sexe assigné à la naissance et l’identité de genre n’ont que récemment commencé à être utilisées dans les enquêtes en santé de la populationNote de bas de page 34.

Enfin, il semblerait que la prévalence de certains paramètres de la santé mentale positive, comme un niveau élevé de SMAE, ait diminué au Canada depuis 2015Note de bas de page 35, ce qui fait qu’il est possible que les inégalités en matière de santé mentale positive aient changé si les tendances n’ont pas été les mêmes au sein des populations 2ELGBTQ+ et des populations non 2ELGBTQ+. Pour combler ces lacunes, nous avons utilisé des données plus récentes, datant de 2019, afin d’étudier de manière exhaustive les disparités en matière de santé mentale positive en fonction de l’orientation sexuelle et de la modalité de genre pour l’ensemble des paramètres de la santé mentale positive tirés du CISSMPNote de bas de page 31Note de bas de page 32.

Méthodologie

Données et participants

Les données relatives à quatre des cinq paramètres de la santé mentale positive proviennent de la Composante annuelle de l’ESCC de 2019Note de bas de page 34, qui porte sur la période allant de janvier à décembre 2019. Le cinquième paramètre de la santé mentale positive, soit le bien-être psychologique, a été mesuré dans le cadre de la Composante de réponse rapide de l’ESCC 2019Note de bas de page 36, administrée aux répondants qui ont participé à l’enquête entre janvier et mars 2019. Statistique Canada a exclu de la population cible de l’ESCC 2019 les membres à temps plein des Forces armées canadiennes ainsi que les personnes vivant dans une réserve des Premières Nations ou un autre établissement autochtone provincial, en établissement, en famille d’accueil pour les jeunes de 12 à 17 ans et enfin les personnes vivant dans deux régions sanitaires précises du Québec, ce qui équivaut au total à exclure moins de 3 % des personnes de 12 ans et plus au Canada. Les personnes vivant dans les territoires ont été exclues de la population cible de la Composante de réponse rapide : des données associées aux territoires ont été recueillies, mais elles ne sont pas disponibles dans la Composante annuelle de 2019 car elles ne deviennent représentatives qu’après deux ans de collecte. Le cadre d’échantillonnage utilisé pour l’Enquête sur la population active a également été utilisé dans l’ESCC 2019 pour les adultes vivant dans les provinces.

Les personnes interrogées ont répondu à l’ESCC 2019 dans le cadre d’une entrevue téléphonique assistée par ordinateur ou d’une entrevue réalisée en personne. Dans l’ESCC 2019, les données ont été recueillies auprès de la population de 12 ans ou plus, mais seules les personnes de 15 ans ou plus ont été interrogées sur leur orientation sexuelle. Nous avons néanmoins exclu les jeunes de 12 à 17 ans de notre étude parce que des mesures différentes sont utilisées pour surveiller certains indicateurs de la santé mentale positive dans la version du CISSMP destinée aux jeunesNote de bas de page 32. En outre, nous n’avons eu accès qu’aux données des répondants qui avaient accepté de partager leurs données avec l’ASPC et Santé Canada. Comme l’illustre la figure 1, ces restrictions ont conduit à une taille d’échantillon de 57 034 pour la Composante annuelle et de 11 486 pour la Composante de réponse rapide.

Figure 1. Organigramme décrivant les réductions de taille d’échantillon dans la Composante annuelle et la Composante de réponse rapide de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2019
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 - Équivalent textuel

Cette figure illustre le processus de sélection commençant par le nombre d'unités admissible et se terminant par le nombre de personnes âgées 18 ans ou plus.

Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2019
Composante annuelle Composante de réponse rapide
Groupe ou étape N ou pourcentage Groupe ou étape N ou pourcentage
Unités  admissibles, N 121 247 Unités  admissibles, N 22 694
Étape no. 1 : Taux de  réponse (pourcentage inclus de l'étape précédente) 54,4 % Étape no. 1 : Taux de  réponse (pourcentage inclus de l'étape précédente) 58,3 %
Personnes ayant répondu, N 65 970 Personnes ayant répondu, N 13 225
Étape no. 2 : Accord de partage des données 91,9 % Étape no. 2 : Accord de partage des données 94,3 %
Personnes ayant accepté de partager leurs données, N 60 643 Personnes ayant accepté de partager leurs données, N 12 472
Étape no. 3 : Adultes (pourcentage inclus de l'étape précédente) 94,0 % Étape no. 3 : Adultes (pourcentage inclus de l'étape précédente) 92,1 %
Personnes âgées 18 ans ou plus, N 57 034 Personnes âgées 18 ans ou plus, N 11 486

Mesures

Paramètres de la santé mentale positive

Parmi les cinq paramètres de la santé mentale positive inclus dans le CISSMP pour les adultesNote de bas de page 32Note de bas de page 33, la SMAE, le bonheur, la satisfaction à l’égard de la vie et le sentiment d’appartenance à la communauté ont été pris en compte dans la Composante annuelle. Le bien-être psychologique n’a été mesuré que dans le cadre de la Composante de réponse rapide. Notre codification d’un niveau élevé de santé mentale positive est fondée sur les seuils utilisés dans le CISSMPNote de bas de page 32.

