Hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez l’enfant au Canada

RMTC

RMTC : Volume 49-6, juin 2023 : Les hépatites aiguës chez les enfants au Canada

Surveillance

Hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez l’enfant au Canada

Jennifer Macri1, Vanessa Morton2, Meghan Hamel3, Pierre-Luc Trépanier4, Marina I Salvadori5,6, Équipe d’enquête sur l’hépatite aiguë

Affiliations

1 Programme canadien d’épidémiologie de terrain, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

2 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada, Guelph, ON

3 Centre des maladies infectieuses d’origine alimentaire, environnementale et zoonotique, Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

4 Ministère de la Santé et des Services sociaux, Montréal, QC

5 Agence de la santé publique du Canada, Ottawa, ON

6 Département de pédiatrie, Université McGill, Montréal, QC

Correspondance

meghan.hamel@phac aspc.gc.ca

Citation proposée

Macri J, Morton V, Hamel M, Trépanier P-L, Salvadori MI, Équipe d’enquête sur l’hépatite aiguë. Hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez l’enfant au Canada. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2023;49(6):285−92. https://doi.org/10.14745/ccdr.v49i06a02f

Mots-clés : hépatite aiguë sévère, origine inconnue, enfants, enquête sur une éclosion, bases de données administratives, incidence de référence

Résumé

Contexte : Au printemps 2022, une série de rapports du Royaume-Uni et des États-Unis ont fait état d’une augmentation de l’incidence de l’hépatite aiguë grave chez les enfants. L’Agence de la santé publique du Canada (l’Agence) a collaboré avec des partenaires provinciaux et territoriaux de la santé pour enquêter au Canada. L’hépatite, ou l’inflammation du foie, n’est pas une maladie à déclaration obligatoire au Canada, de sorte que pour déterminer si une augmentation survenait au-dessus des niveaux historiques, l’incidence de base au Canada a été estimée. Le présent article évalue l’incidence initiale préexistante de l’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants au Canada à l’aide de bases de données administratives. Il résume en outre l’enquête sur l’éclosion à l’aide de renseignements provenant des formulaires nationaux de déclaration des cas.

Méthodes : Un comité composé de représentants de l’Agence et de partenaires provinciaux et territoriaux de la santé a été mis sur pied pour enquêter sur les cas actuels au Canada. On a élaboré une définition nationale des cas probables et un formulaire de déclaration des cas, qui a été créé intentionnellement pour être très sensible afin de saisir tous les cas potentiels pour des enquêtes étiologiques. Pour estimer l’incidence de base représentative à l’échelle nationale, les données sur l’hospitalisation ont été extraites de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) et ont été combinées avec les données du Québec du Ministère de la Santé et des Services sociaux.

Résultats : Entre le 1er octobre 2021 et le 23 septembre 2022, six provinces ont signalé vingt-huit cas probables d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants : Colombie-Britannique = 1; Alberta = 5; Saskatchewan = 1; Manitoba = 3; Ontario = 14 et Québec = 4. L’incidence nationale de base estimée était en moyenne de 70 cas par année, soit 5,8 cas par mois.

Conclusion : Il n’y a pas eu d’augmentation apparente au-dessus des niveaux de référence historiques estimés.

Introduction

Le 5 avril 2022, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a été informée d’une augmentation du nombre de cas d’hépatite aiguë grave chez les enfants au Royaume-Uni. Ces cas d’hépatite n’ont pas été causés par un virus de l’hépatite connu ou d’autres causes typiques de l’hépatiteNote de bas de page 1. L’Agence de la santé publique du Canada (l’Agence) a collaboré avec des partenaires provinciaux et territoriaux de la santé pour enquêter sur les cas au Canada. Au total, en date du 8 juillet 2022, 1 010 cas probables répondant à la définition de cas probable de l’OMS ont été signalés dans 35 paysNote de bas de page 1.

L’hépatite est une inflammation du foieNote de bas de page 2 qui peut être causée par des agents infectieux (habituellement viraux) ou non infectieux (e.g. alcool, certains médicaments)Note de bas de page 3. La gravité de l’hépatite aiguë varie grandement, allant de légère à sévère, et progresse rarement jusqu’à l’insuffisance hépatiqueNote de bas de page 3. Selon la cause de l’hépatite, la progression vers l’insuffisance hépatique peut être aiguë et rapide, de quelques jours à des semaines, ou peut se produire très lentementNote de bas de page 2. L’hépatite aiguë grave chez les enfants est une maladie rare et l’étiologie est souvent inconnueNote de bas de page 2.

