Gestion du Candida auris

RMTC

Volume 44-11, le 1er novembre 2018 : Infections liées aux soins de santé et résistance aux antimicrobiens

Aperçu

Un micro-organisme redoutable à nos portes : ce que les fournisseurs de soins de santé doivent savoir au sujet de Candida auris

IS Schwartz1, SW Smith1, TC Dingle2,3

Affiliations

1 Division des maladies infectieuses, faculté de médecine, Université de l’Alberta, Edmonton (Alberta)

2 Division de microbiologie diagnostique et appliquée, département de médecine de laboratoire et de pathologie, Université de l’Alberta, Edmonton (Alberta)

3 Provincial Laboratory for Public Health, Edmonton (Alberta)

Correspondance

ilan@ualberta.ca

Citation proposée

Schwartz IS, Smith SW, Dingle TC. Un micro-organisme redoutable à nos portes : ce que les fournisseurs de soins de santé doivent savoir au sujet de Candida auris. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2018;44(11):308-14. https://doi.org/10.14745/ccdr.v44i11a01f

Mots-clés : Candida auris, septicémie à Candida, infections fongiques, mycologie, résistance aux antifongiques, multirésistance aux médicaments, diagnostic, nosocomial, prévention et prise en charge des infections

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CANDIDA AURIS : ce que les pourvoyeurs de soins doivent savoir

Colonne 1 - Candida auris : un champignon multirésistant émergent. Il est maintenant au Canada, peut causer une maladie invasive, est difficile à détecter et se propage facilement.

Colonne 2 - Qui est à risque? Les patients à risque sont ceux qui ne répondent pas au traitement antifongique et qui ont des antécédents de : soins de santé durant un voyage, tests de laboratoire non spécifiques ou indiquant une espèce inhabituelle de candida, cathéter veineux central, chirurgie abdominale, exposition à des antibiotiques ou à des antifongiques à large spectre.

Colonne 3 - Pratiques exemplaires. Transférer le patient dans une chambre privée et consulter : un spécialiste des maladies infectieuses, l’équipe de prévention et de contrôle des infections et l’équipe de la santé publique.

Résumé

Candida auris est un champignon pathogène d’apparition récente qui se répand rapidement dans le monde entier. Il est à présent au Canada. C. auris peut causer des maladies invasives associées à un taux de mortalité élevé. Il est souvent résistant à une ou à plusieurs classes d’antifongiques et peut être difficile à identifier dans certains laboratoires de microbiologie clinique. C. auris peut également coloniser la peau des patients durant de longues périodes, contaminer les milieux ambiants et être ainsi à l’origine d’éclosions nosocomiales dans les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée.

Les cliniciens, les professionnels de la prévention et de la prise en charge des infections et les responsables de la santé publique doivent savoir comment atténuer la menace posée par ce pathogène. Un cas de référence d’infection par C. auris doit être soupçonné chez les patients atteints d’une candidose invasive qui ont récemment été hospitalisés dans des régions du monde où C. auris est répandu, ainsi que chez les patients qui ne répondent pas au traitement antifongique empirique et chez qui des espèces non identifiées ou inhabituelles de Candida ont été isolées. Si un cas d’infection ou de colonisation par C. auris est découvert ou soupçonné, les mesures suivantes doivent être prises : déclaration du cas aux autorités locales de santé publique et aux professionnels de la prévention et de prise en charge des infections; placement des patients colonisés ou infectés dans des chambres privée et prise de précautions contre les contacts; désinfection de l’environnement au quotidien et à la fin du séjour au moyen d’un agent sporicide; recherche des contacts et dépistage de la transmission de C. auris; envoi des isolats suspects ou confirmés aux laboratoires provinciaux. Les patients atteints d’une maladie symptomatique doivent être traités au moyen d’une échinocandine en attendant les résultats des épreuves de sensibilité aux antifongiques, de préférence en consultation avec un spécialiste des maladies infectieuses. Grâce à la vigilance des travailleurs de la santé de première ligne et des microbiologistes, aux pratiques rigoureuses de prévention et de prise en charge des infections et aux efforts de surveillance à l’échelle locale et nationale, C. auris peut être décelé rapidement, les infections prises en charge et les transmissions prévenues pour protéger les patients de notre système de soins de santé.

