Épreuve d’amplification de l’acide nucléique pour la gonorrhée et la chlamydia

RMTC

Volume 46–9, le 3 septembre 2020 : Protection de la santé des Forces

Aperçu

Les tests de dépistage extragénitaux augmentent la détection des cas de gonorrhée et de chlamydia : Incidence de la mise en œuvre d’un test d’amplification de l’acide nucléique

Dara Spatz Friedman1,2, Patrick O’Byrne1,2

Affiliations

1 Santé publique Ottawa, Ottawa, ON

2 Université d’Ottawa, Ottawa, ON

Correspondance

patrick.obyrne@uottawa.ca

Citation proposée

Friedman DS, O’Byrne P. Les tests de dépistage extragénitaux augmentent la détection des cas de gonorrhée et de chlamydia : Incidence de la mise en œuvre d’un test d’amplification de l’acide nucléique. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2020:46(9):321–8. https://doi.org/10.14745/ccdr.v46i09a06f

Mots-clés : gonorrhée, chlamydia, TAAN, extragénital, pharynx, rectum

Résumé

Contexte : Les tests d’amplification de l’acide nucléique (TAAN) ont été validés en Ontario en 2018 pour le dépistage de la chlamydia et de la gonorrhée aux sites extragénitaux (sites pharyngiens et rectaux). Avant cette validation, les tests extragénitaux ne pouvaient être effectués que par culture en Ontario. L’objectif de cette étude était de déterminer le nombre et la proportion de cas de gonorrhée et de chlamydia qui ont été détectés exclusivement par des tests extragénitaux (pharyngiens et rectaux) après la mise en œuvre des TAAN extragénitaux pour ces deux infections à la clinique de santé sexuelle chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH).

Méthodes : Les données sur les cas et de laboratoire obtenues avant et après la mise en œuvre du TAAN ont été utilisées pour comparer les taux de diagnostic de gonorrhée et de chlamydia chez les HARSAH qui se sont présentés aux cliniques de santé sexuelle et l’augmentation du pourcentage de diagnostics de ce groupe dans l’ensemble de la population.

Résultats : Parmi les cas observés à la clinique chez les HARSAH après la mise en œuvre du TAAN, 70 % des cas de gonorrhée et 65 % des cas de chlamydia ont été détectés exclusivement sur des sites extragénitaux, ce qui représente une augmentation de quatre fois et de deux fois plus élevées, respectivement, dans le nombre annuel moyen de cas diagnostiqués. De plus, même s’il l’on a effectué environ 50 % plus de tests pharyngiens que rectaux, une proportion plus élevée de cas de chlamydia a été détectée de façon rectale que ce qui aurait été prévu; cela n’a pas été le cas pour la gonorrhée, où la plupart des infections ont été détectées de façon pharyngienne.

Conclusion : Il est important que les médecins effectuent des tests extragénitaux chez les HARSAH qui ont des contacts sexuels avec des sites extragénitaux avec plus d’un partenaire.

Introduction

Neisseria gonorrhoea (N. gonorrhoea) et Chlamydia trachomatis (C. trachomatis) sont les infections transmissibles sexuellement (ITS) les plus couramment signalées au Canada et leur incidence augmenteNote de bas de page 1. À Ottawa, en Ontario, les taux d’incidence observés de gonorrhée et de chlamydia ont également augmenté au cours des 20 dernières années. Toutefois, le taux d’augmentation pour la gonorrhée est considérablement plus élevé depuis 2016 (figure 1)Note de bas de page 2. Au total, 90 cas et 390 cas de gonorrhée et de chlamydia, respectivement, ont été diagnostiqués pour 100 000 habitants en 2018 à Ottawa; en hausse par rapport à 38 cas et 335 cas pour 100 000 habitants en 2016Note de bas de page 2. Les taux de ces infections à Ottawa ont augmenté de façon particulièrement marquée chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HARSAH). En 2018, les HARSAH représentaient 45 % des cas de gonorrhée et 10 % des cas de chlamydiaNote de bas de page 2.

