Histoires de diversité en milieu de travail – CJ Bryant - Service correctionnel Canada

Le commissaire Don Head en compagnie de CJ Bryant

À ma naissance, deuxième fille de la famille, mes parents m'ont nommée Connie. Aujourd'hui, je me nomme Conner et je suis le premier fils de mes parents. Je suis un transgenre en voie de changer de sexe. Je travaille comme intervenant de première ligne à l'Établissement pour femmes Grand Valley.

J'ai commencé à travailler au Service correctionnel du Canada (SCC) en novembre 2005, à l'âge de 24 ans, comme intervenante de première ligne à l'Établissement d'Edmonton pour femmes. À ce moment-là, on disait ouvertement que j'étais une « lesbienne ». C'est en 2006 que j'ai commencé à réfléchir de nouveau à l'idée d'être transgenre, à penser à ce que cela signifiait pour moi et à voir si cela me convenait. Tout ça avait du sens, mais j'étais effrayé. Je voulais qu'on me perçoive comme un homme, car c'était de cette façon que je me sentais à l'intérieur. En y réfléchissant, j'ai eu le goût de prendre de la testostérone et d'avoir recours à la chirurgie. Je voulais aller jusqu'au bout pour avoir l'air de ce que j'avais toujours été à l'intérieur. J'ai d'abord pensé à ma carrière avant de décider de faire quoi que ce soit. Questions et pensées se bousculaient dans ma tête : ce que les gens allaient dire de moi, la possibilité d'être mise de côté et d'être victime de discrimination et ce à quoi j'allais ressembler. Je me demandais si j'étais assez fort pour résister aux critiques et assez courageux pour montrer au grand jour qui j'étais.

En 2006, j'ai commencé la chirurgie. J'ai d'abord eu une reconstruction de la poitrine, mais je n'ai pas été plus loin pendant un bon bout de temps. Honnêtement, j'avais peur de faire savoir aux gens que j'étais un transgenre. Je ne savais pas de quelle façon on me traiterait au travail.

Ce n'est pas tout le monde qui aime son travail, mais moi, oui. J'AIME MON TRAVAIL! Si j'en venais à moins aimer mon travail en raison de la discrimination ou de l'incompréhension des autres vis-à-vis mon changement de sexe, j'aurais été dévasté. Je n'étais pas prêt à prendre ce risque. Je n'étais pas certain de recevoir leur soutien. Je ne savais pas si je pourrais travailler dans un milieu positif afin de vivre ma transition ouvertement. J'étais peut-être trop sensible à l'époque, mais j'avais de bonnes raisons de l'être. Je manquais d'assurance, je ne comprenais pas exactement ce qui se passait en moi et, encore une fois, j'aimais mon travail.

En 2008, j'ai été muté de l'Établissement d'Edmonton pour femmes à l'Établissement de Grand Valley, en Ontario. En 2010, j'ai décidé que c'était cet endroit qui convenait pour poursuivre mon changement de sexe ouvertement et j'étais convaincu que l'on m'appuierait. Bien entendu, certains ne verraient pas d'un bon œil ce changement, mais j'estimais recevoir l'appui d'au moins 80 % du personnel.

J'ai commencé par en discuter avec une représentante syndicale. Je lui ai expliqué ma situation et lui ai demandé si la direction pouvait faire quoi que ce soit contre moi si je subissais un changement de sexe tout en poursuivant mon travail. Après en avoir discuté, j'avais l'assurance que je pouvais faire le grand saut. En juillet 2010, j'ai rencontré un membre de la direction et je lui ai expliqué que j'étais un transgenre. Je lui ai indiqué que je prévoyais avoir un changement de sexe et l'ai informé de ce dont j'aurais l'air au travail et des changements pour ce qui est de mes fonctions. Je m'attendais à ce que mon interlocuteur soit quelque peu choqué, mais cela n'a pas été le cas. C'est dans l'ouverture et l'acceptation que mes propos ont été accueillis et on m'a assuré que tout allait bien se passer. À la fin de la rencontre, j'ai été soulagé pendant quelques instants. C'était comme si on m'avait libérée d'un fardeau que je portais, mais je me suis alors rappelé que j'avais à composer avec 120 autres collègues et je me demandais de quelle façon j'allais pouvoir le faire.

