Caracterisation de la syphilis infectieuse féminine en Colombie-Britannique

RMTC

Volume 48-2/3, février/mars 2022 : Résurgence de la syphilis au Canada

Surveillance

Caractérisation des cas de syphilis infectieuse féminine en Colombie-Britannique afin de déterminer les possibilités d'optimisation des soins

Kaylie Willemsma1, Lindsay Barton2, Rochelle Stimpson2, Irene Pickell2, Venessa Ryan2, Amanda Yu2, Ann Pederson1,3, Gina Ogilvie1,2,3, Troy Grennan1,2, Jason Wong1,2

Affiliations

1 Faculté de médecine, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver, BC

2 Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique, Vancouver, BC

3 BC Women's Hospital, Vancouver, BC

Correspondance

kaywill@student.ubc.ca

Citation proposée

Willemsma K, Barton L, Stimpson R, Pickell I, Ryan V, Yu A, Pederson A, Ogilvie G, Grennan T, Wong J. Caractérisation des cas de syphilis infectieuse féminine en Colombie-Britannique afin de déterminer les possibilités d'optimisation des soins. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(2/3):76–84. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i23a03f

Mots-clés : syphilis infectieuse féminine, infections transmissibles sexuellement, syndémies, déterminants sociaux de la santé, consommation de substances, instabilité résidentielle, Canada

Résumé

Introduction : Le taux de syphilis infectieuses continue d'augmenter chez les femmes en Colombie-Britannique et au Canada, ce qui soulève des préoccupations quant à l'augmentation de l'incidence de la syphilis congénitale. Nous avons caractérisé les cas de syphilis chez les femmes de la Colombie-Britannique afin de déterminer les possibilités de prévenir la syphilis et d'optimiser ses soins.

Méthodes : Tous les cas de syphilis infectieuse diagnostiqués en Colombie-Britannique entre le 13 mars 2018 et le 31 décembre 2020 et s'identifiant comme femme ont été examinés. Des données démographiques, des facteurs de risque et des conditions concurrentes ont été recueillis auprès d'un système de surveillance provincial. Des analyses de sous-groupes comparant des cas avec et sans instabilité du logement, consommation de substances, maladie mentale et une infection sexuellement transmissible récente (ITS) ont été effectuées afin de comprendre les différences entre ces sous-groupes. Les associations statistiques ont été calculées au moyen de tests khi carré ou de tests t.

Résultats : Au cours de cette période, 226 cas de syphilis infectieuse féminine ont été déclarés en Colombie-Britannique : 38 (16,8 %) en 2018; 74 (32,7 %) en 2019; et 114 (50,4 %) en 2020. L'âge moyen était de 32 ans (intervalle de 15 à 75 ans). Parmi les personnes qui ont déclaré des conditions concomitantes, la plupart des cas ont connu une instabilité du logement (71,1 %), une consommation de substances (68,2 %) et une maladie mentale (83,9 %), alors que 42,9 % avaient une ITS récente. Les cas qui ont déclaré une instabilité du logement ou une consommation de substances étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir récemment eu une ITS, avoir des antécédents de vie dans la rue, de rapports sexuels transactionnels, une maladie mentale et une aide au revenu (tous p < 0,01).

Conclusion : Nos résultats soulignent l'importance de favoriser un environnement propice aux soins de la syphilis. Des services simultanés pour soutenir les personnes atteintes de syphilis ainsi que l'instabilité du logement, la consommation de substances et la maladie mentale pourraient aider à prévenir la syphilis et à améliorer le bien-être.

Introduction

Les taux de syphilis infectieuse ont augmenté en Colombie-Britannique et partout au Canada. Bien que la syphilis infectieuse affecte de façon disproportionnée les hommes gais, bisexuels ou ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes (gbHARSAH), un nombre croissant de cas sont déclarés parmi les populations féminines et hétérosexuelles, ce qui soulève des préoccupations quant à l'incidence accrue de la syphilis congénitale. De 2016 à 2020, les taux de syphilis infectieuse féminine ont augmenté de 740 % au CanadaNote de bas de page 1. À l'heure actuelle, un cas sur trois de syphilis infectieuse au Canada concerne des femmesNote de bas de page 1. Parallèlement, il y a eu une augmentation du nombre de cas de syphilis congénitale à l'échelle nationale, de 4 cas en 2016 à 50 cas en 2020Note de bas de page 1.

