Audit des équipes d’intervention d’urgence

Secteur de la vérification interne

3 mai, 2021

Sigles et abréviations

LSCMLC
loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
RSCMLC
règlement sur le système correctionnel la mise en liberté sous condition
DC
directive du commissaire
SCC
service correctionnel du Canada
CX
agent correctionnel
EIU
équipe d’intervention d’urgence
AP
apprentissage et perfectionnement
PE
protocole d’entente
AC
administration centrale
NNF
normes nationales de formation
GRC
gendarmerie royale du Canada
AR
administration régionale
MMS
manuel du matériel de sécurité
SMEAC
situation, mission, exécution, administration et communications
ARES
agent responsable de l’équipement de sécurité

Glossaire

Responsable de l’intervention en cas d’urgence
Les responsables de l’intervention en cas d’urgence sont habituellement le directeur d’établissement, le sous-directeur d’établissement et le directeur adjoint des opérations. Ils assument la responsabilité générale de la gestion de tous les aspects d’une urgence Note de bas de page 3.
Urgence
Situation pouvant mettre en danger le public, le personnel ou les détenus, endommager ou détruire des biens publics ou ternir l’image du gouvernement du Canada Note de bas de page 4.

1.0 Introduction

1.1 Contexte

L’audit des équipes d’intervention d’urgence (EIU) a été mené dans le cadre du Plan de vérification axé sur les risques (PVAR) 2018‑2020 du Secteur de la vérification interne du Service correctionnel du Canada (SCC). Il se rattache aux priorités du SCC, notamment « la sécurité des membres du public, y compris des victimes, du personnel et des délinquants dans [les] établissements et dans la collectivité » et « des pratiques de gestion efficaces [...] qui reflètent un leadership axé sur les valeurs dans un environnement en évolution ». Il a également trait au risque que le SCC « ne [puisse] pas assurer les niveaux de sécurité opérationnelle requis en établissement et dans la collectivité » Note de bas de page 5.

Le SCC est chargé de veiller à ce que les établissements correctionnels fédéraux offrent un milieu sûr et propice à la réadaptation des délinquants, à la sécurité du personnel et à la protection du public. Conformément à son mandat d’assurer la sécurité et la sécurité de ses établissements, le SCC a mis en place des EIU afin d’augmenter la capacité normale d’intervention en cas d’urgence du personnel opérationnel Note de bas de page 6. Cette capacité exige une formation spécialisée et du matériel adapté aux interventions des EIU.

Il est essentiel que le SCC instaure un cadre de gestion adéquat et efficace pour s’assurer que les situations sont gérées conformément aux dispositions législatives, notamment la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (RSCMLC) et le Code criminel, et que les directives du SCC limitent les interventions des EIU à ce qui est nécessaire et proportionnel.

Équipes d’intervention d’urgence

Les EIU mises en place par le SCC apportent une capacité d’intervention spécialisée aux établissements à sécurité moyenne et maximale et aux établissements à niveaux de sécurité multiples. Conformément à la Directive du commissaire (DC) 600, Gestion des cas d’urgence dans les unités opérationnelles, l’adhésion aux EIU est volontaire et les équipes sont généralement composées d’agents correctionnels, d’intervenants de première ligne et d’agents de formation du personnel. Alors que les EIU des établissements pour hommes peuvent être composées d’hommes et de femmes, celles des établissements pour femmes doivent être composées uniquement de femmes.

Les EIU sont gérées par les établissements. Comme le prévoit la DC 600, le déploiement des EIU est planifié et effectué conformément à un plan d’action « situation, mission, exécution, administration et communications » (SMEAC). Ce plan d’action présente le plan d’intervention des EIU, y compris les armes, le matériel et les tactiques autorisés à être utilisés. Il doit par ailleurs être approuvé par un responsable de l’intervention en cas d’urgence avant le déploiement d’une EIU.

Comme l’indique le tableau ci-après, les EIU sont formées pour intervenir dans le cas de situations de niveaux 1 et 2. Les situations de niveau 3, peu fréquentes et considérées comme extrêmes, nécessitent quant à elles l’intervention d’autres organismes (p.ex., Gendarmerie royale du Canada [GRC], services de police locaux et ministère de la Défense nationale) avec qui le SCC a signé des protocoles d’entente (PE) Note de bas de page 7.

