La rage donnée par un chien importé, Ontario 2021
Publié par : L'Agence de la santé publique du Canada
Numéro : Volume 48-6, juin 2022 : Infections acquises par transmission vectorielle–partie 2 : faune & animaux de compagnie
Date de publication : juin 2022
ISSN : 1481-8531
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Volume 48-6, juin 2022 : Infections acquises par transmission vectorielle–partie 2 : faune & animaux de compagnie
Communication rapide
Cas de rage chez un chien importé, Ontario, 2021
Steven Rebellato1, Mary Choi2, Julian Gitelman2, Felicia Ratiu1, Kelly Magnusson1, Brenda Armstrong1, Christine Fehlner-Gardiner3, Heather McClinchey4, Joanne Tataryn5, Maureen EC Anderson6, Paul Di Salvo7, Charles Gardner1
Affiliations
1 Bureau de santé du district de Simcoe Muskoka, Barrie, ON
2 École de santé publique Dalla Lana, Université de Toronto, Toronto, ON
3 Agence canadienne d’inspection des aliments, Ottawa, ON
4 Ministère de la Santé de l’Ontario, Toronto, ON
5 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique (CMIOAEZ), Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON
6 Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario, Guelph, ON
7 Santé publique de Toronto, Toronto, ON
Correspondance
Citation proposée
Rebellato S, Choi M, Gitelman J, Ratiu F, Magnusson K, Armstrong B, Fehlner-Gardiner C, McClinchey H, Tataryn J, Anderson MEC, Di Salvo P, Gardner C. Cas de rage chez un chien importé, Ontario, 2021. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2022;48(6):265–8. https://doi.org/10.14745/ccdr.v48i06a01f
Mots-clés : rage, chien importé, Ontario, Canada
Résumé
En juillet 2021, un chien a été importé au Canada depuis l’Iran et a par la suite développé des signes cliniques de la rage dans les 11 jours suivant son arrivée. À la suite de la confirmation en laboratoire du diagnostic de la rage, une collaboration entre les organismes locaux, provinciaux et fédéraux a été nécessaire pour effectuer la recherche des contacts afin d’identifier toutes les personnes et tous les animaux domestiques qui auraient pu être exposés au chien enragé pendant la période d’excrétion du virus. Ce cas met en évidence les risques liés à l’importation d’animaux provenant de régions où la rage est endémique, cerne les lacunes des politiques actuelles d’importation de chiens qui présentent un risque pour la santé humaine et animale et incite les partenaires de la santé humaine et animale, ainsi que les membres du public qui adoptent des chiens importés, à rester vigilants à l’égard de cette maladie mortelle.
Introduction
Les exigences relatives à l’importation d’animaux domestiques au Canada sont régies par le Règlement sur la santé des animauxNote de bas de page 1, et des dispositions particulières pour certaines catégories d’animaux ont été élaborées par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA). Pour les chiens, il s’agit notamment d’une preuve de vaccination contre la rage ou d’un certificat vétérinaire confirmant que l’animal a résidé dans un pays considéré comme exempt de rage pendant au moins six mois, bien que les exigences diffèrent et puissent être rigoureuses, selon l’âge et le but de l’importation (personnel, d’assistance ou commercial)Note de bas de page 2. La rage est la seule maladie pour laquelle le Canada a des exigences particulières en matière d’importation pour les chiens en raison des conséquences importantes de cette maladie sur la santé publique et la santé des animaux; toutefois, les exigences actuelles n’empêchent pas l’importation de chiens susceptibles d’incuber une infection par la rage dans tous les cas.
La rage est une maladie virale qui attaque le système nerveux central des mammifères, y compris les humains, et qui est presque toujours mortelle. Grâce à des interventions efficaces en matière de santé publique, comme l’éducation et la réponse aux expositions humaines potentielles, l’évaluation efficace des risques et la gestion des expositions potentielles des animaux domestiques, la disponibilité de diagnostics de laboratoire opportuns et fiables, et la fourniture d’une prophylaxie post-exposition à la rage en temps opportun, les cas humains de rage au Canada demeurent raresNote de bas de page 3 et le Canada est exempt de la rage canine depuis les années 1950Note de bas de page 3.
Néanmoins, la surveillance et l’action vigilantes des organismes fédéraux, provinciaux et territoriaux du Canada demeurent cruciales, particulièrement en ce qui concerne les chiens importés. Le fardeau mondial de la rage est estimé à environ 60 000 décès humains chaque année, 99 % des cas étant associés à la transmission par les chiensNote de bas de page 4. Cette situation est préoccupante étant donné l’augmentation des déplacements des humains et des animaux à l’échelle mondiale, ainsi que les faibles taux de vaccination contre la rage chez les animaux domestiques dans de nombreuses régions où la rage est endémique. Aux États-Unis, on signale de plus en plus de cas de certificats de vaccin contre la rage frauduleux ou douteux pour des chiens importés de pays où la rage est endémiqueNote de bas de page 5Note de bas de page 6.