En Colombie-Britannique, le taux de syphilis infectieuses a augmenté de 138 % chez les femmes de 2018 à 2020Note de bas de page 2. Le ratio hommes-femmes des cas de syphilis infectieuse en Colombie-Britannique a diminué, passant de 15,9 en 2018 à 6,7 en 2020Note de bas de page 2. Il convient de noter que le nombre de cas de syphilis infectieuse déclarés en 2020 pourrait être une sous-estimation en raison de l'accès réduit aux services de santé et des préoccupations liées à la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)Note de bas de page 3. La Colombie-Britannique a déclaré trois cas de syphilis congénitale précoce en 2019; les premiers cas déclarés en six ansNote de bas de page 4. En réponse, le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) a cherché à mettre à jour son plan d'action provincial en matière de syphilisNote de bas de page 5, en mettant davantage l'accent sur la prévention de la syphilis et des complications connexes chez les femmes.

Pour éclairer la mise à jour du Plan d'action contre la syphilis, le BCCDC a mené des consultations avec les intervenants en fonction des piliers décrits dans le Cadre d'action pancanadien sur les infections transmissibles sexuellement et par le sangNote de bas de page 6Note de bas de page 7. Les consultations ont mis l'accent sur la nécessité d'une approche syndémique pour lutter contre la syphilisNote de bas de page 7Note de bas de page 8. La théorie des syndémies suppose que les problèmes de santé ont tendance à coexister, à être synergiques et à exacerber le fardeau de la santé chez les populations marginaliséesNote de bas de page 8. En particulier, les consultations ont mis en lumière la nécessité de s'attaquer à des conditions concurrentes, y compris l'instabilité du logement, la consommation de substances et la maladie mentale, ainsi que des facteurs systémiques tels que la relation avec un fournisseur de soins de santé dans le cadre de la réponse provinciale à la syphilisNote de bas de page 6Note de bas de page 7. Afin de mieux comprendre la prévalence de ces conditions concomitantes et de ces facteurs de risque et de déterminer les possibilités d'optimiser les soins pour les femmes touchées par la syphilis, nous avons examiné tous les cas de syphilis infectieuse chez les femmes déclarées en Colombie-Britannique.

Méthodes

Contexte

Les cliniciens du BCCDC ont effectué ou coordonné la gestion des cas et des partenariats avec des fournisseurs de tests pour tous les cas de syphilis infectieuse diagnostiqués en Colombie-Britannique afin d'assurer des tests, un traitement, et un suivi approprié. Depuis le 13 mars 2018, tous les renseignements sur les cas et les partenaires ont été saisis dans les systèmes provinciaux de dossiers médicaux électroniques (DME) du profil Intrahealth.

Critères d'inclusion

Cette étude descriptive comprenait un examen rétrospectif de tous les cas féminins de syphilis infectieuse (i.e. stade primaire, secondaire ou latent précoce) diagnostiqués en Colombie-Britannique du 13 mars 2018 au 31 décembre 2020. Les définitions de cas pour les stades infectieux de la syphilis sont disponibles sur le site Web du BCCDCNote de bas de page 9.

Source de données

Les cas de syphilis infectieuse féminine ont été identifiés par le système de DME du profil Intrahealth. Des détails sur les cas, y compris les données démographiques, les facteurs de risque et les conditions concurrentes, ont été recueillis par l'entremise du système de DME et du système CareConnect. CareConnect est un visualiseur intégré de l'information clinique provenant de l'ensemble de la Colombie-Britannique, y compris les rencontres cliniques et les renseignements de laboratoireNote de bas de page 10.

Variables d'intérêt

La géographie était fondée sur les limites géographiques des autorités sanitaires de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 11. L'urbanité était définie comme étant la vie dans une région métropolitaine comptant plus de 500 000 habitants.

L'établissement du dépistage de la syphilis a été déterminé à l'aide de l'adresse du médecin ordonnateur et classé comme 1) les milieux communautaires (y compris la pratique de première ligne, les cliniques spécialisées et les cliniques sans rendez-vous), 2) les milieux hospitaliers (y compris les services hospitaliers, les services ambulatoires et les services d'urgence) ou 3) les milieux de sensibilisation (y compris les cliniques axées sur les soins aux personnes atteintes du virus de l'immunodéficience humaine [VIH], de la consommation de substances ou de la maladie mentale).

