Rapport sur l’état de préparation du Canada concernant les vaccins contre le VRS

RMTC

Volume 46–4, le 2 avril 2020 : Virus respiratoire syncytial (VRS)

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Analyse des lacunes visant à évaluer le niveau de préparation des Canadiens à l’introduction des vaccins contre le virus respiratoire syncytial : compte rendu d’une retraite d’experts

April Killikelly1, Amanda Shane1, Man Wah Yeung1, Matthew Tunis1, Christina Bancej1, Althea House1, Wendy Vaudry2, Dorothy Moore3, Caroline Quach4

Affiliations

1 Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

2 Hôpital pour enfants Stollery, Université d’Alberta, Edmonton, AB

3 Université McGill, Montréal, QC

4 Centre Hospitalier Universitaire Sainte-Justine, Université de Montréal, Montréal, QC

Correspondance

phac.naci-ccni.aspc@canada.ca

Citation proposée

Killikelly A, Shane A, Yeung MW, Tunis M, Bancej C, House A, Vaudry W, Moore D, Quach C. Analyse des lacunes visant à évaluer le niveau de préparation des Canadiens à l’introduction des vaccins contre le virus respiratoire syncytial : compte rendu d’une retraite d’experts. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2020;46(4):71–8. https://doi.org/10.14745/ccdr.v46i04a02f

Mots-clés : vaccin, Comité consultatif national de l’immunisation, CCNI, immunisation, VRS, virus respiratoire syncytial

Résumé

Le virus respiratoire syncytial (VRS) peut provoquer des maladies graves chez les nourrissons et les personnes âgées. Plusieurs candidats vaccins sont en cours de développement et leur utilisation pourrait être autorisée au Canada dans les deux à cinq prochaines années. L’Agence de la santé publique du Canada s’est employée à améliorer le niveau de préparation à l’introduction du vaccin contre le VRS et de candidats vaccins pour l’immunisation passive en organisant une retraite d’experts, dont l’objectif consistait à cerner les lacunes dans les connaissances en matière de surveillance et de recherche et développement, et ce, sous l’angle des priorités de santé publique des provinces et des territoires concernant le VRS.

Nous avons déterminé que les candidats vaccins contre le VRS en développement répondaient pleinement à quatre des cinq priorités de santé publique, et avons mis en évidence les lacunes à combler dans les données concernant l’efficacité potentielle et l’efficacité réelle des vaccins. Nous avons constaté que les données de surveillance disponibles étaient limitées ou suffisantes pour étayer le processus décisionnel relatif à quatre des cinq priorités de santé publique liées au VRS, et avons mis en évidence des lacunes dans les données concernant plusieurs populations clés : (i) pour les cas de VRS de moins de 17 ans, il demeure des lacunes dans les données utilisées en guise de dénominateur dans le calcul de l’incidence et dans les données sur les consultations externes avec soins médicaux; (ii) pour les cas de VRS dans les collectivités autochtones et éloignées, il demeure des lacunes dans les données sur l’incidence, la prévalence, les facteurs de risque particuliers, la faisabilité et l’acceptabilité; (iii) pour les cas de VRS chez les personnes âgées, il demeure des lacunes dans les données sur l’incidence. Ce processus a contribué à démontrer la faisabilité de l’analyse des lacunes dans les données de surveillance pour étayer les décisions relatives aux vaccins et aux produits immunitaires candidats, et a mis en évidence le soutien des intervenants à cet égard.

Introduction

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) est le Groupe technique consultatif national sur la vaccination (GTCNV) du Canada, et a pour mandat de présenter à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) des recommandations techniques sur l’utilisation des vaccins. Pour formuler ses recommandations, le CCNI s’appuie sur un large éventail de données probantes, notamment les caractéristiques des vaccins, le fardeau de morbidité, ainsi que l’éthique, l’équité, la faisabilité et l’acceptabilité des programmes d’immunisation. Tous ces éléments sont considérés comme des facteurs essentiels pour les décideurs provinciaux et territoriaux (PT) du CanadaNote de bas de page 1.

