Info Source : Bulletin 45A - Sommaire des décisions des Cours fédérales

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Dans les sommaires ci‑après, vous trouverez l’expression « contrôle judiciaire ». Il s’agit d’un mécanisme permettant aux tribunaux d’examiner les décisions administratives rendues par les fonctionnaires, y compris les positions adoptées par les commissariats à l’information et à la protection de la vie privée du Canada.

Loi sur l’accès à l’information

Titres de la section

Cour fédérale du Canada

1. Imai c. Canada (Affaires étrangères)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 1479

Lien : Imai c. Canada (Affaires étrangères)

Date de la décision : 29 décembre 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information: Paragraphe 15(1), alinéa 20(1)c) et articles 41, 44.1, 49 et 50

  • Paragraphe 15(1) – Affaires internationales et défense
  • Alinéa 20(1)c) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers
  • Article 41 – Révision par la Cour fédérale
  • Article 44.1 – Examen de novo
  • Article 49 – Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé
  • Article 50 – Ordonnance de la Cour dans les cas où le préjudice n’est pas démontré
Points opérationnels à retenir
  • Pour les exceptions discrétionnaires, axées sur un risque de préjudice, la cour de révision doit décider si le refus de l’institution fédérale de communiquer les renseignements « était […] fondé sur des motifs raisonnables ». Il s’agit d’une révision de novo et la Cour peut tenir compte d’éléments de preuve dont ne disposait pas l’institution fédérale au moment où elle a rendu la décision.
  • Pour une exception obligatoire, axée sur un préjudice éventuel, la cour de révision doit décider de novo si l’exception a été appliquée correctement et si le refus de communiquer les renseignements « était autorisé », en tenant compte de la preuve présentée par les parties, qui peut inclure des éléments de preuve dont ne disposait pas l’institution fédérale au moment où elle a rendu la décision.
  • Pour appliquer avec succès le paragraphe 15(1) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), un processus en deux étapes doit être suivi :
    • Étape 1 : La communication des renseignements suscite un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada.
      • L’existence d’un « [lien clair et direct] entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué » doit être établie.
      • La partie qui cherche à invoquer l’exception doit seulement démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, et qu’elle n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement.
    • Étape 2 : La deuxième étape consiste à décider si, vu l’importance du risque et d’autres facteurs pertinents, la communication devrait néanmoins être accordée ou refusée. La communication des renseignements doit susciter un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada.
      • Pour refuser de communiquer les renseignements, il ne suffit pas que l’institution fédérale déclare que tous les facteurs pertinents ont été pris en compte, mais il n’est pas nécessaire non plus qu’elle analyse en détail le moindre facteur qui a eu une incidence sur la décision ou la manière dont les facteurs ont été soupesés les uns en fonction des autres.
  • Alinéa 20(1)c) : La Cour a déterminé que, lorsqu’elle évaluera l’existence d’une probabilité raisonnable de préjudice à un tiers qui pourrait découler de la communication, elle le fera du point de vue du décideur au moment où la décision a été prise et non au moment présent.
Résumé

La norme de contrôle prévue au paragraphe 15(1) de la LAI est celle de la décision raisonnable, et la cour de révision détermine l’applicabilité de l’exception à l’alinéa 20(1)c) en vertu de la décision correcte. La Cour procède à une révision de novo des deux demandes.

Affaires mondiales Canada (AMC) s’est appuyé à juste titre sur les exceptions de la LAI et a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsque nécessaire. La Cour a conclu que le refus d’AMC de communiquer l’information en vertu du paragraphe 15(1) de la LAI était fondé sur des motifs raisonnables. La Cour a également conclu que la divulgation des renseignements aurait vraisemblablement nuit à la situation financière et concurrentielle actuelle de Goldcorp Inc. (Goldcorp).

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable à chacune des exceptions que le ministre a invoquées?
  • Le ministre a‑t‑il appliqué les exceptions à la série de documents de février 2018 d’une manière conforme à la LAI, et lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire, l’a‑t‑il fait de manière raisonnable?
Faits

La mine Marlin, une mine d’or située au Guatemala et appartenant à l’époque à une filiale de la société minière canadienne Goldcorp, a mis fin à ses activités en mai 2017, mais non sans avoir suscité au préalable une certaine réprobation à l’échelon international en raison de présumés manquements sur les plans environnemental et humanitaire.

À la suite d’une décision en matière de mesures conservatoires prise par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (Commission) contre le gouvernement du Guatemala demandant la suspension des opérations à la mine Marlin, le gouvernement du Guatemala a publié sa réponse officielle à la décision de la Commission, déclarant que les allégations de contamination de l’environnement étaient sans fondement, mais qu’il lancerait sa propre enquête à ce sujet. Le Canada n’a pas pris part à la décision de la Commission ni aux travaux menés devant celle-ci. Cependant, après la demande de soutien de Goldcorp, le gouvernement canadien et le personnel de l’ambassade en poste au Guatemala ont eu des contacts avec le gouvernement du Guatemala, la Commission et Goldcorp au sujet de la situation de la mine Marlin. En fin de compte, les activités minières n’ont pas été suspendues et la Commission a modifié sa décision en levant la demande faite au gouvernement du Guatemala pour qu’il suspende les activités à la mine Marlin.

Le professeur Imai a, par voie de demande présentée en vertu de la LAI, demandé qu’AMC lui communique les documents relatifs à la réponse du gouvernement canadien à la décision en matière de mesures conservatoires rendue par la Commission en 2010 ainsi qu’à son rôle dans l’annulation, par la Commission, de cette décision. En réponse à la demande, AMC a communiqué plusieurs centaines de pages de documents au professeur Imai, ce qui a donné lieu à une demande plus limitée, portant précisément sur les communications qu’il y avait eu entre AMC, Goldcorp et la Commission entre la date à laquelle la Commission avait demandé au Guatemala de suspendre les activités à la mine Marlin et celle à laquelle la Commission avait annulé sa décision. Au fil du temps, AMC a communiqué d’autres documents en réponse à la demande fondée sur la LAI, et le point culminant a été atteint le 28 février 2018, quand le Ministère a transmis au professeur Imai sa cinquième et dernière série de documents (la série de documents de février 2018). Cette série contenait 36 pages de documents dont une vingtaine avaient été caviardées. La présente demande se limite aux caviardages effectués sur les 20 pages contenues dans la série de documents de février 2018.

Le compte rendu final du Commissariat à l’information du Canada (CIC) a conclu qu’AMC avait appliqué les exceptions prévues aux paragraphes 15(1) et 19(1) ainsi qu’aux alinéas 20(1)b), 20(1)c), 21(1)a) et 21(1)b) d’une manière conforme à la LAI, et que, dans les cas où cette application était de nature discrétionnaire, AMC avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable. De plus, étant donné que d’autres exceptions avaient été appliquées à certains des mêmes renseignements en vertu des alinéas 13(1)a), 13(1)b) et 20(1)d) de la LAI, le CIC n’a pas jugé nécessaire de vérifier si le refus de communiquer les mêmes renseignements pouvait également se justifier en vertu de ces autres dispositions.

Le professeur Imai a déposé une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 41(1) de la LAI, limitée aux caviardages des 20 pages reçues dans le cadre de la série de documents de février 2018.

Décision

La Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire avec dépens au montant de 5 000 $ payables par le professeur Imai au ministre.

Motifs
Quelle est la norme de contrôle applicable à chacune des exceptions que le ministre a invoquées?

Le paragraphe 15(1) de la LAI crée une exception discrétionnaire, axée sur un risque de préjudice, qui repose sur un processus en deux étapes, et la norme de contrôle qui s’applique à chacune de ces étapes est celle de la décision raisonnable. Plus précisément, le paragraphe 15(1) est assujetti à l’article 50 de la LAI en vertu duquel la cour de révision doit décider si le refus de l’institution fédérale de communiquer les renseignements « était […] fondé sur des motifs raisonnables ». Il s’agit d’une révision de novo, et dans ce contexte, la Cour peut prendre en compte des éléments de preuve que n’avaient pas en main AMC quand il a transmis la série de documents de février 2018. De plus, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard des décisions discrétionnaires.

L’alinéa 20(1)c) crée une exception obligatoire, axée sur un préjudice éventuel, aux termes de laquelle, dès lors qu’il est décidé que les renseignements en cause relèvent de la catégorie visée, la communication des documents qui les contiennent doit être refusée. L’alinéa 20(1)c) est assujetti à l’article 49 de la LAI en vertu duquel la cour de révision doit décider de novo si l’exception a été appliquée correctement et si le refus de communiquer les renseignements visés par l’exception revendiquée « était autorisé », en tenant compte de la preuve présentée par les parties, qui peut inclure des éléments dont ne disposait pas l’institution fédérale au moment où elle a rendu la décision. La Cour n’est pas tenue de faire preuve de retenue envers le point de vue de l’institution fédérale, mais doit plutôt appliquer la norme de la décision correcte dans son examen relatif à l’applicabilité de l’exception.

Le ministre a‑t‑il appliqué les exceptions à la série de documents de février 2018 d’une manière conforme à la LAI, et lorsqu’il a exercé son pouvoir discrétionnaire, l’a‑t‑il fait de manière raisonnable?

Paragraphe 15(1) de la LAI – Affaires internationales et défense

À la première étape du processus au paragraphe 15(1) de la LAI, la Cour a statué que le ministre doit démontrer que la communication des renseignements suscite un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada, et pour ce faire, il doit établir l’existence d’un « [lien clair et direct] entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué ». La Cour n’a pas non plus été d’accord avec le professeur Imai pour dire que les notions de « lourd fardeau » ou de « lourde charge » dont il est souvent question dans la jurisprudence sont liées à la norme de preuve à laquelle doit satisfaire la partie qui cherche à établir l’existence d’un risque vraisemblable de préjudice probable. La Cour a cité Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé), 2012 CSC 3, expliquant que la Cour suprême a précisé que lorsqu’il est question de la notion de risque vraisemblable de préjudice probable, la partie qui cherche à invoquer l’exception doit seulement démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, et qu’elle n’est pas tenue d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement. La Cour a expliqué que lorsque le processus de communication est fondé sur la preuve, comme c’est le cas en l’espèce, la notion de « lourd fardeau » se rapporte au fait que la partie qui souhaite préserver la confidentialité doit le faire d’une manière formelle au moyen d’une preuve claire et directe.

La deuxième étape consiste à décider si, vu l’importance du risque et d’autres facteurs pertinents, la communication devrait néanmoins être accordée ou refusée. Si la Cour conclut que l’institution fédérale s’est penchée sur la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire, elle doit dans ce cas décider si l’institution a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable. 

  1. (a) Il existait un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada

    La Cour a statué que le ministre a démontré que la communication des renseignements suscitait un risque vraisemblable de préjudice probable aux affaires internationales du Canada.

    Après avoir passé en revue les renseignements caviardés et les renseignements confidentiels, et entendu le Ministère ex parte et à huis clos, la Cour a jugé évident que la preuve montrait un lien clair et direct, allant au‑delà de toute conjecture, entre les renseignements et le préjudice éventuel. De l’avis de la Cour, il y avait plus qu’une simple possibilité que la communication de ces renseignements se traduise par une érosion de la confiance dans la capacité du Canada de gérer convenablement les renseignements de nature délicate et confidentielle fournis par des États et des organismes internationaux, et par un affaiblissement de la capacité du Canada de conduire ses affaires internationales.

    La Cour était convaincue que toute personne raisonnable croirait que le préjudice déclaré serait attribuable à la communication des renseignements et, de ce fait, qu’AMC avait des motifs raisonnables de refuser la communication des renseignements caviardés.

  2. (b) AMC a compris son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer et l’a exercé de manière raisonnable

    La Cour était convaincue qu’AMC s’est penché sur la question de l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Le fait qu’AMC ait continué au fil des ans à communiquer des renseignements au professeur Imai laisse croire qu’il était conscient du pouvoir discrétionnaire prépondérant qu’il a de consentir à la communication. Le compte rendu du CIC mentionne également que, après plus ample examen, AMC a communiqué des renseignements initialement caviardés en vertu du paragraphe 15(1) de la LAI.

    La Cour a également statué qu’AMC avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements caviardés. La Cour a statué que la preuve est suffisante – qu’elle ressorte expressément du dossier ou qu’elle puisse en être inférée – pour conclure qu’AMC a exercé raisonnablement son pouvoir discrétionnaire en décidant d’exclure les renseignements après avoir soupesé les facteurs d’intérêt public et privé favorisant la communication des renseignements au regard des facteurs d’intérêt public qui militaient en faveur de leur non‑communication. De plus, la décision d’AMC de refuser la communication en application du paragraphe 15(1) de la LAI était transparente et intelligible, et donc raisonnable.

    Alinéa 20(1)c) de la LAI – Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers

    Il appartient au ministre d’établir le risque vraisemblable de préjudice que causerait la communication des renseignements afin que l’exception s’applique. Le professeur Imai soutenait que la fenêtre temporelle en fonction de laquelle il convient de déterminer s’il y a eu préjudice devrait être le présent. Selon lui, on ne saurait dire que la communication risquerait vraisemblablement de causer un préjudice financier se traduisant par des pertes ou profits financiers, ou de nuire à la compétitivité, alors que la société n’existait plus et que la mine a fermé en 2017.

    La Cour n’était pas d’accord. Bien qu’il soit loisible à la Cour de prendre en considération des éléments de preuve dont le décideur ne disposait pas à l’époque, il n’en demeure pas moins que la présente instance se rapporte au bien‑fondé du refus de communiquer des renseignements dans le cadre de la série de documents de février 2018. La Cour a examiné les renseignements caviardés et pris en considération l’affidavit confidentiel ainsi que les renseignements contextuels confidentiels dont disposait à l’époque l’analyste de l’AIPRP, et a conclu qu’on aurait pu raisonnablement s’attendre à ce que, à l’époque, la divulgation des renseignements aurait eu pour effet – et ce risque va au‑delà de la simple possibilité – de causer des pertes financières appréciables à Goldcorp et de nuire à sa compétitivité là où cette société exerçait ses activités en Amérique centrale, y compris la position concurrentielle qu’elle occupait à l’époque au Guatemala. La Cour a conclu qu’AMC s’est acquitté correctement de son devoir de non‑communication, et qu’il était autorisé à refuser de divulguer les renseignements.

2. Rundel c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 1180

Lien : Rundel c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Date de la décision : 5 novembre 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Article 7, paragraphe 10(3), articles 41 et 44.1, et paragraphe 48(1)

  • Article 7 – Notification
  • Paragraphe 10(3) – Présomption de refus de communication d’un document
  • Article 41 – Révision par la Cour fédérale
  • Article 44.1 – Révision de novo
  • Paragraphe 48(1) – Ordonnance de la Cour dans les cas où le refus n’est pas autorisé
Points opérationnels à retenir
  • Pour déterminer si l’institution a effectué une recherche raisonnable, la Cour a examiné l’étendue et la portée de celle-ci, ainsi que la façon dont l’institution a interprété la demande.
  • L’étendue et la portée de la recherche exigent que les institutions fédérales assignent la tâche de recherche à tous les secteurs qui pourraient avoir des documents pertinents correspondant à la demande.
Résumé

M. Rundel a présenté une demande de révision en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), dans laquelle il affirmait que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) n’avait pas fourni tous les documents correspondant à sa demande d’accès au titre de la LAI et que la réponse de la GRC avait été retardée de façon déraisonnable.