Les notes explicatives ont été examinées pour comprendre la raison du dépistage qui a abouti au diagnostic de syphilis. La raison des tests a été classée comme 1) contact avec une infection transmise sexuellement (ITS), 2) examen médical d'immigration, 3) incident, 4) prénatal ou à l'accouchement, 5) dépistage de routine ou 6) symptomatique.

Une ITS récente a été définie comme un diagnostic de chlamydia, de gonorrhée ou de syphilis au cours des cinq années précédant la date du diagnostic de la syphilis.

Les conditions concourantes (e.g. instabilité du logement, la vie dans la rue, consommation de substances et maladie mentale) étaient fondées sur la documentation de l'état dans les notes cliniques ou comme diagnostic dans les DME avec un code international de classification des maladies. Par souci de simplicité, la maladie mentale a été catégorisée comme oui/non. Les types de substances utilisées et l'état du logement au moment du diagnostic ont également été recueillis lorsqu'ils ont été documentés.

Le nombre de partenaires incluait tous ceux déclarés pendant la période infectieuse de syphilis. La notification aux partenaires était jugée complète si les cliniciens de la syphilis étaient en mesure d'informer tous les partenaires ou de faire toutes les tentatives raisonnables pour le faire, ou si le cas indiquait qu'ils en informeraient eux-mêmes leurs partenaires. Le lien avec un prestataire de soins primaires était fondé sur des preuves de visites et de tests répétés du même fournisseur.

Les codes postaux ont été utilisés pour estimer la situation socioéconomique à l'aide de l'Indice canadien de défavorisation multiple de Statistique Canada dans quatre domaines : 1) la composition ethnoculturelle; 2) la vulnérabilité de la situation; 3) la dépendance économique; et 4) l'instabilité résidentielleNote de bas de page 12. Si le client n'avait pas d'adresse fixe ou de code postal inconnu, le code postal du médecin ordonnateur a été utilisé à la place.

Analyses statistiques

Des analyses descriptives ont été effectuées sur la cohorte complète de cas de syphilis infectieuse féminine, et une sous-analyse plus poussée a été effectuée sur les cas maternels. Des tests khi carré ou tests t ont été effectués sur quatre sous-groupes : 1) l'instabilité du logement; 2) la consommation de substances; 3) la maladie mentale; et 4) une ITS récente afin d'explorer les associations entre des conditions concomitantes. Ces sous-groupes ont été choisis en raison de leur association connue avec la syphilis et de leur potentiel de prévention de la syphilis, tel qu'il est décrit dans le Cadre pancanadien de lutte contre la syphilis et dans le Plan d'action de la Colombie-Britannique en matière de syphilisNote de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. La signification statistique a été définie comme p < 0,01.

Éthique

Cette étude a été entreprise pour appuyer les efforts de surveillance et de prévention de la syphilis qui relèvent du mandat du BCCDC en matière de santé publique; par conséquent, l'approbation éthique n'était pas requise.

Résultats

En Colombie-Britannique, il y a eu 226 cas déclarés de syphilis infectieuse chez les femmes entre le 13 mars 2018 et le 31 décembre 2020. Le nombre de cas est passé de 38 (16,8 %) en 2018 à 74 (32,7 %) en 2019 et à 114 (50,4 %) en 2020. Le nombre moyen de cas par mois était de 4,0, 6,2 et 9,5 pour 2018, 2019 et 2020, respectivement. L'âge moyen au moment du diagnostic était de 32 ans (intervalle de 15 à 75 ans). Les cas ont été répartis dans l'ensemble de la Colombie-Britannique, plus de la moitié d'entre eux résidant dans les deux autorités sanitaires les plus peuplées de la Colombie-Britannique (i.e. Vancouver Coastal Health et Fraser Health Authority). Plus des deux tiers ont été diagnostiqués au début du stade latent de l'infection (tableau 1).

