Déclaration du CCMTMV : grossesse et voyages

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Volume 36 DCC-2, mars 2010

Déclaration d’un comité consultatif (DCC)
Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages*

Déclaration relative à la voyageuse enceinte

Contributeurs

*Membres : Dr P.J. Plourde (Président); Dr S. Houston; Dre S. Kuhn; Dre A. McCarthy; Dre K.L. McClean; Dre C. Beallor; Mme A. Henteleff

Représentants d’office : Dr M. Tepper; Dr J. Given; Dr R. Weinman; Dr F. Hindieh; Dr J.P. Legault; Dre P. McDonald; Dre N. Marano; Dr P. Arguin; Dr P. Charlebois; Dre A. Duggan

Représentants de liaison : Dre C. Greenaway; Mme A. Hanrahan; Dr C. Hui; Dr P. Teitelbaum; Dre A. Pozgay

Membre émérite : Dr C.W.L. Jeanes

Consultant : Dr S. Schofield

+ Le présent document a été préparé par C. Bellaor et approuvé par le CCMTMV. Le CCMTMV remercie sincèrement le Dr Gideon Koren pour avoir contribué à l’élaboration de la déclaration.

† Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages. Déclaration relative à la voyageuse enceinte. Can Comm Dis Rep 2010:36:ACS-2.

DOI

https://doi.org/10.14745/ccdr.v36i00a02f

Avis de correction 2014

Table des matières

Préambule

Le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages (CCMTMV) fournit à l'Agence de la santé publique du Canada, de façon continue et en temps opportun, des conseils sur des questions liées aux maladies infectieuses et aux risques pour la santé associés aux voyages à l'étranger dans les domaines de la médecine, des sciences et de la santé publique. L'ASPC reconnaît que les conseils et les recommandations figurant dans le présent document reposent sur les connaissances scientifiques et les pratiques médicales les plus récentes et diffuse le document pour informer les voyageurs ainsi que le personnel médical qui soigne les voyageurs.

Les personnes qui administrent ou utilisent des médicaments, des vaccins ou d'autres produits devraient aussi connaître le contenu des monographies de produit ou d'autres normes ou modes d'emploi approuvés. Les recommandations relatives à l'utilisation et les autres renseignements qui figurent dans le présent document peuvent différer du contenu des monographies de produit, des normes approuvées ou des modes d'emploi des fabricants titulaires d'une licence. Les fabricants ont demandé l'homologation de leurs produits et fourni des preuves de l'innocuité et de l'efficacité de ces derniers lorsqu'ils sont utilisés conformément aux monographies, aux normes ou aux modes d'emploi approuvés.

Introduction

Pour les femmes enceintes, les voyages posent de nombreuses difficultés liées aux risques inhérents à la grossesse, aux changements physiologiques qui surviennent durant la grossesse, aux risques que court le fœtus in utero, suite à l'exposition maternelle aux médicaments et/ou vaccins et aux risques et complications associés à l'accouchement. Dans certaines régions du monde, les ressources médicales disponibles pour faire face aux complications de la grossesse peuvent être très différentes de celles correspondant aux normes canadiennes. Les changements d'ordre immunitaire et physiologique peuvent rendre les femmes enceintes plus susceptibles à certaines maladies infectieuses ou les rendre plus malades si elles contractent ces maladies. De plus, la grossesse peut augmenter le risque d'être atteinte de certaines infections, telles le paludisme, la toxoplasmose, la lèpre et la listériose (1). De même, au cours de certaines infections, telles la grippe et la varicelle, l'évolution clinique peut être plus grave et les taux de complications et de mortalité, plus élevés. Pour certaines infections fongiques, telles la coccidiodomycose et la blastomycose, on enregistre une incidence accrue de dissémination de l'infection au cours de la grossesse, en particulier durant le troisième trimestre (2). L'autre question majeure à considérer en ce qui concerne les conseils aux voyageuses enceintes est le nombre limité de preuves basées sur des études comparatives randomisées et le fait que la majeure partie de l'information offerte dans les publications est théorique. Le présent article traitera des risques que courent les voyageuses enceintes et des recommandations actuelles basées sur les publications existantes.

Période sûre pour voyager

Selon l'American College of Obstetricians and Gynecologists (ACOG), les urgences les plus courantes en obstétrique surviennent au cours du premier ou du troisième trimestre de grossesse (3). Par conséquent, la période la plus sûre pour voyager se situe entre les 18e et la 24e semaines du deuxième trimestre.

La décision de voyager au cours de la grossesse devrait être prise conjointement par la femme enceinte et son fournisseur de services d'obstétrique. De nombreux facteurs entrent en jeu, dont le but du voyage, la destination, le risque perçu, les maladies sous-jacentes et/ou les complications possibles de la grossesse, les établissements de santé disponbiles et les assurances de santé-voyage.

Le tableau suivant présente les contre-indications possibles pour des voyages à l'étranger au cours de la grossesse, selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des Etats-Unis (4).

Tableau 1: Contre-indications possibles des voyages à l'étranger au cours de la grossesse

FACTEURS DE RISQUE

DESTINATIONS POSSIBLEMENT DANGEREUSES

OBSTÉTRICAUX

MÉDICAUX

  • Antécédents d'avortement spontané (fausse couche)
  • Insuffisance cervicale
  • Antécédents de grossesse ectopique (la possibilité d'une grossesse ectopique en cours devrait être éliminée avant le départ)
  • Antécédents de travail avant terme ou de rupture prématurée des membranes
  • Anomalies placentaires passées ou présentes
  • Menace d'avortement ou saignements vaginaux au cours de la grossesse actuelle
  • Grossesse actuelle multiple
  • Croissance fœtale anormale
  • Antécédents de toxémie, d'hypertension artérielle ou de diabète au cours d'une grossesse (passée ou présente)
  • Primigeste de 35 ans et plus ou de 15 ans et moins
  • Antécédents de maladie thrombo-embolique
  • Hypertension artérielle pulmonaire
  • Asthme grave ou autre maladie pulmonaire chronique
  • Valvulopathie cardiaque (en présence d'une insuffisance cardiaque de classe III ou IV selon la New York Heart Association [NYHA])
  • Cardiomyopathie
  • Hypertension
  • Diabète
  • Insuffisance rénale
  • Anémie sévère ou hémoglobinopathie grave
  • Dysfonctionnement chronique d'un organe nécessitant des interventions médicales fréquentes
  • Altitude élevée
  • Régions où on enregistre des éclosions régulières d'infections potentiellement mortelles transmises par des aliments ou des insectes, ou régions où de telles infections sont endémiques
  • Régions d'endémicité du paludisme à P.falciparum résistant à la chloroquine
  • Régions où des vaccins à virus vivants sont requis et recommandés

Immunisations

La décision de vacciner ou non une voyageuse enceinte dépend de nombreux facteurs, dont la destination, la durée du voyage, le risque de contracter la maladie, la gravité de l'effet de la maladie sur la voyageuse ou le fœtus, les effets indésirables du vaccin sur la voyageuse et/ou le fœtus et les perceptions du risque par la voyageuse et le fournisseur de soins de santé. La plupart des données favorables à la vaccination des femmes enceintes reposent sur l'utilisation passée sans effets négatifs et les résultats de l'utilisation par inadvertance. La plupart des grandes organisations qui offrent des recommandations, dont les CDC, l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ACOG, l'American Advisory Committee on Immunization Practices (ACIP) et le Comité consultatif national de l'immunisation (CCNI) du Canada, sont de même avis et en faveur de l'immunisation chez les femmes enceintes même si les recommandations sont fondées sur le même corpus limité de données.

Les vaccins peuvent être divisés en deux groupes. Le premier est constitué des vaccins vivants atténués, et le deuxième, des vaccins viraux ou bactériens inactivés ainsi que des anatoxines. Les vaccins vivants atténués sont généralement contre-indiqués au cours de la grossesse parce que certaines des maladies qu'ils préviennent ont des effets sérieux sur le fœtus, tels la rubéole et la varicelle (5). Comme les virus contenus dans les vaccins vivants peuvent se multiplier chez la femme enceinte, il existe un risque théorique de transfert chez le fœtus de virus issus du vaccin et d'effets néfastes ultérieurs; cependant, la surveillance post-commercialisation de l'utilisation par inadvertance de vaccins vivants n'a pas révélé de réactions indésirables graves chez la mère ou le fœtus, y compris des effets tératogènes, donc, l'interruption de la grossesse n'est pas recommandée (5). La virémie maternelle décline un mois après la vaccination, et on conseille donc de retarder la conception pendant au moins un mois après l'administration de tout vaccin vivant (5).

Les vaccins tués, les vaccins inactivés et les anatoxines ne posent généralement pas de risques sérieux durant la grossesse (5). De nombreux vaccins n'ont pas fait l'objet d'études durant la grossesse, et c'est la raison pour laquelle il est habituellement recommandé d'administrer le vaccin si le risque de contracter la maladie l'emporte sur les effets indésirables possibles du vaccin.