La SMAE a été évaluée à l’aide de la question suivante : « En général, diriez-vous que votre santé mentale est…? » Les réponses possibles étaient « excellente », « très bonne », « bonne », « passable » et « mauvaise ». Nous avons effectué un codage dichotomique et avons considéré que les personnes ayant répondu « excellente » ou « très bonne » avaient un niveau élevé de SMAE. Ce type de question a été recommandé par l’OCDE comme mesure de l’état général de la santé mentaleNote de bas de page 25. Les réponses à cette question ont été associées à un large éventail de résultats en matière de santé physique et mentaleNote de bas de page 37.

Le bonheur a été évalué à l’aide de la question suivante : « Vous décririez-vous comme étant habituellement…? ». Les réponses possibles étaient les suivantes : « heureux et intéressé à vivre », « plutôt heureux », « plutôt malheureux », « malheureux avec peu d’intérêt à vivre » et « si malheureux que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ». Nous avons effectué un codage dichotomique et avons considéré que les personnes ayant répondu « heureux et intéressé à vivre » avaient un niveau élevé de bonheur.

La satisfaction à l’égard de la vie a été évaluée à l’aide de la question suivante : « Sur une échelle de 0 à 10, où 0 signifie “très insatisfait” et 10 signifie “très satisfait”, quel sentiment éprouvez-vous présentement à l’égard de votre vie en général? » Dans cette étude, nous avons traité cette variable comme une variable numérique et avons présenté la satisfaction moyenne à l’égard de la vie. Le bonheur et la satisfaction à l’égard de la vie sont des aspects essentiels du bien-être hédonique ou de la composante de la santé mentale positive qui concerne le sentiment de bien-être émotionnelNote de bas de page 27Note de bas de page 38.

Le sentiment d’appartenance à la communauté a été évalué à l’aide de la question suivante : « Comment décririez-vous votre sentiment d’appartenance à votre communauté locale? Diriez-vous qu’il est…? » Les réponses possibles étaient « très fort », « plutôt fort », « plutôt faible » et « très faible ». Nous avons effectué un codage dichotomique et avons considéré que les personnes ayant répondu « très fort » ou « plutôt fort » avaient un fort sentiment d’appartenance à la communauté. Cette question porte sur l’aspect du bien-être social qui concerne l’intégration sociale, que l’on peut considérer comme faisant partie du bien-être eudémonique ou de la composante de la santé mentale positive qui concerne le fonctionnement positif (au même titre que le bien-être psychologique)Note de bas de page 27Note de bas de page 38.

Le bien-être psychologique a été mesuré à l’aide des six éléments de la sous-échelle du bien-être psychologique intitulée Mental Health Continuum – Short FormNote de bas de page 39. Les participants ont été interrogés sur la fréquence à laquelle ils avaient, au cours du dernier mois, le sentiment : 1) d’aimer la plupart des facettes de leur personnalité; 2) d’être bons pour gérer les responsabilités de leur vie quotidienne; 3) d’avoir des relations chaleureuses et fondées sur la confiance avec les autres; 4) de vivre des expériences qui les ont poussés à grandir et à devenir une meilleure personne; 5) d’être suffisamment sûrs d’eux pour penser ou exprimer leurs propres idées et opinions et 6) que leur vie avait un but ou une signification. Ces questions sont conçues pour mesurer les six composantes du bien-être psychologique définies par RyffNote de bas de page 40, soit l’acceptation de soi, la maîtrise de son environnement, les relations positives avec les autres, la croissance personnelle, l’autonomie et le sentiment d’avoir un but dans la vie. Nous avons recodé les choix de réponse suivants pour représenter le nombre de jours au cours du dernier mois : « tous les jours » (28 jours = 7 jours par semaine × 4 semaines); « presque tous les jours » (20 jours = 5 jours par semaine × 4 semaines); « environ 2 ou 3 fois par semaine » (10 jours = 2,5 jours par semaine × 4 semaines); « environ une fois par semaine » (4 jours = 1 jour par semaine × 4 semaines); « une ou deux fois » (1,5 jour); et « jamais » (0 jour)Note de bas de page 41. Nous avons fait la moyenne des réponses recodées et avons effectué un codage dichotomique des répondants ayant un score moyen de 20 ou plus comme ayant un niveau élevé de bien-être psychologique.

Orientation sexuelle

La question suivante a été posée aux répondants : « Quelle est votre orientation sexuelle? ». Les choix de réponse étaient « hétérosexuelle », « homosexuelle », « bisexuelle » et « veuillez préciser ». Les personnes ayant indiqué une orientation sexuelle pouvant relever de l’une de ces réponses ont été recodées dans cette catégorie par Statistique Canada. Nous avons codé les personnes qui s’identifiaient comme homosexuelles (gaies/lesbiennes), comme bisexuelles/pansexuelles ou ayant indiqué une autre orientation sexuelle comme membres d’une minorité sexuelle.

Modalité de genre

La question suivante a été posée aux répondants : « Quel a été votre sexe assigné à la naissance? ». Les choix de réponse étaient « masculin » et « féminin ». Cette question était suivie par la question suivante : « Quel est votre genre? ». Les choix de réponses étaient « masculin », « féminin » et « veuillez préciser ». Lorsque les réponses concernant le sexe assigné à la naissance et le genre concordaient, nous avons codé la personne comme étant cisgenre; dans le cas contraire, nous l’avons codée comme faisant partie d’une minorité de genre.