Tableau 1 : Statistiques descriptives des cas de syphilis infectieuse chez les femmes
Variables n %
Âge (années) (n = 226)
Moyenne 32,5 s.o.
Médiane 30,9 s.o.
Min. 15,5 s.o.
Max. 75,4 s.o.
Catégories d'âge (n = 226)
Moins de 20 ans 18 8,0 %
20 à 30 ans 81 35,8 %
30 à 40 ans 92 40,7 %
40 à 50 ans 16 7,1 %
Plus de 50 ans 19 8,4 %
Année — total (n = 226)
2018Tableau 1 Note de bas de page a 38 16,8 %
2019 74 32,7 %
2020 114 50,4 %
Année — nombre moyen de cas par mois (n = 226)
2018Tableau 1 Note de bas de page a 4,0 s.o.
2019 6,2 s.o.
2020 9,5 s.o.
Autorités sanitaires (n = 223)
Nord 9 4,0 %
Intérieur 24 10,8 %
Île de Vancouver 59 26,5 %
Fraser 61 27,4 %
Vancouver Coastal 70 31,4 %
Urbanité (n = 213)
Région métropolitaine 106 49,8 %
Non métropolitain 107 50,2 %
Ethnie (n = 92)
Caucasien 31 33,7 %
Non caucasien 61 66,3 %
Stades infectieux (n = 226)
Principale 22 9,7 %
Secondaire 49 21,7 %
Latente précoce 155 68,6 %
Grossesse (n = 116)
Oui 24 20,7 %
Non 92 79,3 %
Établissement du diagnostic (n = 148)
Communauté 71 48,0 %
Hôpital 28 18,9 %
Sensibilisation 49 33,1 %
Raison des tests (n = 217)
Contact avec une ITS 34 15,7 %
Examen médical d'immigration 5 2,3 %
Incident 22 10,1 %
Prénatal ou à l'accouchement 23 10,6 %
Examen de routine 60 27,7 %
Symptomatique 73 33,6 %
ITS récentes (n = 198)
Oui 85 42,9 %
Non 113 57,1 %
Séropositif (VIH) (n = 198)
Oui 8 4,0 %
Non 190 96,0 %
Logement (n = 97)
Stable 28 28,9 %
Instable 69 71,1 %
     Aucune adresse fixe 43 44,3 %
     Chambre individuelle/hôtel 15 15,5 %
     Modulaire/subventionné 7 7,2 %
     Refuge 4 4,1 %
Vie dans la rue (n = 89)
Oui 64 71,9 %
Non 25 28,1 %
Rapports sexuels transactionnels (n = 42)
Oui 26 61,9 %
Non 16 38,1 %
Consommation de substances (n = 157)
Non 50 31,9 %
Oui 107 68,2 %
     Alcool 10 6,4 %
     Stimulants 17 10,8 %
     Opioïdes 3 1,9 %
     enzodiazépines 1 0,6 %
     Polysubstance 76 48,4 %
Maladie mentale (n = 87)
Oui 73 83,9 %
Non 14 16,1 %
Aide au revenu (n = 59)
Oui 39 66,1 %
Non 20 33,9 %
Historique de l'incarcération (n = 20)
Oui 17 85,0 %
Non 3 15,0 %
Genre des partenaires (n = 199)
Femme seulement 2 1,0 %
Homme seulement 191 96,0 %
Homme et femme 6 3,0 %
Nombre de partenaires (n = 188)
Moyenne 2,6 s.o.
0 8 4,3 %
1 94 50,0 %
2 à 5 75 39,9 %
6 ou plus 11 5,8 %
Notification des partenaires complétée (n = 217)
Oui 146 67,3 %
Non 71 32,7 %
Connecté au fournisseur de soins primaires (n = 220)
Oui 176 80,0 %
Non 44 20,0 %

Le cadre de diagnostic le plus courant était la communauté (n = 71/148, 48,0 %), suivie par la sensibilisation (n = 49/148, 33,1 %) et l'hôpital (28/148, 18,9 %). La raison la plus courante pour les tests était la présentation de symptômes correspondant à la syphilis (n = 73/217, 33,6 %), suivie d'un dépistage de routine (n = 60/217, 27,7 %) et en raison de la notification d'exposition à une ITS (n = 34/217, 15,7 %). Le dépistage prénatal/à l'accouchement de la syphilis était la raison du diagnostic dans environ 10 % des cas (n = 23/217). Huit cas ont été co-infectés par le VIH, ce qui représente 4,0 % des 198 cas avec un statut de VIH connu. En moyenne, chaque cas comptait 2,6 partenaires précédents. La plupart des cas ont complété le processus de notification des partenaires (n = 146/217, 67,3 %) et ont été reliés à un prestataire de soins primaires (n = 176/220, 80,0 %) (tableau 1).