Introduction

En juillet 2017, le premier cas connu de Candida auris multirésistant a été signalé au Canada chez un sujet qui rapportait des problèmes récurrents aux oreilles depuis deux ans, suivant son retour d’un voyage en Inde, où il avait été hospitalisé à cause d’un abcès du cerveau consécutif à une chirurgie buccale Note de bas de page 1. Ce cas a marqué l’arrivée au Canada d’un pathogène qui se répand depuis peu dans le monde entier. La capacité de ce champignon de provoquer une maladie invasive, sa résistance fréquente à au moins une classe d’antifongiques et la possibilité démontrée de sa transmission nosocomiale préoccupent autant les cliniciens que les professionnels de la santé publique Note de bas de page 2Note de bas de page 3.

L’objectif du présent article est de résumer nos connaissances sur ce champignon; de décrire les enjeux liés au diagnostic, au traitement, à la prévention et à la prise en charge des infections; et de cerner les efforts engagés pour surveiller et limiter la propagation de ce pathogène au Canada.

Quels pays sont touchés par C. auris?

C. auris a été décrit pour la première fois au Japon en 2009; depuis lors, des cas d’infections par C. auris ont été signalés dans au moins 30 pays répartis sur six continents Note de bas de page 4. Des analyses séquentielles du génome entier d’isolats prélevés dans différents pays ont montré que ceux-ci se regroupent en clades géographiques (clonaux) très apparentés Note de bas de page 5, ce qui suggère l’émergence quasi simultanée de C. auris sur au moins trois continents. Par exemple, les distances génétiques moyennes entre les clades d’Extrême-Orient, d’Asie du Sud, d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud étaient comprises entre 40 000 et 140 000 polymorphismes mononucléotidiques (single nucleotide polymorphisms [SNP]), alors qu’en moyenne, moins de 70 SNP séparaient deux isolats au sein d’un clade donné Note de bas de page 3. Ce phénomène est encore inexpliqué.

Dans certains pays, C. auris a déjà alourdi significativement le fardeau imposé par les maladies nosocomiales. Par exemple, C. auris est la cause de septicémie à Candida dans 10 % des cas à l’échelle nationale en Afrique du Sud Note de bas de page 6, et dans 38 % des cas dans un hôpital de référence au Kenya (Okinda, N. et coll. « Candidemia at a referral hospital in sub-Saharan Africa: emergence of Candida auris as a major pathogen », affiche présentée lors du Congrès européen de microbiologie clinique et des maladies infectieuses tenu du 10 au 13 mai 2014 à Barcelone, en Espagne). En Inde, C. auris a été mis en cause dans 5 % des cas de septicémie à Candida survenus dans 27 unités de soins intensifs, mais certains établissements indiens déclarent des proportions allant de 17,5 % à 30 % Note de bas de page 7Note de bas de page 8. En date du 31 juillet 2018, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis ont déclaré 361 cas cliniques confirmés de C. auris dans des établissements de soins de santé américains; l’infection a été diagnostiquée chez 699 autres patients colonisés dans quatre États faisant l’objet d’une surveillance active Note de bas de page 4. En Europe, au moins 120 cas de septicémie à Candida et 466 cas de colonisation sont apparus entre 2013 et 2017 Note de bas de page 9.

Au Canada, les deux premiers patients infectés par C. auris avaient reçu des soins de santé en Inde Note de bas de page 1Note de bas de page 10. Dans un cas, la caractérisation génomique du pathogène a suggéré que l’infection avait été contractée dans le sous-continent indien Note de bas de page 11. L’importation d’autres cas est à prévoir. La transmission de l’infection dans les établissements de soins de santé canadiens est inévitable.

Quelles sont les caractéristiques cliniques de la maladie causée par C. auris?