Tableau 1 : Répartition des situations gérées par les EIU Note de bas de page 8

Situations de niveau 1 Situations de niveau 2 Situations de niveau 3
  • Extraction de cellule
  • Évacuation d’un secteur
  • Perturbations et émeutes
  • Sécurité du périmètre
  • Recherche d’un délinquant
  • Protection des délinquants (santé mentale)
  • Personnes barricadées
  • Manifestation à résistance passive
  • Escortes armées à l’extérieur
  • Escortes armées à l’extérieur, risque élever
  • Fouilles à risque élevées
  • Sauvetage d’otages (faible risque)
  • Sauvetage de victimes séquestrées (faible risque)
  • Ouverture de brèche et surveillance
  • Escortes à risque élevées : tentative d’intervention d’un assaillant armé
    ou de plusieurs assaillants non armés
  • Sauvetage d’otages ou de victimes séquestrées : toutes les options
    de recours à la force, y compris les armes à feu, la proximité et une image visuelle claire
  • Ouverture de brèche : barricades non fortifiées (portes s’ouvrant vers l’extérieur); entrée avec le matériel actuel fourni
  • Surveillance : accessible avec
    le matériel actuel fourni
  • Fouille à risque élevée : port soupçonné d’une arme à feu artisanale ou
    d’une arme de poing
  • Escortes à risque élevées : attaques extérieures par plus d’un assaillant armé (embuscade planifiée)
  • Sauvetage d’otages : tireurs d’élite; cible éloignée et difficile à atteindre
  • Ouverture de brèche : présence d’explosifs aux entrées; portes fortifiées et barricadées s’ouvrant vers l’intérieur
  • Surveillance : technologie de pointe requise; situations avec difficulté d’accès
  • Fouille à risque élevé : délinquants en contrôle d’armes ou d’explosifs automatiques ou multiples

1.2 Cadre législatif et stratégique

Législation

Code criminel du Canada

Les articles 25 à 27, 34, 35, 37, 67 à 69, 92, 117.07, 494 et 495 du Code criminel régissent la gestion des incidents de sécurité au SCC. Même s’ils portent sur des situations différentes, ces articles sont axés sur le caractère raisonnable de la force utilisée et sur la façon dont celle-ci doit correspondre au résultat possible si aucune force n’avait été appliquée. Par ailleurs, l’article 26 prévoit que « quiconque est autorisé par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l’acte qui constitue l’excès ».

Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

La LSCMLC définit le but du système correctionnel fédéral, soit de contribuer au maintien d’une société juste, paisible et sûre, et établit la protection de la société comme sa préoccupation principale. Les articles 3, 3.1, 4, 31 à 44, 68 et 97 portent sur les EIU et sur la gestion des situations au SCC. L’article 4 est le plus pertinent, car il limite les mesures que le SCC peut prendre uniquement à des « mesures qui [...] ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire et proportionnel aux objectifs de la [...] loi ».

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Le RSCMLC présente les règlements à l’appui de la LSCMLC et comprend la délégation de pouvoirs aux membres du personnel pour le respect des exigences énoncées dans les DC. Les articles 3, 4, 19 à 41 et 73 portent sur les EIU et sur la gestion des situations au SCC.

Cadre stratégique du SCC

Douze DC et lignes directrices comportent des exigences et des processus liés ou applicables aux EIU. Consultez l’annexe C pour voir la liste complète.

1.3 Organisation du Service correctionnel du Canada

Administration centrale (AC)

Le commissaire adjoint, Opérations et programmes correctionnels, est responsable de veiller à l’élaboration, à la mise en œuvre, à la tenue à jour et à l’évaluation des interventions, et à ce que toute question ou tout problème ayant trait aux politiques et aux procédures en matière de sécurité soit rapidement réglé. Il doit également s’assurer que des normes nationales de formation et d’attestation pour le personnel sont élaborées en collaboration avec le directeur général, Apprentissage et perfectionnement (AP) Note de bas de page 9.

Le directeur général, Sécurité, est chargé de l’établissement de normes et d’exigences opérationnelles pour la gestion des urgences dans les unités opérationnelles et de veiller que les plans d’urgence soient examinés à l’échelle nationale, conformément aux exigences de contenu des plans d’urgence Note de bas de page 10.

Le Secteur de la gestion des ressources humaines a la responsabilité de coordonner toutes les initiatives de formation et de cours du SCC et de conseiller le SCC quant aux préoccupations en matière de relations de travail, y compris les questions liées à la santé et à la sécurité au travail Note de bas de page 11.

