L’impact de la pandémie de COVID-19 sur les voyages aériens à destination du Canada

RMTC

Volume 50-3/4, mars/avril 2024 : Innovations dans la surveillance en santé publique

Étude épidémiologique

Impact de la pandémie de COVID-19 sur les voyages aériens à destination du Canada

Vanessa Gabriele-Rivet1, Erin Rees1, Afnan Rahman1, Rachael M Milwid1

Affiliation

1 Laboratoire national de microbiologie, Agence de la santé publique du Canada, Saint-Hyacinthe, QC

Correspondance

vanessa.gabriele-rivet@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Gabriele-Rivet V, Rees E, Rahman A, Milwid RM. Impact de la pandémie de COVID-19 sur les voyages aériens à destination du Canada. Relevé des maladies transmissibles au Canada 2024;50(3/4):120–7. https://doi.org/10.14745/ccdr.v50i34a04f

Mots-clés : volume de voyageurs, circulation aérienne commerciale, IATA, ARMMI-S, analyse de séries chronologiques interrompues, restrictions de voyage, Canada, COVID-19

Résumé

Contexte : Les voyages aériens commerciaux peuvent entraîner une dispersion mondiale des maladies infectieuses. Pendant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), de nombreux pays ont mis en œuvre des mesures frontalières, y compris des restrictions sur les voyages aériens, afin de réduire le risque d'importation de la COVID-19. Dans le contexte des voyages aériens à destination du Canada, cette étude visait à : 1) caractériser les tendances des voyages avant et pendant la pandémie, et 2) évaluer statistiquement l'association entre les volumes de voyageurs et les restrictions de voyage pendant la pandémie.

Méthodes : Les données mensuelles sur les transports aériens commerciaux de mars 2017 à février 2023 ont été obtenues auprès de l'Association du transport aérien international (IATA). Les tendances des voyages vers le Canada au niveau national et dans les aéroports ont été caractérisées par le nombre de voyageurs entrants, le nombre de pays contribuant aux voyages et le classement des dix premiers pays contribuant aux voyages au cours de la période d'étude, par six groupes de sous-périodes annuelles (trois sous-périodes prépandémiques et trois pandémiques). En utilisant des modèles autorégressifs à moyennes mobiles intégrés saisonniers (ARMMI-S), les analyses de séries chronologiques interrompues (SCI) ont évalué l'association entre les principales restrictions de voyage et le nombre de voyageurs en incluant des variables pour représenter les changements de niveau et de pente de la série chronologique.

Résultats : Le volume des voyageurs entrant au Canada avant la pandémie a augmenté de 3 à 7 % entre les sous-périodes consécutives, avec trois pics saisonniers (juillet–août, décembre–janvier, mars). Au début de la pandémie, le nombre des voyageurs a diminué de 90 %, et le nombre de pays contributeurs a passé d'environ 200 à 140, suivi d'une lente reprise du volume et de la saisonnalité. Une perturbation dans le classement des pays d'où provenaient des voyageurs a également été constatée au cours de la pandémie. Les résultats de l'analyse SCI concordent avec les restrictions de voyage comme suit : la mise en œuvre des restrictions en mars 2020 a coïncidé avec une forte réduction du nombre de voyageurs, alors que l'assouplissement des principales restrictions, qui a débuté par l'autorisation pour les voyageurs entièrement vaccinés en provenance des États-Unis d'entrer au Canada en août 2021, a coïncidé avec une augmentation du nombre de voyageurs. Vers la fin de la période d'étude, les résultats descriptifs et statistiques suggèrent un quasi-retour aux tendances de voyages observées avant le début de la pandémie.

Conclusion : Les résultats de l'étude suggèrent une résilience dans le transport aérien commercial vers le Canada. Bien que la pandémie de COVID-19 ait perturbé les tendances en matière de voyages, l'assouplissement des restrictions semble avoir permis la réapparition des tendances antérieures à la pandémie. L'acquisition d'une meilleure compréhension des tendances du transport aérien, tel qu'exploré dans cette étude, peut fournir des renseignements qui soutiennent les efforts de préparation et de réponse aux situations d'urgence visant à réduire le risque d'importation d'agents pathogènes infectieux.

