Prendre une tête d’avance sur les commotions cérébrales

Transcription

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[Son de pouls] 

[Musique]

Annie J. Stewart : Bonjour, mon nom est Annie Stewart et bienvenue à Canadiens en santé, un endroit où nous vous offrons des conversations nuancées avec des experts de la santé. Notre discussion aujourd'hui porte sur les TCC ou les traumatismes cranio cérébral, communément anommé commotion cérébrale. Pour en parler avec moi je vous présente mon invité docteur Miriam Beauchamp, chair de recherche du Canada en traumatisme cranio cérébraux pédiatrique et professeur titulaire au laboratoire ABC du département de psychologie à l'Université de Montréal. Nous discuterons de risque, de prévention, et des avancés dans la recherche sur les TCC.

Mais d’abord, le balado Canadiens en santé vous est présenté par Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada. Les échanges durant le balado ne refléteront pas toujours les politiques officielles du gouvernement du Canada. Ce sont des conversations, pas un communiqué de presse. Maintenant, parlons de commotion cérébrale.

[Son de pouls] 

Annie : Donc, bonjour Miriam! Donc, ce matin on parle de commotions cérébrales. Et puis, quand on parle de commotions cérébrales, moi tout de suite, je repense là, début des années 2010, à peu près en 2013, il y avait le cas quand même assez célèbre de la mort prématurée de Rowan Stringer. Donc, une athlète au secondaire qui jouait au rugby et puis... un secondaire d'Ottawa... Donc, elle est décédée de ce qu'on appelle le syndrome du deuxième impact, suite à quelques commotions cérébrales, peut-être non détectées ou non diagnostiquées.

Il y a eu une loi en 2016 avec des recommandations justement pour faire plus de prévention. Mais en 2024, puisqu'il y a des choses comme ça qui sont maintenant en place, est-ce que c'est encore pertinent de parler de commotions cérébrales et de prévention?

Miriam Beauchamp, neuropsychologue : Absolument! C'est encore très très pertinent. C'est un cas un tragique évidemment. Un cas très très triste et grave, qui a fait changer quand même certaines, certaines règles, certaines politiques au niveau de la gestion des commotions cérébrales. Mais notre travail est jamais terminé. Le taux de prévalence et de commotions cérébrales chez les enfants, les adolescents, même les adultes est très élevé.

On connaît tous probablement quelqu'un qui a eu une, ou plusieurs même, commotions cérébrales. Souvent, quand moi je parle avec des gens, ils vont me dire : « Ah oui! Moi j'en ai eu dans mon passé. » Donc, la plupart des Canadiens, c'est une thématique qu'ils connaissent, même s'ils savent pas tous les détails médicaux ou biologiques, neurologiques, c'est encore très très pertinent.

On a encore beaucoup de travail à faire parce que les recommandations changent tout le temps.

Annie : OK

Miriam : La science change tout le temps. On a des nouvelles connaissances, puis ces nouvelles connaissances-là, on doit les transmettre aux Canadiens justement. Puis, s'assurer qu'ils sont bien sensibilisés aux effets des commotions cérébrales et à leur prévention.

Annie : En effet, puis je pense que, il y a peut-être une perception que les commotions cérébrales ça se passe plus dans les sports, mais c'est pas nécessairement le cas?

Miriam : Non, effectivement. Effectivement, il y en a beaucoup qui se passent dans les sports. On pense particulièrement aux sports de contact, comme le football ou le hockey, mais dans d'autres sports aussi.

Historiquement, on a mis beaucoup de lumière sur les commotions dans le contexte du sport, en raison aussi de ces sports de contact-là, en raison aussi de la grande médiatisation, par exemple des sportifs professionnels.

Annie : Oui. Oui.

Miriam : Les [inaudible] qu'on aime suivre, puis qu'on voit à la télévision. Mais malheureusement, des fois, ça enlève un peu l'attention des commotions cérébrales qui arrivent dans d'autres contexte, puis qui sont aussi extrêmement communs. On pense ici par exemple aux chutes. Des chutes à tous les âges, mais surtout chez les jeunes enfants.