Étant donné que de nombreux vaccins contre le virus respiratoire syncytial (VRS) sont en cours de développement clinique, le CCNI a besoin de données sur l’épidémiologie du VRS et le coût des nouveaux candidats vaccins pour élaborer des recommandations complètes sur ces facteurs de décision. Compte tenu des besoins de santé publique et de la brièveté des délais impartis pour la formulation des recommandations sur les nouveaux vaccins, l’ASPC a saisi l’occasion d’améliorer le niveau de préparation à l’introduction des vaccins contre le VRS en organisant une retraite d’experts pour analyser les lacunes et mieux comprendre les besoins actuels et futurs des décideurs en matière de vaccination. Le secrétariat du CCNI, appuyé par un comité consultatif technique, a (i) coordonné la détermination des priorités de santé publique (PSP) des PT relativement au VRS; (ii) sélectionné les participants en fonction de leur expertise dans les domaines de la surveillance du VRS, de la recherche, de l’économie, de la santé pédiatrique et de l’immunisation, ainsi que de manière à garantir la représentation des principaux groupes à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement (se reporter à l’annexe 1); et (iii) sélectionné les fabricants de l’industrie pour faire le point sur le progrès des essais cliniques avancés chez les humains (phase 2 ou plus). Les représentants de l’industrie ont été invités à présenter leurs données par téléconférence et les participants à la retraite ont pris part à des discussions confidentielles.

Contexte

Le fardeau de morbidité lié à l’infection par le VRS pèse lourdement sur le Canada et dans le monde. La répartition par âge de ce fardeau est bimodale, l’incidence la plus forte s’observant au cours des deux premières années de vie et chez les personnes âgées. Le Canada ne dispose pas de données publiées, mais les données d’autres pays à revenu élevé montrent une tendance bimodale des taux d’hospitalisation associés au VRS par tranche de 1 000 personnes : 26,3 (0 à 5 mois); 11,3 (6 à 11 mois); 1,4 (12 à 59 mois); 1,0 (65 ans ou moins)Note de bas de page 2Note de bas de page 3.

En fonction de la population concernée, les vaccins destinés aux populations maternelles, infantiles ou âgées ont des effets différents sur la prévention du VRS. Pour effectuer une analyse des lacunes, nous devions, dans un premier temps, déterminer et comprendre les priorités de santé publique (PSP) liées à la prévention du VRS. Tandis que l’approvisionnement en vaccins est assuré à l’échelon fédéral, le processus décisionnel visant les programmes de vaccination et leur mise en œuvre relèvent de la responsabilité des PT. Pour nous assurer de la pertinence et de l’utilité de notre analyse pour les programmes canadiens d’immunisation, nous avons veillé à garantir la concordance avec les priorités de santé publique des PT. En concertation avec les membres FPT du Comité canadien sur l’immunisation et le Conseil des médecins hygiénistes en chef, nous avons défini les priorités de santé publique PT suivantes pour les programmes de vaccination contre le VRS :

  1. PSP-1 : Prévenir l’hospitalisation et le décès des nourrissons
  2. PSP-2 : Prévenir l’hospitalisation et le décès des nourrissons à risque élevé
  3. PSP-3 : Prévenir l’infection des enfants qui résident dans les régions éloignées
  4. PSP-4 : Prévenir l’hospitalisation et le décès des enfants
  5. PSP-5 : Prévenir l’hospitalisation et le décès des personnes âgées

Ces PSP liées au VRS ont permis d’orienter l’analyse subséquente des lacunes et d’élaborer des recommandations vaccinales adaptées aux besoins des PT.

Cet article a pour but de résumer les discussions des experts en deux thématiques pour mieux comprendre le niveau de préparation des Canadiens à l’introduction des vaccins contre le VRS : (i) recherche et développement de candidats vaccins et (ii) surveillance actuelle de la santé publique. Pour chacune de ces thématiques, la concordance avec les PSP a été examinée et une analyse des lacunes a été effectuée. Ce processus vise à présenter le raisonnement des experts justifiant la mise en place d’un système renforcé de recherche et de surveillance pour améliorer le niveau de préparation des Canadiens à l’introduction des vaccins contre le VRS.

Résultats clés : recherche et développement de candidats vaccins contre le VRS

Concordance entre les candidats vaccins et les priorités de santé publique

Pour assurer la concordance entre les candidats vaccins contre le VRS en développement et les priorités de santé publique des PT, nous avons pris en compte les différents résultats des PSP : la prévention de l’infection par rapport à la prévention de l’hospitalisation ou du décès.