Introduction

Le volume et l'interconnectivité des voyages aériens dans le monde ont augmenté entre 2010 et 2019 Note de bas de page 1 et étaient prévus de continuer de croître avant le début de la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) Note de bas de page 2. Alors que l'augmentation de la connectivité mondiale favorise la collaboration internationale, le commerce et le développement socio-économique global du monde, elle accroît également la propagation de maladies infectieuses potentielles Note de bas de page 1Note de bas de page 3, telles que la dengue Note de bas de page 4, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) Note de bas de page 5 et la grippe Note de bas de page 6. Plus récemment, le coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS-CoV-2), agent hautement transmissible responsable de la COVID-19, s'est rapidement propagé dans le monde entier après avoir été détecté à Wuhan, en Chine, à la fin de l'année 2019. En réaction, de nombreux pays ont mis en place des restrictions de voyage afin de limiter sa propagation.

Le 21 mars 2020, le gouvernement du Canada a introduit des restrictions de voyage pour les étrangers entrant au Canada Note de bas de page 7. Durant la pandémie, d'autres mesures frontalières ont été mises en œuvre à l'échelle du Canada pour les voyageurs entrant au Canada afin de minimiser le risque d'importation de la COVID-19, notamment la suspension des vols en provenance de certains pays Note de bas de page 8, des tests moléculaires pour le SRAS-CoV-2 avant le départ pour le Canada et à l'arrivée au Canada et une période de quarantaine obligatoire de 14 jours pour les voyageurs arrivant au Canada Note de bas de page 9. Certains voyageurs ont été exemptés de ces mesures en raison du motif de leur voyage, incluant la livraison de services, de fournitures et d'équipements essentiels Note de bas de page 7. Le 9 août 2021 a marqué le début de l'assouplissement des principales restrictions de voyage, avec l'autorisation pour les voyageurs non essentiels entièrement vaccinés en provenance des États-Unis d'entrer dans le pays Note de bas de page 9Note de bas de page 10. La levée de toutes les restrictions de voyage a été achevée le 1er octobre 2022, de même que d'autres mesures frontalières de dépistage, de quarantaine et d'isolement Note de bas de page 11.

Dans cette étude, les tendances temporelles des voyages aériens commerciaux au Canada de mars 2017 à février 2023 ont été analysées pour mieux comprendre l'impact de la pandémie sur la circulation aérienne. Les objectifs de l'étude étaient les suivants : 1) décrire les tendances de voyage à destination du Canada avant et pendant la pandémie de COVID-19, et 2) utiliser une analyse de séries chronologiques interrompues (SCI) pour évaluer statistiquement l'association entre le volume de voyageurs entrant au Canada et la mise en œuvre et la levée des restrictions de voyage (modélisées par des changements de niveau et de pente). Les résultats de l'étude ont des implications pour la compréhension de la résilience du système de transport aérien face au facteur de stress externe d'une pandémie mondiale.

Méthodes

Données

Les données relatives au volume de passagers aériens commerciaux, agrégées au niveau mensuel, ont été obtenues auprès de l'Association du transport aérien international (IATA) pour la période allant de mars 2017 à février 2023. L'IATA est l'association des compagnies aériennes commerciales et fournit des analyses de leur circulation aérienne. Les données, qui proviennent d'environ 300 compagnies aériennes, représentent 83 % de la circulation aérienne mondiale depuis 2016 Note de bas de page 12. Les données sont présentées sous forme de nombre de passagers pour chaque itinéraire de vol, qui peut comprendre une à cinq escales entre l'aéroport d'origine et l'aéroport de destination finale. Pour cette étude, les données de l'IATA ont été réduites pour n'inclure que les voyages à destination du Canada.

Analyse descriptive

Les données sur les voyages aériens à destination du Canada sont présentées au niveau national et au niveau des aéroports, ce dernier étant constitué des voyages au quatre plus grands aéroports canadiens en tant que destination finale : L'aéroport international Pearson de Toronto, l'aéroport international Pierre Elliot Trudeau de Montréal, l'aéroport international de Vancouver et l'aéroport international de Calgary. Les données de l'IATA ont été divisées en six sous-périodes annuelles commençant en mars, afin de coïncider avec la mise en œuvre des premières restrictions au transport aérien. Les sous-périodes prépandémiques allaient de mars 2017 à février 2018 (sous-période −3), de mars 2018 à février 2019 (sous-période −2) et de mars 2019 à février 2020 (sous-période −1). Les sous-périodes pandémiques allaient de mars 2020 à février 2021 (sous-période 1), de mars 2021 à février 2022 (sous-période 2) et de mars 2022 à février 2023 (sous-période 3).