La Cour a conclu que la GRC n’avait effectivement pas respecté le délai de 30 jours dont elle disposait pour répondre à la demande d’accès en l’espèce. Cependant, compte tenu des mesures que la GRC avait prises à la suite de l’enquête et des recommandations du Commissariat à l’information (CIC), la Cour a déterminé que la GRC s’était finalement acquittée de son fardeau de rechercher et de communiquer les documents pertinents correspondant à la demande d’accès.

Questions en litige
  • La GRC s’est-elle acquittée de son fardeau de rechercher et de communiquer tous les documents pertinents correspondant à la demande, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI?
Faits

Le 19 août 2013, M. Rundel a présenté à la GRC une demande d’accès à toutes les communications préalables et postérieures à la délivrance d’une fiche de rendement de la GRC ainsi que les communications ultérieures portant sur ses actions se rapportant à un incident qui s’était produit à l’aéroport international de Vancouver. M. Rundel avait aussi présenté deux autres demandes d’accès, dont l’une visait des documents relatifs à un présumé rapport interne de la GRC qui aurait été rédigé par le surintendant Wade Blizard (rapport Blizard). La GRC a nié l’existence du rapport Blizard.

Le 1er août 2014, la GRC a communiqué des documents en réponse à la demande d’accès, mais a refusé de communiquer certains renseignements, au titre du sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI. M. Rundel a alors déposé une plainte auprès du CIC, affirmant que la GRC n’avait pas fourni tous les documents correspondant à la demande de communication et que la réponse de la GRC avait été retardée de façon déraisonnable.

La GRC a ensuite lancé un autre appel, ou avait réattribué des tâches, pour trouver des documents correspondant à la demande de communication, puis a communiqué les documents supplémentaires qui avaient été découverts, mais a refusé de communiquer certains renseignements, au titre du sous‑alinéa 16(1)a)(ii) et du paragraphe 19(1) de la LAI.

Le CIC a écrit à la GRC pour lui communiquer les résultats préliminaires de son enquête sur la plainte. Il a déclaré être en grande partie satisfait de l’étendue de l’attribution des tâches par la GRC pour répondre à la demande, à l’exception d’un secteur qui semblait susceptible de détenir des documents pertinents, mais qui n’avait pas été chargé de faire des recherches. Le CIC a également jugé que la GRC avait interprété la demande de façon trop étroite, limitant ainsi à tort sa recherche. Par conséquent, le CIC a conclu que la GRC n’avait pas effectué une recherche raisonnable et a formulé deux recommandations pour répondre aux préoccupations susmentionnées.

La GRC a mis en œuvre les recommandations du CIC et communiqué d’autres documents à M. Rundel, mais a refusé de communiquer certains renseignements au titre de l’alinéa 13(1)c), des paragraphes 16(2) et 19(1) ainsi que de l’article 23 de la LAI.

Le CIC a par la suite délivré son compte rendu concernant la plainte. Tout en jugeant la plainte fondée, le CIC a confirmé que la GRC avait accepté ses recommandations antérieures, mené de nouvelles recherches pour trouver des documents supplémentaires et fourni d’autres documents pertinents.

Au titre du paragraphe 41(1) de la LAI, M. Rundel a exercé un recours en révision en ce qui concerne la réponse de la GRC à la demande d’accès.

Décision

La GRC s’est acquittée de son fardeau de rechercher et de communiquer tous les documents pertinents correspondant à la demande, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI.

Motifs

La Cour a divisé en deux parties l’objet de la plainte : premièrement, le délai dans lequel la GRC accordé l’accès (la plainte relative au retard) et, deuxièmement, la recherche et la communication raisonnables de tous les documents pertinents (la plainte relative à la recherche).

  1. La plainte relative au retard

    La Cour a noté que la GRC avait reçu la demande d’accès le 23 août 2013, mais n’avait pas fourni des documents pertinents avant le 1er août 2014 – soit environ un an plus tard.

    La Cour a déclaré que le défaut du responsable d’une institution fédérale de respecter le délai prévu de 30 jours équivalait à un refus de communication selon le paragraphe 10(3) de la LAI. Elle a conclu que la GRC avait clairement échoué à cet égard, et elle a fait savoir qu’elle était sensible à la frustration de M. Rundel et aux efforts de celui-ci pour obtenir des documents correspondant à sa demande d’accès. Néanmoins, elle a jugé que le retard ne semblait pas avoir causé un préjudice ou porté atteinte à M. Rundel. À cet égard, elle a rappelé que la GRC avait depuis communiqué de nombreux documents à quatre différentes reprises, et que le CIC avait signalé dans son compte rendu que la plainte relative au retard avait été résolue.

  2. La plainte relative à la recherche

    La Cour a affirmé que, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI, il incombait à la GRC de s’acquitter de son fardeau de démontrer qu’elle avait raisonnablement effectué sa recherche de manière raisonnable pour trouver les documents en question.

    La Cour a mentionné que la GRC avait fourni des éléments de preuve faisant état des multiples recherches qu’elle avait réattribuées dans diverses divisions concernées et que, suivant la recommandation du CIC, elle avait augmenté l’étendue et la portée de sa recherche pour inclure une autre division de la GRC et des mots-clés moins restrictifs. La Cour a aussi noté que dans son compte rendu, le CIC avait conclu que, bien que la plainte soit fondée, la GRC avait mis en œuvre ses recommandations et que d’autres documents avaient été communiqués.

    La Cour a déterminé que M. Rundel n’avait fourni aucun élément de preuve ou argument de fond pour réfuter la position de la GRC. Bien qu’il en ait eu l’occasion, M. Rundel n’avait procédé à aucun contre-interrogatoire. La majorité des observations écrites et des éléments de preuve de M. Rundel n’abordait pas la question en litige en l’espèce, et une partie de la preuve présentée était axée de façon plus générale sur la conduite de la GRC.

    La Cour a mentionné que, lors de l’audience, M. Rundel a particulièrement attiré l’attention sur le refus de communiquer le rapport Blizard et les documents connexes qui auraient été examinés par le surintendant Blizard dans le cadre de son rapport. La Cour a rappelé que la GRC avait nié l’existence du rapport Blizard dans sa réponse à une autre demande d’accès, et elle a précisé que le rapport semblait avoir été discuté dans le contexte des questions disciplinaires, ce qui échappait à la portée de la demande d’accès. Vu les documents qui pourraient avoir été examinés par le surintendant Blizard, la Cour a conclu que ceux-ci échappaient à la portée de la demande, parce que certains étaient en dehors de la période précisée dans la plainte, tandis que d’autres faisaient référence à des questions disciplinaires ou à d’autres questions qui échappaient à la portée de la demande.

    M. Rundel avait en outre décrit un lecteur secret de la GRC où il croyait qu’étaient peut-être stockés des documents qu’il cherchait à obtenir et qui n’avaient pas été communiqués. La Cour a déterminé qu’aucun élément de preuve ne démontrait des renseignements pertinents liés à la demande existaient sur ce lecteur ou que celui-ci n’avait pas été fouillé par la GRC.

    La Cour a déclaré que bien qu’il était regrettable qu’une enquête du CIC ait été nécessaire pour motiver la GRC à effectuer une recherche approfondie et raisonnable, le dossier démontrait que de telles recherches et communications raisonnables avaient finalement été accomplies. La Cour a conclu que la GRC s’était acquittée de son fardeau de rechercher et de communiquer tous les documents pertinents correspondant à la demande, conformément au paragraphe 48(1) de la LAI.

3. Schoendorfer c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 896

Lien : Schoendorfer c. Canada (Procureur général)

Date de la décision : 30 août 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Sous-alinéa 16(1)a)(ii) et article 44.1 

  • Sous-alinéa 16(1)a)(ii) : enquêtes licites sur l’application de lois fédérales ou provinciales
  • Article 44.1 : Révision de novo
Points opérationnels à retenir
  • Même si l’article 44.1 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) prévoit qu’un recours en révision judiciaire doit être mené comme une nouvelle affaire, la Cour a tenu compte du rapport du Commissariat à l’information (Commissariat) dans son examen.
  • Lorsqu’un document est visé par l’exception prévue au sous‑alinéa 16(1)a)(ii), les renseignements personnels de la personne décédée qu’il contient sont protégés pendant 20 ans après son décès.
  • Des motifs de compassion peuvent être pris en considération lors de l’application de l’exception discrétionnaire prévue au sous‑alinéa 16(1)a)(ii).
  • En obiter, la Cour note que le rapport du Commissariat souligne « des lacunes dans l’interaction entre la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) et la LAI sous leur forme actuelle ».
    • La Commissaire a recommandé des modifications à l’article 26 de la LPRP et à l’article 19 de la LAI, afin d’accorder le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements personnels sur une personne décédée au conjoint ou à un proche parent pour des motifs de compassion.
    • La Cour note que si cette modification était apportée, elle pourrait permettre aux demandeurs d’obtenir de plus amples renseignements.
Résumé

Mme Schoendorfer a présenté une demande en vertu de l’article 41 de la LAI (la demande) par rapport au refus de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de lui donner accès à des documents qu’elle demandait.

La Cour a conclu que la GRC avait correctement appliqué le sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI et avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer les documents concernés à Mme Schoendorfer. La Cour a donc rejeté la demande.

Questions en litige

La Cour a déterminé que la demande soulevait deux questions à trancher :

  • La question de savoir si la décision de la GRC de caviarder ou d’expurger des documents ou de ne pas les communiquer est visée par l’exception prévue au sous‑alinéa 16(1)a)(ii).
  • Si documents sont visés par l’exception, en tout ou partie, la question suivante est de savoir si la GRC a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de caviarder ou d’expurger les documents ou de ne pas les communiquer à Mme Schoendorfer.
Faits

Mme Schoendorfer a présenté une demande de communication afin d’obtenir des documents d’enquête concernant son fils qui s’était suicidé. La GRC a communiqué certains documents, mais a refusé d’en communiquer certains autres au motif qu’ils étaient visés par l’exception énoncée au sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI.

Le 7 août 2019, Mme Schoendorfer s’est plainte au Commissariat que la GRC avait mal appliqué les exceptions prévues par la LAI.

Le Commissariat a demandé à la GRC de préciser les motifs pour lesquels elle avait décidé d’appliquer l’exception aux parties des documents qu’elle n’avait pas communiqués et de réexaminer son application du sous‑alinéa 16(1)a)(ii). Plus précisément, étant donné que la plainte pourrait répondre aux exigences de communication de renseignements pour des motifs de compassion, le Commissariat a demandé à la GRC de se pencher de nouveau sur la question de savoir si elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable.

La GRC a accepté d’examiner de nouveau le dossier. Le 7 janvier 2020, elle a confirmé l’avoir fait et a affirmé que, compte tenu des circonstances, le dossier ne répondait pas aux exigences de communication pour des motifs de compassion.

Le 31 janvier 2020, le Commissariat a transmis son compte rendu à Mme Schoendorfer, dans lequel il indiquait qu’il était convaincu que la GRC s’était acquittée de son obligation aux termes de la LAI. Le Commissariat a affirmé qu’il avait demandé à la GRC de réexaminer le dossier [traduction] « dans l’objectif de déterminer s’il pouvait y avoir un intérêt plus général à communiquer des renseignements personnels d’une personne décédée à un proche parent en vue de faciliter la compréhension des circonstances de la mort d’un être cher ».

Le Commissariat a informé Mme Schoendorfer que la GRC avait finalement conclu qu’il était justifié, au titre de la LAI et de la LPRP, de ne pas communiquer les renseignements en cause. Il a conclu que, au titre de la LAI et de la LPRP, la GRC avait eu raison de refuser de communiquer les renseignements retenus en application du sous‑alinéa 16(1)a)(ii). Le Commissariat a conclu que la plainte de Mme Schoendorfer n’était pas fondée.

Décision

La Cour a conclu que la GRC avait correctement appliqué le sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI et avait raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer les documents concernés à Mme Schoendorfer. La Cour a donc rejeté la demande, sans dépens.

Motifs
Questions en litige et norme de révision

La Cour a souligné que, conformément à l’article 44.1 de la LAI, les recours en révision prévus à l’article 41 de la LAI sont instruits comme une nouvelle affaire, et non pas comme un contrôle de décision. Selon la loi, la Cour doit statuer à nouveau sur l’affaire et déterminer si l’exception prévue au sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI s’applique aux documents qui n’ont pas été communiqués à Mme Schoendorfer. Il s’agit d’une révision effectuée selon la norme de la décision correcte. Seulement deux issues sont possibles : soit les documents sont visés par l’exception, soit ils ne le sont pas.

Pour les décisions de nature discrétionnaire, comme la décision de la GRC de communiquer ou non à Mme Schoendorfer des documents ou des parties non caviardées et non expurgées des documents, la Cour a confirmé que la norme applicable était celle de la décision raisonnable. Une décision est jugée raisonnable si elle est fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et qu’elle est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti. La norme de la décision raisonnable exige que la cour de révision fasse preuve de retenue envers une décision de cette nature.

L’exception prévue au sous‑alinéa 16(1)(ii)a) s’applique-t-elle aux documents non communiqués?

La Cour a affirmé que, dans le cadre de l’examen visant à déterminer si l’exception prévue au sous‑alinéa 16(1)a)(ii) de la LAI s’applique, deux critères doivent être respectés : l’institution refusant la communication de documents doit être une institution fédérale selon le Règlement sur l’accès à l’information (le Règlement), et elle doit avoir obtenu ou préparé les renseignements au cours d’une enquête licite ayant trait aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales.

La Cour a convenu que la GRC est une institution fédérale constituant un organisme d’enquête déterminé par le Règlement. Elle a fait remarquer que les agents de la paix au sein de la GRC ont entre autres comme tâche de remplir toutes les fonctions qui leur sont attribuées en ce qui concerne le maintien de la paix, la prévention du crime et des infractions aux lois fédérales et à celles en vigueur dans la province où ils peuvent être employés, comme l’énonce l’article 18 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. De plus, comme l’a mentionné la Cour, le règlement pris en application de la Loi sur la GRC précise que les fonctions des agents incluent celle de « faire respecter les lois fédérales et d’aider les organismes chargés du contrôle d’application de la loi au Canada à déceler les activités criminelles et à enquêter sur celles-ci ». La Cour a aussi souligné que, selon le Procureur général, les documents visés par la demande se rapportaient à l’application de la Loi sur les armes à feu.

La Cour a conclu qu’en l’espèce, la GRC agissait à l’intérieur des paramètres énoncés à l’alinéa 16(1)a) de la LAI. Elle effectuait une enquête licite ayant trait à la détection, à la prévention et à la répression du crime, et les documents avaient moins de 20 ans. En outre, une arme à feu était en cause dans le décès du fils de Mme Schoendorfer.