Différentes stratégies de développement de candidats vaccins stimulent les réactions immunologiques protectrices dans le but de prévenir l’infection, la maladie grave ou la transmissionNote de bas de page 4. Pour formuler des recommandations vaccinales, il est essentiel de faire la distinction entre ces trois résultats. Les données démontrant la capacité d’un vaccin à prévenir la maladie grave ou le décès peuvent former la base d’une recommandation destinée à certaines catégories de personnes (p. ex. cliniciens, sujets vaccinés). Les données démontrant la capacité d’un vaccin à prévenir l’infection ou sa transmission peuvent former la base d’une recommandation destinée à l’ensemble de la population. Ces deux types de recommandations pourraient faire l’objet de priorités et de mécanismes de financement très différents dans les programmes de vaccination des PT, ce qui aurait une incidence sur les personnes ayant accès à ces vaccins et le moment où elles peuvent y accéder.

Il existe une solide base de données probantes démontrant que les vaccins qui entraînent la production d’anticorps protecteurs (y compris les vaccins sous-unitaires, les vaccins à particules et les anticorps monoclonaux) préviennent la maladie grave chez les nourrissons. Quant à ceux qui stimulent les réactions cellulaires (notamment les vaccins vivants atténués et les vaccins vectorisés), ils peuvent réduire le risque de maladie grave et de transmission virale grâce aux mécanismes de stimulation liés à la clairance et l’élimination virales induites par les CD8.

Une recommandation vaccinale destinée à l’ensemble de la population est étayée par une base de données probantes démontrant que les réactions humorales et cellulaires protectrices préviennent l’infection ou la transmission au sein de la population. Autrement, il peut être raisonnable de prendre en compte les données probantes indirectes relatives à d’autres vaccins ayant exercé un effet inattendu sur la transmission à l’échelle de la population. Par exemple, le vaccin antirotavirus est indiqué dans la prévention de la gastroentérite aigüe chez les enfants de moins de deux ans. Néanmoins, depuis que le vaccin a été introduit, les taux d’infection à rotavirus chez les enfants et les adultes non vaccinés ont également diminué de manière considérableNote de bas de page 5.

Nous avons déterminé que les candidats vaccins en cours de développement répondaient pleinement à quatre des cinq priorités de santé publique des PT (se reporter au tableau 1).

Tableau 1 : Analyse des lacunes des candidats vaccins
PSP PSP provinciales et territoriales liées au VRS Candidat vaccin contre le VRS en cours de développement pour répondre à la priorité
1 Prévenir l’hospitalisation et le décès des nourrissons Janssen (enfants), GSK (populations maternelles et pédiatriques), Novavax (populations maternelles), AstraZeneca/Sanofi PasteurNote a de Tableau 1
2 Prévenir l’hospitalisation et le décès des nourrissons à risque élevé Janssen (enfants), GSK (populations maternelles et pédiatriques), Novavax (populations maternelles), AstraZeneca/Sanofi PasteurNote a de Tableau 1
3 Prévenir l’infection des enfants qui résident dans les régions éloignées AstraZeneca/Sanofi PasteurNote b de Tableau 1
4 Prévenir l’hospitalisation et le décès des enfants AstraZeneca/Sanofi PasteurNote a de Tableau 1
5 Prévenir l’hospitalisation et le décès des personnes âgées Janssen (personnes âgées), GSK (personnes âgées), Novavax (personnes âgées), Bavarian NordicNote a de Tableau 1

Prévenir l’hospitalisation et le décès des nourrissons (PSP-1), des nourrissons à risque élevé (PSP-2) et des enfants (PSP-4). Janssen, GSK et Novavax développent actuellement des candidats vaccins destinés aux populations infantiles par administration directe ou par immunisation maternelle. AstraZeneca/Sanofi Pasteur développe actuellement un anticorps monoclonal pour lutter contre le fardeau de morbidité du VRS chez les nourrissons qui présentent un risque élevé de maladie grave. Ces candidats vaccins sont entrés dans les phases 2 et 3 du développement clinique pour les nourrissons en bonne santé; les nourrissons à risque élevé en raison de comorbidités; et les enfants en bonne santé. Ces trois priorités de santé publique sont directement ciblées par plusieurs candidats vaccins en phase finale de développement clinique.