Parmi les cas où des conditions concomitantes ont été déclarées, 42,9 % (n = 85/198) avaient une ITS récente et la majorité avaient connu une instabilité du logement (n = 69/97, 71,1 %), la vie dans la rue (n = 64/89, 71,9 %), des rapports sexuels transactionnels (n = 26/42, 6,9 %), la consommation de substances (n = 107/157, 68,2 %), la maladie mentale (n = 73/87, 83,9 %) et l'aide au revenu (n = 39/59, 66,1 %). De plus, 17 cas ont déclaré un historique d'incarcération, ce qui représentait 85,0 % (n = 17/20) des personnes ayant des antécédents connus d'incarcération, ou 7,5 % (n = 17/226) de tous les cas (tableau 1).

Plus de la moitié des cas se trouvaient dans les deux quintiles les plus bas pour la vulnérabilité situationnelle et l'instabilité résidentielle (52,8 % et 60,3 %, respectivement), de l'Indice canadien de défavorisation multiple de Statistique Canada. Les quintiles de composition de la dépendance ethnoculturelle et économique étaient répartis de façon plus égale (figure 1).

Figure 1 : Indice canadien de défavorisation multiple de Statistique Canada (n = 212)Figure 1 a

Figure 1

Description textuelle : Figure 1
Quintile Composition ethnoculturelle Vulnérabilité situationnelle Dépendance économique Instabilité résidentielle
1 les plus privilégiés 29 13,7 % 28 13,2 % 54 25,5 % 22 10,4 %
2 39 18,4 % 36 17,0 % 36 17,0 % 23 10,8 %
3 49 23,1 % 36 17,0 % 47 22,2 % 39 18,4 %
4 52 24,5 % 46 21,7 % 35 16,5 % 34 16,0 %
5 les plus défavorisés 43 20,3 % 66 31,1 % 40 18,9 % 94 44,3 %

Il y a eu 24 cas de syphilis infectieuse maternelle, ce qui représente 20,7 % des 116 cas de grossesse connue. L'âge moyen était de 30 ans (intervalle de 23 à 41 ans). Près de la moitié (n = 11/23, 47,8 %) résidaient dans une région métropolitaine. Plus de 90 % ont été diagnostiqués au stade précoce latent de l'infection (tableau 1). En ce qui concerne les conditions concomitantes, de nombreux cas maternels de syphilis ont eu une ITS récente (n = 8/21, 38,1 %) et ont connu une instabilité du logement (n = 7/17, 41,2 %), la vie dans la rue (n = 7/12, 58,3 %), la consommation de substances (n = 10/17, 58,8 %) et les maladies mentales (n = 6/9, 66,7 %) (tableau A1 de l'annexe).

Notre analyse sur les quatre sous-groupes a révélé que les cas de logement instable étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des expériences de diagnostic d'une ITS récente, de vivre dans la rue, de rapports sexuels transactionnels, de consommation de substances, de maladie mentale, d'aide au revenu et de ne pas avoir complété la notification au partenaire (p < 0,01 pour tous). Les cas qui utilisaient des substances étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des antécédents de diagnostic d'une ITS récente, d'un logement instable, d'une vie dans la rue, de rapports sexuels transactionnels, d'une maladie mentale et d'une aide au revenu (p < 0,01 pour tous). Les cas diagnostiqués de maladie mentale étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des expériences d'instabilité du logement, d'une vie dans la rue et de consommation de substances (p < 0,01 pour tous). Enfin, les cas qui ont eu une ITS récente étaient beaucoup plus susceptibles de résider dans une région métropolitaine et d'avoir vécu des antécédents de logement instable, d'une vie dans la rue et de consommation de substances (p < 0,01 pour tous) (tableau 2).

