L’adoption d’une approche fondée sur les tests ou sur les syndromes pour la déclaration des éclosions

RMTC

Volume 50-3/4, mars/avril 2024 : Innovations dans la surveillance en santé publique

Commentaire

Commentaire sur l'adoption d'une approche fondée sur les tests ou sur les syndromes pour la déclaration et la gestion des éclosions en milieu hospitalier et institutionnel

Patrick Galange1, Richard Mather2,3, Barbara Yaffe1,4, Michael Whelan2, Michelle Murti1,4

Affiliations

1 Université de Toronto, École de santé publique Dalla Lana, Toronto, ON

2 Santé publique Ontario, Toronto, ON

3 Université Queen's, Département de médecine familiale, Kingston, ON

4 Bureau du médecin hygiéniste en chef, ministère de la Santé, Toronto, ON

Correspondance

patrick.galange@mail.utoronto.ca

Citation proposée

Galange P, Mather R, Yaffe B, Whelan M, Murti M. Commentaire sur l'adoption d'une approche fondée sur les tests ou sur les syndromes pour la déclaration et la gestion des éclosions en milieu hospitalier et institutionnel. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2024;50(3/4):115–9. https://doi.org/10.14745/ccdr.v50i34a03f

Mots-clés : infections respiratoires, éclosion, tests, surveillance syndromique, institutions

Résumé

À l'heure actuelle, l'Ontario, comme la plupart des autres territoires de compétence au Canada, utilise une définition de surveillance basée sur les syndromes pour les éclosions d'infections respiratoires aiguës (IRA) dans les institutions et les hôpitaux publics. Les éclosions confirmées sont définies comme étant soit deux ou plusieurs cas d'IRA en 48 heures avec un lien épidémiologique commun et au moins un cas confirmé en laboratoire, soit trois cas d'IRA survenus en 48 heures avec un lien épidémiologique commun, mais pas nécessairement avec une confirmation en laboratoire. Cependant, avec l'adoption d'approches plus larges basées sur les tests pour les patients/résidents malades tout au long de la pandémie, de nouveaux défis sont apparus concernant la déclaration et la gestion des éclosions d'IRA avec une variété de scénarios dans les résultats des tests respiratoires. Les décisions, y compris la détermination du lien épidémiologique en cas de résultats discordants/négatifs, sont devenues plus compliquées avec l'ajout de résultats de tests propres au virus pour chaque personne malade. La définition des cas d'IRA et les conseils de prise en charge ont été mis à jour en 2018. L'objectif de ce commentaire est de mettre en évidence les tendances épidémiologiques des éclosions d'IRA en Ontario au cours de la saison 2022–2023 par rapport aux saisons antérieures à la pandémie, soit 2018–2019 et 2019–2020. Cette présentation est suivie d'une discussion sur les avantages et les défis liés à la mise en œuvre d'une approche basée sur les tests par rapport à une approche basée sur les syndromes pour les éclosions d'IRA.

Introduction

Les éclosions d'infections respiratoires dans les hôpitaux et les établissements de soins collectifs sont fréquentes et peuvent avoir des conséquences graves Note de bas de page 1Note de bas de page 2. Les conséquences sont notamment une augmentation de la morbidité et de la mortalité, des pressions sur les ressources humaines dans le domaine de la santé, des effets psychologiques de l'isolement sur les patients/résidents et leurs familles, ainsi qu'une augmentation des coûts des soins de santé. Il n'est pas surprenant que ces facteurs puissent peser lourdement sur un système de soins de santé déjà mis à rude épreuve Note de bas de page 1. L'identification et la gestion efficaces des éclosions sont essentielles pour assurer la sécurité des résidents et du personnel tout en maintenant la qualité de vie.

