Épidémie de tuberculose dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan

RMTC

Volume 47-11, novembre 2021 : Syndrome inflammatoire multisystémique chez les enfants

Étude épidémiologique

Analyse descriptive d’une éclosion de tuberculose dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan, décembre 2018 à mai 2019

Nnamdi Ndubuka1,2, Braeden Klaver3, Sabyasachi Gupta1, Shree Lamichhane1, Leslie Brooks1, Shirley Nelson1, Grace Akinjobi1

Affiliations

1 Northern Inter-Tribal Health Authority, Prince Albert, SK

2 Santé communautaire et épidémiologie, Université de la Saskatchewan, Saskatoon, SK

3 Régie de la santé des Premières Nations, Vancouver, BC

Correspondance

nndubuka@nitha.com

Citation proposée

Ndubuka N, Klaver B, Gupta S, Lamichhane S, Brooks L, Nelson S, Akinjobi G. Analyse descriptive d’une éclosion de tuberculose dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan, décembre 2018 à mai 2019. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2021;47(11):531–7. https://doi.org/10.14745/ccdr.v47i11a07f

Mots-clés : tuberculose, éclosion, enquête, Premières Nations, communauté autochtone, Saskatchewan, réserve, analyse des réseaux sociaux, recherche de cas

Résumé

Contexte : Le taux d’incidence de la tuberculose chez les Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans les réserves est 1,5 fois plus élevé que la moyenne nationale. En décembre 2018, un membre de l’une de ces communautés a été diagnostiqué avec une tuberculose avec un frottis positif 4+, ce qui a déclenché une enquête sur l’éclosion.

Objectifs : Décrire la réponse de la santé publique à l’enquête sur l’éclosion de tuberculose et mettre en évidence les facteurs de risque associés à la transmission de la tuberculose dans le nord de la Saskatchewan; et souligner la pertinence de l’outil de recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux dans la gestion des éclosions.

Méthodes : L’analyse descriptive comprenait les cas de tuberculose active et les cas d’infection tuberculeuse latente (ITL) liés au cas index par une recherche des contacts. Les données ont été recueillies à partir des cas de tuberculose active. Des analyses statistiques ont été effectuées et une analyse des réseaux sociaux a été réalisée en utilisant les lieux de résidence comme points de contact entre les cas.

Résultats : Au total, huit cas de tuberculose active et 41 cas d’ITL ont été identifiés dans le cadre de cette éclosion entre décembre 2018 et mai 2019. La moitié des cas (4/8) étaient âgés de 25 à 34 ans, et cinq d’entre eux avaient un frottis négatif. Un tiers des personnes atteintes d’ITL étaient âgées de 15 à 24 ans, et environ la moitié d’entre elles ont obtenu un résultat positif au nouveau test cutané à la tuberculine (TCT). Les facteurs de risque couramment rapportés pour les cas de tuberculose et d’ITL étaient : la consommation d’alcool, le tabagisme, la consommation de marijuana, une infection tuberculeuse antérieure et être en situation d’itinérance. L’analyse des réseaux sociaux a indiqué une relation entre l’augmentation de la centralité du nœud et le fait de devenir un cas actif.

Conclusion : La recherche en temps réel de contacts basée sur les réseaux sociaux, utilisée dans le cadre de la recherche active de cas, a été très efficace pour identifier les cas, et le soutien infirmier renforcé, les cliniques mobiles et la radiographie mobile ont bien fonctionné comme moyen de confirmer les cas et de proposer un traitement. Les éclosions de tuberculose dans les communautés des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans les réserves sont favorisées par des facteurs propres à la population. Les efforts visant à mettre en œuvre des interventions adaptées au contexte sont primordiaux pour gérer les éclosions de tuberculose et prévenir leur transmission future.