Tableau 2 : Analyses de sous-groupes
Variables Sous-groupes
Instabilité du logement
(n = 97)
Consommation de substances
(n = 157)
Maladie mentale
(n = 87)
ITS récentes
(n = 198)
Urbanité n.s. n.s. n.s. 0,012 3
ITS récentes 0,000 3 0,002 5 n.s. s.o.
Instabilité du logement s.o. < 0,000 1 0,000 6 0,000 3
Vie dans la rue < 0,000 1 < 0,000 1 0,000 5 0,006 2
Sexe transactionnel < 0,000 1 < 0,000 1 n.s. n.s.
Consommation de substances < 0,000 1 s.o. 0,000 3 0,002 5
Maladie mentale 0,000 6 0,000 3 s.o. n.s.
Aide au revenu 0,002 8 0,000 3 n.s. n.s.
Notification du partenaire non complétée 0,008 2 n.s. n.s. n.s.

Discussion

Nous avons décrit tous les cas de syphilis infectieuse chez les femmes diagnostiqués en Colombie-Britannique entre mars 2018 et décembre 2021 afin de mieux comprendre les facteurs de l'infection par la syphilis et les possibilités d'optimiser les soins pour les femmes touchées par la syphilis. Nous avons constaté qu'une proportion élevée des cas de syphilis chez les femmes en Colombie-Britannique ont déclaré une instabilité du logement, une vie dans la rue, une consommation de substances, une maladie mentale et une aide au revenu. Notre analyse de chacun des quatre sous-groupes a révélé des liens étroits entre ces conditions.

Il y a peu d'études axées sur la syphilis infectieuse féminine à l'échelle mondiale. Des études récentes du Manitoba, au Canada, ont révélé une prévalence de conditions concomitantes tout aussi élevéeNote de bas de page 13Note de bas de page 14. Une étude descriptive de la syphilis féminine de 2003 à 2015 a révélé que comparativement aux cas de syphilis chez les hommes, les cas de femmes étaient plus susceptibles de déclarer une co-infection avec la chlamydia et la consommation d'alcoolNote de bas de page 13. De plus, la proportion de cas hétérosexuels de syphilis signalant une co-infection avec la chlamydia, l'instabilité du logement et la consommation de substances était plus élevée entre 2015 et 2018 comparativement à la période de 2011 à 2014, ce qui a coïncidé avec une diminution du ratio hommes-femmes au ManitobaNote de bas de page 14. Les auteurs ont conclu qu'il y avait deux épidémies simultanées de syphilis : l'une chez les gbHARSAH et l'autre chez la population hétérosexuelle, cette dernière étant plus difficile à contrôlerNote de bas de page 14.

Nous avons également constaté qu'une proportion élevée de cas de syphilis infectieuse maternelle présentaient une ITS récente; une conclusion semblable à celle rapportée dans une étude de cas nationale américaine de 2012 à 2016Note de bas de page 15. Notre analyse des cas maternels a révélé une proportion élevée d'une vie dans la rue, de la consommation de substances, de la maladie mentale et de l'aide au revenu, ce qui est conforme à un examen récent de l'Agence de la santé publique du CanadaNote de bas de page 16. Ces facteurs peuvent également contribuer à des expériences de discrimination et avoir une incidence sur l'accès aux soins prénatals qui ont une incidence sur la santé et le bien-être globaux de la mère et du bébéNote de bas de page 16.

La forte association entre les déterminants socio-économiques, les conditions concomitantes et l'infection à la syphilis appuie la nécessité d'une approche fondée sur la syndémie pour répondre à l'épidémie actuelle de syphilisNote de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 17Note de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20. Cela comprend la reconnaissance et la déconstruction des obstacles structurels, comme ceux pour un logement abordable et stableNote de bas de page 16. Notre étude a révélé une surreprésentation des femmes atteintes de syphilis dans les quintiles d'instabilité résidentielle les plus défavorisés, mettant l'accent sur la marginalisation des femmes atteintes de la syphilis en Colombie-Britannique.

L'incarcération est également un facteur clé qui se croise et peut exacerber les ITSS. Deux études canadiennes récentes ont révélé que la population carcérale était plus mobile et présentait des taux élevés d'antécédents de consommation de substances, de maladie mentale, de rapports sexuels transactionnels et d'instabilité financière et de logementNote de bas de page 21Note de bas de page 22. Ces conditions concomitantes se renforcent mutuellement et compliquent le diagnostic et les soins de suivi liés aux ITSS, en raison de la stigmatisation et du manque de lien avec un fournisseur de soins cohérent, ce qui contribue finalement à des résultats de santé précairesNote de bas de page 21Note de bas de page 22. Ainsi, les partenariats avec les établissements correctionnels fédéraux et provinciaux peuvent aider à soutenir les personnes infectées par la syphilis. Bien que la plupart des établissements correctionnels aient des programmes de dépistage des ITSS, ces programmes varient grandement en ce qui concerne les maladies dépistées, l'approche à l'égard des tests (i.e. l'acceptation volontaire ou l'exclusion) et l'exigence d'être symptomatiques pour être testées pour les ITSSNote de bas de page 23Note de bas de page 24Note de bas de page 25. Notre étude s'ajoute à la documentation existante qui appuie la mise en œuvre d'un dépistage universel des ITSS axé sur le client dans tous les milieux correctionnelsNote de bas de page 23Note de bas de page 25.

