Diagnostic de la gastroentérite sans culture

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Volume 43-12, le 7 décembre 2017 : Pouvons-nous supprimer le VIH ?

Déclaration

Énoncé de position du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada : diagnostic de la gastroentérite sans culture et répercussions pour les enquêtes de santé publique

B Berenger1,2, L Chui1, AR Reimer3*, V Allen4, D Alexander5, M-C Domingo6, D Haldane7, L Hoang8, P Levett9, A MacKeen10, D Marcino10, C Sheitoyan-Pesant11, G Zahariadis12 au nom du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada.

Affiliations

1 Laboratoire provincial de santé publique de l’Alberta, Calgary, Alberta

2 Calgary Laboratory Services, Calgary, Alberta

3 Laboratoire national de microbiologie, Winnipeg, Manitoba

4 Santé publique Ontario, Toronto, Ontario

5 Laboratoire provincial Cadham, Winnipeg, Manitoba

6 Laboratoire de santé publique du Québec, Sainte Anne-de-Bellevue, Québec

7 Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, Halifax, Nouvelle-Écosse

8 Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, Vancouver, Colombie-Britannique

9 Laboratoire de lutte contre les maladies de la Saskatchewan, Regina, Saskatchewan

10 Réseau des laboratoires de santé publique du Canada, Winnipeg, Manitoba

11 Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L-Dumont, Moncton, Nouveau-Brunswick

12 Laboratoire provincial de santé publique, Services de microbiologie Eastern Health, St. John’s, Terre Neuve et Labrador

Correspondance

aleisha.reimer@canada.ca

Citation proposée

Berenger B, Chui L, Reimer A, Allen V, Alexander D, Domingo M-C, Haldane D, Hoang L, Levett P, MacKeen A, Marcino D, Sheitoyan-Pesant C, Zahariadis G au nom du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada (RLSPC). Énoncé de position du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada : diagnostic de la gastroentérite sans culture et répercussions pour les enquêtes de santé publique. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 2017;43(12):318-21. https://doi.org/10.14745/ccdr.v43i12a06f

Résumé

À mesure que les laboratoires cliniques se tournent vers les panels de tests diagnostiques sans culture (TDSC) pour la détection de la gastro‑entérite aiguë, la culture des échantillons cliniques est de moins en moins courante. On s’attend à ce que la diminution du nombre de cultures bactériennes disponibles dans le domaine de la santé publique nuise aux activités de surveillance et d’intervention en cas d’éclosion menées par les laboratoires de santé publique à l’échelle locale, provinciale, nationale et internationale. Les présentes recommandations visent à fournir des lignes directrices concernant l’adoption des panels de TDSC dans les laboratoires de première ligne au Canada. Aux États‑Unis, on a déjà observé une diminution importante du nombre de cultures de selles bien que l’Association of Public Health Laboratories ait recommandé la culture systématique des échantillons positifs aux TDSC. Au nombre des micro‑organismes prioritaires en matière de santé publique qui sont visés par les présentes lignes directrices canadiennes figurent Escherichia coli producteur de shigatoxine, Shigella et Salmonella et, dans certains contextes régionaux, d’autres micro‑organismes comme Campylobacter jejuni/coli et Yersinia enterocolitica. La mise en œuvre des recommandations exigera une participation active des principaux laboratoires de diagnostic et des laboratoires de santé publique provinciaux afin de déterminer le déroulement du travail et les protocoles pour la culture systématique ou parallèle. Il faudra également modifier les définitions de cas des maladies à déclaration obligatoire, en consultation avec tous les intervenants. Les intervenants devront unir leurs efforts pour favoriser l’obtention d’isolats bactériens en adoptant des pratiques exemplaires pour le transport et l’entreposage des échantillons de selles.

Introduction

Les tests de détection des bactéries entériques orientent les décisions cliniques individuelles et servent de mécanisme essentiel de surveillance pour détecter les éclosions, protéger les populations et réduire la propagation de la maladie. En règle générale, les laboratoires diagnostiques de microbiologie de première ligne détectent la présence des agents pathogènes entériques à des fins cliniques et expédient ensuite les isolats à un laboratoire de santé publique provincial à des fins de confirmation et de typage. Les résultats du typage sont ensuite comparés aux bases de données d’isolats par le biais de PulseNet Canada (et à l’échelle internationale, s’il y a lieu) pour guider les mesures et interventions de santé publique au sein de chaque province et territoire et à l’échelle du pays. Les résultats sont également intégrés à des programmes de surveillance dans des sites sentinelles visant à détecter les problèmes de salubrité des aliments à grande échelle (c’est-à-dire FoodNet Canada). La plupart des enquêtes sur les éclosions de maladies d’origine alimentaire sont fondées sur les grappes de cas cliniques et d’éclosions détectées et liées par la comparaison génétique d’isolats de patients, de l’environnement, d’aliments et d’animaux. Entre 2008 et 2014, 115 éclosions de maladies d’origine alimentaire ont été détectées au Canada grâce à ces mécanismes de surveillance Note de bas de page 1. L’envoi d’isolats à un laboratoire de santé publique provincial permet également d’obtenir de l’information sur les souches prédominantes en circulation et les profils de résistance aux antibiotiques.