La plupart des données indiquent également que la réponse immunitaire est adéquate au cours de la grossesse malgré l'immunosuppression légère associée à cet état (5). En général, il est préférable d'administrer les vaccins pour des maladies associées aux voyages. Par contre, de façon pratique, cela est rarement possible.

Anatoxines

Anatoxines diphtérique et tétanique adsorbées (dT)

Les anatoxines diphtérique et tétanique ont été amplement utilisées chez les femmes enceintes, et rien n'indique qu'elles soient tératogènes (6;7). Il est prudent de mettre à jour l'immunisation contre le tétanos au cours de la grossesse si un risque est présent, en particulier parce que les anticorps maternels passent chez le bébé et peuvent contribuer à le protéger contre le tétanos néonatal.

Vaccins à germes inactivés, à germes tués et à ADN viral recombinant

En général, rien n'indique que l'administration de ces vaccins chez la femme enceinte comporte un risque pour celle-ci ou son fœtus.

Vaccin inactivé contre le virus de la polio (VPI)

Aucun problème chez l'humain n'a été signalé par suite de l'administration de ce vaccin, et l'avènement de problèmes est improbable (6). Une étude menée dans les années 1970 faisait état d'une association entre le VPI administré au cours de la grossesse et un néoplasme malin d'origine neurale chez le nouveau-né (8), mais cette association n'a jamais été confirmée dans d'autres études et le vaccin est jugé sécuritaire lorsqu'une protection contre la poliomyélite est requise (5). La vaccination est indiquée si le risque de contracter la maladie l'emporte sur le risque d'effets indésirables du vaccin.

Vaccin contre l'hépatite A (Havrix, Vaqta, Avaxim)

La vaccination contre l'hépatite A n'est pas contre-indiquée chez les femmes enceintes et est recommandée pour celles qui sont à risque. L'hépatite A n'est généralement pas considérée comme plus grave au cours de la grossesse qu'en d'autres périodes; toutefois, des cas d'hépatite fulminante ont été signalés au cours du troisième trimestre, de même qu'un risque accru de travail avant terme et de mort fœtale (9). Une étude récente a montré qu'une hépatite A aiguë au cours de la grossesse était associée à un risque élevé de complications chez la mère, dont des contractions prématurées, le décollement placentaire, la rupture prématurée des membranes et le travail avant terme (10). Il existe aussi une possibilité de transmission du virus au nouveau-né lors de l'accouchement si le virus est en période d'incubation chez la mère ou si la mère présente une hépatite aiguë au moment de l'accouchement. (11).

Vaccin contre l'hépatite B (Engerix, Recombivax)

La vaccination contre l'hépatite B n'est pas contre-indiquée chez les femmes enceintes et est recommandée pour celles qui sont à risque. L'infection par le virus de l'hépatite B peut s'aggraver au cours du troisième trimestre de grossesse. Elle pourrait aussi être associée à une augmentation du taux d'avortement spontané et d'accouchement avant terme. En raison de la transmission verticale, l'hépatite B néonatale est possible et s'associe à un risque plus élevé de transmission au nouveau-né (11).

Vaccin contre la grippe (Fluviral, Fluzone)

Selon le CCNI, les données actuelles indiquent que le vaccin contre la grippe est sûr chez les femmes enceintes quel que soit le stade de la grossesse ainsi que chez les femmes qui allaitent (12). Toutes les femmes enceintes qui veulent éviter la morbidité associée à la grippe devraient être encouragées à se faire vacciner (13).

Les femmes enceintes sont à risque élevé de complications et morbidité associées à la grippe, en particulier, durant le troisième trimestre de leurs grossesses (14;15). Les études démontrent que, lors de pandémies antérieures, les femmes enceintes ont été affectées de façon disproportionnée en comparaison aux femmes non enceintes. (15). ACIP estime que la vaccination pourrait réduire, dans une proportion de 1 à 2 pour 1000, le taux d'hospitalisation chez les femmes enceintes (16). La vaccination devrait être spécialement envisagée chez les femmes enceintes atteintes d'une affection chronique qui entraîne un risque élevé de complications de la grippe, ainsi que chez celles qui sont en contact étroit avec des personnes à risque élevé. En ce qui concerne l'innocuité du vaccin, une étude menée auprès de 252 femmes enceintes qui ont reçu le vaccin à un âge gestationnel moyen de 26 semaines n'a révélé aucun événement indésirable ni aucune issue périnatale défavorable comparativement au groupe non vacciné (17). De même, des données provenant des CDC concernant 2 000 femmes enceintes ayant reçu le vaccin inactivé contre la grippe n'ont démontré aucune association entre le vaccin et des effets indésirables chez le fœtus.

Vaccin contre la rage (Imovax [virus cultivé sur cellules diploïdes humaines], RabAvert [virus cultivé sur cellules d'embryons de poulet purifiées], Verorab [virus cultivé sur cellules Vero purifiées])

Quelques études ont été menées chez des femmes enceintes qui ont reçu le vaccin contre la rage (virus cultivé sur cellules diploïdes humaines, sur cellules d'embryons de poulet purifiées et sur cellules Vero purifiées). Aucune donnée n'a révélé de complications liées au vaccin chez la mère ou le fœtus (18;19). Une étude ayant pour but d'évaluer les effets du traitement post-exposition administré à 202 femmes enceintes en Thaïlande a montré que tant les vaccins produits à partir de cultures tissulaires que les immunoglobulines antirabiques sont sûrs en tant qu'agents prophylactiques post-exposition au cours de la grossesse (20). Le traitement post-exposition ne devrait jamais être omis ni retardé si la patiente a pu être exposée à la rage. Aucun problème associé au vaccin chez l'humain n'a été signalé, et la survenue de problèmes est improbable (6). La vaccination est indiquée si le risque de contracter la maladie l'emporte sur le risque d'effets indésirables du vaccin.

Vaccin contre le pneumocoque (Pneumovax 23, Pneumo 23)

Dans les études publiées, le vaccin contre le pneumocoque a été administré à des femmes enceintes dans le but de déterminer si les anticorps produits par la mère et transmis au fœtus par suite de la vaccination pouvaient prévenir la maladie chez les nourrissons. Ces études ont montré que le vaccin conférait une certaine protection aux nourrissons et était également sûr au cours de la grossesse (21-23). Aucun problème associé au vaccin chez l'humain n'a été signalé, et la survenue de problèmes est improbable (6). La vaccination est indiquée si le risque de contracter la maladie l'emporte sur le risque d'effets indésirables du vaccin. Les indications pour la vaccination devraient être similaires à celles qui s'appliquent aux voyageuses non enceintes.

Vaccin quadrivalent conjugué contre le méningocoque (Menactra)

Des études de reproduction chez la souris menées au moyen d'une dose 900 fois plus forte que celle utilisée chez l'humain, après ajustement selon le poids, n'ont révélé aucun effet indésirable sur la fertilité, la santé maternelle, le développement fœtal ni le développement post-natal (6). Aucune étude contrôlée adéquate n'a été menée chez les femmes enceintes, bien que le fabricant tienne un registre des femmes enceintes vaccinées. Le vaccin devrait être administré si le risque de maladie est clair. Toute femme enceinte recevant la vaccination devrait être consignée dans le registre grossesses de Sanofi-Pasteur, un registre systématique et organisé de données sur les femmes enceintes qui reçoivent le vaccin Menactra, en composant le 1-888-621-1146.

Vaccin quadrivalent polysaccharidique contre le méningocoque (Menomune)

Le fabricant recommande de ne pas utiliser ce vaccin au cours de la grossesse, en particulier le premier trimestre (24). Cependant, dans le cadre d'une étude réalisée en 1998, les chercheurs ont évalué 34 femmes ayant reçu le vaccin au cours de leur grossesse et n'ont noté aucune augmentation du nombre d'événements inhabituels à la naissance comparativement aux taux attendus (25). Un enfant présentait une malformation congénitale que les chercheurs n'ont pas associée à un effet tératogène du vaccin. Dans une étude réalisée en 1996, 75 femmes enceintes au troisième trimestre de grossesse ont reçu le vaccin sans qu'il n'entraîne d'effets indésirables observables chez les nouveau-nés (22). Aucun problème associé au vaccin chez l'humain n'a été signalé, et la survenue de problèmes est improbable (6). Le vaccin polysaccharidique doit être administré conformément aux lignes directrices générales pour les femmes non enceintes (12).

Vaccin contre la fièvre typhoïde (Typhim VI, Typherix)

Aucun problème associé au vaccin injectable contre la fièvre typhoïde chez les femmes enceintes n'a été signalé, et la survenue de problèmes est improbable (6). La vaccination est indiquée si le risque de contracter la maladie l'emporte sur le risque d'effets indésirables du vaccin. Un vaccin viral atténué oral contre la fièvre typhoïde est aussi disponible (voir ci-après).

