Accroître les rôles des fournisseurs de sang canadiens

RMTC

Volume 48-4, avril 2022 : La santé des Premières Nations

Aperçu

Les fournisseurs de sang canadiens : un rôle croissant dans la surveillance de la santé publique?

Sheila F O'Brien1,2, Steven J Drews3,4, Antoine Lewin5,6, Carla Osiowy7, Michael A Drebot7, Christian Renaud5

Affiliations

1 Épidémiologie et surveillance, Société canadienne du sang, Ottawa, ON

2 École d'épidémiologie et de santé publique, Université d'Ottawa, Ottawa, ON

3 Microbiologie, Société canadienne du sang, Edmonton, AB

4 Microbiologie diagnostique et appliquée, médecine de laboratoire et pathologie, Université de l'Alberta Edmonton, AB

5 Héma-Québec, Montréal, QC

6 Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke, Sherbrooke, QC

7 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Winnipeg, MB

Correspondance

sheila.obrien@blood.ca

Citation proposée

O'Brien SF, Drews SJ, Lewin A, Osiowy C, Drebot MA, Renaud C. Les fournisseurs de sang canadiens : un rôle croissant dans la surveillance de la santé publique? Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(4):140–6. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i04a02f

Mots-clés : donneurs de sang, surveillance, santé publique, épidémiologie

Résumé

La pandémie de coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2) a galvanisé les études de séroprévalence des donneurs de sang, qui continuent d'éclairer les politiques de santé publique. Nous proposons que les deux fournisseurs de sang canadiens, Héma-Québec et la Société canadienne du sang, élargissent leur rôle de surveillance de la santé publique en période postpandémique. Ensemble, les fournisseurs de sang ont une portée quasi nationale, puisqu'ils collectent des dons de sang presque tous les jours dans toutes les grandes villes et dans de nombreuses petites municipalités. Les donneurs de sang constituent un sous-ensemble sain de la population générale. Les données démographiques, les tests de routine des maladies infectieuses et les données du questionnaire de dépistage sont recueillis pour tous les dons. Près d'un million d'échantillons de sang par année pourraient être fournis pour la surveillance. Grâce à 90 % de donneurs réguliers, un échantillonnage longitudinal est possible. La surveillance actuelle des donneurs de sang comprend le suivi des taux de marqueurs infectieux dans les populations à faible risque (e.g. le VIH, le virus de l'hépatite C) ou asymptomatiques (e.g. le virus du Nil occidental), et des études ad hoc pour surveiller les infections transmissibles par transfusion. Il s'agit notamment d'infections transmises par les tiques, comme Babesia microti, et d'infections d'origine alimentaire, comme l'hépatite E. La Société canadienne du sang et Héma-Québec cherchent activement à établir un dialogue avec des professionnels de la santé publique afin d'étoffer leur rôle dans la surveillance de la santé publique.

Introduction

Deux services de sang financés par l'État fournissent aux Canadiens des produits sanguins frais et fractionnés. Héma-Québec dessert le Québec, et la Société canadienne du sang dessert les neuf autres provinces et les trois territoires. Formés en 1998 à la suite de la Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada (Commission Krever) sur le VIH transmis par transfusion, les fournisseurs de sang fonctionnent sans lien de dépendance avec le gouvernement afin de garantir leur autonomie. Le champ d'activité des fournisseurs de sang s'est ensuite étendu aux registres de cellules souches, aux banques de sang de cordon ombilical, aux banques de lait humain, aux banques de tissus et à la coordination des transplantations d'organes (les rôles varient selon le fournisseur de sang). La recherche appliquée est une priorité élevée et les deux organisations disposent de services indépendants d'épidémiologie et de surveillance ainsi que de services de recherche et développement/innovation qui se concentrent principalement sur la sûreté du sang et sur l'élaboration de la politique des services de sang.

Dans ce commentaire, nous discutons du rôle des services de sang dans la surveillance de la santé publique jusqu'à présent et proposons que ce rôle soit élargi.