Qui plus est, d’après l’ordonnance de délégation de pouvoirs et l’affidavit déposé par le Procureur général, la Cour était convaincue que la GRC avait le droit d’accepter et d’appliquer les recommandations de l’analyste de la Sous-direction de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels de la GRC, car cette analyste exerçait alors légalement les pouvoirs du ministre.

La Cour a ainsi conclu que la GRC avait correctement appliqué les exceptions prévues au sous‑alinéa 16(1)a)(ii).

La GRC a-t-elle raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer des documents?

La Cour a noté, entre autres, que la majorité des documents n’avaient pas été communiqués à Mme Schoendorfer parce qu’elle n’avait pas pris part à l’incident faisant l’objet de la demande de communication. De plus, selon le dossier, l’analyse avait conclu que les exigences de communication de renseignements pour des motifs de compassion n’étaient pas respectées, d’une part en raison de l’impossibilité de savoir clairement quel genre de relation Mme Schoendorfer entretenait avec son fils, puisque le dossier comprenait des renseignements qui auraient pu être utilisés de façon malveillante ou dans une poursuite judiciaire contre un tiers, et d’autre part aux fins de protection de la vie privée de son fils durant les 20 ans suivant son décès.

Après avoir examiné les documents non caviardés et non expurgés, la Cour était convaincue que les caviardages et expurgations s’appuyaient sur les exceptions prévues par la loi, et que l’analyste avait appliqué de façon raisonnable son pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer des documents et des parties de documents selon la preuve versée au dossier.

Dans ses observations finales, la Cour a fait remarquer que le rapport du Commissariat indiquait que l’enquête sur la plainte de Mme Schoendorfer, et d’autres enquêtes menées dernièrement sur des affaires accompagnées de circonstances semblables, avaient fait ressortir ce que le Commissariat considérait comme des lacunes dans l’interaction entre la LPRP et la LAI. Elle a aussi mentionné que la commissaire à l’information recommandait de modifier l’article 26 de la LPRP et l’article 19 de la LAI, de façon à accorder le pouvoir discrétionnaire de communiquer des renseignements personnels sur une personne décédée à son conjoint ou à un proche parent pour des motifs de compassion.

4. Constantinescu c. Canada (Service correctionnel)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 229

Lien : Constantinescu c. Canada (Service correctionnel)

Date de la décision : 16 mars 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéa 10(1)a) et article 41

  • Alinéa 10(1)a) – Refus de communication, le document n’existe pas
  • Article 41 - Révision par la Cour fédérale
Points opérationnels à retenir
  • Un refus de communiquer au motif que le document demandé n’existe pas est considéré comme un refus lorsqu’il est fait en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la LAI et communiqué en vertu de l’alinéa 7a) de la LAI. Dans de tels cas, la Cour a compétence pour entendre la demande de révision en vertu de l’article 41 de la LAI.
  • Il n’y a pas de refus lorsque, suite à la communication de documents en réponse à une demande d’accès, l’institution fédérale déclare qu’il n’existe plus de documents. Dans ce cas, la Cour n’a pas compétence en vertu de l’article 41 de la LAI à moins qu’il n’y ait une preuve, au‑delà du simple soupçon, que les documents existent et ont été retenus.
  • Le demandeur doit démontrer que l’affirmation selon laquelle « les documents demandés n’existent pas » est en fait un prétexte pour refuser la divulgation.
  • Lorsque le responsable d’une institution déclare qu’il n’existe pas de documents, il peut se voir ordonner de déposer des documents accessoires pertinents à l’existence des documents demandés pour aider le Cour à exercer sa fonction de contrôle indépendant du refus de communication du pouvoir exécutif.
  • Une simple soupçon ou conviction de la part du demandeur quant à la possibilité que de tels documents existent n’est généralement pas suffisante.
Résumé

Il n’est pas question de refus lorsqu’à la suite d’une communication de documents en réponse à une demande d’accès, l’institution fédérale indique qu’il n’existe pas d’autres documents. Dans ce cas, la Cour n’est pas compétente en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), à moins qu’il n’existe des éléments de preuve, au‑delà d’un simple soupçon, que les documents existent et qu’ils ont été retenus.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable?
  • Y a‑t‑il des éléments de preuve, au‑delà de simples soupçons, dont il ressort que les renseignements visés par la demande d’accès existent et sont en possession du Service correctionnel du Canada (SCC)?
Faits

Mme Constantinescu s’est plainte au Service correctionnel du Canada (SCC) que, pendant le programme de formation correctionnelle qu’elle suivait, un autre participant (le « fautif présumé ») aurait eu envers elle un comportement inapproprié de nature sexuelle et d’intimidation. Au terme d’une enquête disciplinaire interne, il a été conclu que la preuve était insuffisante pour appuyer ces allégations. La plainte a donc été rejetée. De même, il a été recommandé que soit rejetée la plainte ultérieure de Mme Constantinescu à la Commission canadienne des droits de la personne. Cette plainte a néanmoins été renvoyée au Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP). Pendant l’instruction de l’affaire au TCDP, Mme Constantinescu s’est fait remettre une copie d’une Déclaration non datée du fautif présumé.

En vertu de l’article 4 de la LAI, Mme Constantinescu a demandé au SCC de lui donner accès aux documents comportant des renseignements sur les circonstances dans lesquelles la Déclaration du fautif présumé avait été faite. Après avoir cherché les renseignements demandés, la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (Division de l’AIPRP) du SCC l’a informée qu’elle ne possédait aucun document relatif à sa demande d’accès.

Mme Constantinescu s’est plainte au Commissariat à l’information que la recherche effectuée par la Division de l’AIPRP du SCC avait été incomplète. Dans son rapport fondé sur le paragraphe 37(2) de la LAI, la commissaire à l’information a conclu que la Division de l’AIPRP du SCC avait effectué une recherche raisonnable.

Mme Constantinescu a ensuite demandé un contrôle judiciaire quant au refus du SCC de communiquer les documents réclamés. Dans la période qui a précédé l’instruction de cette demande, les procureurs du SCC l’ont informée du décès du fautif présumé.

Décision

La demande a été rejetée sans dépens.

Motifs
Quelle est la norme de contrôle applicable?

Puisque le litige tenait à un refus de communication fondé sur l’inexistence de documents, la Cour a conclu que même si la norme de contrôle est particulièrement bien reflétée dans la norme de la décision correcte, à proprement parler, aucune norme de contrôle n’est appliquée. Ainsi, la Cour doit simplement rechercher si les documents existent ou non.

Y a‑t‑il des éléments de preuve, au‑delà de simples soupçons, dont il ressort que les renseignements visés par la demande d’accès existent et sont en la possession du SCC?

Un refus de communiquer des documents en vertu de l’alinéa 10(1)a) de la LAI en réponse à une demande d’accès accompagné de l’avis prévu à l’alinéa 7a) mentionnant que le document n’existe pas constitue bel et bien un refus de communiquer et la Cour a compétence pour entendre le recours en révision en vertu de l’article 41. Cependant, il n’est pas question de refus lorsqu’à la suite d’une communication de documents en réponse à une demande d’accès l’institution fédérale indique qu’il n’existe pas d’autres documents. Dans ce dernier cas, la Cour n’est pas compétente en vertu de l’article 41 de la LAI, à moins qu’il n’existe des éléments de preuve, au‑delà d’un simple soupçon, que les documents existent et qu’ils ont été retenus.

Cela dit, Mme Constantinescu doit tout de même démontrer que l’allégation d’inexistence des documents demandés n’est en fait qu’un prétexte pour refuser la communication des documents. Si elle ne se décharge pas de son fardeau de preuve à cet égard, la demande de révision doit être rejetée. Pour que la Cour puisse examiner une décision de refus fondée sur la prétendue inexistence de documents, il doit y avoir production de preuves par des moyens admissibles, notamment des documents accessoires. Le juge peut alors être en mesure de conclure que les documents recherchés existent et qu’ils sont retenus. Un simple soupçon ou une simple conviction sans preuve de la part de Mme Constantinescu quant à la possibilité de l’existence de ces documents ne suffit généralement pas, car de tels soupçons et convictions doivent pouvoir résister à un examen minutieux, et un argument convaincant est nécessaire.

Sans preuve satisfaisante, et sans aucune explication de la part du SCC, la Cour a conclu que les soupçons de Mme Constantinescu portant que les documents auxquels elle demandait l’accès existaient bel et bien et qu’ils ont peut-être échappé à l’attention du SCC lors de sa recherche résistent clairement à un examen minutieux. La question est alors devenue celle de savoir de quelle manière la Cour devait exercer sa fonction de Cour de révision, lorsque tous les documents accessoires étaient entre les mains du SCC, et que sa dénégation quant à l’existence du document, sans autre explication, défiait la logique.

Pour résoudre la question, la Cour a reporté l’audience et a émis une directive pour que le SCC signifie à Mme Constantinescu un affidavit de documents ainsi que les documents recensés dans la partie 1 de celui-ci, contenant tous les documents accessoires pertinents quant à l’existence des documents demandés par Mme Constantinescu, y compris les documents se référant à la Déclaration du fautif présumé. Une copie de l’affidavit du document ainsi que les documents énumérés dans la partie 1 devait être envoyée par courrier électronique au greffe de la Cour, sans être déposée ou versée au dossier de la Cour, afin d’en préserver la confidentialité.

La Cour a jugé que la manière la plus efficace de procéder en l’espèce consistait à émettre une directive exigeant que le SCC signifie un affidavit de documents à Mme Constantinescu. Bien qu’une telle procédure soit normalement réservée aux actions aux termes de la partie 4 des Règles des Cours fédérales (RCF), plutôt qu’aux demandes relevant de la partie 5, la Cour ne voyait pas pourquoi elle ne pourrait pas s’inspirer d’une procédure normalement prévue dans une partie des RCF pour appliquer les principes de l’article 3 des RCF à une autre partie de ces mêmes règles. Ultimement, la Cour a le pouvoir inhérent d’appliquer les RCF de façon à permettre d’apporter une solution au différend qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

Le SCC a déposé à la Cour l’affidavit demandé; il s’y était d’abord opposé, mais la Cour avait rejeté son objection. En examinant les documents, la Cour a conclu que la Déclaration était conservée au Collège du personnel dans le dossier matériel d’enquête disciplinaire du fautif présumé, au sein d’une pochette identifiée comme « Documents déposés par [le fautif présumé] ». Cette pochette contenait deux documents : la Déclaration du fautif présumé et un avis juridique à l’attention de celui-ci rédigé par l’avocat externe qu’il avait engagé dans le cadre de l’enquête concernant son comportement à l’égard de Mme Constantinescu. Cela a permis de comprendre pourquoi le SCC n’avait aucun document répondant à la demande d’accès de Mme Constantinescu, et comment la Déclaration du fautif présumé, incluse dans le dossier matériel de l’enquête disciplinaire, s’était retrouvée en la possession du SCC.

Le Rapport d’enquête a confirmé que le fautif présumé était arrivé à son audience avec ses notes personnelles ainsi que d’autres documents, dont une lettre de son avocat. Le SCC a fait la preuve devant la Cour que la Déclaration constituait en fait le même document que ses « notes personnelles » mentionnées dans le Rapport d’enquête. Avec cette clarification, la Cour a pu mieux comprendre pourquoi le SCC avait pu raisonnablement affirmer n’avoir en sa possession aucun document répondant à la demande d’accès en l’espèce.

En fin de compte, il a été décidé d’écarter l’argument logique de Mme Constantinescu vu l’absence de preuve au soutien de ses prétentions. Aux yeux de la Cour, il n’existait pas d’éléments de preuve, au‑delà de simples soupçons, desquels il ressortirait que les renseignements visés par la demande d’accès existeraient et seraient en possession du SCC. Par conséquent, la demande de révision a été rejetée.

5. Suncor Énergie Inc. c. Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 138

Lien : Suncor Énergie Inc. c. Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers

Date de la décision : 1er mars 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Paragraphe 19(1) et alinéas 20(1)b) et 20(1)d)

  • Paragraphe 19(1) - Renseignements personnels
  • Alinéa 20 (1)b) - Renseignements de tiers, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 20 (1)d) - Renseignements de tiers, renseignements dont la divulgation risquerait d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins
Points opérationnels à retenir
  • Les noms et les coordonnées des employés d’une société constituent des renseignements personnels. Toutefois, si les renseignements personnels sont accessibles au public (par exemple, par l’intermédiaire de LinkedIn), l’institution fédérale peut exercer son pouvoir discrétionnaire de communiquer ces renseignements en vertu du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI).
  • L’exercice du pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 19(2), peut être examiné par les tribunaux, selon la norme de la décision raisonnable.
  • La Cour a conclu qu’une personne de Suncor correspondant avec l’Office dans le cadre de son emploi était transactionnelle et ne révélait pas de renseignements personnels. Le fait que Suncor qualifie ce fait de « participation individuelle » ne change pas la nature des renseignements, n’en fait pas des renseignements personnels et ne change pas les faits concernant l’accès du public.
  • Rien ne prouve que la communication de ces renseignements risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations en lien avec un litige. En tout état de cause, la Cour a déterminé que les termes « litige » et « négociations » ne sont pas synonymes.
Résumé

La Cour a jugé que les noms et les coordonnées de certains employés de Suncor Énergie Inc. (Suncor), que l’Office Canada‑Terre‑Neuve‑et‑Labrador des hydrocarbures extracôtiers (Office) se proposait de divulguer, sont des « renseignements personnels » visés par le paragraphe 19(1) de la (LAI). Toutefois, l’Office a raisonnablement conclu que le public avait accès à ces renseignements au sens de l’alinéa 19(2)b) de la LAI, c’est-à-dire par l’entremise de LinkedkIn, et l’Office a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire de divulguer ces renseignements. La Cour a également statué que Suncor ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de démontrer qu’elle avait droit aux avantages prévus aux des alinéas 20(1)b) et 20(1)d) de la LAI.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle applicable à une demande présentée en vertu de l’article 44 de la LAI?
  • Les noms et coordonnées de certains employés de Suncor sont-ils exemptés en tant que renseignements personnels en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI?
  • Les renseignements de levés géographiques et les renseignements géographiques liés aux activités d’exploration de Suncor sont-ils visés par les exceptions prévues aux alinéas 20(1)b) ou 20(1)d) de la LAI?
Faits

Conformément à l’article 44 de la LAI, Suncor a demandé la révision de deux décisions rendues par l’Office en vertu de la LAI. Le 16 septembre 2016, l’Office a reçu la première des deux demandes d’accès à l’information qui font l’objet de la présente décision. Dans le cas de la première demande d’accès, l’Office a avisé Suncor, par lettre, de la demande et a joint des copies des documents qu’il a désignés comme répondant à la demande. Les documents comprenaient huit lettres, datées du 26 avril 1985 au 22 mars 1989, échangées entre Suncor et l’Office concernant la reproduction de certains levés géophysiques et la présentation de levés géophysiques par Suncor. Les lettres comprenaient également les noms et les coordonnées des employés de Suncor. Suncor a répondu et a contesté la communication des documents, dans leur ensemble, au titre de l’alinéa 20(1)d) de la LAI. Elle a également contesté la communication de certaines parties du document au titre du paragraphe 19(1) et de l’alinéa 20(1)b) de la LAI.

