Virus du papillome humain et santé buccodentaire

RMTC

Volume 46–11/12, le 5 novembre 2020 : Santé buccodentaire au Canada

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Virus du papillome humain et santé buccodentaire

Bureau du dentiste en chef du Canada1

Affiliation

1 Bureau du dentiste en chef du Canada, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

Correspondance

claudia.gorenko@canada.ca

Citation proposée

Bureau du dentiste en chef du Canada. Virus du papillome humain et santé buccodentaire. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2020;46(11/12):427–31. https://doi.org/10.14745/ccdr.v46i1112a03f

Mots-clés : VPH, cancer de la bouche, sexe oral, sensibilisation, professionnels de la santé buccodentaire

Résumé

Le Canada fait partie des chefs de file mondiaux en santé buccodentaire. Malgré cela, les préoccupations sont de plus en plus vives au sujet des taux croissants de cancers de la bouche et de la gorge liés au virus du papillome humain (VPH). Le lien entre le VPH et le cancer du col de l’utérus est bien établi; heureusement, grâce à la détection et à la vaccination, le Canada a l’un des taux d’incidence les plus faibles du cancer du col de l’utérus au monde. Les cancers de la bouche et de la gorge liés au VPH, cependant, présentent un tableau différent. Au Canada, entre 25 % et 35 % des cancers de la bouche et de la gorge sont liés à l’infection par le VPH par voie orale; et en 2012, le taux d’incidence du cancer de l’oropharynx associé au VPH était plus de 4,5 fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes. De plus, la couverture vaccinale contre le VPH au Canada est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les médecins et les infirmières en santé publique et en milieu clinique ont un rôle à jouer dans la lutte contre la transmission du VPH, tout comme les professionnels de la santé buccodentaire. Les professionnels de la santé buccodentaire peuvent jouer un rôle clé dans la prévention de l’infection par le VPH et des cancers oropharynx liés au VPH en sensibilisant, en éduquant et en offrant des conseils à leurs clients et en encourageant des interventions préventives et diagnostiques fondées sur des données probantes.

Introduction

Le Canada est considéré comme l’un des chefs de file mondiaux dans le domaine de la santé buccodentaireNote de bas de page 1. La santé buccodentaire est définie par l’Association dentaire canadienne comme étant « l’état des tissus et des structures oraux et connexes qui contribuent positivement au bien-être physique, mental et social et à la jouissance des possibilités de la vie, en permettant à la personne de parler, de manger et de socialiser sans entrave par la douleur, l’inconfort ou l’embarras »Note de bas de page 2. Cela pourrait surprendre la plupart des Canadiens que l’on s’inquiète de plus en plus de l’augmentation du nombre de cancers de la bouche et de la gorge liés au virus du papillome humain (VPH)Note de bas de page 3. Les infections transmissibles sexuellement (ITS) constituent un important problème de santé publique au CanadaNote de bas de page 4. Cependant, lorsqu’on pense pour la première fois au sujet des ITS, leur incidence sur la santé buccodentaire n’est souvent pas à l’ordre du jour. L’infection par le VPH est un bon exemple d’une telle connexion négligée. Le VPH est à la fois très courant et très contagieux; et différents types de VPH sont transmis par des activités sexuelles. Plus de 70 % des Canadiens sexuellement actifs seront infectés par le VPH à un moment ou à un autre de leur vieNote de bas de page 5. Bien que la plupart des gens contractent ce virus dans leur zone génitale, il peut aussi être contracté dans la bouche et la gorgeNote de bas de page 3. Les gens ne sont généralement pas au courant de ce fait et des conséquences potentielles d’une infection par le VPH par voie oraleNote de bas de page 6. Ce survol fournira un résumé du VPH, du cancer de l’oropharynx lié au VPH et de la façon dont les professionnels de la santé buccodentaire peuvent contribuer à réduire le fardeau du cancer de l’oropharynx sur les personnes et les soins de santé.

