Dossiers d'intérêt particulier pour 1998-1999 - Rapport annuel 1998-1999

A. Dossiers d'intérêt particulier pour 1998-1999

Comme les derniers rapports annuels, celui-ci commence par un exposé des résultats des enquêtes spéciales et des recherches particulières que le Comité a effectuées au cours de l'exercice financier. Ces études spéciales s'ajoutent aux autres formes de recherches du CSARS et visent à les étayer.

Examen de la criminalité transnationale - Rapport no 107

Les groupes de crime organisé préoccupent depuis longtemps les gouvernements de nombreuses démocraties parce qu'elles peuvent perturber et déstabiliser le bien-être économique des pays où elles exercent leur activité et menacent l'ordre public. Ces dernières années, ces groupes criminels, anciens et nouveaux, ont exploité la mobilité nettement accrue des populations et les progrès de la technologie des communications pour étendre leurs tentacules à l'étranger. Durant la décennie qui a suivi la guerre froide, les activités des groupes qui ont vu le jour dans les pays de l'ancien empire soviétique ont été particulièrement inquiétantes.

En 1995, les pays du G-7 ont reconnu la gravité de ce phénomène grandissant en qualifiant officiellement le crime organisé international de menace pour leur sécurité.

Depuis, beaucoup d'autres États ont renforcé l'action policière et, dans la mesure du possible, fait appel aux ressources disponibles dans les secteurs de la sécurité nationale et du renseignement pour seconder la police dans la lutte contre cette menace.

Source de l'intérêt du Service pour la criminalité transnationale

L'affirmation que certaines formes de criminalité transnationale pouvaient menacer la sécurité du Canada, faite en 1993 par le ministère de la Justice dans un avis juridique, a enrichi le mandat du Service d'un nouveau rôle, celui de prêter main-forte aux autorités policièresNote de bas de page 2. Ce rôle débordait sensiblement la compétence traditionnelle du SCRS qui limitait généralement les enquêtes criminelles au contexte de l'espionnage et de la violence grave à caractère politique.

Dès 1995, le Service a ouvert diverses enquêtes sur la criminalité transnationale en se fondant sur des autorisations contenant les noms d'individus et sur d'autres, générales celles-là, n'en désignant aucunNote de bas de page 3. Initialement, le rôle du Service se limitait à recueillir des informations stratégiques. Il devait éviter d'intervenir dans les affaires criminelles à caractère tactique relevant à proprement parler de la police ou d'autres organes d'application de la loi. Pour l'enquête contextuelle (voir plus loin l'étude détaillée à ce sujet), les bureaux régionaux du Service se sont vu fixer une série d'objectifs clés qui reflétaient les principes stratégiques du programme du SCRS.

Le Service a aussi identifié six critères permettant de déterminer si les activités de groupes criminels transnationaux représentent des menaces pour la sécurité du Canada. La criminalité internationale menace le Canada, si elle a un impact sur :

  • l'ordre public, au point d'affaiblir le tissu social canadien;
  • la sécurité économique du Canada, par des activités comme le blanchiment de fonds à grande échelle;
  • les programmes gouvernementaux, tel le processus applicable aux immigrants et aux réfugiés;
  • la position de négociation du gouvernement avec les pays étrangers;
  • les intérêts du Canada en matière de politique étrangère; et,
  • les institutions gouvernementales, par des activités comme la corruption de fonctionnaires.

La première tâche que le SCRS s'est donnée a été de constituer une solide base de données sur les diverses formes de criminalité transnationale. Les enquêteurs ont été autorisés à interviewer les personnes susceptibles de détenir des renseignements pertinents. Pour obtenir de l'information sur ce phénomène en général et sur les individus soupçonnés d'en faire partie, le Service a aussi misé sur les nombreux accords de liaison qu'il avait conclus avec des organismes canadiens et étrangers.

En novembre 1997, la haute direction du SCRS a réitéré l'accent placé sur la collecte d'informations stratégiques en exhortant les enquêteurs à tout mettre en œuvre pour éviter les domaines d'enquête débordant de sa compétence ou risquant fort de déboucher sur une enquête policière. Le Service a aussi expliqué son rôle à grands frais aux organismes gouvernementaux et aux services de police canadiens ainsi qu'aux organismes de sécurité et de renseignement étrangers qui collaboraient avec lui. Dans le cas de ces organismes, le SCRS a enjoint à ses agents de liaison-sécurité de faire savoir à leurs homologues étrangers qu'en dépit de son orientation stratégique, il pouvait servir d'« intermédiaire » entre eux et les services de police canadiens pour transmettre des informations tactiques sur la criminalité transnationale.

Méthode d'examen

Dans son rapport de 1997-1998 sur l'examen des relations de coopération du Service avec la GRC, le Comité a fait état d'initiatives nouvelles du SCRS en matière d'activités criminelles transnationales et exposé son intention de les étudier de façon spéciale. Cette étude, dont les résultats sont décrits plus loin, visait à vérifier si les activités d'enquête du SCRS sur la criminalité transnationale étaient conformes à son mandat légal, à ses politiques opérationnelles et aux instructions du Ministre.

Dans la sélection des affaires devant faire l'objet d'une étude spéciale, nous nous sommes efforcés d'englober l'ensemble des activités du Service. À cette fin, nous avons choisi une enquête contextuelle, une autre portant sur l'activité au Canada d'un groupe criminel étranger et une enquête menée sur un individu soupçonné d'être lié à un groupe criminel étranger. Les recherchistes du CSARS ont examiné tous les dossiers, rapports, notes et autres documents ayant trait aux enquêtes sélectionnées ainsi que toutes les décisions stratégiques et les directives touchant la criminalité transnationale en général.

Constatations du Comité

Formation pertinente au caractère spécialisé des crimes

Le Comité a cerné plusieurs problèmes qui ont surgi au tout début du programme du Service. Tout d'abord, il lui est apparu clairement que les enquêteurs du SCRS n'avaient ni la formation ni l'expérience nécessaires pour déceler quels types de crimes ils devaient examiner dans le monde des finances et de l'entreprise. Des activités criminelles aussi complexes que le blanchiment de fonds, la manipulation des mouvements internationaux de capitaux, les fraudes en valeurs mobilières et la corruption dans la haute hiérarchie étaient nouvelles pour eux. Les recherches du Comité ont révélé qu'environ trente mois après le début du programme, les agents du Service se plaignaient encore de manquer de formation et, pour certains, de ne pas pouvoir reconnaître certaines formes d'activité criminelle.