Notre étude peut offrir un aperçu des possibilités d'améliorer les soins de syphilis. Nous avons constaté que près de la moitié des diagnostics se trouvaient dans le milieu communautaire, ce qui pourrait être un domaine d'investissement pour mieux traiter à la fois la syphilis et les autres épidémies croissantes, comme l'instabilité du logement, la consommation de substances et la maladie mentale, par la co-implantation de soutiens supplémentaires comme les services de travailleurs sociaux et de counselingNote de bas de page 19. En outre, la collaboration avec les services d'urgence, les centres de soins d'urgence et les établissements correctionnels en vue d'élaborer des normes et des ressources adaptées pour ces établissements peut aider à identifier les cas de syphilis et à améliorer les liens avec les équipes de soins et de sensibilisation en santé publique. Bien que ce ne soit pas le cadre dans lequel la majorité des cas de notre étude ont été diagnostiqués, les services d'urgence sont fréquemment utilisés par les populations qui n'ont pas de fournisseur de soins primaires ou qui sont marginalisées par l'instabilité financière, le manque de logements et autres systèmes de soutienNote de bas de page 16.

Limites

Cette étude comporte plusieurs limites. Premièrement, l'examen des graphiques ne saisissait pas l'ensemble des antécédents médicaux et sociaux de chaque cas. Par conséquent, la présence ou l'absence de facteurs de risque et de conditions concurrentes n'était pas connue dans tous les cas et certaines variables avaient des échantillons de plus petite taille. Par exemple, il y avait peu de données non spécifiques documentées dans les graphiques des clients concernant l'origine ethnique des cas. Une meilleure compréhension des expériences différentielles des groupes ethniques a déjà été identifiée comme une priorité pour d'autres travaux en Colombie-BritanniqueNote de bas de page 26Note de bas de page 27. Deuxièmement, seuls les cas de syphilis infectieuse diagnostiqués pouvaient être analysés; par conséquent, certaines populations qui n'ont pas accès, qui ne sont pas sensibilisées ou qui n'ont pas d'organisme pour subir des tests de dépistage de syphilis, auraient été sous-représentées dans cette étude. Enfin, cette étude était de nature descriptive et ne démontre pas de causalité entre les facteurs d'infection et le diagnostic de syphilis. Cependant, nos constatations sont conformes à la documentation et renforcent les données probantes sur l'augmentation des services pour traiter les conditions socioéconomiques et concurrentes dans la réponse à l'épidémie de syphilis.

Conclusion

Dans l'ensemble, cette étude a caractérisé tous les cas de syphilis infectieuse chez les femmes diagnostiquées en Colombie-Britannique sur une période de près de trois ans. Nous avons constaté que sur les 226 cas de syphilis infectieuse chez les femmes, une proportion importante présentait des conditions concomitantes, y compris l'instabilité du logement, la consommation de substances et les maladies mentales. À notre connaissance, il s'agit de la plus importante analyse descriptive de la syphilis infectieuse chez les femmes au Canada. De plus, l'utilisation de systèmes d'information clinique provinciaux complets a permis de mieux comprendre le contexte socioéconomique des cas de syphilis infectieuse. Les résultats de notre étude peuvent aider à suggérer des interventions visant à promouvoir des conditions favorables pour prévenir et optimiser les soins des femmes affectées par la syphilis, tel que l'intégration des mesures de soutien en matière de maladie mentale et de toxicomanie aux soins des ITS.