Vaccin contre l'encéphalite à tiques (FSME-IMMUN)

Selon le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques et la documentation scientifique fournie par le fabricant, l'innocuité du vaccin pendant la grossesse et l'allaitement n'a pas été établie, et le vaccin devrait donc être utilisé avec prudence dans ces situations (26). Aucune donnée concernant l'administration du vaccin au cours de la grossesse n'a été repérée dans les publications existantes.

Vaccin contre l'encéphalite japonaise (JE-Vax, Ixiaro)

L'infection par le virus de l'encéphalite japonaise contractée au cours du premier ou du deuxième trimestre de grossesse peut causer une infection intra-utérine et la mort du fœtus. L'infection contractée au troisième trimestre n'est associée à aucun effet indésirable chez le fœtus (6). Aucun problème associé au vaccin JE-Vax chez les femmes enceintes n'a été signalé, et la survenue de problèmes est improbable. La vaccination est indiquée si le risque de contracter la maladie l'emporte sur le risque d'effets indésirables du vaccin. La production de JE-Vax a été discontinuée et il n'existe qu'une quantité limitée disponible. Ixiaro a été homologué au Canada en 2009. Aucune donnée n'est disponible quant à l'administration de ce vaccin aux femmes enceintes.

Vaccin oral contre le choléra (Dukoral)

Le vaccin n'est pas recommandé au cours de la grossesse selon la monographie de produit, et aucune étude spécifique n'a été menée pour évaluer son usage chez les femmes enceintes. Toutefois, il s'agit d'un vaccin à virus inactivé qui ne se réplique pas, et, de plus, il est administré par voie orale et ne passe pas dans la circulation sanguine. Il est donc probablement sûr (24) et devrait être employé si le risque est tangible.

Vaccins vivants atténués

Vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (M-M-R II, Priorix)

Rougeole

Certaines données laissent croire que la rougeole est plus courante et plus grave chez les femmes enceintes (27). Une étude menée de 1988 à 1989 dans le cadre d'une épidémie de rougeole (>1 700 cas) à Houston, au Texas, a révélé un taux élevé de complications sérieuses chez les femmes enceintes infectées (28). Aucune étude adéquate du vaccin contre la rougeole n'a été réalisée chez les femmes enceintes. Vu le risque que fait courir au fœtus la rougeole naturelle chez la mère, le vaccin est contre-indiqué au cours de la grossesse; toutefois, cette contre-indication n'est pas fondée sur des preuves. Actuellement, on conseille aux femmes qui se font vacciner d'éviter de tomber enceintes dans le mois qui suit la vaccination.

Oreillons

Le virus des oreillons peut infecter le placenta et le fœtus, mais aucune donnée solide n'indique qu'il cause des malformations congénitales. Le virus n'a pas été isolé dans le tissu fœtal de femmes enceintes qui ont reçu le vaccin contre les oreillons et ont choisi de se faire avorter (6). Le vaccin est actuellement contre-indiqué au cours de la grossesse, et on conseille aux femmes qui se font vacciner d'éviter de tomber enceintes dans le mois qui suit la vaccination; toutefois, cette contre-indication n'est pas fondée sur des preuves.

Rubéole

L'infection par le virus de la rubéole au cours de la grossesse peut avoir des effets importants sur le fœtus et provoquer un syndrome de rubéole congénitale. Certaines données indiquent que lorsqu'une femme enceinte se fait vacciner, le virus vaccinal est transmis au fœtus, mais n'a pas d'effets délétères sur ce dernier. Parmi les 226 cas de vaccination par inadvertance de femmes enceintes qui ont été signalés aux CDC entre 1971 et 1989, on a observé une infection subclinique chez 1 à 2% des fœtus, mais aucun cas de syndrome de rubéole congénitale (29). Une étude prospective réalisée auprès de 94 femmes ayant reçu le vaccin troismois avant la conception n'a révélé aucune augmentation du taux de malformations fœtales comparativement au groupe témoin (30). Le vaccin est contre-indiqué au cours de la grossesse, et les femmes qui se font vacciner devraient éviter de tomber enceintes dans le mois qui suit la vaccination.

Vaccin contre la varicelle (Varivax, Varilix)

Comme l'infection naturelle par le virus de la varicelle peut provoquer un syndrome de varicelle fœtale, la vaccination est contre-indiquée au cours de la grossesse. Certaines données semblent indiquer que la varicelle primaire peut être plus grave pendant la grossesse et que la pneumopathie varicelleuse est plus courante et plus souvent mortelle chez les femmes enceintes (1). Il n'existe, à l'heure actuelle, aucune donnée convaincante concernant les effets du vaccin sur le fœtus. Même si on conseille actuellement aux femmes qui se font vacciner d'éviter de tomber enceintes dans le mois qui suit la vaccination, une étude menée auprès de 362 femmes enceintes qui ont reçu le vaccin contre la varicelle par inadvertance n'a révélé aucun cas d'infection congénitale par le virus de la varicelle (31). Il existe un registre de vaccination par Varivax pour les femmes qui ont reçu le vaccin dans les trois mois précédant leur grossesse ou au cours de leur grossesse (6).

Vaccin oral contre la typhoïde (Ty21a)

Le vaccin oral ne devrait pas être offert aux femmes enceintes parce qu'il n'existe aucune donnée valable concernant son innocuité chez ces femmes et parce qu'un vaccin inactivé injectable relativement sûr est disponible (voir ci-dessus).

Vaccin contre la fièvre jaune (YF-Vax)

Comme le vaccin contre la fièvre jaune est un vaccin vivant, il est contre-indiqué au cours de la grossesse pour des raisons de prudence, malgré les données nouvelles qui laissent croire à son innocuité chez les femmes enceintes. Dans le cadre d'une petite étude portant sur 39 femmes ayant reçu par inadvertance le vaccin contre la fièvre jaune au Brésil, certaines données indiquaient que les femmes enceintes qui reçoivent le vaccin au début de la grossesse présentent un risque accru d'avortement spontané (32). Toutefois, des études plus vastes n'ont révélé aucun effet significatif sur le fœtus. Une étude portant sur 101 Nigérianes enceintes ayant reçu le vaccin par inadvertance à divers stades de grossesse n'a révélé aucun effet indésirable significatif sur le fœtus ni aucune association avec le risque d'infection fœtale (33). Dans cette étude, le pourcentage de femmes qui présentaient une séroconversion après la vaccination était significativement plus faible que dans le groupe de femmes non enceintes (39% vs 82%) (33). Dans une étude plus récente, 441 Brésiliennes enceintes ayant reçu le vaccin par inadvertance ont été suivies jusqu'à l'accouchement, et aucun effet indésirable n'a été observé. Trois cent quarante et un bébés ont été examinés à 3mois, et 103bébés ont été réexaminés à > 24 mois et, encore là, aucun effet indésirable significatif n'a été noté. Par ailleurs, le taux de séroconversion dans cette étude était de 98% (34). En ce qui concerne le risque d'infection fœtale in utero, des chercheurs ont suivi 41 femmes enceintes de Trinidad vaccinées par inadvertance au cours de leur grossesse. Un nourrisson avait produit des anticorps de type IgM contre la fièvre jaune, un signe d'infection congénitale, mais ne présentait aucune complication à la naissance (35).

Comme la fièvre jaune peut être mortelle, la vaccination des femmes enceintes devrait être envisagée lorsque le risque de maladie ne peut pas être évité. Dans les cas où un Certificat international de vaccination contre la fièvre jaune est nécessaire pour entrer dans un pays, mais où il n'y aucun risque actuel de maladie, une lettre d'exemption devrait être fournie.

N.B.: Un résumé sous forme de tableau est présenté dans le Guide canadien d'immunisation, 7e édition, 2006 (12), partie3, Immunisations recommandées, tableau 7, Indication durant la grossesse.

Allaitement et vaccins

Jusqu'à tout récemment, aucun effet indésirable n'avait été répertorié chez les nourrissons allaités par suite de l'administration d'un vaccin à leur mère (5). Lorsqu'on utilise des vaccins tués ou inactivés ou des anatoxines, les germes ne se multiplient pas chez la mère. La plupart des germes vaccinaux vivants qui peuvent se multiplier chez la mère ne sont pas sécrétés dans le lait maternel. Les deux exceptions sont les suivantes:

1) Le virus contenu dans le vaccin contre la rubéole.

Dans une étude réalisée chez des nourrissons allaités, le taux de séroconversion au virus de la rubéole après la vaccination de la mère était de 25% et aucun signe clinique de maladie n'était présent (36).

2) Le vaccin contre la fièvre jaune.

Récemment, un enfant a contracté la fièvre jaune après que sa mère a reçu le vaccin contre cette maladie. L'étude de cas sera publiée prochainement (4).