Plus précisément, Suncor a allégué que, compte tenu de la nature de la demande, elle avait probablement été présentée par Geophysical Services Inc., avec qui Suncor était en négociation dans le cadre d’un litige en cours. Par conséquent, Suncor était en négociation et a fait valoir à l’Office que la communication des documents entraverait ces négociations et que les renseignements étaient soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)d) de la LAI. Suncor a également affirmé que certains renseignements étaient des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qu’elle a traité de façon confidentielle et a réclamé qu’ils soient soustraits à la communication au titre de l’alinéa 20(1)b) de la LAI. Suncor a également fait valoir que les noms et les coordonnées de ses employés étaient des renseignements personnels et qu’ils devaient être caviardés au titre du paragraphe 19(1) de la LAI.

Le 2 août 2016, l’Office a reçu une autre demande d’accès à l’information et en a avisé Suncor. L’Office a donné à Suncor la possibilité de répondre aux documents joints qu’il avait décrits comme étant pertinents à la demande et qu’il se proposait de communiquer. Comme pour la première demande, Suncor a contesté la divulgation de certains renseignements au titre du paragraphe 19(1) et des alinéas 20(1)b) et d) de la LAI. Après de multiples échanges de correspondances entre les deux parties, l’Office a avisé Suncor qu’il avait l’intention de procéder à la communication pour les deux demandes d’accès, à moins qu’une demande de révision ne soit déposée à la Cour.

Décision

Les demandes de contrôle judiciaire ont été rejetées avec dépens en faveur de Suncor. Il n’y a pas eu d’erreur susceptible de révision dans la façon dont l’Office a traité les deux demandes d’accès à l’information.

Motifs
Norme de contrôle

La Cour s’est d’abord penchée sur la norme de contrôle applicable. La Cour a noté que l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 « montre que la norme de la décision raisonnable s’applique, par présomption, aux décideurs administratifs ». Toutefois, dans une demande de révision présentée en vertu de l’article 44 de la LAI, le législateur a prévu, à l’article 44.1, qu’une révision sera effectuée de novo. Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême a établi une distinction entre un examen de novo et un contrôle selon la norme de la décision raisonnable : dans le cadre d’un examen de novo, la Cour « se met à la place » du décideur initial et tranche l’affaire par elle-même. Il ne s’agit pas nécessairement de déterminer si le décideur initial avait raison ou pas.

Selon la Cour, l’arrêt Vavilov dit aux cours de révision d’appliquer la norme de la décision raisonnable, sauf dans certaines circonstances limitées, par exemple lorsque les dispositions législatives applicables indiquent l’application d’une norme de contrôle différente, qu’il s’agisse d’une révision selon la norme de la décision correcte ou d’un examen de novo. Dans les circonstances de l’espèce, les demandes en cause sont présentées en vertu de l’article 44 de la LAI. L’article 44.1 de la LAI prévoit clairement que, dans un tel cas, la révision doit se faire sur une base de novo. La Cour a également convenu avec les parties que l’exercice du pouvoir discrétionnaire, conformément au paragraphe 19(2) de la LAI, est sujet à révision selon la norme de la décision raisonnable.

Exception des renseignements personnels prévue au paragraphe 19(1) de la LAI

Devant la Cour, Suncor a soutenu que les noms et les coordonnées de ses employés étaient des renseignements personnels qui ne peuvent pas être communiqués en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI. Suncor a soutenu que le contexte de leur correspondance avec l’Office ou leur « participation individuelle » à cette correspondance constituait des renseignements personnels qui sont soustraits à la communication en vertu du paragraphe 19(1) de la LAI. S’appuyant sur l’arrêt Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) 2005 CF 1633, Suncor a soutenu que la participation d’employés du secteur privé à la correspondance avec le gouvernement, en l’espèce l’Office, constitue des « renseignements personnels » qui sont soustraits à la communication. Suncor a également fait valoir qu’il n’y a aucune preuve que la « participation individuelle » des employés constituait des renseignements auxquels le public avait accès. Suncor a prétendu que les recherches sur Internet effectuées par l’Office montrent des noms et un lien avec Suncor, mais pas leur lien avec les documents ni leur « participation individuelle » avec l’Office.

La Cour a jugé que les renseignements en question, à savoir les noms et les titres des postes des employés, étaient clairement des « renseignements personnels », car ils correspondent à la définition fournie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il s’ensuit donc, la véritable question à trancher était de savoir si ces renseignements devaient être communiqués, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 19(2) de la LAI.

Suncor a fait référence à la décision rendue dans l’affaire Janssen-Ortho, dans laquelle la Cour fédérale a conclu que la communication des noms des employés révélerait également des renseignements à leur sujet qui n’étaient pas du domaine public, y compris leur participation à des réunions, la rédaction de lettres et la paternité d’études sur l’élimination d’un produit médicamenteux du marché. Suncor a fait valoir que ces conclusions s’appliquent également à la communication de renseignements concernant la correspondance entre ses employés et l’Office. L’Office a fait valoir que la décision rendue dans Janssen-Ortho peut être distinguée et que les faits de la présente affaire présentent une analogie avec ceux de l’arrêt Canada (Commissaire à l’information) c. Bureau canadien d’enquêtes sur les accidents de transports et de la sécurité des transports, 2006 CAF 157 (aussi appelée « Nav Canada »). Dans Nav Canada, la Cour d’appel fédérale a conclu que les communications du Bureau de la sécurité des transports du Canada ne constituaient pas des renseignements personnels, parce que les documents étaient de nature professionnelle et que, même s’ils pouvaient mener à l’identification d’une personne, les documents ne contenaient pas de renseignements sur une personne.

La Cour s’est également penchée sur l’affaire Husky Oil Operations Limited c. Office Canada Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (2018), 2018 CAF 10 (Husky), où la Cour d’appel s’est penchée sur la contradiction apparente entre Janssen-Ortho et Nav Canada et a conclu que les différents résultats étaient attribuables à la nature différente des renseignements en question. La Cour d’appel fédérale a fait remarquer que dans Nav Canada, les documents étaient « purement de nature transactionnelle et informationnelle », tandis que les documents dans Janssen-Ortho révélaient des détails « intimes », plus précis, sur le travail et les opinions des employés. Dans l’arrêt Husky, les documents comprenaient une demande de renseignements géophysiques présentée par la demanderesse et ne révélaient rien au sujet des employés nommés « hormis le fait que les demandes ont été présentées dans le cadre de leur emploi ». La Cour d’appel fédérale a donné une « interprétation téléologique du concept de “renseignements personnels” » et a conclu que les noms et les titres des employés de Husky contenus dans les documents demandés ne constituaient pas des renseignements personnels, car « les documents dans lesquels figurent les noms des employés ne révéleraient rien qui est intimement lié à leur vie privée et qu’ils auraient pu raisonnablement s’attendre à conserver pour eux‑mêmes ».

Les faits dans Husky étaient semblables à ceux dans Suncor Energy Inc. c. Office Canada Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers (2018), 2018 CAF 11. Dans cette affaire, la Cour d’appel a conclu que les « les noms et les titres des employés de Suncor, ainsi que les renseignements révélant le rôle joué par ceux-ci dans l’obtention par Suncor de certaines données géophysiques auprès de l’Office », n’étaient pas visés par la définition de « renseignements personnels ». La Cour d’appel fédérale a également conclu qu’il était raisonnable pour l’Office de communiquer des noms conformément à l’alinéa 19(2)b) de la LAI dans cette affaire, car les noms et les titres des employés étaient accessibles au public sur LinkedIn. La Cour d’appel fédérale a déclaré que la demanderesse avait le fardeau de démontrer que les documents divulguaient davantage de renseignements sur les employés que ce à quoi le public avait accès sur Internet.

Compte tenu de la jurisprudence pertinente, la Cour a conclu, dans la présente affaire, que le fait qu’une personne ait correspondu avec l’Office dans le cadre de son emploi était de nature transactionnelle et ne révélait pas de renseignements personnels. Les parties conviennent que les noms et les coordonnées des employés sont des renseignements personnels. Tous les employés de Suncor en question ont des profils LinkedIn publics qui montrent leur nom et leur lien avec Suncor. Suncor reconnaît que le public a accès à ces renseignements. Par conséquent, la Cour a jugé que l’Office a raisonnablement exercé son pouvoir discrétionnaire en concluant que les renseignements contenus dans les documents, avec les noms des employés, sont accessibles au public et ne sont pas soustraits à la communication.

Exceptions prévues aux alinéas 20(1)b) ou 20(1)d) de la LAI

La deuxième question était de savoir si certains des renseignements pouvaient faire l’objet d’une exception en vertu de l’alinéa 20(1)b) de la LAI. Suncor a également fait valoir que les renseignements de levés et les renseignements géographiques liés à ses activités d’exploration devraient être visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la LAI. La Cour a noté qu’une preuve doit être fournie pour s’acquitter du fardeau imposé par l’alinéa 20(1)b) de la LAI. En l’espèce, la preuve présentée par Suncor est insuffisante. Selon la Cour, bien que Suncor ait affirmé dans ses arguments écrits et verbaux que les renseignements sont confidentiels, la preuve qu’elle donne n’appuie pas ces affirmations. De plus, en ce qui concerne les renseignements que Suncor tentait de protéger dans la première demande d’accès à l’information, la preuve a démontré que le public avait déjà accès aux renseignements que Suncor entendait communiquer, y compris, des renseignements sur les levés et les données géophysiques.

Enfin, la Cour s’est penchée sur l’argument de Suncor concernant l’alinéa 20(1)d) de la LAI. La Cour a examiné la décision rendue dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre des Affaires extérieures), 35 (1re inst.) 177 (CF), selon laquelle une exception au titre de cette disposition exige la preuve que la communication des renseignements en question risquerait vraisemblablement d’entraver les négociations. En l’espèce, Suncor n’a pas produit de preuve à l’appui de son recours à l’alinéa 20(1)d) de la LAI. Dans l’affidavit déposé par Suncor, son employé a déclaré que Suncor était actuellement engagée dans un litige avec Geophysical Services Incorporated. Toutefois, rien ne prouvait que la divulgation de ces renseignements risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations en lien avec ce litige. La Cour a estimé que, de toute façon, les termes, les termes « litige » et « négociations » ne sont pas de synonymes.

6. Beniey c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 164

Lien : Beniey c. Canada (Sécurité publique et Protection civile)

Date de la décision : 19 février 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Paragraphes 19(1) et article 25

  • Paragraphe 19(1) - Renseignements personnels, exception
  • Article 25 – Prélèvements

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Alinéa 3j)

  • Alinéa 3j) ­– Définition – Renseignements personnels
Points opérationnels à retenir
  • Les renseignements contenus dans une bande vidéo concernant des employés du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions au travail ne sont pas, aux fins d’application de l’article 19 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), des renseignements personnels auxquels l’accès doit être refusé.
  • L’exception à l’alinéa 3j) de la définition de « renseignements personnels » prévue dans la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) s’applique à ce type d’information.
  • La liste d’exemples de l’alinéa 3j) de la LPRP sous la définition de « renseignements personnels » n’est pas exhaustive.
  • Le visage d’employés sur des bandes vidéo vont normalement constituer un renseignement concernant « un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions » qui doit être divulgué en réponse à une demande d’accès à l’information.
Résumé

Bien que l’image des employés de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’Agence) contenait des renseignements personnels au sens de la disposition liminaire de l’article 3 de la LPRP, ces renseignements sont couverts par l’exception prévue au paragraphe j) du même article.

Par conséquent, le visage des employés de l’Agence sur les bandes vidéo constituait un renseignement concernant « un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions » qui devait être divulgué en réponse à la demande d’accès à l’information.

Questions en litige
  • Est-ce que l’Agence a erré dans son interprétation du paragraphe 19(1) de la LAI?
  • Sinon, est-ce que l’Agence pouvait néanmoins transmettre les bandes vidéo convoitées en application de l’article 25 de la LAI?
Faits

M. Beniey est un ancien employé de l’Agence. Le 3 juillet 2017, il était affecté à la section Voyageur du pont de Queenston à Niagara-on-the-lake, sur un quart de travail qui devait se terminer à minuit. Une altercation avec l’un de ses supérieurs est survenue lorsqu’on lui a demandé de demeurer à son poste de travail jusqu’à l’arrivée de la relève, ce qu’il anticipait être au‑delà de la fin de son quart de travail. Le même jour, l’Agence a amorcé une enquête sur le comportement de M. Beniey.

Le 29 juillet 2017, M. Beniey a soumis une demande d’accès à l’information en vertu de la LAI pour les bandes vidéo captées dans son lieu de travail au cours de la soirée.

L’Agence a d’abord donné suite à cette demande en communiquant une partie de l’information demandée. Elle a fondé son refus de communiquer le reste des bandes vidéo demandés sur le paragraphe 19(1) de la LAI, au motif qu’elles contenaient des renseignements personnels.

M. Beniey a déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information du Canada (le Commissaire), alléguant n’avoir reçu qu’une partie des enregistrements vidéo demandés, lesquels étaient, de surcroit, altérés.

Le 14 décembre 2018, le Commissaire a communiqué les résultats de son enquête. On peut y lire que selon la politique de conservation des enregistrements vidéo de sécurité de l’Agence, le cycle de conservation est de 30 jours et que partant, certaines des bandes vidéo demandées avaient été détruites. Celles qui ne l’ont pas été ont été conservées par l’Agence dans le cadre de son enquête sur le comportement de M. Beniey.

Le Commissaire a demandé à l’Agence de communiquer à nouveau un certain nombre de bandes vidéo qui étaient en mode « accéléré » pour qu’elles soient plus facile de visionnement, ce à quoi l’Agence s’est conformée.

Toutefois, le Commissaire a confirmé la position de l’Agence à l’effet que seules les bandes vidéo sur lesquelles le demandeur apparaissait pouvaient lui être remises puisque « [l]’utilisation des caméras vidéo dans un milieu de travail est régie par un cadre clair concernant le droit à la vie privée ». Il a donc rejeté la plainte de M. Beniey.

Le recours de M. Beniey ne vise donc que ce qu’on a refusé de lui communiquer; il est fondé sur le paragraphe 41(1) de la LAI.

Décision

La Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire de M. Beniey et a ordonné à l’Agence de lui remettre les bandes vidéo des images captées à la section Voyageur du pont de Queenston à Niagara-on-the-lake tel qu’ordonné. Les dépens ont été accordés à M. Beniey.

Motifs
Est-ce que l’Agence a erré dans son interprétation du paragraphe 19(1) de la LAI?

Selon la Cour, bien que l’image des employés de l’Agence contenait des renseignements personnels au sens de la disposition liminaire de l’article 3 de la LPRP ces renseignements étaient visés par l’exception prévue au paragraphe j) du même article. En effet, selon la Cour, le visage des employés de l’Agence sur les bandes vidéo constituait un renseignement concernant « un cadre ou employé, actuel ou ancien, d’une institution fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions » qui devait être divulgué en réponse à la demande d’accès à l’information.

