Le renseignement à l'ère numérique
Le rôle du SCRS dans la cybersécurité
En 2021, le SCRS a continué à recueillir et à analyser des cyberenseignements dans le cadre de son mandat de conseiller le gouvernement du Canada sur l’espionnage, le sabotage et les activités influencées par l’étranger, en prêtant une attention particulière aux réseaux numériques. Le SCRS enquête notamment sur les cyberactivités qui pourraient faire peser une menace sur les intérêts nationaux du Canada, comme les activités d’espionnage, de sabotage et d’ingérence étrangère menées par des moyens informatiques.
Pour enquêter sur ces menaces, le SCRS se sert des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur le SCRS, comme les mandats et les mesures de réduction de la menace, en plus d’entretenir des liens étroits avec des services de renseignement étrangers partenaires ainsi qu’avec des organismes des secteurs public et privé. Le SCRS travaille également en étroite collaboration avec ses partenaires de confiance du gouvernement du Canada, qui ont tous des mandats distincts en matière de cybersécurité, même s’ils partagent un même but : protéger le Canada, la population canadienne et les intérêts canadiens en ligne. Ces partenaires comprennent notamment le Centre de la sécurité des télécommunications, qui fournit des renseignements tirés de transmissions étrangères, le Centre canadien pour la cybersécurité (Centre pour la cybersécurité), qui protège les systèmes gouvernementaux et offre des mesures d’atténuation et de l’orientation technique afin de contrer les cyberattaques contre des infrastructures essentielles et d’autres ordres de gouvernement, et la Gendarmerie royale du Canada, qui poursuit les cybercriminels.
En s’appuyant sur toutes les informations ainsi obtenues, le SCRS aide à repérer les cyberacteurs malveillants, à apprendre leurs méthodes et leurs techniques, à déterminer leurs cibles et à établir leurs motivations et leurs objectifs. Il conseille ensuite le gouvernement du Canada en conséquence.
Comme les Canadiens utilisent de plus en plus d’appareils branchés à Internet, comme des systèmes intelligents de sécurité résidentielle et des appareils médicaux, les acteurs étatiques et non étatiques ont à leur disposition de nombreux nouveaux vecteurs pour mener des cyberactivités hostiles et pour les dissimuler. Il est presque certain que les nouvelles villes intelligentes élargiront considérablement la superficie d’attaque accessible aux cyberintervenants, et il se peut qu’elles créent de nouvelles vulnérabilités dans une foule de secteurs, notamment en ce qui a trait aux services essentiels.
De plus, les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et les mégadonnées sont en train de transformer de façon radicale le monde des sciences ainsi que nos modes de vie et le fonctionnement de nos sociétés. Ces technologies représentent des avancées révolutionnaires qui ne manqueront pas d’avoir un effet transformateur sur la société. Toutefois, elles peuvent également avoir un effet perturbateur sur les intérêts nationaux du Canada si elles sont utilisées comme armes ou si les adversaires du Canada s’en servent pour faciliter leur collecte de renseignements.
Le SCRS s’adapte constamment afin d’enquêter sur les nouveaux auteurs de menace et sur les nouvelles activités liées à la menace qui découlent de l’évolution rapide de la technologie.
Modernisation des pouvoirs
Le SCRS a toujours eu à adapter ses activités en fonction de l’apparition de nouvelles menaces et de nouvelles technologies ainsi que de l’évolution de la situation géopolitique. La Loi sur le SCRS, adoptée en 1984, était une loi moderne, souple et prospective. Pendant de nombreuses années, elle a permis au SCRS de s’adapter aux menaces pour la sécurité du Canada et des Canadiens. Toutefois, depuis 1984, le monde s’est véritablement métamorphosé : la technologie est désormais omniprésente et elle a transformé les menaces qui pèsent sur le Canada, les questions relatives à la protection de la vie privée, le contexte juridique et la façon dont le SCRS mène ses enquêtes sur la sécurité nationale. En 2021, la Loi sur le SCRS accuse son âge. Elle doit être modernisée pour que le SCRS soit en mesure de s’adapter aux menaces et aux moyens de l’avenir.