Administrations régionales (AR)

Le sous-commissaire adjoint, Opérations correctionnelles, est responsable d’appuyer les unités opérationnelles et de leur communiquer les politiques, ainsi que de mener régulièrement des examens opérationnels de la mise en œuvre des politiques. Il doit également signaler rapidement toute question ou tout problème lié aux politiques et aux procédures de sécurité ou à leur mise en œuvre au directeur général, Sécurité Note de bas de page 12.

Établissements

Le directeur d’établissement doit s’assurer que les EIU sont mises sur pied, équipées et formées conformément aux exigences des Normes nationales de formation (NNF), que toutes leurs interventions planifiées sont autorisées par un plan d’action SMEAC et que des plans d’urgence contenant des exigences propres aux établissements pour femmes sont élaborés Note de bas de page 13.

Le responsable de l’intervention en cas d’urgence, généralement le directeur d’établissement, est chargé de la gestion globale des urgences, y compris l’approbation du déploiement d’une EIU Note de bas de page 14.

Le directeur adjoint des opérations a la responsabilité de coordonner toutes les activités de planification d’urgence en vue d’assurer une capacité d’intervention appropriée Note de bas de page 15.

Le chef de l’EIU est responsable d’évaluer la situation, d’élaborer le plan d’action SMEAC, d’assurer la liaison avec le responsable de l’intervention en cas d’urgence ainsi que de coordonner et de diriger les interventions de l’EIU Note de bas de page 16. Il est également chargé d’aider au recrutement des membres de l’EIU Note de bas de page 17.

L’agent responsable de l’équipement de sécurité (ARES) s’occupe de la gestion de l’inventaire du matériel des EIU Note de bas de page 18.

Le personnel des services de santé en établissement a la responsabilité de transmettre de l’information sur la santé mentale et physique aux EIU pendant l’élaboration du plan d’action SMEAC et de fournir des services de santé aux délinquants et au personnel du SCC pendant et après une intervention de sécurité Note de bas de page 19.

Le personnel, dont les membres des EIU, doit connaître et comprendre les dispositions législatives, les politiques et les procédures applicables et tenir compte des questions liées à la culture, à la santé physique, à la santé mentale et à la spécificité des sexes dans ses interventions. Il doit également faire preuve d’équité, de discernement et de professionnalisme au moment de rétablir un environnement sûr et sécuritaire au sein de l’établissement. Enfin, il ne doit pas consentir ni participer à une punition ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant infligé à un délinquant et doit en faire rapport s’il en est témoin Note de bas de page 20.

1.4 Évaluation des risques

Dans le Plan de vérification axé sur les risques (PVAR) 2018‑2020, l’audit des EIU a été désigné comme un audit à priorité élevée et un secteur de risque élevé. Ainsi, afin de déterminer les aspects devant être inclus dans son audit, l’équipe a évalué les risques liés à la mission d’après les réponses aux entrevues, les résultats de la recherche et les connaissances acquises dans le cadre d’audits antérieurs. Dans l’ensemble, l’évaluation a permis de relever des risques importants liés au cadre de soutien en place pour les EIU et à la mise en œuvre des principaux contrôles. Les contrôles en question ont par ailleurs été évalués dans le cadre de l’audit afin de déterminer si les stratégies d’atténuation étaient suffisantes.

2.0 Objectifs et portée

2.1 Objectifs de l’audit

Le présent audit visait à confirmer que :

Les critères précis établis pour évaluer ces objectifs figurent à l’annexe A.

2.2 Portée de l’audit

L’audit avait une portée nationale et touchait le cadre et les processus en place aux échelons national, régional ainsi qu’au sein des établissements. De plus, l’examen des dossiers portait sur un échantillon des déploiements des EIU qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2017 et le 1er novembre 2018.

Il n’incluait toutefois pas les établissements autonomes à sécurité minimale, les pavillons de ressourcement, les établissements résidentiels communautaires, les centres correctionnels communautaires, ni les bureaux de libération conditionnelle, puisqu’aucun ne dispose d’une EIU.

L’audit du cadre de travail et de la mise en œuvre de la gestion de situations qui surviennent au SCC réalisé en 2017 traitait des aspects relatifs à l’audit des EIU, dont les examens et les traitements médicaux après le recours à la force, la rapidité d’exécution des examens du recours à la force, ainsi que la pertinence et l’efficacité des mesures correctives prises afin de pallier les lacunes relevées. C’est pourquoi les analyses de ces aspects n’ont pas été incluses dans le présent audit.

