Résumé de la réunion du Groupe consultatif sur la transparence de la sécurité nationale (GCT-SN) 14 décembre 2020
Par vidéoconférence
Membres présents
- Michèle Audette
- William Baker
- Khadija Cajee
- Mary Francoli
- Harpreet Jhinjar
- Thomas Juneau (coprésident)
- Justin Mohammed
- Bessma Momani
- Dominic Rochon (coprésident)
- Jeffrey Roy
Membres absents
- Myles Kirvan
Thème de la réunion
- Discussion avec le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité
Invités et conférenciers
- David Vigneault, directeur, Service canadien du renseignement de sécurité
- Tricia Geddes, directrice adjointe, Partenariats politiques et stratégiques, Service canadien du renseignement de sécurité
Résumé de la réunion
La présente réunion spéciale virtuelle du GCT‑SN a eu lieu le 14 décembre 2020 et a accueilli David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), et Tricia Geddes, directrice adjointe, Partenariats politiques et stratégiques du SCRS.
Les remarques et les réponses aux questions du directeur Vigneault et de la directrice adjointe Geddes portent sur un certain nombre de sujets, notamment l’engagement communautaire, la diversité et l’inclusion en milieu de travail, la nouvelle terminologie de l’extrémisme violent, les ensembles de données ainsi que l’examen et la responsabilité.
Mot d’ouverture du directeur Vigneault et de la directrice adjointe Geddes
Le directeur soutient que la confiance des Canadiens dans les efforts du SCRS en matière de sécurité nationale est fondamentale pour la légitimité de l’organisation, son efficacité opérationnelle et sa crédibilité institutionnelle. Il réitère l’engagement du SCRS à faire preuve d’une plus grande transparence à l’égard des menaces auxquelles le Canada fait face et de la façon dont le SCRS mène ses activités, notamment en continuant de mobiliser directement les collectivités.
Il reconnaît que le SCRS a fait l’objet d’un examen minutieux de la part de la Cour fédérale, notamment en ce qui concerne son devoir de franchise, et il déclare que l’organisme travaille activement et collabore étroitement avec ses organes de surveillance pour prendre en compte ces préoccupations et instaurer une culture de conformité plus forte.
Il souligne que le SCRS traverse également une période de transformation interne sous‑tendue par l’accent mis sur les employés de l’organisation, qui constituent en fait sa ressource la plus précieuse. Le directeur Vigneault ajoute qu’il est essentiel que le SCRS soit un milieu de travail inclusif, diversifié et respectueux pour qu’il puisse remplir son mandat et maintenir le niveau d’excellence que les Canadiens attendent de leur service de renseignement.
La directrice adjointe Geddes souligne les efforts du SCRS pour communiquer de façon transparente avec les Canadiens à l’aide du rapport public annuel du SCRS, les changements de terminologie concernant l’extrémisme violent ainsi que le rayonnement auprès des universitaires et des intervenants. Elle réitère que le SCRS s’efforce de mieux comprendre ce que les Canadiens veulent savoir sur les questions de sécurité nationale, y compris sur les institutions de sécurité nationale elles‑mêmes.
La directrice adjointe Geddes mentionne que le SCRS s’engage auprès de diverses collectivités à l’aide de méthodes traditionnelles telles que la Table ronde transculturelle sur la sécurité nationale, mais elle fait également remarquer que le SCRS aimerait aller plus loin et accroître son engagement auprès des collectivités marginalisées et de toute personne qui souhaite se faire entendre.
Elle note qu’il est essentiel pour le SCRS d’avoir des voix plus diversifiées, provenant de tous les horizons et de tout le pays, qui sont en mesure de contribuer aux discussions publiques sur la sécurité nationale et la transparence.
Les deux invités spéciaux parlent des défis inhérents liés à la transparence, étant donné la nature des organismes de sécurité et de renseignement, et ajoutent que le SCRS fait des efforts pour s’améliorer.