Prévenir l’infection des enfants qui résident dans les régions éloignées (PSP-3). À la fois les vaccins et les produits immunitaires ciblant le VRS pourraient répondre à cette priorité de santé publique. Le palivizumab est le seul produit actuellement disponible. Il est uniquement administré aux nourrissons qui présentent un risque élevé de maladie grave induite par le VRS ou, dans le cadre d’un projet pilote particulier mené à Nunavik, à tous les nourrissons à terme qui résident dans les collectivités éloignées du NordNote de bas de page 6. Le palivizumab exerce son activité pendant environ un mois. Il se peut que la prochaine génération de produits d’anticorps monoclonaux, notamment le produit actuellement développé par AstraZeneca/Sanofi Pasteur, ait une période d’efficacité plus longue (potentiellement supérieure à cinq mois). Cela pourrait accroître la facilité d’utilisation de ces produits dans les régions où les systèmes de santé sont difficiles d’accès, notamment les collectivités éloignées.

Le palivizumab et les autres anticorps monoclonaux devraient prévenir la maladie grave induite par le VRS, mais on ignore si ces produits peuvent également réduire le risque d’infection par le VRS. Des recherches complémentaires sont nécessaires sur la faisabilité et l’acceptabilité des programmes de vaccination contre le VRS dans les collectivités éloignées du Canada. Des travaux sont en cours à Nunavik, dans le nord du Québec, pour évaluer l’incidence d’un élargissement de l’accès au palivizumab à tous les nourrissons de moins de trois moisNote de bas de page 6. Bien que les données issues de cette étude contribueront à étayer la prise de décisions concernant l’utilisation multidose du palivizumab dans les collectivités nordiques et éloignées, elles pourraient ne pas s’appliquer directement aux nouveaux anticorps monoclonaux du fait de l’augmentation potentielle de la durée de protection. Des études complémentaires pourraient être nécessaires pour répondre pleinement à cette priorité de santé publique.

Prévenir l’hospitalisation et le décès des personnes âgées (PSP-5). Janssen, GSK, Novavax et Bavarian Nordic développent actuellement des vaccins destinés aux personnes âgées et notamment à celles souffrant de comorbidités (la bronchopneumopathie chronique obstructive, entre autres). Cette priorité de santé publique est directement ciblée par plusieurs candidats vaccins en phase finale de développement clinique. En outre, cette population pourrait être protégée par l’immunisation des cohortes plus récentes (immunité collective), comme pour le rotavirus ou l’infection pneumococciqueNote de bas de page 5.

Lacunes cernées concernant la recherche et le développement des candidats vaccins

Outre l’analyse des lacunes concernant les priorités des PT et les candidats vaccins, les fabricants développant un vaccin ou un produit immunitaire ciblant le VRS entré dans les dernières phases des programmes d’essais cliniques ont été invités à présenter leurs données sur l’efficacité réelle, l’innocuité et l’immunogénicité du vaccin, ainsi que sur d’autres sujets pertinentsNote de bas de page 4. À la lumière de ces échanges confidentiels, nous avons cerné les points sur lesquels des recherches ou des analyses complémentaires seraient nécessaires pour bien comprendre l’efficacité potentielle et l’efficacité réelle des candidats vaccins en développement.