3.0 Constatations et recommandations de l’audit

3.1 Cadre de gestion

Le premier objectif de l’audit était de confirmer que le cadre de gestion en place appuie bel et bien l’atteinte efficace des objectifs.

Le cadre de gestion a été examiné sous quatre angles : les directives du SCC, les rôles et responsabilités, la formation, ainsi que la surveillance et l’établissement de rapports. L’annexe A présente les résultats généraux pour tous les critères d’audit.

3.1.1 Directives, rôles et responsabilités

Nous nous attendions à observer des directives exhaustives et claires de la part du SCC, leur conformité aux dispositions législatives ainsi que des rôles et responsabilités définis, consignés, communiqués et compris.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs les deux aspects liés aux directives et aux rôles et responsabilités qui nécessitent un examen approfondi par la direction.

Les directives du SCC ne définissent pas clairement le soutien et le toucher thérapeutiques.

En décembre 2018, la version révisée de la DC 567-1, Recours à la force, a été adoptée. Contrairement à l’ancienne DC, qui considérait tout contrôle physique comme un recours à la force, la DC révisée admet des exceptions, soit le soutien et le toucher thérapeutiques. Or, des entrevues avec les membres d’EIU ont permis de constater que cette définition révisée n’était pas toujours bien comprise. Nous avons notamment été informés qu’une EIU avait utilisé un bouclier pour « guider » un délinquant lors d’une injection médicale et que cette situation n’avait pas été déclarée comme un recours à la force, car l’EIU croyait qu’elle était considérée comme un toucher thérapeutique. Lors d’entrevues avec la direction de l’AC, nous avons toutefois appris que cette interprétation était erronée. La direction a dit être au courant de situations semblables où la définition a été mal interprétée. En outre, un examen des directives nationales du SCC a révélé que le soutien et le toucher thérapeutiques n’y sont pas définis.

Le manque de clarté de la définition de soutien et de toucher thérapeutiques exacerbe le risque qu’un recours à la force lors d’une intervention ne soit pas correctement identifié et déclaré, ce qui pourrait entraîner la non-conformité des exigences après un recours à la force (p.ex., examen du recours à la force, évaluation médicale, etc.) et, par le fait même, le non-respect des exigences législatives dans certains cas.

Les directives du SCC concernant l'examen des renseignements sur la santé des délinquants ne sont pas uniformes.

Tel qu'indiqué dans la DC 567-1, une consultation avec un professionnel de la santé aura lieu pendant l'élaboration d'une SMEAC afin de s'assurer que la santé physique et mentale des délinquants est prise en compte. Cependant, lorsqu'un professionnel de la santé n'est pas sur place après les heures d'ouverture, toute source d'information connue, comme les besoins / indicateurs / alertes dans le SGD ou le RADAR, sera accessible au personnel non soignant afin de rechercher des informations pertinentes sur la santé des délinquants.

Par conséquent, la manière dont les informations sur la santé du délinquant sont obtenues, ainsi que la nature et l'étendue des informations prises en compte dépendent du moment où l'intervention EIU a lieu.

3.1.2 Formation

Nous nous attendions à constater que le SCC offre une formation à l’appui de l’acquittement des responsabilités.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs, il y a un domaine lié à la formation qui mérite un examen plus approfondi par la direction.

La formation des responsables de l’intervention en cas d’urgence n’appuie pas entièrement l’acquittement des responsabilités.

Les responsables de l’intervention en cas d’urgence en établissement sont généralement le directeur d’établissement, le sous-directeur d’établissement et le directeur adjoint des opérations. Une formation relative aux NNF a été mise sur pied et tous les responsables de l’intervention en cas d’urgence sont tenus de la suivre avant de pouvoir exercer leurs fonctions à titre de membre d’une EIU. Cela dit, des entrevues avec les responsables de l’intervention en cas d’urgence ont révélé que la formation offerte est parfois insuffisante et qu’elle ne leur permet pas d’examiner et d’approuver efficacement les plans d’action SMEAC. Parmi les problèmes les plus fréquents, on compte notamment le manque de formation de recyclage (en particulier pour les personnes ayant suivi la formation il y a de nombreuses années ou n’ayant pas beaucoup d’expérience avec les EIU) et un manque de directives quant aux armes et au type d’intervention tactique à utiliser en fonction de la situation. Les responsables de l’intervention en cas d’urgence estiment que, pour cette raison, ils ne sont pas toujours en mesure de contester un plan d’action SMEAC soumis par une EIU. En outre, ce problème augmente le risque que les responsables approuvent les mauvaises armes ou tactiques, ce qui pourrait donner lieu à une intervention susceptible d’avoir des conséquences négatives.