À l'heure actuelle, l'Ontario, comme la plupart des autres territoires de compétence au Canada, utilise une définition de surveillance basée sur les syndromes pour les éclosions d'infections respiratoires dans les institutions et les hôpitaux publics Note de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6. Les éclosions confirmées sont définies comme étant soit deux ou plusieurs cas d'infections respiratoires aiguës (IRA) en 48 heures avec un lien épidémiologique commun et au moins un cas confirmé en laboratoire, soit trois cas d'IRA survenus en 48 heures avec un lien épidémiologique commun, mais pas nécessairement avec une confirmation en laboratoire Note de bas de page 3. Cependant, avec l'adoption d'approches plus larges basées sur les tests pour les patients/résidents malades tout au long de la pandémie, de nouveaux défis sont apparus concernant la déclaration et la gestion des épidémies d'infections respiratoires avec une variété de scénarios dans les résultats des tests respiratoires. Les décisions, y compris la détermination du lien épidémiologique en cas de résultats discordants/négatifs, l'attribution des cas aux éclosions et la déclaration d'éclosions multiples simultanées sont devenues plus compliquées avec l'ajout de résultats de tests propres au virus pour chaque personne malade. La définition des cas d'infections respiratoires et les conseils de prise en charge ont été mis à jour en 2018. L'objectif de ce commentaire est de mettre en évidence les tendances épidémiologiques des éclosions d'infections respiratoires en Ontario au cours de la saison 2022–2023 par rapport aux saisons antérieures à la pandémie, soit 2018–2019 et 2019–2020. Vient ensuite une discussion sur les problèmes et les lacunes de la gestion actuelle des éclosions, avec une attention particulière pour les considérations relatives aux approches basées sur les syndromes ou sur les tests pour déclarer et gérer les éclosions d'infections respiratoires dans les hôpitaux ainsi que dans les centres d'hébergement, en particulier les résidences pour aînés et les centres de soins de longue durée.

Résultats

Changements pour la saison 2022–2023

La prévention, la déclaration et la gestion des éclosions en institution ont fait l'objet d'un certain nombre de changements importants tout au long de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19). Ces mesures comprennent, entre autres, le renforcement des mesures de prévention et de contrôle des infections (PCI) (e.g., port du masque universel, utilisation accrue de désinfectant pour les mains à base d'alcool); le soutien potentiel de spécialistes des maladies infectieuses, de la microbiologie médicale, de la santé publique et de PCI; des tests réguliers et plus fréquents pour le personnel; le prolongement de la capacité de test grâce à l'augmentation des heures d'ouverture du laboratoire et du personnel; et une augmentation des tests multipathogènes en 2022–2023, ainsi que l'utilisation systématique de tests antigéniques rapides (TAR) pour la COVID-19 Note de bas de page 7Note de bas de page 8. Dans l'ensemble, ces procédures et protocoles peuvent avoir eu un impact sur la taille globale, le taux d'attaque, la durée et/ou la fréquence des éclosions d'infections respiratoires Note de bas de page 7.

Il est particulièrement intéressant de noter qu'une approche actualisée des tests a probablement contribué de manière significative aux tendances observées dans les éclosions de pathogènes mixtes et inconnus. Par le passé, seuls les quatre premiers résidents atteints d'une IRA pouvaient être soumis à un test PCR multiplex respiratoire par le laboratoire de Santé publique Ontario, aucun test de routine n'étant effectué sur les résidents malades subséquents dans le cadre de cette éclosion. Cependant, tout au long de la pandémie de COVID-19, la province a mis en place un dépistage systématique de COVID-19 pour tous les résidents symptomatiques afin de garantir l'identification de tous les cas, mais le multiplex était toujours limité aux quatre premiers cas. Par la suite, la province a élargi l'admissibilité au dépistage des éclosions d'infections respiratoires à l'automne 2022; en plus des quatre premières personnes admissibles à la PCR multiplex respiratoire, toutes les personnes symptomatiques subséquentes étaient admissibles au dépistage de la COVID-19, de la grippe et du virus respiratoire syncytial (VRS), avec un délai rapide pour les résultats Note de bas de page 9.

Éclosions d'infection respiratoires au cours des saisons 2018–2020 par rapport à 2022–2023

Les données publiquement disponibles de l'Outil de surveillance des virus respiratoires en Ontario au 14 février 2024 sur les éclosions d'infections respiratoires dans les institutions et les hôpitaux publics sont résumées dans le tableau 1 Note de bas de page 10.

Tableau 1 : Éclosions d'infections respiratoires signalées dans les institutions et les hôpitaux publicsTableau 1 note de bas de page a et comparaison des proportions d'éclosionsTableau 1 note de bas de page b, pour les saisons prépandémiques 2018–2020 par rapport à 2022–2023Tableau 1 note de bas de page c
Type d'éclosion 2018–2019 2019–2020 2018–2020 combinés 2022–2023 Khi carré non corrigé Valeur p
(bilatéral)
Total des éclosions 1 643 1 018 2 661 1 679 s.o. s.o.
Éclosions de pathogènes multiples (proportion du total) 8 (0,5 %) 53 (5,2 %) 61 (2,3 %) 135 (8,0 %) 78,9 < 0,001
Éclosions de pathogènes inconnus (proportion du total) 796 (48,4 %) 353 (34,7 %) 1 149 (43,2 %) 193 (11,5 %) 483,8 < 0,001