Figure 1 : Nombre et taux de diagnostic de gonorrhée et de chlamydia, Ottawa, 1999 à 2018

Figure 1 : Nombre et taux de diagnostic de gonorrhée et de chlamydia, Ottawa, 1999 à 2018

Description textuelle : Figure 1

Figure 1 : Nombre et taux de diagnostic de gonorrhée et de chlamydia, Ottawa, 1999 à 2018

A. Gonorrhée

Cette figure montre le nombre de cas et le taux de gonorrhée par 100 000 personnes chaque année à Ottawa, de 1999 à 2018. Cette figure présente une légère augmentation régulière du nombre de nouvelles infections et du taux de ces diagnostics entre 1999 et 2016, suivie d’une brusque augmentation à partir de 2016. En effet, même s’il n’y avait que 91 diagnostics de gonorrhée à Ottawa en 1999 (pour un taux de 11,8), ce nombre a augmenté à 329 infections en 2015 (pour un taux de 34,4). Ce nombre d’infections a ensuite grimpé à 639 en 2017 (taux de 64,1), suivi de 899 infections en 2018 (taux de 88,5).

B. Chlamydia

Cette figure montre le nombre de cas et le taux de chlamydia par 100 000 personnes chaque année à Ottawa, de 1999 à 2018. Cette figure montre des taux stables entre 1999 et 2006, suivis par une augmentation annuelle relativement stable de 2007 à 2018. En effet, alors que le nombre de diagnostics de chlamydia à Ottawa entre 1999 et 2006 variait de 982 à 1 330 (intervalle de taux de 127,8 à 159,3), ce nombre de diagnostics a augmenté à 3 807 (taux de 374,7) en 2018.


Même si la gonorrhée et la chlamydia sont considérées comme des infections de la muqueuse génitale, l’infection de sites extragénitaux, comme le pharynx et le rectum, est couranteNote de bas de page 3. Puisque ces infections sont souvent asymptomatiques ou cliniquement non spécifiques lorsqu’elles sont symptomatiques, elles sont probablement une source de transmission continuelleNote de bas de page 4. Pour les mêmes raisons, le diagnostic de ces infections nécessite une confirmation en laboratoireNote de bas de page 5. La culture était la principale méthode de détection des infections urogénitales, rectales et pharyngiennes jusqu’à ce qu’il y ait des tests moléculaires plus sensibles, comme le test d’amplification de l’acide nucléique (TAAN)Note de bas de page 6. Même si les Lignes directrices canadiennes sur les infections transmissibles sexuellementNote de bas de page 5 recommandent le TAAN, celui-ci n’est pas approuvé par Santé Canada pour les tests extragénitaux, à moins d’être validé par des laboratoires locaux.

En Ontario, le TAAN extragénital a été validé dans les cliniques d’ITS d’Ottawa et de Toronto chez les HARSAH, les travailleurs du sexe et leurs clients, et les contacts connus des personnes ayant reçu un diagnostic de gonorrhée ou de chlamydiaNote de bas de page 7. Cette validation a fait intervenir des cliniciens qui effectuent des cultures extragénitales et le TAAN pour les clients susmentionnés lorsqu’ils donnent leur consentement. Tous ces échantillons ont été envoyés au Laboratoire de santé publique de l’Ontario aux fins d’analyse et de comparaison. Comparativement à la culture, le TAAN présentait une sensibilité de 92,2 % et une spécificité de 99,9 % pour les tests pharyngiens et une sensibilité de 99,4 % et une spécificité de 99,9 % pour les tests rectaux. Le TAAN pour la gonorrhée, comparativement à la culture, a obtenu des résultats semblables; déterminer une sensibilité de 100 % pour les tests pharyngés et rectaux et une spécificité de 98,2 % et de 99,0 % pour la spécificité pharyngienne et rectale, respectivementNote de bas de page 7. Par site, la culture, comparativement au TAAN, avait un taux de détection de 13 % pour la gonorrhée pharyngienne, de 67 % pour la gonorrhée rectale, de 17 % pour la chlamydia pharyngienne et de 38 % pour la chlamydia rectale. Cette validation du TAAN extragénital a eu lieu de juillet à novembre 2017, suivie d’une mise en œuvre complète en avril 2018. Malgré ce changement dans la méthodologie des analyses, il n’y a eu aucun changement dans la pratique clinique pendant cette période. Les lignes directrices nationales recommandaient des tests extragénitaux et, dans la clinique de santé sexuelle, ces tests étaient régulièrement effectués (en utilisant la culture) lorsqu’ils étaient cliniquement indiqués et acceptés par les clients. Des tests extragénitaux ont été effectués par des médecins qui ont suivi les pratiques cliniques établies pour la collecte d’échantillons à ces sites. Les échantillons ont ensuite été envoyés au Laboratoire de santé publique de l’Ontario. Au cours de la période d’étude, la collecte d’échantillons extragénitaux par le patient n’était pas disponible.