À la suite des premiers signalements d’une augmentation des cas d’hépatite aiguë grave dont l’origine est inconnue, on a émis l’hypothèse de l’implication de nombreux agents causaux ou associations potentiels. L’hypothèse de l’infection à l’adénovirus 41 a été formulée en raison de la détection du virus dans une proportion élevée de cas dans plusieurs pays : 65 % au Royaume-UniNote de bas de page 4 et 45 % aux États-UnisNote de bas de page 5. L’adénovirus 41 n’avait pas été associé auparavant à l’hépatite chez les enfants immunocompétents, ce que la majorité des cas atteints d’hépatite aiguë grave étaient. On a aussi étudié la sensibilité additionnelle ou anormale, les co-infections, les expositions environnementales ou un nouveau variant d’adénovirus comme agents causauxNote de bas de page 1Note de bas de page 5. Des études récentes ont émis l’hypothèse d’une association avec le virus 2 associé aux adénovirus (VAA-2), après avoir détecté cette co-infection dans les cas infectés par l’adénovirus 41Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Le virus 2 associé aux adénovirus n’a pas été associé à l’hépatiteNote de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. L’hypothèse de l’infection par le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2) a également été formulée comme cause de cette maladie en raison de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19)Note de bas de page 4. Il n’y a aucune donnée probante d’association entre un vaccin contre le SRAS-CoV-2 et l’hépatite aiguë grave chez les enfantsNote de bas de page 8.

Au Canada, il n’y a pas de surveillance continue à l’échelle nationale des cas d’hépatite qui ne sont pas causés par un virus de l’hépatite. Par conséquent, une estimation de l’incidence initiale de l’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants était nécessaire pour déterminer si une augmentation des cas était observée au Canada. L’objectif de ce travail était d’estimer le nombre de cas de référence au Canada avant 2021 et d’enquêter sur les cas d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants au Canada en date d’octobre 2021.

Méthodes

Un comité d’enquête dirigé par l’Agence et composé de représentants de chaque province et territoire a été mis sur pied le 29 avril 2022. Les provinces et les territoires ont entrepris une surveillance prospective active des cas et ont procédé à un examen rétrospectif jusqu’au 1er octobre 2021 (six mois avant la notification initiale de l’augmentation des cas par l’OMS) afin d’identifier les cas probables répondant à la définition de cas établie. Des rapports obligatoires temporaires ou des directives ministérielles ont été établis dans chaque province et territoire pour faciliter la déclaration nationale des cas probables. Les provinces et les territoires ont procédé à des examens rétrospectifs des dossiers afin de déterminer les cas qui se sont produits entre le 1er octobre 2021, mais avant le début de l’enquête en avril 2022. Les cas probables qui répondaient aux critères définis dans la définition de cas nationale ont été inclus dans l’enquête nationale. La surveillance aux fins de l’enquête nationale a été effectuée le 23 septembre 2022.

Étant donné que cette situation n’était pas sous surveillance avant la présente enquête, une estimation de l’incidence de base nationale était nécessaire pour déterminer si une augmentation des cas était détectée au Canada. L’enquête nationale a été accompagnée d’une étude rapide visant à estimer l’incidence nationale de base de la maladie avant octobre 2021.

Définitions de cas

Une définition nationale des cas probables a été adaptée de la définition de l’OMS en collaboration avec les provinces et les territoires.

Définition de cas probable d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants :

ET

ET

Remarque : Si l’obtention des résultats de sérologie de l’hépatite D ou E sont en attente ou si aucune analyse sérologique n’a été effectuée, mais que d’autres critères ont été respectés, ces cas peuvent être signalés comme des cas probables.