Épidémiologie du virus du papillome humain

Il existe plus de 100 types de VPH et le virus peut infecter différentes parties du corpsNote de bas de page 5. Les souches à faible risque causent des maux mineurs, comme les verrues, tandis que les souches à haut risque peuvent causer le cancerNote de bas de page 7. Le VPH est l’infection sexuellement transmissible la plus courante au Canada et dans le monde, et la plupart des Canadiens sexuellement actifs finiront par être infectés par le virusNote de bas de page 5. Dans de nombreux cas, l’infection disparaîtra d’elle-même, mais dans une petite partie des cas, où l’infection demeure, elle peut conduire au développement de cancers du col de l’utérus, du vagin, du pénis, de l’anus, de la bouche ou de la gorgeNote de bas de page 8. Il faut parfois des années avant qu’une infection par la forme persistante du virus à haut risque ne se transforme, dans certains cas, en cancer. Il est donc important de prévenir la transmission et de vacciner les préadolescents, les adolescents, les jeunes adultes et d’autres groupes potentiellement vulnérablesNote de bas de page 9.

La relation causale entre le VPH et le cancer du col de l’utérus est bien établieNote de bas de page 10. Le VPH est la cause de presque tous les cancers du col de l’utérusNote de bas de page 11. En effet, selon un article récent, « le cancer du col de l’utérus continue d’être un problème de santé publique majeur affectant les femmes d’âge moyen, en particulier dans les pays moins dotés en ressources »Note de bas de page 12. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, le cancer du col de l’utérus est le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes dans le mondeNote de bas de page 13. Au Canada, cependant, nous avons constaté une forte baisse de l’incidence et de la mortalité au fil du temps, l’un des taux d’incidence les plus faibles du cancer du col de l’utérus au mondeNote de bas de page 14. La combinaison d’une adoption précoce de tests de dépistage à grande échelle et de l’introduction du vaccin contre le VPH a joué un rôle clé dans ce déclinNote de bas de page 15.

Alors que les femmes ont vu des taux décroissants de cancer du col de l’utérus, l’incidence d’autres infections et cancers liés au VPH, y compris le cancer de l’oropharynx, particulièrement chez les hommes, est en hausseNote de bas de page 7. Cela est conforme aux observations faites aux États-Unis et dans certains pays européensNote de bas de page 7. Tel que présenté au tableau 1, le cancer de l’oropharynx représente le plus grand nombre de cas de cancer liés au VPH au CanadaNote de bas de page 7. Le cancer de l’oropharynx lié au VPH est principalement causé par la souche VPH-16. La prévalence la plus élevée du VPH est observée chez les adultes de 20 à 24 ansNote de bas de page 16, avec 10 % à 30 % des infections activesNote de bas de page 17. Au Canada, en 2012, deux tiers de tous les cancers associés au VPH ont été diagnostiqués chez les femmes et un tiers chez les hommesNote de bas de page 7. Le tableau 2 ci-dessous présente l’incidence du cancer de l’oropharynx lié au VPH chez les hommes au Canada et aux États-UnisNote de bas de page 17Note de bas de page 18. Bien que des données comparables pour les mêmes périodes ne soient pas disponibles, on peut voir par ces chiffres que l’incidence augmente.

Tableau 1 : Cancer du virus du papillome humain le plus répandu au Canada, 2012
Type de cancer lié au VPH Nombre total de cas
Oropharynx 1 335
Cervical 1 300
Anal 475
Tableau 2 : Incidence du cancer de l’oropharynx lié au virus du papillome humain au Canada chez les hommes
Année Nombre de cas par 100 000
Canada États-Unis
1997 4,1 s.o.
2012 6,4 s.o.
2013–2017 s.o. 8,7
2017 s.o. 8,9

Sans vaccination, il est probable que la plupart des Canadiens sexuellement actifs seront infectés par le VPH à un moment ou à un autre de leur vie. Malheureusement, de bonnes données épidémiologiques font défaut parce que le VPH n’est pas une maladie à déclaration obligatoire à l’échelle nationale, qu’il est généralement asymptomatique et que les diagnostics du VPH ne sont pas disponibles ou financés par le publicNote de bas de page 16Note de bas de page 19. La transmission du VPH oral se fait habituellement par le sexe oral, mais il faut encore poursuivre les recherches pour mieux comprendre s’il existe d’autres modes de transmission orale possibles; et de déterminer quels sont les mécanismes par lesquels, dans certains cas, le virus contribuera au développement du cancer de la bouche et de la gorgeNote de bas de page 20. De plus, une personne infectée par le VPH par voie orale peut être asymptomatique pendant de nombreuses années, ce qui rend très difficiles la détection et la prévention de la transmission ultérieureNote de bas de page 20. Le cancer de l’oropharynx affecte le tiers postérieur de la langue, des amygdales et de la paroi médiale du pharynx et est généralement diagnostiqué à des stades avancésNote de bas de page 21.