Introduction

Dans le monde entier, la tuberculose est un problème de santé majeur avec environ 10 millions de personnes diagnostiquées en 2017 seulementNote de bas de page 1. En réponse à cette situation, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a défini les grandes lignes d’une collaboration mondiale visant à réduire l’incidence de la tuberculose à moins de 10 cas pour 100 000 habitants d’ici 2035Note de bas de page 2. Les taux d’incidence au Canada sont restés relativement stables au cours de la dernière décennie, avec 1 737 nouveaux cas de tuberculose active déclarés en 2016Note de bas de page 3, ce qui équivaut à un taux d’incidence de 4,8 pour 100 000. Cependant, le taux national ne représente pas fidèlement certains sous-ensembles de la population canadienneNote de bas de page 2Note de bas de page 3.

Les taux d’incidence de la tuberculose en Saskatchewan sont continuellement supérieurs à la moyenne nationale, soit 7,9 cas de tuberculose active pour 100 000 habitants en 2016Note de bas de page 4. La même année, il y a eu 91 cas actifs de tuberculose en Saskatchewan; 39 (43 %) se trouvaient dans le nord de la province, bien que seulement 3,6 % de la population de la province vivent dans cette régionNote de bas de page 4Note de bas de page 5. Sur les 39 cas recensés dans le nord de la Saskatchewan, 31 étaient des membres des Premières Nations vivant dans des réserves, ce qui équivaut à un taux d’incidence de 87,1 pour 100 000 dans cette populationNote de bas de page 4Note de bas de page 6.

En Saskatchewan, tous les cas de tuberculose active sont signalés par l’autorité sanitaire locale à TB Prevention and Control Saskatchewan. Après le diagnostic de la tuberculose active, des enquêtes de recherche des contacts sont lancées pour identifier toute personne ayant été exposée afin de l’évaluer et de la suivre. La plupart des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans des réserves sont gérées par la Northern Inter-Tribal Health Authority, qui travaille avec TB Prevention and Control Saskatchewan ainsi qu’avec la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, Services aux Autochtones Canada.
En décembre 2018, un membre d’une communauté de la Northern Inter-Tribal Health Authority a été diagnostiqué avec une tuberculose avec un frottis positif 4+ après avoir été admis à l’hôpital pour de graves complications liées à la tuberculose. Cette personne était symptomatique depuis environ huit mois. Une enquête plus approfondie a révélé qu’elle avait été diagnostiquée comme souffrant d’une infection tuberculeuse latente (ITL) lors d’une éclosion de tuberculose antérieure, mais n’avait pas terminé son traitement. Il a été conclu qu’il s’agissait d’un cas de réactivation, et non d’une transmission continue, et qu’elle pouvait être considérée comme un cas index. Les infirmières spécialisées en tuberculose de Northern Inter-Tribal Health Authority ont immédiatement lancé une recherche de contacts et une recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux pour identifier les personnes exposées. En juin 2019, sept autres cas de tuberculose active et 41 cas d’ITL ayant des liens avec le cas index avaient été diagnostiqués, ce qui a déclenché une enquête sur l’éclosion.

L’objectif de ce rapport est de décrire les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des cas de l’éclosion ainsi que leurs facteurs de risque et leur réseau social. Le rapport entend également mettre en lumière les interventions intégrales de santé publique qui ont contribué à atténuer l’ampleur de cette éclosion dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans une réserve.

Méthodes

Identification des cas

Les cas de tuberculose active et latente ont été inclus dans cette analyse. Les cas étaient considérés comme actifs si la tuberculose était confirmée cliniquement ou en laboratoire ou si la personne avait été potentiellement exposée à une autre personne atteinte de tuberculose active, identifiée par des recherches des contacts. La confirmation en laboratoire nécessitait une culture, à partir d’expectorations, de liquides organiques ou de tissus contenant le complexe Mycobacterium tuberculosis. Le diagnostic clinique comprend une radiographie pulmonaire montrant des modifications pulmonaires indicatives de la tuberculose, ou des preuves histopathologiques de tuberculose active, ou une réponse au traitement antituberculeux, ou des symptômes actifs de tuberculose non respiratoire.

Les cas d’ITL remplissaient les conditions suivantes : un test cutané à la tuberculine (TCT) confirmant la présence de M. tuberculosis; aucun signe de maladie cliniquement active; aucun changement radiographique suggérant une maladie active; des tests microbiologiques négatifs (le cas échéant); et une exposition potentielle à un cas de tuberculose active de l’éclosion.