Un cas récent de rage chez un chien importé d’un pays où la rage est endémique au Canada illustre certains des risques pour les Canadiens associés à l’importation de chiens et les mesures coordonnées nécessaires pour protéger la santé humaine et animale dans de tels cas.
Résumé du cas
Un chien de race mixte d’environ deux ans (ci-après appelé le chien 1) a été importé de l’Iran par l’Europe en passant par l’aéroport international Pearson de Toronto, en Ontario, au Canada, le 1er juillet 2021. Ce chien a été importé par un organisme de sauvetage qui avait organisé son adoption par une famille en Ontario.
Le 11 juillet, le chien 1 a commencé à présenter des signes cliniques anormaux, y compris un problème oculaire non précisé, de la somnolence et des changements de comportement. Le chien a été évalué dans une clinique vétérinaire locale puis renvoyé chez lui. Le 12 juillet, les signes cliniques du chien avaient progressé et, selon les antécédents d’importation et la compatibilité des signes du chien avec la rage, le propriétaire a autorisé l’euthanasie du chien, et des tissus ont été recueillis et soumis pour des tests de dépistage de la rage. Le bureau de santé publique (BSP) local a commencé son enquête sur les expositions humaines potentielles à ce moment-là, et les détails de l’enquête sont décrits ci-dessous. Il a été confirmé que l’animal était porteur de la rage à la suite d’analyses d’anticorps immunofluorescents effectuées par le laboratoire de la rage de l’ACIA le 15 juillet. Après avoir reçu le résultat positif, le BSP local a élargi son enquête, ce qui a nécessité la collaboration de huit bureaux de santé publique locaux, du ministère provincial de la Santé et du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales, de Santé publique Ontario, de l’Agence de la santé publique du Canada, de l’ACIA et de l’Agence des services frontaliers du Canada.
D’autres analyses effectuées par l’ACIA ont permis de déterminer que le chien avait été infecté par le variant antigénique de la rage IRAN-1Note de bas de page 7. Le séquençage des nucléotides et l’analyse phylogénétique ont corroboré le résultat du typage antigénique et indiqué que le virus était regroupé avec des virus à variant canin qui circulent en Iran et en Irak (variant « D »)Note de bas de page 8. Cela a confirmé que le chien avait été infecté avant son départ de l’Iran, une région à risque élevé de rage canine (figure 1)Note de bas de page 9. La rage est une maladie animale à déclaration obligatoire à l’échelle internationale et, étant donné qu’il s’agissait d’un nouveau variant pour le Canada, le gouvernement fédéral a envoyé un avis immédiat à l’Organisation mondiale de la santé animale en août 2021Note de bas de page 10.
Enquête de santé publique
L’enquête de santé publique a révélé que le chien 1 avait pris des vols internationaux entre l’Iran et l’Ontario en passant par Francfort, en Allemagne. Lorsque le chien 1 est arrivé en Ontario, il a été accueilli par un représentant de l’organisme de sauvetage coordonnateur et a été transféré dans une famille d’accueil pour y passer la nuit. Le 2 juillet, le chien 1 a été transféré de la famille d’accueil à sa famille adoptive, qui l’a ensuite présenté à sa famille élargie et à ses amis. Le chien a également été en contact avec le personnel vétérinaire de deux cliniques avant d’être euthanasié le 12 juillet. La famille adoptive du chien a fourni un certificat de santé vétérinaire de l’Iran qui comprenait un dossier de vaccination antirabique unique en octobre 2020 au moyen d’un vaccin antirabique inactivé.
Au cours de l’enquête, un deuxième chien (le chien 2) a été identifié comme ayant voyagé de l’Iran à l’Ontario dans la même cargaison que le chien 1, mais dans une cage distincte. Une enquête plus poussée de l’ACIA et de l’Agence des services frontaliers du Canada n’a révélé aucune preuve que les deux chiens avaient eu un contact direct. Par conséquent, le chien 2 n’a pas été considéré comme présentant un risque accru d’exposition à la rage du chien 1. Le chien 2 avait également un dossier de vaccination contre la rage avant l’importation de l’Iran, mais il a été vacciné de nouveau contre la rage par mesure de précaution afin de s’assurer qu’il était effectivement vacciné au moyen d’un produit homologué au Canada, conformément aux exigences de la Loi sur la protection et la promotion de la santé de l’Ontario, Règlement 567Note de bas de page 11. Aucun contact avec d’autres animaux (domestiques ou sauvages) n’a été signalé pour le chien 1.
Recherche des contacts humains
Une période d’exposition pour les contacts a été établie en fonction de la période définie de contagiosité de la rage chez les chiens domestiques, soit jusqu’à 10 jours avant l’apparition des signes cliniquesNote de bas de page 12. Par souci de prudence, une exposition a été définie comme une personne qui a eu un contact direct avec le chien 1 impliquant une morsure, une égratignure ou une exposition à la salive dans une plaie ou une muqueuse du 1er au 12 juillet 2021 (12 jours).