Voyages aériens

Selon l'ACOG, en l'absence de complications médicales ou obstétricales, les femmes enceintes peuvent prendre l'avion sans danger jusqu'à la 36e semaine de gestation (3). La plupart des transporteurs aériens canadiens et américains permettent aux femmes enceintes de monter à bord de leurs avions jusqu'à la 36e semaine de grossesse, alors que les transporteurs aériens internationaux ont fixé la limite à 35 semaines. Toute femme, dont la grossesse est normale et qui n'a pas d'antécédents de travail avant terme, peut voyager jusqu'à sa 36e semaine de grossesse, inclusivement, avec Air Canada et AirCanada Jazz (37). Il vaut toujours mieux vérifier auprès des transporteurs aériens, car les restrictions peuvent varier de l'un à l'autre.

Les contre-indications relatives aux voyages aériens comprennent le risque d'accouchement avant terme, l'hypertension de grossesse, le diabète mal stabilisé, la drépanocytose (anémie falciforme) ou le trait drépanocytaire et d'autres états sérieux. Comme la pression de l'air dans la cabine change avec l'altitude, la pression partielle de l'oxygène diminue. Cette diminution ne devrait pas avoir d'effets sur la femme enceinte normale, mais pourrait nuire à celle dont l'appareil cardiovasculaire est compromis (38). Si le milieu légèrement hypoxique a des effets sur une femme enceinte, celle-ci pourrait avoir besoin d'un surplus d'oxygène. Les gaz emprisonnés prennent du volume avec l'altitude, ce qui peut provoquer des ballonnements. On peut prévenir dans une certaine mesure cette situation en réduisant la consommation de boissons gazéifiées et d'aliments qui produisent des gaz, en particulier au cours des vols de longue durée.

Les longs voyages aériens sont associés à un certain degré d'immobilité et de stase veineuse. Cette situation, couplée au risque accru de thrombose veineuse inhérent à la grossesse, pourrait augmenter le risque global de thrombose veineuse profonde chez les voyageuses enceintes. Bien qu'aucune donnée précise ne confirme ce risque, en théorie, certaines mesures devraient être prises pour le réduire, par exemple le port de bas de contention et des mouvements du bas des jambes. Aucune donnée n'indique un risque accru d'avortement spontané associé aux voyages aériens chez les femmes enceintes (39).

Mesures de protection individuelle pour prévenir les piqûres et morsures d'insectes

Les mesures de protection individuelle sont particulièrement importantes pour les voyageuses enceintes, car de nombreuses maladies transmises par des insectes ne peuvent être prévenues par la vaccination et peuvent avoir des effets néfastes tant sur la mère que sur le fœtus ou le nouveau-né. Par exemple, la femme enceinte qui contracte la dengue présente un risque grave d'accouchement prématuré et de mort fœtale; si elle contracte l'infection peu avant terme, il y a risque d'hémorragie tant pour elle-même que pour le nouveau-né (40).

Chez les femmes enceintes, le risque de piqûre ou de morsure d'insectes et le risque de maladie transmise par ces derniers sont les mêmes que chez les autres voyageurs; cependant, certaines données montrent que les femmes enceintes attirent davantage les insectes que les femmes qui ne sont pas enceintes. Dans une étude menée par Lindsay et coll., les femmes enceintes attiraient deux fois plus de moustiques de l'espèce Anopheles gambiae (principal vecteur du paludisme en Afrique) que les femmes non enceintes (41).

Il est très important pour les femmes enceintes de se protéger contre les piqûres ou morsures d'insectes en ayant recours à des mesures de protection individuelle, notamment des insectifuges contenant du N,N-diéthyl-m-tolumide (DEET), des filets traités au moyen d'un insecticide et des vêtements de couleur claire. Selon les autorités réglementaires et sanitaires d'Amérique du Nord, rien n'indique que l'utilisation de DEET par les femmes enceintes ou allaitantes entraîne un risque pour le fœtus ou l'enfant allaité (42). Cette conclusion est étayée par de sérieux examens par des universitaires des données relatives à l'innocuité de ce produit (43). Dans une étude randomisée à double insu réalisée en Thaïlande, les chercheurs ont examiné les effets de l'utilisation de DEET au cours du deuxième et du troisième trimestres de grossesse. Parmi les 897 femmes qu'ils ont suivies, ils n'ont constaté aucun effet indésirable d'ordre neurologique, gastro-intestinal ou dermatologique après l'application d'une dose totale médiane de 214,2 gde DEET par femme enceinte (44). Le DEET traverse la barrière placentaire et a été détecté dans 8% des échantillons de sang de cordon (n=50). Aucun effet indésirable sur la survie, la croissance et le développement n'a été démontré à la naissance et à un an.

Les moustiquaires de lit traitées par un insecticide de type pyréthrinoïde, dont la perméthrine, offrent une bonne protection contre le paludisme (45;46). D'après les nombreuses études ayant porté expressément sur leur utilisation par les femmes enceintes, ces moustiquaires seraient sûres et efficaces (47;48). Les vêtements traités par un pyréthrinoïde seraient également utiles pour prévenir les piqûres de moustiques (49). Bien qu'on ne dispose pas de données spécifiques relatives aux femmes enceintes, les résultats des études animales laissent à penser que les matières traitées par un pyréthrinoïde ne présentent pas de risque particulier pour les femmes enceintes (50-52). Par conséquent, comme pour la population générale, les moustiquaires de lit et les vêtements traités ont un bon profil d'innocuité lorsqu'ils sont utilisés par les femmes enceintes.

Pour de plus amples renseignements sur les mesures de protection individuelle, le lecteur est prié de consulter la Déclaration relative aux mesures de protection individuelle pour prévenir les piqûres ou morsures d'arthropodes du CCMTMV (49).

Paludisme (malaria)

Le paludisme accroît le risque de décès chez la femme enceinte et le nouveau-né, ainsi que le risque d'avortement spontané et de mortinaissance. De plus, les femmes qui suivent une prophylaxie inefficace sont plus nombreuses à accoucher d'un bébé de faible poids (53). Les femmes enceintes qui souhaitent se rendre dans une région où le paludisme est endémique devraient reporter leur voyage, surtout si elles risquent d'y contracter le paludisme à Plasmodium falciparum pharmacorésistant. Celles qui ne peuvent pas reporter leur voyage devraient prendre des mesures spéciales pour éviter les piqûres ou les morsures d'insectes et prendre un agent chimioprophylactique.

Pour obtenir plus de détails sur les mesures de prévention et le traitement du paludisme, notamment sur tous les médicaments antipaludéens et leurs effets secondaires, le lecteur est invité à consulter la déclaration du CCMTMV intitulée Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme (malaria) chez les voyageurs internationaux (54).

Voici un résumé des médicaments utilisés pour la prévention du paludisme chez les femmes enceintes qui voyagent.

Les femmes enceintes qui se rendent dans une région où les parasites qui causent le paludisme sont sensibles à la chloroquine (CQ) devraient suivre une chimioprophylaxie avec ce médicament. De nombreuses études ont confirmé l'innocuité de la chloroquine pendant la grossesse (55-57). Une étude réalisée en 1985 sur 169 nourrissons exposés à la chloroquine in utero a permis de conclure que ce médicament n'avait pas d'effets tératogènes importants, mais une légère augmentation du risque de malformations congénitales n'a pu être exclue (58). On utilise la chloroquine depuis des dizaines d'années pour la prévention et le traitement du paludisme chez les femmes enceintes, et les principales autorités mondiales, dont les CDC et l'OMS, jugent que ce médicament peut être utilisé sans danger pendant la grossesse (4;59). On considère également que la CQ est sans danger pendant l'allaitement (60).

Pour ce qui est des voyages dans une région où les parasites sont résistants à la chloroquine, la liste des médicaments de choix est limitée. À moins qu'il n'y ait une contre-indication, la méfloquine (MQ) est le plus souvent le médicament de choix chez les femmes qui en sont au deuxième ou au troisième trimestre de leur grossesse, de même que chez celles qui en sont au premier trimestre et qui sont obligées de se rendre dans une région à risque. (Le lecteur est invité à consulter la déclaration du CCMTMV sur la prévention du paludisme pour obtenir plus de détails sur les contre-indications) (54;56).

Selon les données actuelles, la chimioprophylaxie par la MQ est sans danger après le premier trimestre de la grossesse, et aucune hausse des effets tératogènes n'a été démontrée. Plusieurs essais cliniques ont fourni des données sur l'utilisation de la MQ pendant le deuxième et le troisième trimestre de grossesse. Les résultats d'une étude datant de quelques années, qui portait sur la pharmacocinétique et l'issue de la grossesse chez 20 femmes qui en étaient au troisième trimestre de leur grossesse, ont révélé que le travail s'était déroulé sans complications, que l'accouchement avait été normal et que les enfants avaient eu une croissance et un développement normaux jusqu'à l'âge de deux ans (61). Un autre vaste essai clinique, dans lequel les chercheurs ont examiné les effets de la chimioprophylaxie du paludisme au cours des deuxième et troisième trimestres de grossesse, a révélé des taux similaires d'avortement et de mortinatalité chez les femmes qui avaient suivi un traitement par la MQ, par rapport à celles qui avaient pris de la CQ (62). Cette même étude a permis de constater l'absence d'effet défavorable sur le fœtus et la grossesse chez 14 femmes à qui on avait administré de la MQ par inadvertance pendant leur premier trimestre.