Analyses

En utilisant les données de la Composante annuelle, nous avons estimé la satisfaction moyenne à l’égard de la vie et le pourcentage de personnes ayant un niveau élevé de SMAE, de bonheur et de sentiment d’appartenance à la communauté en fonction de l’orientation sexuelle (hétérosexuelle ou minorité sexuelle) et de la modalité de genre (cisgenre ou minorité de genre). Nous avons également obtenu des estimations globales et stratifiées selon le sexe de ces paramètres de la santé mentale positive pour des groupes précis de minorités sexuelles (personnes gaies/lesbiennes et bisexuelles/pansexuelles) mais nous n’avons pas fait état séparément des paramètres de la santé mentale positive chez les personnes qui se sont identifiées comme ayant une autre orientation sexuelle qu’hétérosexuelle, gaie/lesbienne ou bisexuelle/pansexuelle, compte tenu de la difficulté associée à l’interprétation des résultats pour un groupe aussi hétérogène.

Nous avons estimé le pourcentage de personnes ayant un niveau élevé de bien-être psychologique en utilisant les données de la Composante de réponse rapide selon l’orientation sexuelle (hétérosexuelle ou minorité sexuelle). Nous avons également obtenu des estimations globales et stratifiées selon le sexe pour des groupes précis de minorités sexuelles (personnes gaies/lesbiennes et bisexuelles/pansexuelles) en ce qui concerne le niveau élevé de bien-être psychologique. L’estimation du bien-être psychologique des adultes faisant partie d’une minorité de genre n’est pas fournie ici car elle n’était pas publiable (coefficient de variation [CV] > 35).

Pour déterminer si les estimations ci-dessus étaient significativement différentes sur le plan statistique, nous avons effectué des analyses de régression logistique pour les paramètres dichotomisés de la santé mentale positive et des analyses de régression linéaire pour la satisfaction à l’égard de la vie. Nous avons utilisé un codage fictif pour les analyses de régression linéaire afin que, comme pour les analyses de régression logistique, les « adultes hétérosexuels » soient le groupe de référence pour les analyses associées à l’orientation sexuelle et les « adultes cisgenres » soient le groupe de référence pour les analyses associées à l’identité de genre. Dans les analyses de régression logistique, nous avons interprété les rapports de cotes (RC) associés à des intervalles de confiance (IC) à 95 % n’incluant pas 1,0 comme étant statistiquement significatifs. Dans les analyses de régression linéaire, nous avons interprété les coefficients associés à des IC à 95 % n’incluant pas 0 comme étant statistiquement significatifs.

Pour les comparaisons générales entre les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle et les adultes hétérosexuels, nous avons également contrôlé statistiquement un certain nombre de caractéristiques sociodémographiques dans les analyses de régression logistique subséquentes pour les paramètres dichotomisés de la santé mentale positive et dans les analyses de régression linéaire subséquentes pour la satisfaction à l’égard de la vie. Les covariables étaient le sexe assigné à la naissance, le groupe d’âge, l’état matrimonial (marié(e)/avec conjoint(e) de fait; célibataire/jamais marié(e); divorcé(e)/veuf(ve)/séparé(e)), le plus haut niveau de scolarité atteint (secondaire ou moins, postsecondaire), l’appartenance à un groupe racisé (oui, non) et le quintile de revenu du ménage.

À l’instar de ce qui a été fait dans d’autres analysesNote de bas de page 42Note de bas de page 43Note de bas de page 44, nous avons codé l’âge des adultes selon quatre groupes : jeunes adultes (de 18 à 34 ans), adultes d’âge moyen moins avancé (de 35 à 49 ans), adultes d’âge moyen plus avancé (de 50 à 64 ans) et aînés (65 ans et plus). Nous avons regroupé l’état matrimonial et le plus haut niveau de scolarité atteint en grandes catégories, à l’exemple de ce qui a été fait dans des analyses antérieuresNote de bas de page 45 et en tenant compte de la taille des groupes de minorités sexuelles. Il y a eu quelques disparités mineures dans la façon dont nous avons codé l’appartenance à un groupe racisé en raison des différentes variables dérivées fournies par Statistique Canada dans chaque ensemble de données au moment de l’analyse (voir les notes du tableau 1 pour de plus amples renseignements).

Les données sur le revenu des ménages ont été obtenues par Statistique Canada au moyen des dossiers fiscaux, par imputation ou au moyen de données autodéclarées. Conformément aux recommandations de Statistique Canada, et puisque le revenu peut être associé de façon non linéaire avec les paramètres de la santé mentale positiveNote de bas de page 46, nous avons codé le revenu des ménages en quintiles. Nous avons également inclus le lieu de résidence (centre de population, zone rurale) comme covariable dans les analyses, à l’exception de l’analyse concernant le bien-être psychologique, car il n’y avait aucune variable dérivée dans l’ensemble de données associé à la Composante de réponse rapide fourni par Statistique Canada. Les centres de population sont définis par Statistique Canada comme étant des zones bâties continues ayant une population de 1 000 personnes ou plus et une densité de 400 personnes ou plus au kilomètre carré. En raison de la faible taille d’échantillon, nous ne présentons pas les analyses de régression logistique ou les analyses de régression linéaire subséquentes qui tiennent compte des covariables dans les comparaisons portant sur certains groupes de minorités sexuelles ou sur les adultes appartenant à une minorité de genre.