  1. Administration concomitante de vaccins contre le VRS. Les antigènes présentés par plusieurs candidats vaccins pourraient être identiques à ceux ciblés par les anticorps monoclonaux anti-VRS, dont le palivizumab. L’innocuité et l’efficacité d’une administration concomitante de vaccins et d’anticorps monoclonaux ciblant le VRS n’ont pas été évaluées.
  2. Cohérence des définitions de cas. Les définitions de cas des maladies associées au VRS varient d’un essai clinique à l’autre. Cela peut limiter les comparaisons directes entre les données nécessaires pour la synthèse des recommandations. Toute maladie associée au VRS doit faire l’objet d’une définition cohérente et précise afin de pouvoir comparer l’efficacité potentielle et l’efficacité réelle des différents candidats vaccins contre le VRS.
  3. Protection contre les souches VRS/A et VRS/B. Les souches VRS/A et VRS/B sont typées sur leurs protéines de surface G. Les vaccins pourraient avoir une efficacité différentielle sur ces souches. Les sites antigéniques ciblés par certains candidats vaccins contre le VRS sont situés sur la protéine de surface F, en particulier les sites antigéniques ø et V qui diffèrent entre les souches A et BNote de bas de page 7. Des recherches complémentaires sont nécessaires pour confirmer l’efficacité de la protection apportée par ces vaccins contre les deux souches du VRS.
  4. Effet d’une immunité préexistante contre l’adénovirus sur l’efficacité des vaccins. Plusieurs candidats vaccins contre le VRS utilisent des adénovirus de l’homme ou du chimpanzé comme vecteurs pour libérer les antigènes du VRS. Ces vecteurs peuvent déclencher une réaction immunitaire spécifique susceptible d’atténuer ou d’accroître la réaction immunitaire aux antigènes du VRS, de compromettre l’efficacité du vaccin ou de modifier le profil d’innocuité du vaccin chez des personnes jusque-là immunisées. Des données probantes sont nécessaires pour déterminer la prévalence et l’effet de l’immunité contre l’adénovirus.
  5. Effet des mutations d’échappement potentielles. Le palivizumab cible le site conservé II sur la protéine F du VRS. Le nirsevimab, un nouvel anticorps monoclonal développé par AstraZeneca/Sanofi Pasteur et actuellement soumis à des essais cliniques de phase 3, cible le site ø sur la protéine F du VRSNote de bas de page 4. Dans des conditions de pression sélective, les variantes virales pourraient changer la présentation de ces sites antigéniques (en modifiant la séquence de protéines ou les motifs de glycosylation) au point où ces anticorps monoclonaux cesseraient d’être efficaces. Des mécanismes de surveillance doivent être mis en place pour détecter les mutants d’échappement dans les infections survenant chez les personnes traitées par anticorps monoclonaux.

Résultats clés : surveillance de la santé publique

Concordance entre la surveillance et les priorités de santé publique

Les données de surveillance sur lesquelles se fondent la plupart des PSP sont accessibles auprès de deux sources au Canada : le Programme canadien de surveillance active de l’immunisation (IMPACT)Note de bas de page 8, un système de surveillance sentinelle en milieu hospitalier, et la Base de données sur la morbidité hospitalière de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)Note de bas de page 9, une base de données administratives hospitalières. Le tableau 2 illustre la mesure dans laquelle les systèmes actuels de surveillance nationale ou les sources d’information fournissent des données probantes à l’appui des PSP définies par les PT concernant le VRS.

Tableau 2 : Disponibilité des données de surveillance nécessaires pour évaluer l’efficacité du vaccin contre le VRS et répondre aux priorités de santé publique par groupe cible
Priorité de santé publique Paramètres de santé publique
Mesures employées par le CCNI pour évaluer le fardeau de morbidité
Incidence Cadre de l’étudeNote a de Tableau 2 Souche du virus Populations présentant un risque élevéNote b de Tableau 2
Hospitalisation des nourrissons IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote d de Tableau 2 IMPACTNote d de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2
Décès des nourrissons IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote d de Tableau 2 IMPACTNote d de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2
Infection dans les collectivités éloignées (enfant) IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2 IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
Hospitalisation des enfants IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote d de Tableau 2 IMPACTNote d de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2
Décès des enfants IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote c de Tableau 2
ICISNote c de Tableau 2
IMPACTNote d de Tableau 2 IMPACTNote d de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2
Hospitalisation des personnes âgées ICISNote c de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2 PDNote e de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2
Décès des personnes âgées ICISNote c de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2 PDNote e de Tableau 2 ICISNote c de Tableau 2

Trois experts en surveillance de l’ASPC ont réalisé conjointement une évaluation subjective de chaque système ou source d’information pour déterminer si les données à l’appui du processus décisionnel étaient suffisantes, limitées ou inexistantes. IMPACT a été en mesure de fournir suffisamment de données sur les caractéristiques des souches virales et les populations pédiatriques présentant un risque élevé (nourrissons et enfants hospitalisés dans les centres IMPACT à cause du VRS). IMPACT a été en mesure de fournir des données limitées sur les taux d’incidence et d’infection dans les collectivités éloignées, mais aucune donnée sur les maladies associées au VRS ne nécessitant pas d’hospitalisation. Les taux d’incidence sont difficiles à calculer pour certains centres, car les circonscriptions hospitalières des centres ne concordent pas avec les statistiques démographiques (se reporter au tableau 3 pour de plus amples renseignements). Comme il n’existe aucun centre IMPACT dans les trois territoires et dans les régions nordiques des provinces touchées, le seul moyen de comptabiliser les cas de VRS existant dans ces collectivités serait de transférer les patients vers un hôpital IMPACT. Le cadre de l’étude se limite aux salles d’hôpital et aux services de soins intensifs.