Dans son analyse, la Cour a examiné la décision dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des finances) [1997] 2 RCS 403. Dans Dagg, la Cour suprême aurait « presque [fait] une adéquation entre la présence sur les lieux du travail et l’exercice de ses fonctions par l’employé fédéral ». Sur le fondement de cette interprétation de cet arrêt, la Cour a donc conclu qu’il était difficile d’imaginer comment l’image d’un agent des services frontaliers, captée alors qu’il est en uniforme et en fonction pour son employeur, pourrait être exclue de la portée de l’alinéa 3j) de la LPRP.

En se référant à la décision Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, la Cour est aussi d’avis que l’Agence a erré en limitant la portée générale de la disposition liminaire de l’alinéa 3j), en utilisant un des exemples non exhaustifs de renseignements personnels que l’on retrouve aux alinéas 3a) à 3i) de la LPRP.

La Cour conclut donc, en se référant aux textes des lois à l’étude et en considérant leur objectif respectif, que les bandes vidéo auxquelles M. Beniey demande d’avoir accès ne sont pas visées par le paragraphe 19(1) de la LAI et qu’elles doivent lui être communiquées.

Sinon, est-ce que l’Agence pouvait néanmoins transmettre les bandes vidéo convoitées en application de l’article 25 de la LAI?

La Cour a conclu que l’Agence avait erré dans son interprétation de l’alinéa 3j) de la LPRP et, par conséquent, de l’article 19 de la LAI. Le débat entourant l’application de l’article 25 de la LAI était à toutes fins utiles sans objet. Les visages des employés de l’Agence n’ont pas à être caviardés alors que ceux des membres du public apparaissant dans les vidéos remises à M. Beniey avaient déjà été recouverts de boîtes noires. La Cour a déterminé qu’il était possible pour l’Agence de faire de même avec d’autres enregistrements vidéo qui seraient remis à M. Beniey.

7. Samsung Electronics Canada Inc. c. Canada (Santé)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1103

Lien : Samsung Electronics Canada Inc. c. Canada (Santé)

Date de la décision : 29 janvier 2021 (Jugement et motifs confidentiels émis le 30 novembre 2020)

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Alinéas 20(1)b) et 20(1)c)

  • Alinéa 20(1)b) - Renseignements de tiers, renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques
  • Alinéa 20(1)c) - Renseignements de tiers, divulgation risquerait de causer des pertes ou profits financiers à un tiers
Points opérationnels à retenir
  • Sauf lorsque l’information est intrinsèquement commerciale, le contexte dans lequel elle est fournie est un facteur d’interprétation essentiel pour déterminer si elle peut être qualifiée de commerciale. Les rappels ne font pas partie de la conduite normale des affaires d’une entreprise commerciale.
  • Les renseignements fournis simplement parallèlement à l’existence d’une entreprise commerciale peuvent ne pas être visés par l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI).
  • Ce n’est pas parce que des renseignements sont traités comme confidentiels au sein de l’entreprise qu’ils seront considérés comme confidentiels aux fins de l’alinéa 20(1)b) de la LAI.
  • Les rappels concernent la sécurité des consommateurs et du public. Il n’est pas objectivement raisonnable pour un tiers de s’attendre à la confidentialité des parties des documents qui n’ont été créés que pour remplir une obligation en vertu de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation (LCSPC).
  • Aux fins de l’application de l’alinéa 20(1)c) de la LAI, il incombe aux tiers de fournir des éléments de preuve objectifs ou qui corroborent le préjudice résultant de la communication, au‑delà d’une simple possibilité.
  • Les observations faites par une institution à la suite d’une décision concernant la communication de documents peuvent avoir une incidence sur la validité de la décision et, par conséquent, sur le début de la période de 20 jours pendant laquelle les tiers peuvent demander une révision judiciaire de la décision.
Résumé

Samsung Electronics Canada Inc. (Samsung) a correctement introduit la demande en révision judiciaire de la décision rendue en août par la ministre de la Santé (Santé Canada). La Cour a conclu que Santé Canada n’avait rendu qu’une seule décision finale en vertu de l’article 28 de la LAI, soit celle du mois d’août. Sinon, Samsung pourrait invoquer la doctrine de la préclusion promissoire dans ce contexte pour empêcher Santé Canada d’annuler ce que la Cour a maintenant jugé être une décision finale prise en bonne et due forme.

Samsung n’a pas réussi à établir que les documents en cause devraient être exemptés de la communication en vertu de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, parce que les renseignements n’étaient pas de nature « technique » ou « commerciale », et que Samsung ne devait pas s’attendre à ce qu’ils soient confidentiels.

Samsung n’a pas réussi à établir que les documents en cause auraient dû être exemptés de la communication en vertu de l’alinéa 20(1)c) de la LAI, car la preuve n’a pas suffi à démontrer que le risque raisonnable de préjudice dépassait une simple possibilité ou conjecture.

Questions en litige
  1. Questions préliminaires :

    • Une institution fédérale peut-elle rendre plusieurs décisions en vertu de l’article 28 de la LAI?
    • La doctrine de la préclusion promissoire est-elle applicable?
  2. Questions de fond :

    • Quelles sont les normes de contrôle?
    • Les documents sont-ils soustraits à la communication aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI?
    • Les documents sont-ils soustraits à la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI?
Faits

En 2016, Samsung a pris connaissance de plusieurs incidents mettant en cause ses laveuses, au cours desquels les couvercles supérieurs de certaines laveuses se sont détachés pendant l’utilisation, causant des dommages aux biens, mais pas de blessure ou de décès. Samsung a communiqué des renseignements concernant ces incidents à Santé Canada, conformément à ses obligations aux termes de la LCSPC. Samsung a lancé un rappel des machines à laver concernées, et l’avis de rappel a été publié sur les sites Web respectifs de Samsung et de Santé Canada.

En janvier 2018, Santé Canada a reçu une demande d’accès à l’information pour la communication des documents liés au rappel. La demande visait à obtenir une copie du dossier complet de Santé Canada concernant le rappel des laveuses Samsung, y compris l’ensemble de la correspondance échangée entre Samsung et Santé Canada, ainsi que le nombre total de laveuses vendues pour chacun des modèles visés dans l’avis de rappel.

Par lettre datée du 20 avril 2018, Santé Canada a notifié Samsung des documents identifiés comme répondant à la demande d’accès conformément au paragraphe 27(1) de la LAI – Avis au tiers. Santé Canada a fourni à Samsung un ensemble de documents destinés à être communiqués. Ces documents contenaient à la fois des renseignements accessibles au public par le biais des avis de rappel et des renseignements que Samsung avait fournis à Santé Canada en vertu de la LCSPC. Samsung a répondu à l’avis de Santé Canada aux termes de l’article 27 de la LAI et a expliqué pourquoi elle estimait que certains documents devaient être exemptés de communication en vertu de l’article 20 de la LAI, car Samsung a toujours traité une grande partie des documents devant être communiqués comme des renseignements commerciaux confidentiels, et n’avait fourni ces documents à Santé Canada qu’en sachant que les documents resteraient confidentiels et que leur divulgation porterait préjudice à sa position concurrentielle.

Le 9 juillet 2018, Santé Canada a avisé Samsung que, conformément à l’article 28 de la LAI, une lettre de décision avait été envoyée avec l’ensemble des caviardages proposés, et que si Samsung n’était pas d’accord avec la portée de la communication, son seul recours serait de demander un contrôle judiciaire à la Cour fédérale. Santé Canada a également indiqué être « prêt à entendre toute demande de caviardage supplémentaire précise et limitée [que Samsung] pourrait juger absolument nécessaire ». Après d’autres correspondances, Santé Canada a envoyé un courriel le 27 juillet 2018, informant Samsung qu’il « annulait officiellement » la décision de juillet.

Le 16 août 2018, Samsung a reçu le deuxième avis de Santé Canada en vertu de l’article 28 de la LAI, qui contenait un ensemble de documents plus restreint (la décision d’août). Le 5 septembre 2018, Samsung a déposé auprès de la Cour fédérale une demande de révision de la décision d’août.

Décision

La demande a été correctement introduite relativement à la décision d’août. Toutefois, la demande n’a pas satisfait aux critères requis en vue d’une exemption de la communication des documents contestés aux termes des alinéas 20(1)b) ou 20(1)c) de la LAI.

Raisons
  1. A. Questions préliminaires :

    Une institution fédérale peut-elle rendre plusieurs décisions en vertu de l’article 28 de la LAI?

    Santé Canada a affirmé avoir rendu deux décisions, l’une en juillet et l’autre en août, et que Samsung aurait dû contester la décision de juillet et non celle d’août. Santé Canada a fait valoir que la décision d’août avait été prise par erreur et qu’elle était nulle et sans effet, parce que le régime de la LAI accorde au responsable de l’institution le pouvoir de rendre une seule décision concernant une demande d’accès à l’information.

    La Cour n’a pas donné raison à Santé Canada en raison de quatre facteurs : « Santé Canada […] (i) a invité Samsung à fournir des représentations supplémentaires relativement à la divulgation après qu’il eut rendu la décision de juillet; (ii) a déclaré qu’il « annulait officiellement » la décision de juillet à la suite de ses discussions avec Samsung; (iii) a utilisé l’expression « décision définitive » par rapport à la décision d’août; et (iv) a réduit la portée du dossier de divulgation de manière cohérente tout au long des discussions avec Samsung jusqu’à ce que la société ait entrepris la présente demande, après quoi Santé Canada n’a pas pris d’autres décisions au sujet de la divulgation. » La Cour a conclu que la décision d’août était la seule décision légale prise aux termes de l’article 28 de la LAI.

    La doctrine de la préclusion promissoire est-elle applicable?

    La Cour a convenu avec Samsung que la doctrine de la préclusion promissoire pourrait s’appliquer dans les circonstances comme motif alternatif pour rejeter la position de Santé Canada selon laquelle seule la décision de juillet était valable. La Cour a jugé que Santé Canada ne pouvait pas revenir sur sa décision de juillet fondée sur une erreur, s’engager dans de nouvelles négociations sur la promesse d’une décision finale prospective, rendre cette décision finale, puis rétracter cette décision après le début du litige pour empêcher Samsung de la contester. La Cour a donné raison à Samsung qui invoquait la doctrine de la préclusion promissoire pour empêcher Santé Canada d’annuler une décision finale prise en bonne et due forme.

  2. B. Questions de fond :

    Quels sont les normes de contrôle?

    L’indication claire du législateur voulant qu’une norme différente doive être appliquée suffit pour réfuter la présomption de caractère raisonnable comme norme de contrôle par défaut à respecter dans les contrôles judiciaires (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65). En raison de l’article 44.1 de la LAI, qui prévoit que les contrôles judiciaires doivent être des contrôles de novo, la norme de contrôle appropriée dans les affaires relatives à la LAI est un contrôle de la décision correcte.

    Les documents sont-ils soustraits à la communication aux termes de l’alinéa 20(1)b) de la LAI?

    La Cour a décrit quatre critères pour l’applicabilité de l’alinéa 20(1)b) de la LAI : les renseignement doivent être (1) de nature financière, commerciale, scientifique ou technique; (2) confidentiels; (3) constamment traités comme étant confidentiels par le tiers; et (4) fournis à une institution fédérale par un tiers (Air Atonabee Ltd c. Canada (Ministre des Transports) (1989), 27 F.T.R. 194 à 19, [1989] A.C.F. nº 453 (QL) (FCTD); voir également Merck Frosst Canada Ltd c. Canada (Santé), 2012 CSC 3 au par. 133 [Merck] et Bombardier Inc. c. Canada (Procureur général), 2019 C.F. 207 au par. 43. Si les quatre critères sont remplis, alors le responsable d’une institution fédérale n’a aucun pouvoir discrétionnaire relativement à ses obligations de communication.

    La Cour a conclu que Samsung n’avait pas réussi à établir que les renseignements répondaient aux deux premiers critères de l’alinéa 20(1)b) : les renseignements n’étaient pas de nature « financière, commerciale, scientifique ou technique » et les renseignements n’étaient pas confidentiels.

    1. (a) Les renseignements étaient-ils de nature « financière, commerciale, scientifique ou technique »?

      En ce qui concerne le premier critère de l’alinéa 20(1)b), la Cour a noté que les termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » doivent être utilisés dans le « sens courant de ces termes » et qu’il n’est pas nécessaire que les renseignements contestés aient une valeur intrinsèque pour répondre à ce critère.

      En commençant par les « renseignements techniques », la Cour s’est appuyée sur des définitions courantes du mot « technique » dans les dictionnaires en ligne : « [une personne] ayant des connaissances ou des compétences dans un art, une science ou un autre domaine particulier; versée dans les techniques formelles et pratiques d’un domaine particulier »; des renseignements relatifs au « type de machines, de procédés et de matériaux utilisés dans l’industrie, les transports et les communications »; « à l’utilisation pratique des machines ou de la science dans l’industrie, la médecine, etc. » et « machines ou de la façon dont un type de travail particulier est effectué ». La Cour a également noté que tout ce qui se rapporte à un produit de consommation n’est pas nécessairement qualifié de technique. La Cour n’était pas convaincue que les documents en cause contenaient des renseignements « techniques », au sens où ce terme est communément défini.

      En ce qui concerne l’expression renseignements « commerciaux », la Cour a examiné la définition du terme « commercial » que l’on trouve dans trois dictionnaires en ligne, mais a ensuite rejeté ces définitions en faisant remarquer qu’elles étaient extrêmement larges, et qu’elles pouvaient englober presque tous les renseignements relatifs à une entreprise ou à une organisation, quel que soit son objet ou son contexte.

      La Cour a examiné diverses décisions qui ont considéré le terme « commercial » dans le contexte de la LAI. Tous les cas se sont appuyés sur des définitions plus étroites que celles citées dans les dictionnaires. Eu égard à la jurisprudence, la Cour a fait deux observations : (1) une définition trop étroite va à l’encontre du sens ordinaire envisagé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Merck, tandis qu’une interprétation trop large risquerait d’éroder l’objet de la LAI, qui est de faciliter l’exercice de la démocratie au moyen du droit d’accès en temps utile aux documents sous contrôle gouvernemental et de garantir que les exception à la communication restent limitées et spécifiques, et (2) les renseignements doivent être intrinsèquement commerciaux pour justifier une exemption de communication et les renseignements ne peuvent pas simplement être recueillis ou créés dans le cours des affaires.

      La Cour a conclu que les renseignements contenus dans les documents en question n’étaient pas le type de renseignements qui devraient être exemptés de communication, car ils n’étaient pas de nature commerciale. Les renseignements concernaient plutôt la sécurité publique et ont été soumis à Santé Canada dans le cadre de l’objet de la LCSPC de protéger le public.

      Aucune des parties n’a suggéré que les renseignements étaient de nature « scientifique » ou « financière ».