Pour conclure, le directeur Vigneault déclare que « la réunion d’aujourd’hui est très important pour nous parce que nous voulons vous entendre à ce sujet. Vous savez, comment ce que nous essayons de faire est perçu, comment, sur la base de vos conseils et de vos réflexions, nous pouvons faire mieux parce qu’en fin de compte, lorsqu’une bombe explose, lorsque des puissances étrangères manipulent et harcèlent des collectivités, ou minent un processus démocratique, nous sommes tous perdants. C’est pourquoi nous avons tous besoin d’un service de renseignement efficace, responsable et qui représente les valeurs des Canadiens. Et j’espère que grâce au travail que vous faites, et à notre engagement avec vous, nous serons en mesure de mettre en place un monde meilleur. »
Sommaire de la séance de questions et réponses
- Le directeur explique comment le SCRS doit, contrairement à certains autres services de renseignement étrangers qui ont une responsabilité limitée ou nulle, ou seulement une responsabilité sur papier, rendre des comptes à près de vingt organismes, à l'intérieur et à l'extérieur du gouvernement. Il soutient que le nombre d’organismes auxquels le SCRS doit rendre des comptes est très différent de celui de certains autres services de renseignement étrangers.
- Le directeur Vigneault souligne que les membres du SCRS sont des patriotes, des Canadiens, qui veulent assurer la sécurité et la prospérité du Canada, mais qui veulent aussi le faire d’une manière qui reflète les valeurs du Canada et qui respecte les lois canadiennes.
- Il mentionne que le SCRS a lancé, en 2017, un nouveau plan stratégique comportant trois piliers spécifiques : la pertinence, l’excellence et la confiance. Le directeur Vigneault déclare que le SCRS devait prouver sa pertinence en tant qu’organisme de renseignement dans un environnement de menace en évolution, se concentrer sur son excellence en demandant aux employés de trouver des moyens de réussir avec des ressources limitées et dans un environnement de menace complexe, et s’assurer que le SCRS a la confiance des Canadiens, la confiance de ses employés dans l’organisme, la confiance des différents acteurs de la société civile, y compris les tribunaux, le Parlement et les organismes de défense des libertés civiles.
- Les invités spéciaux réitèrent que le SCRS fait de la sensibilisation auprès d’intervenants inhabituels et qu’il essaie activement de sortir de sa zone de confort pour s’adresser à divers organismes afin d’engager un dialogue essentiel à la sécurité nationale.
- Ils reconnaissent qu’il y a eu un certain nombre de critiques contre le SCRS et d’autres organismes sur la façon de décrire les organisations et les événements terroristes. Le directeur mentionne que le SCRS a été informé que des gens, en particulier ceux des collectivités musulmanes, étaient très contrariés et en colère lorsqu’un acte de violence perpétré par une personne musulmane était qualifié de terrorisme, alors que lorsqu’un acte similaire était perpétré par une personne de race blanche, il était qualifié d’acte criminel ou violent. Le directeur décrit comment le SCRS a réfléchi à ces questions et a proposé une nomenclature différente pour traiter le problème.
- Les deux invités parlent de la façon dont le SCRS a été un chef de file au sein de la collectivité de la sécurité nationale, au Canada et dans le monde, en changeant la façon dont sont communiquées les menaces de terrorisme et d’extrémisme violent. Ils soulignent comment le SCRS a lancé la nouvelle terminologie sur l’extrémisme violent pour tenter de s’éloigner de la définition de cette menace par une affiliation religieuse particulière ou par la position d’une personne sur l’échiquier politique, afin d’éviter d’utiliser un langage que les gens avaient trouvé assez dérangeant.
- Ils font remarquer comment l’extrémisme violent à caractère idéologique (EVCI) est lié à une variété d’acteurs, y compris les suprémacistes blancs néonazis, les ethnonationalistes, les personnes qui épousent la violence contre les femmes comme les soi-disant célibataires involontaires, y compris la personne qui en a tué dix à Toronto il y a deux ans, et comment le Canada a été le deuxième pays au monde à inscrire les groupes suprémacistes blancs sur la liste des organismes terroristes, il y a deux ans.