Collecte des données

Nous avons extrait les données des dossiers remplis par les infirmières spécialisées en tuberculose au cours des enquêtes sur les cas, des recherches des contacts et des évaluations de suivi. Les informations contenues dans les dossiers comprenaient des données sur les variables sociodémographiques, les caractéristiques cliniques, les facteurs de risque, les réseaux sociaux et les interventions de santé publique.

Les variables sociodémographiques comprenaient l’âge et le sexe, tandis que les caractéristiques cliniques comprenaient le site de l’infection, le statut du frottis d’expectoration, le statut du TCT et le statut du traitement. Les facteurs de risque comprenaient le tabagisme, la consommation d’alcool, de marijuana, être en situation d’itinérance et les comorbidités. Les données sur les réseaux sociaux comprenaient les connexions entre les cas de tuberculose active, les cas d’ITL et les ménages exposés. Nous avons évalué les interventions de santé publique en utilisant des données sur les méthodes de détection des cas, le nombre de personnes évaluées, les cas mis sous traitement et l’accès aux soins.

Analyse des données

L’analyse descriptive des cas de l’éclosion a été réalisée à l’aide du progiciel statistique R version 3.4.3 (R Foundation for Statistical Computing, Vienne, Autriche), et la courbe épidémique a été créée dans Excel version 2019 (Microsoft Corp., Redmond, Washington, États-Unis). Les cas de tuberculose active et les cas d’ITL ont été séparés aux fins de l’analyse. Les cas ont été décrits en utilisant des proportions pour chacune des variables sociodémographiques, cliniques et de facteurs de risque évaluées.

L’analyse des réseaux sociaux a été réalisée à l’aide du logiciel Gephi version 0.9.2 (Consortium Gephi, Compiègne, France). Toutes les personnes atteintes de tuberculose active et d’ITL ont été reliées aux ménages qu’elles ont visités, chez qui elles ont séjourné ou dans lesquels elles ont vécu pendant les périodes d’infectivité. Des moyennes sur le nombre de liens pour les ménages et les cas ont également été calculées.

Les interventions ont été évaluées à l’aide de statistiques descriptives de base des indicateurs pertinents, qui comprenaient à la fois des proportions et des moyennes calculées dans le progiciel statistique R.

Résultats

Huit cas de tuberculose active et 41 cas d’ITL diagnostiqués entre décembre 2018 et mai 2019 répondaient aux critères d’inclusion de l’éclosion. La courbe épidémique illustre une augmentation rapide des cas après le diagnostic du cas index avec une infection tuberculeuse avec un frottis positif 4+ le 13 décembre 2018 (figure 1). Les 8 cas de tuberculose active avaient été diagnostiqués avant mars 2019, tandis que le nombre de cas d’ITL diagnostiqués a augmenté régulièrement pour atteindre un pic de 15 cas en mars, avant de diminuer sensiblement.

Figure 1 : Courbe épidémique d’une éclosion de tuberculose dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans une réserve, entre décembre 2018 et mai 2019

Figure 1

Description textuelle : Figure 1

Le graphique montre le nombre total de cas de tuberculose active et d’infection tuberculeuse latente signalés à la santé publique de la Northern Inter-Tribal Health Authority (NITHA) entre décembre 2018 et mai 2019. Une moyenne de deux cas actifs par mois a été signalée entre décembre 2018 et mars 2019. Le nombre de cas d’infection tuberculeuse latente a augmenté rapidement, passant de deux cas en décembre 2018 à un maximum de 15 cas en mars 2019.


Caractéristiques sociodémographiques et cliniques

Six des huit personnes atteintes de tuberculose active étaient des hommes, et quatre avaient entre 25 et 34 ans (tableau 1). Six d’entre eux étaient des nouveaux TCT positifs (test effectué ayant un résultat positif pour la première fois), et seulement deux ont été diagnostiqués avec une tuberculose avec un frottis positif 4+. Six ont été diagnostiqués avec une tuberculose pulmonaire; deux avaient une tuberculose ganglionnaire. Tous ont commencé le traitement prescrit.