Le spectre clinique de l’infection à C. auris va de la colonisation asymptomatique à la candidose invasive et se manifeste le plus souvent par une septicémie à Candida d’origine nosocomiale Note de bas de page 12. Les infections du sang peuvent être de longue durée et difficiles à traiter; des taux bruts de mortalité d’environ 30 à 60 % ont été déclarés Note de bas de page 5Note de bas de page 13Note de bas de page 14. Des complications métastatiques, comme la spondylodiscite, l’endocardite et la ventriculite, ont été décrites Note de bas de page 13. Parmi les autres syndromes cliniques fréquemment déclarés figurent l’otomycose et l’otomastoïdite Note de bas de page 15Note de bas de page 16. En fait, l’étymologie du nom auris reflète le siège anatomique d’où le premier isolat identifié a été prélevé, à savoir l’oreille d’un patient Note de bas de page 17. L’infection a déjà touché d’autres sièges, y compris les voies respiratoires et urogénitales, l’abdomen ainsi que la peau et les tissus mous Note de bas de page 18.

Qui contracte l’infection par C. auris et comment l’infection se propage-t-elle?

Les patients qui contractent une septicémie à Candida causée par C. auris ont habituellement des facteurs de risque en commun avec les patients atteints d’une maladie causée par d’autres espèces de Candida Note de bas de page 6Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 19. Ces facteurs comprennent l’hospitalisation, notamment dans une unité de soins intensifs, l’utilisation de cathéters veineux centraux, une intervention chirurgicale abdominale et l’exposition à des antibiotiques à large spectre ou à des antifongiques Note de bas de page 20.

La pathogenèse de C. auris semble différente de celle des espèces classiques de Candida à plusieurs égards (tableau 1) Note de bas de page 21. Outre l’espèce auris, la majorité des espèces de Candida importantes sur le plan clinique font partie des commensaux du tube digestif humain, à l’exception de C. parapsilosis, qui colonise la peau Note de bas de page 21. La pathogenèse de la septicémie à Candida causée par ces espèces est généralement le résultat d’une translocation de levures intestinales Note de bas de page 21Note de bas de page 22; bien que la transmission nosocomiale de Candida soit parfois signalée, la maladie est le plus souvent causée par des souches qui font partie de la flore endogène du patient Note de bas de page 23.

Tableau 1 : Différences entre Candida auris et les espèces pathogènes classiques de Candida
Caractéristique Candida auris Espèces classiques de CandidaTableau 1 note a
Habitat Commensal de la peau Commensaux du tractus gastro-intestinalTableau 1 note b
Pathogenèse de l’infection Exogène Endogène
Infections nosocomiales Fréquente Rare
Contamination du milieu Fréquente Rare
Multirésistance aux médicaments Fréquente Rare

C’est surtout sur la peau des patients colonisés que se trouve C. auris, d’où le risque de contamination de l’environnement du patient et de transmission aux travailleurs de la santé et aux autres patients. De plus, les isolats de C. auris qui sont à l’origine des éclosions associées aux soins de santé entretiennent une relation clonale, ce qui suggère que la maladie est causée par des souches exogènes à propagation nosocomiale Note de bas de page 5Note de bas de page 13Note de bas de page 24Note de bas de page 25.

Quels sont les enjeux liés au diagnostic?

C. auris peut être difficile à dépister à l’aide des épreuves de laboratoire courantes, ce qui peut retarder l’identification et l’isolement des patients colonisés ou infectés. Les épreuves d’identification biochimiques couramment utilisées dans les laboratoires de microbiologie clinique ne sont pas assez fiables pour identifier C. auris Note de bas de page 26. Par exemple, C. auris peut être identifié à tort comme une autre espèce (généralement C. hæmulonii par le système VITEK-2 de bioMérieux, Marcy-l’Étoile, en France Note de bas de page 26, ou Rhodotorula glutinis, C. sake ou Saccharomyces cerevisiæ par le système API20CAUX Note de bas de page 27). Cette situation pourra être rectifiée au fur et à mesure que les bases de données des systèmes d’identification biochimiques seront mises à jour; par exemple, la carte VITEK-2 YST (v. 8.01) comprend maintenant C. auris.