Vaccin contre le virus du papillome humain

Alors que les hommes peuvent maintenant recevoir le vaccin contre le VPH, l’accent qui a été mis initialement sur la prévention du cancer du col de l’utérus et l’introduction d’un vaccin exclusivement pour les femmes semble avoir créé un préjugé sexiste qui a conduit à l’idée fausse que le VPH est un « problème de femmes »Note de bas de page 22. Toutes les provinces et tous les territoires ont annoncé ou introduit des programmes d’immunisation contre le VPH pour les filles dans le cadre des programmes d’immunisation systématiqueNote de bas de page 23. Cependant, ce n’est qu’en 2017 que toutes les provinces et tous les territoires du Canada ont offert des programmes gratuits d’immunisation scolaire pour le VPH aux garçons et aux filles avec des critères d’admissibilité différentsNote de bas de page 24Note de bas de page 25Note de bas de page 26Note de bas de page 27. Par conséquent, la couverture vaccinale contre le VPH au Canada est probablement plus élevée chez les femmes que chez les hommesNote de bas de page 28. Malheureusement, les données détaillées sur la couverture vaccinale au Canada ne sont pas uniformes dans toute la documentation. Il faut améliorer la recherche et la surveillance dans ce domaineNote de bas de page 28.

Trois États américains, l’Illinois, le Minnesota et l’Oregon, autorisent la vaccination contre la grippe dans les cabinets dentairesNote de bas de page 29; cependant, seul l’Oregon autorise également la vaccination contre le VPH dans les cabinets dentairesNote de bas de page 29. Les dentistes canadiens n’ont pas actuellement l’autorité réglementaire nécessaire pour administrer les vaccins contre le VPH, et la responsabilité incombe aux médecins et aux infirmières pour le moment. Cependant, les vaccinations contre le VPH dans les cabinets dentaires pourraient contribuer à augmenter les taux de vaccination, en particulier chez les hommes. Les considérations relatives aux vaccinations dans les cabinets dentaires canadiens devraient être évaluées et discutées avec les organismes de réglementation compétents. Ces discussions porteraient notamment sur la formation, la détermination de l’existence ou non d’antécédents médicaux suffisants chez les dentistes et l’estimation des coûts connexesNote de bas de page 29. Entre-temps, l’administration des vaccinations dans les cabinets dentaires américains devrait faire l’objet d’un suivi afin d’informer toute initiative de ce genre au Canada.

Prochaines étapes

Avec l’augmentation du cancer de l’oropharynx associé au VPH, il est nécessaire de prendre davantage de mesures pour réduire cette tendance. S’il n’est pas pris en compte, le cancer de l’oropharynx associé au VPH pourrait avoir une incidence importante sur le système de santé et les ressourcesNote de bas de page 7. Les cancers de l’oropharynx sont un problème de santé publique parce qu’ils ont une incidence importante sur les niveaux individuel, social et du système de soins de santéNote de bas de page 21. La participation d’un plus grand nombre de garçons aux programmes de vaccination contribuerait à assurer une protection équitable des hommes contre les maladies liées au VPHNote de bas de page 22. Étant donné la lenteur de la latence entre l’infection au VPH et le cancer, il se peut que plusieurs années passent avant que l’incidence de la vaccination puisse être évaluée. De plus, il existe des preuves solides que la vaccination des femmes peut aider à prévenir l’infection chez les hommes par l’immunité collectiveNote de bas de page 7. La vaccination de la population avant qu’elle ne devienne sexuellement active est essentielle à la réduction de ce fardeauNote de bas de page 5. Il est également nécessaire d’ajouter et de renforcer les messages autour 1) des pratiques et des comportements sexuels, 2) l’importance de la santé buccodentaire dans le cadre de la santé globale et 3) du ou des rôles joués par les professionnels de la santé buccodentaire dans la détection des signes précoces d’anomalies dans la boucheNote de bas de page 6. Les professionnels de la santé publique doivent continuer à surveiller les tendances changeantes et évolutives des taux de transmission et de vaccination du VPH, et veiller à ce que les tendances observées soient fondées sur le sexe et le genre, étant donné que, par exemple, les hommes sont plus susceptibles de développer des cancers de l’oropharynx que les femmes, tout en étant moins susceptibles de se faire vaccinerNote de bas de page 14Note de bas de page 22.