Enquête épidémiologique

Un formulaire national de déclaration des cas a été élaboré et communiqué aux provinces et aux territoires. Les formulaires de déclaration des cas ont été remplis avec les données disponibles et communiqués à l’Agence. Ces formulaires comprenaient les renseignements suivants :

Estimation de l’incidence de base

Afin de déterminer si les cas d’incident dans l’enquête en cours étaient supérieurs à l’incidence de base de l’hépatite aiguë dont l’origine est inconnue au Canada, une estimation de l’incidence de base de la maladie était nécessaire. Les données de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) ont été utilisées pour estimer l’incidence historique de base de l’hépatite aiguë grave chez les enfants dont l’origine est inconnue au Canada. La BDCP est tenue à jour par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) et contient des renseignements démographiques, administratifs et cliniques sur les congés d’hôpital au Canada. Les données de la BDCP sont régulièrement communiquées à l’Agence, ce qui en fait une source de données rapide pour appuyer l’enquête activeNote de bas de page 9. Les établissements de soins actifs, les autorités sanitaires régionales ou les ministères transmettent les données à l’ICISNote de bas de page 9. La BDCP contient des renseignements provenant de tous les établissements de soins actifs au Canada, à l’exception des établissements au QuébecNote de bas de page 9. Les données pour le Québec ont été extraites des dossiers d’hospitalisation conservés au Ministère de la Santé et des Services sociaux en utilisant la même méthode utilisée pour extraire les données de la BDCP. Ces données ont ensuite été combinées aux données de la BDCP pour estimer un niveau de référence représentatif à l’échelle nationale.

Des critères d’inclusion pour l’extraction des dossiers de la BDCP ont été établis afin de les harmoniser le plus possible sur la définition nationale du cas probable. Les dossiers ont été extraits pour les personnes de 16 ans et moins, avec un code diagnostique de la Classification internationale des maladies, 10e révision (CIM-10) indiquant l’hépatite non causée par le virus de l’hépatite A, B, C ou E. La liste complète des codes d’inclusion de la CIM-10 se trouve au tableau 1. Les cas extraits ont ensuite été exclus de l’analyse si un code de diagnostic secondaire ou contributif indiquait une cause connue potentielle de l’hépatite, comme un virus de l’hépatite.La liste complète des codes d’exclusion de la CIM-10 se trouve au tableau 2. Les critères d’inclusion et d’exclusion ne correspondent pas entièrement à la définition nationale des cas probables en raison des différentes méthodes de collecte de données (données administratives passives par rapport à la recherche active de cas).

Tableau 1 : Codes de la CIM-10 utilisés pour l’inclusion des cas
Code de la CIM-10 Description

B17.8

Autre hépatite virale aiguë précisée

B17.9

Hépatite virale aiguë, non précisée

B19.0

Hépatite virale, sans précision, avec coma

B19.9

Hépatite virale, sans précision, sans coma

K72.0

Insuffisance hépatique aiguë et subaiguë

K72.9

Insuffisance hépatique, sans précision

K75.2

Hépatite réactive non spécifique

K75.4

Hépatite auto‑immune

Z94.4

Greffe de foie


Tableau 2 : Codes de la CIM-10 utilisés pour l’exclusion des cas
Code de la CIM-10 Description