3.1.3 Surveillance et établissement de rapports

Nous nous attendions à constater qu’une surveillance est assurée régulièrement et que les résultats sont signalés à l’échelon de direction approprié.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs l’aspect lié à la surveillance et à la production de rapports qui nécessite un examen approfondi par la direction.

La surveillance et l’analyse des déploiements des EIU sont insuffisantes.

Les directions nationale et régionales n’ont pas établi de mesures de rendement clé pour le déploiement des EIU. De ce fait, nous avons constaté que les activités actuelles de surveillance se limitent aux évaluations des déploiements des EIU qui impliquent un recours à la force; elles ne comptent pas d’évaluation globale des activités des EIU. Par exemple, le total de déploiements d’EIU par établissement, région et niveau de sécurité, la raison du déploiement (p.ex., extraction de cellule, injection médicale, etc.) ainsi que les tactiques et le matériel utilisés par les équipes dans le cadre d’une intervention ne sont pas évalués. L’un des principaux problèmes relevés au cours de cet audit est le manque d’uniformité à l’échelle nationale quant à l’utilisation des EIU; la compilation des données de surveillance ne tient pas compte des données qui pourraient permettre aux directions d’évaluer si les EIU sont utilisées de façon uniforme et conformément aux attentes. De plus, nous avons identifié des différences significatives dans l'équipement EIU en termes de variété, de capacité et d'état (certains équipements de sécurité individuelle étaient fortement usés) entre les établissements. Le financement de l’équipement EIU provient du budget de sécurité général de chaque institution, ce qui a entraîné des niveaux de dépenses incohérents pour l’EIU à travers le pays. Ces achats ne sont pas spécifiquement codés pour l'EIU, ce qui entrave la capacité du SCC d'effectuer une analyse du coût de maintenance d'un EIU et limite finalement sa capacité à prendre des décisions stratégiques concernant le financement de l'équipement EIU.

Dans l’ensemble, on constate que la surveillance et l’analyse limitées empêchent la direction de l’AC de prendre des décisions stratégiques pour les EIU.

Conclusion

Nous avons constaté qu’en ce qui a trait au premier objectif, un cadre de gestion est généralement en place. Cependant, quelques améliorations sont requises pour veiller à ce que le cadre appuie l’atteinte efficace des objectifs des EIU. Les aspects visés devraient être les directives du SCC qui n’incluent pas une définition du soutien ni du toucher thérapeutique, et n'est pas cohérent en ce qui concerne la prise en compte des informations sur la santé des délinquants lors de l'élaboration de la SMEAC. En plus, la formation des responsables de l’intervention en cas d’urgence qui n’appuie pas entièrement l’acquittement des responsabilités, et le manque de surveillance et d’analyse a jusqu’à présent empêché le SCC de prendre des décisions stratégiques pour les EIU.

3.2 Gestion des équipes d’intervention d’urgence

Le second objectif de cet audit consistait à confirmer que les EIU sont gérées efficacement.

La gestion et le déploiement des EIU ont été examinés sous quatre angles : le recrutement et le maintien en poste, le matériel, les horaires et le déploiement ainsi que le respect des exigences. L’annexe A présente les résultats généraux pour tous les critères d’audit.

3.2.1 Recrutement et maintien en poste

Nous nous attendions à constater que le SCC dispose des mécanismes et des processus nécessaires pour le recrutement et le maintien en poste des membres de ses EIU.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs les trois aspects liés au recrutement et au maintien en poste qui nécessitent un examen approfondi par la direction.

La direction d’établissement ne dirige pas toujours le processus de recrutement des EIU.