Tableau 1 : Caractéristiques sociodémographiques et cliniques des membres de la communauté atteints de tuberculose active et d'ITL dans l'éclosion de décembre 2018 à mai 2019
Variables Cas de tuberculose active (n = 8) Cas d'ITL (n = 41)
Nombre %Tableau 1 footnote a Nombre %Tableau 1 footnote a
Sexe Homme 6 75 20 49
Femme 2 25 21 51
Groupe d'âge Moins de5 1 13 2 5
5 à 14 1 13 5 12
15 à 24 2 25 14 34
25 à 34 4 50 8 20
35 à 44 0 0 5 12
45 à 54 0 0 4 10
55 à 64 0 0 1 2
65 et plus 0 0 2 5
Statut du TCTTableau 1 footnote b Nouveau TCT positif 6 75 23 56
TCT antérieur positif 2 25 18 44
Statut bactériologique Frottis positif, culture positive 2 25 0 0
Frottis négatif, culture positive 5 63 0 0
Frottis négatif, culture négative 0 0 34 83
Pas de confirmation bactériologique 1 13 7 17
Site de l'infection Pulmonaire 6 75 s.o. s.o.
Lymphatique 2 25 s.o. s.o.
Traitement Oui 8 100 31 76
Non/refusé 0 0 7 17

Les hommes (20/41; 49 %) et les femmes (21/41; 51 %) représentaient une proportion égale des personnes atteintes d’ITL. La majorité d’entre eux étaient âgés de 15 à 24 ans (14/41; 34 %), et un peu plus de la moitié étaient des nouveaux TCT positifs (23/41; 56 %). Seules quelques personnes (7/41; 17 %) ont refusé le traitement, sur recommandation des médecins, en raison de complications potentielles avec d’autres médicaments ou une grossesse.

Analyse des facteurs de risque

Les personnes atteintes de tuberculose active présentaient une prévalence élevée de facteurs de risque; cinq d’entre elles consommaient des cigarettes et de l’alcool et quatre de la marijuana (tableau 2). Deux de celles qui n’ont consommé aucune substance avaient moins de 15 ans. Deux d’entre elles étaient en situation d’itinérance; il est à noter que l’une d’entre elles était le cas index. Seuls deux d’entre elles avaient déjà été infectées par la tuberculose.

Tableau 2 : Facteurs de risque des membres de la communauté atteints de tuberculose active et d'ITL dans l'éclosion de décembre 2018 à mai 2019
Variables Cas de tuberculose active (n = 8) Cas d'ITL (n = 41)
NombreTableau 2 footnote a %Tableau 2 footnote b NombreTableau 2 footnote a %Tableau 2 footnote b
En situation d'itinérance Oui 2 25 4 10
Non 6 75 37 90
Comorbidité Diabète 0 0 1 2
Infection tuberculeuse antérieure 2 25 16 39
Les deux 0 0 2 5
Aucune 6 75 21 51
Tabagisme Oui 5 63 24 58
Non 3 38 16 39
Consommation d'alcool Oui 5 63 23 56
Non 3 38 17 41
Consommation de marijuana Oui 4 50 16 39
Non 4 50 24 59

La prévalence des facteurs de risque chez les personnes atteintes d’ITL était similaire à celle des cas actifs, plus de la moitié (23/41) ayant déclaré consommer des cigarettes et de l’alcool. Plus d’un tiers (16/41; 39 %) ont déclaré consommer de la marijuana, et quatre étaient en situation d’itinérance (10 %). Deux (5 %) avaient déjà souffert d’une infection tuberculeuse et d’un diabète; 16 (39 %) avaient déjà été diagnostiqués avec une infection tuberculeuse.

Analyse des réseaux sociaux

La recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux a permis d’identifier 39 (80 %) des 49 personnes atteintes de tuberculose et d’ITL (tableau 3). Le réseau social comprend 62 nœuds au total : 13 ménages exposés (21 %) et 49 cas (79 %). Il y avait en moyenne 9,4 liens par ménage et 2,5 liens par cas.