Le nombre de voyageurs pour chaque sous-période et la variation en pourcentage du volume de passagers entre les sous-périodes consécutives sont présentées. Pour étudier les tendances saisonnières de la circulation aérienne, le volume des voyageurs et le nombre total de pays contribuant au volume des voyageurs sont également présentées au niveau mensuel pour les six sous-périodes. Enfin, des cartes thermiques ont été générées au niveau national et au niveau des aéroports afin de comparer visuellement le classement des dix premiers pays contribuant aux voyages au cours de chaque sous-période. Les pays ont été classés dans l'une des sept catégories de volume de voyageurs, qui ont été déterminées en étudiant la distribution du volume total de voyageurs entrant au Canada.

Analyse statistique

Une analyse SCI utilisant des modèles autorégressifs à moyennes mobiles intégrés saisonniers (ARMMI-S) Note de bas de page 13 a été réalisée pour évaluer l'association entre les principales restrictions de voyage et le nombre mensuel de voyageurs entrant au Canada. Aux fins de cette analyse, les principales restrictions de voyage sont définies comme des mesures applicables à la majorité des voyageurs non essentiels (e.g., les restrictions fondées sur le statut vaccinal). Nous n'incluons donc pas dans cette définition les avis aux navigants aériens (NOTAM) qui, lorsqu'ils ont été utilisés pendant la pandémie, ne s'appliquaient qu'à une petite partie des voyageurs et ne devaient donc pas avoir un impact important sur le volume de voyageurs.

Les données des séries chronologiques ont fréquemment une dépendance temporelle (connu sous le nom d'autocorrélation). Les modèles ARMMI-S sont couramment utilisés dans l'analyse des séries chronologiques de données sur les voyages aériens Note de bas de page 14Note de bas de page 15 puisqu'ils présentent l'avantage de tenir compte de la saisonnalité et d'autres formes d'autocorrélation. Ainsi, l'approche de modélisation ARMMI-S est une méthode robuste pour évaluer l'impact d'une intervention sur la variable temporelle d'intérêt contrairement à la SCI traditionnelle de régression segmentée, pour laquelle l'hypothèse d'observations indépendantes est souvent violée. Le modèle est exprimé sous la forme ARMMI-S (p, d, q) × (P, D, Q)s où « s » correspond au nombre d'observations par saison et les paramètres p, d et q correspondent respectivement à l'ordre du processus autorégressif, au degré de différenciation et à l'ordre du processus de moyenne mobile. De plus, P, D et Q représentent les termes analogues pour les composantes saisonnières.

Le principe d'une approche SCI est d'évaluer si les données observées divergent des données ajustées par le modèle lorsqu'on tient compte de l'effet d'une intervention. Pour les présentes analyses, l'hypothèse a été émise que les effets d'intervention des restrictions de voyage pouvaient être modélisés par deux types de variables, changement de niveau et changement de pente Note de bas de page 13. Deux changements de niveau ont été utilisés pour tenir compte de la chute importante du nombre de voyageurs en mars et avril 2020, respectivement. Deux changements de niveau ont été nécessaires, car les restrictions de voyage mises en œuvre le 21 mars 2020 n'ont eu qu'un impact partiel sur le volume total des voyageurs durant ce mois. Un changement de pente a été utilisé pour saisir la hausse du nombre de voyageurs à partir d'août 2021, afin de coïncider avec le premier assouplissement des principales restrictions de voyage, c'est-à-dire l'autorisation pour les voyageurs non essentiels entièrement vaccinés des États-Unis d'entrer dans le pays. Le modèle SCI a été comparé à un modèle d'hypothèse nulle (H0) qui n'incluait pas les variables de changement de niveau et de pente. Les meilleurs modèles, avec les paramètres ARMMI-S, ont été sélectionnés en tenant compte de l'autocorrélation à l'aide de la fonction de prévision auto.arima du progiciel R Note de bas de page 16Note de bas de page 17. La normalité, l'absence d'hétéroscédasticité et l'autocorrélation des résidus des modèles ont été évaluées à l'aide d'un graphique de l'évolution des résidus dans le temps, d'un histogramme, d'un graphique de la fonction d'autocorrélation et du test de Ljung-Box pour l'autocorrélation. Les valeurs p inférieures à 0,05 ont été considérées comme statistiquement significatives pour tous les tests statistiques. Les modèles SCI et H0 ont été comparés en utilisant l'écart moyen quadratique (EMQ) et l'erreur moyenne absolue (EMA) Note de bas de page 18. Toutes les analyses ont été effectuées à l'aide du logiciel statistique R, version 4.2.1 Note de bas de page 19.