Annie : Oh! Ça me surprend! Quand tu dis chutes, je pensais peut-être... OK, les personnes un peu plus âgées. Mais donc, c'est chez les enfants aussi?

Miriam : Oui. Mais, on pourrait peut-être y penser dans les extrêmes des âges. Effectivement, les personnes plus âgées sont à risque de chute, surtout au Canada sur la glace l'hiver par exemple, ou s'ils ont des problèmes d'équilibre. Mais, quelque chose que les jeunes, les gens ne savent pas tellement, c'est que les commotions cérébrales sont aussi très très communes en bas âge. Donc, avant l'âge de 6 ans. Et c'est particulièrement en raison du fait que les jeunes enfants sont susceptibles aux chutes eux aussi.

Annie : Et puis donc, ces chutes-là, c'est en jouant, c'est en apprenant à marcher? Des fois, c'est même, peut-être quand, comme si le parent, comme manque d'attention? Ou est-ce que... dans quel contexte est-ce que les enfants tombent?

Miriam : Oui ben. Comme tout parent sait, on peut pas toujours avoir nos yeux sur nos enfants. On est occupé. Les parents sont occupés. Donc oui, il peut arriver des accidents. Par exemple à la maison, on pense au danger des escaliers par exemple. Mais aussi dehors, dans les modules de jeux ou...

Annie : Oui.

Miriam : Dans d'autres contextes.

Annie : Oui. Et puis donc, il y a une chute. Admettons qu'un parent voit que son enfant tombe d'une structure de jeu et puis l'enfant se relève. À quel moment est-ce qu'on se dit, est-ce qu'il y a eu un trauma crânien? Ou est-ce qu'on doit consulter un professionnel de la santé? Qu'est-ce qu'on fait?

Miriam : Hum hum. C'est une bonne question. Puis, c'est une question qui est complexe à répondre. Je dirais pour commencer que, on veut pas nécessairement que, je veux dire les parents, mais aussi les autres adultes significatifs autour, sentent une pression de devoir, eux, diagnostiquer une commotion ou un traumatisme crânien. Ça, c'est le rôle des professionnels de la santé, des médecins.

Mais effectivement, on sait pas toujours si un enfant chute : « Ah, est-ce que je le laisse continuer à jouer? Il a pleuré un peu. Quand est-ce que je dois aller consulter? » On a des outils au Canada pour donner des pistes aux adultes de l'entourage, pour savoir. Donc, il y a certains signes qui sont plus évidents, qui démontrent vraiment des problèmes qui nécessitent une intervention ou une consultation médicale urgente. Je pense ici à des choses comme une perte de conscience, ça c'est assez évident.

Annie : C'est une évidence même, oui.

Miriam : Pour le non expert-là, que l'enfant doit aller à l'urgence. Mais, il y a aussi d'autres symptômes ou signes connus, comme des vomissements répétés (c'est assez fréquent), une confusion, une perte d'équilibre, des difficultés de mémoire ou qui indiquent aussi une confusion, par exemple répéter toujours la même chose.

Annie : OK.

Miriam : Ce sont des choses qui nécessitent une intervention immédiate. Après, il y a des signes qui sont moins évidents, des maux de tête par exemple, petit problème d'équilibre, voir double, avoir un peu la nausée.

Annie : OK.

Miriam : C'est des choses qui peuvent être moins évidentes pour un parent, mais qui doivent être à l'affût de ces symptômes-là aussi. Si on pense à un enfant en bas âge, qu'est-ce qu'il va faire s'il se sent pas bien? Il va probablement pleurer beaucoup plus.

Annie : Oui

Miriam : Peut-être qu'il va faire une crise, parce qu'il y a pas les mots pour dire : « Je me sens étourdi, confus, j'ai mal à la tête. » Donc, qu'est-ce qu'il va faire? Il va faire une crise. Ils vont aussi rechercher du réconfort, ils vont vouloir peut-être être dans les bras de leurs parents, ils vont peut-être rester proche de l'adulte avec qui ils sont.

