Info Source : Bulletin 44A - Sommaire des décisions des Cours fédérales

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Dans les sommaires ci‑après, vous trouverez l’expression « contrôle judiciaire ». Il s’agit d’un mécanisme permettant aux tribunaux d’examiner les décisions administratives rendues par les fonctionnaires, y compris les positions adoptées par les commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada.

Loi sur l’accès à l’information

Cour d’appel fédérale

1. 3412229 Canada Inc. c. Canada (Agence du revenu)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1156

Lien : 3412229 Canada Inc. c. Canada (Agence du revenu)

Date de la décision : 16 décembre 2020

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéa 13(1)a), paragraphe 13(2), alinéas 16(1)b) et c), paragraphes 19(1) et (2), alinéas 21(1)a) et b), article 23, paragraphe 24(1), et articles 41, 49 et 53

  • Alinéa 13(1)a) - Renseignements obtenus à titre confidentiel des États étrangers
  • Paragraphe 13(2) - Renseignements obtenus à titre confidentiel, Cas où la divulgation est autorisée
  • Alinéa 16(1)b) - Techniques d’enquêtes ou projets d’enquêtes
  • Alinéa 16(1)c) - Activités destinées à faire respecter les lois ou enquêtes licites
  • Paragraphe 19(1) - Renseignements personnels, exception
  • Paragraphe 19(2) - Renseignements personnels, cas où la divulgation est autorisée
  • Alinéa 21(1)a) – Activités du gouvernement, avis ou recommandations
  • Alinéa 21(1)b) – Activités du gouvernement, comptes rendus de consultations ou délibérations
  • Article 23 - Secret professionnel de l’avocat 
  • Paragraphe 24(1) - Interdictions fondées sur d’autres lois
  • Article 41 - Révision par la Cour fédérale 
  • Article 49 - Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé
  • Article 53 – Frais et dépens, procédure devant la Cour
Résumé

Six entreprises différentes ont demandé le contrôle judiciaire de la décision prise par l’Agence du revenu du Canada de soustraire certains documents à la communication à la suite d’une demande d’accès à l’information. Tout au long de ce résumé, ces entreprises seront appelées « les demanderesses ».

La Cour a conclu que l’Agence du revenu du Canada avait correctement interprété les exceptions et exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les documents demandés, au titre des dispositions 13(1)a), 13(2), 16(1)b) et c), 19(1) (2), 21(1)a) et b) ainsi que 23 et 24(2) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI).

Les demanderesses avaient reçu bon nombre des documents qu’elles cherchaient à obtenir dans le cadre des demandes d’accès à l’information, lors du processus de communication de la preuve préalable dans le contexte des instances instruites au Québec et devant la Cour canadienne de l’impôt (CCI). La Cour a affirmé qu’elle n’avait pas compétence pour traiter la question des renseignements déjà communiqués au titre de la LAI.

La Cour a estimé que les termes utilisés dans la LAI et l’Accord d’échange de renseignements fiscaux (AERF) pour faire référence aux renseignements obtenus d’un gouvernement étranger étaient délibérément généraux. Selon elle, tous les renseignements obtenus par l’Agence du revenu du Canada au titre de l’AERF devaient être traités de façon confidentielle. Elle a conclu que l’Agence du revenu du Canada avait bien identifié l’exception prévue à l’alinéa 13(1)a) de la LAI et avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 13(2).

La plupart des renseignements soustraits à la communication au titre de l’alinéa 16(1)b) de la LAI se rapportaient à des techniques de vérification, y compris un outil d’évaluation des risques que l’Agence du revenu du Canada utilise pour identifier les contribuables ou guider les vérificateurs dans l’application de l’article 94.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). La Cour était d’accord avec l’Agence du revenu du Canada pour dire que le terme « enquête », en l’espèce, comprenait les vérifications fiscales. Elle a affirmé que ces vérifications se rapportaient à l’application et à l’administration de la LIR.

Malgré son désaccord avec l’Agence du revenu du Canada quant à l’affirmation selon laquelle la preuve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire met fin au débat en ce qui concerne l’exception fondée sur le secret professionnel de l’avocat, la Cour était convaincue que l’Agence du revenu du Canada avait raisonnablement exercé ce pouvoir discrétionnaire dans les circonstances.

La Cour a affirmé que le système a néanmoins fonctionné. Elle a expliqué que le Commissariat à l’information du Canada (CI) à titre d’arbitre, avait pu jouer son rôle, en grande partie grâce à la ténacité des avocats des demanderesses et à la collaboration de l’Agence du revenu du Canada. Elle a donc conclu qu’il n’y avait aucune raison d’adjuger des dépens aux demanderesses sur une base avocat-client.

Questions en litige
  • La Cour a-t-elle compétence sur la procédure relative au dossier T-1105-12?
  • La question de la communication des documents fournis aux demanderesses dans les litiges devant la Cour supérieure du Québec et la Cour canadienne de l’impôt est-elle théorique?
  • L’Agence du revenu du Canada a-t-elle correctement interprété les exceptions et a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable dans les cas concernés?
  • La Cour devrait-elle ordonner à l’Agence du revenu du Canada d’effectuer d’autres recherches de documents?
  • La Cour devrait-elle rendre une ordonnance visant l’adjudication de dépens sur une base avocat-client?
Faits

Entre 2006 et 2012, au titre de la LIR, l’Agence du revenu du Canada avait mené une vérification des placements des demanderesses dans St. Lawrence Trading Inc. (SLT), une société de placement étrangère.

Les demanderesses ont déposé plusieurs demandes d’accès à l’information en date du 19 août 2009, 18 février 2011, 23 juin 2011, 31 juillet 2012, 29 novembre 2012 et 11 décembre 2012. Elles cherchaient à obtenir des renseignements sur la vérification que l’Agence du revenu du Canada était en train de faire de leurs placements dans la société SLT.

Le 16 novembre 2011, les demanderesses ont déposé des plaintes auprès du CI au sujet d’un ensemble de documents, appelé le dossier principal, qui concernait la vérification en cours visant les demanderesses et plusieurs autres personnes ayant investi dans SLT. Les documents avaient été soustraits à la communication en vertu de l’alinéa 16(1)c) de la LAI, en raison de la vérification qui était en cours. D’autres exceptions avaient aussi été appliquées aux documents.

Comme la vérification visant les investisseurs de SLT avait pris fin en mai 2012, d’autres documents ont été communiqués. Les documents du dossier principal ont été communiqués, sous réserve des exceptions prévues aux dispositions 16(1)b), 19(1), 20(1)b), 21(1)a) et b), 23 et 24(1) de la LAI. Puisque la vérification était alors terminée, l’Agence du revenu du Canada ne se fondait plus sur l’exception prévue à l’alinéa 16(1)c) de la LAI.

Le 1er mai 2012, à la suite de son enquête, le CI a publié un rapport concernant la plainte relative à la demande en date du 19 août 2009 dans lequel il concluait que la plainte était fondée, puisque l’Agence du revenu du Canada n’avait pas fourni aux demanderesses tous les documents pertinents. Toutefois, il a déterminé que, compte tenu des communications de documents supplémentaires, la plainte était désormais réglée et que toutes les exceptions restantes avaient été correctement appliquées.

Le 3 juillet 2013, à la suite de son enquête concernant une autre plainte, le CI a publié un rapport concluant que la plainte relative à la demande du 11 décembre 2012 était fondée au départ, mais que les demanderesses avaient [traduction] « ..maintenant reçu tous les renseignements auxquels [elles] ont droit en vertu de la Loi ». Ainsi, la plainte a été [traduction] « réglée sans qu’il soit nécessaire de formuler des recommandations au responsable de l’institution ».

Décision

La Cour a rejeté les demandes de contrôle judiciaire, refusé d’ordonner à l’Agence du revenu du Canada d’effectuer une recherche plus approfondie dans ses dossiers et, par conséquent, refusé d’adjuger des dépens aux demanderesses.

Motifs

La Cour a-t-elle compétence sur la procédure relative au dossier T-1105-12?

La Cour a convenu qu’elle n’avait pas compétence pour examiner les questions soulevées dans le dossier T-1105-12 étant donné que les demanderesses s’étaient désistées du dossier T-1105-12 relativement à ces demandes de communication, le 31 juillet 2012.

La question de la communication des documents fournis aux demanderesses dans les litiges devant la Cour supérieure du Québec et la Cour canadienne de l’impôt est-elle théorique?

La Cour a conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’elle décide si les documents communiqués au cours du processus de communication préalable devaient également faire l’objet d’une communication distincte en vertu de la LAI. La Cour était convaincue que l’Agence du revenu du Canada s’était penchée sur les documents en cause, avait invoqué des exceptions en vertu de la LAI et avait expressément renoncé à ces exceptions. La Cour a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour traiter des renseignements déjà communiqués en vertu de la LAI.

L’Agence du revenu du Canada a-t-elle correctement interprété les exceptions et a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable dans les cas concernés?

Alinéa 13(1)a) de la LAI – Renseignements obtenus à titre confidentiel des gouvernements des États étrangers

Les demanderesses ont soutenu que l’Agence du revenu du Canada avait donné une interprétation trop large de l’AERF, ce qui avait mené à une application élargie de l’exception. L’Agence du revenu du Canada a soutenu que tous les renseignements visés par l’exception prévue à l’alinéa 13(1)a) de la LAI étaient des renseignements obtenus en vertu de l’AERF. Ils avaient donc été obtenus « à titre confidentiel » et étaient visés par l’exception prévue à l’alinéa 13(1)a) de la LAI.