Tableau 3 : Caractéristiques générales du réseau social des personnes atteintes de tuberculose active et d'ITL dans l'éclosion de décembre 2018 à mai 2019
Variables Nombre de cas
n %
Méthode de détection des cas Symptômes 1 2
Recherche des contacts traditionnelle 9 18
Recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux 39 80
Nœuds Ménages 13 21
Cas 49 79
Liens Total 122 100

La carte des réseaux sociaux (figure 2) illustre les nombreuses voies potentielles de transmission de la tuberculose. La personne identifiée comme le cas index, qui était en situation d’itinérance, se déplaçait beaucoup et était centrale dans le réseau, exposant neuf ménages différents. Il convient de noter que les cas de tuberculose active présentent une connectivité plus élevée dans le réseau que les cas d’ITL, avec une moyenne de 4,3 liens par nœud, contre 2,1 liens par nœud pour les cas d’ITL.

Figure 2 : Analyse des réseaux sociaux d’une éclosion de tuberculose dans une communauté des Premières Nations vivant dans une réserve du nord de la Saskatchewan

Figure 2

Description textuelle : Figure 2

La figure montre l’analyse des réseaux sociaux en temps réel de l’enquête sur les cas pour cette épidémie de tuberculose.

Dans le diagramme, la taille du nœud représente la centralité du ménage impliqué tandis que l’épaisseur des liens reflète le niveau d’infectivité d’un cas. Le cas index a exposé neuf ménages différents, parmi lesquels le ménage 1 a été trouvé comme étant lié au plus grand nombre de cas de tuberculose active secondaires et d’infection tuberculeuse latente (n = 18), car cet endroit était fréquemment visité par les personnes en situation d’itinérance et d’autres personnes du groupe de jeune âge. Les ménages 2, 3, 6, 9 et 10 ont été identifiés comme étant chacun étant lié à plus de 10 individus, car ces ménages servaient de lieux de fête, de socialisation et d’autres rassemblements. Sur les huit cas actifs, un cas actif n’a pas été confirmé par des épreuves bactériologiques (vert).


Certains ménages du réseau semblent être des points clés d’exposition et de transmission du cas index, puisque le ménage 1 avait des liens avec quatre cas de tuberculose active secondaire et 14 cas d’ITL; le ménage 1 était fréquenté par des personnes en situation d’itinérance et par de jeunes familles. En outre, les ménages 2, 3, 6, 9 et 10 sont chacun connectés à plus de 10 personnes au sein du réseau; ensemble, ils ont une moyenne de 13,4 cas connectés. Ces ménages sont connus pour être des points de rassemblement clés dans le réseau social, servant de lieux de socialisation, de fêtes ou pour jouer aux cartes.

Interventions de santé publique

L’enquête en temps réel sur les contacts du réseau social a été utilisée pour la première fois dans une communauté de la Northern Inter-Tribal Health Authority pour améliorer la recherche de cas. Au total, 136 personnes ont été impliquées dans cette enquête sur l’éclosion; 109 (80 %) ont été identifiées par la recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux, tandis que 26 (20 %) ont été trouvées lors d’entretiens de recherche de contacts de routine.

Le suivi a fait partie intégrante de la gestion de l’éclosion, avec des infirmières et des médecins spécialistes en tuberculose effectuant des TCT, des enquêtes sur les symptômes et des évaluations cliniques. Au total, 135 contacts ont été identifiés sur une période de cinq mois. En réponse à l’afflux de personnes, Northern Inter-Tribal Health Authority a commencé à envoyer deux infirmières par visite de la communauté, au lieu d’une seule, jusqu’à ce que la communauté engage deux infirmières spécialisées en tuberculose à temps partiel pour soutenir les efforts de gestion. Les visites de cliniques mobiles sont passées de tous les deux mois à une fois par mois afin de réduire les temps d’attente pour les examens médicaux et radiologiques mobiles.

Sept personnes (14 %) ont refusé le traitement en raison d’une grossesse ou d’interactions potentielles avec d’autres médicaments. Pour les personnes qui ont accepté le traitement, la pratique actuelle dans les communautés de la Northern Inter-Tribal Health Authority était de fournir une thérapie sous observation directe pour améliorer l’adhésion à la prise des médicaments. En conséquence, il a été décidé d’engager un agent communautaire supplémentaire spécialisé en tuberculose à temps plein et un autre à temps partiel pour permettre à tous les nouveaux cas de commencer le traitement dès le diagnostic.