Toutes les estimations ont été ajustées à l’aide des poids d’échantillonnage fournis par Statistique Canada, et la variance a été estimée à l’aide de la méthode de rééchantillonnage bootstrap avec 1 000 répétitions. Les poids d’échantillonnage tiennent compte des cas de non-réponse pendant la phase de recrutement et des répondants ayant refusé de partager leurs données avec l’ASPC et Santé Canada. En ce qui concerne les données manquantes, nous avons eu recours à la suppression par paires afin de maximiser la taille d’échantillon pour chaque analyse. Les estimations dont le CV est compris entre 15 % et 35 % (signalées par un « E ») doivent être interprétées avec prudence en raison de la forte variabilité de l’échantillonnage; les estimations dont le CV est supérieur à 35 % (signalées par un « F ») ont été supprimées. Les analyses ont été réalisées à l’aide du logiciel SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Résultats

Selon les données de la Composante annuelle, en 2019, 0,2 %E des adultes dans les provinces canadiennes faisaient partie d’une minorité de genre et 3,9 % faisaient partie d’une minorité sexuelle, soit 1,7 % s’identifiant comme gais/lesbiennes, 2,0 % comme bisexuel(le)s/pansexuel(le)s et 0,2 % comme ayant une autre orientation sexuelle (tableau 1).

Tableau 1. Caractéristiques sociodémographiques, Composante annuelle et Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019
Caractéristiques sociodémographiques Composante annuelle, ESCC 2019
Pourcentage (%)Note de bas de page a
Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019
Pourcentage (%)Note de bas de page a
Sexe N = 57 034 N = 11 486
Masculin 49,2 49,2
Féminin 50,8 50,8
Groupe d’âge, en années N = 57 034 N = 11 486
18 à 34 28,4 28,4
35 à 49 24,6 24,6
50 à 64 25,6 25,7
65 et plus 21,5 21,3
Plus haut niveau de scolarité atteint N = 56 318 N = 11 336
Diplôme d’études secondaires ou moins 34,4 35,9
Diplôme d’études postsecondaires 65,6 64,1
État matrimonial N = 56 974 N = 11 475
Marié(e) ou avec conjoint(e) de fait 62,5 63,2
Célibataire ou jamais marié(e) 25,0 23,9
Divorcé(e), veuf(ve) ou séparé(e) 12,5 12,9
Appartenance à un groupe raciséNote de bas de page b N = 56 416 N = 11 396
Non 74,3 72,4
Oui 25,7 27,6
Lieu de résidenceNote de bas de page c N = 57 034 s.o.
Centre de population 82,9 s.o.
Zone rurale 17,1 s.o.
Orientation sexuelle N = 54 356 N = 11 069
Hétérosexuel(le) 96,1 96,6
Minorité sexuelle 3,9 3,4
Gai/lesbienne 1,7 Note de bas de page d
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 2,0 Note de bas de page d
Autre 0,2 Note de bas de page F
Modalité de genre N = 57 021 Non disponible
Cisgenre 99,8 Note de bas de page d
Minorité de genre 0,2Note de bas de page E Note de bas de page F

Orientation sexuelle et santé mentale positive

Par rapport aux adultes hétérosexuels, les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ont fait état d’une moins grande satisfaction moyenne à l’égard de la vie (B = −0,7; IC à 95 % : −0,8 à −0,5) et étaient moins susceptibles de déclarer un niveau élevé de SMAE (RC = 0,4; IC à 95 % : 0,3 à 0,5), de bonheur (RC = 0,4; IC à 95 % : 0,3 à 0,5), de sentiment d’appartenance à la communauté (RC = 0,6; IC à 95 % : 0,5 à 0,7) et de bien-être psychologique (RC = 0,4; IC à 95 % : 0,3 à 0,6) (tableau 2). Ces différences sont demeurées statistiquement significatives même après contrôle pour les covariables.

Tableau 2 (partie 1 de 2). Paramètres de la santé mentale positive chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle par rapport aux adultes hétérosexuels, Composante annuelle et Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019 
Paramètres de la santé mentale positive Prévalence (%)
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
RC
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
RCa
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
Niveau élevé de SMAE
Minorité sexuelle 46,3
(42,4, 50,2)
0,4
(0,3, 0,5)
0,5
(0,4, 0,6)
Hétérosexuel(le) 67,7
(67,0, 68,4)
(Réf.) (Réf.)
Niveau élevé de bonheur
Minorité sexuelle 56,4
(52,5, 60,4)
0,4
(0,3, 0,5)
0,5
(0,4, 0,6)
Hétérosexuel(le) 76,8
(76,1, 77,4)
(Réf.) (Réf.)
Fort sentiment d’appartenance à la communauté
Minorité sexuelle 56,8
(52,6, 61,1)
0,6
(0,5, 0,7)
0,7
(0,6, 0,9)
Hétérosexuel(le) 68,9
(68,2, 69,6)
(Réf.) (Réf.)
Niveau élevé de bien-être psychologique
Minorité sexuelle 57,4
(48,7, 66,0)
0,4
(0,3, 0,6)
0,5
(0,4, 0,8)
Hétérosexuel(le) 75,2
(73,7, 76,7)
(Réf.) (Réf.)
Tableau 2 (partie 2 de 2). Satisfaction moyenne à l’égard de la vie chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle par rapport aux adultes hétérosexuels, Composante annuelle et Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019 
Paramètres de la santé mentale positive M (LIIC à 95 %, LSIC à 95 %) B (LIIC à 95 %, LSIC à 95 %) B ajusté (LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
Satisfaction moyenne à l’égard de la vie
Minorité sexuelle 7,4
(7,3, 7,6)
-0,7
(-0,8, -0,5)
-0,5
(-0,7, -0,4)
Hétérosexuel(le) 8,1
(8,1, 8,1)
(Réf.) (Réf.)