- Le directeur Vigneault déclare qu’il espère que les Canadiens verront que l’extrémisme violent a de nombreuses motivations différentes et n’est pas propre à une seule collectivité, race ou religion. Il souligne que le SCRS a réalisé des travaux, tant en ce qui a trait aux enquêtes qu’à la méthodologie, pour tenter de déstigmatiser la façon dont est perçu l’extrémisme violent.
- La directrice adjointe Geddes mentionne qu’il existe également un certain ressentiment à l’égard de la façon dont le SCRS faisait auparavant allusion à des extrémistes violents à motivation religieuse. Elle explique que le SCRS a réfléchi à cette question et a pris la décision très concrète de s’éloigner du langage qui définissait les menaces, par exemple, comme l’extrémisme islamique sunnite. Tout en notant que le terme « extrémisme violent à motivation religieuse » n’est pas parfait, elle ajoute que cette nouvelle terminologie est conforme à celle de la Loi sur le SCRS. Elle souligne également que le SCRS accueille favorablement les commentaires de groupes tels que le GCT‑SN s’il n’utilise pas la bonne terminologie.
- Interrogé précisément sur la perte de confiance des collectivités musulmanes envers le SCRS, le directeur Vigneault fait remarquer qu’il y a souvent des idées fausses sur les organismes de renseignement qui enquêtent sur des personnes qui ne sont pas des menaces, et qu’il existe des malentendus des deux côtés. Il soutient que le SCRS a rendu public le nombre de cibles qu’il a sur sa liste et indique que, si l’on tient compte du nombre de cibles et de la taille de l’organisme, il est clair que le SCRS n’a pas le temps de chasser les menaces qui n’existent pas, parce qu’il y a trop de véritables menaces prioritaires.
- Lorsqu’il est interrogé sur les préoccupations de certains musulmans canadiens concernant le fait que le SCRS se rende sur leur lieu de travail ou d’études et les harcèle prétendument, le directeur explique que le SCRS a des procédures très strictes relativement au travail d’enquête dans une institution fondamentale canadienne, comme une université. Il demande également des conseils sur la façon dont le SCRS peut mieux travailler avec les collectivités pour résoudre ce problème. Il décrit comment il est important pour le SCRS d’avoir la confiance des Canadiens, car cette confiance est fondamentale pour l’efficacité opérationnelle. Il ajoute que la seule façon pour le SCRS de rendre des comptes est de s’attaquer directement au problème, et c’est pourquoi il travaille avec des organismes pour comprendre ces incidents et pourquoi certaines personnes et certaines collectivités ne font pas confiance aux méthodes de travail du SCRS.
- Lorsqu’on l’interroge sur l’islamophobie et le racisme systémique au SCRS, le directeur déclare qu’il est d’accord avec les membres du GCT‑SN, que la culture du SCRS doit évoluer. Il ajoute avoir dit publiquement et en privé à ses employés que le racisme systémique existe bel et bien ici, qu’il y a un niveau de harcèlement et qu’il y a une peur des représailles au sein de l’organisme. Il mentionne que le SCRS a lancé une évaluation du lieu de travail pour aborder ces questions.
- Le directeur Vigneault explique que l’évaluation du milieu de travail est un plan d’action très concret qui fait l’objet de rapports réguliers et auquel participent les employés. Il indique que pour changer une culture, il faut mobiliser directement les employés, et c’est pourquoi il a fallu au SCRS un an et demi pour réviser le code de conduite de ses employés. Il soutient que ce long intervalle était nécessaire en raison du grand nombre de groupes de discussion avec les employés.
- Le directeur souligne que l’objectif du SCRS en ce qui concerne l’évaluation du milieu de travail était de créer un environnement où les gens pourraient frapper à n’importe quelle porte dans le milieu de travail pour dire « il y a quelque chose qui ne va pas ici », ou « le comportement de cette personne est inacceptable », ou « ce qui m’est arrivé à ce sujet, je ne peux pas l’accepter » afin qu’ils puissent se sentir en sécurité et en confiance pour signaler ces incidents, et qu’ils sachent que leurs problèmes seront entendus et traités.
