Infection par le virus de l’hépatite A et le cannabis

RMTC

Volume 43-11, le 2 novembre 2017 : La résistance au antimicrobiens et l’approche « Une Santé »

Communication rapide

Infection par le virus de l’hépatite A associée à l’utilisation du cannabis

C Sikora1,2*, G Tipples2,3, X-L Pang2,3, A Andonov4,5

Affiliations

1 Médecin hygiéniste, organisme de santé publique Alberta Health Services, Edmonton, AB

2 Université de l’Alberta, Edmonton, AB

3 Laboratoire provincial de santé publique, organisme de santé publique Alberta Health Services, Edmonton, AB

4 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg, MB

5 Université du Manitoba, Winnipeg, MB

Correspondance

christopher.sikora@ahs.ca

Citation proposée

Sikora C, Tipples G, Pang X-L, Andonov A. Infection par le virus de l’hépatite A associée à l’utilisation du cannabis. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 2017;43(11):279-80. https://doi.org/10.14745/ccdr.v43i11a07f

Résumé

Nous avons mis en évidence un cas d’infection aiguë par le virus de l’hépatite A (VHA) liée à l’utilisation du cannabis. Le service de santé publique local a reçu un rapport de cas concernant un homme dans la mi-vingtaine avec un tableau clinique classique d’hépatite — jaunisse, douleurs abdominales, vomissements, sensation de malaise généralisé et urine foncée — de même que des niveaux élevés d’aminotransférase sérique et un résultat positif aux anticorps IgM anti-VHA. Lors de l’interrogation, il n’a signalé aucun contact avec des personnes malades ni aucun voyage à l’extérieur de sa zone métropolitaine. Sa source d’eau exclusive était l’approvisionnement municipal local. Il a déclaré avoir consommé principalement des aliments préemballés à moindre risque provenant de grands magasins de style supermarché et avoir mangé dans plusieurs restaurants locaux. Pendant l’administration du questionnaire, l’enquêteur a déterminé que le patient avait fumé du cannabis. Sur demande, le patient a accepté de fournir un échantillon de cannabis aux fins de tests. Une élution virale de feuilles de cannabis fraîches a été effectuée. Les séquences dérivées de l’échantillon sérique du patient et de l’éluat de feuilles de cannabis étaient identiques, mais ne correspondaient à aucune autre séquence de VHA de sous-génotype 1B d’isolats canadiens dans la base de données du Laboratoire national de microbiologie. Le virus de l’hépatite A peut survivre plus de 60 jours une fois séché, à température ambiante et à une faible humidité; le VHA peut rester infectieux dans l’eau à température ambiante pendant 300 jours. On ne peut pas conclure avec certitude que le cannabis était la source de l’hépatite A. Cependant, étant donné que d’autres sources ont été exclues ou étaient de probabilité moindre, l’association du cannabis avec l’acquisition de sa maladie demeure solide.

La littérature médicale signale que le cannabis peut être contaminé par des bactéries, de la moisissure et des produits chimiques tels que des pesticides, du plomb, de l’ammoniac et du formaldéhydeNote de bas de page 1. Nous avons décelé un cas d’infection aiguë par le virus de l’hépatite A (VHA) lié à l’utilisation du cannabis. Le service de santé publique local a reçu le rapport d’un patient présentant un résultat positif aux anticorps IgM anti-VHA. Le patient était un homme dans la mi-vingtaine avec un tableau clinique classique d’hépatite — jaunisse, douleurs abdominales, vomissements, sensation de malaise généralisé et urine foncée — ainsi que des niveaux d’aminotransférase sérique élevée (ALT, AST). Il a indiqué n’avoir eu aucun contact avec des personnes malades, ou aucun voyage à l’extérieur de la région métropolitaine urbaine locale au cours des deux années précédentes. L’analyse de sang subséquente a permis de détecter la présence du génotype 1B du VHA.