Enquêtes « stratégiques » et « tactiques », distinction compréhensible?

Le deuxième problème découle du premier, au moins en partie. Le Comité a en effet constaté que diverses enquêtes avaient amené le SCRS à recueillir, à conserver et à signaler des informations concernant des activités criminelles tactiques, menées en milieu urbain et débordant manifestement ses objectifs stratégiques. À notre avis, cela tient au fait qu'on n'avait jamais bien défini les critères permettant de distinguer renseignements stratégiques et renseignements tactiques, aux fins d'enquêtes.

Dans l'étude sur la coopération du SCRS avec la GRC (dont les conclusions figurent dans le rapport annuel de 1997-1998), nous affirmions que la définition des termes stratégique et tactique, appliqués à l'enquête sur la criminalité transnationale, ne permettait pas d'attribuer un rôle particulier au Service. Celui-ci a lui-même reconnu, à la fin de 1997, les risques de ce quasi-chevauchement. L'un de ses porte-parole a mentionné que le SCRS avait du mal à ne pas recueillir d'informations tactiques, ce qui serait normalement du ressort du service de police compétent.

Le Comité maintient donc que si le Service est incapable d'apporter un éclairage unique à un dossier particulier que touche la criminalité transnationale, il doit le laisser aux soins des services de police compétents.

Nature de la coopération entre le SCRS et les organismes étrangers

La troisième préoccupation générale du Comité concerne les contacts étrangers du Service. L'accent placé par celui-ci sur l'information stratégique a eu un effet imprévu au plan de ses relations avec les services de sécurité et de renseignement étrangers qui collaboraient avec lui. En effet, au fil du temps, le SCRS a constaté que ceux-ci étaient en quête de renseignements tactiques sur la criminalité transnationale pour appuyer leurs services de police nationaux. Même s'il avait offert de leur servir de trait d'union auprès des organismes canadiens compétents, les services de sécurité et de renseignement étrangers—ses partenaires de longue date— ont établi leur propre liaison directe avec les services canadiens de police. Le Service n'a pu concrétiser le rôle d'« intermédiaire » qu'il prévoyait jouer et il a été tenu à l'écart des échanges d'informations, dans une certaine mesure.

Apport du SCRS dans la lutte du Canada contre la criminalité internationale

L'examen du Comité a révélé plusieurs cas où la collecte d'informations stratégiques (et leur communication ultérieure aux organismes gouvernementaux compétents) par le Service a joué un rôle crucial dans les décisions du gouvernement. De plus, la base de données stratégiques du SCRS sur la criminalité transnationale a aidé Citoyenneté et Immigration Canada à empêcher la venue au pays de certains grands noms du crime organisé, actifs à l'étranger.

Une étude antérieure [voir le rapport annuel de 1997-1998 du CSARS, p. 34] nous a amenés à nous demander si le SCRS fournissait à la GRC toutes ses informations sur la criminalité transnationale. Durant la période considérée, le Comité a constaté que, la plupart du temps, le Service avait communiqué rapidement à la GRC ou au service de police compétent toutes les informations tactiques et les autres renseignements criminels provenant de ses enquêtes stratégiques. Les recherchistes du CSARS ont trouvé divers comptes rendus d'importance tactique n'indiquant en rien s'ils avaient été transmis aux autorités policières, sans toutefois pouvoir déterminer si le contenu en avait été communiqué verbalement à la police.

Questions de liaison intérieure nécessitant de nouvelles politiques ou des éclaircissements

Les accords de liaison existants entre la GRC et le SCRS prévoient l'échange d'agents de liaison aux niveaux national et régional des administrations centrales. En raison des responsabilités que la Loi sur les infractions en matière de sécurité confère à la GRC, ses agents de liaison ont accès à tous les rapports touchant le Programme d'antiterrorisme du Service et émanant de leur administration centrale d'attache. Cependant, les enquêtes du SCRS sur la criminalité transnationale sont menées par des agents non pas de l'Antiterrorisme mais du Contre-espionnage, qui ne met pas ses rapports à la disposition de la GRC dans toutes les régions. C'est donc le personnel du Service qui, dans certaines régions, détermine si les renseignements reçus en matière de criminalité transnationale concernent la GRC.

Selon le Comité, l'actuelle répartition administrative des tâches risque que la communication d'informations importantes à la GRC soit omise involontairement. Aussi estime-t-il nécessaire de revoir les politiques du SCRS pour éliminer ce risque.

Le Comité a noté avec satisfaction la communication croissante d'informations par le SCRS aux ministères et organismes gouvernementaux qui ont une responsabilité particulière en matière de commerce extérieur et de développement économique. Les avis qui leur sont fournis leur permettent d'empêcher les groupes criminels étrangers d'exploiter les programmes du gouvernement du Canada.

Un cas alarmant ayant trait à une fraude grave de plusieurs millions de dollars aurait poussé un organisme de l'État à demander l'aide du Service. Dans sa demande, l'organisme exprimait le vœu tacite que, pour éviter tout lien criminel transnational dans des coentreprises avec des partenaires étrangers, le Service vérifie les antécédents de tout individu ou entreprise qui recourrait désormais à l'appui financier de cet organisme.

Même s'il semble n'y avoir aucune raison empêchant le Service de communiquer à cet organisme les renseignements défavorables qu'il a déjà en main, aucun fondement juridique ne le justifie à mener de telles enquêtes, à notre avis, s'il n'a aucun motif raisonnable de croire à l'existence d'une menace pour la sécurité du Canada. Le Comité estime qu'une mise au point de la politique permettrait d'éviter la tenue d'enquêtes injustifiées en pareille situation.

L'enquête « contextuelle »

Le recours à des autorisations d'enquête générale ou contextuelle permet au Service de faire des recherches sur une catégorie d'activités menaçantes ou sur un groupe ou organisme particulier, s'il a des motifs raisonnables de soupçonner que ces activités représentent une menace pour la sécurité du Canada mais que les individus en cause ne sont peut-être pas identifiés.

Dans l'affaire examinée, l'autorisation générale visait à fournir au SCRS les moyens d'avoir un aperçu stratégique des activités criminelles transnationales liées à un groupe particulier de pays. Le Comité estime que d'ordinaire, dès qu'une autorisation générale révèle l'identité d'un individu (et qu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les activités de l'intéressé représentent une menace pour la sécurité du Canada), le Service est tenu d'obtenir une autorisation visant expressément cette personne avant de poursuivre son enquête sur elle. Notre examen de l'autorisation générale a révélé deux cas d'enquêtes qui se sont poursuivies en vertu de l'autorisation générale sur des individus identifiés.