- Interrogé sur les principaux défis que le SCRS doit relever en matière de données et sur la façon dont il entend être plus transparent sur ses capacités en la matière, le directeur explique qu’en 2020, il est impossible de faire de l’analyse et du renseignement sans données. Il souligne à quel point le pouvoir des données est phénoménal et mentionne comment d’autres services de renseignements, comme les médias l’ont rapporté, ont utilisé des données de source ouverte, ont fait le suivi de certains téléphones cellulaires ou ont employé des données de voyage pour reconstituer les opérations secrètes de certains acteurs étatiques hostiles, et qu’ils ont pu le faire grâce aux données. De même, ajoute‑t‑il, ces acteurs étatiques hostiles récoltent de très grandes quantités de données et alimentent leurs algorithmes d’intelligence artificielle afin de pouvoir détecter des schémas, ou par exemple, déterminer qui sont les personnes associées à certains groupes communautaires qui s’opposent aux vues de cet État, les membres de la famille de cette personne, les personnes sur lesquelles l’acteur étatique peut faire pression, etc. Le directeur prévient que ce sont les utilisations négatives des mégadonnées qui préoccupent le SCRS. C’est pourquoi, déclare‑t‑il, le SCRS s’adresse aux Canadiens, au gouvernement et à divers organismes pour leur dire « vous devez protéger vos données parce que c’est ce qui peut tenir lieu d’arme par un certain nombre d’acteurs étrangers ayant des perspectives et des programmes différents ».
- La directrice adjointe Geddes mentionne que le gouvernement a déployé de grands efforts pour moderniser les pouvoirs du SCRS en présentant et en adoptant une nouvelle loi, le projet de loi C‑59. Elle déclare que, même si la législation a été rédigée relativement rapidement et est entrée en vigueur relativement récemment, le SCRS continue de faire face à des défis afin d’intégrer des ensembles de données dans le nouveau cadre. Elle souligne que ce sujet est très complexe, car si le SCRS a besoin de données pour faire son travail, il importe également de protéger les renseignements personnels des Canadiens.
- Lorsqu’on lui pose des questions sur l’engagement de la collectivité à l’échelle locale, le directeur Vigneault indique que la sensibilisation et l’engagement du SCRS prennent diverses formes. Il explique que le SCRS mène des activités de sensibilisation pour se faire connaître et établir une relation de confiance avec les collectivités qui peuvent ne pas comprendre ce que fait l’organisme, et qu’il mène également des activités de sensibilisation et d’engagement opérationnelles. Il déclare que « fondamentalement, les activités de sensibilisation et d’engagement visent à protéger les Canadiens contre le terrorisme, l’espionnage, le sabotage et la prolifération. Pour que nous puissions protéger les gens, nous devons les comprendre et les entendre ».
- Lorsqu’on lui pose des questions sur le devoir de franchise du SCRS et sur l’idée de demander à des conseillers juridiques externes de donner des avis au Service, la directrice adjointe Geddes explique que le SCRS avait eu des conversations avec ses homologues américains au sujet d’initiatives de transparence, et qu’il avait constaté que les États-Unis avaient une attitude ouverte à l’égard de la publication d’avis juridiques. Elle fait remarquer qu’il y a une certaine complexité, mais que plus de renseignements pourraient être fournis sur la façon dont la Loi sur le SCRS est interprétée de façon générale. Elle souligne que les avis juridiques spécifiques, y compris les renseignements privilégiés avocat-client, resteraient protégés.
- La directrice adjointe Geddes mentionne également que l’organisme prend des mesures concrètes pour mettre en œuvre un régime de formation rigoureux afin d’aider les employés à comprendre leurs responsabilités individuelles en ce qui concerne le devoir de franchise, depuis le tout début d’un dossier jusqu’à la comparution d’une personne dans une salle d’audience.
- Le directeur Vigneault et la directrice adjointe Geddes demandent que le GCT‑SN les tienne responsables de leurs commentaires au cours de la réunion, les mette au défi et travaille avec eux pour s’assurer qu’ils ne se contentent pas de dire ce qu’ils pensent être les bonnes choses à dire, mais que l’organisme et qu’eux, en tant que leaders au sein de l’organisme, soient tenus responsables.
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