Une étude à double insu contrôlée par placebo visait à examiner les effets de la prophylaxie par la MQ pendant le deuxième ou le troisième trimestre de la grossesse. Cette étude a révélé que la méfloquine était bien tolérée et qu'elle assurait une protection efficace dans ≥ 86% des cas contre P. falciparum et une protection complète contre P. vivax (63). De plus, les chercheurs n'ont observé aucune issue défavorable de la grossesse (63). Initialement, l'étude a révélé une hausse statistiquement significative du taux de mortinatalité chez les femmes enceintes qui avaient pris de la MQ; cependant, les mortinaissances ont finalement été attribuées à un grand nombre de causes apparemment non reliées. Au cours de la phase 2 de l'étude, il y a eu plus de mortinaissances dans le groupe placebo. Les données regroupées des phases 1 et 2 de l'étude n'ont révélé aucune différence significative entre le taux de mortinatalité observé chez les femmes qui avaient reçu de la MQ et celui observé chez celles du groupe placebo. Les enfants ont été suivis prospectivement pendant au moins deux ans, et aucune différence sur les plans de la mortalité, de la croissance et des jalons du développement n'ont été observés.

Il existe un important corpus de données de soutien sur l'issue de la grossesse chez les femmes qui ont soit pris de la MQ par inadvertance au cours des premiers mois de leur grossesse, soit suivi un traitement par la MQ pendant leur grossesse. Des chercheurs ont examiné les données du système international de déclaration spontanée de Roche, qui contient 1627 rapports spontanés sur des femmes qui ont été exposées à la MQ avant ou pendant leur grossesse (de 1986 à 1995), dans le but de déterminer les taux d'avortement spontané et de malformations congénitales (64). Les taux observés se sont révélés équivalents aux taux observés dans la population générale (64).

On a procédé à une étude sur l'issue de la grossesse chez des femmes, qui ont été exposées par inadvertance à la MQ au cours du premier trimestre de leur grossesse, en examinant les données fournies par les participantes à une enquête sur les voyages et les cas déclarés au système de surveillance des produits pharmaceutiques entre 1986 et 1993 (65). Dans les deux groupes, les taux d'avortement spontané et de malformations correspondaient aux taux de base publiés antérieurement. Une étude de cas menée auprès de 10 femmes qui avaient pris 250 mg de MQ par semaine pendant ou juste avant le premier trimestre de leur grossesse et qui ont mis au monde 11 bébés n'a révélé aucune malformation ni aucun symptôme pathologique en période périnatale (66).

Une étude à laquelle ont participé 72 femmes a révélé un taux étonnamment élevé d'avortement spontané (67). Cette étude, menée auprès de soldates américaines qui s'étaient rendues en Somalie après avoir pris par inadvertance de la MQ en prophylaxie au cours du premier trimestre de leur grossesse, était toutefois basée sur des données auto-déclarées qui étaient ensuite entrées dans un registre conçu pour faire le suivi de l'issue de la grossesse. La validité des données déclarées volontairement n'a pas été clairement établie.

Un seul rapport de cas publié faisait état d'une malformation congénitale. Ce rapport traitait d'un cas du syndrome achalasie-microcéphalie chez un bébé né d'une mère qui avait pris 250 mg de MQ par semaine pendant les 8 premières semaines de sa grossesse (68).

Au Canada, la méfloquine n'est pas systématiquement recommandée pour le traitement du paludisme; cependant, d'autres données sur le traitement par la MQ pendant la grossesse semblent témoigner de l'innocuité générale du médicament pendant la grossesse. Une vaste étude rétrospective, basée notamment sur des études de dossiers et des entrevues, a permis de constater que les femmes traitées par la MQ pendant leur grossesse, et non avant celle-ci, présentaient un risque significativement plus élevé de donner naissance à un enfant mort-né que les femmes qui avaient été traitées par la quinine seulement, que les femmes qui avaient suivi d'autres traitements et que les femmes qui n'étaient pas atteintes de paludisme (69). Cette étude n'a révélé aucun lien entre la MQ et l'avortement, le faible poids à la naissance, le retard neurologique ni les malformations congénitales. Dans une autre étude sur le traitement du paludisme, menée auprès de 194 femmes ayant été traitées par la MQ au cours du deuxième ou du troisième trimestre de leur grossesse, les chercheurs n'ont noté aucun effet indésirable apparent sur le fœtus, bien que la possibilité d'événements rares n'ait pu être écartée et que les taux de mortinatalité eussent été similaires chez les femmes traitées par la MQ et chez celles traitées par la quinine (70).

Les données sur l'innocuité de la MQ pendant l'allaitement sont limitées. Une étude a montré que de faibles concentrations de MQ passent dans le lait maternel après la prise d'une dose équivalente à 250 mg (71). Les auteurs de l'étude ont estimé que le nourrisson recevrait une quantité équivalente à 3,8% de la dose de traitement prise par la mère, ce qui leur a permis de conclure qu'il est peu probable qu'un nourrisson reçoive par le lait maternel une quantité de MQ nocive pour lui. Selon le fabricant, en raison du risque d'effets indésirables graves chez les nourrissons allaités, il faudrait décider s'il convient d'interrompre la prise du médicament après avoir évalué les avantages et les risques que représente la MQ pour la mère (72). Toutefois, au Canada, la MQ est recommandée comme agent chimioprophylactique pour les jeunes enfants devant voyager dans une région impaludée (54).

Pour les personnes qui doivent se rendre dans une région où les parasites qui causent le paludisme sont résistants à la MQ, il n'existe actuellement aucune autre chimioprophylaxie sûre et efficace pour les femmes enceintes.

Bien que l'usage de l'atovaquone-proguanil (AP), ou Malarone, par les femmes enceintes n'ait pas encore été approuvé, de plus en plus de données indiquent que ce médicament est sûr pendant la grossesse. Dans une étude menée en Thaïlande auprès de 27 femmes karens enceintes traitées pour des infections à P. falciparum multi récidivantes, dont 24 au deuxième ou au troisième trimestre de grossesse, le traitement associant l'artésunate, l'atovaquone et le proguanil (AAP) était bien toléré et n'entraînait aucun effet toxique manifeste pour la mère ni pour le fœtus (73). Les auteurs d'une étude similaire menée en 2005 auprès de 39 femmes karens enceintes qui en étaient au deuxième ou au troisième trimestre de leur grossesse et qui ont été traitées par l'AAP n'ont observé aucune différence significative en ce qui concerne le poids à la naissance, la durée de la gestation, le taux de malformations congénitales chez les nouveau-nés et les paramètres de la croissance et du développement chez les nourrissons suivis pendant un an (74). Ces constatations laissent croire à l'innocuité du traitement par l'AAP pour la mère et le fœtus. Les auteurs d'une autre étude menée auprès de 26 femmes enceintes de la Thaïlande et de la Zambie qui étaient au troisième trimestre de leur grossesse (intervalle de 24 à 34 semaines) n'ont également constaté aucun effet indésirable grave ou inattendu, aucune mortinaissance ni aucun avortement spontané associés à l'AP (75). Enfin, dans une autre étude, l'AAP s'est révélé un traitement sûr et efficace pour les femmes enceintes atteintes de paludisme, mais il pourrait être nécessaire d'augmenter la dose d'AP (76).

À l'heure actuelle, on dispose de très peu de données probantes sur l'innocuité de l'AP pendant le premier trimestre de la grossesse.

Selon la monographie de produit, l'utilisation de Malarone n'est pas approuvée chez les femmes qui allaitent (77). Aucun rapport sur l'usage de l'AP pendant l'allaitement n'a été recensé. Toutefois, ce produit est recommandé pour la prévention et le traitement du paludisme chez les enfants dont le poids est supérieur à 5kg (54).

La doxycycline est contre-indiquée pendant la grossesse en raison des effets indésirables qu'elle peut avoir sur la dentition fœtale et de ses effets toxiques sur le foie de la mère (78). Les tétracyclines sont excrétées dans le lait maternel en très faibles concentrations (79). Il existe un risque théorique de taches dentaires et d'inhibition de la croissance osseuse chez les nourrissons allaités; toutefois, en raison des faibles concentrations de tétracyclines excrétées dans le lait maternel, le risque est minime (78). L'American Academy of Pediatrics considère que les tétracyclines sont compatibles avec l'allaitement (60).

La primaquine n'est pas recommandée pendant la grossesse en raison du risque théorique d'hémolyse chez le fœtus qui pourrait présenter un déficit en G6PD (4;80). On ne dispose d'aucune donnée sur la prise de primaquine pendant la grossesse à des fins de prévention du paludisme. On ne dispose pas non plus de données sur l'usage de la primaquine chez les femmes qui allaitent. Il semblerait que, si la mère et l'enfant ne présentent aucun déficit en G6PD, il n'y aurait aucune raison de déconseiller l'usage de la primaquine.