La Cour était d’accord avec l’Agence du revenu du Canada pour dire que tous les renseignements obtenus dans le cadre de l’AERF devaient être traités de façon confidentielle. Elle a conclu que l’Agence du revenu du Canada avait bien appliqué l’exception prévue à l’alinéa 13(1)a) de la LAI et avait exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire.

Alinéa 16(1)b) – Renseignements relatifs à des techniques d’enquêtes

Invoquant l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757, les demanderesses ont soutenu qu’il y avait une distinction nette entre une vérification et une enquête. Elles ont affirmé que le but d’une vérification est d’évaluer la responsabilité fiscale, alors que le but d’une enquête est d’établir la responsabilité pénale. L’Agence du revenu du Canada a affirmé que le terme « enquête » comprenait les vérifications fiscales, puisqu’elles se rapportent à l’administration et à l’application de la LIR. Selon l’Agence du revenu du Canada, ces documents contenaient des renseignements relatifs à des techniques d’enquêtes et à la vérification fiscale en cours, deux éléments visés par l’exception prévue à l’alinéa 16(1)b) de la LAI.

La Cour était d’accord avec l’Agence du revenu du Canada pour dire que le terme « enquête », en l’espèce, comprenait les vérifications fiscales. Ces vérifications se rapportaient à l’application et à l’administration de la LIR. En outre, les présents renseignements soustraits à la communication se rapportaient aux techniques de vérification utilisées par l’Agence du revenu du Canada pour identifier ses vérificateurs ou les guider dans l’application de l’article 94.1 de la LIR, ou à un outil d’évaluation des risques utilisé pour évaluer et gérer les risques d’une vérification en cours. Ces renseignements entraient donc dans les deux catégories définies à l’alinéa 16(1)b) de la LAI. Enfin, la Cour était d’avis que l’Agence du revenu du Canada avait exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements.

Alinéa 16(1)c) - Activités destinées à faire respecter les lois ou enquêtes licites

La Cour a souscrit à l’argument de l’Agence du revenu du Canada selon lequel, en l’espèce, toute conclusion portant sur le bien-fondé des exceptions visées à l’alinéa 16(1)c) ne relevait pas de la portée de la présente demande de contrôle judiciaire, puisqu’aucun des documents reçus par les demanderesses ne faisait maintenant l’objet de ces exceptions.

Paragraphe 19(1) – Renseignements personnels

La Cour a déterminé que l’Agence du revenu du Canada avait correctement refusé la communication des renseignements personnels en application du paragraphe 19(1) de la LAI et avait agi de façon raisonnable en choisissant de ne pas les communiquer au titre du paragraphe 19(2) de la LAI.

Alinéas 21(1)a) et b) – Avis et recommandations; consultations et délibérations

Selon les demanderesses, le recours par l’Agence du revenu du Canada à l’exception prévue à l’alinéa 21(1)b) lui permettait de retenir des renseignements utiles aux demanderesses et de communiquer des renseignements qui renforçaient sa propre position concernant la nouvelle cotisation.

La Cour a affirmé que dans la décision Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 CF 245, au par. 30, 168 F.T.R. 49, elle avait reconnu « l’importance de la transparence gouvernementale comme protection contre les abus de pouvoir et condition nécessaire à la responsabilité démocratique ». Toutefois, elle a souligné qu’il est « aussi vrai que les gouvernements doivent être autorisés à garder un certain degré de confidentialité dans le processus d’élaboration des politiques ». Finalement, la Cour a conclu que l’Agence du revenu du Canada avait exercé de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les documents.

Article 23 – Secret professionnel de l’avocat 

Malgré son désaccord avec l’Agence du revenu du Canada quant à l’affirmation selon laquelle la preuve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire met fin au débat sur l’exception fondée sur le secret professionnel de l’avocat, la Cour était convaincue que l’Agence du revenu du Canada avait raisonnablement exercé ce pouvoir discrétionnaire dans les circonstances.

Paragraphe 24(1) – Interdictions fondées sur d’autres lois

La Cour a affirmé que l’exception prévue au paragraphe 24(1) de la LAI était obligatoire et a rappelé que la Cour suprême du Canada avait indiqué, dans l’arrêt Slattery (Syndic de) c. Slattery, [1993] 3 R.C.S. 430, au par. 22, à quels moments ces renseignements peuvent être communiqués. Enfin, la Cour a convenu avec l’Agence du revenu du Canada qu’il n’y avait aucune raison de modifier sa décision à l’égard de cette exception.

La Cour devrait-elle ordonner à la défenderesse d’effectuer d’autres recherches de documents?

Les demanderesses ont soutenu que la Cour devait ordonner à l’Agence du revenu du Canada d’effectuer des recherches complètes de tous les documents gouvernementaux à sa disposition, y compris ceux qui avaient été archivés, afin de répondre aux demandes d’accès à l’information. S’appuyant sur l’arrêt Blank c. Canada (Justice), 2016 CAF 189, au par. 36, l’Agence du revenu du Canada a affirmé qu’il n’appartenait pas à la Cour d’ordonner et de superviser la collecte des documents détenus par le responsable d’une institution fédérale ou d’examiner la façon dont les institutions fédérales répondent aux demandes de communication, « à l’exception peut-être des circonstances les plus flagrantes de mauvaise foi ».

La Cour était convaincue que l’Agence du revenu du Canada avait déjà effectué une recherche approfondie de tous les documents demandés. Elle a donc rejeté la demande visant à obtenir de la Cour une ordonnance contraignant l’Agence du revenu du Canada à effectuer des recherches supplémentaires.

La Cour devrait-elle rendre une ordonnance visant l’adjudication de dépens sur une base avocat-client?

La Cour a déclaré que l’Agence du revenu du Canada avait sans aucun doute commis des erreurs dans le processus de réponse aux demandes d’accès à l’information des demanderesses. La décision rendue par la Cour supérieure du Québec, publiée sous la référence 2018 QCCS 3381, et la communication de nombreux documents « supplémentaires » que le CI a réussi à obtenir de l’Agence du revenu du Canada en témoignent. Néanmoins, la Cour a affirmé que le système avait fonctionné. Le CI, à titre d’arbitre, avait pu jouer son rôle, en grande partie grâce à la ténacité des avocats des demanderesses et à la collaboration de l’Agence du revenu du Canada. Elle a donc conclu qu’il n’y avait aucune raison d’adjuger des dépens sur une base avocat-client aux demanderesses.

2. Concord Premium Meats Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1166

Lien : Concord Premium Meats Ltd. c. Canada (Agence d’inspection des aliments)

Date de la décision : 22 janvier 2021 (jugement et motifs confidentiels rendus le 18 décembre 2020)

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Articles 2, 44, 44.1 et alinéas 20 (1)b), 20 (1)c) et 20 (1)d)

  • Article 2 – Objet de la loi
  • Alinéa 20(1)b) – Renseignements de tiers, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 20(1)c) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers
  • Alinéa 20(1)d) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins
  • Article 44 – Communication de renseignements de tiers, recours en révision
  • Article 44.1 – Révision de novo
Résumé

L’arrêt Vavilov n’a pas changé la norme de contrôle pour les recours exercés en vertu de l’article 44 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI); dans le cadre de ces recours, les tribunaux continueront d’appliquer la norme de la décision correcte en effectuant un examen de novo de la décision de communiquer des documents de tiers.

Concord Premium Meats Ltd. (Concord) n’a pas démontré l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable découlant de la communication des documents, donc ceux-ci n’avaient pas à être soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)c) de la LAI.

En outre, Concord n’a pas démontré que les renseignements concernés relevaient de l’exception relative aux renseignements confidentiels énoncée à l’alinéa 20(1)b) de la LAI, ni de celle énoncée à l’alinéa 20(1)d) de la LAI, qui s’applique aux renseignements dont la communication ferait obstacle ou porterait préjudice à des négociations contractuelles ou autres.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?
  • Les documents sont-ils soustraits à la communication au titre d’une quelconque disposition du paragraphe 20(1) de la LAI?
Faits

En 2016, l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) a mené une étude afin de déterminer si d’autres produits de viande étaient inclus en sus de ce qui était indiqué sur l’étiquette. Pour cette étude, des échantillonneurs embauchés par l’ACIA ont prélevé un total de 100 saucisses étiquetées comme contenant un seul ingrédient (par ex. porc, bœuf, poulet ou dinde) dans divers magasins de Montréal, de Toronto et de Calgary. Suite à la conduite de cette étude, un taux global de 20% de mauvais étiquetage a été identifié. La publication des conclusions de l’étude a fait l’objet d’une couverture médiatique et, par la suite, l’ACIA a reçu une demande de communication des documents liés à l’étude, présentée en vertu de la LAI.

Dans sa réponse à la demande, l’ACIA a relevé 177 pages de documents relatifs à Concord, puis envoyé une lettre à celle-ci pour l’aviser de la demande et obtenir ses commentaires sur la décision préliminaire de communiquer les documents. La lettre initiale avait été égarée au sein de la société, donc aucune réponse n’avait été envoyée à l’ACIA. Cette dernière a ensuite envoyé une deuxième lettre à Concord, où elle indiquait qu’elle allait donner communication des documents au demandeur, puisqu’elle n’avait pas reçu de réponse à la première lettre. Cette deuxième lettre précisait que Concord pouvait présenter une demande de révision judiciaire à la Cour fédérale dans les 20 jours suivant l’avis. À la réception de cette lettre, Concord a contacté l’ACIA pour expliquer qu’elle n’avait pas vu la lettre précédente, et les deux parties ont convenu que Concord bénéficierait d’un délai supplémentaire pour donner sa réponse.