    2. (b) Les renseignements étaient-ils « confidentiels »?

      Pour le premier critère de confidentialité, c.-à-d. que les renseignements ne sont pas accessibles au public, Santé Canada a fait valoir que même si certaines parties des documents n’étaient pas accessibles au public, un membre du public pouvait néanmoins les obtenir par l’intermédiaire d’une observation indépendante ou en interrogeant des clients. Santé Canada a également fait valoir qu’il publie régulièrement des renseignements similaires concernant les rappels de produits. La Cour n’a pas été d’accord et a fait remarquer que les renseignements n’étaient pas à la disposition du public, car les documents n’avaient été ni publiés, ni communiqués.

      En ce qui concerne le deuxième critère, c.-à-d. l’attente raisonnable de confidentialité, la Cour a noté que le simple fait qu’un tiers traite des renseignements comme étant confidentiels ne change pas le devoir de Santé Canada de se conformer à ses propres obligations légales de recueillir et de communiquer des renseignements comme l’exige la loi. La Cour a noté que la LCSPC exigeait que Samsung collige et fournisse les documents à Santé Canada. Cette obligation légale n’a pas créé un droit ou une attente de confidentialité entre Samsung et Santé Canada. La Cour a résumé cette question en déclarant que, bien que Samsung ait pu subjectivement s’attendre à ce que les renseignements contenus dans les documents demeurent confidentiels, son attente à cet égard n’était pas objectivement raisonnable. La Cour a conclu que l’attente de Samsung en matière de confidentialité n’était pas raisonnable dans ce contexte réglementaire.

      Enfin, en ce qui concerne le troisième critère, c.-à-d. la confidentialité et l’intérêt public, la Cour a estimé que l’exemption de communication des documents liés à un rappel de produit saperait le fort intérêt public à obtenir accès à l’information.

Les documents sont-ils soustraits à la divulgation aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI?

Il existe deux circonstances dans lesquelles les documents sont exemptés de communication aux termes de l’alinéa 20(1)c) de la LAI, lorsque la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement : (i) de causer des pertes ou profits financiers appréciables, ou (ii) de nuire à la compétitivité d’un tiers. L’alinéa 20(1)c) de la LAI est une exception fondée sur le préjudice qui est axée sur l’aspect nuisible de la divulgation de renseignements. La Cour a noté que les deux principales considérations ici sont le degré de probabilité qu’un préjudice soit causé et le type de préjudice.

En examinant la preuve par affidavit présentée par Samsung à l’appui de son allégation en vertu de l’alinéa 20(1)c) de la LAI, la Cour a conclu qu’elle n’était pas suffisante en soi pour démontrer que la divulgation occasionnera un risque de préjudice au‑delà d’une simple possibilité ou conjecture. En outre, une grande partie des renseignements en cause avaient déjà été rendus publiques dans les avis de rappel affichés sur les sites Web de Santé Canada et de Samsung.

Par conséquent, Samsung n’a pas réussi à s’acquitter de son fardeau de démontrer une preuve au‑delà d’une simple possibilité de préjudice, comme l’exige l’alinéa 20(1)c) de la LAI.

8. Blank c. Canada (Justice)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 47

Lien : Blank c. Canada (Justice)

Date de la décision : 13 janvier 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’information : Article 4, paragraphe 9(1), article 41 et paragraphe 47(1)

  • Article 4 – Droit d’accès
  • Paragraphe 9(1) – Prorogation du délai
  • Article 41 – Révision par la Cour fédérale
  • Paragraphe 47(1) – Précautions à prendre par la Cour contre la divulgation, recours en révision
Points opérationnels à retenir
  • Dans une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 41 de la Loi sur l’accès à l’information (LAI), un demandeur ne peut se prévaloir des articles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale pour obtenir des documents du tribunal qui ont été retenus en vertu de la LAI.
  • Une demande fondée sur l’article 41 de la LAI se distingue de la demande de contrôle judiciaire au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. C’est l’article 41 de la LAI qui permet de présenter une demande de révision à la Cour, si l’accès à un document demandé est refusé.
  • La production d’un dossier certifié du tribunal (DCT) au titre de l’article 317 des Règles de la Cour fédérale ne peut être accordée dans le cadre d’une audience de révision fondée sur l’article 41 de la LAI. Au terme de cet article, le pouvoir de révision de la Cour est restreint à celui d’ordonner l’accès à un document précis lorsque cet accès a été refusé en contravention la loi.
Résumé

La norme de contrôle énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Housen) s’applique aux ordonnances discrétionnaires des protonotaires. Celles-ci ne devraient être infirmées que lorsqu’elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits. Cette norme s’applique aux questions de fait ou mixtes de fait et de droit ainsi qu’aux inférences factuelles.

La protonotaire n’a commis aucune erreur de fait ou de droit dans son analyse ni d’erreur manifeste et dominante, au regard des faits ayant une incidence sur l’issue de la requête en l’espèce. Il n’y a pas de contradiction entre les Règles de la Cour fédérale et la LAI. La production d’un DCT au titre de l’article 317 des Règles de la Cour fédérale ne peut être accordée dans le cadre d’une audience de révision fondée sur l’article 41 de la LAI.

Questions en litige
  • Quelle est la norme de contrôle régissant l’appel interjeté contre la décision d’un protonotaire?
  • La protonotaire a‑t‑elle commis une erreur de droit ou une erreur manifeste et dominante qui justifierait d’infirmer l’ordonnance?
Faits

M. Blank a interjeté appel d’une ordonnance rendue par une protonotaire siégeant à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

La protonotaire a rejeté la requête de M. Blank fondée sur les articles 317 et 318 des Règles des Cours fédérales, dans laquelle celui-ci avait sollicité une ordonnance enjoignant au ministre de la Justice et au Procureur général du Canada de lui envoyer une copie certifiée de tous les dossiers ayant été générés à l’issue de la collecte des documents et éléments matériels, menée entre le 1er mai 2003 et le 1er mai 2004.

M. Blank avait déposé sa demande d’accès à l’information le 12 août 2010. Il a reçu des réponses le 1er novembre 2010, le 12 janvier 2011, le 14 mai 2014 et le 16 octobre 2018. Il a reçu environ 452 à 454 pages sur les quelque 1 600 pages générées en réponse à sa demande d’accès. Le motif pour lequel le ministère de la Justice affirmait ne pas avoir communiqué l’intégralité des documents et éléments matériels générés tenait au fait qu’ils [traduction] « faisaient double emploi et manquaient de pertinence ».

Le 10 novembre 2010, après avoir reçu la première réponse, M. Blank a déposé une plainte auprès du Commissariat à l’information du Canada (CIC). Dans la requête instruite par la Cour, M. Blank sollicitait la production des quelque 1 050 pages restantes afin de pouvoir comprendre les raisons pour lesquelles ces documents et éléments matériels avaient été exclus, de même que les motifs de l’exception invoquée à l’égard des documents concernés. Le 9 novembre 2018, le CIC avait remis un compte rendu concernant la plainte déposée par M. Blank le 10 novembre 2010. Dans le cadre de la présente requête, la Cour n’a été saisie ni du compte rendu ni de la plainte.

M. Blank a déposé, aux termes de l’article 41 de la LAI, un avis de demande de révision visant la décision par laquelle le ministère de la Justice avait refusé de lui accorder l’accès à des documents ou à une partie de ceux-ci. Bien que M. Blank n’ait déposé de plainte qu’à l’égard de la première réponse, la révision sollicitée visait l’ensemble des quatre réponses.

Décision

La Cour a rejeté la requête en appel de M. Blank et adjugé les dépens au ministère de la Justice.

Motifs
Norme de contrôle régissant l’appel interjeté contre la décision d’un protonotaire

La Cour a expliqué que la norme d’intervention dans le cadre d’un appel visant une décision discrétionnaire de protonotaire était celle énoncée dans l’arrêt Housen, suivant laquelle « les ordonnances discrétionnaires des protonotaires ne devraient être infirmées que lorsqu’elles sont erronées en droit, ou fondées sur une erreur manifeste et dominante quant aux faits ». Cette norme s’applique aux questions de fait ou mixtes de fait et de droit ainsi qu’aux inférences factuelles.

L’exercice par les protonotaires de leur pouvoir discrétionnaire suppose l’application de normes juridiques aux faits établis, et l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire fait intervenir des questions de fait et de droit.

La protonotaire a‑t‑elle eu tort de conclure que les articles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale n’étaient d’aucun secours à M. Blank?

M. Blank a formulé un certain nombre de critiques à l’endroit de la décision de la protonotaire portant qu’il ne pouvait se prévaloir des articles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale pour obtenir le redressement qu’il sollicitait. Il soulevait généralement des objections concernant des questions de justice naturelle.

La protonotaire était d’accord avec la position du ministère de la Justice selon laquelle la LAI établissait sa propre procédure de communication de documents. Elle signale qu’une demande fondée sur l’article 41 de la LAI se distingue de la demande de contrôle judiciaire au titre de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. S’appuyant sur l’arrêt Blank c. Canada (Justice), 2016 CAF 189, la protonotaire a conclu que, aux termes de l’article 41 de la LAI, le pouvoir de révision de la Cour était restreint à celui d’ordonner l’accès à un document précis lorsque cet accès avait été refusé en contravention de la loi.

Citant l’arrêt 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l’Industrie), 2001 CAF 254, M. Blank a soutenu qu’au vu de la contradiction entre les Règles de la Cour fédérale et la LAI, c’est la LAI qui avait préséance. La Cour a soulevé plusieurs raisons rendant la situation en l’espèce différente de celle concernée par l’arrêt en question, et elle a confirmé qu’il n’y avait pas de contradiction entre les Règles de la Cour fédérale et la LAI. Premièrement, bien que le terme « review » figure dans la version anglaise des dispositions applicables de ces deux instruments, il renvoie à des notions différentes. Deuxièmement, la Cour d’appel fédérale analysait des principes opposés dans la LAI, et non des lois incompatibles. Troisièmement, la Cour d’appel fédérale se penchait sur la norme de contrôle qu’il convenait d’appliquer à l’interprétation par le ministre de l’expression « avis ou recommandations ». La Cour fédérale a conclu que comme l’article 317 des Règles de la Cour fédérale ne restreint pas la communication, il ne contredit pas la LAI.

La Cour fédérale a conclu que la protonotaire n’avait pas commis d’erreur de fait ou de droit lorsqu’elle avait tiré la conclusion selon laquelle M. Blank ne pouvait invoquer les articles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale pour obtenir le redressement qu’il sollicitait. La production d’un DCT au titre de l’article 317 des Règles de la Cour fédérale ne peut être accordée dans le cadre d’une audience de révision fondée sur l’article 41 de la LAI.

Cour d’appel fédérale

1. Canada (Santé) c. Elanco Canada Limited

Cour d’appel fédérale

Citation : 2021 FCA 191

Lien : Canada (Santé) c. Elanco Canada Limited (en anglais seulement)

Date de la décision : 24 septembre 2021

Dispositions de la Loi sur l’accès à l’Information : Articles 25, 44 et 44.1 et alinéa 20(1)(d)

  • Alinéa 20 (1)(d) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins
  • Article 25 – Prélèvements
  • Article 44 – Communication de renseignements de tiers, recours en révision
  • Article 44.1 – Révision de novo
Points opérationnels à retenir
  • Norme de contrôle de la Cour d’appel fédérale – en appel d’une décision de la Cour fédérale :
    • Pour les questions de droit : norme de la décision correcte
    • Pour les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit : erreur manifeste et dominante
  • Exigence pour l’exception en vertu de l’alinéa 20(1)d) de la Loi sur l’accès à l’information (LAI) – Renseignements de tiers, divulgation risquerait d’entraver des négociations en vue de contrats ou à d’autres fins.
    • Afin d’appliquer cet alinéa de la LAI avec succès, il faut prouver que l’on peut vraisemblablement s’attendre à ce que la divulgation des renseignements nuirait à des négociations contractuelles en cours.
Résumé

Puisque le recours présenté en vertu de l’article 44 de la LAI est une nouvelle affaire, il est identique à tout procès ou audience présenté devant la Cour fédérale où le juge entend la preuve et tire des conclusions de fait. Les appels de ces décisions sont assujettis aux normes de contrôle en appel énoncées dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (Housen).

Questions en litige
  • Quelles sont les normes de contrôle applicables en appel?
  • Le juge de la Cour fédérale a‑t‑il commis des erreurs manifestes et dominantes mixtes de fait et de droit, notamment en ce qui concerne l’application de l’alinéa 20(1)d) de la LAI?
  • Le juge de la Cour fédérale a‑t‑il commis une erreur en n’ordonnant pas le prélèvement et la divulgation des parties non exemptées des documents demandés?
Faits

Elanco Canada Limited (Elanco) est une compagnie pharmaceutique qui a développé les Fortekor Flavour Tabs, un médicament destiné à traiter les affections chroniques chez les chats et les chiens. Les particularités du médicament à usage vétérinaire ont été obtenues grâce à d’importants investissements en matière de recherche et de développement. En 2017, un tiers a demandé l’accès aux observations d’Elanco à Santé Canada pour l’approbation de Fortekor Flavour Tabs.

Santé Canada a proposé de communiquer 166 pages contenant de renseignements, affirmant qu’une grande partie des renseignements qu’Elanco tentait de protéger était déjà du domaine public. Elanco s’est opposée à la communication de 12 catégories de renseignements et a présenté une demande de contrôle judiciaire.

En Cour fédérale, le juge a accordé la demande de contrôle judiciaire d’Elanco et a décidé qu’aucun des documents ne pouvait être communiqué. Le Canada (le ministre de la Santé) a interjeté appel du jugement de la Cour fédérale.

Décision

La Cour fédérale a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par Elanco et a déclaré invalide la décision de Santé Canada de communiquer les documents.

La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel et a annulé le jugement rendu par la Cour fédérale. Elle a renvoyé l’affaire devant le juge de la Cour fédérale.

Motifs
Quelles sont les normes de contrôle applicables en appel?

La Cour n’a pas accepté la position de la Couronne, selon laquelle les principes énoncés dans l’arrêt Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 RCS 559 s’appliquaient à la Cour dans le cadre du présent appel. Selon la Cour, ce sont les principes énoncés dans l’arrêt Housen qui s’appliquent.

L’article 44.1 de la LAI stipule clairement que, lorsqu’une partie présente en vertu de l’article 44 de la LAI un recours en révision d’une décision selon laquelle une partie des renseignements devrait être communiquée, le recours doit être entendu et traité comme une nouvelle affaire. Ainsi, le juge de la Cour fédérale qui entend le recours particulier n’examine pas une décision du ministre en soi, mais détermine plutôt si les exceptions à la communication énoncées à l’article 20 de la LAI sont applicables. Toute conclusion de fait ou mixte de fait et de droit qui serait nécessaire serait faite par le juge de la Cour fédérale.