Par rapport aux saisons prépandémiques 2018–2019 et 2019–2020 (jusqu'au 7 mars 2020), on observe en 2022–2023 une augmentation significative de la proportion d'éclosions à « pathogènes multiples ». De même, en 2022–2023, on a observé une diminution significative de la proportion d'éclosions avec un « agent pathogène inconnu » par rapport aux saisons prépandémiques comparables. L'augmentation du nombre d'éclosions impliquant des « pathogènes multiples » est cliniquement pertinente en raison de la durée médiane historiquement plus longue des éclosions par rapport à ceux n'impliquant qu'un seul pathogène Note de bas de page 1. La diminution des éclosions de « pathogènes inconnus » est également pertinente d'un point de vue clinique, car les interventions propres aux virus (e.g., la prophylaxie ou l'application de périodes d'incubation propres aux virus lors de la déclaration de la fin d'une éclosion) peuvent être appliquées lorsqu'il existe un virus causal connu.

Les tests améliorés sont probablement à l'origine de l'évolution des tendances en matière d'éclosions de pathogènes multiples et inconnus. Toutefois, le renforcement des tests peut également avoir entraîné d'autres tendances dans les éclosions pour lesquels les données ne sont pas publiquement disponibles, telles que des modifications des taux d'attaque si l'inclusion des cas est basée sur les résultats des tests plutôt que sur les symptômes ou si le renforcement des tests a été appliqué à des personnes légèrement symptomatiques (non IRA), et/ou des modifications de la durée des éclosions si elle est basée sur le dernier cas confirmé en laboratoire par rapport au dernier cas symptomatique Note de bas de page 7.

Discussion

Gestion des éclosions d'infections des voies respiratoires basée sur les syndromes ou sur les tests

Les tendances de la saison 2022–2023 justifient une discussion sur les problèmes et les lacunes des approches de définition et de gestion des éclosions basées sur les syndromes ou sur les tests, couramment utilisées au Canada. Tout d'abord, dans un scénario idéal, cela permet au système de santé de cibler et de gérer de manière exhaustive les agents causaux pour toutes les personnes malades dans le cadre de l'éclosion. Alors que les tests multiplex historiques portant uniquement sur les cas initiaux d'une éclosion (e.g., les tests des « quatre premiers » en Ontario) étaient suffisants pour la majorité des éclosions, le déclin des éclosions de « pathogènes inconnus » dans les établissements en 2022–2023 suggère que des tests supplémentaires permettent de cibler un virus causal dans une plus grande proportion d'éclosions. Au niveau individuel, l'identification de la grippe ou de la COVID-19 permet d'initier avec précision l'oseltamivir ou le nirmatrelvir/ritonavir, respectivement, qui sont des interventions à la fois rapides et vitales. De même, les prestataires peuvent plus facilement mettre en place une prophylaxie antivirale pour supprimer les éclosions de grippe et éviter de mettre en place ou d'utiliser une prophylaxie antivirale pour les éclosions non grippales Note de bas de page 11.

Un deuxième avantage de l'approche basée sur les tests est la meilleure compréhension de l'épidémiologie de l'infection respiratoire pour les futurs programmes de vaccination et de thérapie, comme pour le VRS. Par exemple, les tests améliorent l'évaluation de la prévalence du VRS dans les populations des établissements, ce qui permet d'envisager un programme de vaccination contre le VRS avec les prochains vaccins contre le VRS Note de bas de page 12. Troisièmement, les approches syndromiques existantes s'appuient sur la définition de l'IRA pour inclure les cas dans une éclosion. Certaines populations, comme les personnes âgées, peuvent ne pas présenter les symptômes « classiques » d'une IRA. Ces cas peuvent passer inaperçus si l'on s'appuie sur une approche syndromique et qu'ils ne sont pas testés, mais ils seraient pris en compte si l'on utilisait une approche basée sur les tests Note de bas de page 13. Il convient de noter que cet argument perd de sa pertinence lorsqu'on applique une définition de cas syndromique plus sensible, qui inclut des symptômes non respiratoires tels qu'une diminution de la fonction ou une augmentation des chutes.