C. auris peut être identifié avec précision par des appareils de spectrométrie de masse à temps de vol par désorption-ionisation laser assistée par matrice (Matrix Assisted Laser Desorption Ionisation - Time of Flight [MALDI-TOF]) dont les bases de données comprennent C. auris (il s’agit notamment des bases de données Bruker MALDI Biotyper CA et Research Use Only (RUO) les plus récentes, et de la base de données de bioMérieux VITEK MS RUO [v4.14 incluant la trousse Saccharomycetales])et par des méthodes de séquençage moléculaire.

Quels sont les enjeux liés au traitement?

En général, les isolats de C. auris sont moins sensibles aux antifongiques que les autres espèces de Candida, mais les profils de sensibilité semblent être liés au clade géographique. La résistance au fluconazole est répandue sans toutefois être universelle comme on le craignait au départ Note de bas de page 2; elle est maintenant considérée comme un facteur acquis plutôt que transmis Note de bas de page 21. Les taux de résistance au fluconazole allaient de 14 % parmi les isolats de Colombie Note de bas de page 25 à plus de 90 % parmi les isolats du clade sud-asiatique Note de bas de page 14Note de bas de page 28; la résistance à l’amphotéricine B et aux échinocandines semble également hétérogène. Plusieurs études ont fait état de taux de résistance à l’amphotéricine B d’environ 30 % Note de bas de page 5Note de bas de page 14Note de bas de page 25; Chowdhary et ses collaborateurs ont quant à eux déclaré une résistance à l’amphotéricine B dans 8 % (27/350) des isolats indiens Note de bas de page 28. Les taux de résistance à l’amphotéricine B variaient significativement d’une région à l’autre de la Colombie Note de bas de page 25. La résistance aux échinocandines est présente dans près de 2 à 5 % des isolats Note de bas de page 5Note de bas de page 28Note de bas de page 29. Une résistance à deux classes d’antifongiques a été observée dans 41 % des isolats testés à l’échelle mondiale Note de bas de page 5. Rarement, les isolats peuvent être résistants aux trois principales classes d’antifongiques Note de bas de page 5.

Quels sont les enjeux en matière de prévention et de prise en charge des infections?

Des éclosions nosocomiales sont à prévoir, car les patients peuvent rester colonisés ou leur milieu peut rester contaminé pendant des semaines, voire des mois, après une infection Note de bas de page 14Note de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 30. Des éclosions de grande envergure survenues dans des hôpitaux du Royaume-Uni ont été associées à l’utilisation de thermomètres axillaires à usages multiples Note de bas de page 31; d’autres, survenues dans des hôpitaux d’Espagne, ont été associées à l’utilisation de brassards de tensiomètres Note de bas de page 31. En outre, C. auris a été isolé à partir d’un large éventail de vecteurs passifs présents dans l’environnement des patients Note de bas de page 13Note de bas de page 14Note de bas de page 24Note de bas de page 25. Les désinfectants cationiques de surface et les désinfectants à l’ammonium quaternaire sont inefficaces contre C. auris Note de bas de page 13Note de bas de page 33Note de bas de page 34. C. auris est aussi relativement résistant à l’effet des rayons ultraviolets Note de bas de page 35. Le gluconate de chlorhexidine, la povidone iodée, l’eau de Javel et la vapeur d’H2O2 semblent efficaces contre C. auris Note de bas de page 36.

Le rôle des travailleurs de la santé dans la propagation de C. auris est encore inconnu. Dans le cadre de l’enquête sur l’éclosion qui a sévi au Royaume-Uni, C. auris a été décelé dans les narines de 1/258 travailleurs de la santé; il s’agissait d’une infirmière qui prodiguait des soins à un patient fortement colonisé par cet agent Note de bas de page 24. Pendant l’enquête sur une éclosion survenue en Colombie, C. auris a aussi été décelé sur les mains de deux travailleurs de la santé et sur l’aine d’un travailleur de la santé sur six. Le séquençage d’un génome entier a montré que ces souches étaient génétiquement identiques aux souches décelées chez un patient et dans son environnement Note de bas de page 25.