Dans sa réponse à l’ACIA, Concord a exposé les fondements de ses préoccupations au sujet de la divulgation de certains des documents et a proposé d’autres caviardages pour protéger certains renseignements commercialement sensibles ainsi que des renseignements personnels relatifs à ses employés. L’ACIA a accepté de ne pas communiquer certains renseignements, mais a tout de même décidé d’en communiquer une partie. En vertu de l’article 44 de la LAI, Concord a présenté à la Cour fédérale une demande de révision judiciaire de la décision de l’ACIA de communiquer certains documents. À la suite de l’audience, l’ACIA s’est engagée à joindre à la communication une note explicative pour expliquer et clarifier certains aspects des documents afin d’atténuer certains des préjudices appréhendés par Concord.

Décision

La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de Concord.

Motifs

Quelle est la norme de contrôle applicable en l’espèce?

Pour déterminer la norme de contrôle, la Cour fédérale s’est appuyée sur l’arrêt de la Cour suprême Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65. Dans cet arrêt, la Cour suprême a conclu que le point de départ est une présomption générale d’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable dans tous les cas, sous réserve de deux exceptions : 1) lorsque le législateur a indiqué qu’il souhaitait l’application d’une norme différente ou d’un ensemble de normes différentes; 2) lorsque la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. Pour y déterminer les circonstances dans lesquelles la présomption peut être réfutée par l’expression claire de l’intention du législateur, la Cour suprême a axé son analyse sur deux situations : 1) les cas où le législateur inclut expressément une disposition d’appel dans la loi qui régit un décideur; 2) les cas où le législateur prescrit la norme de contrôle applicable (comme cela a notamment été fait en Colombie-Britannique).

La Cour fédérale a examiné l’objet de la LAI à l’article 2, où sont énoncés trois principes fondamentaux. L’un de ces principes consiste à prévoir des recours indépendants du pouvoir exécutif pour la contestation de décisions quant à la communication de documents gouvernementaux. La Cour s’est aussi penchée sur la modification récente de la LAI, à laquelle a été ajouté l’article 44.1, qui précise que les recours prévus à l’article 44 sont entendus et jugés comme une nouvelle affaire (révision de novo). La Cour fédérale a donc déterminé que la seule conclusion qui est conforme à l’intention du législateur exprimée à l’article 44.1, et qui continue de donner effet à l’objet de la LAI énoncé à l’article 2, est de continuer d’appliquer la norme de la décision correcte au moyen d’un examen de novo de la décision de communiquer des documents de tiers dans le contexte d’un recours exercé en vertu de l’article 44.

Ainsi, le tiers peut déposer de nouvelles preuves sur les questions dont la Cour est saisie et la Cour n’accorde que peu ou pas de déférence à la décision quant à la divulgation prise par l’institution fédérale. La Cour fédérale a conclu que l’arrêt Vavilov n’avait pas modifié la jurisprudence antérieure sur l’approche appropriée à l’égard d‘un recours exercé en vertu de l’article 44, et que le cadre établi par la Cour suprême dans l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, continuait de s’appliquer.

Les documents sont-ils soustraits à la communication au titre d’une quelconque disposition du paragraphe 20(1) de la LAI?

L’argument principal de Concord était que les documents devaient être soustraits à la communication en application de l’alinéa 20(1)c) de la LAI parce que leur communication pouvait raisonnablement lui causer un préjudice financier. À titre subsidiaire, Concord a soutenu que les documents devaient être soustraits à la communication en application des alinéas 20(1)b) et d) de la LAI.

La Cour fédérale a fait remarquer qu’il incombe à la partie qui s’oppose à la communication au titre de l’alinéa 20(1)c) de la LAI de démontrer un « risque vraisemblable de préjudice probable ». La Cour a cité l’arrêt Merck Frosst pour rappeler la norme de contrôle que la Cour suprême y avait retenue : « même s’il ne lui incombe pas d’établir selon la prépondérance des probabilités que le préjudice se produira effectivement si les documents sont communiqués, le tiers doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire. » Par conséquent, le tiers qui invoque une exception prévue à l’alinéa 20(1)c) de la LAI doit démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, mais il n’est pas tenu d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement.

Concord a fait valoir que l’un des coauteurs de l’article publié au sujet de l’étude était un fonctionnaire de l’ACIA et que cet article comportait plusieurs affirmations incorrectes. De plus, elle a fait valoir que la couverture médiatique ayant suivi la publication de l’article à propos de cette étude avait été négative et sensationnaliste. À titre d’exemple, elle a donné des exemples où des reportages faisaient référence à l’incidence de mauvais étiquetage dans un contexte de « fraude alimentaire », où les producteurs auraient délibérément utilisé un produit moins cher pour augmenter leurs bénéfices. Concord a soutenu que la couverture médiatique ayant suivi la publication de l’article à propos de l’étude fournissait une preuve tangible des répercussions probables de la publication des documents contestés.

L’ACIA a quant à elle soutenu que les preuves de Concord étaient conjecturales et qu’elles étaient fondées sur la crainte d’une éventuelle mauvaise compréhension des documents. Elle a fait valoir que la jurisprudence était unanime : ce type de preuve ne justifie pas la non-communication. En outre, elle a fait remarquer que la jurisprudence mettait en garde contre l’application de l’exception pour préjudice financier fondée sur le risque d’une mauvaise compréhension du public. La Cour fédérale a conclu que les preuves de Concord allaient au-delà du type d’affirmation ou de conjecture ayant été jugé insuffisant dans des affaires précédentes, mais qu’elle n’avait pas démontré qu’il y avait raisonnablement lieu de s’attendre à des préjudices probables découlant de la communication des documents contestés. La Cour s’est appuyée sur plusieurs facteurs pour en arriver à cette conclusion.

L’ACIA a accepté de caviarder les mentions de clients de Concord et les renvois à un document interne hautement confidentiel constituant essentiellement le plan directeur de l’entreprise pour la sécurité des installations. La Cour fédérale a aussi insisté sur la note explicative que l’ACIA avait accepté de fournir au demandeur qui visait à clarifier que Concord n’avait aucun lien avec la contamination détectée, que le problème avait été corrigé et que l’incident de mauvais étiquetage n’était pas lié à une fraude alimentaire.

La Cour a aussi tenu compte du passage du temps depuis l’étude initiale, qui avait été rendue publique en juillet 2017. Elle a déterminé que cette étude remontait déjà à un certain temps et que la couverture médiatique n’était plus d’actualité. Il n’y avait aucune preuve d’une controverse publique toujours en cours au sujet de la production et de la vente de viande non conforme au Canada. De plus, la Cour a mentionné que plusieurs médias ayant évoqué l’erreur ont affirmé que le problème en cause avait été corrigé depuis. Enfin, elle a aussi mentionné que les documents eux-mêmes montraient que l’erreur était survenue en partie à cause de la façon dont les fournisseurs de Concord emballaient et étiquetaient la viande, et que ce problème avait été résolu. Les documents montraient en outre que Concord avait élaboré et mis en œuvre un plan de mesures correctives, qui avait été approuvé par l’ACIA, et que les problèmes avaient été résolus depuis.

Par conséquent, à la lumière de tous les faits en l’espèce, la Cour a jugé que Concord n’avait pas démontré un risque réel de préjudice probable touchant à sa situation financière ou concurrentielle, selon le critère établi dans la jurisprudence concernant l’alinéa 20(1)c) de la LAI.

La Cour fédérale s’est ensuite penchée sur les arguments subsidiaires de Concord fondés sur les alinéas 20(1)b) et d) de la LAI. Elle a conclu que la plupart des renseignements que Concord souhaitait soustraire à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b) n’étaient plus en litige. La seule question qui demeurait en litige relativement à l’alinéa 20(1)b) consistait à savoir si son plan de mesures correctives et les données montrant l’écart entre la quantité de viande reçue à son établissement et la quantité réellement produite (données sur l’écart) devaient être soustraits à la communication. Or, la Cour a déterminé que Concord n’avait pas démontré, en se fondant sur la preuve, que les dossiers relatifs au plan de mesures correctives ou aux données sur l’écart relevaient de l’exception relative aux renseignements confidentiels énoncée à l’alinéa 20(1)b). Par rapport à l’alinéa 20(1)d), la Cour a brièvement conclu que la preuve de Concord était insuffisante parce qu’elle ne démontrait pas un risque réel d’obstruction de négociations réelles découlant de la communication des documents, étant donné les caviardages effectués et la note explicative que l’ACIA s’engageait à fournir au demandeur.

3. Criminal Trial Lawyers’ Association c. Canada (Justice)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1146

Lien : Criminal Trial Lawyers' Association c. Canada (Justice)

Date de la décision : 11 décembre 2020

Disposition de la Loi sur l’accès à l’information : Article 14

  • Article 14 – Affaires fédéro-provinciales
Résumé

Le consensus entre les gouvernements provinciaux et territoriaux n’est pas un préalable à la communication au titre de l’article 14 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI). Lorsqu’il a invoqué l’absence de consensus général, Justice Canada n’a pas tenu compte du fait que la majorité des organismes provinciaux et territoriaux avaient en fait consenti à la communication des documents.