En outre, TB Prevention and Control Saskatchewan exigeait que tous les enfants de moins de cinq ans identifiés comme potentiellement exposés reçoivent un traitement préventif pendant la période de latence sérologique dans les deux semaines suivant leur identification. Dans cette éclosion, 22 enfants de cette tranche d’âge ont été placés sous traitement préventif dans ce laps de temps jusqu’au diagnostic final.

Discussion

Les constatations suite à cette éclosion ont mis en évidence les facteurs importants liés à la transmission de la tuberculose dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans une réserve. Il convient de noter que les cas de l’éclosion étaient principalement de jeunes adultes et que la plupart d’entre eux avaient un nouveau résultat positif au TCT. Les infections pulmonaires étaient la manifestation la plus courante de la tuberculose active, et la majorité des cas étaient à frottis négatif. Les cas de l’éclosion présentaient une prévalence élevée de facteurs de risque connus, tels que le tabagisme et la consommation d’alcool et de marijuana. Une constatation importante a été l’impact de l’itinérance sur l’éclosion, puisque six cas d’éclosion ont été identifiés comme étant en situation d’itinérance, y compris le cas index.

L’analyse des réseaux sociaux a montré la complexité de ceux-ci et l’importance des lieux partagés dans une communauté des Premières Nations du nord de la Saskatchewan vivant dans une réserve. Le nombre moyen élevé de ménages visités par cas indique la nature de la mobilité et un comportement de socialisation prononcé. En outre, il semble y avoir une corrélation entre le niveau de connectivité des ménages exposés et le fait d’avoir une tuberculose active ou une ITL. L’analyse des réseaux sociaux a également révélé une quantité importante de transmission entre le cas index et les autres.

Les constatations liées à cette éclosion reflètent la compréhension actuelle de l’épidémiologie de la tuberculose dans les populations des Premières Nations en ce qui a trait à l’âge, au sexe et à la localisation de la maladieNote de bas de page 7; toutefois, les taux de positivité des frottis parmi les cas actifs de l’éclosion étaient beaucoup plus faibles que prévu. Ce faible taux de positivité des frottis reflète probablement l’amélioration de la recherche de cas, qui a facilité un diagnostic plus précoce.

La forte prévalence des facteurs de risque connus chez les personnes identifiées comme ayant une tuberculose active et une ITL dans cette éclosion peut contribuer à expliquer son ampleur et son intensité. On sait que la consommation de substances supprime le système immunitaire, augmentant ainsi la probabilité de contracter une infection tuberculeuse et que celle-ci progresse vers une tuberculose activeNote de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9Note de bas de page 10. En outre, la situation d’itinérance peut être un facteur critique dans certaines éclosions de tuberculose, car on sait que les personnes en situation d’insécurité du logement sont confrontées à de multiples difficultés, notamment l’accès aux soins de santé et la gestion de priorités concurrentes qui peuvent entraver les comportements favorisant la santéNote de bas de page 11Note de bas de page 12Note de bas de page 13. Les enquêtes menées dans le cadre de cette éclosion ont révélé que le cas index avait des difficultés à accéder aux soins de santé en raison de sa situation d’itinérance. L’individu a dormi dans plusieurs foyers, ce qui a entraîné la transmission ou la transmission potentielle de la maladie à un certain nombre de personnes qui y vivaient ou y étaient socialisées.

Malgré le taux élevé de diabète chez les populations des Premières Nations et le risque accru de tuberculose associé, son impact sur l’éclosion a été minimeNote de bas de page 7Note de bas de page 14. De plus, bien que l’on considère qu’une infection tuberculeuse antérieure réduise la probabilité de contracter à nouveau la tuberculoseNote de bas de page 7Note de bas de page 15, dans le contexte de cette éclosion, la plupart des personnes ayant déjà été positives ont été considérablement exposées et ont donc dû être réévaluées.