Dans le premier cas, après avoir établi l'identité d'un individu grâce à l'autorisation générale, le Service a continué d'enquêter et de recueillir de l'information sur l'intéressé. L'examen des documents montre qu'il avait probablement des motifs suffisants de soupçonner l'individu d'exercer des activités menaçantes, de sorte qu'il aurait dû demander une nouvelle autorisation, particulière celle-là. D'après le Comité, la poursuite de l'enquête sans cette autorisation par le SCRS pourrait constituer un recours injustifié à une enquête contextuelle.

Dans le second cas, divers bureaux régionaux avaient reçu de l'administration centrale du SCRS la directive de recueillir certaines informations en vertu de l'autorisation générale d'enquête. L'un d'eux ayant demandé si l'autorisation générale permettait cette collecte, il a été informé qu'une autorisation particulière serait en effet demandée.

Cette affaire a suscité deux interrogations au Comité. Le fait que l'autorisation particulière ait été obtenue seulement à la suite de l'expression d'un doute par un bureau régional au sujet de la demande initiale de l'administration centrale montre qu'il y a peut-être des lacunes dans l'articulation et la compréhension de la politique du Service en matière d'enquêtes contextuelles et de criminalité transnationale. Le Comité a été informé que le Manuel des politiques sur les opérations du SCRS ne contient aucune directive précise à ce sujet. À son avis, il faudrait combler cette lacune. Il estime en outre que la réponse de l'administration centrale à la question du bureau régional a révélé une conception indéfendable du recours aux enquêtes contextuelles.

Les enquêtes particulières

Les deux autorisations d'enquêtes particulières que le Comité a examinées concernent une organisation criminelle étrangère connue et un individu soupçonné d'entretenir des liens avec elle. Parmi les activités attribuées à l'individu figure une présumée fraude grave contre un organisme du gouvernement du Canada. Compte tenu de l'ampleur et de la complexité des activités visées, le Comité estime que l'existence d'une influence étrangère sur l'intéressé reste à démontrer. Si l'on ne parvient pas à prouver clairement l'existence d'une telle influence et si l'individu a exercé les présumées activités criminelles dans son propre intérêt, la suite de l'enquête devrait alors être laissée à la police, à notre avis.

Traitement de la criminalité transnationale par les autres pays

L'examen des documents recueillis par le SCRS a permis au Comité de comprendre comment plusieurs services alliés de sécurité et de renseignement avaient mené leurs activités d'enquête sur la criminalité transnationale. Dans une large mesure, celles-ci étaient « centrées sur le client » : la police ou un organisme national de renseignement criminel. Tous les services de renseignement, sauf un, se sont employés à recueillir des informations visant à étayer directement le maintien de l'ordre. Le Service a mentionné qu'il avait prêté aux services de police le même concours qu'aux ministères et organismes fédéraux.

Conclusions et recommandations

De l'avis du Comité, il n'est pas clair que le mandat du SCRS lui permet de participer à l'enquête sur la criminalité transnationale. Au cours des prochains mois, le CSARS fera connaître ses points de vues sur la question.

D'après le CSARS, les difficultés auxquelles le Service s'est heurté dans cette enquête s'expliquent au moins en partie par un manque de connaissances et d'expérience, fréquent chez ceux qui se hasardent dans un champ nouveau. Si le SCRS poursuit sa participation en ce domaine, plusieurs mesures s'imposent, à notre avis.

Le critère d'intervention du SCRS doit être clairement établi : il doit s'agir d'une activité criminelle d'une gravité et d'une ampleur telles qu'elle menace réellement les intérêts stratégiques, sociaux et économiques et la sécurité du Canada. Le Service ne doit pas prendre part à l'enquête dans les cas d'activités criminelles qu'il vaut mieux laisser aux services de police.

Le gouvernement est appelé à scruter un enjeu d'intérêt public plus vaste. Actuellement, le SCRS suit les directives du Ministre en s'occupant de dossiers de criminalité transnationale. Nos recherches montrent toutefois que, pour des raisons liées à la tradition ou à la formation, il n'a peut-être pas ce qu'il faut pour bien s'acquitter de cette tâche. Compte tenu de l'importance de la question, nous exhortons le gouvernement à préciser ses intentions quant à la manière de faire face à cet éventail grandissant de menaces qui pèsent sur le Canada.

Voici ce que le Comité recommande si le SCRS poursuit sa participation en ce domaine :

Que le Service élabore une politique opérationnelle, claire à tous points de vue, au sujet des enquêtes sur la criminalité transnationale et qu'il prévoie l'obligation d'évaluer chaque cas où l'on songe à ouvrir une enquête en vertu d'une autorisation contextuelle; et

Qu'il mette en œuvre un programme de formation spécialisée dans les domaines clés de la criminalité transnationale de manière à pouvoir réaliser pleinement l'objectif de fournir au gouvernement des renseignements stratégiques sur les principales activités criminelles internationales.

Examen de la production du renseignement - Rapport no 110

Le mandat principal du Service compte deux volets clés : « recueillir, analyser et conserver les informations et renseignements » concernant les menaces pour le pays et « en faire rapport au gouvernement du Canada et le conseiller à cet égard ». Au SCRS, les Directions du contre-espionnage et de l'antiterrorisme s'occupent de la collecte, tandis que la Direction des exigences, de l'analyse et de la production (EAP) a un rôle important mais non exclusif dans l'élaboration des rapports et des conseils. L'EAP est donc l'un des organes de transmission des informations et renseignements entre ceux qui les recueillent et les autres éléments du Service ainsi qu'entre ce dernier et le reste de l'administration gouvernementale. Dans le cadre de son programme de recherche de 1998-1999, le Comité a entrepris d'examiner les activités de l'EAP.

Méthode d'examen

Entre septembre et novembre 1998, les recherchistes du CSARS ont interviewé des employés de tous les niveaux à l'EAP afin de connaître la structure de la Direction, ses méthodes de production et la manière dont elle fixe et met en oeuvre ses priorités. Ils ont examiné les avis fournis par le Service au gouvernement, en scrutant certains énoncés tirés des Rapports du SCRS et des Bulletins de renseignements rédigés par l'EAP au cours de 1997-1998, et en les comparant aux documents sur lesquels s'étaient fondés les rédacteurs. Ils ont aussi interviewé un vaste échantillon de clients de l'EAP en dehors du Service pour savoir si leurs besoins étaient comblés en matière de renseignement.