Les femmes qui ont suivi une chimioprophylaxie antipaludéenne par la CQ et par la MQ et qui prévoient tomber enceintes n'ont pas besoin d'attendre pendant une période précise étant donné qu'aucun risque significatif de malformations congénitales n'est associé à ces médicaments (voir les paragraphes précédents). Les personnes qui souhaitent calculer le temps que prendra leur organisme pour éliminer un médicament peuvent consulter le tableau 2, qui indique les demi-vies de certains médicaments antipaludéens. Après 2, 4 et 6 demi-vies, il reste environ 25%, 6% et 2% du médicament dans le corps (4).

Tableau 2: Demi-vie de certains médicaments antipaludéens
MÉDICAMENT DEMI-VIE

HEURES

JOURS

SEMAINES

Atovaquone

---

2 à 3

---

Chloroquine

---

6 à 60

---

Doxycycline

12 à 24

---

---

Méfloquine

---

---

2 à 3

Primaquine

4 à 7

---

---

Proganil

14 à 21

---

---


Plongée

En règle générale, on considère que la plongée est contre-indiquée pendant la grossesse étant donné que l'on ne connaît pas les risques que cette activité peut comporter pour le développement du fœtus. Il existe un risque potentiel de formation de bulles de gaz dans les tissus fœtaux au moment de la remontée, lesquelles pourraient atteindre le cerveau et causer une ischémie ou une hypoxie. Un examen récent des publications a permis de constater qu'il n'existe pas de données valables permettant de confirmer ou de réfuter la possibilité que la plongée entraîne un risque accru de malformations congénitales (81). Des plongeuses enceintes atteintes du mal de décompression ont été soumises à une oxygénothérapie hyperbare, et aucun effet sur le fœtus n'a été signalé; par conséquent, les femmes enceintes atteintes du mal de décompression devraient être traitées de cette façon, tout comme les plongeuses qui ne sont pas enceintes. À la lumière de leurs travaux de recherche et d'un examen de la littérature, Fife et Fife recommandent aux femmes enceintes de ne pas plonger (81). Celles qui s'adonnent à cette activité devraient être informées du risque de lésions causées par les bulles d'air chez le fœtus et de l'augmentation probable du risque en fonction de la profondeur de la plongée. Le fait qu'une femme ait plongé avant de savoir qu'elle était enceinte ne justifie pas en soi l'interruption de la grossesse, étant donné que les données actuelles ne permettent pas d'affirmer que cette activité peut avoir des effets tératogènes chez l'humain.

Haute altitude

Lorsqu'une femme enceinte présente une hypoxie associée à la haute altitude, son corps déclenche des mécanismes d'acclimatation qui préservent l'alimentation en oxygène du fœtus. De la même façon, le fœtus utilise des mécanismes de compensation pour s'adapter à de brèves périodes d'hypoxie. Le peu de données existantes sur les femmes enceintes et l'exercice en haute altitude semble témoigner d'une bonne tolérance dans la plupart des cas (82); toutefois, des anomalies à court terme du rythme cardiaque fœtal de même que des complications ultérieures de la grossesse ont été signalées. Une enquête menée auprès de fournisseurs de soins obstétriques du Colorado a révélé que le travail prématuré et les saignements étaient les complications de la grossesse les plus fréquentes chez les femmes enceintes qui avaient fait un voyage dans une région à haute altitude (82).

Il n'y a pas beaucoup d'études valables sur les effets que peut avoir l'altitude, en particulier la haute altitude (>3500 m), chez les femmes enceintes. Les quelques études réalisées laissent croire qu'une brève exposition à une altitude pouvant aller jusqu'à 2500 m ne présente pas de danger pour les femmes dont la grossesse se déroule normalement (83). Les facteurs de risque qui pourraient compromettre davantage l'issue de la grossesse à la suite d'un séjour en haute altitude comprennent les complications sous-jacentes chez la mère ou le fœtus, la déshydratation, l'ascension rapide ne permettant pas une acclimatation adéquate, l'effort intense ainsi que les activités présentant un risque élevé de traumatisme. Les femmes qui présentent des complications liées à leur grossesse devraient éviter de se rendre inutilement en haute altitude.

Selon les CDC, toute femme enceinte devrait éviter les voyages à une altitude supérieure à 3658 mètres (>12000 pieds). De plus, les femmes qui en sont à la fin de leur grossesse ou qui ont une grossesse à risque élevé devraient éviter de voyager à une altitude supérieure à 2500 mètres (>8200 pieds) (4).

L'acétazolamide est un médicament couramment utilisé pour faciliter l'acclimatation à la haute altitude et réduire les symptômes du mal de l'altitude. Un rapport de cas a fait état de problèmes d'acidose métabolique, d'hypocalcémie et d'hypomagnésémie chez un enfant né prématurément d'une mère qui avait suivi un traitement par l'acétazolamide tout au long de sa grossesse (84). L'acidose métabolique était transitoire et est disparue spontanément, malgré le fait que le nourrisson ait été allaité et que la mère ait continué de prendre de l'acétazolamide. L'hypocalcémie et l'hypomagnésémie ont rapidement été corrigées grâce à un traitement approprié par le gluconate de calcium, dans le premier cas, et par le sulfate de magnésium, dans le deuxième cas. Des examens de suivi du bébé à 1 mois, à 3 mois et à 8 mois ont révélé une légère hypertonie des membres inférieurs qui a nécessité des traitements de physiothérapie. Une autre étude portant sur 12 patientes ayant suivi un traitement contre l'hypertension intracrânienne idiopathique par l'acétazolamide au cours de leur grossesse n'a révélé aucune issue défavorable de la grossesse (85). Un examen des données publiées a également permis aux auteurs de conclure que de fortes doses d'acétazolamide peuvent entraîner des anomalies congénitales chez les animaux, mais qu'il existe peu de données cliniques ou expérimentales permettant de conclure à l'existence d'effets indésirables sur l'issue de la grossesse chez l'humain. Par conséquent, si la situation clinique le justifie, un traitement par l'acétazolamide peut probablement être administré aux femmes enceintes avec leur consentement éclairé. Selon l'American Academy of Pediatrics, l'acétazolamide est compatible avec l'allaitement (60).

Mal des transports

DiclectinMD, un comprimé à action retardée combinant la doxylamine et la pyridoxine, est le seul médicament spécifiquement indiqué pour le traitement des nausées et des vomissements de la grossesse au Canada. Ce médicament peut également être utilisé pour le traitement du mal des transports. Des études menées auprès de plus de 200 000 femmes enceintes à qui ce médicament a été prescrit n'ont révélé aucune augmentation du risque de tératogénicité (86). Diclectin contient 10 mg de vitamine B6 et 10 mg de succinate de doxylamine. Il est prescrit aux femmes enceintes depuis plus de 40 ans, et le risque d'anomalie congénitale avec ce médicament n'est pas plus élevé que le risque de base, qui est de 1 à 3%, présent dans toute grossesse (87).

Selon Motherisk, un programme associé avec l'hôpital Sick Children à Toronto, des études sur des antagonistes H1, dont le dimenhydrinate (Gravol), l'hydroxyzine (Atarax), la méclizine (Bonamine), et sur des phénothiazines, dont la chlorpromazine (Largactil), la prochlorpérazine (Stemetil) et la prométhazine (Phenergan), n'ont révélé aucun effet tératogène, bien que le nombre de femmes enceintes chez lesquelles ces médicaments ont été étudiés soit beaucoup plus faible (88). Un lien a été établi entre l'exposition aux antihistaminiques, y compris les antagonistesH1, au cours des deux semaines précédant l'accouchement et la fibroplasie rétrolentale chez les enfants prématurés (89).

Le timbre Transderm-VMD, qui renferme 1,5 mg de scopolamine, est indiqué pour la prévention des nausées et des vomissements provoqués par le mal des transports chez les adultes. Le timbre devrait être appliqué uniquement sur la peau derrière l'oreille. La scopolamine traverse facilement la barrière placentaire (90). À terme, l'administration de ce médicament peut causer chez le fœtus des effets tels que de la tachycardie, une diminution de la variabilité de la fréquence cardiaque et un ralentissement de la fréquence cardiaque (91). Lors d'une étude clinique menée auprès de femmes accouchant par césarienne qui ont été soumises à un traitement par Transderm-VMD, à une anesthésie péridurale et à un traitement par un analgésique opiacé, on n'a constaté aucun signe de dépression du système nerveux central chez les nouveau-nés. Aucune autre étude adéquate et bien contrôlée sur ce produit n'a été menée auprès de femmes enceintes. Sauf en tant que traitement d'appoint dans le contexte d'un accouchement par césarienne, Transderm VMD ne devrait être utilisé pendant la grossesse que si les effets bénéfiques potentiels justifient les risques encourus par le fœtus (92).