Même si l’incidence du passage de la culture au TAAN pour la détection de la chlamydia et de la gonorrhée extragénitales chez les patients appartenant à la communauté HARSAH a été établieNote de bas de page 8, l’effet sur la surveillance au niveau de la population n’a pas été décrit. En outre, les données sur ce sujet sont issues d’études qui valident les tests extragénitaux dans les cliniques de dépistage des ITSNote de bas de page 8 et non de la pratique clinique courante qui intègre le TAAN, comme celle qui se produit à la clinique de santé sexuelle, où il y a environ 20 000 rencontres uniques de patients par année. Par conséquent, dans le présent document, on énumère la détermination des cas de gonorrhée et de chlamydia extragénitaux avant et après la mise en œuvre du TAAN rectal et pharyngien, et on montrera l’effet de ces tests sur la surveillance de la santé publique pour ces infections à Ottawa. L’analyse présente la proportion d’infections à la gonorrhée et à la chlamydia qui seraient omises dans une clinique d’ITS si un test urogénital (mais pas le TAAN) était effectué.

Méthodes

L’information sur les cas individuels de gonorrhée et de chlamydia diagnostiqués chez les résidents d’Ottawa de 1999 à 2019 a été extraite du Système intégré d’information sur la santé publiqueNote de bas de page 2 par Santé publique Ottawa le 19 novembre 2019. Date du diagnostic, site(s) du corps obtenant un résultat positif, fournisseur de tests et statut de HARSAH ont été extraits et analysés pendant deux périodes relativement à la validation et à la mise en œuvre du TAAN extragénital : pré-validation et pré-mise en œuvre (du 1er juillet 2012 au 30 juin 2017), puis mise en œuvre (du 1er mai 2018 au 31 octobre 2019). Les cas diagnostiqués à l’aide de tests extragénitaux étaient ceux pour lesquels les tests extragénitaux étaient positifs et les tests génitaux négatifs ou non effectués (tableau 1). Les cas diagnostiqués à l’aide de tests génitaux étaient ceux pour lesquels les tests urogénitaux étaient positifs, peu importe que les tests extragénitaux aient été effectués ou non et quels que soient les résultats de ces tests extragénitaux.

Tableau 1 : Classification des tests par site ayant reçu des résultats de test positif
Catégorie Site ayant reçu des résultats de test positif
Extragénital Pharyngien seulement
Rectal seulement
Pharyngien et rectal
Génital Urogénital seulement
Urogénital et pharyngien
Urogénital et rectal
Urogénital, pharyngien et rectal

L’incidence des tests extragénitaux sur la détermination des cas a été évaluée de deux façons à l’aide de Stata v.16.0. Premièrement, le nombre annuel moyen de cas de gonorrhée et de chlamydia diagnostiqués au cours de chaque période au moyen d’un test extragénital ou d’un test génital chez les HARSAH se présentant à la clinique de santé sexuelle a été calculé et comparé au moyen de tests de proportion. Deuxièmement, l’augmentation en pourcentage des diagnostics dans l’ensemble de la population en raison des tests extragénitaux, par opposition aux tests génitaux, a été calculée pour chaque infection et période de temps. De plus, on a effectué un test de proportion pour comparer la positivité en pourcentage des infections de gonorrhée et de chlamydia pharyngiennes et rectales, en se basant sur le volume total de ces tests qui ont été envoyés à des fins de dépistage.