C'est tous des signes qu'il faut observer et pas juste attribuer au fameux phénomène des terrible two, de la période des deux ans qui est souvent décrite comme plus difficile. Mais, c'est un défi, parce que c'est des comportements qui sont quand même fréquents et communs à cet âge-là, mais qui peuvent aussi indiquer, avec un historique bien sûr, de chutes ou de blessures ou de coups, que l'enfant n'est pas bien.

Annie : OK. C'est des choses très importantes justement à observer. En tant que parents des fois, on manque de sommeil tout ça, mais c'est important de justement, se dire : « Est-ce que c'est un comportement peut-être normal ou anormal? Ou qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui cause ces sentiments-là chez mon enfant? » Et puis, penser un peu, peut-être plus large que dans le moment, puis c'est une phase développementale, puis ça finit là. Parce que ça peut être, justement, un impact d'une chute.

Plus tôt, quand tu disais « ils vont ressentir les mêmes choses », donc les mêmes choses qu'un adulte ou qu'un adolescent essentiellement? C'est vraiment les mêmes symptômes pour tous les groupes d'âge ou similaires du moins?

Miriam : Ouais. Ben, c'est oui. Effectivement, à cause des mécanismes du cerveau, on pense que ce sont les mêmes mécanismes en général, donc que, oui, même un enfant d'un an ou deux ans va avoir un mal de tête. Ce qui est tout à fait logique dans le contexte d'une telle blessure. Mais que, ils vont pas nécessairement pouvoir dire : « J'ai mal à la tête. »

Donc, ils vont faire quoi? Ils vont peut-être frotter leur tête, ils vont tenir leur tête dans leurs mains, ils vont peut-être avoir besoin de beaucoup plus de repos ou de sommeil. Ça va être leur façon de dire : « Je me sens pas bien. » Tout le monde, quand ils sont malades ou ils ont une blessure, souvent, ils ont envie de se coucher, se reposer, ou peut-être faire une sieste, même un adulte. Donc, l'enfant va aussi demander.

Annie : Ces besoins-là.

Miriam : Ces besoins-là.

Annie : OK. Puis là, tu me décris tout ça. Je me dis, OK, donc, si on peut converser avec la personne qui a une chute, ça aide. Mais quand c'est des enfants en bas âge, ils pourront, ils ont peut-être pas les mots pour mettre sur ces symptômes-là?

Miriam : Ouais, effectivement. C'est le grand grand défi. Puis, c'est entre autres pourquoi il y a relativement peu de chercheurs et même de cliniciens qui s'intéressent vraiment aux jeunes enfants parce que c'est compliqué, c'est difficile.

Donc, si on pense, par exemple, un enfant d'un an, effectivement, il y aura pas les mots du tout pour dire à son parent ou à la personne qui est là : « J'ai mal à la tête ou je suis pas bien ou je suis confus. » Même un enfant de trois ou quatre ans, qui a développé son langage, est-ce qu'il va vraiment comprendre ou pouvoir transmettre l'idée qui se sent confus ou étourdi?

C'est des concepts qui sont eux-mêmes abstraits, abstraits dans leurs sensations, abstraits dans leur interprétation. Donc, il faut prendre une approche différente avec ces jeunes enfants-là pour... il faut être des bons observateurs je dirais.

Annie : OK. Très intéressant. Donc, qu'est-ce qui se passe dans notre corps quand on a une commotion cérébrale? Parce que moi, donc mon expérience personnelle justement, avec les traumatismes crâniens, c'est mon frère. Donc, mon frère à 16 mois de plus que moi. J'étais pas née encore, donc à sept mois, il a tombé, il déboulé les marches dans une marchette. Ce qui a eu comme résultat qu'une fracture crânienne d'une oreille à l'autre. À l'époque, ils ont fait un scan de son cerveau et du crâne. Ils ont vu la fracture. Il n'y avait pas eu d'effritement. Il y a pas eu de morceaux du crâne qui est tombé sur le cerveau. Donc, il pas eu de séquelles comme ça. Mais, à long terme, je veux dire, on parle pas nécessairement d'évaluer si ces gens-là vont être plus à risque de conséquences émotionnelles, physiques ou cognitives?