Au total, 24 personnes ont été identifiées comme ayant été en contact avec le chien 1 au cours de cette période d’exposition, dont 14 ont été considérées comme étant exposées comme décrit ci-dessus et ont donc reçu une prophylaxie post-exposition financée par la province à un coût moyen d’environ 2 000 $ CA par personne Note de bas de page 13Note de bas de page 14. En raison du nombre et de la répartition géographique de ces personnes, plusieurs bureaux de santé publique locaux et le ministère provincial de la Santé ont dû coordonner leurs efforts. Comme tous les contacts potentiels ont été identifiés au cours de cette enquête intergouvernementale, il n’y avait aucun risque pour le public et, par conséquent, aucune communication sur le risque n’a été publiée. Les contacts à risque élevé du chien 1 comprenaient les membres de la famille d’accueil et de la famille adoptive, le personnel vétérinaire, les invités de la famille adoptive et le personnel de l’organisme de sauvetage. Aucun contact à risque élevé n’a été identifié parmi le personnel de l’aéroport. Un avis a également été envoyé à l’Iran par l’entremise du point central national du Règlement sanitaire international.
Conclusion
Ce cas met en évidence la nécessité d’une vigilance continue à l’égard de la rage chez les partenaires en santé humaine et animale, ainsi que chez les membres du public qui adoptent des chiens importés, en particulier de pays à risque élevé. Bien que l’organisme de sauvetage concerné ait satisfait aux exigences fédérales en matière d’importation pour la vaccination contre la rage, ce cas montre que cela n’empêche pas l’importation d’animaux en incubation d’une infection rabique et les graves conséquences associées à l’importation d’animaux enragés au Canada. Les vaccins inefficaces ou mal administrés peuvent également contribuer à ce risque, et la documentation frauduleuse de la vaccination peut être un facteur supplémentaire. En date du 14 juillet 2021, les États-Unis ont suspendu temporairement l’importation de chiens en provenance de pays considérés comme présentant un risque élevé de rage canine à titre de mesure de protection contre de tels incidentsNote de bas de page 15.
Les exigences fédérales en matière d’importation de chiens sont à l’étude au Canada depuis plusieurs années; en mai 2021, divers changements ont été apportés aux exigences en matière d’importation pour les chiens commerciaux de moins de huit mois Note de bas de page 16. Les chiens commerciaux sont ceux qui sont importés pour la reproduction, la revente et l’adoptionNote de bas de page 16. Cet examen devrait se poursuivre pour toutes les catégories de chiens, dans le but d’empêcher les animaux infectés par la rage d’entrer au Canada. On pourrait également envisager de mettre en place des exigences plus strictes pour la preuve de vaccination avec des produits de vaccination efficaces (y compris une période d’attente entre la vaccination et l’importation), les tests de dépistage de la rage et les exigences de quarantaine avant ou après l’importation pour les chiens provenant de pays désignés à haut risque.
Cet incident souligne également la nécessité de sensibiliser de façon continue les professionnels de la santé humaine et animale ainsi que les organismes de santé publique aux risques d’exposition à la rage posés par les chiens récemment importésNote de bas de page 17Note de bas de page 18. Les professionnels de la santé publique et les vétérinaires devraient s’efforcer de sensibiliser le public aux risques associés à l’importation d’animaux provenant de pays à risque élevé, de promouvoir une vaccination uniforme et rapide des animaux et de signaler rapidement tout animal importé suspect aux organismes provinciaux et fédéraux. Enfin, cet incident fait ressortir les coûts en ressources financières et humaines associés au nombre d’organismes locaux, provinciaux et fédéraux impliqués ainsi qu’à la prophylaxie post-exposition requise pour les contacts à risque élevé.
Déclaration des auteurs
- R. S. — Rédaction de la version préliminaire, examen et révision, enquête, conceptualisation, supervision
- M. C. — Enquête, conceptualisation, validation, examen et révision
- J. G. — Examen et révision, conceptualisation
- F. R. — Enquête, examen et révision
- K. M. — Enquête, examen et révision
- B. A. — Enquête, examen et révision
- C. F. G. — Enquête, examen et révision
- H. M. — Enquête, examen et révision
- J. T. — Enquête, examen et révision
- M. A. — Enquête, examen et révision
- P. D. — Enquête, examen et révision
- C. G. — Enquête, examen et révision
Intérêts concurrents
Aucun.
Remerciements
Les auteurs souhaitent remercier les organismes locaux, provinciaux et fédéraux qui ont contribué à l’enquête sur la santé publique, à la recherche des contacts humains et à la gestion clinique qui ont mené au développement de cette communication rapide. Les auteurs tiennent à remercier J. Blackmore (Agence de la santé publique du Canada, Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique) pour l’élaboration de la figure 1 : Carte des pays à haut risque de rage canine.
Financement
Aucun financement.
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