Résultats

Avant la pandémie de COVID-19, le nombre total des voyageurs aériens entrant au Canada a augmenté au fil du temps, avec une hausse de 7 % entre la sous-période −3 et la sous-période −2 prépandémiques, et une hausse de 3 % entre la sous-période −2 et la sous-période −1 prépandémiques. Au cours de la sous-période prépandémique −1, plus de 33,9 millions de voyageurs sont entrés au Canada. Le début de la pandémie de COVID-19 a entraîné une diminution de 90 % du volume de la circulation aérienne, avec moins de 4 millions de voyageurs entrant au Canada au cours de la sous-période pandémique 1. Le volume des voyageurs a ensuite augmenté pendant le reste de la période d'étude (une augmentation de 101 % de la sous-période 1 à la sous-période 2 pandémiques, et une augmentation de 244 % de la sous-période 2 à la sous-période 3 pandémiques), ce qui a permis une lente reprise pour atteindre des niveaux proches de la prépandémie lors de la sous-période pandémique 3 (24,5 millions de voyageurs; figure 1). Des tendances similaires ont été observées au niveau des aéroports, où la plupart des voyageurs (38 %–41 % par an) ont atterri à l'aéroport international Pearson de Toronto, suivi de l'aéroport international Pierre Elliot Trudeau de Montréal (17 %–20 % par an), de l'aéroport international de Vancouver (14 %–17 % par an) et, enfin, de l'aéroport international de Calgary (7 %–8 % par an).

Figure 1 : Volume total des voyageurs par sous-période d'étude et variation en pourcentage entre les sous-périodes consécutives pour A) le Canada et B) chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale

Figure 1

Figure 1 - Équivalent textuel

La figure montre le nombre de voyageurs entrant A) au Canada et B) dans chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale pour chaque sous-période. Le volume de voyageurs entrants est indiqué à l'aide d'un diagramme à barres, alors que la ligne verticale et le pourcentage associé représentent la variation en pourcentage du nombre de voyageurs entre les sous-périodes consécutives. Au niveau national et au niveau des aéroports, le volume de voyageurs a augmenté progressivement de la sous-période −3 à la sous-période −1, suivi d'une chute considérable au début de la pandémie (−89,5 % au niveau national, et −88,1 % à −90,4 % au niveau des aéroports). Au cours de la période pandémique, le volume de voyageurs a considérablement augmenté entre la sous-période 1 et la sous-période 3.


Durant les sous-périodes prépandémiques, le volume mensuel des voyageurs entrants au niveau national et au niveau des aéroports était cyclique, avec des pics en été (juillet–août), en hiver (décembre–janvier) et à la fin de l'hiver/début du printemps (mars). Bien que fortement atténuées, ces tendances semblent se poursuivre tout au long de la pandémie, avec une hausse du volume des voyageurs perceptible surtout pendant les mois d'été et d'hiver. Des tendances similaires ont été observées au niveau des aéroports (figure 2).

Figure 2 : Volume des voyageurs entrant A) au Canada et B) à chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale, réparti par mois et par sous-période d'étude

Figure 2

Figure 2 - Équivalent textuel

La figure montre le nombre mensuel de voyageurs entrant A) au Canada et B) dans chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale. Chaque sous-période est illustrée par une couleur différente. Un patron saisonnier est observable pour chaque destination, avec des pics en été (juillet–août), en hiver (décembre–janvier) et à la fin de l'hiver/début du printemps (mars). Pour les destinations nationales et les aéroports, la tendance générale d'une augmentation annuelle du volume de voyageurs au cours de la période prépandémique a été interrompue par une chute considérable des volumes de voyageurs mensuels en mars et avril 2020, suivie d'une augmentation substantielle au cours des sous-périodes pandémiques.