Nous nous attendions à constater que le SCC dispose des mécanismes et des processus nécessaires au recrutement des membres de ses EIU. Nous avons pu remarquer que les établissements ont recours à un processus officiel de recrutement des membres des EIU et que, même si ces processus ne sont pas définis, ils incluent habituellement un appel au personnel, une entrevue, un test physique et une vérification de l’aptitude des candidats. De plus, le personnel d’établissement que nous avons interviewé estimait que ces processus étaient justes et inclusifs, et les résultats de notre examen de dossiers montrent que les EIU sont en mesure d’accomplir les tâches qui leur sont assignées conformément aux exigences. Enfin, la direction d’établissement n’a pas exprimé d’inquiétude quant à la capacité des EIU d’accomplir les tâches qui leur sont assignées. Or, nous avons observé que les établissements ne s’assurent pas tous que la direction dirige le processus de recrutement. À titre d’exemple, nous avons observé certaines EIU qui vérifiaient les candidats avant que la direction puisse mener une évaluation, engendrant ainsi le risque d’un traitement de faveur et d’interférences lors du processus de recrutement.

La plupart des lettres d’entente des membres des EIU ne sont pas signées et/ou versées au dossier.

Rappelons d’abord qu’en vertu de la DC 600, chaque nouveau membre d’une EIU doit signer une lettre d’entente. Cette lettre précise les conditions de l’entente d’adhésion à l’EIU et doit être signée avant le début de la formation initiale du membre. Nous avons toutefois constaté que seulement 18% (51/276) des membres des EIU des établissements visités avaient signé des ententes. En général, nous avons constaté qu’une certaine incertitude entoure la gestion des ententes, qui n’est par ailleurs pas la même d’un établissement à l’autre. La direction et le personnel de certains établissements croient notamment que les ententes sont signées lors de la formation initiale des EIU, mais ignorent où elles sont rangées, tandis que dans d’autres établissements, ce sont les chefs d’équipe qui gèrent les ententes. Précisons que le fait que des membres effectuent leurs tâches sans même avoir signé d’entente pourrait entraver l’application des conditions qui ne sont autrement pas énoncées dans la loi ou dans les DC (p.ex., départs).

La lettre d’entente des membres des EIU établit les exigences de départ de l’EIU et stipule notamment que l’acceptation d’un départ dépend de l’effectif des membres ainsi que du besoin de trouver et de former un nouveau membre. Toutefois, l’exigence selon laquelle un membre doit rester au sein de l’équipe jusqu’à ce qu’un remplaçant lui soit trouvé, sans période définie pour le faire, ne résisterait probablement pas à une contestation puisqu’elle contredit la nature du modèle de volontariat sur lequel se basent les EIU. Ainsi, même si les ententes des membres sont signées, le SCC pourrait ne pas être en mesure d’appliquer les conditions de départ de l’EIU.

Dans l’ensemble, ces problèmes augmentent le risque que les établissements ne soient pas en mesure de maintenir leur capacité nécessaire pour intervenir en cas d’urgence. Ce risque est par ailleurs exacerbé par le fait que beaucoup d’établissements n’ont pas de PE en place avec les services de police (consulter la partie 3.2.4 pour en savoir plus), un autre contrôle d’atténuation à l’égard du modèle de volontariat des EIU.

Les gestionnaires correctionnels sont des membres des EIU.

Comme stipulé dans la DC 600, « les nouveaux membres des [EIU] seront sélectionnés parmi les groupes des agents correctionnels, [des] intervenants de première ligne et des agents de formation du personnel ». Notre examen de la composition des EIU a révélé que 50% (9/18) des établissements inclus dans l’audit comptaient au moins un gestionnaire correctionnel (GC) parmi les membres de leur EIU. Or, cette situation pose certains problèmes puisque des GC risquent alors de devoir suivre les instructions d’un chef d’équipe qui occupe pourtant un poste subalterne (de nombreux chefs d’équipe sont des CX-1 ou des CX-2). Dans le cas, par exemple, où le GC était le responsable de la gestion de la situation d’urgence, le chef de l’EIU se verrait alors contraint de demander l’approbation de l’un des membres de l’équipe, soit du responsable en question, pour le plan d’action SMEAC. En outre, dans une telle situation, le chef d’équipe pourrait également se retrouver à traiter la demande de son responsable quotidien, dans le cas où cette personne présente une demande d’adhésion à l’EIU, ou encore à évaluer le rendement de son responsable s’il se trouve à être l’un des membres de son équipe, ce qui contrevient à l’ordre hiérarchique établi.

3.2.2 Matériel

Nous nous attendions à constater que le SCC dispose bel et bien du matériel nécessaire au soutien de ses EIU.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs l’aspect lié au matériel qui nécessite un examen approfondi par la direction.

Les pratiques de gestion d’inventaire sont insuffisantes.