Miriam : Donc, c'est vraiment un exemple vraiment typique aussi là. C'est un bon exemple. On pourra revenir aussi sur les méthodes de prévention, parce que d'ailleurs les marchettes pour les bébés sont maintenant...

Annie : Interdites, oui.

Miriam : Proscrites, oui. On pourra revenir sur ce sujet-là. Mais pour répondre à la première question, qu'est-ce qui se passe? Des fois, les gens oublient que la commotion cérébrale, en fait ça fait partie de la grande catégorie des traumatismes cranio-cérébraux. Donc, on l'entend dans le mot cranio, donc le crâne, cérébraux, le cerveau. Mais souvent, on oublie qui se passent des choses dans le cerveau après une telle blessure, parce qu'on utilise souvent le terme que, des blessures un peu invisibles.

Donc, je fais le parallèle avec un enfant qui se casse le bras. Il va avoir probablement un plâtre ou une attelle. Donc, ça va rappeler à tout le monde « Ah oui! Cet enfant-là est blessé. » Il peut avoir de la douleur, il peut pas bien se sentir, il peut être irritable parce qu'il a le bras dans le plâtre.

Annie : Il y a une fragilité autour de ça. On se dit, faut pas le brusquer, faut pas le frapper, etc.

Miriam : On va le protéger. On va se souvenir tout le temps. On va avoir un rappel visuel. Dans le cas des commotions cérébrales, tout se passe à l'intérieur de la tête et on le voit pas. Les spécialistes vont pouvoir le voir, par exemple en utilisant des méthodes de neuro-imagerie, donc des images du cerveau.

Annie : OK.

Miriam : Mais il y a pas toujours non plus dans le cerveau un dommage ou une lésion à la structure du cerveau. Donc, dans le cas des traumatismes cranio-cérébraux qu'on appellent modérés ou graves, là, on va avoir des signes vraiment clairs : des saignements dans le cerveau, qu'on appelle des hémorragies, des bleus, des hématomes, des bleus. Ça peut être de l'enflement du cerveau.

Dans le cas d'une commotion cérébrale ou d'un traumatisme cranio-cérébral léger, il peut ne pas avoir ces signes-là, mais avoir vraiment une perturbation à la fonction, au fonctionnement du cerveau. Il peut avoir une perturbation des substances qu'on appelle neurochimique dans le cerveau. Donc, on a des substances chimiques dans le cerveau qui sont, qui sont naturelles et importantes au bon fonctionnement et on peut avoir des dérèglements de cette activité-là, cérébrale.

Annie : Et puis, ça c'est invisible. Donc, il y a pas de scan, il y a pas de façon de voir justement si a eu perturbation?

Miriam : On a certaines techniques qui nous permettent de les voir. C'est souvent les techniques qu'on utilise plus dans le monde de la recherche, parce que c'est des techniques très avancées, très détaillées, puis qui se prêtent parfois moins bien à la gestion urgente dans nos centres hospitaliers. Donc, on a certaines techniques, mais c'est pas nécessairement celles qui sont utilisées au jour le jour-là, quand on consulte puis quand il y a une urgence d'avoir des informations.

Annie : OK. Et puis admettons que il y a eu un traumatisme léger, est-ce qu'il peut quand même avoir des séquelles à moyen long terme? J'assume que, quand il y a des perturbations sévères, que oui les chances sont plus élevées d'avoir des séquelles, mais, donc parle-moi un peu de ça.

Miriam : Oui. Donc oui, effectivement, les mots nous le disent « modérée », « grave ». Donc, c'est souvent corrélé avec des conséquences plus graves. Mais bon, je vais dire la bonne nouvelle en premier! La bonne nouvelle, c'est qu'à l'intérieur d'à peu près un mois, il y a à peu près 70 % des individus qui ont une commotion cérébrale qui sont, qui récupèrent. C'est-à-dire que, après un mois, ils ont plus de symptômes, ils sont de retour dans leurs activités, puis ils se sentent bien.