Études antérieures

Deux études antérieuresNote de bas de page 4 ont servi de référence utile dans l'examen de cette année sur l'EAP. La première, menée par le Groupe consultatif indépendant (GCI) sous la présidence de l'honorable Gordon Osbaldeston, a signalé l'existence de failles graves nuisant à la qualité du renseignement dans l'organisation de la Direction de l'évaluation du renseignement, qui était ainsi appelée à l'époque. Les fonctions de recherche et d'analyse (analyse opérationnelle, analyse stratégique et « recherche ») relevaient alors de trois directions distinctes au SCRS. La coordination étant difficile, le Service avait du mal à produire un renseignement qui réponde bien aux besoins du gouvernement. L'équipe Osbaldeston a recommandé de fusionner ces trois directions en une même unité fonctionnelleNote de bas de page 5.

Dans son rapport, le GCI a en outre signalé le manque de priorités claires en matière de renseignement, l'absence de système de production coordonné et l'insuffisance des services de référence. À son avis, on mettait trop l'accent sur l'analyse à court terme, au fil des événements, au détriment de l'analyse à long terme qui faciliterait au gouvernement l'élaboration des politiques et la prise de décisions stratégiques. Pour l'élaboration des renseignements de sécurité, l'équipe Osbaldeston a recommandé que le SCRS dresse un plan stratégique qui tienne compte des priorités gouvernementales en cette matière et fasse état d'une approche intégrée de collecte, d'analyse et de diffusion de l'informationNote de bas de page 6.

La seconde étude a été menée par le Comité un an après, en 1988. Selon l'une des conclusions de cette étude approfondie, les directions opérationnelles conservaient la prééminence dans le processus d'élaboration du renseignement, avec entre autres résultats que l'accent demeurait trop grand sur le renseignement à court terme, au détriment de l'analyse stratégiqueNote de bas de page 7. L'étude a donné lieu à deux recommandations principales, la première étant que la haute direction du SCRS décide si elle voulait maintenir le statu quo ou faire le nécessaire pour se doter d'un appareil d'analyse stratégique. La seconde était que la Direction de l'évaluation du renseignement recrute des professionnels de l'extérieur, possédant une expérience dans le renseignement stratégique et connaissant les antécédents sociaux et culturels des cibles du SCRSNote de bas de page 8.

L'EAP aujourd'hui

En 1992, le Service a réglé la plupart des points soulevés par le GCI et dans notre propre étude, en remaniant la Direction de l'évaluation du renseignement qui prit le nom de Direction des exigences, de l'analyse et de la production. L'EAP a d'abord créé la Section des questions stratégiques et des nouveaux secteurs d'intérêt, pour s'occuper de l'analyse stratégique et se concentrer sur les nouveaux champs d'intérêt du renseignement de sécurité, puis la Sous-section du marketing et des relations avec les clients, pour répondre plus efficacement aux besoins du gouvernement.

Depuis le remaniement critique de 1992, le mode de fonctionnement de l'EAP a subi d'autres changements. La structure de l'EAP, autrefois calquée sur les subdivisions géographiques du pays, se rapproche aujourd'hui davantage de celle des autres directions opérationnelles, ce qui permet d'éviter les chevauchements de la recherche et d'acquérir plus clairement des compétences. Chargée des analyses à long terme pour le gouvernement, la Sous-section de l'analyse stratégique a été dissoute récemment pour permettre d'intégrer les analystes stratégiques aux secteurs opérationnels.

Constatations du Comité

Évaluation des rapports de l'EAP par les clients

Pour l'évaluation de la qualité, nous avons sélectionné, dans dix rapports de l'EAP, des énoncés que n'étayait pas clairement le contexte, puis nous nous sommes reportés aux documents qui avaient servi de point de départ. Dans l'ensemble, la conclusion qui s'est dégagée est que, dans les rapports destinés aux clients tant de l'intérieur que de l'extérieur, le SCRS doit s'efforcer davantage de distinguer entre « analyses » et énoncés de faits.

Nous avons demandé à un certain nombre de clients de l'EAP ce qu'ils pensaient du renseignement élaboré par le Service. En général, les commentaires étaient positifs : « Les rapports du SCRS sont clairs, bien écrits et faciles à lire et fournissent de bons renseignements généraux sur divers sujets ». Selon les clients, les rapports leur arrivaient à propos, notamment ceux que le Service leur avait envoyés récemment sur la guerre de l'information. Certains ont déploré le fait que le moment de la diffusion de ces rapports était imprévisible.

Plusieurs clients ont été plus négatifs, affirmant qu'ils recevaient souvent de l'EAP des rapports qui ne répondaient pas directement aux besoins opérationnels de leurs ministères. Pour d'autres, compte tenu de l'information contenue dans ces rapports, l'EAP leur attribue parfois une cote de sécurité trop élevée, ce qui en limite la diffusion.

Établissement des priorités de la Direction

L'EAP opère depuis dix ans des changements presque continuels, cherchant à répondre aux besoins de ses divers clients. Malgré ces efforts, l'influence des directions opérationnelles est prédominante simplement parce qu'elles sont les principales sources d'information sur les menaces à l'égard de la sécurité nationale.

Divers facteurs nous ont amenés à cette conclusion. La Direction dresse un plan annuel, en grande partie fondé sur les exigences nationales que partagent les directions opérationnelles, dans lequel les besoins des clients de l'extérieur semblent occuper une place restreinte. De plus, les clients du secteur public n'obtiennent pas du SCRS l'information qui leur permettrait de faire des choix éclairés quant aux rapports de renseignement existants. Enfin, lorsqu'ils exposent leurs besoins au Service, les clients de l'extérieur se font dire que l'EAP ne répond pas nécessairement aux demandes particulières. Il est manifeste que certains d'entre eux ne sont peut-être pas pleinement conscients des limites que comporte le mandat du SCRS et des effets qui en découlent sur sa capacité à satisfaire à certaines demandes.

Le Comité admet cet aspect réel de l'organisation, à savoir que les clients du Contreespionnage et de l'Antiterrorisme influenceront toujours une bonne part de ce que fait l'EAP, mais il reste convaincu que le Service doit chercher sans relâche à satisfaire ses partenaires de l'extérieur et qu'il est possible de trouver un meilleur équilibre sans que les opérations internes en souffrent.