L’inventaire national normalisé du matériel de sécurité du SCC a été créé afin de rationaliser l’enregistrement et la déclaration du matériel en question et de normaliser le processus à l’échelle nationale. Il sert également de base de données en temps réel du matériel disponible pendant un incident majeur et aide à la coordination de l’équipement, au besoin Note de bas de page 21. Or, des entrevues auprès des ARES ont révélé que l’inventaire national n’est pas régulièrement mis à jour; certains établissements tiennent des registres non officiels (p.ex., tableurs Excel) pour faire le suivi de leur inventaire et utilisent cette information pour actualiser l’inventaire national. De plus, dans certains établissements ce sont les chefs d’EIU qui sont chargés d’assurer le suivi du matériel (p.ex., outils d’ouverture de brèche, équipement de protection individuel, etc.). Pourtant, ils sont nombreux à souligner qu’ils n’ont pas le temps de gérer et de mettre à jour régulièrement leur inventaire et que le matériel attribué aux membres des EIU n’est souvent pas consigné. Aussi, nous avons également constaté que l’accès physique aux dépôts d’armes n’était pas toujours bien contrôlé. D’ailleurs, les ARES ont indiqué que diverses personnes (p.ex., agents de formation du personnel, chefs d’EIU, GC) ont accès aux dépôts d’armes et qu’elles retirent des articles (munitions et munitions à gaz, par exemple) sans le signaler, ce qui empêche la tenue de registres précis. Les répercussions d’un mauvais contrôle de l’inventaire sont évidentes : l’inventaire physique des munitions, des munitions à gaz et du matériel des EIU (p.ex., outils d’ouverture de brèche, matériel de surveillance, etc.) correspondait à l’inventaire national pour seulement 33% (5/15) des établissements visités. En outre, de nombreux établissements avaient des quantités excessives de munitions à gaz périmées et de matériel manquant. Nous n’avons pas non plus eu l’occasion de vérifier la disponibilité de l’équipement personnel (p.ex., bottes, gants, etc.) attribué aux membres des EIU en raison de l’absence d’une piste de vérification.

Soulignons qu’un mauvais contrôle de l’inventaire exacerbe le risque de perte ou de vol de matériel et empêche le SCC de s’assurer que le matériel requis est disponible lorsque nécessaire. Il peut également nuire à l’approvisionnement, causer une augmentation des coûts et empêcher le SCC de surveiller et d’évaluer les coûts totaux relatifs aux EIU.

3.2.3 Horaires et déploiement

Nous nous attendions à constater une gestion efficace du SCC dans l’établissement des horaires des membres des EIU et le déploiement de ces équipes.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs l’aspect lié aux horaires de travail qui nécessite un examen approfondi par la direction.

Le déploiement des EIU n’est pas uniforme d’un établissement à l’autre.

Selon le modèle actuel des EIU, le responsable de l’intervention en cas d’urgence est chargé de déterminer, selon l’évaluation des risques de la situation, quand déployer l’EIU. Cependant, les examens de dossiers et les entrevues avec la direction d’établissement et le personnel nous ont permis de relever entre les établissements d’un même niveau de sécurité des incohérences quant aux types de situations dans lesquelles les EIU sont appelées à intervenir. Alors que la formation des responsables de l’intervention en cas d’urgence décrit les situations dans lesquelles les EIU ont été formées pour intervenir, les directives du SCC n’apportent pas de précisions supplémentaires quant à l’équipe à déployer (EIU ou personnel opérationnel) dans ces situations. Nous avons notamment observé que dans certains établissements, c’est le personnel opérationnel qui effectue généralement les extractions de cellules alors que dans d’autres, ce sont les EIU. En outre, nous avons remarqué que la culture des établissements joue un rôle important dans la sélection de l’équipe appropriée. En effet, dans certains cas, des déploiements antérieurs d’EIU ont amené le personnel à s’attendre à ce qu’à l’avenir, les EIU interviennent dans des situations futures semblables.

Le manque d’uniformité dans le déploiement pourrait inciter le personnel opérationnel à croire qu’il n’est pas responsable d’intervenir dans des situations où certains établissements font plutôt appel aux EIU, ce qui laisse alors la culture organisationnelle influencer les décisions concernant le déploiement des EIU. Avec le temps, ces incohérences pourraient donner lieu à une surutilisation des EIU et à une augmentation des coûts (indemnités, heures supplémentaires, etc.). On pourrait également se demander s’il serait pertinent que le personnel opérationnel reçoive l’indemnité accordée aux EIU ou suive de la formation supplémentaire pour le préparer à des interventions habituellement menées par les EIU dans d’autres établissements.