Tableau 3 : Survol des lacunes de surveillance relevées durant l’évaluation des données disponibles sur les populations prioritaires
Population prioritaire Lacune dans les données Stratégie préconisée pour combler la lacune
Cas de moins de 17 ans Données utilisées en guise de dénominateur Mise en relation, à l’échelle des hôpitaux, des centres IMPACT avec l’ICIS
Données sur les cas d’infection par le VRS sans prise en charge médicale Aucune proposition
Cas présents dans les collectivités autochtones et éloignées Données sur l’incidence, la prévalence ou sur certains facteurs de risque Des projets pilotes de surveillance permettraient de déterminer plus précisément le fardeau de morbidité ainsi que l’acceptabilité et la faisabilité des programmes de vaccination dans ces collectivités à risque
Cas parmi les personnes âgées Données sur l’incidence, la prévalence, la souche ou sur certains facteurs de risque Étude de cohorte rétrospective des cas de VRS confirmés en laboratoire par l’entremise du réseau CIRN-SOS
Surveillance prospective par l’entremise d’un réseau de surveillance sentinelle

L’ICIS a été en mesure de fournir des données limitées sur les hospitalisations pour toutes les classes d’âge et tous les paramètres de santé publique, à l’exception des caractéristiques des souches virales. La disponibilité des données obtenues par l’entremise de l’ICIS a été jugée limitée, car les hôpitaux de soins actifsNote de bas de page 9 ne procèdent pas systématiquement à l’évaluation virologique, et une modélisation est nécessaire pour estimer le nombre d’hospitalisations imputables au VRS. Des données sur les populations présentant un risque élevé sont également disponibles auprès de l’ICIS, mais elles sont limitées par la manière dont les comorbidités sont consignées dans les bases de données administratives. Le champ du diagnostic principal et 24 autres champs connexes peuvent être analysés pour rechercher les comorbidités, mais leur utilisation varie en fonction des besoins cliniques.

Lacunes dans les données relatives à trois populations prioritaires

Les participants à la retraite ont cerné trois populations prioritaires pour lesquelles un plus grand nombre de données étaient nécessaires (se reporter au tableau 3).