Le pourcentage de positivité pour le TAAN extragénital effectué à la clinique de santé sexuelle au cours d’un sous-ensemble de la période de mise en œuvre (du 9 avril au 8 août 2019) a été fourni par le Laboratoire de santé publique de l’Ontario, qui analyse tous les échantillons de la clinique de santé sexuelle.

Résultats

Au cours de la période de cinq ans précédant la validation du TAAN extragénital (du 1er juillet 2012 au 30 juin 2017), une moyenne de 52 cas de gonorrhée et 83 cas de chlamydia ont été recensés chaque année chez les HARSAH qui fréquentent la clinique de santé sexuelle (tableau 2). Au cours des 18 mois (du 1er mai 2018 au 31 octobre 2019) qui ont suivi la mise en œuvre du TAAN extragénital à la clinique de santé sexuelle, un nombre annuel moyen de 220 et 210 cas de gonorrhée et de chlamydia, respectivement, ont été relevés chez les HARSAH (tableau 3) et ce nombre a été observé malgré l’absence d’augmentation dans le volume des tests de dépistage de 2015 à 2019.

Tableau 2 : Détection de gonorrhée ou de chlamydia par site d’infection, HARSAH, clinique de santé sexuelleNote a de tableau 2, Ottawa, du 1er juillet 2012 au 30 juin 2017
Cas Gonorrhée Chlamydia
Nombre de cas Nombre annuel moyen de cas Pourcentage de tous les cas Nombre de cas Nombre annuel moyen de cas Pourcentage de tous les casNote b de tableau 2
Tous les cas 258 51,6 100,0 % 414 82,8 100,0 %
Total avec site connu 258 51,6 100,0 % 413 82,6 99,8 %
Génital seulement 140 2,8 54,3 % 215 43 51,9 %
Génital et extragénital 37 7,4 14,3 % 27 5,4 6,5 %
Extragénital seulement 81 16,2 31,4 % 171 34,2 41,3 %
Pharyngien 14 2,8 5,4 % 18 3,6 4,3 %
Rectal 61 12,2 23,6 % 142 28,4 34,3 %
Pharyngien et rectal 6 1,2 2,3 % 11 2,2 2,7 %
Autre 0 0 0,0 % 1 0,2 0,2 %
Tableau 3 : Détection de gonorrhée ou de chlamydia par site d’infection, HARSAH, clinique de santé sexuelleNote a de tableau 3, Ottawa, du 1er mai 2018 au 31 octobre 2019
Cas Gonorrhée Chlamydia
Nombre de cas Nombre annuel moyen de cas Pourcentage de tous les cas Nombre de cas Nombre annuel moyen de cas Pourcentage de tous les casNote b de tableau 3
Tous les cas 348 219,8 100,0 % 332 209,7 100,0 %
Total avec site connu 348 219,8 100,0 % 330 208,4 99,4 %
Génital seulement 41 25,9 11,8 % 75 47,4 22,6 %
Génital et extragénital 64 40,4 18,4 % 40 25,3 12,0 %
Extragénital seulement 243 153,5 69,8 % 215 135,8 64,8 %
Pharyngien 106 66,9 30,5 % 19 12,0 5,7 %
Rectal 72 45,5 20,7 % 152 96,0 45,8 %
Pharyngien et rectal 65 41,1 18,7 % 44 27,8 13,3 %
Autre 0 0,0 0,0 % 2 1,3 0,6 %

Parmi les cas indiqués après la mise en œuvre, 70 % des cas de gonorrhée et 65 % des infections à la chlamydia ont été détectés à l’aide d’un test extragénital seulement; le reste a été détecté à partir des tests effectués sur des sites exclusivement génitaux ou génitaux et extragénitaux. En revanche, beaucoup moins d’infections (31 % de gonorrhée et 41 % de chlamydia, p < 0,00001 pour chacune) relevées avant la validation du TAAN extragénital n’ont été détectées qu’à la suite d’un test extragénital.