Dans l’ensemble, et par rapport aux adultes hétérosexuels, les adultes gais/lesbiennes et les adultes bisexuels/pansexuels ont déclaré avoir un niveau de satisfaction moyenne à l’égard de la vie qui était significativement plus faible (respectivement B = −0,4; IC à 95 % : −0,6 à −0,2 et B = −0,9; IC à 95 % : −1,1 à −0,7) et ils étaient significativement moins susceptibles de déclarer avoir un niveau élevé de SMAE (respectivement RC = 0,7; IC à 95 % : 0,5 à 0,9 et RC = 0,3; IC à 95 % : 0,2 à 0,4), de bonheur (respectivement RC = 0,6; IC à 95 % : 0,4 à 0,8 et RC = 0,3; IC à 95 % : 0,2 à 0,4), de sentiment d’appartenance à la communauté (respectivement RC = 0,6; IC à 95 % : 0,5 à 0,8 et RC = 0,6; IC à 95 % : 0,4 à 0,7) et de bien-être psychologique (respectivement RC = 0,4; IC à 95 % : 0,2 à 0,8E et RC = 0,5, IC à 95 % : 0,3 à 0,7) (tableau 3).

Tableau 3 (partie 1 de 2). Paramètres de la santé mentale positive par catégorie détaillée d’orientation sexuelle, globalement et avec stratification par sexe, Composante annuelle et Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019
Paramètres de la santé mentale positive Globalement Sexe masculin Sexe féminin
Prévalence (%)
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
RC
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
Prévalence (%)
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
RC
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
Prévalence (%)
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
RC
(LIIC à 95 %,
LSIC à 95 %)
Niveau élevé de SMAE
Gai/lesbienne 59,1
(53,0, 65,1)
0,7
(0,5, 0,9)
60,6
(52,7, 68,5)
0,7
(0,5, 0,9)
56,4
(46,7, 66,1)
0,7
(0,5, 1,0)
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 37,1
(32,0, 42,2)
0,3
(0,2, 0,4)
47,4
(37,7, 57,0)
0,4
(0,3, 0,6)
32,0
(26,2, 37,7)
0,2
(0,2, 0,3)
Hétérosexuel(le) 67,7
(67,0, 68,4)
(Réf.) 70,0
(69,0, 71,0)
(Réf.) 65,5
(64,5, 66,5)
(Réf.)
Niveau élevé de bonheur
Gai/lesbienne 66,3
(59,7, 72,8)
0,6
(0,4, 0,8)
68,6
(60,3, 76,9)
0,7
(0,5, 1,1)
62,3
(52,6, 72,0)
0,5
(0,3, 0,7)
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 50,3
(45,3, 55,4)
0,3
(0,2, 0,4)
48,3
(38,2, 58,4)
0,3
(0,2, 0,5)
51,4
(45,3, 57,4)
0,3
(0,2, 0,4)
Hétérosexuel(le) 76,8
(76,1, 77,4)
(Réf.) 75,6
(74,6, 76,5)
(Réf.) 78,0
(77,1, 78,8)
(Réf.)
Fort sentiment d’appartenance à la communauté
Gai/lesbienne 57,9
(51,3, 64,5)
0,6
(0,5, 0,8)
51,3
(42,7, 59,9)
0,5
(0,4, 0,7)
69,2
(60,7, 77,7)
1,0
(0,7, 1,4)
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 55,5
(50,0, 60,9)
0,6
(0,4, 0,7)
50,7
(40,9, 60,4)
0,5
(0,3, 0,7)
57,9
(51,9, 63,9)
0,6
(0,5, 0,8)
Hétérosexuel(le) 68,9
(68,2, 69,6)
(Réf.) 68,0
(66,9, 69,0)
(Réf.) 69,8
(68,8, 70,8)
(Réf.)
Niveau élevé de bien-être psychologique
Gai/lesbienne 55,0
(38,2, 71,8)Note de bas de page E
0,4
(0,2, 0,8)Note de bas de page E
55,2
(32,1, 78,2)Note de bas de page E
0,4
(0,1, 1,1)Note de bas de page E
54,7
(33,2, 76,1)Note de bas de page E
0,4
(0,2, 1,1)Note de bas de page E
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 59,3
(49,0, 69,5)
0,5
(0,3, 0,7)
57,1
(38,5, 75,7)Note de bas de page E
0,4
(0,2, 0,9)Note de bas de page E
60,4
(48,0, 72,9)
0,5
(0,3, 0,9)
Hétérosexuel(le) 75,2
(73,7, 76,7)
(Réf.) 76,3
(74,2, 78,4)
(Réf.) 74,2
(72,0, 76,3)
(Réf.)
Tableau 3 (partie 2 de 2). Satisfaction moyenne à l’égard de la vie par catégorie détaillée d’orientation sexuelle, globalement et avec stratification par sexe, Composante annuelle et Composante de réponse rapide sur la santé mentale positive, ESCC 2019
Paramètres de la santé mentale positive M
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
B
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
M
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
B
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
M
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
B
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
Satisfaction moyenne à l’égard de la vie
Gai/lesbienne 7,7
(7,5, 7,9)
-0,4
(-0,6, -0,2)
7,8
(7,5, 8,1)
-0,3
(-0,6, 0,1)
7,6
(7,2, 7,9)
-0,6
(-0,9, -0,3)
Bisexuel(le)/pansexuel(le) 7,2
(7,0, 7,4)
-0,9
(-1,1, -0,7)
7,2
(6,9, 7,6)
-0,8
(-1,2, -0,5)
7,1
(6,9, 7,4)
-1,0
(-1,2, -0,8)
Hétérosexuel(le) 8,1
(8,1, 8,1)
(Réf.) 8,1
(8,0, 8,1)
(Réf.) 8,1
(8,1, 8,2)
(Réf.)