Un tel déséquilibre existe sur le plan de l'analyse stratégique. Nos échanges avec les clients de l'intérieur et de l'extérieur de l'EAP ont clairement fait ressortir la nécessité d'accroître et d'améliorer l'analyse stratégique à long terme.

Pour combler ces lacunes, établir des priorités de production équilibrées et éviter que le gouvernement ne soit pas aussi bien informé qu'il le faudrait, de nouvelles directives s'imposent de la part de la haute direction du SCRS. Voici deux recommandations du Comité à cet égard :

La réactivation d'un organisme disparu depuis quelques années, le Comité principal de production du renseignementNote de bas de page 9.

L'élaboration d'un plan précis par le SCRS pour combler le besoin accru d'analyse stratégique que ses clients de l'intérieur et de l'extérieur ont évoqué clairement.

Contrôle de la qualité et moral du personnel

D'après les résultats de l'examen du Comité, les analystes ont peu de formation théorique à leur entrée à l'EAP, mais le Service a affirmé son intention de commencer prochainement à corriger la situation. Il n'existe pas de directives écrites sur la rédaction des comptes rendus du renseignement; cependant, les analyses antérieures de la Direction servent de modèles et les analystes supérieurs jouent un rôle d'encadrement.

Notre étude a aussi mis au jour une forme troublante de ségrégation professionnelle au sein de la Direction. Les employés de l'EAP non classifiés comme agents de renseignement (AR) sont traités différemment sur les plans de la rémunération, de la formation et de l'avancement professionnel. Les agents qui ne font pas partie de la catégorie des AR ne peuvent bénéficier ni de l'expérience opérationnelle ni des affectations à l'étranger et touchent une rémunération sensiblement moindre. On nous a signalé le cas d'un employé non classifié comme AR qui, après un intérim de deux ans dans un poste de gestionnaire, s'était vu refuser la chance de poser sa candidature à ce poste. Il a par la suite déposé un grief.

Voici ce que recommande le Comité pour régler ces questions :

Que le Service élabore des lignes directrices pour le contrôle de la qualité et des protocoles pour la rédaction des rapports et qu'il arrête des moyens de vérifier la véracité des informations sur lesquelles ceux-ci sont fondés.

Que le SCRS mette en œuvre un vaste plan de carrière applicable à tous les agents de l'EAP, AR et autres. Idéalement, ce nouveau plan devrait laisser plus de place à l'avancement professionnel au sein de la Direction tout en offrant des possibilités de mouvement à l'intérieur du Service et, s'il y a lieu, vers la fonction publique.

Qu'une proportion raisonnable de postes de superviseur soient désignés à l'EAP pour les agents qui ne font pas partie de la catégorie des AR.

Examen des activités de renseignement d'un pays étranger au Canada - Rapport no 115

Pour cette étude, le Comité a examiné les enquêtes du SCRS sur les activités exercées au Canada par les services de renseignement d'un pays étranger. Pour la dernière étude semblable, il y a quelques années, et pour celle-ci, les enquêtes scrutées portaient sur les activités de plusieurs membres du service diplomatique que le pays en cause avait affectés dans des missions au Canada à titre d'agents de renseignements déclarés et non déclarésNote de bas de page 10.

Le but de notre examen était d'évaluer la menace (définie aux alinéas 2a) et b) de la Loi sur le SCRS) que représentaient les services de renseignement étrangers visés par les enquêtes du Service, de déterminer si le niveau des enquêtes était adéquat à cette menace et de vérifier si le Service s'était conformé aux dispositions de la Loi sur le SCRS, aux instructions du Ministre et à ses propres politiques opérationnelles.

Méthode d'examen

Voici les éléments sur lesquels a porté l'examen du Comité :

  • l'affidavit joint à une demande de mandat et les pièces justificatives, pour vérifier le bien-fondé des enquêtes du SCRS;
  • la demande d'autorisation d'enquête qui a amorcé le processus;
  • plusieurs enquêtes, choisies au hasard, sur des agents de renseignement étrangers au Canada;
  • les dossiers de plusieurs sources humaines associées aux enquêtes; et
  • nombre des dossiers les plus délicats du SCRS, pour comprendre l'ampleur des opérations menées par les services de renseignement de l'État étranger en territoire canadien.

La menace

Le Comité a constaté que les pièces justificatives étayaient bel et bien la conclusion que les services de renseignement du pays étranger en cause demeuraient une menace grave pour le Canada. Il s'est penché sur la question des ressources affectées à la menace et sur son ampleur. Les évaluations de la menace par les gouvernements alliés, mises à la disposition du SCRS, contenaient des renseignements contradictoires, mais le CSARS estime que le Service a consacré suffisamment de ressources à cette menace.

D'après les résultats de son examen, le Comité convient qu'il existait des « motifs raisonnables de soupçonner » les agents de renseignement étrangers au Canada de prendre part à la collecte clandestine d'informations classifiées ou exclusives. Cependant, dans certains cas, la menace ne nous a pas semblé particulièrement pressante ou grave. Néanmoins, nous avons aussi trouvé des preuves convaincantes et irréfutables que ce gouvernement étranger continuait de diriger au Canada d'importantes activités de renseignement clandestines.

Nous avons pris note de l'affirmation du Service voulant que les services de renseignement visés par ses enquêtes employaient de plus en plus de méthodes non traditionnelles de façon à réduire les risques de « scandale d'espionnage » sur le plan diplomatique, si leurs opérations venaient à être mises au jour. Le recours à des « couvertures » non classiques est une menace possible, selon le Comité, mais son examen de la documentation de base l'incite à croire que l'existence de cette forme de menace n'était pas démontrée aussi solidement que ne le prétendait le SCRS.

Constatations du Comité

Même si nous avons pu tirer des conclusions au sujet de la menace globale que les services de renseignement du pays étranger représentaient à long terme pour la sécurité du pays, la gravité de la menace de cas particuliers était moins évidente. Les opérations de renseignement sont essentiellement prolongées; pour cette raison, conjuguée à la brièveté (un an) de la période considérée, il est difficile de tirer des conclusions définitives sur les menaces que représentent diverses cibles. Il nous a toutefois été possible de bien évaluer si, dans ses enquêtes, le Service avait respecté la politique opérationnelle, les procédures, les instructions du Ministre et la Loi sur le SCRS.