Après, ça laisse quand même un trente environ là, un 30 % de personnes qui continuent à avoir des symptômes. J'en ai nommé quelques-uns, mais ça peut être des symptômes qu'on dit cognitifs ou mentals, donc des problèmes d'attention, de mémoire, des problèmes physiques. On a parlé tout à l'heure d'étourdissement par exemple ou de problèmes d'équilibre. Ça peut être aussi des problèmes affectifs ou psychologiques parfois, des sentiments d'anxiété ou des sentiments de tristesse, voire de dépression.

Donc, il y a des gens qui après un mois continuent à traîner ces symptômes-là. Puis, plus ça dure, plus ça va venir affecter toute leur vie quotidienne, leur fonctionnement et malheureusement, il y a des gens qui peuvent pendant plusieurs mois, voire même un an, ressentir ces effets-là de la commotion cérébrale.

Annie : Donc, c'est complexe parce que ça, je comprends que ça, ça affecte plusieurs composantes du bien-être d'une personne quand on se remet d'une commotion cérébrale. Donc, je prends pour acquis que, j'assume que, la prise en charge aussi, dans ce cas-là, devient plus complexe, parce qu'on sait pas nécessairement à quoi s'attendre dans les maux qui, que les gens vont souffrir jusqu'à un certain point.

Miriam : Oui, effectivement. Puis, complexe c'est vraiment le bon mot. On dit des fois que les conséquences d'une commotion cérébrale sont comme une énigme parce que même les experts, les professionnels de la santé, ils ont de la difficulté à prédire qui, premièrement, qui va s'en sortir bien et rapidement sans trop de séquelles. Qui va avoir des symptômes qui vont persister à plus long terme, mais aussi dans quelle sphère du fonctionnement ils vont avoir de la difficulté. Donc, on a nommé l'aspect cognitif, l'aspect physique, l'aspect...

Annie : Émotif, oui.

Miriam : Affectif, émotif... Une personne peut avoir une combinaison de toutes ces conséquences-là. Alors qu'une autre personne peut avoir des symptômes plus isolés, juste physiques ou juste cognitifs. Donc, c'est très difficile. Le cerveau, c'est aussi une machine très complexe elle-même.

Annie : En effet. Donc, idéalement, on veut prévenir les commotions autant que possible étant donné que, justement, il y a la complexité de la prise en charge, puis du fonctionnement du rétablissement. Comment on prévient ça? J'ai des idées, entre autres, des ports de casques, clairement. Même, je voyais tout récemment dans les nouvelles, que dans la Ligue de football nationale, il y a des nouveaux tests qui sont mis à l'épreuve pour voir si ça peut, justement, aider dans la prévention suite à des impacts répétés. Mais quoi, au quotidien, qu'est-ce qu'on peut faire pour prévenir les commotions?

Miriam : Donc, c'est vraiment déjà des supers bons exemples les casques. Les casques, les casques, pas juste dans les sports de contact comme le football puis le hockey, mais les casques au patin, en vélo, au ski. Parfois, les casques vont pas nécessairement prévenir la commotion cérébrale elle-même, mais y vont prévenir des séquelles plus graves. Donc, justement, des traumatismes crâniens plus graves. Donc, c'est vraiment important de les porter.

Annie : Donc, ça va, ça peut réduire l'impact essentiellement?

Miriam : Exactement, exactement. Il y a maintenant des résultats empiriques, des données scientifiques qui démontrent aussi que certains exercices dans les sports de contact peuvent aider les athlètes, par exemple des exercices de renforcement du cou, des exercices de réchauffement aussi. Donc ça, c'est plus dans le contexte du sport.

Annie : OK.