B15.X

Hépatite aiguë A

B16.X

Hépatite aiguë B

B17.0

Sur infection aiguë par agent delta d’un sujet porteur de l’hépatite B

B17.1

Hépatite aiguë C

B17.2

Hépatite aiguë E

B18.X

Hépatite virale chronique

K70.1

Hépatite alcoolique

K73.X

Hépatite chronique, non classée ailleurs

B25.1

Hépatite à cytomégalovirus

B58.1

Hépatite à toxoplasma

B94.2

Séquelles d’hépatite virale

P35.3

Hépatite virale congénitale

K75.3

Hépatite granulomateuse, non classée ailleurs

Z20.5

Sujet en contact avec et exposé à l’hépatite virale

K71.2

Maladie toxique du foie avec hépatite aiguë

Z24.6

Nécessité d’une vaccination contre l’hépatite virale

K71.3

Maladie toxique du foie avec hépatite chronique persistante

K71.4

Maladie toxique du foie avec hépatite chronique lobulaire

K71.5

Maladie toxique du foie avec hépatite chronique active

K71.6

Maladie toxique du foie avec hépatite, non classée ailleurs

B67.8

Infection hépatique à Echinococcus multilocularis, sans précision

K70.X

Maladie alcoolique du foie

K71.X

Maladie toxique du foie

K72.1

Insuffisance hépatique chronique

K74.X

Fibrose et cirrhose du foie

K75.X

Autres maladies inflammatoires du foie

K76.X

Autres maladies du foie

K77

Atteintes hépatiques au cours de maladies classées ailleurs

Z52.6

Donneur de foie

C22.9

Néoplasme malin : foie, non spécifié

D13.4

Néoplasme bénin : foie

S36.1

Lésion traumatique du foie et de la vésicule biliaire

P15.0

Traumatisme obstétrical du foie

Q44.6

Maladie kystique du foie

B67.0

Infection hépatique à Echinococcus granulosus

B67.5

Infection hépatique à Echinococcu multilocularis

C18.3

Néoplasme malin : angle hépatique

T86.4

Échec et rejet d’une greffe de foie

Q44.7

Autres malformations congénitales du foie

Q26.6

Fistule entre la veine porte et l’artère hépatique


À l’aide de l’ensemble national de données, le nombre moyen de cas d’hépatite aiguë grave dont l’origine est inconnue a été estimé mensuellement et annuellement. Ces cas ont ensuite été stratifiés par des codes de diagnostic primaires, qui ont été classés comme étant une hépatite non spécifiée, une insuffisance hépatique ou une hépatite auto-immune. La gravité des cas saisis peut être approximative en utilisant les données d’hospitalisation et le nombre de cas graves. Cette approximation s’harmonise avec la définition actuelle du cas pour l’enquête sur l’éclosion, qui n’a indiqué que les cas hospitalisés.

Les taux d’incidence pour 100 000 habitants ont été déterminés à l’aide des estimations annuelles de la population au 1er juillet de Statistique Canada pour les personnes de 16 ans et moinsNote de bas de page 10.

Une comparaison statistique du niveau de référence national estimatif de la maladie et du nombre de cas dans l’enquête en cours n’a pas été effectuée. L’objectif de l’estimation du niveau de référence national était de déterminer si le nombre de cas dans l’enquête en cours dépassait les attentes et de vérifier l’existence d’une éclosion, et non de déterminer l’ampleur de la différence entre l’enquête en cours et le niveau de base estimé. D’autres analyses statistiques n’ont pas été effectuées en raison de différences entre la méthodologie de collecte de données dans l’enquête et la méthodologie utilisée pour estimer l’incidence de référence nationale.

Résultats

Incidence de référence

Les données extraites de la BDCP ont permis d’identifier un total de 799 dossiers répondant aux critères d’inclusion. Après la suppression des dossiers qui répondaient aux critères d’exclusion, des doublons des dossiers et des congés multiples pour la même personne, 524 personnes uniques ont été incluses aux fins d’analyse. Ces données ont par la suite été annexées aux données communiquées par le Québec, pour un total de 704 cas inclus dans l’analyse afin d’estimer le niveau de base national.La figure 1 présente un organigramme détaillant l’inclusion et l’exclusion, la duplication et l’ajout de données.

Figure 1 : Diagramme du flux d’inclusion, d’exclusion, de duplication et d’ajout de données pour obtenir l’ensemble de données final

Figure 1

Figure 1 - Équivalent textuel

Au total, 799 dossiers ont été initialement extraits de la base de données sur les congés des patients (BDCP). De ces dossiers, 562 concernaient des personnes uniques et 237 personnes avaient plusieurs dossiers. Parmi les 562 personnes uniques, 66 dossiers ont été retirés en raison de l’exclusion de la 10e révision de la classification statistique des maladies (CIM-10), ce qui a fait en sorte que 492 personnes uniques sont restées. Parmi les personnes ayant plusieurs dossiers, 80 doublons ont été retirés et 81 dossiers ont été retirés en raison d’un code d’exclusion CIM-10, ce qui a fait en sorte que 76 personnes uniques sont restées. Ces deux catégories ont été regroupées, ce qui a permis de regrouper 572 personnes faisant partie de la BDCP. Ensuite, 48 dossiers ont été supprimés pour avoir été enregistrés au cours d’une année civile ayant des données incomplètes (2010 ou 2021). Cela a donné lieu à 524 personnes provenant de la BDCP, qui a exclu le Québec. Les données du Québec ont ensuite été ajoutées, soit 180 personnes, ce qui a donné lieu à un ensemble de données final de 704 personnes.