Contrairement au nombre de voyageurs, les tendances saisonnières pour le nombre de pays contribuant aux voyages vers le Canada n'étaient pas évidentes. Avant la pandémie de COVID-19, les voyageurs en provenance d'environ 200 pays contribuaient aux voyages à destination du Canada chaque mois, pour passer à environ 140 pays en avril et à environ 125 pays en juin 2020. À partir de juin 2020, une hausse du nombre de pays contributeurs est observée, pour finalement atteindre au cours de la sous-période pandémique 3 des valeurs comparables à la période prépandémique au niveau national et pour tous les aéroports, à l'exception des aéroports internationaux de Calgary et de Vancouver (figure 3).

Figure 3 : Nombre mensuel de pays contribuant aux voyages vers A) le Canada et B) les quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale

Figure 3

Figure 3 - Équivalent textuel

La figure montre le nombre mensuel de pays d'où proviennent les voyages, avec des voyageurs arrivant A) au Canada et B) dans chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale. Chaque sous-période est illustrée par une couleur différente. Aucune tendance saisonnière n'est perceptible pour le nombre de pays contribuant aux voyages entrant au niveau national et au niveau des aéroports. Le nombre de pays d'où proviennent des voyageurs entrant au Canada est passé d'environ 200 avant la pandémie à environ 125 en juin 2020, suivi d'une augmentation substantielle pendant les sous-périodes de la pandémie. Les quatre aéroports de destination ont suivi la même tendance générale.


La majorité des voyageurs aériens provient invariablement des États-Unis, tant au niveau national qu'au niveau des aéroports, tout au long de la période étudiée. Avant la pandémie de COVID-19, le classement des dix premiers pays contribuant aux voyages entrants était relativement stable entre les sous-périodes, même si une variation était notable d'un aéroport à l'autre. Au début de la pandémie, une forte diminution du volume de voyageurs par pays d'origine a été constatée, ainsi qu'une perturbation dans le classement des dix premiers pays contribuant aux voyages au niveau national et au niveau des aéroports pendant toute la durée de la pandémie. Par exemple, certains pays ont fait apparition dans le classement des dix pays contributeurs durant la période pandémique (e.g., les Émirats arabes unis pour l'aéroport international Pearson de Toronto). D'autres pays sont demeurés dans les dix pays contributeurs mais ont changé de position dans leur classement (e.g., les Pays-Bas pour l'aéroport international de Calgary) (figure 4).

Figure 4 : Classement des pays d'origine contribuant aux voyages vers A) le Canada et B) chacun des quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale

Figure 4

Figure 4 - Équivalent textuel

La figure montre le classement du volume de voyageurs entrants par pays d'origine, pour chaque sous-période pour A) le Canada et B) les quatre plus grands aéroports canadiens comme destination finale. La couleur des cellules correspond au nombre total des voyageurs entrants pour le pays concerné au cours de chaque sous-période. Au cours de la période prépandémique, l'ordre des dix premiers pays contribuant aux voyageurs entrants était relativement comparable entre les sous-périodes au niveau national et au niveau des aéroports, alors que le classement a été perturbé au cours de la période pandémique.


Les modèles H0 et SCI sélectionnés étaient respectivement ARMMI-S (0,1,1) x (1,0,0)12 et ARMMI-S (2,0,0) x (2,1,0)12. Pour le SCI, les variables incluses pour modéliser l'impact de la mise en œuvre des restrictions de voyage sur le nombre de voyageurs aériens à destination du Canada étaient statistiquement significatives (i.e., deux changements de niveau estimant une réduction du nombre de voyageurs pour mars 2020 et avril 2020). Une augmentation de la pente du nombre de voyageurs en août 2021 par rapport à ce qui était attendu en l'absence de restrictions de voyage était également statistiquement significative (matériel supplémentaire). Les résultats des tests de Ljung-Box suggèrent une absence d'autocorrélation pour les modèles H0 et SCI (Q* = 7,6141, dérive = 12, décalage = 14, valeur p = 0,815; Q* = 7,2782, dérive = 10, décalage = 14, valeur p = 0,699). La comparaison des résultats de l'EMQ (H0 : 303 353,2, SCI : 124 124,6) et l'EMA (H0 : 198 609,5, SCI : 82 132,2) démontrent que les variables supplémentaires du modèle SCI destinées à saisir les changements dus aux restrictions de voyage ont permis d'obtenir de meilleures mesures du rendement du modèle. Les évaluations des résidus du modèle H0 suggèrent que ce dernier ne prend pas en compte l'effet des restrictions de voyage, comme prévu, et comme observé par la chute substantielle des résidus en mars 2020 et avril 2020. D'autre part, les résidus du modèle SCI montrent que le modèle ne tient pas suffisamment compte des différences dans l'ampleur des patrons saisonniers entre les périodes prépandémique et pandémique. Les détails des diagnostics du modèle sont inclus dans le matériel supplémentaire.