Miriam : On a parlé tout à l'heure des tout-petits, des tout-petits enfants. Chez eux, les méthodes de prévention de base sont très importantes. Je donnais l'exemple de chute de l'escalier, donc tous les moyens de prévention des blessures en général vont aussi prévenir des blessures au cerveau. S'assurer que en bas âge, que des barrières au haut et au bas des escaliers par exemple. S'assurer que, bien sûr, que les enfants on les laisse aller jouer, mais qu'ils jouent dans un module qui est adapté à leur âge par exemple. Utiliser les petites ceintures dans les paniers d'épicerie, sur les tables à langer. C'est sûr que c'est des petits moyens, mais c'est des moyens qui peuvent avoir un gros effet.

Annie : Puis, je pense que c'est souvent des méthodes qui sont, qui semblent évidentes, mais qu'on met pas toujours en pratique, parce qu'on dit : « Ah, je vais le surveiller, je vais garder une main dessus. » Puis, on est pressé, on ramasse quelques petites choses, mais c'est vraiment de prendre le temps de mettre ces choses-là en place autour de l'enfant. Je pense que c'est tout à notre avantage, puis au leur aussi.

Il y a des moyens de prévention, puis quand on parle de la prévention, on dirait que il y a des risques partout. Mais, je pense que faut mettre tout ça en contexte aussi. Quotidiennement, c'est super important de bouger et de pouvoir faire des sports, de pouvoir bouger, d'avoir une bonne mobilité, d'encourager les enfants à prendre des risques aussi, mais des risques calculés. Donc, c'est, je pense que c'est important, parce qu'on veut pas que les gens arrêtent de bouger.

Miriam : Non! Puis, je suis vraiment vraiment heureuse qu'on aborde ce sujet-là, parce que notre but est vraiment pas de décourager les parents de laisser leurs enfants jouer, d'être impliqués dans des sports. Mais même le jeu libre, de jouer librement dans les parcs, dans les modules de jeux, donc autant les activités plus structurées que non structurées.

Effectivement, je pense qu'il y a une façon de penser où on devient peut-être même trop protecteur. Donc, c'est difficile, c'est un équilibre. On veut prévenir les choses qu'on peut prévenir, tout en encourageant l'activité physique. On sait que c'est tellement bon, non seulement pour la santé physique mais aussi la santé mentale.

On est dans une ère où on discute aussi beaucoup du temps d'écran...

Annie : Oui.

Miriam : Des effets des écrans. Donc, loin de nous de vouloir suggérer que on diminue l'activité physique ou l'implication des jeunes, même juste le fait d'être dans des activités sportives, dans des équipes, ça a des bienfaits très importants, même au niveau social, donc...

Annie : La coopération, la collaboration, la discipline, toutes ces choses-là ça se développe durant ces interactions-là justement oui.

Miriam : Exactement, donc, il faut, ça peut paraître contradictoire mais ça l'est pas.

Annie : Et puis, la recherche au Canada puis dans le monde, est-ce que des nouvelles avancées? Est-ce que des percées intéressantes? Est-ce qu'on a acquis des nouvelles connaissances encore sur les traumatismes crâniens?

Miriam : Oui, les connaissances évoluent vraiment rapidement, je dirais. Même moi, dans ma carrière, jusqu'à maintenant ça fait à peu près 15 ans que de façon comme chercheure et clinicienne autonome, j'étudie les commotions cérébrales, puis il y a eu des avancées, des changements vraiment importants dans ces dernières années.

Je peux donner peut-être un exemple au niveau de la gestion des commotions cérébrales. Beaucoup de gens vont se souvenir qu'il y a vraiment pas si longtemps, on parle de deux, trois, quatre ans, on avait une façon de traiter ou de gérer qui était de suggérer que les gens ne fassent absolument rien après leur commotion.

Annie : Oui. En fait, c'est principalement ça que je sais des commotions cérébrales. Il faut rien faire, faut pas lire, faut pas regarder des écrans, faut être dans le noir, etc. Donc, c'est pas le cas?

Miriam : Non, c'est pas le cas. Pendant des années, c'est vrai que on a dit ça, mais faut penser que la science avance tout le temps, puis qu'on, c'est bon quand on change les recommandations, parce ça veut dire qu'on connaît plus de choses. Maintenant, oui, on recommande une période de repos à peu près 24 à 48 heures de repos.