  1. Personnes de moins de 17 ans :
    1. Absence de données utilisées en guise de dénominateur – Le système IMPACT vise à fournir des données sur l’hospitalisation des enfants de 16 ans et moins en lien avec le VRS. Il s’agit néanmoins d’un système de surveillance sentinelle (et non fondé sur l’ensemble de la population), et les circonscriptions hospitalières de certains centres ne concordent pas avec les données démographiques disponibles. C’est pourquoi les données issues de ce système sont, à l’heure actuelle, limitées par le nombre de phénomènes de santé (p. ex. nombre d’admissions, nombre de décès, nombre d’admissions en service de soins intensifs). Interpréter ces indicateurs sans connaître le contexte de la population à laquelle ils se rattachent est une tâche complexe qui pourrait être simplifiée par le calcul des indicateurs démographiques. La mise en relation, à l’échelle des hôpitaux, des centres IMPACT avec les données administratives hospitalières de l’ICIS pourrait être envisagée pour faciliter la validation des tendances, comparer le nombre de patients comptabilisés par les différentes sources de données, examiner la représentativité et l’exhaustivité du réseau sentinelle et confirmer les données utilisées en guise de dénominateur.
    2. Absence de données sur les cas d’infection par le VRS sans prise en charge médicale – Il n’existe aucune donnée sur de tels cas d’infection, données par ailleurs nécessaires à la modélisation de la transmission du VRS et à la réalisation d’études de coût-efficacité. Aucune stratégie n’a été préconisée durant la retraite pour combler cette lacune.
  2. Collectivités autochtones et éloignées – Les collectivités autochtones et éloignées se heurtent à des obstacles supplémentaires dans l’accès aux soins de santé et souffrent d’une sous-représentation dans les systèmes actuels de surveillance nationale. Les estimations sur l’incidence, la prévalence ou certains facteurs de risque ne sont pas systématiquement compilées pour les collectivités autochtones. Le système IMPACT comptabilise les patients des collectivités autochtones et éloignées qui sont hospitalisés ou transférés dans un centre IMPACT, mais ces données ne reflètent pas le véritable fardeau de morbidité qui touche cette population. Des projets pilotes de surveillance sont en cours dans certaines collectivités autochtones éloignées du Québec afin de déterminer le fardeau de morbidité ainsi que l’acceptabilité et la faisabilité des programmes de vaccinationNote de bas de page 6. L’évolution que connaît le secteur des produits de vaccination proposés dans la prévention du VRS est l’occasion de voir apparaître des produits d’une plus grande longévité et durabilité. Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer les besoins des collectivités autochtones et éloignées.
  3. Personnes âgées – Les données nationales sur les cas d’infection par le VRS chez les personnes âgées se limitent aux données administratives hospitalières de l’ICIS. Les données probantes laissent penser que les taux et nombres bruts de cas de VRS recueillis à partir de cette source sous-estiment le fardeau de morbidité chez les personnes âgées en raison du caractère incomplet de l’évaluation virologique dans ce groupe d’âgeNote de bas de page 10. Malgré les limites induites par les données manquantes, les données administratives demeurent une importante source de données. La collecte de données primaires sur l’épidémiologie et le fardeau de morbidité est justifiée pour les évaluations chez les personnes âgées. Deux stratégies visant à répondre à ce besoin ont été proposées lors des échanges :
    1. Une étude de cohorte rétrospective des cas de VRS confirmés en laboratoire chez les patients de 65 ans et plus hospitalisés pour des syndromes grippaux est actuellement menée par l’entremise du réseau de surveillance des cas sévères du Réseau canadien de recherche sur l’immunisationNote de bas de page 11. La possibilité que les données issues de cette étude puissent combler les lacunes existantes dans les données relatives aux personnes âgées pourrait être étudiée.
    2. La faisabilité de la mise en place d’une surveillance prospective du VRS chez les personnes âgées par l’entremise d’un réseau de surveillance sentinelle pourrait être étudiée.

Les autres limites des systèmes de surveillance ont été examinées :

  • Comprendre les séquelles à long terme du VRS permet d’élaborer des programmes de vaccination et des modèles économiques. Les données actuelles sur le rôle du VRS dans l’apparition de la bronchopneumopathie chronique obstructive ou de l’asthme sont peu concluantes. Des études complémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre ce lien et le fardeau de morbidité du VRS sur le long terme.
  • Certains systèmes de surveillance des infections respiratoires et du VRS utilisent les définitions de cas des syndromes grippaux pour définir leurs populations cibles. Les raisons qui les y amènent sont souvent de nature opportuniste (les systèmes de surveillance du VRS s’appuient sur l’infrastructure existante de surveillance de la grippe et sur les définitions des syndromes grippaux pour détecter les cas suspects) ou pratique (le processus de sélection des personnes pour le prélèvement des échantillons repose sur des algorithmes d’essais cliniques existants ou sur des normes de soins). L’inclusion de la fièvre dans la définition de cas du syndrome grippal peut amener à omettre des cas de VRS. Il n’existe néanmoins aucune définition de cas normalisée des syndromes de l’infection par le VRS. Pour s’attaquer à ce problème, l’ASPC a participé à une collaboration sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé dans le but d’élaborer une définition de cas pour la surveillance du VRS, définition qu’elle ne manquera pas d’appliquer à ses initiatives de surveillance ou à ses analysesNote de bas de page 12.
  • Les systèmes actuels de surveillance reposent sur la surveillance passive des personnes qui demandent des soins médicaux en lien avec le VRS. Pour estimer le fardeau de morbidité du VRS sans prise en charge médicale, il faudrait mettre en place une stratégie active de surveillance. Bien qu’une telle approche soit complexe à réaliser, les données qui en résulteraient sont indispensables à l’élaboration d’un modèle de transmission du VRS et d’un modèle économique exacts et précis.