Le SRAS-CoV-2 annonce un nouveau rôle pour les services du sang

En mars 2020, l'Organisation mondiale de la Santé a déclaré que la COVID-19 était une pandémie. Les deux services de sang ont mis en place et continuent de mettre en place une sérosurveillance du coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2)Note de bas de page 1Note de bas de page 2. Les services de sang du monde entier ont tiré parti de leur infrastructure pour lancer rapidement des études de séroprévalence afin d'éclairer les politiques de santé publique. En juin 2020, soit trois mois à peine après la déclaration de la pandémie, dans 32 des 48 (67 %) pays étudiés, les exploitants de systèmes d'approvisionnement de sang avaient lancé des études de séroprévalence du SRAS-CoV-2Note de bas de page 3Note de bas de page 4. Dans la plupart des cas, le service de sang était la seule entité capable de collecter et de tester rapidement un grand nombre d'échantillons de sang provenant de personnes en bonne santé. Ces études se sont poursuivies dans de nombreux pays. Aux États-Unis, ces exploitants collaborent avec les Centres de contrôle et de prévention des maladies et fournissent systématiquement les résultats des tests.

Au Canada, les exploitants de systèmes d'approvisionnement en sang se sont très tôt fortement engagés auprès de la santé publique, des réseaux de laboratoires de santé publique, des modélisateurs mathématiques et des partenaires universitaires. L'approche des deux fournisseurs de sang était quelque peu différente. Plus de 18 600 dons ont été testés par Héma-Québec en collaboration avec le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, puis avec le Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19 du gouvernement du Canada. Ils ont réalisé trois études transversales, notamment les antécédents d'infection et les facteurs de risque déclarés par les donneursNote de bas de page 2. La Société canadienne du sang a collaboré avec le Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19 du gouvernement du Canada pour tester mensuellement des échantillons transversaux provenant de neuf provinces (plus de 250 000 échantillons testés)Note de bas de page 1.

Les deux exploitants de systèmes d'approvisionnement en sang ont également collaboré avec des groupes d'essais cliniques pour fournir des produits de plasma de convalescents anti-SRAS-CoV-2 à leurs études. La Société canadienne du sang a également mené une étude de séroprévalence de moindre envergure, financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, qui a permis de tester 1 500 dons par mois. La Société canadienne du sang a ainsi pu établir des liens avec des collaborateurs dans des universités, des groupes de recherche de l'industrie, des organismes de santé publique et des laboratoires de santé publique provinciaux et nationaux. Les données générées et les enseignements tirés ont permis d'élaborer une politique de santé publique et d'orienter les pratiques des laboratoires provinciaux et cliniques. En outre, les données et les connaissances ont été largement communiquées à d'autres personnels de laboratoire et ont conduit à d'autres collaborations universitaires. Ces échanges se maintiennent alors que les tests sérologiques permettent de surveiller le déploiement du vaccin et les concentrations d'anticorps. Les deux fournisseurs de sang fournissent des données sur la séroprévalence du SRAS-CoV-2 au Secrétariat du Groupe de travail sur l'immunité face à la COVID-19 du gouvernement du Canada situé à l'Université McGill, à Montréal, Québec. Ces données contribuent aux analyses visant à évaluer la séroprévalence de l'infection naturelle ainsi que l'incidence du déploiement du vaccin.

Après une pandémie, les services de sang au Canada doivent-ils jouer un rôle dans la surveillance de la santé publique? Des questions similaires se posent dans de nombreux pays. Au Danemark, un rôle pour les donneurs de sang dans la surveillance de la santé publique était déjà mis en œuvre avant la pandémieNote de bas de page 5.