Annie : OK.

Miriam : On revient à notre cerveau. Le cerveau, il doit récupérer tout comme n'importe quelle autre partie du corps, il y a besoin d'une pause quand il est blessé. Mais, on parle de repos qui est plutôt relatif. C'est-à-dire pas nécessairement, absolument, rien faire, mais faire des choses qu'on est capable de tolérer, par exemple autour de la maison, se lever, faire des activités de de la vie quotidienne chez nous. Tant qu'on est capable de tolérer les symptômes, c'est-à-dire que si je me lève puis j'ai juste à m'habiller, puis à me promener dans la maison, j'ai terriblement mal à la tête, puis ça va vraiment pas, je suis étourdi, j'ai besoin de me coucher, clairement, j'ai besoin d'un peu plus de temps.

Annie : OK.

Miriam : Donc, on prend un peu de recul pour mieux avancer le lendemain. Par contre, il y a des gens qui, même deux, trois jours après leur commotion, vont se lever, vont sentir bien, puis ils vont dire : « Bon ben, je vais lire un livre ou je vais faire un petit quelque chose dans la maison. » Puis, tout va bien se passer, puis ils vont pouvoir graduellement augmenter leurs activités.

Puis, le mot « graduel » je pense, c'est le mot clé. C'est une étape à la fois, une journée à la fois, puis toujours en allant un petit peu plus, tant qu'on sent pas que les symptômes viennent vraiment nous envahir.

Annie : OK. En fait, c'est vraiment un sens de perception aussi. Donc, qu'est-ce que je pense que je suis capable de faire? Est-ce que je suis capable de le tolérer? Donc, c'est super intéressant, parce que c'est quand même un gros changement dans les recommandations, dans les protocoles de prise en charge.

Miriam : Oui. Puis, on parlait un petit peu plus tôt sur : « Est-ce qu'on a encore besoin de sensibiliser les Canadiens puis de leur donner l'information? » Justement, parce que les recommandations peuvent changer au fur et à mesure qu'on en connaît plus sur cette condition complexe, nous on a toujours un travail à faire. OK, on doit diffuser cette information-là. Donc, je pense que c'est, ça reste toujours pertinent.

Annie : Et puis, quand on parle du partage d'information, du transfert de connaissances, on parles-tu de professeurs, de parents? De qui on parle dans ce contexte-là?

Miriam : On parle un peu de tout le monde honnêtement. Mais, peut-être que la diffusion va se faire de façon, avec des stratégies différentes. Tous les gens peuvent être témoins d'un choc au corps ou à la tête qui peut mener la personne à risque d'une commotion cérébrale. Donc, plus on informe des gens, plus on a des chances que quand quelque chose arrive, quelqu'un va avoir le déclic de dire : « Oh! Je pense que cette personne-là a besoin d'aide, a besoin d'une consultation. »

Annie : Donc, c'est vraiment là une approche, je dirais presque communautaire, mais c'est vraiment, si tout le monde est au courant, les gens qui sont à risque vont peut-être mieux s'en porter par la suite, si on les prend en charge quand même assez rapidement.

Donc on va parler de petites commotions répétées sur, à court terme, mais sur toute une vie, sur une dizaine d'années. J'en ai eu cinq, sept, est-ce que l'impact est le même?

Miriam : Ben, il y a les deux situations. Il y a avoir une commotion ou des coups qui pourraient ressembler à des commotions cérébrales dans un court laps de temps. Donc déjà ça, ça peut être dangereux pour le cerveau, parce que le cerveau a pas eu le temps de récupérer entre les blessures et on sait que ça peut avoir des conséquences graves.

Annie : OK.

Miriam : Mais effectivement, dans une vie, quand on parlait des tout-petits enfants, un tout-petit enfant pourrait chuter en bas âge, pourrait, ça pourrait être quelqu'un qui devient sportif, puis pourrait accumuler des commotions cérébrales. Ce qu'on sait, que d'en avoir plusieurs c'est jamais bon. C'est-à-dire que, plus on en a, plus on a des risques d'avoir des symptômes persistants, puis d'avoir des séquelles à long terme. Maintenant, il y a pas de calcul ou de formule magique pour savoir combien. Ce qu'on sait mais...