Bien que l’on puisse présumer que se déroulent parfois des discussions fédérales-provinciales-territoriales (FPT) « confidentielles », dans ce cas, cette présomption doit être appuyée par une preuve claire. En l’espèce, la majorité des participants précisément interrogés sur la divulgation des documents ont consenti à leur communication et n’ont pas invoqué l’enjeu de la confidentialité.

Il ne suffit pas que Justice Canada affirme que la divulgation porterait préjudice aux relations FTP, sans preuve précise à l’appui. Or, la preuve requise est absente du dossier.

Questions en litige
  • Justice Canada a-t-il raisonnablement exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 14 de la LAI?
Faits

La Criminal Trial Lawyers’ Association (l’« Association ») a déposé une demande au titre de la LAI afin d’obtenir les documents se rapportant aux consultations tenues entre les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral au sujet du temps alloué pour les périodes passées en détention provisoire. Justice Canada a refusé de divulguer le moindre document en invoquant l’alinéa 14a) de la LAI, qui vise les renseignements sur des consultations ou délibérations fédéro-provinciales.

Deux documents ont été jugés pertinents durant l’examen de la demande de l’Association. Le premier était un rapport de 110 pages datant de 2005 et intitulé « The Remand Crisis in Adult Corrections in Canada » [La crise de la détention provisoire dans les établissements de correction pour adultes au Canada], dont le Groupe de travail sur la détention provisoire fédéral-provincial-territorial (FPT) était coauteur. Le second document était un rapport de 46 pages comportant une analyse et des recommandations, qui devait être présenté en novembre 2007 aux ministres de la Justice provinciaux, territoriaux et fédéral.

L’Association a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information (CI) en juillet 2009. En décembre 2010, suivant la recommandation du CI, Justice Canada a transmis aux organismes provinciaux et territoriaux une lettre les avisant de la demande d’accès à l’information, dans laquelle il était demandé aux organismes visés s’ils consentaient à la communication des documents. Dans chacune des lettres, Justice Canada renvoyait à l’article 13 de la LAI.

En réponse, l’ensemble des provinces et territoires, à l’exception du Manitoba et de la Saskatchewan, ont consenti à la communication des documents. L’Alberta ne s’est opposée à la divulgation que d’une partie des documents.

En février 2015, Justice Canada a confirmé au CI que, à son sens, la divulgation des documents pouvait porter préjudice à la conduite des affaires FPT et que, en l’absence de consentement de l’ensemble des provinces et des territoires, la divulgation pouvait sérieusement affecter les relations.

Le 25 avril 2018, le CI a de nouveau demandé par écrit à la directrice de l’AIPRP des renseignements supplémentaires, déclarant : [traduction] « Nous ne sommes pas encore convaincus que tous les renseignements restants remplissent le critère de l’exception prévue à l’article 14, et en particulier à l’alinéa 14a) ».

La directrice de l’AIPRP a maintenu que les documents restants devaient être soustraits à la divulgation.

Le 14 septembre 2018, le CI a délivré son compte rendu au titre du paragraphe 37(2) de la LAI et informé l’Association que Justice Canada avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire.

Décision

Le contrôle judiciaire a été accordé et l’affaire a été renvoyée à Justice Canada pour qu’il la réexamine. La Cour fédérale a conclu que Justice Canada n’avait pas exercé raisonnablement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 14 de la Loi. L'Association a eu droit aux dépens.

Motifs

Justice Canada a-t-il raisonnablement exercé le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 14 de la LAI?

Afin de s’acquitter de l’obligation que lui impose la LAI, Justice Canada devait donc déterminer si « la divulgation risqu[ait] vraisemblablement de porter préjudice à la conduite » des affaires FPT. Le cas échéant, il devait alors « décider si la communication dev[ait] être effectuée ou refusée compte tenu de l’importance du risque et d’autres facteurs pertinents » (Attaran c. Canada (Affaires étrangères), 2011 CAF 182, au paragraphe 14). Compte tenu de la preuve, la Cour était convaincue que Justice Canada a compris qu’il avait le pouvoir discrétionnaire de divulguer ou non les documents. En 2016, Justice Canada a exercé ce pouvoir et divulgué certains d’entre eux. La véritable question qui se posait était de savoir s’il avait raisonnablement exercé le pouvoir discrétionnaire que lui conférait la Loi. Pour y répondre, il fallait examiner la preuve du préjudice allégué.

Selon la Cour, après avoir examiné la preuve, il était clair que le refus de Justice Canada de divulguer les documents reposait sur deux motifs principaux. Le premier tenait à une absence de consensus entre les provinces et les territoires concernant la divulgation. Pour ce qui est du second motif de refus, il était allégué que les consultations et les délibérations FPT étaient confidentielles et que leur divulgation risquait de porter préjudice à ces relations.

À ce sujet, Justice Canada n’avait fourni aucune jurisprudence à l’appui de sa position selon laquelle un consensus entre les gouvernements provinciaux et territoriaux est un préalable à la divulgation au titre de l’article 14. De même, rien dans cette disposition n’appuie une telle interprétation.

Pour appuyer l’absence de consensus comme motif valable de refus, Justice Canada a cité Do-Ky c. Canada (Affaires étrangères et Commerce international) (1re inst.), [1997] 2 CF 907 (Do-Ky), aux paragraphes 6-7, dans lesquels la Cour a estimé qu’il était raisonnable de refuser la divulgation au motif qu’elle porterait préjudice à la conduite des affaires internationales aux termes de l’article 15 de la LAI, étant donné que la divulgation allait à l’encontre « des vœux exprimés par le pays en cause ». La Cour a déclaré que, contrairement à ce qui avait eu lieu dans l’affaire Do-Ky, aucun « vœu […] [n’a été] exprimé […] » en l’espèce pour que les documents ne soient pas divulgués, dans la mesure où la majorité des organismes provinciaux et territoriaux ont consenti à leur communication.

Lorsque Justice Canada a invoqué l’absence de consensus général, il n’a pas tenu compte du fait que la majorité des organismes provinciaux et territoriaux avaient en fait consenti à la communication des documents. Il semblerait que, lorsque Justice Canada s’est appuyé sur ce motif, il a assimilé sans explication le refus fondé sur l’article 14 aux critères de l’article 13. La Cour a déclaré que cette approche n’était pas raisonnable parce qu’elle ne présentait pas les caractéristiques d’un processus décisionnel logique et cohérent.

Le second motif de refus invoqué par Justice Canada était la confidentialité. Ainsi, les consultations FPT en rapport avec ces documents étaient confidentielles et le demeurent. Cependant, il semble que c’était une allégation essentiellement invoquée par des fonctionnaires de Justice Canada. Aucune autre preuve directe de l’un des organismes membres ne l’établissait comme une conclusion ou un fait manifeste. La preuve la plus solide à l’appui de ce motif provenait du paragraphe 8 de l’affidavit de Mme Angers dans lequel elle déclarait: [traduction] « […] des membres du CCHF [Comité de coordination des hauts fonctionnaires] ont laissé entendre que la divulgation de renseignements susceptibles de révéler la position d’un gouvernement donné sur une question pourrait remettre en cause sa participation continue sous cette forme confidentielle ».

La Cour a conclu que l’usage de l’expression [traduction] « ont laissé entendre » n’était pas une preuve suffisamment directe pour soutenir l’allégation de confidentialité. En l’espèce, la majorité des participants précisément interrogés sur la divulgation des documents avaient consenti à leur communication et n’avaient pas invoqué la confidentialité. Par conséquent, l’allégation selon laquelle la confidentialité est essentielle aux relations FPT n’était pas attestée par la preuve liée aux documents en question.

Bien que l’on puisse présumer que se déroulent parfois des discussions FPT « confidentielles », cette présomption doit, le cas échéant, être appuyée par une preuve claire. Dans l’affaire Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427, la Cour formule une mise en garde contre les inférences qui ne doivent être tirées que dans les cas les plus manifestes. Or, il ne s’agissait pas, ici, du « cas le plus manifeste ». Quoi qu’il en soit, même si nous présumons que certaines des discussions étaient confidentielles, cette présomption suppose que certaines d’entre elles ne l’étaient pas. Justice Canada aurait dû envisager la possibilité de distinguer les documents selon qu’ils contenaient des renseignements « confidentiels » ou « non confidentiels ». Rien n’indiquait que cette distinction a été sérieusement envisagée.

En ce qui concerne le préjudice, Justice Canada devait déterminer en quoi la divulgation risquait « vraisemblablement de porter préjudice » aux relations FPT. En l’espèce, la preuve précise qui appuie le préjudice allégué est absente. Il ne suffit pas que Justice Canada affirme que la divulgation porterait préjudice aux relations FPT, sans preuve précise à l’appui. La Cour a conclu qu’aucune preuve en ce sens ne figurait au dossier. La Cour a en outre déclaré que le dossier n’indiquait pas clairement si Justice Canada avait examiné la question du préjudice éventuel. La décision n’a pas établi un lien suffisant entre la communication demandée et le préjudice allégué.

Enfin, la Cour a noté que le dossier ne précisait pas que l’intérêt du public à obtenir les documents avait été valablement examiné. Compte tenu de l’importance de cet enjeu et de l’objet de la LAI, la preuve n’attestait pas que ces intérêts avaient été raisonnablement pris en considération. Justice Canada était tenu de pondérer le « préjudice » allégué par rapport à l’objet de la LAI. La preuve ne démontrait pas qu’une telle démarche avait été entreprise, mais attestait au contraire un désir de soustraire les documents à la divulgation par crainte d’une contestation juridique éventuelle.