Les donneurs de sang constituent un sous-ensemble sain de la population générale

Les donneurs de sang doivent avoir 17 ans (18 ans au Québec) pour donner du sang, et il y a relativement peu de donneurs âgés de plus de 72 ans. Les donneurs potentiels doivent remplir un questionnaire détaillé sur leurs antécédents médicauxNote de bas de page 6. Les personnes pour lesquelles le don n'est pas dans leur intérêt en raison de leur état de santé ou qui sont exposées à des infections comme le VIH ou l'hépatite ne sont pas admissibles. Il existe également certaines restrictions en matière de voyages, notamment pour les personnes présentant un risque d'infections tropicales et celles ayant séjourné au Royaume-Uni et dans d'autres régions où elles peuvent être exposées à la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Les sites de collecte de sang se trouvent dans toutes les grandes villes, dans la plupart des petites villes et dans de nombreux villages, c'est-à-dire dans la plupart des régions les plus peuplées du Canada. L'âge, le sexe et la région géographique des donneurs sont comparables à ceux de la population générale jusqu'à 65 ans (voir figure 1 et figure 2). Les régions du Nord ainsi que certaines zones rurales et villes isolées sont largement exclues. Il existe également des populations non représentées, notamment les résidents de centres de soins de longue durée et les personnes se trouvant dans des centres de détention, ou des personnes qui sont moins susceptibles de faire des dons en raison de barrières linguistiques.

Figure 1 : Pourcentage de la population générale et des donneurs par région géographiqueFigure 1 footnote a et par groupe d'âgeFigure 1 footnote b

Figure 1

Description textuelle : Figure 1

Pourcentage de la population générale (blanche) et des donneurs (noirs) par groupe d’âge pour le pays (à l’exclusion des territoires), la Colombie-Britannique, l’Alberta, les Prairies (Manitoba et Saskatchewan), l’Ontario, le Québec et l’Atlantique (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador et Île-du-Prince-Édouard). Population générale et tranche d’âge des donneurs de 17 à 65 ans utilisées pour toutes les provinces, sauf pour le Québec (tranche d’âge de 18 à 65 ans).

Cette figure montre que les proportions de donneurs de sang par groupe d’âge sont très similaires à celles de la population générale.


Figure 2 : Pourcentage de la population générale et des donneurs par région géographiqueFigure 2 footnote a et par sexeFigure 2 footnote b

Figure 2

Description textuelle : Figure 2

Pourcentage de la population générale (blanche) et des donneurs (noirs) par sexe (homme, femme) pour le national (à l’exclusion des territoires), la Colombie-Britannique, l’Alberta, les Prairies (Manitoba et Saskatchewan), l’Ontario, le Québec et l’Atlantique (Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador et Île-du-Prince-Édouard). Population générale et tranche d’âge des donneurs de 17 à 65 ans utilisées pour toutes les provinces, sauf pour le Québec (tranche d’âge de 18 à 65 ans).

Cette figure montre que les proportions de donneurs de sang masculins et féminins sont très similaires à celles de la population générale.


S'il est vrai que les donneurs de sang se considèrent comme en bonne santé et choisissent eux-mêmes de donner leur sang, cela peut également être le cas des volontaires apparemment en bonne santé recrutés pour participer à des études. La séroprévalence du SRAS-CoV-2 semble être similaire dans la population générale saine et dans la population des donneurs de sang Note de bas de page 8Note de bas de page 9. D'autres études comparant les donneurs de sang à la population générale sont nécessaires pour mieux caractériser le ou les segments de la population générale que les donneurs représentent le mieux.

Capacité de surveillance des services de sang

Les services de sang présentent des atouts importants en matière de surveillance de la santé publique. Entre la Société canadienne du sang et Héma-Québec, la collecte quotidienne de sang a une portée quasi nationale. Sur chacun des 1,2 million de dons annuels, un tube de sang supplémentaire d'acide éthylènediaminetétra acétique (EDTA; un anticoagulant) est prélevé. Environ 20 % de ces dons sont utilisés pour les tests, qui sont essentiels pour pouvoir libérer le produit sanguin, mais cela laisse environ 950 000 échantillons qui pourraient être fournis pour la surveillance. Environ 90 % des donneurs font des dons répétés et cela représente un avantage important dans l'utilisation des dons de sang pour la surveillance. Ces donneurs peuvent former une cohorte en vue d'un suivi continu. Les donneurs reviennent selon leur propre préférence et l'intervalle entre deux dons peut varier, contrairement aux participants de la cohorte de recherche.