Forces et faiblesses

Bien que l’analyse ci-dessus représente le raisonnement des experts pour justifier la réalisation de nouvelles études et l’exécution de stratégies destinées à combler les lacunes, certaines réserves méritent d’être émises à l’égard de notre approche. Tout d’abord, l’analyse est limitée à l’expertise des participants. Les personnes invitées n’étaient pas toutes présentes en raison des contraintes liées à l’organisation d’une table ronde en personne. De ce fait, ces écrits ne constituent pas une analyse exhaustive du domaine concerné.

Ensuite, les PSP déterminées en collaboration avec les PT représentent un large éventail de besoins régionaux. Bien qu’un consensus se soit dégagé en amont de la retraite au sujet des priorités retenues, nous reconnaissons que celles-ci ne représentent pas chaque collectivité, province ou territoire, et que cette analyse est à considérer comme une estimation approximative plutôt que comme un tableau précis.

Enfin, le secteur du développement de vaccins et d’anticorps monoclonaux contre le VRS évolue à une telle vitesse que ce compte rendu sera caduc avant même d’être publié. Toutefois, alors même que des candidats vaccins sont en cours de développement, la question de la concordance avec les PSP et de la détermination des lacunes dans les données incitera le secteur à produire des vaccins de plus en plus efficaces.

Conclusion

Cette retraite a montré la faisabilité d’un débat sur les vaccins potentiels et mis en évidence l’intérêt des intervenants à égard d’un tel débat. Elle a apporté un éclairage précieux sur les paramètres de santé publique importants dans la prévention du VRS, les mécanismes de surveillance actuellement employés et les questions qui demeurent en suspens.

Déclaration des auteurs

  • A. K. — Rédaction de la première version, administration du projet, conceptualisation
  • A. S. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • M. W. Y. — Rédaction, révision, édition et conceptualisation
  • M. T. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • C. B. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • A. H. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • W. V. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • D. M. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision
  • C. Q. — Rédaction, révision, édition, conceptualisation et supervision

Conflit d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Ce document est un résumé des échanges et des analyses des nombreux participants à la retraite de préparation à l’introduction des vaccins contre le VRS, notamment N. Crowcroft, G. De Serres, N. Gnidziejko, J. Langley, J. LeBlanc, M. Naus, J. Papenburg, E. Rafferty et G. Poliquin. Nous tenons à les remercier chaleureusement pour leurs contributions essentielles à cette analyse. Les auteurs tiennent également à reconnaître la contribution importante de S. Sandhu qui s’est attaché, avant et pendant la retraite, à étayer le contexte de surveillance du VRS et l’analyse des lacunes.

Financement

L’Agence de la santé publique du Canada a organisé la rencontre sur place et pris en charge les frais de déplacement des participants.

Annexe 1: Liste des participants à la retraite de préparation à l’introduction des vaccins contre le VRS

Annexe 1: Liste des participants à la retraite de préparation à l’introduction des vaccins contre le VRS
Nom Affiliation professionnelle
Caroline Quach Université de Montréal, Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine
Sarah Buchan Santé publique Ontario
Natasha Crowcroft Santé publique Ontario
Gaston De Serres Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)
Shelley Deeks Santé publique Ontario
Nick Gnidziejko Institut canadien d’information sur la santé (ICIS)
Joanne Langley Université Dalhousie et Réseau canadien de recherche sur l’immunisation (RCRI)
Jason LeBlanc Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse
Dorothy Moore Université McGill
Monika Naus Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC)
Jesse Papenburg Université McGill
Ellen Rafferty Université d’Alberta
Beate Sander Toronto Health Economics and Technology Assessment (THETA)
Wendy Vaudry Université d’Alberta
Christina Bancej Centre de l’immunisation et des maladies respiratoires infectieuses (CIMRI), Division de la surveillance et de l’épidémiologie (DSE)
Erin Henry CIMRI
Althea House CIMRI, Secrétariat du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI)
April Killikelly CIMRI, Secrétariat du CCNI
Robert Nesdole Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (DGSPNI)
Linda Pelude Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections (CLMTI), Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales (PCSIN)
Robert Pless Santé Canada, Direction des produits biologiques et des thérapies génétiques (DPBTG)
Guillaume Poliquin Laboratoire national de microbiologie (NML)
Simran Sandhu CIMRI, DSE
Amanda Shane CIMRI, DSE
Veeran-Anne Singh DGSPNI
Matthew Tunis CIMRI, Secrétariat du CCNI
Man Wah Yeung CIMRI, Secrétariat du CCNI
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