La gonorrhée et la chlamydia ont été détectées de façon différenciée dans le pharynx et le rectum des clients HARSAH à la clinique de santé sexuelle. On a effectué environ 50 % plus de TAAN pharyngiens que rectaux et le pourcentage de résultats positifs des tests pharyngiens et rectaux était de 8,3 % et 9,9 %, respectivement, pour la gonorrhée, et de 1,6 % et 11,3 %, respectivement, pour la chlamydia (Communication personnelle, Santé publique Ontario. Impact de Chlamydia trachomatis pharyngée et rectale et l’utilisation de tests non invasifs d’amplification des acides nucléiques [TAAN] de Neisseria gonorrhoeae, le 2 juillet 2019). Il s’ensuit que, pour la gonorrhée, plus de cas, en termes de nombre et de proportion de diagnostics, ont été détectés par des tests pharyngiens (49 %), comparativement aux tests rectaux (39 %) (tableau 3; tests pharyngiens+pharyngiens/rectaux par rapport aux tests rectaux+pharyngiens/rectaux). En revanche, pour la chlamydia, même si le volume des tests pharyngiens et rectaux prévoit la détection de cas plus pharyngiens que rectaux, une plus grande proportion de cas a été détectée par des tests rectaux (59 %) que prévu, comparativement aux tests pharyngiens (19 %) (p < 0,0001).

Enfin, le nombre de cas recensés au niveau de la population à Ottawa a augmenté en raison de l’existence d’un TAAN extragénital. Cette augmentation est particulièrement frappante pour la gonorrhée : entre 1999 et 2016, le taux de gonorrhée a augmenté en moyenne de 13 % chaque année; entre 2016 et 2018, lorsque le TAAN extragénital a été validé et mis en œuvre, l’augmentation annuelle moyenne était de 65 %. Avant la validation et la mise en œuvre du TAAN extragénital, les infections détectées à partir de sites extragénitaux ont permis de détecter respectivement 9 % et 2 % plus de cas de gonorrhée et de chlamydia que ceux détectés par les tests génitaux (figure 2). En revanche, 46 % et 7 % des cas de gonorrhée et de chlamydia ont été détectés dans les 18 mois suivant la mise en œuvre du TAAN extragénital, comparativement à ceux qui ont été diagnostiqués à l’aide de tests génitaux.

Figure 2 : Recherche de cas par dépistage génital ou extragénital, Ottawa, de juillet 2012 à octobre 2019

Figure 2 : Recherche de cas par dépistage génital ou extragénital, Ottawa, de juillet 2012 à octobre 2019

Description textuelle : Figure 2

Figure 2 : Recherche de cas par dépistage génital ou extragénital, Ottawa, de juillet 2012 à octobre 2019

A. Gonorrhée

Cette figure montre le nombre de cas de gonorrhée diagnostiqués aux sites génitaux par rapport aux sites extragénitaux entre juillet 2012 et juillet 2019 à Ottawa. Ce graphique montre que, même si presque tous ces diagnostics ont été effectués exclusivement dans la zone génitale avant la validation et la mise en œuvre des tests d’amplification de l’acide nucléique (TAAN) extragénitaux, la proportion de ces diagnostics qui étaient uniquement extragénitaux a augmenté considérablement après que le TAAN extragénital soit devenu disponible en juillet 2017.

B. Chlamydia

Cette figure montre le nombre de cas de chlamydia diagnostiqués aux sites génitaux par rapport aux sites extragénitaux entre juillet 2012 et juillet 2019 à Ottawa. Ce graphique montre que presque tous ces diagnostics étaient exclusivement génitaux avant et après la validation et la mise en œuvre du TAAN extragénital qui est devenu disponible en juillet 2017.