Le taux d'hémoglobine est mesuré avant chaque don. Les données comprenant les variables démographiques (e.g. l'âge, le sexe, le code postal et l'origine ethnique), les médicaments actuels, les vaccinations récentes et les voyages récents sont recueillies au moyen du questionnaire de routine sur les antécédents du donneurNote de bas de page 6. Actuellement, il n'est pas possible d'ajouter d'autres questions de recherche au questionnaire sur les antécédents du donneur, mais des questionnaires d'enquête électroniques pourraient être envoyés dans les jours suivant la collecte des échantillons. Une récente enquête sur les facteurs de risque du VIH chez les donneurs, destinée à évaluer la conformité aux questions de dépistage, a obtenu un taux de réponse d'environ 33 % sur les 40 000 donneurs invités à participer. Les deux exploitants de systèmes d'approvisionnement en sang disposent également de l'infrastructure, du personnel et des protocoles nécessaires pour recueillir en toute sécurité et de manière contrôlée de grands volumes de plasma (plus de 250 ml) auprès des donneurs.

Exemples de surveillance du service de sang pertinente pour la santé publique

Tous les dons de sang sont soumis à des tests de dépistage du VIH, du virus de l'hépatite C et du virus de l'hépatite B au moyen d'un test d'acide nucléique (TAN) et d'une sérologie, ainsi que pour le virus humain T lymphotrope et la syphilis au moyen d'une sérologie. Le virus du Nil occidental est testé de façon saisonnière par le TAN, et le Trypanosoma cruzi est testé chez les donneurs à risque par sérologie (voir tableau 1). Les échantillons réactifs répétés subissent également des tests de confirmation lorsqu'ils sont disponibles. En fonction de la cible positive du test, les spécimens peuvent également être envoyés au Laboratoire national de microbiologie pour le séquençage des acides nucléiques et l'analyse des souches. Les résultats positifs sont signalés aux autorités de santé publique lorsque la loi l'exige.

Tableau 1 : Infections faisant systématiquement l'objet de tests pour tous les dons de sang, Canada
Infection Marqueurs

VIH

Anticorps

Acide nucléique

Virus de l'hépatite B

Antigène de surface de l'hépatite B

Anticorps dirigé contre l'antigène du virus de l'hépatite B

Acide nucléique

Virus de l'hépatite C

Anticorps

Acide nucléique

Virus du Nil occidental

Acide nucléique

Virus humain T lymphotrope

Anticorps

Trypanosoma cruzi (maladie de Chagas, donneurs à risque uniquement)

Anticorps

Treponema pallidum

Anticorps


Les donneurs de sang constituent une population qui pense ne pas être à risque et qui a répondu par la négative à une série de questions sur les risques. Néanmoins, environ 40 personnes par année reçoivent un résultat de test positif pour le virus de l'hépatite C et le virus de l'hépatite B Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Ces réponses peuvent donner un aperçu des personnes infectées sans risque apparent déclaré et peuvent être utiles pour déterminer le bénéfice potentiel du dépistage des populations à faible risque. Le dépistage du virus humain T-lymphotrope et de T. cruzi permet de mieux comprendre ces infections rares et non déclarables. Compte tenu de l'augmentation des maladies du désespoir, le dépistage des donneurs de sang peut également faire la lumière sur des réseaux de comportements sexuels et à risque élevé qui ne sont pas tout à fait évidents pour les enquêteurs de santé publique Note de bas de page 12Note de bas de page 13.

Historiquement, les deux établissements de sang ont joué un rôle important dans la surveillance des maladies infectieuses émergentes. En 2003, en réponse à l'émergence du virus du Nil occidental au Canada, les deux services de sang ont testé les dons de sang et surveillé leur incidence avec le groupe de travail sur le virus du Nil occidental. La surveillance du virus du Nil occidental par la santé publique permet d'identifier les personnes symptomatiques qui demandent une aide médicale, alors que les donneurs de sang seront initialement dépistés avec un TAN du virus du Nil occidental à un stade précoce ou asymptomatique, contrairement aux laboratoires de santé publique. Les exploitants de systèmes d'approvisionnement en sang peuvent également envoyer les échantillons positifs au TAN du virus du Nil occidental au Laboratoire national de microbiologie ou au Laboratoire de santé publique du Québec pour une caractérisation moléculaire.