Une moyenne de 70 (médiane : 71; intervalle : 60–80) des cas d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants ont été recensés chaque année de 2011 à 2020 au Canada (figure 2). Il s’agit en moyenne d’environ 5,83 cas par mois. Le taux annuel moyen d’incidence de l’hépatite aiguë grave dont l’origine est inconnue est de 1,14 cas par 100 000 habitants.

Figure 2 : Comptes annuels des cas d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants de moins de 16 ans, selon le type de diagnostic au Canada, de 2011 à 2020

Figure 2

Figure 2 - Équivalent textuel
Année Hépatite sans précision Insuffisance hépatique Hépatite auto-immune
2011 35 17 14
2012 35 15 22
2013 35 17 11
2014 44 17 13
2015 33 16 17
2016 37 22 14
2017 46 17 17
2018 36 22 12
2019 38 26 15
2020 30 18 12

Enquête épidémiologique

Une enquête rétrospective et prospective des cas signalés depuis le 1er octobre 2021 a été ouverte en mai 2022. Les provinces et les territoires ont utilisé différentes méthodes pour identifier les cas. Toutes les administrations ont effectué des examens des dossiers ou ont demandé aux fournisseurs de soins de santé de signaler les cas. L’enquête sur l’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants a pris fin le 23 septembre 2022. Au Canada, entre le 1er octobre 2021 et le 23 septembre 2022, six provinces ont signalé à l’Agence 28 cas probables d’hépatite sévère et aiguë chez les enfants d’origine inconnue : Colombie-Britannique = 1; Alberta = 5; Saskatchewan = 1; Manitoba = 3; Ontario = 14 et Québec = 4. Les dates d’apparition des symptômes pour ces cas se situaient entre le 3 novembre 2021 et le 11 août 2022 (figure 3). Le plus grand nombre de cas (n = 7) a été signalé en avril 2022 et a dépassé le niveau de référence national estimé à 5,83.

Figure 3 : Nombre de cas d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants par date d’apparition de la maladie, du 1er octobre 2021 au 23 septembre 2022 (n = 28)

Figure 3

Figure 3 - Équivalent textuel
Mois de début des symptômes Nombre de cas Niveau de référence
oct. 0 5,83
nov. 1 5,83
déc. 1 5,83
janv. 1 5,83
févr. 3 5,83
mars 4 5,83
avril 7 5,83
mai 3 5,83
juin 4 5,83
juil. 2 5,83
août 2 5,83

Les cas signalés étaient âgés de 1 à 13 ans et avaient un âge médian de 5,9 ans, et 14 cas sur 28 (50 %) étaient âgés de cinq ans et moins. Parmi les cas, 15 cas sur 28 (54 %) étaient des garçons. Tous les cas ont été hospitalisés et sept des 28 cas (25 %) ont été admis à l’unité de soins intensifs.

Au total, cinq des 26 cas (19,2 %) pour lesquels des analyses ont été effectuées ont révélé une infection à la COVID-19 confirmée par une épreuve de réaction en chaîne par polymérase (PCR) au cours des cinq mois précédant le diagnostic (tableau 3). Un autre cas a signalé une maladie respiratoire pendant la période d’exposition, mais il n’y a pas eu de test de dépistage pour la COVID-19. Les résultats des tests d’anticorps anti-spicule et anti-nucléocapside pour le SRAS-CoV-2 étaient été disponibles pour neuf cas. Sur ces neuf cas, sept cas (77,8 %) ont obtenu des résultats positifs et deux cas (22,2 %) ont obtenu des résultats négatifs.

Tableau 3 : Données épidémiologiques initiales obtenues pour les cas signalés d’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants de 16 ans et moins depuis le 1er octobre 2021
Indicateur Nombre de cas Nombre total de cas ayant eu des tests et des procédures Pourcentage (%)

COVID-19, confirmée par RCP

5

26

23,1

Adénovirus (échantillon sanguin ou respiratoire)

6

25

24,0

Biopsie du foie

12

27

44,4

Greffe du foie

4

27

14,8


L’adénovirus a été détecté dans des échantillons sanguins ou respiratoires de six des 25 cas (24 %) pour lesquels des tests ont été effectués (tableau 3), un échantillon étant typé comme étant de type B7. Les autres cas avec des échantillons positifs d’adénovirus n’ont pas été génotypés.