Il peut s’avérer particulièrement difficile de surveiller et de limiter la propagation de C. auris en raison du transfert entre établissements de patients dont l’infection ou la colonisation par ce champignon est encore inconnue, ce qui augmente le risque de propagation de C. auris entre établissements Note de bas de page 14. Par exemple, 112 patients d’hôpitaux et d’établissements de soins de longue durée de New York étaient infectés : 61 patients présentaient une septicémie à Candida et 51 autres étaient colonisés, d’après les épreuves de dépistage. Les patients infectés ou colonisés ont été transférés entre 24 hôpitaux et 24 établissements de soins de longue durée dans les 90 jours précédant la découverte de leur infection ou de leur colonisation Note de bas de page 14.

Répercussions sur les soins cliniques

La reconnaissance, la prise en charge et l’isolement rapides des patients infectés ou colonisés par C. auris nécessitent la collaboration des hospitalistes/intensivistes, des microbiologistes, des experts en maladies infectieuses et des professionnels en prévention et prise en charge des infections.

Les cliniciens doivent savoir quelles méthodes d’identification des levures ont été utilisées par leur laboratoire de microbiologie local et envisager C. auris lorsque des espèces non identifiées ou inhabituelles de Candida sont isolées chez des patients qui ne répondent pas au traitement antifongique empirique Note de bas de page 37. Il est recommandé de consulter un microbiologiste lorsque l’infection par C. auris est soupçonnée. Les isolats de C. auris suspects ou confirmés doivent être envoyés aux laboratoires provinciaux pour être soumis à d’autres analyses. Compte tenu des enjeux inhérents à la prévision des profils de sensibilité aux antifongiques, il est recommandé de soumettre tous les isolats cliniques de C. auris à des épreuves de sensibilité aux antifongiques. Le traitement de la maladie fongique doit être guidé par les résultats des épreuves de sensibilité aux antifongiques; les échinocandines conviennent néanmoins au traitement empirique en attendant les résultats de ces épreuves. Il est conseillé de consulter rapidement un spécialiste des maladies infectieuses. Il n’est pas recommandé de traiter une colonisation asymptomatique.

La reconnaissance des patients chez qui une infection ou une colonisation par C. auris est soupçonnée ou confirmée justifie la consultation de professionnels locaux en prévention et prise en charge des infections. Les patients infectés ou colonisés doivent être isolés dans des chambres privées où sont adoptées les pratiques et précautions courantes contre les contacts; les chambres doivent être nettoyées quotidiennement avec des désinfectants sporicides. La question de savoir quand il convient de mettre fin aux précautions en matière d’isolement fait toujours l’objet de débats. Selon la recommandation actuelle des CDC, il faudrait soumettre les patients infectés ou colonisés à des tests périodiques de culture fongique par écouvillonnages mixtes de la région de l’aine et des aisselles pour vérifier si la colonisation persiste. À la suite de deux écouvillonnages de dépistage négatifs consécutifs, les patients pourraient être sortis de la chambre d’isolement Note de bas de page 38. Dans la pratique, peu de cas déclarés ont répondu à ces critères Note de bas de page 14. Par ailleurs, Public Health England recommande de maintenir les précautions en matière d’isolement pendant toute la durée de l’hospitalisation d’un patient Note de bas de page 39. Cette recommandation s’explique en partie par le fait que les patients peuvent être colonisés à nouveau après un test négatif (Schelenz, S. « Management of Candida auris outbreaks at a national level », 20e congrès de l’International Society for Human and Animal Mycology tenu à Amsterdam, aux Pays-Bas, en juillet 2018).

Le tableau 2 présente un résumé de la marche à suivre pour déceler, évaluer et prendre en charge l’infection par C. auris. D’autres directives de prévention et de prise en charge des infections sont disponibles auprès des CDC Note de bas de page 39.