Un énoncé détaillé des antécédents alimentaires a été effectuéNote de bas de page 2. Sa source d’eau exclusive était l’approvisionnement municipal local. Il faisait son épicerie dans plusieurs grands magasins de style supermarché. Il a déclaré avoir mangé dans plusieurs restaurants locaux, et avait consommé principalement des aliments à risque plus faible préemballés. Aucune exposition précise ou aucun contact à risque élevé n’ont été décelés. Pendant l’administration du questionnaire, l’enquêteur a déterminé que le patient a souvent fumé du cannabis au cours des mois précédents. Sur demande, le patient a accepté de fournir un échantillon de cannabis aux fins de tests. Une élution virale des feuilles fraîches de cannabis a été effectuée, suivie de l’ultracentrifugation afin de concentrer le VHA élué, ce qui a été fait de la façon décrite auparavantNote de bas de page 3. Le VHA a été extrait par la plate-forme EasyMag (NucliSENS® easyMag, bioMérieux, Montréal) et amplifié par la technique de transcription inverse suivie d’une réaction en chaîne de la polymérase (RT-PCR)Note de bas de page 4.

Les séquences obtenues à partir de l’échantillon de sérum du patient et l’éluat des feuilles de cannabis étaient identiques. Ces deux séquences étaient uniques et ne concordait pas avec toute autre séquence de sous-génotype 1B du VHA des isolats canadiens au sein de notre base de données (figure 1).

Figure 1 : Arbre phylogénique de probabilité maximale de jonction VP1-P2A (nucléotides 2903 à 3275, selon la souche de référence HM-175) montrant le lien entre les isolats canadiens de VHA 1B

Figure 1 : Arbre phylogénique de probabilité maximale de jonction VP1-P2A (nucléotides 2903 à 3275, selon la souche de référence HM-175) montrant le lien entre les isolats canadiens de VHA 1B

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Arbre phylogénique de probabilité maximale de jonction VP1-P2A (nucléotides 2903 à 3275, selon la souche de référence HM-175) montrant le lien entre les isolats canadiens de VHA 1B

La souche de référence VHA 1B HM-175-M14707 apparaît en gras. Les chiffres indiquent la reproductibilité après 1 000 bootstraps, et seules les valeurs de bootstrap supérieurs à 70 % sont montrées. Les génotypes 1A et 3A sont inclus comme des observations aberrantes. La barre d’échelle indique une diversité de séquence de 2 %.

Les isolats de patient et d’éluat de feuilles de cannabis (en rouge) sont comparés à d’autres isolats 1B de la même province (en bleu) ou d’autres provinces (en noir). Les cas liés épidémiologiquement de différentes grappes d’éclosion illustrant l’identité de la séquence génomique sont encerclés.


Il y a plusieurs rapports dans la littérature citant la consommation de cannabis comme un risque de contracter le virus de l’hépatite ANote de bas de page 5 Note de bas de page 6 bien que l’utilisation simultanée de drogues par voie parentérale et le partage de l’attirail potentiellement contaminé ont été suggérés comme un mécanisme de transmission. Le tabagisme ou la manipulation de cannabis contaminé par des matières fécales a également été inculpé dans la transmission de la salmonelloseNote de bas de page 7.

La présentation de ce cas d’hépatite A localement contractée était inhabituelle. Le secteur d’Edmonton (population d’environ 1,2 million de personnes) compte environ 6 à 28 cas de VHA par année, et tous, à l’exception d’un ou deux sont associés à un voyage dans des régions où la maladie est endémiqueNote de bas de page 8. Dans ce cas, il n’y avait pas de liens génétiques avec d’autres cas connus, ce qui a mené les autorités locales de santé publique à soupçonner un réservoir non reconnu. Il semble que le patient pourrait avoir été infecté par l’ingestion de petites particules de cannabis d’une cigarette roulée à la main.

Le virus de l’hépatite A est exceptionnellement résistant et peut survivre pendant une période prolongée (plus de 60 jours) lorsqu’il est séché et conservé à la température de la pièce et à un faible taux d’humiditéNote de bas de page 9. Il est également possible qu’une source d’eau contaminée par le VHA utilisée pour les opérations de culture du cannabis puisse avoir contribué à l’infection; le VHA peut demeurer infectieux dans l’eau à la température de la pièce pendant 300 joursNote de bas de page 10.

On ne peut pas conclure avec certitude que le cannabis était la source de l’hépatite A. Cependant, étant donné que d’autres sources ont été exclues ou étaient de probabilité moindre, l’association du cannabis avec l’acquisition de sa maladie demeure solide.

Compte tenu des conditions variables dans lesquelles le cannabis est produit, on ne connaît pas les risques de maladies infectieuses qui peuvent être présents. Le suivi et l’analyse du cannabis peuvent être nécessaires pour les besoins de l’innocuité et de la qualitéNote de bas de page 1.

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