Conservation d'informations

Le Comité a trouvé, dans la base de données du Service, un compte rendu qui ne respectait pas le critère de la « mesure strictement nécessaire », applicable à la collecte et à la conservation. À notre avis, ce document contenait des informations qui étaient accessoires à l'enquête et non liées aux activités des services de renseignement étrangers visés. Nous en avons informé le SCRS.

Fait énoncé dans une demande d'autorisation

Au cours de l'étude des documents de base concernant une opération pluriannuelle du Service, nous avons découvert un fait erroné dans la demande adressée au Solliciteur général en vue de l'autorisation d'une opération. Dans la demande, le pays mentionné comme théâtre d'opérations semblables qui avaient été fructueuses, n'était pas le bon. Le personnel du SCRS savait quel était le bon pays au moment de la demande. Nous avons signalé la chose au Service qui s'est dit d'accord.

Politique dans le cas d'une opération délicate

Le Comité a examiné une opération visant un agent de renseignement en poste au Canada, qui avait demandé des renseignements au sujet d'une politique gouvernementale. Il a par la suite conclu que certaines informations sur cette affaire auraient dû être fournies à un ministère, ce qui n'avait pas été fait d'après les dossiers du SCRS. Nous avons communiqué au Service nos constatations.

Contacts du SCRS avec des Canadiens au cours d'opérations de contre-espionnage

Les enquêtes du SCRS que nous avons examinées visaient toutes des ressortissants étrangers. Il n'est toutefois pas inhabituel que le Service s'adresse à des personnes (dont des citoyens et des résidents du Canada) en contact avec des agents de renseignements connus ou présumés pour obtenir des informations. Dans une de ces enquêtes, nous avons noté que le Service s'était donné bien du mal pour expliquer à un individu qu'il n'était pas l'objet de l'enquête.

Enquêtes du SCRS dans les campus universitaires - Rapport no 114

Dans la politique canadienne en matière de renseignement de sécurité, les campus universitaires sont des « institutions névralgiques ». Les enquêtes dans les universités, instituts techniques, collèges communautaires et cégeps sont donc assujetties à des politiques et procédures plus strictes que la plupart des autres enquêtes du Service. Cette étude visait à examiner quelles avaient été, au cours de la période considérée, l'utilisation et l'efficacité de ces procédures supplémentaires—et notamment de l'instruction ministérielle de 1997—et à déterminer si les activités d'enquête du SCRS dans les établissements d'enseignement postsecondaire avaient été conformes aux instructions du Ministre, au Manuel des politiques sur les opérations du Service, à la Loi sur le SCRS et aux autres lois pertinentes.

Méthode d'examen

L'étude visant la période du 1er mars 1997 au 30 septembre 1998 a porté sur un vaste éventail de dossiers et de documents (sur supports électronique et papier) du Service :

  • l'aide-mémoire approuvé par le Ministre concernant les opérations dans les campus ainsi que les autorisations du Ministre, du Directeur et de la haute direction du SCRS;
  • la correspondance de la Direction des sources humaines concernant la politique sur les enquêtes dans les établissements d'enseignement postsecondaire;
  • les autorisations d'enquête approuvées par la haute direction du SCRS au sujet de tels établissements;
  • les dossiers administratifs de la Direction des sources humaines et les rapports d'agents exploitant des sources; et
  • les rapports versés dans la base de données relevant de l'article 12 sur toutes les cibles d'enquête du SCRS qui étaient soit des professeurs, des étudiants ou des employés d'établissements d'enseignement postsecondaire.

Historique de la politique et des pratiques en matière d'enquête dans les campus

Accord de 1963 avec l'ACPU

La politique actuelle en matière d'enquête dans les campus tire son origine d'une entente conclue en 1963 par le gouvernement fédéral et l'Association canadienne des professeurs d'université (ACPU). Connue sous le nom d'accord Pearson-Laskin, cette entente énonce la politique qui visait à apaiser les craintes entourant les enquêtes menées par le Service de sécurité de la GRC dans les campus au cours des années 50 et 60. Selon cette politique, le Service de sécurité ne pouvait aller dans les établissements d'enseignement postsecondaire que pour effectuer des enquêtes de sécurité ou « lorsqu'il y a nettement lieu de croire que des personnes se livrent peut-être à l'espionnage ou à des activités subversives ».

Voici ce que l'entente prévoit expressément, entre autres :

Aucun informateur ou dispositif d'écoute ne doit être utilisé sur les campus universitaires, sauf dans les cas où le Solliciteur général a des raisons de croire qu'ils sont le théâtre d'actions bien précises allant au-delà du libre échange d'idées.

L'idée fondamentale de l'accord, où l'on peut lire que « la GRC n'exerce aucune surveillance générale sur les campus universitaires », semble être qu'il n'y aura aucune surveillance générale du gouvernement dans les universités et collèges.

Les politiques ultérieures concernant les enquêtes dans les campus ont repris les principes de l'accord de 1963. Ce fut le cas en 1971 d'une décision du Cabinet et, à nouveau en 1984, de l'instruction « Enquêtes de sécurité sur les campus universitaires », donnée par le Solliciteur général juste avant l'adoption de la Loi sur le SCRS.

Reprenant de près le libellé de l'accord de 1963, l'instruction ministérielle prévoit ceci : il peut y avoir enquête de sécurité dans un campus universitaire uniquement s'il y a « nettement lieu de croire que des personnes se livrent à des activités préjudiciables à la sécurité du Canada ». Le point essentiel de l'instruction est que le Ministre doit approuver le recours à des sources humaines et à d'autres méthodes intrusives dans les campus.

Application de l'instruction ministérielle de 1984

Au milieu des années 90, il était devenu manifeste que, dans son application, l'instruction ministérielle de 1984 était boiteuse. En effet, étant antérieure à la Loi sur le SCRS, elle énonçait des critères, des procédures et des termes juridiques inexistants dans cette loi qui créait précisément l'organisme appelé à les employer.

Des problèmes opérationnels découlaient aussi du fait que le SCRS devait obtenir l'autorisation du Ministre pour enquêter sur toute activité menée dans un campus, si étrangère soit-elle au milieu universitaire où a lieu le « libre échange d'idées ». Cela a amené à recourir à une procédure d'autorisation non conforme aux principes de l'accord de 1963. Le Service a manifesté son désaccord et mentionné que plusieurs solliciteurs généraux successifs lui avaient octroyé une telle autorisation.