La Loi sur le SCRS n’a jamais fait l’objet d’un examen exhaustif et n’a pas évolué pour permettre à l’organisation d’affronter les défis propres au contexte actuel de la menace, à la fois mondial et complexe. Même avec les modifications importantes apportées par la Loi de 2017 sur la sécurité nationale, l’évolution de la technologie, l’importance des données en vrac, la diversification et la sophistication croissantes des activités liées à la menace ainsi que de nouvelles décisions juridiques mettent de plus en plus en évidence les limites de la Loi sur le SCRS en 2021.
Les avancées technologiques ont transformé de façon radicale les attentes de la population canadienne en matière de protection de la vie privée. Elle exige désormais d’être bien protégée. Même si les autorisations judiciaires constituent une façon d’atténuer les atteintes à la vie privée découlant de certaines activités, le SCRS dispose d’un seul type de «mandat universel». Cette autorisation, d’abord conçue pour permettre l’interception d’appels téléphoniques sur une ligne filaire, n’a pas la souplesse nécessaire pour répondre aux besoins du SCRS dans le contexte de l’évolution continue des obligations de protection des renseignements personnels. Pour une gamme croissante de techniques peu intrusives, des mesures additionnelles de protection de la vie privée pourraient être suffisantes, sans exiger un recours aux pouvoirs traditionnels prévus dans les mandats. Par exemple, l’information que l’on pouvait autrefois trouver facilement dans des sources ouvertes, comme les bottins téléphoniques, représente aujourd’hui une atteinte à la vie privée parce que le téléphone cellulaire d’une personne ou ses données d’identification en ligne peuvent révéler du même coup des informations sur son mode de vie et ses habitudes. Pourtant, juste pour obtenir cet élément fondamental de toute enquête, le SCRS doit d’abord épuiser toutes les solutions de rechange à sa disposition pour se procurer l’information avant de demander un mandat qui est en tout point identique à celui qu’il lui faudrait demander pour avoir recours aux techniques d’enquêtes les plus intrusives.
Bien des choses ont changé dans les quelque 40 années qui se sont écoulées depuis 1984, mais la nécessité d’établir un équilibre entre la protection de la sécurité nationale et les droits individuels est demeurée inchangée. Le SCRS a toujours disposé de mécanismes rigoureux, notamment un contrôle judiciaire, pour veiller à ce que la vie privée des Canadiens soit protégée lorsqu’il s’acquitte de ses tâches cruciales. De nouvelles dispositions législatives adoptées en 2017 ont renforcé les mécanismes d’examen du SCRS avec la création de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Néanmoins, dans une société démocratique, la sécurité nationale et la protection de la vie privée ne peuvent pas être mutuellement exclusives.
Les Canadiens s’attendent, à juste titre, à ce que le SCRS dispose des pouvoirs nécessaires pour protéger le Canada contre les menaces et à ce qu’il dispose des outils dont il a besoin pour contre les menaces de demain. Toutefois, en réalité, le SCRS a de grands défis à relever pour mener ses activités dans un monde moderne axé sur les données. Pour que le SCRS puisse continuer de mener ses activités comme il l’a toujours fait, les pouvoirs dont il dispose doivent être adaptés aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins de demain.
Comme le Canada met actuellement l’accent sur la reconstruction à la suite de la pandémie, l’occasion est tout indiquée pour établir un dialogue avec les Canadiens au sujet de la sécurité nationale. Il est plus important que jamais de sensibiliser les Canadiens à l’évolution du contexte de la menace et à la façon dont la modernisation du cadre législatif de la sécurité nationale contribuera à les protéger ainsi qu’à protéger les innovations, les investissements économiques et les valeurs démocratiques du pays, bref, l’avenir même du Canada.