La greffe du foie était nécessaire pour quatre des 27 cas (14,8 %) (tableau 3). Toutefois, aucune constatation importante liée à l’enquête (en particulier, une cause potentielle de l’hépatite) n’a été relevée dans les explants hépatiques. Des biopsies du foie ont été effectuées chez 12 des 27 cas (44,4 %) (tableau 3) et aucune constatation importante liée à l’enquête ou à la cause potentielle de l’hépatite n’a été relevée.

Discussion

Les données sur l’hospitalisation provenant de la BDCP ont été utilisées conjointement avec les données du Québec obtenues du Ministère de la Santé et des Services sociaux pour estimer le nombre de cas qui se produisent au Canada chaque année. Il a été estimé qu’en moyenne 70 cas d’hépatite aiguë grave dont l’origine est inconnue se produisent chaque année au Canada, soit 5,83 cas par mois. Le 23 septembre 2022, à la fin de l’enquête canadienne sur l’éclosion, 28 cas probables (d’un à sept cas par mois) avaient été signalés dans six provinces au Canada (en moyenne 2,3 cas par mois). Le nombre de cas dépassait le niveau de référence en avril par un cas, mais le nombre de cas signalés était inférieur aux niveaux de référence pour tous les autres mois. D’après ces données, et malgré les limitations mentionnées ci-dessous, il ne semble pas y avoir eu d’augmentation des cas d’hépatite aiguë grave chez les enfants de 16 ans et moins dont l’origine est inconnue au Canada pendant la période de l’enquête.

Une définition nationale canadienne des cas probables a été adaptée de la définition des cas de l’OMS pour le contexte canadien. Cette définition a été délibérément conçue pour saisir le plus grand nombre possible de cas, dont certains peuvent avoir une étiologie potentielle pour les cas d’hépatite. À l’inverse, la définition canadienne de cas a ajouté une spécificité supplémentaire par rapport à la définition de l’OMS, en raison de l’exigence d’hospitalisation. Les cas moins graves n’ont peut-être pas été saisis s’ils n’ont pas été hospitalisés. En s’assurant que la définition de cas saisissait tous les cas graves possibles, il a été possible d’explorer d’éventuelles étiologies, associations ou agents causaux de la maladie. Le diagnostic de l’hépatite aiguë grave dont l’origine est inconnue n’est pas spécifique et n’implique pas que tous les cas signalés ont la même étiologie.

Le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays à identifier une augmentation des cas d’hépatite aiguë grave chez les enfants. Des articles récents ont suggéré une association possible en raison de la co-infection avec l’adénovirus et le VAA-2Note de bas de page 6Note de bas de page 7.Dans l’enquête effectuée au Royaume-Uni, 63,6 % des cas avaient des résultats positifs pour l’adénovirusNote de bas de page 5, alors qu’au Canada, seulement 24 % des cas avaient des résultats positifs pour l’adénovirus.Au Royaume-Uni, la plupart des cas (n = 214/249, 85,9 %) étaient âgés de 0 à 5 ans, alors que seulement 50 % des cas canadiens étaient âgés de 0 à 5 ansNote de bas de page 7.Dans une étude récente de Morfopoulou et al., une enquête approfondie portant sur 28 cas et 136 contrôles au Royaume-Uni a permis de déterminer des niveaux élevés du VAA-2 dans les foies examinés et dans le sang de 10 des 11 cas (90,1 %) non greffés.Les résultats indiquent une association entre le VAA-2 et l’hépatite aiguë grave chez les enfantsNote de bas de page 7.Le virus 2 associé aux adénovirus ne fait pas systématiquement l’objet d’analyses dans les laboratoires de santé publique : à notre connaissance, aucun échantillon canadien n’a été analysé pour détecter le VAA-2. Le faible nombre de cas présentant un adénovirus et les différences démographiques en matière d’âge, ainsi que le faible nombre de cas au Canada, suggèrent que les facteurs qui ont conduit à une augmentation des cas d’hépatite aiguë grave au Royaume-Uni n’ont peut-être pas été présents au Canada. Aux États-Unis, pour les patients faisant l’objet d’une enquête avec les données disponibles, environ 10 % ont signalé une infection active par le SRAS-CoV-2 et 33 % ont signalé des antécédents d’infection par le SRAS-CoV-2Note de bas de page 4. Cela est comparable aux cas canadiens signalés, puisque 23,1 % des cas canadiens ont eu une infection à la COVID-19 confirmée par PCR dans les cinq mois précédant le diagnostic. Par conséquent, il est probable que le nombre de cas signalés au Canada tient compte du niveau de référence de l’hépatite aiguë grave chez les enfants dont l’origine est inconnue qui est régulièrement observé au Canada.

