Perspectives d’avenir - Réflexions

Les défis de la surveillance du renseignement de sécurité au fil des années futures

par Susan Pollak

Près de quatre années après le 11 septembre, le contexte de sécurité dans lequel le CSARS évolue est radicalement différent de celui de ses deux premières décennies d'existence. Les pouvoirs du SCRS et sa façon de travailler n'ont pas changé, mais la polarisation de ses enquêtes a évolué sensiblement. Cela témoigne de la fin de la guerre froide, d'une instabilité régionale accrue dans plusieurs régions du globe et d'une aggravation de la menace du terrorisme, notamment de l'extrémisme djihadiste.

La société canadienne est essentiellement sûre, tolérante et ouverte. L'attachement à la primauté du droit et le respect des droits et libertés individuels comptent parmi ses valeurs fondamentales. Le CSARS se considère comme un défenseur de ces droits du fait qu'il fournit aux Canadiennes et aux Canadiens l'assurance que leur service de renseignement de sécurité n'outrepasse pas ses pouvoirs. Il examine minutieusement et sans relâche les activités du Service et recommande les changements qu'il juge indiqués. Le CSARS reconnaît pourtant que, de par leur nature même, les démocraties risquent d'être la cible d'activités terroristes, de sorte que l'État doit pouvoir se défendre contre ceux qui ébranleraient le droit de ses citoyens à vivre dans une société sûre.

Nous avons tous assisté aux répercussions planétaires du 11 septembre, dont bon nombre ont accru le scepticisme de la population à l'égard des organismes mêmes qui ont pour mission de les protéger : la guerre en Iraq; une augmentation colossale des dépenses relatives à la sécurité dans tout l'Occident; des mesures de sécurité renforcées à la frontière et dans nos aéroports; plusieurs commissions d'enquête concernant les activités d'organismes de sécurité et de renseignement au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie; la contestation judiciaire de la détention sans inculpation; et cetera.

Au Canada, nous avons été témoins de répercussions semblables :

  • la GRC s'est vu conférer de nouveaux pouvoirs en matière de sécurité nationale en vertu de la Loi antiterroriste;
  • en mai 2004, le CSARS a terminé une enquête poussée sur le rôle joué par le SCRS dans l'affaire Maher Arar, qui fait l'objet d'une enquête publique en cours. L'une des questions à étudier est l'ampleur des échanges d'information entre les services de renseignement de divers pays;
  • les modifications apportées au Code criminel en vertu de la Loi antiterroriste prévoient l'inscription des entités terroristes, nouvelle activité dans laquelle le SCRS joue un rôle clé et qui est donc assujettie à la surveillance du CSARS;
  • le contexte de menaces plus graves a entraîné une intensification du filtrage de sécurité effectué par le SCRS et une hausse proportionnelle du nombre de plaintes présentées au CSARS au sujet du refus ou de la suspension d'habilitations de sécurité;
  • le gouvernement a proposé la création d'un comité parlementaire de la sécurité nationale, dont les membres seraient assermentés à titre de conseillers privés (comme ceux du CSARS), pour enquêter sur des affaires liées au renseignement et à la sécurité;
  • en vertu de la politique sur la sécurité nationale, l'approche mieux coordonnée du gouvernement à l'égard des évaluations de renseignements de toutes sources concernant les menaces qui pèsent sur le Canada l'a amené à créer le Centre intégré d'évaluation des menaces. Comme celui-ci partage les locaux du SCRS et relève du directeur du Service pour son fonctionnement courant, le CSARS est chargé d'en surveiller les activités;
  • la Loi de 2002 sur la sécurité publique a conféré au SCRS la responsabilité supplémentaire de partager avec Transports Canada des renseignements concernant des individus, et ces nouvelles activités seront assujetties à la surveillance du CSARS;
  • la Loi sur la protection de l'information a conféré au CSARS un rôle à l'égard de la divulgation, dans l'intérêt public, de renseignements opérationnels spéciaux par les employés du SCRS.

Les questions dont traite le CSARS sont manifestement diverses et le deviendront probablement encore plus dans l'avenir. Nous continuerons à « surveiller ceux qui surveillent », conformément au décret du Parlement et aux attentes des Canadiens. Mais notre travail a aussi trait à la situation globale. En qualité de Canadiens, nous sommes fiers d'appartenir à une nation qui favorise activement la diversité culturelle, la liberté d'association, la robustesse de l'économie et le dialogue politique. Il nous est d'autant plus important de maintenir cet équilibre délicat entre les droits individuels et la libre expression (prévus dans la Charte canadienne des droits et libertés) d'une part, et notre intérêt collectif à défendre et à préserver un pays où nous pouvons tous vivre et prospérer, d'autre part.

Au fil des 20 dernières années, le Comité a peaufiné son expertise et sa compréhension du monde dans lequel baigne le SCRS et il a évolué de pair avec lui. Il en a infléchi le mode de fonctionnement de manière positive. Le CSARS entrevoit de nouveaux défis et il s'adaptera afin de pouvoir les relever. Par-dessus tout, il sera vigilant au nom de tous les Canadiens et Canadiennes et il s'efforcera de conserver la confiance du public dans son travail.

Susan Pollak est actuellement directeur exécutif du CSARS.

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2016-12-02