4. Shin Imai c. Sa Majesté la Reine du chef du Canada (Ministre des Affaires étrangères)

Cour fédérale du Canada

Référence : Non disponible

Lien : La décision, en anglais seulement, n'a pas été rendue publique en ligne.

Dossier : T-1170-19

Date de la décision : 30 juin 2020 (Décision interlocutoire)

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéas 13(1)a), 13(1)b), 20(1)b), 20(1)c), 20(1)d), 21(1)a) and 21(1)b), paragraphe 15(1), articles 41, 47 et 52

  • Alinéa 13(1)a) - Renseignements obtenus à titre confidentiel des États étrangers
  • Alinéa 13(1)b) - Renseignements obtenus à titre confidentiel des organisations internationales
  • Paragraphe 15(1) - Affaires internationales et défense
  • Alinéa 20(1)b) - Renseignements de tiers, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 20(1)c) - Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers
  • Alinéa 20(1)d) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait d’entraver des négociations d’un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins
  • Alinéa 21(1)a) – Activités du gouvernement, avis ou recommandations
  • Alinéa 21(1)b) – Activités du gouvernement, comptes rendus de consultations ou délibérations
  • Article 41 - Révision par la Cour fédérale 
  • Article 47 - Précautions à prendre par la Cour contre la divulgation, recours en révision
  • Article 52 - Recours portant sur des affaires internationales et défense
Résumé

Affaires mondiales Canada a présenté une requête en confidentialité. La protonotaire a déterminé qu’une ordonnance de confidentialité s’imposait pour permettre à Affaires mondiales Canada de déposer un dossier de réponse confidentiel (qui comprendrait un affidavit confidentiel) dans la demande sous-jacent en vertu de l’article 41. La protonotaire a déterminé que, nonobstant le libellé de la règle 152(2) des Règles des Cours fédérales, l’avocat de M. Imai n’aurait pas accès aux renseignements confidentiels. En outre, la protonotaire n’a pas exigé qu’Affaires mondiales Canada fournisse des résumés des renseignements confidentiels. Cependant, elle a ordonné à Affaires mondiales Canada de fournir à M. Imai une version annotée des documents communiqués, en y indiquant les exceptions spécifiques invoquées pour chaque caviardage.

Questions en litige
  • La requête en confidentialité d’Affaires mondiales Canada, qui demande de fournir à la Cour l’affidavit confidentiel et un dossier de réponse confidentiel, doit-elle être accueillie?
  • L’avocat de M. Imai devrait-il se voir accorder l’accès à l’affidavit confidentiel, en tout ou en partie, après signature d’un engagement écrit, ou se voir accorder l’accès à un résumé des renseignements confidentiels?
Faits

M. Imai a présenté une demande de communication de documents en vertu de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) relativement au soutien apporté par le Canada aux activités de Goldcorp Inc. au Guatemala. Affaires mondiales Canada lui a communiqué des documents dont des passages étaient caviardés au titre de diverses dispositions de la LAI. M. Imai a ensuite déposé des plaintes auprès du Commissariat à l’information (CI). Le CI a fait enquête et a conclu dans son rapport final qu’Affaires mondiales Canada avait appliqué les exceptions prévues aux paragraphes 15(1) et 19(1) ainsi qu’aux alinéas 20(1)b), 20(1)c), 21(1)a) et 21(1)b) conformément à la LAI et que concernant les exceptions discrétionnaires, il avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire. De plus, puisque des exceptions concurrentes avaient été appliquées au titre des alinéas 13(1)a), 13(1)b) et 20(1)d) à certains des mêmes renseignements, le CI n’a pas jugé nécessaire de déterminer si le refus de communication de ces mêmes renseignements pouvait aussi être justifié en application de ces autres dispositions de la LAI.

En vertu de l’article 41 de la LAI, M. Imai a présenté une demande de révision de la décision d’Affaires mondiales Canada quant au refus de lui communiquer les documents demandés. M. Imai sollicitait, au titre des articles 49 et 50 de la LAI, une ordonnance exigeant qu’Affaires mondiales Canada lui communique une copie non caviardée des documents. Affaires mondiales Canada a alors déposé une requête en confidentialité, fournissant à la Cour l’affidavit confidentiel et à M. Imai une version publique de cet affidavit. M. Imai ne s’est pas opposé à la délivrance d’une ordonnance de confidentialité, mais a fait valoir que son avocat devrait avoir accès à certains renseignements contenus dans l’affidavit confidentiel ou recevoir des résumés des renseignements confidentiels.

Décision

Une ordonnance de confidentialité a été émise pour permettre à Affaires mondiales Canada de déposer un dossier de réponse confidentiel (qui comprendrait l’affidavit confidentiel) dans la demande de révision sous-jacente.

L’avocat de M. Imai ne devrait pas avoir accès à l’affidavit confidentiel, en tout ou en partie, lors de l’exécution d’un engagement écrit, ni avoir accès à un résumé des renseignements confidentiels.

Motifs

Faut-il accueillir la requête en confidentialité d’Affaires mondiales Canada, qui demande de fournir à la Cour l’affidavit confidentiel et un dossier de réponse confidentiel?

Le paragraphe 151(1) des Règles des Cours fédérales permet à la Cour, sur requête, d’ordonner que des documents ou éléments matériels qui seront déposés soient considérés comme confidentiels. Les parties ont convenu qu’une ordonnance de confidentialité devrait être rendue pour permettre le dépôt de l’affidavit confidentiel auprès de la Cour, et pour permettre à Affaires mondiales Canada de déposer un dossier de réponse confidentiel comprenant un mémoire de fait et de droit faisant référence au contenu de l’affidavit confidentiel. Toutefois, la protonotaire a expliqué que le consentement des parties n’est pas un fondement suffisant pour justifier que la Cour accorde cette mesure. En effet, en application du paragraphe 151(2) des Règles des Cours fédérales, la Cour doit être convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires (voir Bah c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 693).

Dans le cadre des demandes présentées en vertu de la LAI où la confidentialité d’un document ou d’une portion du document est précisément la question soumise à la Cour, il est courant de rendre des ordonnances de confidentialité pour protéger l’intégrité de l’information en attendant la décision finale à l’égard de la demande sous-jacente (voir A c. Canada (Procureur général), 2008 CF 1115 au paragraphe 16, et l’article 47 de la LAI).

L’avocat de M. Imai devrait-il se voir accorder l’accès à l’affidavit confidentiel, en tout ou en partie, après signature d’un engagement écrit, ou se voir accorder l’accès à un résumé des renseignements confidentiels?

Lorsqu’une ordonnance de confidentialité est émise, l’article 152 des Règles des Cours fédérales est là pour permettre à la Cour d’assurer un bon équilibre entre la transparence et la confidentialité; l’un des mécanismes visant à assurer que le bon équilibre est atteint est de permettre à l’avocat du demandeur d’avoir accès aux renseignements protégés par l’ordonnance de confidentialité. L’article 47 de la LAI fait état des précautions que doit prendre la Cour pour traiter des renseignements confidentiels dans le cadre d’un recours au titre de la LAI.

En s’appuyant sur l’interprétation de l’article 47 par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hunter c. Canada (Ministère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 CF 186 (Hunter), la protonotaire a expliqué que pour déterminer si l’avocat du demandeur devrait se voir accorder l’accès aux renseignements confidentiels en cause dans le cadre d’une demande au titre de l’article 41, on doit se poser la question générale à savoir quels renseignements il faut lui fournir pour permettre un débat éclairé quant à la communication des renseignements en cause. Plus particulièrement, l’avocat du demandeur a-t-il besoin d’obtenir directement les documents non caviardés, ou lui suffirait-il d’obtenir un résumé ou une description générale quant à la nature des renseignements confidentiels? Elle a aussi précisé qu’il incombe au demandeur d’expliquer pourquoi son avocat a besoin de ces renseignements confidentiels pour présenter des arguments éclairés (voir Steinhoff c. Canada (Ministre des Communications), [1996] A.C.F. no 756 (Steinhoff), au paragraphe 8).

Dans l’arrêt Hunter, la Cour a conclu que la LAI ne va pas jusqu’à accorder à l’avocat un accès systématique, et que la communication de renseignements confidentiels à celui-ci n’est pas permise dans tous les cas, même moyennant une entente de confidentialité. L’avocat en question devrait se faire refuser l’accès dans un cas où la demande concerne les affaires internationales, la défense ou des activités subversives, domaines où le responsable de l’institution fédérale peut invoquer l’article 52 de la LAI. De plus, dans le jugement Steinhoff, la Cour fédérale a conclu que, en application de l’article 52, les renseignements pour lesquels une exception est invoquée au titre de l’article 13 ou 15 de la LAI ne peuvent être communiqués à l’avocat d’un demandeur aux fins de la présentation des arguments.

La protonotaire a donc rejeté l’argument d’Affaires mondiales Canada selon lequel le jugement Steinhoff empêche la Cour d’ordonner que l’avocat de M. Imai reçoive un résumé des renseignements confidentiels ou une description générale quant à la nature de ces renseignements. Elle a souligné que, dans Steinhoff, la Cour n’avait pas ordonné qu’un aperçu soit fourni relativement aux exceptions prévues aux articles 13 et 15, mais qu’elle n’avait pas non plus affirmé expressément que l’article 52 de la LAI exigeait non seulement de refuser la communication des documents, mais empêchait en plus de fournir un aperçu de ces documents. Elle a aussi fait remarquer qu’en l’espèce la version publique de l’affidavit confidentiel comprenait une description générale des documents pour lesquels des exceptions avaient été invoquées au titre des articles 13 et 15.