Les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord et les institutions névralgiques

Pour les opérations délicates, on recourt invariablement aux sources humaines qui, même si elles sont le moyen le plus efficace de recueillir des renseignements, comportent aussi le plus de risques quant aux effets sur les institutions sociales, sur la dissension licite et sur la vie privée des gens.

La Loi sur le SCRS interdit expressément au Service d'enquêter sur les « activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord », à moins qu'elles ne soient liées à une menace à la sécurité du Canada, au sens donné à ce terme dans la Loi. Le SCRS est tenu de peser avec soin la nécessité d'une enquête et ses incidences possibles sur les libertés civiles individuelles et sur les institutions névralgiques du Canada, dont les syndicats, les médias, les institutions religieuses et les campus universitaires.

Le Comité de surveillance (en 1991) et l'Inspecteur général (en 1995) ont tous deux affirmé que la politique laissait à désirer.

Révision de la politique en 1997

En 1997, le Solliciteur général a donné la nouvelle instruction « Enquêtes de sécurité dans les établissements d'enseignement postsecondaire » afin de régler ces problèmes et d'harmoniser la politique avec les lois existantes. Il y a retenu les principes généraux de l'accord de 1963 et les enquêtes devaient être conformes aux critères énoncés dans la Loi sur le SCRS, surtout ceux protégeant la défense d'une cause, la contestation et la dissidence.

L'instruction de 1997 a apporté deux changements fondamentaux. Elle a habilité le Directeur du SCRS à approuver les activités de sources humaines qui, en dépit de leur présence dans des campus, étaient entièrement coupées de la vie universitaire. Le Directeur devait remettre chaque année au Ministre un « résumé » de tous les cas semblables qu'il avait autorisés.

De plus, pour les situations ne permettant pas d'obtenir au préalable l'autorisation du Solliciteur général, le Directeur a aussi été habilité à autoriser le recours aux sources humaines dans les campus. Par la suite, il devait communiquer dès que possible au Ministre les circonstances de ces opérations.

Comme dans l'instruction précédente, le Ministre reconnaît dans la nouvelle la nécessité, pour les agents du SCRS, d'aller dans les campus pour effectuer les vérifications de sécurité, mais il prévient que celles-ci ne doivent pas servir de prétextes pour mener d'autres enquêtes.

Constatations du Comité

Cohérence de la politique

En règle générale, les agents du SCRS invoquent les sections pertinentes du Manuel des politiques sur les opérations, qui sont elles-mêmes tirées des instructions du Ministre. L'examen de l'interprétation que le Service fait de ces instructions dans son Manuel constitue donc un volet important de l'étude du Comité. Cette étude a mis au jour certains problèmes :

  • Dans les cas où l'autorisation ministérielle reste nécessaire, le Manuel des politiques exclut l'obligation, que le Ministre impose au Service dans son instruction, de lui expliquer les effets de l'opération sur les droits et libertés des cibles de l'enquête et des autres personnes associées à l'établissement.
  • Un terme désignant un type particulier d'activités d'enquête a été l'objet d'interprétations trop larges et variées.
  • La politique ne contient aucune mention de l'accord Pearson- Laskin de 1963, dont elle est tirée.
  • La politique permet aux agents du SCRS de recueillir des renseignements dans les campus, sans autorisation du Ministre, pour les fins des vérifications de sécurité et pour d'autres enquêtes conformes au mandat du Service; l'objet et l'ampleur de ces enquêtes ne sont pas définis de façon assez précise.
Enquêtes et opérations dans les campus

Au cours des dix-huit mois qu'a duré l'examen, il y a eu deux cas où le SCRS a exercé le nouveau pouvoir qui lui a été délégué. Dans le premier cas, le Directeur du SCRS a autorisé une procédure permettant de poursuivre une activité d'enquête approuvée par le Ministre un an plus tôt. Il a fondé sa décision sur l'avis du personnel selon lequel l'activité ne perturberait pas le libre échange d'idées et le cours normal de la vie universitaire et était, de ce fait, admissible en vertu de l'instruction du Ministre.

Le Comité a demandé si l'autorisation générale de la procédure pour un an respectait l'essence de l'accord de 1963. Le SCRS a affirmé qu'elle était conforme aux lois ultérieures à 1963, à l'instruction du Ministre et aux politiques du Service.

Nous avons aussi noté que, suivant l'instruction ministérielle, le Directeur est tenu de présenter un résumé au Ministre une fois que sont terminées les opérations dont celui-ci lui a délégué l'approbation. Outre une mention d'une ligne dans le rapport annuel du Directeur, le Comité n'a trouvé aucun autre document montrant que le Ministre a été informé de l'affaire, ce qui laisse à désirer quant à la conformité à l'instruction, à son avis.

Dans le second cas de délégation de pouvoir au Directeur selon l'instruction ministérielle de 1997, le Service a fourni des informations étayant la décision du Directeur. Le Comité a toutefois appris par la suite que le SCRS n'avait pas respecté l'obligation d'informer le Ministre sans tarder après l'opération. Lorsqu'il l'a fait, quelque huit mois plus tard, il a expliqué cette erreur administrative et en a informé le Bureau de l'Inspecteur général.

Une enquête menée pendant la période observée avec l'approbation du Ministre a suscité des craintes : elle visait les activités d'une puissance étrangère et des personnes travaillant expressément pour elle au Canada. Même si l'opération et les rapports étaient tout à fait légitimes en majeure partie, notre examen a montré que le Service avait recueilli et conservé des informations débordant l'autorisation initiale. Le Comité estime que les rapports n'étaient pas justifiés et dérogeaient à la politique existante ou aux principes régissant depuis 1963 les enquêtes dans les établissements d'enseignement postsecondaire.

Conclusions et recommandations

Notre examen des opérations du SCRS dans les campus a donné lieu à deux recommandations :

Premièrement, lorsqu'il demande au Ministre d'autoriser une enquête, le Service devrait être tenu d'en expliquer les effets sur les droits et libertés visées des cibles et des personnes qui sont associées à l'établissement en question.

Le Service a admis cette lacune et affirmé qu'il modifiera sa politique de manière à la combler.

Deuxièmement, la section « Références », qui traite des autorisations dans le Manuel des politiques sur les opérations du SCRS, devrait mentionner explicitement la décision de 1971 dans laquelle le Cabinet reprend les principes généraux de l'accord Pearson-Laskin sur les enquêtes dans les campus.

Le SCRS ne voit pas la nécessité de cette modification, compte tenu des changements qui ont été apportés après 1963 aux lois, à l'instruction ministérielle et à ses politiques.