Discussion

Cette étude a analysé les tendances temporelles des voyages aériens commerciaux à destination du Canada avant et pendant la pandémie de COVID-19 et a inclus une évaluation statistique de l'impact des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 sur le volume de voyageurs. Alors que les perturbations initiales ont été les plus importantes au début de la pandémie, lorsque les mesures aux frontières étaient les plus strictes, les résultats de l'analyse descriptive et de l'analyse SCI montrent que le nombre de voyageurs et les tendances saisonnières ont connu un retour progressif suite à l'assouplissement des restrictions de voyage. En revanche, le classement des pays en fonction du volume des entrées n'a pas retrouvé les tendances prépandémiques au même titre que les autres mesures.

En utilisant la pandémie de COVID-19 comme étude de cas, les présentes analyses mettent en évidence l'impact d'une crise internationale sur les patrons de voyage (volume, saisonnalité, classement des pays contributeurs). Les voyages aériens jouent un rôle important dans la dispersion mondiale des maladies infectieuses Note de bas de page 20, et de tels changements radicaux dans la circulation aérienne sont susceptibles d'avoir des implications directes sur le risque d'importation de pathogènes infectieux au Canada. Par exemple, le risque d'importation dépend du nombre de voyageurs en provenance des pays à forte incidence, comme signalé par le passé pour la COVID-19 et d'autres maladies infectieuses Note de bas de page 21Note de bas de page 22. De même, on peut s'attendre à ce qu'un changement dans le classement des pays contributeurs ait un impact sur le risque global d'importation si les pays diffèrent par l'incidence de la maladie. Les résultats de la présente étude ont également montré un retour progressif aux tendances de voyages observées avant le début de la pandémie, suite à l'assouplissement des restrictions de voyage, ce qui démontre la résilience du transport aérien à destination du Canada. Ainsi, lors de futures éclosions de maladies infectieuses émergentes ou réémergentes, en absence de données actuelles ou prévisionnelles sur le volume des voyageurs aériens, les données historiques obtenues lors de circonstances normales peuvent être utiles pour orienter la connaissance de la situation et les stratégies d'intervention.

La présente analyse SCI était une approche simple pour évaluer l'effet des restrictions de voyage sur le volume de voyageurs entrant au Canada, en utilisant des variables d'intervention de base. Les résultats de cette analyse suggèrent que la mise en œuvre des premières restrictions d'entrée des étrangers au Canada Note de bas de page 9 en mars 2020, en réponse à l'augmentation mondiale des cas Note de bas de page 23, a catalysé la tendance initiale à la baisse du volume des voyageurs observée, comme ailleurs dans le monde Note de bas de page 24. Par la suite, l'assouplissement des restrictions de voyage au Canada en août 2021 a coïncidé avec une augmentation significative du volume des voyageurs pendant la période de la pandémie de COVID-19. Même si les effets modélisés étaient statistiquement significatifs, d'autres facteurs non inclus dans le modèle pourraient être associés aux tendances observées dans la circulation aérienne pendant la pandémie. Par exemple, d'autres mesures frontalières, telles que les tests et les exigences en matière de quarantaine, peuvent avoir un effet dissuasif important sur les voyageurs. De plus, les NOTAM mis en œuvre sur de courtes périodes pour interdire l'entrée au Canada aux voyageurs de certains pays (e.g., le Royaume-Uni [décembre 2020 à janvier 2021 Note de bas de page 25], le Pakistan [avril à juin 2021 Note de bas de page 26], l'Inde [avril à septembre 2021 Note de bas de page 27], le Mexique et les pays des Caraïbes [janvier à avril 2021 Note de bas de page 28], et le Maroc [août à octobre 2021 Note de bas de page 8Note de bas de page 9]) ont probablement contribué à réduire le volume de voyageurs de façon transitoire. Les voyages dans le monde peuvent également être influencés par des facteurs complexes et interconnectés liés à l'économie, au commerce et au tourisme Note de bas de page 29, ainsi que par la volonté des gens de voyager selon leur perception du risque lié à la COVID-19 Note de bas de page 30. Compte tenu de la complexité du système de transport aérien pendant la pandémie, les recherches futures pourraient bénéficier de l'exploration de modèles plus complexes, par exemple en utilisant des fonctions de transfert pour mieux saisir l'effet observé Note de bas de page 13 ou en appliquant des méthodes alternatives pour ajuster de manière adéquate les changements dans les patrons saisonniers, comme cela a été observé pendant la pandémie Note de bas de page 31. De plus, une extension future de l'étude pourrait consister à examiner l'impact potentiel des restrictions des voyages aériens sur les taux d'importation de COVID-19 afin d'en évaluer leur efficacité.