Tableau 2 : Mesures à prendre pour le dépistage et la prise en charge de l’infection par Candida auris
Mesures à prendre Façon de procéder
Maintenir un indice de suspicion élevé Envisager C. auris chez les patients qui :
  • ont reçu des soins de santé dans des pays (ou des États américains) où C. auris est répandu, d’après la surveillance des CDC Note de bas de page 4
  • présentent un syndrome clinique évocateur d’une candidose et ne répondent pas au traitement antifongique empirique, et chez lesquels une levure atypique ou non identifiée a été isolée
Rechercher précisément C. auris
  • Consulter un microbiologiste ou un spécialiste des maladies infectieuses
  • Transférer les isolats suspects ou confirmés au laboratoire provincial approprié pour les soumettre à d’autres tests, ou les envoyer au Laboratoire national de microbiologie
Traiter l’infection par C. auris en prenant des mesures rigoureuses de prise en charge clinique des infections et d’intervention en matière de santé publique
  • Aviser l’équipe responsable de la prévention et de la prise en charge des infections de l’établissement
  • Aviser les responsables locaux de la santé publique, qui en informeront leurs homologues provinciaux et territoriaux (ceux-ci signaleront la situation à l’Agence de la santé publique du Canada)
  • Placer le patient dans une chambre privée et adopter les précautions courantes contre les contacts
  • En cas de maladie symptomatique, instaurer le traitement, de préférence en se fondant sur les directives d’un spécialiste des maladies infectieuses (le traitement d’une colonisation asymptomatique n’est pas recommandé)
  • Prescrire le nettoyage de l’environnement de soins du patient au moyen d’un désinfectant sporicide sur une base quotidienne et à la fin du séjour
  • Permettre aux responsables locaux de la santé publique d’entreprendre la recherche des contacts et le dépistage dans le cadre de l’évaluation de la transmission de C. auris
  • Prescrire un écouvillonnage mixte de l’aisselle et de l’aine des patients lorsqu’il est indiqué pour le dépistage

Lacunes et étapes suivantes

De nombreuses questions persistent quant à la meilleure façon de déceler C. auris et de limiter sa propagation au sein des établissements de santé canadiens et entre ces établissements. Il conviendrait de combler les lacunes en connaissances sur les méthodes optimales de dépistage en laboratoire et d’identification de C. auris en consolidant les bases de données biochimiques et d’identification MALDI-TOF existantes, et en élaborant des protocoles simples, rapides et sensibles de dépistage en laboratoire. Les incertitudes influant sur les pratiques de prévention et de prise en charge des infections à C. auris concernent la durée de la colonisation des patients (et ainsi, la durée recommandée de l’isolement des patients après la première détection) et les stratégies de dépistage optimales. Par exemple, les épreuves de dépistage doivent-elles être réservées aux patients dont le contact avec un cas connu est avéré, ou doivent-elles être réalisées chez tous les patients ayant voyagé ou reçu des soins de santé dans des régions où C. auris est répandu? Étant donné que la répartition géographique de C. auris changera avec le temps et compte tenu des données de surveillance incomplètes issues de nombreuses régions, la reconnaissance des patients à risque élevé de colonisation par les travailleurs de la santé de première ligne peut être complexe.

Pour mieux comprendre l’épidémiologie de C. auris au Canada, les responsables du Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales effectuent une surveillance nationale de l’infection dans les hôpitaux représentatifs de tout le pays. (Garcia-Jeldes F, Mitchell R, Bharat A, et McGeer A pour le groupe d’intérêt à l’égard de C. auris du PCSIN. « Preparedness for Candida auris in Canadian Nosocomial Infection Surveillance Program [CNISP] Hospitals », 2018, IDWeek 2018, du 3 au 7 octobre 2018, à San Francisco, en Californie). De plus, une étude de prévalence ponctuelle est prévue; elle visera à déterminer la prévalence de la colonisation et de l’infection dans les hôpitaux de soins tertiaires canadiens (Dre Allison McGeer, septembre 2018, communication personnelle). Les données sur la surveillance et la prévalence ponctuelle fourniront l’information nécessaire pour guider l’élaboration de politiques de prévention et de prise en charge des infections par ce pathogène émergent.

Conflit d’intérêts

Aucun.

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