Ce mécanisme essentiel de surveillance et de protection de la santé publique et son efficacité sont menacés par le recours aux tests diagnostiques sans culture (TDSC). Mis au point en vue d’une utilisation diagnostique dans les laboratoires de première ligne, les TDSC éliminent la nécessité d’obtenir des isolats bactériens, étape nécessaire pour assurer la surveillance de la santé publique Note de bas de page 2. Aux États-Unis, de nombreux laboratoires ont complètement abandonné la culture, et les Centers for Disease Control and Prevention ont fait état d’une réduction marquée du nombre d’isolats envoyés aux laboratoires de santé publique des États depuis l’introduction des TDSC Note de bas de page 3. D’après le système de surveillance FoodNet des États-Unis, il n’y aurait pas de culture systématique dans 35,6 % des cas de gastro­-entérite bactérienne diagnostiqués au moyen d’un TDSC Note de bas de page 4 et les résultats positifs aux TDSC non confirmés par une culture ont connu une hausse de 114 % en 2016 comparativement aux trois années précédentes Note de bas de page 5.

En réaction à la diminution du nombre de résultats obtenus au moyen d’une culture, l’Association of Public Health Laboratories a publié des recommandations provisoires concernant les TDSC. En résumé, dans ces recommandations relatives aux agents pathogènes entériques, l’Association demande à tous les laboratoires cliniques de :

  • Continuer à obtenir et à envoyer des isolats des agents pathogènes d’origine alimentaire aux laboratoires de santé publique locaux et d’État
  • Expédier les échantillons positifs au TDSC à un laboratoire de santé publique s’ils ne sont pas en mesure de procéder à la culture des échantillons sur place
  • Maintenir une communication efficace et ouverte avec les laboratoires de santé publique de leur État ou de leur territoire de compétence, notamment en informant les laboratoires de santé publique de leur intention d’adopter un TDSC pour les agents pathogènes d’origine alimentaire, et de définir les responsabilités accrues des services de santé publique des États et des laboratoires ainsi que des autorités nationales

Les présentes lignes directrices décrivent les recommandations du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada concernant l’adoption des TDSC dans les laboratoires canadiens.

Recommandations

Principale recommandation

  1. Si un TDSC est utilisé comme principal outil de dépistage de la gastro-entérite bactérienne, une culture devrait être réalisée sur les échantillons de selles dans lesquels un agent pathogène a été détecté.

Une culture au moyen des méthodes appropriées devrait être réalisée sur tout échantillon de selles dans lequel le TDSC a révélé la présence de bactéries pathogènes d’intérêt pour la santé publique et lorsqu’un isolat doit être obtenu pour un test de sensibilité aux antibiotiques afin de guider le traitement clinique.

Au nombre des micro-organismes qui revêtent une importance pour la santé publique au Canada figurent Escherichia coli producteur de shigatoxine, Shigella et Salmonella. Ces micro-organismes font actuellement l’objet d’une surveillance dans les laboratoires de santé publique provinciaux et au Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada. Le génotypage (au moyen de l’électrophorèse sur gel en champ pulsé et du séquençage du génome entier) sur des cultures pures de ces espèces est nécessaire pour la détection des grappes et des éclosions par le biais de PulseNet. Selon le territoire auquel le laboratoire offre ses services, d’autres micro-organismes pourraient devoir être soumis au laboratoire de santé publique (p. ex. Campylobacter jejuni/coli et Yersinia enterocolitica).

Autres recommandations

  1. Nous devons consulter les laboratoires diagnostiques primaires et les laboratoires de santé publique provinciaux pour mieux définir les rôles est les responsabilités afin d’optimiser le flux de la surveillance. 

La culture réflexe ciblée sur TDSC– selles positives ou culture parallèle, devraient être effectuées par le laboratoire désigné. Le protocole spécifique devrait être développé au niveau régional.

  1. Pour déterminer si les définitions de cas des maladies à déclaration obligatoire doivent être modifiées à la suite de l’adoption d’un TDSC, une consultation devrait avoir lieu entre les intervenants (autorités de la santé publique, laboratoires de santé publique, laboratoires primaires de diagnostic et cliniciens).

Selon la province, les définitions de cas des maladies à déclaration obligatoire peuvent exiger une culture de l’agent bactérien pour l’identification d’un cas et le déclenchement d’une enquête; en conséquence, une modification des définitions de cas pourrait s’imposer pour que les cas identifiés par TDSC soient pris en compte. Il faudrait déterminer l’approche à adopter à l’égard des cas qui sont positifs au TDSC et négatifs à la culture. Au moment de la rédaction des présentes recommandations, les données étaient insuffisantes pour déterminer si la détection moléculaire associée à un résultat négatif à la culture indiquait la présence d’une infection. Un résultat positif au TDSC et négatif à la culture pourrait indiquer une erreur d’échantillonnage, une faible quantité du micro-organisme ou la mort du micro-organisme en raison de l’administration d’antibiotiques ou de la perte de viabilité (p. ex. à cause d’un long délai de transport entre le moment du prélèvement et la culture).