Inversement, l'approche fondée sur les tests pose également des problèmes. Tout d'abord, la prise de décision est plus difficile et prend plus de temps pour la gestion des éclosions lorsqu'il s'agit d'effectuer un test sur chaque personne symptomatique plutôt que de présumer leur lien avec l'éclosion et de les gérer en conséquence. L'initiation du traitement et de la prophylaxie risque d'être retardée si l'équipe chargée de la gestion de l'éclosion doit désormais attendre les résultats des tests individuels au lieu de procéder à un traitement empirique. Deuxièmement, bien que les tests supplémentaires puissent optimiser l'utilisation des ressources à long terme, leur coût initial n'est pas négligeable Note de bas de page 14. Les décideurs en matière de financement de la santé publique doivent prendre en compte les coûts par rapport aux avantages d'une utilisation accrue des tests PCR multiplex respiratoires et/ou par groupe pour la COVID-19, la grippe ou le VRS Note de bas de page 15. Troisièmement, il n'est pas certain que les approches fondées sur des tests améliorent les principaux résultats, tels que la morbidité et la mortalité, en cas d'éclosion. Toutefois, la diminution de la fréquence des éclosions de « pathogènes multiples » pourrait réduire la durée des éclosions et diminuer les restrictions imposées aux programmes de loisirs, ce qui améliorerait considérablement la qualité de vie des résidents. Quatrièmement, les modifications proposées pourraient en fait entraîner une diminution du nombre d'éclosions déclarées comme ayant des « agents pathogènes multiples ». Elles pourraient plutôt être considérées comme de multiples éclosions simultanées, ce qui augmenterait le nombre total d'éclosions déclarées. Cinquièmement, cette méthode de test pourrait conduire le personnel à accorder trop d'importance aux résultats des tests, au détriment de l'évaluation du patient dans son ensemble. Enfin, les approches fondées sur les tests doivent aborder l'interprétation des résultats négatifs et les situations dans lesquelles les personnes ne sont pas testées, alors qu'un organisme précis est identifié chez d'autres patients/résidents. Prenons l'exemple de deux patients atteints d'une IRA et liés sur le plan épidémiologique, dont l'un a un résultat de test positif à la grippe et l'autre, négatif. Cette situation répondrait techniquement à la définition actuelle de l'éclosion en Ontario, en fonction de la force déterminée du « lien épidémiologique » entre les deux cas et de la présomption que le test négatif est un « faux négatif », éventuellement attribuable à une mauvaise technique ou à un mauvais moment pour le prélèvement de l'échantillon. Historiquement, aucun test supplémentaire n'était effectué une fois l'éclosion de grippe déclarée. Il déclencherait alors l'instauration d'une chimioprophylaxie antivirale pour l'ensemble de la zone touchée par l'éclosion, ainsi qu'un traitement antiviral pour toutes les personnes nouvellement symptomatiques Note de bas de page 8. Toutefois, si les résidents malades qui ont suivi ont tous été testés et les résultats se sont révélés négatifs (ou positifs pour un virus différent), la gestion de l'éclosion basée sur la grippe pourrait être jugée inutile et interrompue.

Conclusion

Les éclosions d'infections respiratoires dans les hôpitaux et les institutions sont fréquentes et peuvent être graves. À la suite de la pandémie de COVID-19, un certain nombre de changements ont été apportés à l'identification et à la prise en charge des éclosions d'infections respiratoires dans ces contextes après la dernière mise à jour des lignes directrices en 2018 (avant la pandémie) et la saison respiratoire 2022–2023 en Ontario. Ce commentaire explore les avantages et les défis liés à l'adoption d'une approche de la déclaration et de la gestion des éclosions davantage basée sur les tests que sur les syndromes. Davantage de données et d'évaluations sont nécessaires pour déterminer si l'utilisation d'approches fondées sur des tests plus nombreux a un impact significatif sur les résultats de la gestion des éclosions et si elle est rentable. Par exemple, il serait important de classer ces impacts entre les différents types d'établissements, ainsi que de tenir compte de toute différence dans les capacités du personnel et les populations de patients. En fin de compte, l'exploration des méthodes basées sur les tests par rapport aux méthodes syndromiques traditionnelles souligne la nécessité d'une approche nuancée qui non seulement améliore l'efficacité de la gestion des éclosions, mais améliore également de manière significative la qualité de vie des résidents, ce qui se traduit par de meilleurs résultats globaux en matière de santé.

Déclaration des auteurs

  • P. G. — Conceptualisation, analyse, interprétation des données, rédaction–version originale, rédaction–révision et édition
  • R. M. — Conceptualisation, analyse, interprétation des données, rédaction–révision et édition
  • B. Y. — Analyse, rédaction–révision et édition
  • M. W. — Interprétation des données, rédaction–révision et édition
  • M. M. — Conceptualisation, analyse, interprétation des données, rédaction–révision et édition

Le contenu de cet article et les opinions qui y sont exprimées n'engagent que les auteurs et ne reflètent pas nécessairement ceux du gouvernement du Canada.

Intérêts concurrents

Aucun.

Remerciements

Un grand merci à tous ceux qui, dans l'ensemble de l'Ontario et à Santé publique Ontario, contribuent à la surveillance des virus respiratoires.

Financement

Aucun.

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