Forces et faiblesses

Il s’agit de la première signalisation d’une incidence de base de l’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants au Canada.La BDCP recueille des données administratives, cliniques et démographiques de tous les établissements de soins actifs ou de leur ministère de la Santé ou de leur ministère de la Santé régional respectif, à l’exception du QuébecNote de bas de page 9. Pour l’ajout des données obtenues du Ministère de la Santé et des Services sociaux au Québec, ces données fournissent une estimation représentative à l’échelle nationale de l’incidence, qui n’a pas été établie avant la présente enquête.

Une des limites de cette approche est les différences méthodologiques dans la classification des cas entre : 1) l’estimation de l’incidence de base nationale à l’aide de données administratives passives et 2) la détermination des cas actif au cours de l’enquête. Sans avoir procédé à un examen complet de tous les cas inclus dans l’analyse de base, ce qui n’était pas possible en raison des contraintes de temps liées à une enquête active, il y a un risque de mauvaise classification et de comparabilité réduite entre les cas saisis au cours de l’éclosion actuelle et dans l’estimation de base. De plus, sans avoir procédé à un examen médical complet au cas par cas pour chaque cas inclus dans l’estimation de base, il y a un risque de mauvaise classification et une comparabilité réduite entre les cas saisis dans l’éclosion actuelle et l’estimation de l’incidence de base. Étant donné que la constatation active de cas a été utilisée au cours de la présente enquête, il est peu probable qu’elle ait sous-représenté l’incidence au cours de cette période. Enfin, le codage diagnostique de la CIM-10 a été utilisé pour estimer l’incidence de base, mais non dans la définition de cas de l’enquête. Par conséquent, les cas saisis dans l’estimation de base n’ont peut-être pas été complètement harmonisés avec ceux qui ont été saisis dans la présente enquête. Cela peut avoir entraîné une surestimation ou une sous-estimation de l’incidence de base par rapport à la maladie sous enquête. Toutefois, aux fins de la présente enquête, lorsqu’une estimation de l’incidence de base nationale était rapidement nécessaire pour déterminer si la maladie faisant l’objet de l’enquête dépassait le nombre de base estimé des cas, l’estimation nationale de la BDCP a fourni des données probantes suffisantes pour être utilisées conjointement avec d’autres sources de données probantes à l’appui de l’enquête.

Dans le cadre de l’enquête, il a été difficile de procéder à un examen rétrospectif des dossiers des cas depuis le 1er octobre 2021, en raison de l’examen des dossiers à forte intensité de ressources, des transferts de patients entre les établissements et les administrations et des différentes méthodes utilisées entre les administrations. Cela limite la comparabilité des estimations entre les provinces et les territoires et entraîne une sous-estimation ou une surestimation des cas selon la méthodologie utilisée.

Conclusion

Cette enquête conjointe fédérale-provinciale-territoriale a permis de signaler les cas d’hépatite aiguë dont l’origine est inconnue au Canada. L’analyse des dossiers d’hospitalisation a fourni une estimation de l’incidence de base de l’hépatite aiguë grave d’origine inconnue chez les enfants au Canada sur cette information et une augmentation au-dessus du niveau de base historique prévu pour cette maladie n’a pas été observée. Des recherches plus poussées sont nécessaires à l’échelle internationale pour déterminer la cause potentielle de l’augmentation de l’hépatite aiguë grave chez les enfants observés dans certaines régions et pour élucider pleinement les liens potentiels avec l’adénovirus, le VAA-2 ou toute autre cause potentielle.

Déclaration des auteurs

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Les auteurs souhaiteraient remercier l’équipe d’enquête sur l’hépatite aiguë et les partenaires provinciaux et territoriaux de la santé pour leur appui et leur collaboration au cours de cette enquête.

Financement

Ces travaux ont été soutenus par l’Agence de la santé publique du Canada.

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