Puisqu’il s’agit d’une nouvelle affaire, elle se déroule de la même manière que tout procès ou audience entamé à la Cour fédérale où le juge entend la preuve et tire des conclusions de fait. Les appels de ces décisions sont soumis aux normes de contrôle en appel énoncées dans Housen. Il n’y a aucune raison pour que les conclusions de fait ou mixtes de fait et de droit faites par le juge de la Cour fédérale, dans ce cas particulier, soient traitées différemment de celles faites dans toute autre affaire introduite comme une nouvelle procédure devant la Cour fédérale. Si les conclusions de fait tirées par le juge de la Cour fédérale sont examinées selon la norme de la décision correcte, alors, en fait, l’appel interjeté devant la présente Cour devient également une « nouvelle procédure » dans laquelle la présente Cour tire ses propres conclusions de fait. Toutefois, l’article 44.1 de la LAI ne s’applique qu’au recours à la Cour fédérale, et non à l’appel de la décision de la Cour fédérale.

De l’avis de la Cour, dans la mesure où il y avait un différend quant à la norme de contrôle applicable à l’appel d’une décision de la Cour fédérale concernant un recours en vertu de l’article 44 de la LAI, l’ajout de l’article 44.1 à la LAI a mis fin à ce débat. Les principes énoncés dans l’arrêt Housen s’appliquent au présent appel.

Par conséquent, la norme de contrôle applicable à toute question de droit est celle de la décision correcte, et celle applicable à toute question de fait ou mixte de fait et de droit est celle de l’erreur manifeste et dominante.

Le juge de la Cour fédérale a‑t‑il commis des erreurs manifestes et dominantes mixtes de fait et de droit, notamment en ce qui concerne l’application de l’alinéa 20(1)d) de la LAI?

Le juge de la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant qu’Elanco avait établi que l’alinéa 20(1)d) de la LAI s’appliquait aux renseignements fournis à Elanco par ses fournisseurs. Le juge de la Cour fédérale a commis une erreur en se fondant sur la preuve par affidavit d’Elanco, qui indiquait que les contrats particuliers conclus avec les fournisseurs comprenaient des dispositions de confidentialité, mais ne faisaient pas référence à des négociations contractuelles en cours avec des fournisseurs ni à la façon dont la divulgation des renseignements que l’on cherchait à soustraire à la communication en vertu de l’alinéa 20(1)d) de la LAI entraverait les négociations menées par Élance à des fins contractuelles ou autres.

La Cour d’appel fédérale a indiqué que la preuve d’une attente raisonnable que les négociations contractuelles en cours seraient entravées par la divulgation est nécessaire pour appliquer avec succès l’alinéa 20(1)d) de la LAI. La Cour d’appel fédérale a réitéré que les exemples suivants ne répondent pas à ce critère : entrave aux activités commerciales courantes, répercussions possibles sur d’autres contrats ou problèmes hypothétiques, simple référence à une concurrence accrue à la suite de la divulgation, simple possibilité ou spéculation.

La Cour d’appel fédérale a déterminé que le juge de la Cour fédérale avait commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’il a exempté plusieurs catégories de renseignements de la divulgation en vertu de cet alinéa. La Cour a constaté que les éléments de preuve applicables ne mentionnaient pas de négociations contractuelles en cours avec des fournisseurs, ni de quelle manière la divulgation de renseignements visés par l’alinéa 20(1)d) pouvait entraver les négociations contractuelles.

Par conséquent, la Cour a renvoyé l’affaire devant le juge de la Cour fédérale pour qu’il détermine quels renseignements, le cas échéant, n’étaient exemptés de communication qu’en vertu de l’alinéa 20(1)d) de la LAI, et n’auraient donc pas dû être exemptés en raison de la preuve par affidavit invoquée par le juge de la Cour fédérale.

Le juge de la Cour fédérale a‑t‑il commis une erreur en n’ordonnant pas le prélèvement et la divulgation des parties non exemptées des documents demandés?

Le jugement de la Cour fédérale visait à soustraire la totalité des 166 pages de la communication. Cela est contraire à l’article 25 de la LAI, qui exige la communication des renseignements qui peuvent être raisonnablement prélevés des renseignements qui ne doivent pas être communiqués. Elanco a reconnu que plusieurs parties du document n’étaient pas confidentielles et pouvaient être communiquées. Cependant, le jugement, tel que rédigé, interdirait à Santé Canada de communiquer toute partie des documents demandés, y compris les parties contenant des renseignements non protégés contre la communication en vertu de l’article 20 de la LAI. Le juge de la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’il n’a pas prévu la communication des parties des documents qui ne font pas l’objet d’une exception à la communication, conformément au principe de prélèvement prévu à l’article 25 de la LAI.

Loi sur la protection des renseignements personnels

Titres de la section

Cour fédérale du Canada

1. Constantinescu c. Canada (Service correctionnel)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 234

Lien : Constantinescu c. Canada (Service correctionnel)

Date de la décision : 18 mars 2021

Disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 41

  • Article 41 – Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication
Points opérationnels à retenir
  • Une demande de contrôle judiciaire peut être rendue théorique lorsqu’une institution fédérale a caviardé des parties d’un document et que les parties caviardées ont été divulguées au demandeur avant l’audience.
  • Lorsqu’un demandeur sait qu’une institution fédérale invoque des exceptions et qu’il n’est pas d’accord avec la manière dont elles ont été appliquées, une nouvelle plainte doit être déposée auprès du Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP). La Cour ne peut, à elle seule, être appelée à se prononcer sur le bien‑fondé des exceptions invoquées s’il n’y a pas eu au préalable une plainte auprès du Commissariat.
Résumé

Il s’agit d’une demande de révision judiciaire au titre de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) par laquelle Mme Constantinescu demande à la Cour d’ordonner au Service correctionnel du Canada (SCC) de divulguer les renseignements visés par sa demande d’accès à des renseignements personnels datée du 14 août 2017 et d’ordonner le paiement de dommages et intérêts.

Mme Constantinescu a déposé une plainte auprès du CPVP concernant le retard de la réponse de l’institution fédérale. Tous les renseignements visés lui ont été communiqués avant le début de l’audience, et elle a tenté ensuite de contester, à l’audience, les exceptions qui ont été appliquées, sans avoir au préalable modifié les motifs de sa demande. La demande de révision judiciaire est alors théorique et prématurée.

Questions en litige
  • La demande de révision est-elle théorique?
  • La demande de révision est-elle prématurée?
Faits

Mme Contantinescu a demandé au Service correctionnel du Canada (SCC) de lui communiquer certains documents relatifs à une proposition de médiation d’une plainte qu’elle avait déposée à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) au sujet d’abus de la part d’un membre du personnel de SCC.

À défaut d’avoir obtenu une réponse de la Division de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (Division de l’AIPRP) du SCC dans les délais prévus par la loi, Mme Contantinescu a porté plainte au CPVP. La Division de l’AIPRP du SCC a ensuite communiqué une partie des documents visés, en précisant qu’une consultation était en cours au sujet de la communication de certains autres documents. Par la suite, le CPVP a constaté que le SCC n’avait pas respecté les délais prescrits par la loi et n’avait pas répondu à la demande d’accès. Par conséquent, le CPVP a conclu que la plainte de Mme Contantinescu était bien fondée. Le CPVP s’en est tenu à la question du retard de communication des documents en réponse à la demande d’accès.

La Division de l’AIPRP du SCC a communiqué à Mme Contantinescu deux autres documents, dont certaines portions avaient été caviardées car elles étaient visées par une exception. Selon la Division de l’AIPRP du SCC, la communication de ces documents venait compléter la réponse à Mme Contantinescu. Mme Constantinescu n’a pas déposé de plainte auprès du CPVP au sujet des exceptions appliquées.

La demande de révision présentée par Mme Contantinescu en vertu de l’article 41 de la LPRP portait uniquement sur le retard du SCC dans la réponse à la demande d’accès. Mme Contantinescu n’a jamais demandé de modifier les motifs de sa demande de révision. Mme Contantinescu a cependant modifié son affidavit ainsi que son mémoire de fait et de droit pour y inclure des arguments à propos de l’application des exceptions aux documents.

Décision

La demande de contrôle judiciaire a été rejetée avec dépens de 500 $ payables à SCC.

Motifs
Cette demande est-elle théorique ou prématurée?

Les motifs de la demande de révision n’ont jamais été amendés. Mme Contantinescu a soulevé la question de la communication tardive de l’information par le SCC dans son affidavit amendé ainsi que dans son mémoire. Toutefois, selon la Cour, il ressort clairement de ces deux documents que le grief n’était plus fondé sur le refus du SCC de communiquer des documents en réponse à la demande d’accès, mais plutôt sur le fait que plusieurs documents avaient été caviardés, et que certains documents n’avaient pas été communiqués en raison des exceptions prévues par la LPRP.

À l’audience, Mme Contantinescu a soutenu la thèse portant que des documents avaient été en fait retenus. Selon les règles de procédure, une partie ne peut normalement soulever à l’audience des questions qui n’ont pas été plaidées par écrit : ceci évite ainsi que l’autre partie soit prise par surprise. La Cour a donc décidé de n’entendre aucun argument relatif à l’éventuelle rétention de documents.

D’une part, la Cour a déterminé que si elle avait eu à examiner la demande sur le fondement du refus du SCC de produire les documents demandés dans la demande d’accès, elle aurait été tenue de la rejeter, puisqu’elle était désormais sans objet. Le SCC avait complété la communication des documents en réponse à la demande.

Ce qui ressort clairement de la jurisprudence, c’est que la demande de révision est rendue théorique et sans objet avec la remise de tous les documents qui faisaient l’objet de la demande d’accès sans que des exceptions soient soulevées par l’institution fédérale, avant l’audition par la Cour fédérale. Le même principe s’applique lorsque l’institution fédérale avait, en communiquant tous les documents, caviardé des parties des documents, mais que les parties caviardées avaient également été communiquées avant l’audience.

D’autre part, la Cour a conclu que si elle devait examiner la demande sur le fondement des exceptions invoquées par le SCC, elle devait également la rejeter. La demande de révision est prématurée lorsqu’elle est introduite avant que le Commissariat ait rendu compte des conclusions de son enquête sur les exceptions et les caviardages. De plus, la Cour d’appel fédérale a récemment indiqué de manière non équivoque et une fois de plus qu’il devait y avoir un rapport du Commissariat sur la validité des exceptions avant que la Cour fédérale puisse ordonner la communication.

Mme Constantinescu savait que le SCC invoquait des exceptions après réception du premier ensemble de documents le 1er mai 2018, mais elle n’a pas déposé de plainte à ce sujet auprès du Commissariat avant que celui-ci ne rende son rapport. Il était logique que le rapport du Commissariat ne mentionne que le retard du SCC à communiquer les documents, car c’était le seul fondement de la plainte de Mme Constantinescu à ce moment-là. La Cour a jugé que, dans ces circonstances, elle ne pouvait être appelée à se prononcer sur les demandes d’exceptions formulées par le SCC. Puisque la demande était prématurée à cet égard, la Cour a conclu qu’elle devait la rejeter pour ce motif également.

2. Canjura c. Canada (Procureur général)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2020 CF 1022

Lien : Canjura c. Canada (Procureur général)

Date de la décision : 1er octobre 2021

Disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 41

  • Article 41– Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication
Points opérationnels à retenir
  • Le fait d’être en désaccord avec les conclusions d’un protonotaire ne justifie pas une intervention en appel.
  • Le fait d’être en désaccord avec l’attribution des dépens ne justifie pas une intervention en appel, car la Cour a « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir » et que l’adjudication des dépens constitue « un exemple typique d’une décision discrétionnaire ».
Résumé

M. Canjura a interjeté appel à l’encontre d’une ordonnance de la protonotaire qui avait rejeté la demande de révision judiciaire du demandeur présentée en vertu de l’article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP), au motif qu’elle était prématurée.

La protonotaire a jugé que la demande de révision judiciaire était prématurée parce que le demandeur n’avait pas d’abord épuisé les recours prévus par le processus administratif et n’avait pas démontré que sa situation correspondait à des circonstances inhabituelles ou exceptionnelles.

La Cour a conclu que M. Canjura n’avait pas indiqué d’erreur susceptible de révision au regard de l’ordonnance, et elle a rejeté son appel. La Cour a déterminé que les arguments du M. Canjura se résumaient à un désaccord avec les conclusions de la protonotaire, ce qui ne justifiait pas une intervention en appel.

Questions en litige
  • La protonotaire a commis une erreur en concluant que les recours administratifs n’avaient pas été épuisés.
  • La protonotaire a mal apprécié les faits et la preuve ou n’en a pas tenu compte.
  • Les dépens ne devaient pas être adjugés à l’encontre de M. Canjura.
Faits

En janvier 2021, M. Canjura a demandé à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de lui donner accès à des renseignements précis conformément à l’article 12 de la LPRP. La GRC a accusé réception de la demande et l’a informé qu’une prorogation du délai pour y répondre était requise. Les communications entre la GRC et M. Canjura se sont poursuivies en février et mars 2021, mais la GRC n’a pas fourni de réponse au demandeur.

M. Canjura a déposé une plainte auprès du Commissariat à la protection de la vie privée (Commissariat), dans laquelle il alléguait que la GRC avait contrevenu à l’article 14 de la LPRP en ne répondant pas à sa demande dans le délai prévu. M. Canjura a ensuite déposé sa demande de révision judiciaire au titre de l’article 41 de la LPRP, par laquelle il sollicitait une ordonnance imposant que les catégories de renseignements détaillées lui soient divulguées. À ce moment, le Commissariat n’avait alors ni terminé son enquête sur la plainte ni rendu compte de son enquête.

Dans une ordonnance datée du 30 août 2021, la protonotaire Ring a radié l’avis de demande et rejeté la demande de révision judiciaire au motif qu’elle était prématurée. La protonotaire a conclu que la preuve non contestée établissait que le Commissariat n’avait pas encore transmis de compte rendu de ses conclusions relativement à son enquête sur la plainte et que la condition préalable prévue à l’article 41 de la LPRP n’était pas remplie. La protonotaire a déterminé que la demande de révision judiciaire était prématurée parce que M. Canjura n’avait pas épuisé les recours prévus par le processus administratif et n’avait pas démontré que sa situation correspondait aux circonstances inhabituelles ou exceptionnelles établies dans la jurisprudence.

Décision

La Cour a rejeté la requête de M. Canjura à l’encontre de l’ordonnance et a adjugé les dépens au Procureur Général du Canada, fixés à 500 $, débours et taxes inclus.

Motifs

En réponse à une question préliminaire concernant l’admissibilité de la preuve, la Cour a confirmé qu’en règle générale l’appel d’une ordonnance d’un protonotaire doit être jugé à partir des documents qui étaient présentés devant lui. Exceptionnellement, de nouveaux éléments de preuve peuvent être admis dans les cas suivants : 1) ils n’auraient pas pu être disponibles auparavant; 2) leur admission servira les intérêts de la justice; 3) ils aideront la Cour; et 4) leur admission ne portera pas sérieusement préjudice à la partie adverse. La Cour a décidé de n’accorder aucun poids à l’affidavit de M. Canjura, car elle a conclu que la preuve était très loin de correspondre aux cas dans lesquels de nouveaux éléments de preuve peuvent exceptionnellement être admis.