La protonotaire a ensuite examiné la question en lien avec les différentes exceptions.

Paragraphe 13(1) - Renseignements obtenus à titre confidentiel des États étrangers

M. Imai avait été avisé que l’ambassade du Canada avait obtenu les renseignements protégés du gouvernement du Guatemala et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme. De plus, à la lumière des renseignements non caviardés qui se trouvaient dans les documents visés par l’article 13, la protonotaire était convaincue que M. Imai était en mesure de bien déterminer le contexte dans lequel les renseignements avaient été obtenue. Par conséquent, elle a conclu que le résumé des documents qui avait déjà été fourni était suffisant pour lui permettre de présenter des arguments efficaces à l’audience.

Article 15 - Affaires internationales et défense

En ce qui concerne les documents visés à l’article 15, la protonotaire a expliqué que, comme l’a énoncé Steinhoff, l’article 52 de la LAI ne permet pas de les communiquer à l’avocat de M. Imai à cette étape de l’instance. Bien que M. Imai ait affirmé qu’Affaires mondiales Canada n’avait pas comme il se doit invoqué l’article 52 dans son avis de requête et dans ses observations écrites initiales, la Cour est néanmoins tenue de respecter le régime législatif établi et la jurisprudence applicable. En outre, la protonotaire a rejeté l’argument de M. Imai selon lequel Kitson c. Canada (Défense nationale), 2009 CF 1000 change la conclusion de la Cour dans Steinhoff en ce qui concerne l’interdiction de communication des documents non caviardés à cette étape de l’instance, conformément à l’article 52 de la LAI. Par conséquent, la demande visant à ce que l’avocat de M. Imai reçoive une copie non caviardée des documents visés par l’article 15 a été rejetée.

La protonotaire s’est ensuite demandé si, à titre subsidiaire, l’avocat de M. Imai devrait recevoir un résumé des documents visés par l’article 15. Elle a déterminé que l’information fournie dans la version publique de l’affidavit confidentiel, conjuguée à l’information contextuelle déjà mise à la disposition de M. Imai dans les documents caviardés au titre de l’article 15, était suffisante pour permettre au demandeur de présenter des arguments valables dans le cadre de l’instruction de la demande.

Alinéa 20(1)c) - Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers

En ce qui concerne la demande visant à ce que l’avocat de M. Imai reçoive une version non caviardée des documents visés à l’alinéa 20(1)c), la protonotaire a jugé qu’il n’avait pas démontré que l’accès à ces documents était nécessaire pour que son avocat puisse présenter des arguments valables dans le cadre de l’instruction de la demande. La version publique de l’affidavit confidentiel lui fournissait déjà un résumé suffisant des documents. M. Imai n’a pas démontré en quoi cette information, conjuguée à l’information contextuelle fournie dans les documents caviardés, n’était pas suffisante pour lui permettre de présenter des arguments efficaces à l’audience sur le fond de la demande. La protonotaire a refusé d’ordonner la communication des renseignements confidentiels à l’avocat de M. Imai. Quant à la demande subsidiaire de M. Imai de recevoir un résumé, elle a fait remarquer qu’il n’avait fourni à la Cour aucune précision sur les renseignements supplémentaires qui pourraient être fournis à son avocat. Compte tenu de l’information déjà communiquée, elle a conclu que M. Imai avait déjà reçu un résumé suffisant de ces documents.

Article 21 - Activités du gouvernement

Pour ce qui est de la demande visant à ce que l’avocat de M. Imai reçoive une version non caviardée des documents visés à l’article 21, la protonotaire a déterminé que le demandeur n’avait fourni dans ses observations écrites aucune raison précise pour expliquer pourquoi son avocat avait besoin d’avoir accès aux documents non caviardés pour contester les exceptions invoquées et l’exercice adéquat par Affaires mondiales Canada de son pouvoir discrétionnaire, et qu’il n’avait pas non plus fourni de justification à cet égard à l’audience. Elle n’était pas convaincue que M. Imai avait démontré, compte tenu de l’information communiquée dans la version publique de l’affidavit confidentiel, ainsi que de l’information contextuelle figurant dans les documents caviardés eux-mêmes, que l’information qu’il avait déjà reçue relativement aux exceptions prévues à l’article 21 était insuffisante pour lui permettre de présenter des arguments efficaces lors de l’audience de la demande.

En ce qui a trait à la demande subsidiaire visant à ce que l’avocat de M. Imai reçoive un résumé, la protonotaire a fait remarquer que le demandeur n’avait fourni à la Cour aucune précision sur les renseignements supplémentaires qui pourraient être fournis à son avocat. Elle a jugé que, à la lumière de l’information déjà communiquée, il disposait déjà d’un résumé suffisant de ces documents.

Version non caviardée des motifs de caviardage

M. Imai a aussi demandé une version non caviardée des motifs énoncés dans l’affidavit confidentiel pour les caviardages au titre des exceptions prévues aux articles 13, 15, 20 et 21, soutenant que son avocat avait besoin de voir ces motifs pour présenter des observations éclairées quant à savoir si ces exceptions étaient applicables. La protonotaire a déterminé que la communication d’une version non caviardée des motifs de caviardage aurait entraîné la communication de certaines parties des renseignements confidentiels visés par la demande ou de renseignements sur lesquels était fondée la demande de confidentialité d’Affaires mondiales Canada. Elle a donc refusé d’ordonner la communication d’une version non caviardée des motifs de caviardage.

Version annotée des documents communiqués

La protonotaire s’est montrée d’accord avec une préoccupation soulevée par M. Imai concernant les exceptions multiples invoquées sur diverses pages des documents communiqués. La protonotaire a fait remarquer qu’il n’est pas rare, dans les demandes présentées au titre de l’article 41, que les informations protégées fassent l’objet de plus d’une exception, mais que le demandeur devrait se faire exposer clairement quelles exceptions sont invoquées pour chaque caviardage effectué, puisque cela peut l’aider à présenter des arguments à l’appui de sa demande. De toute façon, la Cour a aussi besoin que le défendeur le lui indique clairement, pour être en mesure d’évaluer si les exceptions invoquées ont été adéquatement appliquées et, le cas échéant, si le pouvoir discrétionnaire a été raisonnablement exercé. Par conséquent, la protonotaire a ordonné à Affaires mondiales Canada de fournir à M. Imai une version annotée des documents communiqués, en y indiquant les exceptions spécifiques appliquées à chaque caviardage.

Loi sur la protection des renseignements personnels

Cour d’appel fédérale

1. Azubuike c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 911

Lien : Azubuike c. Canada (Procureur général)

Date de la décision : 21 septembre 2021

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Articles 3, 7 et alinéa 8(2)a)

  • Article 3 – Définition – Renseignements personnels
  • Article 7 – Usage des renseignements personnels
  • Alinéa 8(2)a) – Communication des renseignements personnels aux fins desquelles ils ont été recueillis ou préparés par l’institution ou pour des usages qui sont compatibles avec ces fins
Résumé

Le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) a eu raison de déterminer dans son rapport des conclusions que la plainte déposée par M. Azubuike sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) n’était pas fondée.

M. Azubuike n’a pas établi que l’enquête avait été menée d’une manière inéquitable sur le plan procédural et qu’elle était fondée sur des erreurs de fait ou de droit. La Cour était d’avis que la décision du rapport des conclusions du CPVP était transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui avaient une incidence sur celle‑ci. La décision était donc raisonnable.

Le contrôle judiciaire concernant un rapport des conclusions du CPVP est d’une portée restreinte. Il ne peut servir à attaquer indirectement des décisions antérieures en matière d’immigration ni être utilisé comme plate‑forme pour contester la constitutionnalité du régime relatif aux réfugiés et à l’immigration.

Question en litige
  • L’enquête du CPVP a‑t‑elle été menée d’une manière équitable sur le plan procédural et, d’après cette enquête, la décision selon laquelle la plainte n’était pas fondée était‑elle raisonnable?
Faits

En 2012, M. Azubuike, a déposé une plainte auprès du CPVP, dans laquelle il alléguait que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) avait communiqué ses renseignements personnels sans son autorisation ou son consentement. Il a soutenu que l’ASFC avait contrevenu à la LPRP, quand elle était entrée en contact avec l’Organisation internationale de police criminelle (INTERPOL), sans son consentement ou son autorisation, pour vérifier l’authenticité d’une décision judiciaire que M. Azubuike avait présentée à l’appui de sa demande d’asile.

Le CPVP a fait enquête sur la plainte et, dans son rapport des conclusions, a conclu que la plainte du demandeur n’était pas fondée.

Ce dernier a demandé le contrôle judiciaire du rapport des conclusions du CPVP.

Décision

Selon la Cour, la décision du rapport des conclusions du CPVP était transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui avaient une incidence sur celle‑ci. La décision était donc raisonnable.

La demande de contrôle judiciaire a été rejetée. Le procureur général a eu droit à ses dépens, soit un montant forfaitaire global fixé à 1 000 $.

Motifs

La portée du contrôle judiciaire des rapports du CPVP

La Cour a déclaré qu’il ressort clairement de la jurisprudence que la validité des recommandations du commissaire à la protection de la vie privée n’est pas assujettie aux pouvoirs de contrôle de la Cour.