Limites

Les données et l'analyse de l'étude présentent d'autres limites. Tout d'abord, les données de l'IATA n'incluent pas l'ensemble de la circulation aérienne mondiale Note de bas de page 12. Bien que la majorité des données sur le transport aérien (83 %) aient été disponibles pour l'analyse, il est possible que certaines tendances aient été surestimées, sous-estimées ou exclues. De plus, il est important de noter que les résultats de l'étude s'inscrivent dans le contexte de l'expérience COVID-19 au Canada. Il est intuitif de s'attendre à ce que les restrictions de voyage mises en œuvre pour de futures pandémies entraînent une diminution du nombre de voyageurs, une atténuation des patrons saisonniers et une perturbation du classement des pays contributeurs, comme le montre cette étude. La nature de ces changements dépendra toutefois du contexte des voyages aériens au Canada, compte tenu des échanges commerciaux, des voyages personnels (e.g., tourisme, éducation, visites à la famille), de l'épidémiologie de la maladie et de la possibilité de mettre en œuvre des restrictions de voyage.

Conclusion

Cette étude présente une méthode permettant de comprendre comment les restrictions de voyage peuvent avoir un impact sur les voyages aériens entrants, tel que démontré dans le contexte de la pandémie de COVID-19 au Canada. L'approche caractérise le comportement du système dans des circonstances normales et inhabituelles, comme le montrent de manière descriptive les tendances du volume des voyageurs, la saisonnalité et les contributions des pays, et de manière statistique les répercussions significatives dans la mise en œuvre et l'élimination des restrictions. Alors que les résultats de l'étude indiquent que les interventions mises en œuvre en réponse à la pandémie ont la capacité de perturber les patrons de voyages entrants, tant au niveau national qu'au niveau des aéroports d'arrivée, ils suggèrent également un retour progressif de la circulation aérienne et, par conséquent, la résilience du système de transport aérien face à des perturbations majeures. L'exploration des tendances du transport aérien, que ce soit en situation normale ou lors d'événements mondiaux perturbateurs, peut aider les professionnels de la santé publique à mieux orienter les efforts de préparation et de réponse aux situations d'urgence visant à réduire le risque d'importation. Cette étude ouvre des pistes pour de futures recherches dans les domaines du transport aérien et de la santé publique.

Déclaration des auteurs

  • V. G.-R. — Conceptualisation, analyse formelle, rendement de l'analyse, rédaction–révision et édition
  • E. R. — Conceptualisation, analyse formelle, rédaction–révision et édition
  • A. R. — Rendement de l'analyse, rédaction–révision et édition
  • R. M. M. — Conceptualisation, analyse formelle, rédaction–révision et édition
  • V. G.-R. et E. R. en sont les premiers auteurs.

Intérêts concurrents

Les auteurs n'ont pas de conflits d'intérêts.

Remerciements

Nous tenons à remercier Simon de Montigny pour son aide avec l'interprétation des résultats des modèles ARMMI-S.

Financement

Ce travail a été soutenu par l'Agence de la santé publique du Canada.


Matériel supplémentaire

Ces documents peuvent être consultés dans le Matériel supplémentaire.

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