Le bracelet SeaBandMD ou d'autres bracelets qui permettent d'exercer une pression sur le point P6 du poignet (qui se trouve à environ 3 doigts du début du poignet) peuvent aider à soulager le mal des transports et peuvent être utilisés sans danger pendant la grossesse (93).

Hygiène alimentaire et de l'eau

Il est primordial pour les voyageuses enceintes de prendre des précautions pour éviter la contamination des aliments et de l'eau. Les femmes enceintes peuvent être plus susceptibles à certaines maladies d'origine alimentaire ou hydrique, et beaucoup de maladies sont plus graves si elles sont contractées pendant la grossesse et peuvent avoir des effets négatifs importants pour la mère et le fœtus. À titre d'exemples, mentionnons la toxoplasmose, la listériose et l'hépatite E (1). Toxoplasma gondii est un parasite qui peut être transmis à l'humain principalement par la consommation de viande infectée crue ou insuffisamment cuite et, de façon moins fréquente, par suite d'un contact avec des selles contaminées de chat; il peut passer chez le fœtus par voie transplacentaire. Listeria monocytogenes est un agent pathogène transmis par les aliments, et les infections par cet agent sont plus courantes chez les femmes enceintes. Un quart à un tiers de tous les cas de listériose touchent des femmes enceintes. La listériose maternelle peut se solder par un avortement spontané ou une mortinaissance, un accouchement prématuré ou encore une infection grave chez le nouveau-né. Le virus de l'hépatite E (VHE) est responsable d'un bon nombre des éclosions et des cas sporadiques d'hépatite virale dans les pays tropicaux et subtropicaux, mais il est rare dans les pays industrialisés. Il se transmet par voie oro-fécale, généralement par de l'eau contaminée par des matières fécales. L'hépatite causée par une infection à VHE se manifeste par un ictère modérément grave qui disparaît spontanément chez la plupart des patients. Les jeunes adultes âgés de 15 à 30 ans sont principalement touchés par ce type d'infection, le taux de mortalité global se situant entre 0,5 et 3,0%. Par contre, le taux de mortalité chez les femmes enceintes est plus élevé et se situe entre 15 et 33%. Le décès de la mère et du fœtus, l'avortement, l'accouchement prématuré et le décès du nourrisson peu après sa naissance sont les complications les plus courantes de l'infection par le virus de l'hépatite E pendant la grossesse (94).

Les recommandations relatives aux précautions que les femmes enceintes doivent prendre pour éviter la contamination des aliments et de l'eau sont sensiblement les mêmes que celles que doit prendre la population en général. Le lecteur est invité à se reporter à la déclaration du CCMTMV sur la diarrhée du voyageur pour en savoir plus sur les lignes directrices (95). L'un des principaux points à retenir est qu'il faut éviter d'utiliser de l'iode pendant une longue période pour purifier l'eau en raison des effets négatifs que ce produit peut avoir sur la glande thyroïde du fœtus. L'iode atteint facilement le fœtus par la voie transplacentaire et, lorsqu'il est utilisé pendant une longue période, il peut causer une hypothyroïdie ou un goitre chez le fœtus et le nouveau-né (78). On considère que l'usage de l'iode pour une courte période, pendant environ 10 jours, est sécuritaire (96). Il existe cependant peu de données sur les effets de l'utilisation de l'iode par la mère chez les nourrissons qui sont allaités. L'American Academy of Pediatrics considère que l'usage de l'iode est compatible avec l'allaitement, mais ne fournit aucune durée (60); toutefois, étant donné qu'il est possible d'utiliser d'autres systèmes de purification à base de produits chlorés, de l'eau bouillie ou de l'eau embouteillée sans risque apparent pour le nourrisson, il semble prudent de recommander ceux-ci plutôt que la purification à l'iode.

Diarrhée du voyageur

Les lignes directrices générales sur la prévention et le traitement non médicaux de la diarrhée du voyageur chez les voyageuses enceintes sont similaires à celles qui s'adressent à la population en général. Le lecteur est invité à se reporter à la déclaration du CCMTMV sur la diarrhée du voyageur pour en savoir plus sur les lignes directrices (95).

Les questions liées spécifiquement à la grossesse et à la diarrhée comprennent l'innocuité des médicaments utilisés pour la prévention et le traitement de la diarrhée, ainsi que la nécessité de prévenir et de traiter la déshydratation, qui peut nuire à la mère et au fœtus.

Le traitement de la diarrhée du voyageur devrait être basé sur l'administration d'une solution de réhydratation par voie orale. Les produits à base de sous-salicylate de bismuth tels que Pepto BismolMD sont contre-indiqués pendant la grossesse en raison du risque théorique d'hémorragie fœtale associé aux salicylates et du risque théorique de tératogénicité associé au bismuth (4). Briggs, Freeman et Yaffe considèrent que les sels inorganiques de bismuth présentent des risques nuls ou négligeables pour le fœtus aux doses thérapeutiques normales, tandis que l'exposition chronique à des salicylates peut avoir des effets indésirables sur le fœtus (78). Pour ces raisons, si une femme enceinte doit prendre du sous-salicylate de bismuth, elle ne devrait le faire que pendant la première moitié de sa grossesse et uniquement selon la dose recommandée (78). KaopectateMD et les autres produits à base de kaolin et de pectine peuvent être utilisés (78), mais ils sont en général moins efficaces. Le lopéramide (ImodiumMD) peut être utilisé pendant la grossesse, mais seulement lorsque cela est nécessaire (4;78).

Les fluoroquinolones sont généralement contre-indiquées pendant la grossesse en raison des cas d'arthropathie observés dans des études sur le chien; cependant, les études chez l'humain n'ont démontré aucune réaction indésirable évidente, notamment aucun effet toxique pour le fœtus et le nouveau-né, ni des malformations congénitales, causée par l'exposition in utero aux fluoroquinolones (97;98). Les auteurs d'une étude concluent prudemment qu'en raison des limites de l'étude et du fait que les maladies nécessitant un traitement d'urgence aux fluoroquinolones sont rares, il semble judicieux de privilégier les céphalosporines et l'érythromycine à titre d'antibiotique de choix (98). Étant donné que l'innocuité de l'azithromycine chez la femme enceinte a été établie (99-104) et que ce médicament a une activité à large spectre contre les microorganismes qui causent une diarrhée du voyageur sévère, il s'agit d'un bon médicament de premier choix lorsqu'une antibiothérapie est nécessaire. Comme médicament de deuxième choix, on pourrait opter pour une céphalosporine de troisième génération telle que le céfixime, bien que ce médicament ne soit pas efficace contre les bactéries du genre Campylobacter et puisse ne pas l'être contre la shigellose (105).

Divers

Les voyageuses enceintes devraient s'assurer de disposer d'une assurance-maladie de voyage adéquate. Beaucoup de polices d'assurance ne couvrent pas les complications liées à la grossesse, et il incombe à la voyageuse d'informer l'assureur qu'elle est enceinte et de lui demander si une assurance supplémentaire est nécessaire. Par ailleurs, certaines polices d'assurance précisent que le traitement peut être administré dans le pays où la maladie se déclare. La voyageuse pourrait préférer contracter une assurance qui couvre les frais d'évacuation vers un endroit où des soins de meilleures qualités sont offerts.

Si le bébé doit naître pendant le voyage ou s'il risque de naître pendant le voyage, il est prudent de s'informer d'avance des soins obstétriques et postnatals offerts dans le pays de destination.

Recommandations

Le tableau 3 présente les catégories de la médecine fondée sur des preuves relatives à la fermeté et à la qualité des preuves pour chacune des recommandations comprises dans le tableau 4 ci-dessous.

Tableau 3: Fermeté et qualité des preuves – tableau récapitulatif*

Catégories relatives à la fermeté de chaque recommandation

CATÉGORIE

DÉFINITION

A

Preuves suffisantes pour recommander l'utilisation.

B

Preuves acceptables pour recommander l'utilisation.

C

Preuves insuffisantes pour recommander ou déconseiller l'utilisation.

D

Preuves acceptables pour déconseiller l'utilisation.

E

Preuves suffisantes pour déconseiller l'utilisation.

Catégories relatives à la qualité des preuves sur lesquelles reposent les recommandations

CLASSE

DÉFINITION

I

Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai comparatif convenablement randomisé.

II

Données obtenues dans le cadre d'au moins un essai clinique bien conçu, sans randomisation, d'études de cohortes ou d'études analytiques cas/témoins, réalisées de préférence dans plus d'un centre, à partir de plusieurs séries chronologiques, ou résultats spectaculaires d'expériences non comparatives.

III

Opinions exprimées par des sommités dans le domaine et reposant sur l'expérience clinique, des études descriptives ou des rapports de comités d'experts.

* Adapté de Macpherson D.W. Une approche de la médecine fondée sur les preuves. RMTC 1994;20:145-47.