Cependant, une enquête et un rapport du CPVP peuvent être soumis à un contrôle judiciaire, si cette enquête a été inéquitable sur le plan procédural ou si ce rapport comporte des « omissions majeures, des conclusions déraisonnables ou non défendables, des erreurs d’interprétation du contexte factuel et juridique ou encore des commentaires démontrant un préjugé ou un parti pris de la part de l’enquêteur [...] » (voir Oleinik c. Canada (Commissariat à la protection de la vie privée), 2011 CF 1266).

L’enquête du CPVP a‑t‑elle été menée d’une manière équitable sur le plan procédural et, à la lumière de cette enquête, la décision selon laquelle la plainte n’était pas fondée était‑elle raisonnable?

Bien que M. Azubuike n’était pas d’accord avec le rapport des conclusions du CPVP, ses observations écrites ne traitaient pas de manière claire ou convaincante de l’équité procédurale du processus d’enquête ou de la raison pour laquelle il estimait que la décision du CPVP, à savoir que sa plainte n’était pas fondée, était déraisonnable. Ses observations écrites ne donnaient pas à entendre que le CPVP avait fait abstraction d’éléments de preuve importants ou avait commis d’autres erreurs susceptibles de contrôle.

M. Azubuike n’a fait état d’aucune preuve qui satisferait au critère relatif à la partialité, soit le fait de savoir si une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, conclurait que le décideur était partial. Il n’a pas établi que le processus d’enquête ou l’enquête même étaient entachés de partialité ou qu’ils avaient par ailleurs été menés d’une manière inéquitable sur le plan procédural.

M. Azubuike a affirmé que le CPVP n’avait pas pris en compte la totalité des éléments de preuve qu’il avait présentés et qu’il s’était trompé dans son appréciation de la preuve. En outre, la question soumise au CPVP consistait à savoir si l’ASFC avait contrevenu à l’article 8 de la LPRP en communiquant, sans consentement, des renseignements personnels au haut‑commissariat au Ghana, lequel les avait ensuite communiqués à INTERPOL, afin de demander une aide pour vérifier l’authenticité du jugement nigérian.

Comme M. Azubuike n’a pas établi que l’enquête avait été menée d’une manière inéquitable sur le plan procédural et qu’elle était fondée sur des erreurs de fait ou de droit, sa demande ne pouvait pas être accueillie. Par ailleurs, la décision du rapport des conclusions du CPVP, à savoir que la plainte déposée par M. Azubuike sous le régime de la LPRP n’était pas fondée, était transparente, intelligible et justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques qui avaient une incidence sur celle‑ci. La décision était donc raisonnable.

M. Azubuike ne pouvait pas solliciter le contrôle judiciaire du rapport des conclusions non exécutoire du CPVP pour, essentiellement, contester les décisions en matière d’immigration défavorables qui avaient été rendues antérieurement à son égard. Il ressort du dossier que M. Azubuike a profité de toutes les chances possibles de contester ces décisions et qu’il n’a pas eu gain de cause.

La présente demande de contrôle judiciaire concernant le rapport des conclusions du CPVP était d’une portée restreinte. Elle ne pouvait servir à attaquer indirectement des décisions antérieures en matière d’immigration ni être utilisée comme plate‑forme pour contester la constitutionnalité du régime relatif aux réfugiés et à l’immigration.

2. Cumming c. Canada (Gendarmerie royale du Canada)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 271

Lien : Cumming c. Canada (Gendarmerie royale du Canada)

Date de la décision : 20 février 2020

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Paragraphes 12(1) et 16(13) et articles 41, 48 et 49

  • Paragraphe 12(1) – Droit d’accès
  • Paragraphe 16(3) – Présomption de refus
  • Article 41- Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication
  • Article 48 – Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé
  • Article 49 – Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré
Résumé

La demande est rejetée parce qu’elle est dénuée de portée pratique. Lorsqu’elle examine une demande fondée sur l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP), la Cour est limitée par les termes et le contexte de la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée. En l’espèce, la recommandation concerne une présomption de refus découlant du fait que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’a pas répondu à la demande de renseignements personnels de M. Cumming, lequel a déjà obtenu réparation à l’égard de ce refus de communication.

Il était prématuré de la part de M. Cumming de demander réparation à la Cour relativement à l’insuffisance des renseignements. Il n’avait pas encore porté plainte au commissaire à la protection de la vie privée à cet égard, et il n’y avait pas encore eu d’enquête.

Questions en litige
  • La demande est-elle dénuée de portée pratique?
  • La demande est-elle prématurée en ce qui concerne la mesure de réparation sollicitée par suite de la réponse de la GRC?
Faits

Le 15 mars 2018, le demandeur, M. Cumming, a présenté à la GRC une demande de communication de renseignements personnels le concernant, fondée sur le paragraphe 12(1) de la LPRP. Par lettre en date du 16 mars 2018, la GRC a accusé réception de la demande de M. Cumming, tout en l’informant qu’elle entreprenait la recherche nécessaire dans ses dossiers et que, pour répondre à sa demande, elle aurait besoin d’une période de 30 jours en sus du délai de même durée fixé par la loi. Il n’a reçu, après cette lettre, aucune autre communication de la GRC par la suite. En juillet 2018, il a introduit une plainte devant le commissaire à la protection de la vie privée.

En mai 2019, soit plus d’un an après la demande de communication de M. Cumming et bien après l’expiration du délai maximal de réponse de 60 jours prévu par la LPRP, le commissaire à la protection de la vie privée a écrit séparément à M. Cumming et à la commissaire de la GRC. Il y concluait que la plainte de M. Cumming était « bien fondée » et que l’absence de réponse de la GRC à la demande de M. Cumming valait décision de refus de communication aux termes du paragraphe 16(3) de la LPRP. Le commissaire à la protection de la vie privée informait également M. Cumming de son droit de demander à la Cour fédérale le contrôle judiciaire du refus présumé de la GRC. M. Cumming a ensuite déposé un avis de demande en vue d’obtenir une ordonnance qui enjoindrait à la GRC de lui communiquer les renseignements personnels demandés.

En juillet 2019, la GRC a répondu à la demande de renseignements personnels de M. Cumming par une lettre l’informant qu’elle avait effectué une recherche dans ses dossiers, qu’elle avait joint à cette lettre tous les documents auxquels il avait droit, et que certains des renseignements qu’il avait demandés étaient soustraits à l’obligation de communication en vertu de diverses dispositions de la LPRP. Bien qu’il ait reçu communication d’une partie des renseignements demandés, M. Cumming a maintenu sa demande de contrôle judiciaire, soutenant que la communication était incomplète.

Décision

L’intitulé de l’instance a été modifié de manière à y désigner comme partie défenderesse le procureur général du Canada au lieu de la GRC;

La demande était sans portée pratique et, par conséquent, a été rejetée.

La mesure de réparation sollicitée était prématurée parce que le demandeur n’avait pas déposé de plainte pour contester le caractère suffisant des renseignements communiqués et que le commissaire à la protection de la vie privée n’avait pas mené d’enquête à cet égard.

Il a été adjugé au demandeur un montant fixe de 200 $ au titre des dépens.

Motifs

Question préliminaire : la modification de l’intitulé de l’instance

Le demandeur avait désigné la GRC à titre de défenderesse. C’est le procureur général du Canada qui doit être désigné comme défendeur, donc l’intitulé de l’instance a été modifié en conséquence.

La demande était-elle dénuée de portée pratique?

La jurisprudence démontre que lorsque la Cour examine une demande fondée sur l’article 41 de la LPRP, son pouvoir se limite à rendre une ordonnance de communication. Dans cette affaire, la communication avait déjà eu lieu et la Cour n’était pas habilitée à accorder d’autres mesures de réparation. Même si M. Cumming avait eu droit en principe à des mesures supplémentaires de réparation, le fait qu’il ne les ait pas sollicitées dans sa demande initiale, ou par voie de modification de cette demande, aurait empêché la Cour de les lui accorder.

Malgré le fait qu’il avait reçu communication des renseignements demandés, M. Cumming a contesté le caractère suffisant de cette communication. Selon la Cour, le fait que la GRC ait communiqué à M. Cumming des renseignements qu’elle juge insuffisantes a rendu l’affaire théorique. Dans la décision Sheldon c. Canada (Santé), 2015 CF 1385, il a été décidé qu’il n’était pas loisible à la Cour, dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire visant un refus présumé de communication, d’examiner la nature et le contenu de toute réponse subséquente, si imparfaite et incomplète soit-elle. Cette décision s’appliquait à une demande présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, mais le juge Gleeson a affirmé que l’interprétation d’une disposition de cette autre loi pouvait remplir une fonction instructive dans l’examen d’une disposition parallèle de la LPRP. À la lumière de la décision Sheldon, la Cour a conclu qu’une demande fondée sur l’article 41 de la LPRP n’est possible qu’après le dépôt d’une plainte devant le commissaire à la protection de la vie privée et une enquête par celui-ci. Les mesures de réparation que la Cour peut accorder sont limitées par les termes et le contexte de la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée, et que, autrement, la Cour s’arrogerait le rôle du commissaire à la protection de la vie privée dans le régime des plaintes et ne bénéficierait pas de l’expertise de ce dernier quant à l’examen des demandes. Comme dans l’affaire Sheldon, la recommandation du commissaire à la protection de la vie privée se rapportait en l’espèce à une présomption de refus découlant du fait que la GRC n’avait donné aucune réponse à la demande de renseignements personnels de M. Cumming. Or, celui-ci a obtenu réparation à l’égard de ce refus de communication. Le juge Gleeson a conclu que le demandeur avait reçu, à l’égard du refus présumé, la réparation que la Cour aurait été habilitée à prononcer en la matière, et que rien ne laissait penser qu’elle aurait dû quand même exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’affaire.