Discussion

L’analyse des tests de dépistage de la gonorrhée et de la chlamydia à la clinique de santé sexuelle, comparativement à la période où seule la culture était disponible pour les tests extragénitaux par rapport à la période où ces tests ont été effectués par le TAAN pour les HARSAH et d’autres groupes identifiés, a montré une augmentation importante de la proportion de ces infections détectées exclusivement à des sites extragénitaux. Ces résultats indiquent qu’un changement dans la technologie des laboratoires, sans changement dans la pratique clinique, a entraîné une augmentation du nombre de cas, ce qui a eu un effet profond sur le nombre de diagnostics à Ottawa. En ce qui concerne la gonorrhée, la constatation d’infections extragénitales chez les HARSAH qui visitent la clinique de santé sexuelle est passée de 31 % des infections avant la mise en œuvre du TAAN et à 70 % après la mise en œuvre du TAAN; i.e. selon les pratiques actuelles, pour trois cas où la gonorrhée a causé une infection génitale, il y a eu sept cas où cette infection était exclusivement extragénitale. Pour la chlamydia, la détection d’infections extragénitales est passée de 41 % avant la mise en œuvre du TAAN à 65 % après cette mise en œuvre.

Limites

Ces résultats doivent être interprétés en tenant compte de trois limites principales. Premièrement, les résultats des tests que l’on a analysés provenaient de la communauté des HARSAH qui ont fréquenté une clinique d’ITS. Les HARSAH rencontrés par les fournisseurs communautaires auraient pu avoir une prévalence plus faible d’infection dans les sites extragénitaux. Cependant, l’observation selon laquelle il y avait sept cas de gonorrhée extragénitale pour trois infections génitales chez ce groupe de clients des cliniques d’ITS suggère que de nombreuses infections pourraient ne pas être comptabilisées dans la communauté, même si la prévalence sous-jacente de l’infection était plus faible dans la communauté. À l’inverse, il est également plausible que les HARSAH qui visitent les cliniques d’ITS aient un fardeau moins lourd en matière d’ITS, en raison des comportements favorisant la santé; cela signifie que des taux plus élevés d’infection extragénitale pourraient être présents chez les HARSAH qui cherchent à faire des tests moins fréquemment ou qui le font chez des fournisseurs communautaires. Deuxièmement, parce que tous les HARSAH à risque à Ottawa pourraient ne pas recevoir des TAAN extragénitaux, ces résultats pourraient être une sous-estimation de son incidence. Autrement dit, si tous les fournisseurs communautaires effectuaient des TAAN extragénitaux sur leurs patients à risque de la communauté HARSAH, l’incidence sur la détection pourrait être encore plus grande que ce qui est documenté ici. Troisièmement, les augmentations observées dans l’analyse pourraient être attribuables à de réelles augmentations de l’incidence, plutôt qu’à des infections non détectées qui ont été relevées par une nouvelle technologie d’analyse. Autrement dit, les taux accrus de gonorrhée et de chlamydia ont pu coïncider avec le changement dans la technologie des analyses. On pourrait faire des comparaisons avec d’autres administrations. Toutefois, ces données seraient limitées par le fait que les données épidémiologiques actuellement déclarées de ces autres lieux ne font pas de distinction entre les sites anatomiques d’infection. Une autre stratégie consisterait à effectuer différentes analyses (e.g. approche par séries chronologiques), même si cela nécessitait l’accès à des données qui ne sont pas régulièrement accessibles au personnel de la clinique d’ITS ou de l’unité de santé publique et qui n’auraient probablement pas présenté des résultats très différents, puisque les taux globaux d’analyse entre 2015 et 2019 étaient relativement inchangés dans la clinique.