Des différences statistiquement significatives entre ces cinq paramètres de la santé mentale positive ont été observées chez les hommes bisexuels et les femmes bisexuelles dans les analyses stratifiées selon le sexe. Les hommes gais étaient significativement moins susceptibles que les hommes hétérosexuels de déclarer avoir un niveau élevé de SMAE (RC = 0,7; IC à 95 % : 0,5 à 0,9) et un fort sentiment d’appartenance à la communauté (RC = 0,5; IC à 95 % : 0,4 à 0,7), mais il n’y avait pas de disparités statistiquement significatives en ce qui concerne les niveaux élevés de bonheur, de bien-être psychologique ou de satisfaction moyenne à l’égard de la vie. En revanche, la satisfaction moyenne à l’égard de la vie était significativement moins élevée chez les femmes lesbiennes que chez les femmes hétérosexuelles (B = −0,6; IC à 95 % : −0,9 à −0,3), et les femmes lesbiennes étaient significativement moins susceptibles de déclarer avoir un niveau élevé de bonheur (RC = 0,5; IC à 95 % : 0,3 à 0,7), mais il n’y avait pas de disparités statistiquement significatives en ce qui concerne les niveaux élevés de SMAE, de sentiment d’appartenance à la communauté ou de bien-être psychologique (tableau 3).

Modalité de genre et santé mentale positive

Par rapport aux adultes cisgenres, les adultes faisant partie d’une minorité de genre ont déclaré avoir un niveau moyen de satisfaction à l’égard de la vie qui était significativement plus faible (B = −1,7; IC à 95 % : −2,6 à −0,9) et ils étaient significativement moins susceptibles de déclarer avoir un niveau élevé de SMAE (RC = 0,2; IC à 95 % : 0,1 à 0,5)E et de bonheur (RC = 0,2; IC à 95 % : 0,1 à 0,4)E, mais il n’y avait pas de disparités statistiquement significatives en ce qui concerne un fort sentiment d’appartenance à la communauté (tableau 4).

Tableau 4 (partie 1 de 2). Paramètres de la santé mentale positive par modalité de genre, ensemble, Composante annuelle de l’ESCC 2019
Paramètres de la santé mentale positive Prévalence (%)
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
RC
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
Niveau élevé de SMAE
Minorité de genre 30,8
(13,2, 48,4)Note de bas de page E
0,2
(0,1, 0,5)Note de bas de page E
Cisgenre 66,8
(66,1, 67,5)
(Réf.)
Niveau élevé de bonheur
Minorité de genre 34,4
(16,3, 52,5)Note de bas de page E
0,2
(0,1, 0,4)Note de bas de page E
Cisgenre 75,5
(74,9, 76,1)
(Réf.)
Fort sentiment d’appartenance à la communauté
Minorité de genre 51,9
(34,2, 69,6)Note de bas de page E
0,5
(0,2, 1,0)Note de bas de page E
Cisgenre 68,4
(67,7, 69,1)
(Réf.)
Tableau 4 (partie 2 de 2). Satisfaction moyenne à l’égard de la vie par modalité de genre, ensemble, Composante annuelle de l’ESCC 2019
Paramètres de la santé mentale positive M
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
B
(LIIC à 95 %, LSIC à 95 %)
Satisfaction moyenne à l’égard de la vie
Minorité de genre 6,4
(5,5, 7,2)
-1,7
(-2,6, -0,9)
Cisgenre 8,1
(8,1, 8,1)
(Réf.)

Analyse

Cette étude fait état de la santé mentale positive des adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre au Canada en 2019 en fonction de divers paramètres et elle examine les disparités entre ces paramètres au moyen de comparaisons avec les adultes hétérosexuels et cisgenres. Dans l’ensemble, les inégalités en matière de santé mentale positive sont fréquentes. Par rapport aux adultes hétérosexuels, les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle avaient un niveau moins élevé de satisfaction moyenne à l’égard de la vie et ils étaient moins susceptibles de déclarer avoir un niveau élevé de SMAE, de bonheur, de sentiment d’appartenance à la communauté et de bien-être psychologique. De même, par rapport aux adultes cisgenres, les adultes faisant partie d’une minorité de genre étaient moins susceptibles de déclarer avoir un niveau élevé de SMAE et de bonheur, et ils avaient tendance à être moins satisfaits à l’égard de la vie.