La demande était-elle prématurée en ce qui concerne la mesure de réparation sollicitée par suite de la réponse de la GRC?

M. Cumming n’a pas porté plainte au commissaire à la protection de la vie privée de plainte quant au caractère insatisfaisant pour lui de la communication partielle qu’il a reçue. De ce fait, et en l’absence d’enquête du commissaire à la protection de la vie privée, il était prématuré de la part de M. Cumming de demander réparation à la Cour à cet égard.

Il a été adjugé au demandeur un montant fixe de 200 $ au titre des dépens. La manière dont la GRC a traité la plainte de M. Cumming est un facteur pertinent quant à l’examen de la question des dépens. À cet égard, le juge a relevé que la GRC n’avait donné à M. Cumming aucune information sur l’évolution des recherches ni aucune explication concernant le retard à lui répondre, que ce soit avant sa plainte ou après la conclusion de l’enquête.

3. McCarthy c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1100

Lien : McCarthy c. Canada (Procureur général)

Date de la décision : 30 novembre 2020

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 3 et alinéas 8(2)c) et 8(2)d)

  • Article 3 – Définition – Renseignements personnels
  • Alinéa 8(2)c) – Communication de renseignements personnels exigée par subpœna, mandat ou ordonnance d’un tribunal
  • Alinéa 8(2)d) – Communication de renseignements personnels au procureur général du Canada pour usage dans des poursuites judiciaires
Résumé

La Cour ne peut pas simplement se fonder sur des allégations générales concernant le préjudice causé sur l’important droit à la vie privée par la divulgation de renseignements personnels pour émettre une ordonnance de confidentialité. L’arrêt Sierra Club exige que la délivrance d’une ordonnance de confidentialité soit nécessaire pour prévenir un « risque sérieux » pour l’intérêt, et que les effets bénéfiques de la prévention de ce risque l’emportent sur les effets préjudiciables sur le principe de la publicité des débats judiciaires. Ces conclusions doivent être étayées par la preuve.

Aucune restriction au principe de la publicité des débats judiciaires ne devrait être prise à la légère, compte tenu de son rôle fondamental dans le système judiciaire canadien. La restriction du droit à la liberté d’expression qui est imposée chaque fois que des dossiers de la Cour sont mis sous scellés peut avoir des répercussions sur la capacité de traiter un dossier. Les effets préjudiciables sur le principe de la publicité des débats judiciaires et la liberté d’expression qui résulteraient de la mise sous scellés ou du retranchement de l’unique pièce en cause, qui n’aurait pas dû être déposée au départ et qui n’avait aucune incidence sur la décision de la Cour de rejeter la demande, sont assez faibles.

Le procureur général n’a pas démontré, par les éléments de preuve déposés à l’appui de la requête, que la préservation du principe de la publicité des débats judiciaires et, par conséquent, la divulgation des renseignements en question en autorisant l’accès au dossier de la Cour entraînerait un « risque sérieux » aux droits à la vie privée pertinents, ou que les effets bénéfiques de la prévention de ce risque l’emporteraient sur les effets préjudiciables de toute restriction du principe de la publicité des débats judiciaires.

Question en litige
  • La Cour aurait-elle dû rendre une ordonnance de confidentialité, en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, pour mettre sous scellés la pièce Z et préserver la confidentialité de l’identité de l’autre employé de l’ASFC?
Faits

Il s’agissait d’une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler un avis d’audience prédisciplinaire (ci-après l’avis) délivré par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), dans lequel celui‑ci acceptait les conclusions d’une enquête sur des allégations d’actes répréhensibles en milieu de travail. L’enquête avait été déclenchée par des divulgations faites au titre de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, L.C. 2005, ch. 46 (LPFDAR).

M. McMarthy avait déposé un affidavit auquel étaient joints de nombreux documents. L’un de ces documents, la pièce Z de l’affidavit, était un courriel qu’il avait envoyé au président de l’ASFC avant l’avis, où il prétendait comparer son dossier à celui d’un autre employé de l’ASFC et demandait une explication pour la différence perçue dans le traitement. Le nom de l’autre employé de l’ASFC était mentionné, et le numéro de dossier et certains renseignements concernant les allégations contre l’autre employé étaient inclus.

La Cour a donné aux parties l’occasion de déposer des observations supplémentaires quant à la récente décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Desjardins c. Canada (Procureur général), 2020 CAF 123, puisque le procureur général s’était fondé sur la décision de la Cour fédérale dans cette affaire, laquelle a été infirmée par la Cour d’appel. Les parties ont chacune déposé des observations supplémentaires quant à l’arrêt Desjardins et ont maintenu leur position respective sur l’ordonnance de confidentialité sollicitée.

Décision

La Cour a rejeté la requête du procureur général visant à mettre la pièce Z sous scellés ou à la retrancher de l’affidavit de M. McCarthy, établi sous serment le 12 février 2020.

Aucuns dépens n’ont été adjugés.

Motifs

La Cour aurait-elle dû rendre une ordonnance de confidentialité, en vertu de l’article 151 des Règles des Cours fédérales, pour mettre sous scellés la pièce Z et préserver la confidentialité de l’identité de l’autre employé de l’ASFC?

Dans l’arrêt Desjardins, la Cour d’appel fédérale a récemment examiné les principes applicables aux ordonnances de confidentialité dans une affaire qui, comme celle en l’espèce, a été intentée dans le contexte des divulgations d’actes répréhensibles présumés faites en vertu de la LPFDAR. Les renseignements en cause dans cette affaire étaient les noms des témoins et des divulgateurs, ainsi que les entrevues avec les témoins et les notes relatives à l’enquête.

Dans l’arrêt Desjardins, au paragraphe 55 de sa décision, la Cour a cité et réaffirmé le critère justifiant la délivrance d’une ordonnance de confidentialité établit dans l’arrêt Sierra Club, au paragraphe 53 :

Une ordonnance de confidentialité en vertu de la règle 151 ne doit être rendue que si :

a) elle est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b) ses effets bénéfiques, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

La Cour a affirmé qu’elle doit tenir compte des faits et des circonstances pertinents, des objectifs et des dispositions de tout régime législatif pertinent, ainsi que de l’intérêt public. Elle doit également tenir compte des droits constitutionnels pertinents, à savoir le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et le principe de la publicité des débats judiciaires.

La Cour était satisfaite que les renseignements relatifs à l’employé de l’ASFC, qui l’identifient par son nom et qui comprennent des détails sur les allégations d’actes répréhensibles en milieu de travail qui ont été formulées contre lui, relevaient de la définition de « renseignements personnels » énoncée à l’article 3 de la LPRP. M. McCarthy prétendait que la LPRP ne s’appliquait pas, car il n’était pas une « institution fédérale ». La Cour a eu du mal à accepter cette allégation étant donné que M. McCarthy a clairement été en possession des renseignements en question lorsqu’il était, à titre de fonctionnaire, employé du gouvernement fédéral. La Cour n’a pas cru que l’application de la LPRP puisse être évitée du simple fait que M. McCarthy n’était pas lui‑même une institution fédérale, ou qu’il avait par la suite pris sa retraite de la fonction publique fédérale.

La question n’était pas de savoir si M. McCarthy avait enfreint la LPRP en déposant le courriel en question, mais plutôt de savoir si, maintenant que le courriel a été déposé, une ordonnance de confidentialité portant que ce document devait être mis sous scellés devrait être rendue. Le critère de l’arrêt Sierra Club devait être satisfait, en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes.

En ce qui concerne la première étape du critère de l’arrêt Sierra Club, la Cour était convaincue que la protection de la vie privée pouvait constituer un « intérêt important » aux fins de l’application du critère de l’arrêt Sierra Club. Il peut être raisonnablement présumé que la divulgation de renseignements personnels présente au moins un certain degré de préjudice à l’important droit à la vie privée ou un certain degré de risque pour celui‑ci. Toutefois, l’arrêt Desjardins établit que la délivrance d’une ordonnance de confidentialité doit être nécessaire pour prévenir un « risque sérieux » pour l’intérêt, et que ces conclusions doivent être étayées par la preuve.

La Cour a conclu que le procureur général n’avait pas démontré que la préservation du principe de la publicité des débats judiciaires entraînerait un « risque sérieux » pour le droit à la vie privée, ou que les effets bénéfiques de la prévention de ce risque l’emporteraient sur les effets préjudiciables de toute restriction du principe de la publicité des débats judiciaires.

La Cour a affirmé être sympathique aux préoccupations du procureur général concernant la publication de renseignements personnels sur l’emploi d’une personne qui n’a aucun lien direct avec la présente demande par le dépôt d’un document qui n’avait pas à être déposé et n’aurait pas dû l’être. Toutefois, la Cour a indiqué que le principe de la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental et, bien qu’il reconnaisse des exceptions, les motifs sous‑tendant ces exceptions doivent être étayés par un dossier de preuve convaincant. La Cour ne considérant pas disposer d’un tel dossier à l’appui de la requête, la requête a donc été rejetée.

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