Les résultats de l’analyse des réseaux sociaux font écho à d’autres constatations, notamment la relation entre une exposition accrue à la tuberculose et la probabilité de transmission et de progression de la maladieNote de bas de page 7Note de bas de page 13. En outre, l’importance de l’emplacement des ménages en ce qui concerne la transmission dans un contexte de réserve a été soulignée dans cette éclosion, ce qui confirme les résultats précédentsNote de bas de page 13Note de bas de page 16.

La mise en œuvre de la recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux s’est avérée très fructueuse puisqu’elle a permis d’identifier la majorité des personnes exposées. Nos résultats reflètent la compréhension actuelle selon laquelle la recherche des contacts basée sur les réseaux sociaux est un outil éprouvé dans les contextes où il existe une stigmatisation sociale, une forte mobilité, un degré élevé de socialisation ou un grand nombre de contacts exposésNote de bas de page 7Note de bas de page 13Note de bas de page 16. En revanche, les méthodes traditionnelles de recherche des contacts se sont avérées peu efficaces pour identifier les personnes exposées.

Malgré l’afflux important de personnes, le suivi et le traitement ont été des atouts majeurs lors de cette éclosion. Le manque de personnel et la difficulté d’accès aux soins de santé sont des problèmes courants dans les réserves éloignées des Premières NationsNote de bas de page 7Note de bas de page 17; toutefois, la capacité de la communauté a été augmentée après le début de l’éclosion. Les efforts de gestion de l’éclosion ont également permis d’atteindre les indicateurs clés de gestion décrits dans les normes sur la tuberculose, notamment le début ou l’offre d’un traitement pour tous les cas d’ITL, la réalisation des recherches des contacts dans les sept jours civils et le suivi des contacts dans les 28 jours civilsNote de bas de page 7. En outre, tous les cas éligibles d’ITL ont accepté un traitement et s’y sont soumis immédiatement après le diagnostic, ce qui est bien supérieur à la recommandation actuelle de 80 %Note de bas de page 7Note de bas de page 18. Les individus dans la communauté ont reçu une thérapie sous observation directe, un mode de traitement typique dans les populations difficilesNote de bas de page 7Note de bas de page 19. La directive sur le traitement préventif pendant la période de latence sérologique, telle que décrite dans les normes sur la tuberculose, a également été suivie de manière exhaustive avec tous les enfants de moins de cinq ansNote de bas de page 7.

Conclusion

Les interventions en cas d’éclosion de tuberculose dans des populations uniques, comme les réserves des Premières Nations, doivent tenir compte des défis propres au contexte avant leur mise en œuvre, par exemple, les données démographiques et les facteurs de risque de transmission de la tuberculose propres à la population. Le niveau élevé de transition entre les ménages dans les communautés des Premières Nations est un facteur important à prendre en compte lors de la recherche de cas, en particulier avec les personnes en situation d’itinérance. L’adaptation proactive des initiatives de gestion permet de mieux gérer les éclosions et, en définitive, de les prévenir à l’avenir. La recherche en temps réel des contacts basée sur les réseaux sociaux est un outil essentiel pour améliorer la recherche active de cas lors des enquêtes sur les éclosions.

Déclaration des auteurs

  • B. K. — Conceptualisation, extraction et analyse des données, visualisation, rédaction de la version préliminaire, rédaction–révision et édition
  • S. G. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition
  • G. A. — Conceptualisation, rédaction–révision et édition, supervision
  • S. L. — Rédaction–révision et édition
  • L. B. — Enquête
  • S. N. — Enquête
  • N. N. — Conceptualisation, enquête, rédaction–révision et édition, supervision

Le contenu de l’article et les points de vue qui y sont exprimés n’engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Nous tenons à remercier la Northern Inter-Tribal Health Authority et les infirmières spécialisées en tuberculose de la communauté qui ont participé à la recherche de cas et à la collecte de données pour cette éclosion. Nous tenons également à remercier TB Prevention and Control Saskatchewan pour le rôle qu’ils ont joué en fournissant des détails supplémentaires sur les données manquantes dans les dossiers de cas et en mettant à jour le statut de cas pour de nombreux individus de l’éclosion. Enfin, nous tenons à remercier la communauté de nous avoir permis d’utiliser ses données aux fins du présent rapport.

Financement

Aucun.

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