Le lendemain, le 8 juillet 2010, j'ai reçu un courriel du directeur d'établissement dans lequel il avait écrit :

« Bonjour CJ,

Je te souhaite tout le succès escompté pour ta transition. Pour ce qui est d'ici à l'EGV, selon moi, tout devrait bien se passer et tu devrais bénéficier de l'appui nécessaire de la part de tes collègues. C'est une grande décision que tu as prise et j'imagine que tu dois y avoir beaucoup réfléchi… Si je peux faire quoi que ce soit pour t'aider, n'hésite pas à m'en faire part. Surtout, si des employés te causent des problèmes, il faut me le faire savoir afin que je puisse te venir en aide – toutefois, il ne devrait pas y avoir de difficultés.

Sincères salutations,

Dave ».

J'ai saisi son offre et j'ai décidé d'informer tout le personnel. Après tout, je n'avais pas à avoir honte. Je n'avais aucune idée des réactions que j'obtiendrais, mais je n'avais pas honte.

Par l'entremise du directeur d'établissement, j'ai envoyé un courriel général à TOUS les membres du personnel de l'Établissement pour femmes Grand Valley. Voici le texte du courriel envoyé le 23 juillet 2010 :

« Vous trouverez ci-après un message de l'intervenante de première ligne CJ Bryant. J'aimerais remercier CJ pour l'ouverture dont elle fait preuve et je suis convaincu qu'elle trouvera chez nous le soutien nécessaire durant sa transition :

Bonjour à tous,

Je tiens à vous faire part d'une expérience que je vis en ce moment; je vous en informe afin que tout se passe bien. J'effectue en ce moment une thérapie transitoire, parce que je suis un transgenre, ce qui signifie que je reçois un traitement hormonal substitutif (testostérone). Vous remarquerez donc que ma voix deviendra plus basse, que la forme de mon corps changera et que, bien évidemment, ma barbe poussera. Je vis cette expérience ouvertement et je n'en ai pas honte.

Si vous avez des questions, n'hésitez pas à me les poser et je ferai tout mon possible pour y répondre.

Merci,

CJ »

J'étais nerveux au plus haut point après avoir envoyé ce courriel. Je ne savais pas ce qu'on allait en dire ou comment on allait y réagir. J'ai été ravi de l'appui que j'ai reçu. On m'a posé des questions auxquelles j'ai pris plaisir à répondre, car je croyais qu'il valait mieux qu'on me les pose plutôt que de parler dans mon dos.

Voici quelques exemples de courriels que j'ai reçus :

« Je suis bien fier de toi! ;) »

« Je sais qu'on ne se connaît pas très bien, mais je tenais simplement à te dire que je te trouve très courageux et que c'est fantastique que tu sois autant à l'écoute de ton corps. Peu d'entre nous le sont. Vas-y, mon homme! :) »

« Wow, CJ! Je te lève mon chapeau pour avoir eu les couilles (drôle de choix de mots, n'est-ce pas?!) d'en parler ouvertement. Tu ne devrais surtout pas avoir honte et je ne peux que te féliciter de faire ce qui est bien pour toi – et j'espère que tous ici t'appuieront et t'encourageront. »

L'appui qui m'a été accordé dépassait toutes mes espérances et c'est encore le cas! Tous les encouragements et l'appui qui m'ont été donnés m'ont fait penser que j'aurais dû poser ce geste bien avant, mais j'ai toujours cru que ce qui doit arriver arrive au bon moment et au bon endroit.

J'en suis au 18e mois de mon traitement hormonal. Je ne me suis jamais senti aussi bien comme personne ou comme intervenant de première ligne du Service correctionnel du Canada. Je me sens redevable à mes collègues de me permettre d'être moi-même et de me sentir en sécurité et aussi à la direction pour son appui et ses encouragements. Non seulement la diversité est-elle acceptée au SCC, mais elle est aussi encouragée et appuyée!

J'ai sauté à pieds joints espérant bien retomber sur le sol. J'ai fait le saut et mes pieds sont bien ancrés au sol. Je n'irai nulle part. Je suis confiant, je suis courageux, je suis un transgenre et je suis moi-même.

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2024-01-09