Recommandations

En ce qui concerne la pratique clinique, la principale recommandation découlant des résultats est que les fournisseurs doivent informer les patients qu’ils peuvent contracter des infections à gonorrhée et à chlamydia extragénitales, et qu’ils devraient offrir des tests extragénitaux aux HARSAH qui ont des relations sexuelles orales et anales avec plus d’un partenaire sexuel. Un tel dépistage devrait être offert indépendamment de la signalisation de l’utilisation de condoms, puisque des étudesNote de bas de page 7Note de bas de page 9Note de bas de page 10 ont permis de détecter des infections rectales malgré les pratiques sexuelles protégées déclarées par les patients. De plus, ces résultats appuient les lignes directrices actuelles de l’Agence de la santé publique du CanadaNote de bas de page 5 sur le dépistage des ITS afin d’effectuer des tests extragénitaux sur les patients à risque, à moins que le patient refuse de subir des tests ou nie avoir eu des contacts sexuels à un site d’extragénital. Ces résultats s’harmonisent également avec la recommandation des Centers for Disease Control and Prevention des États-UnisNote de bas de page 11 selon laquelle le dépistage extragénital devrait avoir lieu « indépendamment de l’utilisation du condom pendant l’exposition. » Il est toutefois important de noter que des recherches antérieures ont révélé de faibles taux de tests de dépistage extragénitaux dans de nombreux milieux cliniquesNote de bas de page 12Note de bas de page 13, ce qui pourrait entraîner l’omission de nombreux diagnostics.

Fait important, les résultats sont également conformes aux lignes directrices canadiennes sur la prophylaxie préexposition au VIHNote de bas de page 14, qui recommandent d’effectuer des tests de dépistage des ITS tous les trois mois pendant le suivi. Les fournisseurs qui offrent de la prophylaxie préexposition aux HARSAH, mais qui n’effectuent pas de tests extragénitaux, peuvent omettre un nombre important d’infections. Cela est problématique du point de vue de la prévention du VIH : puisque la gonorrhée et la chlamydia provoquent une inflammation dans le rectum, elles peuvent augmenter le risque d’acquisition du VIHNote de bas de page 15. La détection et le traitement des infections à gonorrhée et à chlamydia rectales peuvent donc fonctionner non seulement comme une stratégie de contrôle pour ces deux infections, mais aussi comme une intervention de prévention du VIH. Inversement, la détection de ces infections est une indication clinique pour la prophylaxie préexposition, puisqu’elle fournit des données probantes de sexe anal non protégé dans le contexte des risques biologiques accrus pour l’acquisition du VIHNote de bas de page 16Note de bas de page 17. Le dépistage de ces infections fonctionne donc également comme une stratégie de prévention du VIH, à la fois pour réduire la sensibilité biologique et pour identifier les personnes qui ont besoin de prophylaxie préexposition.

Puisque des études ont montré que l’acceptabilité d’un prélèvement rectal est inférieure à celle d’un prélèvement pharyngienNote de bas de page 18Note de bas de page 19, les fournisseurs pourraient envisager d’offrir des tests pharyngiens avec ou sans tests de dépistage rectaux. Même si les tests de dépistage effectués sur les deux sites extragénitaux, lorsqu’ils sont cliniquement indiqués, sont idéaux, l’analyse montre que les tests de dépistage pharyngiens seuls permettraient de détecter 70 % et 29 %, respectivement, des cas de gonorrhée et de chlamydia chez les HARSAH qui ne seraient pas détectés avec des tests d’urine uniquement. Le test pharyngien, mais non le test rectal, pourrait également être approprié, puisque plus de HARSAH déclarent avoir des relations sexuelles orales que des relations sexuelles anales non protégéesNote de bas de page 20; dans de tels cas, l’ajout d’écouvillons pharyngiens permettrait d’effectuer des tests de dépistage plus complets. Offrir des écouvillons pharyngiens, quelle que soit l’orientation sexuelle, peut aussi permettre aux patients d’accepter des tests plus complets sans avoir à divulguer le sexe de leurs partenaires sexuels aux fournisseurs de soins de santé. Cela pourrait augmenter les tests chez les HARSAH en soins primaires puisque jusqu’à 50 % des patients HARSAH déclarent hésiter à divulguer leur orientation sexuelle aux fournisseurs de soins de santéNote de bas de page 21Note de bas de page 22. L’offre d’écouvillons pharyngiens peut également accroître la détection parmi d’autres groupes, même si la proportion d’infections aux sites extragénitaux pour les groupes non HARSAH (e.g. les hommes ou les femmes qui ont des partenaires du sexe opposé) est inconnue et justifie des recherches. Un inconvénient potentiel de cette recommandation est que la présente analyse a détecté plus d’infections à chlamydia rectale que pharyngée, ce qui s’harmonise avec un récent examen de la documentation qui a révélé que les taux de chlamydia rectale étaient de 2,1 % à 23,0 % (taux moyen de 18,9 %) comparativement à un taux de 0 % à 3,6 % (taux moyen de 1,7 %) pour les infections pharyngéesNote de bas de page 8. Même si le tropisme cellulaire pour les cellules cylindriques (qui se trouvent dans le rectum, mais pas dans le pharynx) peut expliquer les résultats, d’autres recherches sont nécessaires.