3.2.4 Conformité aux exigences

Nous nous attendions à constater que les activités principales ont été réalisées conformément aux exigences.

Les aspects suivants ont satisfait aux attentes de l’équipe d’audit pour ce critère :

Voici par ailleurs l’aspect lié à la conformité qui nécessite un examen approfondi par la direction.

Des PE avec les services de police ne sont pas toujours en place comme l’exige la DC 600.

La DC 600 exige l’établissement d’un PE national avec la GRC qui décrit le type de soutien qui pourrait être apporté au SCC lors d’une urgence. Aussi, les établissements du SCC qui ne font pas affaire avec la GRC doivent signer un PE avec le service de police compétent. Toutefois, nous avons constaté que seulement 17% (2/12) des établissements qui ne reçoivent pas des services de la GRC ont signé un PE avec un service de police compétent. La plupart des directions des établissements non conformes croyaient qu’il incombait aux AR d’établir ces PE; or, la DC 600 indique clairement que cette responsabilité revient au directeur d’établissement. De plus, nous avons constaté que certaines institutions ne disposaient que de projets de PE, qui n'avaient pas encore été finalisés. L’absence de PE augmente le risque que les établissements n’aient pas la capacité d’intervenir en cas d’urgence lorsqu’ils ont besoin d’une aide extérieure, ce qui par ricochet, augmente les chances de conséquences négatives lors d’une urgence.

Conclusion

Nous avons constaté en ce qui a trait au second objectif que les EIU sont généralement bien gérées, mais que des améliorations pourraient être apportées en vue d’assurer la conformité aux exigences. Les aspects visés devraient être les lettres d’entente des membres des EIU qui ne sont généralement pas signées ou versées au dossier, les GC qui sont souvent des membres des EIU, et l’absence de PE avec les services de police. Aussi, les pratiques de gestion d’inventaire sont insuffisantes, et le déploiement des EIU manque d’uniformité à l’échelle nationale.

Annexe B : Choix du site

Le choix des établissements suivants est fondé sur un certain nombre de points de données, y compris le volume d’utilisation des EIU (utilisation élevée et faible), les plaintes officielles touchant les relations de travail (visées aux articles 127.1 et 128) et le nombre de déploiements d’EIU, exprimé en pourcentage du nombre total d’incidents de sécurité qui sont survenus dans l’établissement.

Région Établissement
Atlantique

Établissement de l’Atlantique
Établissement Nova pour femmes
Centre de rétablissement Shepody (Pénitencier de Dorchester)
Administration régionale

Québec

Établissement Joliette*
Établissement de Port‑Cartier*
Centre régional de réception/Unité spéciale de détention
Centre régional de traitement (Établissement Archambault)
Administration régionale

Ontario

Établissement de Collins Bay
Établissement Grand Valley*
Établissement de Millhaven
Centre régional de traitement (Établissement de Bath)
Administration régionale

Prairies

Établissement d’Edmonton
Établissement d’Edmonton pour femmes
Centre psychiatrique régional
Pénitencier de la Saskatchewan
Administration régionale

Pacifique

Établissement de la vallée du Fraser
Établissement de Kent
Établissement de Mission
Centre régional de traitement (Établissement du Pacifique)
Administration régionale

AC Divers secteurs

Annexe C : Directives du commissaire et lignes directrices

  1. DC 566-6 – Escortes de sécurité
  2. DC 566-7 – Fouille des délinquants
  3. DC 567 – Gestion des incidents
  4. DC 567-1 – Recours à la force
  5. DC 567-2 – Utilisation des dispositifs d’alarme et intervention en cas d’alarme
  6. DC 567-3 – Utilisation de matériel de contrainte à des fins de sécurité
  7. DC 567-4 – Utilisation d’agents chimiques et inflammatoires
  8. DC 567-5 – Utilisation des armes à feu
  9. DC 568-1 – Consignation et signalement des incidents de sécurité
  10. DC 577 – Protocole relatif au personnel dans les établissements pour délinquantes
  11. DC 600 – Gestion des cas d’urgence dans les unités opérationnelles
  12. LD 005-1 – Structure de gestion des établissements

*L’équipe d’audit n’a pas visité ces établissements et a effectué ses tests à distance.

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