Grâce à ces méthodes uniques de dépistage et de test, certaines années, la première infection par le virus du Nil occidental de la saison est détectée chez un donneur de sang. Au Québec, les données sur le virus du Nil occidental de 2012 ont été utilisées pour estimer que le taux du virus du Nil occidental neurologique sous-déclaré se situe entre 26 % et 37,5 %Note de bas de page 14. Ces données ont été utilisées pour élaborer des documents d'information à l'intention des médecins, qui ont ensuite montré (ou démontré) qu'ils avaient amélioré l'identification des cas. D'autres études utilisant des échantillons de donneurs positifs pour le virus du Nil occidental pourraient porter sur l'identification et la caractérisation des variantes génétiques virales et sur l'incursion éventuelle de nouvelles lignées dans le paysNote de bas de page 15Note de bas de page 16. Enfin, il est important de noter que le TAN du virus du Nil occidental est en fait un test à large spectre de réactivité du sérocomplexe de l'encéphalite japonaise et ajoute un niveau supplémentaire de surveillance pour l'encéphalite japonaise, le virus Kunjin, le virus de l'encéphalite de Murray Valley, le virus de l'encéphalite de Saint Louis et le virus UsutuNote de bas de page 17.

Dans le cas des pathogènes émergents transmis par les tiques, le premier cas de santé publique positif à Babesia microtia été signalé en 2013 au Manitoba, mais aucun don positif au TAN ou aux anticorps de B. microti n'a été détecté sur environ 14 000 dons testésNote de bas de page 18Note de bas de page 19Note de bas de page 20. En 2018, sur 50 000 dons à l'échelle du Canada, un don avec un résultat positif au TAN a été recensé au Manitoba, et dans un sous-ensemble de 14 000 dons provenant de la région géographique allant du Manitoba à la Nouvelle-Écosse, quatre dons avec anticorps positifs ont été détectés, tous dans le sud-ouest de l'OntarioNote de bas de page 21. En 2019, un donneur qui s'est senti mal après son don s'est révélé être positif à B. microti. Une enquête à laquelle ont participé la Société canadienne du sang, le Laboratoire national de microbiologie, un laboratoire de référence supplémentaire et deux laboratoires provinciaux de santé publique a révélé qu'il n'y avait pas eu de babésiose transmise par transfusionNote de bas de page 20. Ainsi, deux des trois cas endémiques connus de TAN positif ont été trouvés chez des donneurs de sang, ce qui suggère que B. microti s'est implanté au Canada. Les études sur les donneurs de sang peuvent potentiellement évaluer les infections et documenter les expositions à d'autres infections émergentes transmises par les tiques et les arthropodes, comme Borrelia burgdorferi, Anaplasma phagocytophilum, le virus Powassan et le virus de l'encéphalite équine de l'Est. Ce type de surveillance est important dans le contexte du changement climatique et de l'expansion de l'habitat des vecteurs.

L'hépatite E a été évaluée dans deux études nationalesNote de bas de page 22Note de bas de page 23. Dans la première étude portant sur 14 000 donneurs testés, aucun don positif au TAN du virus de l'hépatite E n'a été détecté, mais 5,6 % étaient positifs aux anticorps. Dans la deuxième étude portant sur environ 50 000 dons testés avec un TAN plus sensible, 1 don sur 4 615 s'est révélé positif pour l'ARN viral de l'hépatite E. Il s'agissait de l'une des plus grandes études sur le virus de l'hépatite E réalisées au Canada.

Atouts et limites des donneurs de sang pour la surveillance de la santé publique

La portée quasi nationale des collectes quotidiennes et des capacités de laboratoire des services du sang peut être mise à profit pour étudier rapidement les agents pathogènes à un coût relativement faible. Il est important de noter que les services de sang traversent les frontières provinciales et territoriales et disposent de processus décisionnels rationalisés. Pour les activités de surveillance nationale, il existe des avantages substantiels par rapport à d'autres sources de personnes en bonne santé, par exemple les programmes de dépistage des patients et des grossesses, qui sont généralement menés au niveau local plutôt que national.