Ces inégalités étaient généralement relativement importantes par rapport aux disparités précédemment observées entre les paramètres de la santé mentale positive pour d’autres caractéristiques sociodémographiquesNote de bas de page 45. Par exemple, dans notre étude, la différence en pourcentage en ce qui concerne le niveau élevé de SMAE était de 21,4 entre les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle et les personnes hétérosexuelles et de 36,0E entre les personnes faisant partie d’une minorité de genre et les personnes cisgenres, tandis qu’en 2019, dans les analyses précédentes, cette différence en pourcentage ne dépassait pas 14,1 pour les comparaisons en fonction du groupe d’âge, de l’appartenance à un groupe racisé, du statut vis-à-vis de l’immigration, du revenu du ménage, du lieu de résidence, du niveau de scolarité, du statut parental, du fait de vivre seul, de l’état matrimonial, de l’appartenance à un groupe de langue officielle en situation minoritaire ou de l’identité autochtoneNote de bas de page 45. En outre, dans notre étude, la différence concernant la satisfaction moyenne à l’égard de la vie était de 0,7 entre les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle et les hétérosexuels et de 1,7 entre les personnes faisant partie d’une minorité de genre et les personnes cisgenres, alors que la différence moyenne la plus élevée observée dans toutes les comparaisons sociodémographiques énumérées ci-dessus était de 0,6 en 2019Note de bas de page 45. En raison des inégalités particulièrement importantes en matière de santé mentale positive chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre, ces personnes constituent une priorité élevée pour les activités de promotion de la santé mentale et pour d’autres interventions visant à agir sur les déterminants potentiels de la santé mentale positiveNote de bas de page 47Note de bas de page 48.

Au-delà de ces inégalités générales, il est également important de reconnaître l’hétérogénéité qui existe au sein des groupes de personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre. Bien que la santé mentale positive ait été généralement moins prévalente chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre que chez les personnes hétérosexuelles et cisgenres, un grand nombre de personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre ont fait état d’un niveau élevé de santé mentale positive. Par exemple, la majorité des personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles/pansexuelles ainsi que des personnes faisant partie d’une minorité de genre ont fait état d’un fort sentiment d’appartenance à la communauté. Ainsi, pour comprendre et favoriser la résilience individuelle et communautaire au sein de ces populations, il serait important d’étudier les facteurs de risque et les facteurs de protection qui distinguent les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre ayant un niveau élevé de santé mentale positive de celles qui n’ont pas un niveau élevé de santé mentale positiveNote de bas de page 49. Par exemple, la compassion envers soi-même semble être un facteur de protection, car elle a été associée à un niveau inférieur de stress chez les minorités et à un plus grand sentiment de bien-être chez les populations faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genreNote de bas de page 50. En revanche, au Canada, les personnes qui font partie d’une minorité sexuelle ou de genre sont plus susceptibles de déclarer avoir été victimes d’un acte violentNote de bas de page 51, ce qui est un facteur de risque associé à un niveau inférieur de santé mentale positiveNote de bas de page 31Note de bas de page 32Note de bas de page 33 : des collectivités plus sûres et plus accueillantes envers les personnes 2ELGBTQ+ sont probablement un déterminant social important pour ces populations et une cible potentielle pour des interventions davantage systémiquesNote de bas de page 47.

Dans notre étude, des différences ont été observées quant à la cohérence des inégalités associées aux paramètres de la santé mentale positive, les disparités étant le plus marquées entre les adultes bisexuels/pansexuels et les adultes hétérosexuels. Ces observations concordent avec les résultats de travaux de recherche antérieurs selon lesquels le risque de conséquences psychologiques négatives est souvent plus élevé chez les personnes bisexuelles que chez les personnes hétérosexuelles ou gaies/lesbiennesNote de bas de page 6Note de bas de page 8Note de bas de page 10Note de bas de page 11Note de bas de page 52. Les préjugés et la discrimination spécifiques dont les personnes bisexuelles sont victimes ont été avancés pour expliquer le risque accru de ces personnes, notamment les attitudes négatives de la société à l’égard de la bisexualité, l’invisibilité et l’effacement des personnes bisexuelles dans la société en général et le manque de soutien à l’affirmation des personnes bisexuellesNote de bas de page 52. En effet, une récente analyse du contexte n’a révélé qu’un seul programme au Canada exclusivement consacré aux déterminants sociaux de la santé chez les personnes bisexuellesNote de bas de page 47.

Les disparités en matière de santé mentale positive étaient également marquées chez les adultes faisant partie d’une minorité de genre. Outre le sentiment d’appartenance à la communauté, seulement environ le tiers des adultes faisant partie d’une minorité de genre ont déclaré avoir un niveau élevé de SMAE et de bonheur, et ils ont attribué à leur satisfaction à l’égard de la vie une note de 1,7 point inférieure, en moyenne, à celle fournie par les personnes cisgenres. Ces résultats viennent s’ajouter à ceux de travaux de recherche antérieurs sur la prévalence des difficultés psychologiques au sein de la population transgenreNote de bas de page 7Note de bas de page 11. La réduction des facteurs de stress distaux (le fait d’être la cible de comportements transphobes) et des facteurs de stress proximaux (les attentes d’être rejeté ou d’être la cible de discrimination, la dissimulation de son identité transgenre et l’intériorisation de la transphobie) pourrait être importante pour favoriser une bonne santé mentale, car ces expériences ont été associées à la dépression et aux idées suicidaires chez les personnes faisant partie d’une minorité de genreNote de bas de page 19. Les travaux de recherche ultérieurs pourraient étudier les facteurs de risque et les facteurs de protection de la santé mentale positive chez les personnes faisant partie d’une minorité de genre.