Annie : À quel impact, comme, est-ce que c'est plusieurs petites ou plusieurs sévères, etc.?

Miriam : Exactement, plus sont rapprochées, plus il y a des chances que l'impact soit cumulatif. Mais, les données des études de recherche sur des grands groupes de jeunes qui ont eu des commotions cérébrales démontrent que souvent on va calculer, on va leur demander combien de commotions cérébrales ils ont eu par le passé. Puis, on sait qu'à chaque fois que ce chiffre-là augmente de un, le risque d'avoir, que la commotion qu'on étudie à ce moment-là, on sait que le risque qu'elle perdure plus longtemps va être plus élevé.

Annie : OK. Donc, c'est pas sans conséquences essentiellement?

Miriam : C'est pas sans conséquences. Beaucoup de ce qu'on connaît de ça vient des sportifs de haut niveau, des sports de contact, parce qu'on a beaucoup étudié par exemple les joueurs de football, qui eux reçoivent des coups au corps ou à la tête régulièrement. C'est pas toujours des commotions cérébrales, mais c'est des impacts qui les mettent à risque tout le temps. Donc, beaucoup des informations proviennent de là. On a un peu moins d'informations qui proviennent, on n'est pas tous des athlètes professionnels là, mais on sait que plus on en a pire ça peut être.

Annie : Quand on parle de recherche et puis on parle d'avancées, de percées technologiques, est-ce qu'il y a des façons de mesurer, les sondes ou les impacts, sur le cerveau, sur le corps même, maintenant?

Miriam : Oui. C'est sûr qu'en recherche on est souvent à la fine pointe de la technologie. Puis, quand on découvre des choses, nous notre objectif c'est, après, de les transférer vers des traitements ou des initiatives cliniques qu'on peut utiliser de façon pratique.

Il y a toutes sortes de technologies vraiment intéressantes qui sont en train d'être utilisées. Par exemple, dans mon groupe (je suis co-chercheure avec un collègue, Louis De Beaumont, qui lui s'intéresse aux commotions chez les adultes, moi chez les enfants), on utilise, par exemple des équipements intelligents. En anglais, on utilise le mot wearables. Donc, des équipements qu'on peut porter...

Annie : Porter! Intéressant.

Miriam : Par exemple, des vestes que les sportifs peuvent porter, puis qu'on peut calculer le rythme cardiaque, même leur sudation, leur vitesse de course. On peut avoir des appareils pour mesurer la force de l'impact qu'ils reçoivent, par exemple dans les sports de contact. C'est des appareils qu'on peut mettre dans les protège-dents, dans les casques. Donc, on peut accumuler beaucoup beaucoup d'informations sur, pas juste la commotion cérébrale, mais l'état de la personne, juste avant qu'y arrive un impact...

Annie : Un impact.

Miriam : Ou chute, ou une blessure.

Annie : Après ce super bel échange Miriam, je vais te souhaiter que tes recherches soient productives et continuent à nous éclairer, à nous aiguiller, puis à nous outiller pour prévenir les commotions cérébrales. Parce que, c'est un travail de tous les jours essentiellement. C'est une information qui est pertinente, qui va toujours l'être tant et aussi longtemps que les humains sont sur cette terre et qui ont des risques de chute essentiellement.

Miriam : Oui. Effectivement. Puis, merci de l'opportunité de parler de ce sujet qui est vraiment important. Bien sûr pour moi, mais pour les Canadiens et Canadiennes en général, pour beaucoup d'intervenants. Puis, je pense que notre travail est jamais fini, d'en parler puis de rappeler aux gens à la fois les risques, les bonnes pratiques et puis la prévention.

Annie : Et de ne pas minimiser les chutes. Continuez à porter votre casque! Miriam, merci pour tout. Bonne fin de journée.

Miriam : Merci.

[Son de pouls] 

[Musique]

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