La Cour a ensuite confirmé que les ordonnances des protonotaires doivent être examinées selon la norme de l’erreur manifeste et dominante lorsque des questions de fait ou des questions mixtes de fait et de droit sont soulevées, alors que les questions de droit isolables sont assujetties à la norme de la décision correcte. La Cour a ajouté que l’erreur manifeste et dominante appelle un degré élevé de retenue.

La Cour a rejeté les arguments de M. Canjura selon lesquels la protonotaire aurait commis une erreur en ne reconnaissant pas que le retard et le silence du Commissariat concernant le traitement de sa plainte ainsi que le non-respect des délais prévus par la LPRP de la part de la GRC démontraient qu’il avait épuisé les voies de recours appropriées prévues par le processus administratif.

La Cour a affirmé que la protonotaire avait correctement établi la jurisprudence applicable et que, dans l’application de celle-ci, elle avait conclu que les processus prévus par la loi n’avaient pas été épuisés et qu’il n’avait pas été démontré que les circonstances étaient exceptionnelles. La Cour a précisé que ces conclusions n’étaient pas incompatibles avec la preuve et ne témoignaient pas que la protonotaire avait mal apprécié la preuve pertinente quant à la question qu’elle devait trancher, soit celle de savoir si la demande était prématurée.

La Cour a aussi rejeté les affirmations de M. Canjura selon lesquelles les retards dans le processus administratif soulevaient des questions d’équité que la protonotaire n’avait pas abordées. Selon la Cour, la protonotaire connaissait bien l’enchaînement des faits ayant trait à la demande de renseignements présentée par le demandeur, et l’argument selon lequel les vices de procédure ne doivent pas entraver l’accès aux tribunaux. La Cour a en outre déterminé que ces arguments avaient été traités à la lumière de la question de savoir s’il avait été démontré que les circonstances étaient exceptionnelles, et que la conclusion de la protonotaire selon laquelle il n’avait pas été démontré que les circonstances étaient exceptionnelles ne témoignait pas d’erreurs manifestes ou dominantes de faits, d’erreurs mixtes de fait et de droit ni d’erreurs de droit.

La Cour a conclu que les arguments de M. Canjura se résumaient à un désaccord avec les conclusions de la protonotaire, et qu’un désaccord ne justifiait pas une intervention en appel.

De même, la Cour a conclu qu’il n’y avait aucun fondement à l’argument selon lequel la protonotaire avait commis une erreur lorsqu’elle a adjugé les dépens au Procureur Général du Canada, car le paragraphe 400(1) des Règles des Cours fédérales confère à la Cour « le pouvoir discrétionnaire de déterminer le montant des dépens [et] de les répartir », et la jurisprudence a établi que l’adjudication des dépens constitue « un exemple typique d’une décision discrétionnaire ». À cet égard, la Cour a affirmé que, là encore, le désaccord de M. Canjura avec l’adjudication des dépens ne justifiait pas une intervention en appel.

3. Jemmo c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Cour fédérale du Canada

Référence : 2021 CF 965

Lien : Jemmo c. Canada (Citoyenneté et Immigration)

Date de la décision : 17 septembre 2021

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Paragraphe 8(1) et alinéas 8(2)a), b) et c)

  • Paragraphe 8(1) – Communication des renseignements personnels
  • Alinéa 8(2)a) – Communication de renseignements personnels à des fins compatibles
  • Alinéa 8(2)b) – Communication de renseignements personnels à des fins conformes aux lois fédérales et à leurs règlements
  • Alinéa 8(2)c) – Communication de renseignements personnels exigée par subpœna, mandat ou ordonnance d’un tribunal
Points opérationnels à retenir
  • Lorsqu’un dossier certifié du tribunal (DCT) doit être préparé conformément aux Règles des Cours fédérales qui exigent que tous les documents pertinents qui sont en possession ou sous le contrôle du Tribunal soient versés dans le DCT, un ministère ne peut pas invoquer la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP) et caviarder unilatéralement ses documents.
  • Les ministères doivent alors déposer une requête afin d’obtenir une ordonnance autorisant le caviardage unilatéral de certains renseignements contenus dans le DCT.
Résumé

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) avait caviardé unilatéralement le DCT au motif que les renseignements personnels n’étaient pas pertinents en l’espèce, et il s’appuyait à cet égard sur le paragraphe 8(1) de la LPRP.

M. Jemmo soutenait que IRCC n’aurait pas dû procéder unilatéralement au caviardage.

Les tribunaux administratifs tels qu’IRCC ne sont pas autorisés à caviarder unilatéralement leur DCT.

Question en litige
  • Y a‑t‑il lieu ou non, pour la Cour, de procéder au contrôle judiciaire en se fondant sur un DCT caviardé unilatéralement?
Faits

Une ordonnance a été rendue dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision d’un agent des visas de l’ambassade du Canada à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis. L’agent des visas a rejeté la demande d’asile du demandeur essentiellement parce qu’il avait des réserves du fait que la demande était similaire à une autre demande de visa reçue par IRCC.

Durant les plaidoiries, une discussion a eu lieu sur le fait que le tribunal administratif, IRCC en l’espèce, avait présenté une copie caviardée du DCT. Il n’existait aucune ordonnance autorisant le dépôt d’un document caviardé, et IRCC n’avait pas sollicité auprès de la Cour l’autorisation de déposer, sous pli scellé ou autrement, une copie caviardée du DCT.

Décision

Rien ne conférait à IRCC le pouvoir de caviarder unilatéralement tout ou partie des renseignements contenus dans le DCT. La Cour l‘a invité IRCC à déposer une requête afin d’obtenir une ordonnance autorisant le caviardage unilatéral de certains renseignements contenus dans le DCT présenté par IRCC.

Motifs

IRCC a soutenu que le caviardage avait été effectué conformément au paragraphe 8(1) de la LPRP. IRCC a également soutenu que, bien que le paragraphe en question accorde ensuite le pouvoir discrétionnaire de communiquer ces renseignements dans certains cas, notamment si la communication est à des fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou leurs règlements, au titre de l’alinéa 8(2)b), ou si elle est exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de renseignements, au titre de l’alinéa 8(2)c), le principe de la communication minimale exige qu’une institution qui communique des renseignements personnels veille à ne pas en communiquer plus que nécessaire [Loi sur la protection des renseignements personnels (Can.) (Re), 2000 CanLII 17110 (CAF), [2000] 3 CF 82, [2000] ACF no 179 au par. 21 (CA); Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c. Kahlon, 2005 CF 1000].

Selon IRCC, l’agent d’immigration avait exercé, au titre de l’article 8 de la LPRP, le pouvoir discrétionnaire de caviarder des renseignements personnels relatifs à un tiers afin de les soustraire à la communication. Il s’agissait soit de renseignements non pertinents au regard des questions sous-jacentes soulevées par la demande de contrôle judiciaire, soit de renseignements dont le demandeur disposait dans ses propres dossiers. Les renseignements avaient ainsi été caviardés à juste titre, et le caviardage ne faisait pas en sorte que le dossier soumis à la Cour était incomplet. Les renseignements caviardés n’étaient pas pertinents en ce qui avait trait à la question dont la Cour était saisie et cette dernière pouvait tout de même rendre une décision quant au caractère raisonnable de la décision de l’agent et au fait de savoir si un degré approprié d’équité procédurale avait été accordé à M. Jemmo.

Selon M. Jemmo, outre la possibilité d’obtenir le consentement de l’individu concerné par les renseignements personnels, au moins trois dispositions de la LPRP auraient pu permettre une exception en l’espèce : les alinéas 8(2)a), b) et c). Celle qui s’appliquait le plus directement était l’alinéa 8(2)c).

M. Jemmo a soutenu qu’il n’était pas approprié que les agents du défendeur exercent le pouvoir discrétionnaire conféré par la LPRP de façon unilatérale et déterminent eux-mêmes ce qui est pertinent ou non, sans aviser la Cour ou M. Jemmo et sans leur demander leur avis. Cette situation créait un dangereux précédent selon lequel une partie ayant un intérêt dans l’issue de l’instance pourrait, de façon unilatérale et sans surveillance judiciaire, limiter le fondement probatoire d’un contrôle judiciaire.

M. Jemmo a fait en outre valoir que, malgré l’importance de la protection des renseignements personnels, lorsqu’une ordonnance judiciaire donne au IRCC des directives sur la façon de monter un DCT, il est inapproprié et illégal d’exercer un tel pouvoir discrétionnaire. Rien dans la preuve n’indiquait que la pertinence des renseignements avait été prise en compte quand ils ont été caviardés, puisque selon la déclaration figurant sur la couverture du DCT, le caviardage avait été fait conformément au paragraphe 8(1) de la LPRP, et que la pertinence ne constitue pas un critère au titre de ce paragraphe. IRCC supposait que les renseignements avaient été caviardés sur le fondement de leur pertinence. La Cour avait accueilli une demande d’autorisation et avait ordonné qu’un DCT soit préparé par IRCC. Le DCT devait être préparé conformément aux Règles des Cours fédérales, qui exigent que tous les documents pertinents en la possession ou sous la garde du tribunal administratif soient versés au DCT.

La Cour a été convaincue par les arguments de M. Jemmo. Plus précisément, elle s’est appuyée sur le paragraphe 8(2) de la LPRP, et particulièrement sur la jurisprudence établie par la Cour, qui exige que soit fourni à la Cour une copie non caviardée du DCT. La Cour a invité IRCC à déposer une requête afin d’obtenir une ordonnance autorisant le caviardage unilatéral de certains renseignements contenus dans le DCT présenté par le tribunal.

Cour d’appel fédérale

1. Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Gregory

Cour d’appel fédérale

Référence : 2021 CAF 33

Lien : Canada (Sécurité publique et Protection civile) c. Gregory

Date de la décision : 23 février 2021

Dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels : Article 41 et sous‑alinéa 22(1)a)(i)

  • Article 41- Révision par la Cour fédérale dans les cas de refus de communication
  • Sous-alinéa 22(1)a)(i) Enquêtes
Points opérationnels à retenir
  • Il doit y avoir production d’un rapport du commissaire à la protection de la vie privée sur la validité des exceptions demandées par un ministère fédéral avant que la Cour fédérale puisse ordonner la communication d’un document.
  • En l’absence de rapport justifiant la compétence de la Cour fédérale pour examiner le bien‑fondé du refus, la demande de contrôle judiciaire est prématurée et l’avis de demande doit être rejeté.
Résumé

Il doit y avoir production d’un rapport du commissaire à la protection de la vie privée sur la validité de l’exception demandée par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), avant que la Cour fédérale puisse ordonner la communication de la vidéo en question. Selon les faits présentés en l’espèce, il n’existe aucun rapport sur lequel la Cour fédérale peut exercer sa compétence pour juger du bien‑fondé du refus.

Question en litige
  • Compte tenu du fait que le commissaire à la protection de la vie privée n’avait pas étudié, et on ne lui avait pas demandé d’étudier, la validité de l’exception invoquée par la GRC en application du sous‑alinéa 22(1)a)(i) de la Loi sur la protection des renseignements personnels (LPRP), la demande de communication de la vidéo était-elle prématurée?
Faits

Il s’agit d’un appel interjeté par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (Sécurité Publique) à l’encontre d’une décision rendue par la Cour fédérale (2020 CF 667). La Cour fédérale a converti la demande présentée par M. Gregory en application de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, en une demande de contrôle judiciaire aux termes de l’article 41 de la LPRP, et a rejeté la requête de Sécurité publique visant à faire radier l’avis de demande de M. Gregory.

La demande de M. Gregory concerne le défaut de la GRC de lui fournir une vidéo qu’il avait demandée. En raison de l’absence de réponse communiquée en temps opportun, M. Gregory a déposé une plainte auprès du commissaire à la protection de la vie privée, qui a lancé une enquête au terme de laquelle il a produit un rapport indiquant que la plainte était bien fondée. M. Gregory a introduit sa demande après avoir reçu ce rapport. Il demande notamment que lui soit fournie une vidéo de 2006.

Peu après l’introduction de la demande, la GRC a répondu à la demande initiale de M. Gregory au sujet de la vidéo. Dans sa réponse, la GRC a refusé de communiquer les renseignements demandés, en partie pour les raisons suivantes :

[TRADUCTION]

[…] Veuillez prendre note du fait qu’un examen des documents qui ont été localisés révèle que tous les renseignements que vous demandez sont admissibles à l’exception prévue au sous‑alinéa 22(1)a)(i) de la Loi [sur la protection des renseignements personnels] […].

Sécurité publique a présenté sa requête en radiation peu après que la GRC ait envoyé sa réponse.

Décision

Selon les faits présentés en l’espèce, il n’existait aucun rapport sur lequel la Cour fédérale pouvait exercer sa compétence pour juger du bien‑fondé du refus. Par conséquent, la Cour d’appel a donné raison à la Sécurité publique, jugeant que la demande était en fait prématurée et que l’avis de demande devait être rejeté.

La Cour a accueilli l’appel, infirmé le jugement de la Cour fédérale et accueilli la requête de Sécurité publique visant à radier l’avis de demande, sans dépens.

Motifs

Sécurité publique a fait essentiellement valoir que la demande de communication de la vidéo était prématurée, car le commissaire à la protection de la vie privée n’avait pas étudié, et on ne lui a pas demandé d’étudier, la demande d’exception présentée par la GRC en application du sous‑alinéa 22(1)a)(i) de la LPRP. Sécurité publique a affirmé que la demande était donc dénuée de toute chance de succès.

M. Gregory n’a pas participé au présent appel, mais il a indiqué qu’il acceptait la décision de la Cour fédérale.

La Cour d’appel a souligné que la Cour fédérale avait tenté de tenir compte de plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale indiquant qu’il est essentiel d’avoir un rapport du commissaire à la protection de la vie privée traitant de l’exception précise qui est revendiquée.

La Cour d’appel a souligné qu’elle n’était pas d’accord avec la Cour fédérale, à la fois en ce qui concerne les précédents qu’elle avait écartés ou rejetés. Cependant, comme M. Gregory attendait une conclusion depuis un certain temps déjà, il ne convenait pas d’expliquer en long et en large les comment et les pourquoi, ni d’énumérer les erreurs de fait dans la décision de la Cour fédérale.

Selon la Cour d’appel, la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en se fondant sur sa conclusion selon laquelle le rapport du commissaire à la protection de la vie privée ne traitait pas uniquement de la présomption de refus dû au temps qui s’était écoulé, pour établir sa compétence.

Par conséquent, la Cour d’appel a affirmé qu’il devait donc y avoir production d’un rapport du commissaire à la protection de la vie privée sur la validité de l’exception demandée par la GRC, avant que la Cour fédérale puisse ordonner la communication de la vidéo en question. Selon les faits présentés en l’espèce, il n’existait aucun rapport sur lequel la Cour fédérale pouvait exercer sa compétence pour juger du bien‑fondé du refus. Par conséquent, la Cour d’appel a convenu avec la Sécurité publique que la demande était en fait prématurée, et l’avis de demande devait être rejeté.

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