Les professionnels de la santé buccodentaire peuvent jouer un rôle clé dans la lutte contre la transmission du VPH, en particulier contre l’infection orale par le VPH, et dans la prévention des cancers de l’oropharynx liés au VPH – après tout, l’infection par le VPH peut être évitée – en sensibilisant, en éduquant et en offrant des conseils à leurs clients et en encourageant des interventions préventives et diagnostiques fondées sur des données probantesNote de bas de page 6Note de bas de page 13. Une attention particulière est nécessaire dans le domaine de la prévalence de l’infection orale au VPH et de ses voies typiques de transmission, outre les tendances de la vaccination. Son rôle dans l’apparition de cancers de la bouche liés au VPH devrait faire l’objet d’une surveillance et d’une recherche accrues, et il faudrait également poursuivre la recherche afin d’examiner la mauvaise santé buccodentaire, y compris la maladie parodontale, et la mauvaise hygiène buccodentaire en tant que facteurs de risque indépendants pour l’infection au VPH et le cancer de la boucheNote de bas de page 30. Une petite étude préliminaire dans ce domaine a indiqué que la capacité des dentistes de l’Ontario de détecter et de prévenir les cancers de la bouche est limitée en raison d’une formation inadéquateNote de bas de page 21, tandis qu’une autre petite étude en Floride a montré que les dentistes étaient aux étapes de la contemplation préalable et de la contemplation de l’état de préparation pour discuter des vaccins contre le VPH avec les patientsNote de bas de page 31. À la lumière de ces études, les professionnels de la santé buccodentaire devraient être encouragés à faire ce qui suit :

  • Demeurer au courant des nouvelles données relatives à l’infection par le VPH et aux cancers de la bouche
  • Effectuer le dépistage du cancer de la bouche lors des examens cliniques
  • Reconnaître et détecter les signes et symptômes à un stade précoce, et surveiller toute lésion anormale ou suspecte dans la bouche
  • Étudier la possibilité de prélever des échantillons au bureau dentaire (e.g. rinçage ou écouvillons par voie orale) pour la détection du VPH
  • Expliquer aux clients les liens entre le VPH oral et le cancer de la bouche
  • Partager des renseignements clairs et fondés sur des données probantes et discuter avec leurs clients des facteurs de risque connus (comme l’usage du tabac) et des modes de transmission, y compris les pratiques et les comportements sexuels
  • Continuer de promouvoir activement l’importance d’une bonne hygiène buccodentaire et d’une bonne santé buccodentaire en tant que facteurs de prévention de l’infection au VPH et des cancers de la bouche liés au VPH
  • Promouvoir le vaccin contre le VPH comme moyen sûr et efficace de prévenir l’infection
  • Discuter avec les organismes de réglementation des dentistes de la possibilité d’administrer le vaccin contre le VPH dans les cabinets dentaires

Conclusion

Le lien entre le VPH et le cancer de l’oropharynx est évident; et avec l’augmentation des taux d’incidence, il faut prendre davantage de mesures pour enrayer cette tendance. Les professionnels de la santé buccodentaire peuvent contribuer de nombreuses façons à réduire les taux d’infection par le VPH par voie orale et à prévenir les cancers de l’oropharynx liés au VPH. Les professionnels de la santé buccodentaire sont des acteurs clés dans la lutte contre la transmission du VPH et la prévention du cancer de l’oropharynx et devraient élaborer et mettre en œuvre des plans à l’appui de cette lutte pour la santé et le bien-être de leurs patients.

Déclaration des auteurs

Aucune.

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Le mandat du Bureau du dentiste en chef du Canada est de faire progresser la santé buccodentaire de la population par la promotion de la santé, la prévention des maladies et l’orientation professionnelle et technique, en mettant l’accent sur les populations vulnérables.

Les auteurs aimeraient souligner la contribution de la Bibliothèque de la santé de Santé Canada à la recherche documentaire.

Financement

Aucune.

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