Les deux services de sang mènent et permettent des recherches sous la supervision de comités d'éthique de la recherche externes qui suivent les directives énoncées dans l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humainsNote de bas de page 24. Les services de sang mettent également en œuvre des processus uniques d'analyse des antécédents (enquête sur les receveurs d'un donneur positif au test ou à la maladie) et de traçabilité (enquête sur les dons et les donneurs d'un receveur positif au test ou à la maladie) pour les receveurs de sang ou les donneurs soupçonnés d'avoir une infection transmissible par le sangNote de bas de page 20Note de bas de page 25. Ces processus pourraient être exploités pour favoriser la poursuite de la surveillance active.

Les inconvénients potentiels de l'utilisation des donneurs de sang comme source de données sont que certains segments de la population sont sous-représentés, comme les personnes vivant dans les zones rurales, les adultes plus âgés, les personnes souffrant de maladies graves et celles présentant des facteurs de risque de maladies transmissibles par transfusion. En outre, les enfants ne sont pas autorisés à donner du sang, et les mesures anthropométriques et les échantillons biologiques comme l'urine ne sont pas disponibles actuellement.

Orientations futures

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre comment la population des donneurs diffère de la population générale. Une collaboration accrue entre les services de sang et les services de santé publique provinciaux et fédéraux permettra de lancer de nouveaux projets de recherche. Un rôle potentiel des services de sang dans la surveillance des infections évitables par la vaccination est actuellement à l'étude, et un rôle élargi dans la surveillance des infections à transmission vectorielle serait une extension naturelle de la surveillance des services de sang. Héma-Québec a mis en place une biobanque spécifique pour les projets de COVID-19, et la Société canadienne du sang a stocké des échantillons provenant de l'étude de séroprévalence du SRAS-CoV-2. Des biobanques plus importantes (non spécifiques à un projet) sont envisagées par les deux services de sang. Des méthodes permettant de recueillir davantage de données sur la santé et le mode de vie au moyen de questionnaires sont à l'étude, tout comme les moyens d'établir un lien entre les données des donneurs et les registres de santé pour la recherche. La valeur des biobanques sera amplifiée à mesure que des renseignements plus détaillés sur les donneurs seront recueillis, ce qui augmentera les applications potentielles en matière de surveillance de la santé publique et de recherche.

Conclusion

L'émergence du SRAS-CoV-2 met en évidence l'intérêt pour les services de sang de tirer parti de leur capacité opérationnelle pour mettre en œuvre rapidement une sérosurveillance à grande échelle dans tout le pays. Ensemble, la Société canadienne du sang et Héma-Québec ont une portée quasi nationale sur une population adulte en santé. Les dons de sang sont recueillis quotidiennement et un échantillonnage longitudinal est possible. Les données démographiques, l'information sur les tests de routine des maladies infectieuses et les données du questionnaire de dépistage, comme les médicaments actuels, les vaccinations récentes et les antécédents de voyage sont recueillis auprès de tous les donneurs. Les voies par lesquelles les services de sang peuvent contribuer à la surveillance de la santé publique après une pandémie sont activement explorées. Les domaines potentiels comprennent la sérosurveillance des infections évitables par la vaccination, les enquêtes sur les antécédents et la traçabilité ainsi que la surveillance des nouveaux agents pathogènes à transmission vectorielle.

Déclaration des auteurs

Tous les auteurs (S. F. O., S. J. D., A. L., C. O., M. A. D., C. R.) ont conceptualisé et révisé cet article. S. F. O. a rédigé le document.

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Nous remercions Samra Uzicanin pour son aide dans la réalisation des figures.

Financement

Ce travail a été soutenu par la Société canadienne du sang et Héma-Québec.

Creative Commons License
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International

Détails de la page

Date de modification :