Nous recommandons que les cas positifs au TDSC et négatifs à la culture soient considérés comme des cas probables dans les définitions de cas des maladies à déclaration obligatoire à l’échelle provinciale et nationale. Lorsqu’il est nécessaire de déterminer si des bactéries viables sont présentes chez un patient ou de confirmer qu’il s’agit bel et bien d’un cas, il est recommandé de refaire une culture de l’échantillon de selles initial. L’obtention d’un deuxième échantillon de selles pour une culture et un nouveau TDSC pourrait aussi être utile afin d’obtenir un isolat pour le typage. Si les ressources le permettent, une épreuve d’amplification en chaîne par la polymérase (PCR) de confirmation au moyen d’une cible différente devrait être réalisée si l’on croit être en présence d’un faux positif ou d’un résultat de caractérisation moléculaire inhabituel.

  1. Consulter les intervenants pour déterminer le panel de TDSC de première ligne approprié et les cultures de première ligne qui doivent être maintenues.

De nombreux panels de TDSC commerciaux ne détectent pas certains micro-organismes qui figurent dans les rapports courants de coproculture, et différents panels de TDSC pourraient permettre de détecter différents micro-organismes. En conséquence, il faut déterminer le panel précis à utiliser pour la population desservie par un laboratoire donné. La primoculture en vue de détecter certains micro-organismes pourrait toujours être nécessaire. Les indications de la primoculture de ces micro-organismes et les endroits où elle s’effectue doivent être déterminés avant l’adoption des TDSC.

La pathogénicité de certains micro-organismes qu’on cherche à détecter par la culture pourrait être remise en question (p. ex. Aeromonas spp.); les laboratoires et les intervenants pourraient ou non décider de poursuivre les tests pour la détection de ces micro-organismes. Par contre, dans certaines circonstances précises, la culture de ces micro-organismes pourrait être nécessaire.

Les panels de TDSC pourraient également permettre de détecter d’autres agents pathogènes non recherchés dans une culture bactérienne courante pour les cas de gastro-entérite, notamment des virus ou Clostridium difficile. L’utilité de la recherche et de la déclaration d’agents pathogènes multiples dans différents scénarios cliniques doit être examinée avec soin. Il convient de noter que des patients asymptomatiques peuvent obtenir un résultat positif à l’égard de certains de ces agents pathogènes et que les répercussions cliniques pour les patients doivent être prises en compte Note de bas de page 6.

  1. Afin de favoriser l’obtention d’isolats bactériens, des pratiques exemplaires devraient être adoptées pour le transport et l’entreposage des échantillons de selles.

Au cours des étapes préalables à l’analyse, divers facteurs peuvent nuire à l’obtention d’isolats bactériens, notamment de longs délais de transport et l’entreposage à la température ambiante. Les milieux de transport Cary-Blair et Cary-Blair modifié ainsi que d’autres milieux de transport similaires sont souvent recommandés pour favoriser l’obtention d’isolats de micro-organismes, et leur utilisation devrait être envisagée lorsque des échantillons sont prélevés dans des régions éloignées et que les délais de traitement sont longs. L’entreposage à une température de 4 °C permet de prévenir la prolifération bactérienne et favorise l’obtention d’isolats. Dans le cas d’un entreposage à long terme, la congélation est préférable à la conservation à 4 °C. S’il y a lieu, les laboratoires peuvent envisager d’entreposer les échantillons de selles au congélateur en attendant les résultats du TDSC Note de bas de page 7 Note de bas de page 8.

Conclusion

Les présentes lignes directrices constituent une première étape cruciale pour atténuer les répercussions sur la santé publique de l’utilisation des trousses de dépistage de la gastro-entérite aiguë offertes sur le marché au Canada. Il est primordial que tous les laboratoires de première ligne et laboratoires de santé publique collaborent avec leurs laboratoires homologues afin de mettre au point une stratégie d’analyse qui répond aux besoins en matière de diagnostic clinique et de santé publique.

Déclaration des auteurs

Tous les auteurs sont membres du groupe de travail sur la culture indépendante diagnostique des tests au Réseau des laboratoires de santé publique du Canada. Ce groupe était présidé par A.R. Reimer (échelon fédéral) et par V. Allen (échelon provincial).

Conflit d’intérêt

Aucun.

Remerciements

Les auteurs aimeraient remercier les membres de la direction et le secrétariat du Réseau des laboratoires de santé publique du Canada pour leurs conseils et leurs directives lors de la rédaction du présent énoncé de position.

Financement

Le financement du Secrétariat du Réseau canadien des laboratoires de santé publique est assuré par le Laboratoire national de microbiologie.

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