Points forts et limites

En utilisant des données provenant d’enquêtes à grande échelle sur la santé de la population, nous avons pu étudier de nombreux paramètres de la santé mentale positive dans l’ensemble des populations de personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre ainsi que dans des groupes plus spécifiques de minorités sexuelles. L’étude de la santé mentale positive chez les personnes faisant partie d’une minorité de genre constitue une contribution particulièrement importante, car l’inclusion de questions portant à la fois sur le sexe et le genre est un développement récent dans les enquêtes menées par Statistique Canada. En outre, notre approche de la santé mentale positive axée sur les points forts nous a permis de montrer que, malgré des disparités entre les populations, de nombreuses personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre éprouvent du bien-être dans leur vie.

Néanmoins, certaines limites méritent d’être mentionnées. Tout d’abord, nous avons relevé de nombreuses disparités en ce qui concerne la santé mentale positive et nous avons tenté d’expliquer les résultats en nous fondant sur la théorie du stress des minorités et sur des travaux de recherche antérieurs. Cependant, nous n’avons pas directement exploré les raisons expliquant l’existence de ces disparités. Les inégalités concernant les paramètres de la santé mentale positive persistaient entre les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle et les adultes hétérosexuels après contrôle pour diverses caractéristiques sociodémographiques; mais, en raison de la faible taille d’échantillon, nous avons codé certains groupes distincts en une seule catégorie pour certaines covariables et nous avons présenté uniquement des analyses de régression sans ajustement des paramètres de la santé mentale positive pour les comparaisons portant sur des groupes précis de minorités sexuelles et sur les adultes faisant partie d’une minorité de genre. Par ailleurs, la faible taille d’échantillon a eu pour effet de produire des intervalles de confiance relativement larges et a probablement nui à la puissance statistique nécessaire à la détection de différences statistiquement significatives. En outre, le faible nombre d’adultes faisant partie d’une minorité de genre dans l’ensemble de données a limité notre capacité à examiner des identités de genre précises (par exemple les hommes transgenres, les femmes transgenres, les personnes non binaires). Le suréchantillonnage des personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre dans les enquêtes ultérieures sur la santé de la population pourrait permettre un examen plus approfondi des diverses identités de ces personnes, ainsi que la désagrégation des résultats en fonction d’autres facteurs sociodémographiques potentiellement importantsNote de bas de page 53. Par exemple, une ventilation en fonction de l’âge pourrait être instructive, car il a été constaté dans des études menées dans d’autres pays que les expériences de discrimination et les disparités en matière de santé mentale varient au long de la vie chez les personnes faisant partie d’une minorité sexuelleNote de bas de page 54Note de bas de page 55.

Ensuite, étant donné que les réponses aux questionnaires sont autodéclarées, elles peuvent être sujettes à un biais de rappel et à un biais de désirabilité socialeNote de bas de page 56. De plus, la réticence de certaines personnes interrogées à révéler leur orientation sexuelle ou leur modalité de genre pourrait avoir entraîné des cas de classification erronéeNote de bas de page 57. Alors qu’on a demandé aux répondants d’indiquer leur identité sexuelle, d’autres dimensions importantes de l’orientation sexuelle auraient pu être évaluées (l’attirance sexuelle, le comportement sexuel)Note de bas de page 53Note de bas de page 58. En outre, la question de l’enquête sur le genre offrait les choix de réponse « genre masculin » et « genre féminin » plutôt que « homme » et « femme », qui sont plus pertinentsNote de bas de page 59. Enfin, nous ne disposons peut-être pas de données sur les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre qui sont les plus à risque (comme celles qui sont en situation d’itinérance)Note de bas de page 60.

Conclusion

Nous avons constaté que, en 2019, avoir une santé mentale positive était généralement moins courant chez les adultes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre que chez les adultes hétérosexuels et cisgenres. Les travaux de recherche ultérieurs pourraient explorer les mécanismes expliquant pourquoi les personnes faisant partie d’une minorité sexuelle ou de genre ont une santé mentale positive moins élevée, les facteurs de risque et les facteurs de protection associés à la santé mentale positive chez ces personnes, l’effet sur la santé mentale positive de l’interaction entre l’orientation sexuelle/la modalité de genre et diverses autres caractéristiques sociodémographiques et enfin la manière dont les disparités observées en matière de santé mentale positive peuvent avoir évolué au fil du temps.

Remerciements

Nous tenons à remercier Raelyne Dopko et Elia Palladino pour leurs commentaires lors des premières étapes de la planification de ce projet, ainsi que Mélanie Varin pour ses commentaires à diverses étapes du projet et pour avoir refait les analyses afin de vérifier les résultats.

Conflits d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Contributions des auteurs et avis

  • SH : rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
  • CAC : conception, méthodologie, rédaction de la première version du manuscrit, relectures et révisions.
  • LL : méthodologie, analyse formelle, relectures et révisions.

Tous les auteurs ont approuvé le manuscrit pour publication.

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs; ils ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

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