Déclaration des auteurs

K. W. — Conceptualisation, méthodologie, enquête, traitement des données, rédaction de la version originale, révision et édition

L. B. — Conceptualisation, méthodologie, enquête, révision et édition

S. R. — Révision et édition

I. P. — Enquête, révision et édition

V. R. — Conceptualisation, méthodologie, traitement des données, révision et édition

A. Y. — Traitement des données, révision et édition

A. P. — Révision et édition

G. O. — Révision et édition

T. G. — Conceptualisation, révision et édition

J. W. — Conceptualisation, méthodologie, rédaction d'une ébauche originale, révision et édition, administration du projet

Le contenu de l'article et les points de vue qui y sont exprimés n'engagent que les auteurs et ne correspondent pas nécessairement à ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

Les auteurs n'ont aucun intérêt concurrent à déclarer.

Remerciements

Les auteurs aimeraient remercier E. Wong pour sa contribution à cette étude. Nous aimerions également reconnaître le Laboratoire de santé publique du BCCDC et l'équipe clinique de lutte contre la syphilis pour leur rôle continu dans la prise en charge et la défense des personnes touchées par la syphilis.

Financement

Aucun financement externe n'a été reçu pour ce projet.

Annexe Tableau A1 : Statistiques descriptives de la syphilis maternelle (n = 24)

Variables n %
Âge (années) (n = 24)
Moyenne 30,6 s.o.
Médiane 30,0 s.o.
Min. 23,3 s.o.
Max. 41,7 s.o.
Année — total (n = 24)
2018Tableau 1 Note de bas de page a 2 8,3 %
2019 7 29,2 %
2020 15 62,5 %
Année — nombre moyen de cas par mois (n = 24)
2018Tableau 1 Note de bas de page a 0,2 s.o.
2019 0,6 s.o.
2020 1,3 s.o.
Autorités sanitaires (n = 23)
Nord 1 4,3 %
Intérieur 4 17,4 %
Île de Vancouver 4 17,4 %
Fraser 7 30,4 %
Vancouver Coastal 7 30,4 %
Urbanité (n = 23)
Région métropolitaine 11 47,8 %
Non métropolitain 12 52,2 %
Ethnie (n = 11)
Caucasien 5 45,5 %
Non caucasien 6 54,5 %
Stades infectieux (n = 24)
Principale 0 0 %
Secondaire 1 4,2 %
Latente précoce 23 95,8 %
Configuration du diagnostic (n = 17)
Communauté 13 76,5 %
Hôpital 2 11,8 %
Sensibilisation 2 11,8 %
Raison des tests (n = 24)
Contact avec une ITS 1 4,2 %
Prénatal ou à l'accouchement 21 87,5 %
Examen de routine 2 8,3 %
Symptomatique 0 0 %
ITS récentes (n = 21)
Oui 8 38,1 %
Non 13 61,9 %
Séropositif (VIH) (n = 21)
Oui 0 0 %
Non 21 100 %
Logement (n = 17)
Stable 10 58,8 %
Pas stable 7 41,2 %
     Aucune adresse fixe 5 29,4 %
     Chambre individuelle/hôtel 2 11,8 %
     Modulaire/subventionné 0 0 %
     Refuge 0 0 %
Vie dans la rue (n = 12)
Oui 7 58,3 %
Non 5 41,7 %
Rapports sexuels transactionnels (n = 4)
Oui 1 25,0 %
Non 3 75,0 %
Consommation de substances (n = 17)
Non 7 41,2 %
Oui 10 58,8 %
     Alcool 1 5,9 %
     Stimulants 3 17,6 %
     Opioïdes 0 0 %
     Benzodiazépines 0 0 %
     Polysubstances 6 35,3 %
Maladie mentale (n = 9)
Oui 6 66,7 %
Non 3 33,3 %
Aide au revenu (n = 4)
Oui 3 75,0 %
Non 1 25,0 %
Historique de l'incarcération (n = 2)
Oui 2 100 %
Non 0 0 %
Genre des partenaires (n = 19)
Femme 0 0 %
Homme 19 100 %
Homme et femme 0 0 %
Nombre de partenaires (n = 21)
Moyenne 1,8 s.o.
1 15 71,4 %
2 à 5 5 23,8 %
6 ou plus 1 4,8 %
Notification des partenaires complétée (n = 23)
Oui 17 73,9 %
Non 6 26,1 %
Connecté au fournisseur de soins primaires (n = 24)
Oui 20 83,3 %
Non 4 16,7 %
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