Enfin, les résultats donnent également lieu à des recommandations pour l’interprétation de l’épidémiologie des ITS. En effet, la disponibilité d’un test de laboratoire plus sensible a changé la compréhension de l’épidémiologie de la gonorrhée et a souligné la nécessité de revoir le site d’infection de la gonorrhée au moment de tirer des conclusions sur les changements dans les taux d’ITS. Les taux d’incidence observés de la gonorrhée et de la chlamydia à Ottawa ont augmenté au cours des 20 dernières années. Cependant, le taux d’augmentation observé de la gonorrhée a été considérablement plus élevé depuis la validation du TAAN extragénital en 2017. L’augmentation de la recherche de cas en raison de l’utilisation d’un nouveau test en laboratoire suggère que, lorsque cette nouvelle méthode de laboratoire n’était pas disponible, de nombreuses infections existantes n’ont pas été diagnostiquées. Par conséquent, l’incidence de la gonorrhée dans le passé aurait pu être plus élevée que prévu et le nombre de diagnostics depuis 2016 pourrait représenter une augmentation moins importante que ce que l’on croit actuellement. Au lieu de cela, les taux actuels pourraient être une représentation plus précise du fardeau de l’infection. L’examen de ce point devrait guider les analyses à venir de l’épidémiologie de la gonorrhée et de la chlamydia.

Conclusion

On a examiné les taux et les nombres de diagnostics de gonorrhée et de chlamydia avant et après la validation et la mise en œuvre du TAAN extragénital et on a constaté que les augmentations locales dans les cas détectés de ces infections correspondaient à la mise en œuvre de cette nouvelle technologie de dépistage. À l’avenir, étant donné que le TAAN extragénital pour la gonorrhée est adopté par un plus grand nombre de fournisseurs de soins de santé, il est possible que le taux observé de gonorrhée continue d’augmenter. Le dépistage extragénital effectué au moyen du TAAN parmi d’autres groupes non HARSAH pourrait faire augmenter encore les taux apparents – même s’il est nécessaire d’effectuer d’autres recherches pour évaluer cette situation. Finalement, avec de meilleurs tests et traitements, on pourrait constater une diminution de l’incidence réelle et observée de la gonorrhée et possiblement aussi de la chlamydia. Entre-temps, offrir le TAAN extragénital aux HARSAH qui se livrent à des pratiques sexuelles impliquant des sites extragénitaux avec plus d’un partenaire sexuel est une bonne pratique clinique et de santé publique.

Déclaration des auteurs

  • D. S. F. — Rédaction de l’ébauche d’origine et révision, conceptualisation, expertise statistique
  • P. OB. — Rédaction de l’ébauche d’origine et révision, conceptualisation, expertise clinique

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Les deux auteurs souhaiteraient remercier K. Cronin et P. Nelson du Laboratoire de santé publique de l’Ontario pour l’extraction des données.

P. OB. tient à remercier sa chaire de recherche en santé publique et en prévention du VIH de l’Ontario HIV Treatment Network (OHTN).

Financement

Aucun.

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