Tableau 4: Recommandations relatives aux voyages et à la grossesse

Recommandation

Catégorie MFP

Vaccination

Vaccins viraux et bactériens inactivés, anatoxines

Tous les vaccins suivants sont indiqués si le risque de maladie l'emporte clairement sur les risques possibles associés au vaccin:

Anatoxines diphtérique et tétanique adsorbées, combinées ou non au vaccin contre la poliomyélite (dT, dTP)

Vaccin inactivé contre le virus de la polio (VPI)

Vaccin contre l'hépatite A (Havrix, Vaqta, Avaxim, Twinrix*)

Vaccin contre l'hépatite B (Engerix, Recombivax, Twinrix*)

Vaccin contre la rage (Imovax [virus cultivé sur cellules diploïdes humaines], RabAvert [virus cultivé sur cellules d'embryons de poulet purifiées], Verorab [virus cultivé sur cellules Vero purifiées])

Vaccin contre le pneumocoque (Pneumovax 23, Pneumo 23)

Vaccin quadrivalent polysaccharidique contre le méningocoque (Menomune)

Vaccin quadrivalent conjugué contre le méningocoque (Menactra)

Vaccin contre la fièvre typhoïde (Typhim Vi, Typherix)

Vaccin contre l'encéphalite japonaise (JE-Vax)

Vaccin oral contre le choléra (Dukoral)

C lll

Le vaccin contre la grippe (Fluviral, Fluzone) est recommandé à toutes les femmes quel que soit le trimestre de grossesse (12;13).

B lll

Vaccin contre l'encéphalite à tiques (FSME-IMMUN): Les données sont insuffisantes pour qu'il soit possible de se prononcer sur l'utilisation de ce vaccin pendant la grossesse (26).

C lll

Vaccins vivants atténués

Le vaccin contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (M-M-R-II, Priorix) est contre-indiqué chez toutes les femmes enceintes.

C ll

Le vaccin contre la varicelle (Varivax III, Varilrix) est contre-indiqué chez toutes les femmes enceintes (1).

C ll

Vaccin oral contre la fièvre typhoïde (Ty21a): Comme les données sur ce vaccin sont insuffisantes, il est préférable d'avoir recours au vaccin inactivé injectable.

C lll

Le vaccin contre la fièvre jaune (YF-Vax) est recommandé si l'exposition réelle est inévitable. Il est préférable de retarder le voyage vers une région à risque (32-35).

D lll

Voyages aériens

En l'absence de complications médicales ou obstétricales, les femmes enceintes peuvent prendre l'avion sans danger jusqu'à la 36esemaine de gestation (3;37;38).

B ll

Les femmes enceintes devraient prendre des mesures pour réduire le risque de thrombose veineuse profonde, par exemple, le port de bas de contention et des mouvements du bas des jambes.

C ll

Mesures de protection individuelle

Les femmes enceintes devraient utiliser des insectifuges contenant du N,N-diéthyl-m-tolumide (DEET) pour réduire leur exposition aux maladies transmises par des insectes (41-44).

B ll

Les femmes enceintes devraient utiliser des moustiquaires de lit traitées au moyen d'insecticide pour réduire leur exposition aux maladies transmises par des insectes (45-52).

A ll

Prévention du paludisme

Les femmes enceintes qui souhaitent se rendre dans une région où le paludisme est endémique devraient reporter leur voyage, surtout si elles risquent d'y contracter le paludisme à Plasmodiumfalciparum pharmacorésistant. Celles qui ne peuvent pas reporter leur voyage devraient prendre des mesures spéciales pour éviter les piqûres ou les morsures d'insectes et prendre un agent chimioprophylactique (53).

A l

La chloroquine est le médicament de choix pour les voyageuses qui se rendent dans une région où les parasites qui causent le paludisme sont sensibles à ce médicament (55-59).

A ll

La méfloquine est le médicament de choix pour les voyageuses qui se rendent dans une région où les parasites sont résistants à la chloroquine (61-72).

A ll

Il n'existe pas suffisamment de données pour établir l'innocuité de l'atovaquone/proguanil comme agent prophylactique contre le paludisme chez les femmes enceintes (73-76).

C lll

La doxycycline est contre-indiquée chez les femmes enceintes (78).

D ll

La primaquine n'est pas recommandée pendant la grossesse en raison du risque théorique d'hémolyse chez le fœtus qui pourrait présenter un déficit en G6PD (4).

D lll

Plongée

En règle générale, on considère que la plongée est contre-indiquée pendant la grossesse étant donné que l'on ne connaît pas les risques que cette activité peut comporter pour le développement du fœtus (81). Le fait qu'une femme ait plongé avant de savoir qu'elle était enceinte ne justifie pas systématiquement l'interruption de la grossesse.

C lll

Haute altitude

Une brève exposition à une altitude pouvant aller jusqu'à 2500 m ne présente pas de danger pour les femmes dont la grossesse se déroule normalement (82;83).

C lll

Les femmes qui présentent des complications liées à leur grossesse devraient éviter de se rendre inutilement en haute altitude (4).

C lll

L'acétazolamide ne devrait être utilisé pour la prévention du mal de l'altitude que si cela est absolument nécessaire et si l'exposition ne peut pas être évitée (84;85).

C lll

Mal des transports

Diclectin peut être utilisé pendant la grossesse pour la prévention et le traitement du mal des transports (86).

A ll

Les antagonistes H1, dont le dimenhydrinate (Gravol), l'hydroxyzine (Atarax), la méclizine (Bonamine), peuvent être utilisés, au besoin, pour la prévention et le traitement du mal des transports (88).

C lll

Si nécessaire, les phénothiazines, dont la chlorpromazine (Largactil), la prochlorpérazine (Stemetil) et la prométhazine (Phenergan), peuvent être utilisées pour la prévention et le traitement du mal des transports.

C lll

Les timbres de scopolamine devraient être évités pendant la grossesse (89-91).

C lll

Le bracelet SeaBand peut être utilisé sans danger pendant la grossesse (93).

C lll

Hygiène alimentaire et de l'eau

Les femmes enceintes doivent prendre des précautions spéciales pour éviter la contamination des aliments et de l'eau en raison de la gravité accrue de beaucoup de maladies d'origine alimentaire ou hydrique pendant la grossesse (1).

A ll

Les femmes enceintes devraient éviter d'utiliser de l'iode pendant une longue période (plus de 10 jours) pour purifier l'eau en raison des effets négatifs que ce produit peut avoir sur la glande thyroïde du fœtus (95).

D ll

Diarrhée du voyageur

Les produits à base de sous-salicylate de bismuth tels que Pepto BismolMD sont contre-indiqués pendant la grossesse en raison du risque théorique d'hémorragie fœtale associé aux salicylates et du risque théorique de tératogénicité associé au bismuth (4;78).

C lll

KaopectateMD et les autres produits à base de kaolin et de pectine peuvent être utilisés, mais ils sont en général moins efficaces (78).

C lll

Le lopéramide (ImodiumMD) peut être utilisé au besoin (4;78).

B lll

L'azithromycine est le médicament de premier choix pour le traitement de la diarrhée du voyageur chez les femmes enceintes (99-104).

B ll

Les céphalosporines de troisième génération telles que le céfixime sont les médicaments de deuxième choix contre la diarrhée du voyageur chez les femmes enceintes (105).

B ll

Les fluoroquinolones sont généralement contre-indiquées pendant la grossesse (98).

C ll

Divers

Les voyageuses enceintes devraient s'assurer de disposer d'une assurance-maladie de voyage adéquate.

C lll

Les voyageuses enceintes devraient s'informer d'avance des soins obstétriques et postnataux offerts dans le pays de destination.

C lll

Allaitement

L'allaitement n'est pas une contre-indication de la vaccination, à l'exception du vaccin contre la fièvre jaune (4;5).

C ll

Le vaccin contre la fièvre jaune n'est généralement pas recommandé chez les femmes qui allaitent.

C lll

On considère que l'usage de la chloroquine pour la chimioprophylaxie du paludisme est sans danger pendant l'allaitement (60).

C ll

Si nécessaire, la méfloquine peut être utilisée pour la chimioprophylaxie du paludisme pendant l'allaitement (71;72).

C ll

L'atovaquone/proguanil peut être utilisé pour la chimioprophylaxie du paludisme chez une femme enceinte qui allaite un enfant dont le poids est supérieur à 5kg (54).

C ll

La doxycycline peut être utilisée pour la chimioprophylaxie du paludisme pendant l'allaitement (60;78;79).

C ll

La primaquine peut être utilisée pour la chimioprophylaxie du paludisme pendant l'allaitement si des examens ont révélé que la mère et le nourrisson ne présentent pas de déficit en G6PD.

C ll

L'acétazolamide peut être utilisé pour la prévention du mal de l'altitude pendant l'allaitement (60).

C ll

*Twinrix est un vaccin à deux volets: Hepatite A et B

 

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