Coopération du SCRS avec la GRC - Partie II - Rapport no 108

Au nombre des responsabilités premières du Comité figure l'obligation d'examiner toutes les ententes conclues par le SCRS avec d'autres organismes et tous les échanges d'informations et de renseignements qu'elles entraînent. C'est dans le cadre de ce volet de son mandat que le Comité expose les résultats de la seconde des deux parties de son examen des relations du Service avec la GRC.

Dans son rapport de vérification de 1997-1998, le CSARS a exposé les résultats de la première partie de l'examen, qui traite des rapports de coopération au niveau des administrations centrales. Cette étude visait à cerner les problèmes systémiques, sousjacents à ces rapports, de nature à empêcher les deux parties de s'acquitter de leurs responsabilités en vertu des lois qui les régissent respectivement et du principal document qui définit la nature de l'accord de coopération : le protocole d'entente.

Dans la Partie I, le Comité a mis au jour plusieurs sources de difficultés qui, à son avis, risquaient de nuire à l'efficacité du Service. Il a alors affirmé que, pour bien évaluer la portée et la gravité de ces difficultés, il devait faire un examen assez détaillé des rapports opérationnels. Aussi a-t-il axé la Partie II principalement sur les rapports et la coopération entre les bureaux régionaux du Service et leurs pendants géographiques de la GRC.

Le but précis du CSARS était d'évaluer dans quelle mesure l'application de l'entente entre le SCRS et la GRC était bonne aux niveaux régional et opérationnel, de déterminer jusqu'à quel point les problèmes cernés plus tôt risquaient de nuire aux opérations de l'un ou l'autre organisme et, si possible, de suggérer des moyens d'éliminer ou d'atténuer ces problèmes.

Méthode d'examen

Après avoir étudié les dossiers choisis et les données fournies par les six bureaux régionaux du SCRS, dont les informations échangées avec les divisions correspondantes de la GRC entre juin 1997 et mars 1998, nous avons choisi trois bureaux où nous voulions approfondir notre étude.

En plus d'examiner tous les dossiers et autres documents (sur supports papier et électronique) ayant trait aux échanges d'informations entre les deux organismes, les recherchistes du CSARS ont interviewé longuement des représentants du Service et de la GRC. Les opinions et jugements recueillis les ont considérablement aidés à bien comprendre les rapports entre la GRC et le SCRS. Pour mieux saisir ces rapports, le Comité a en outre dû se pencher sur des événements antérieurs et ultérieurs à la période considérée.

Constatations du Comité

La protection des sources contre les poursuites criminelles : dilemme difficile à résoudre

Le pivot des rapports opérationnels entre les deux organismes est l'échange d'informations par l'entremise des agents de liaison des bureaux régionaux du SCRS et des divisions de la GRC. Ce rouage du mécanisme d'échange semblait bien atteindre son objectif fondamental—assurer à chaque partie un premier accès aux informations et renseignements clés émanant de l'autre—mais, aux yeux de certains membres de la GRC, l'utilisation efficace de ces informations dans certaines situations semblait plus difficile.

En général, les représentants de la GRC que nous avons interviewés étaient mécontents des restrictions imposées par le Service sur la divulgation de ses informations et renseignements et sur l'usage que la GRC en faisait par la suite. La plupart semblaient toutefois être conscients que ces restrictions découlaient des exigences de communication de la preuve et de divulgation propres aux procédures pénales, et notamment de l'arrêt Stinchcombe.

Comme nous l'avons vu dans la Partie I de l'étude, le traitement des informations provenant du SCRS suscite inévitablement des tensions entre les deux organismes étant donné les différences entre leurs besoins et mandats respectifs. La raison d'être du Service est de recueillir des renseignements sur les menaces à l'égard du Canada, en recourant à des sources et à des méthodes qui doivent être protégées pour demeurer efficaces. Quant à la GRC, c'est un organisme qui, comme le ministère public, est tenu de divulguer des informations aux tribunaux pour appuyer les procédures pénales officielles. En un mot, le Service ne demande pas mieux que de lui fournir des renseignements délicats, à condition qu'elle ne les révèle pas, non plus que leurs sources. Pour que les procédures pénales soient efficaces, la GRC peut cependant devoir dévoiler la nature des renseignements et, dans certaines situations, être légalement tenue de le faire.

R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326

À l'occasion d'une poursuite pénale, un témoin interrogé par la Couronne avait fait une déposition favorable à l'accusé. Convaincu que le témoin n'était pas crédible, le ministère public a décidé de ne pas citer le témoin à déposer au procès. La défense a cherché à faire divulguer les déclarations du témoin dans l'espoir d'y trouver des renseignements favorables à l'accusé. Le ministère public a refusé. L'affaire a été portée devant la Cour suprême qui a statué en faveur de l'obligation générale de divulgation de la preuve (autre que des renseignements non pertinents ou protégés par un droit au secret) applicable au ministère public, mais non à la défense. Essentiellement, les motifs étaient les suivants :

  1. La divulgation élimine la surprise au procès et permet donc de mieux garantir que justice est faite.
  2. Il est du devoir du ministère public d'exposer au juge des faits tous les éléments de preuve dont il dispose : son rôle est de s'assurer que justice soit rendue et pas seulement d'obtenir une déclaration de culpabilité. Les fruits de l'enquête qui se trouvent en sa possession appartiennent à la société et doivent servir à assurer que justice soit rendue. (L'avocat de la défense, par contre, a pour mission de défendre les intérêts de son client dans la mesure autorisée par la loi.)

La décision Stinchcombe n'abordait pas à proprement parler le droit administratif. La Cour a pris soin de préciser dans ses conclusions qu'il ne fallait pas y voir des principes régissant la communication de la preuve ailleurs que dans une procédure pénale par voie de mise en accusation. Pour cette raison, elle n'est pas allée au-delà du droit pénal dans ses motifs. Malgré la tentative expresse de la Cour de limiter les effets de son arrêt et malgré le caractère pénal de la procédure, l'arrêt a été appliqué à des procédures administratives. Un grand nombre d'affaires se sont inspirées des principes énoncés dans l'arrêt Stinchcombe.

Comme nous le craignions à la fin de la Partie I de notre enquête, ce dilemme tenace a causé en divers endroits des difficultés qui ont suscité certaines craintes. D'après certains agents d'un bureau, les demandes de la GRC en vue de divulguer des informations du SCRS avaient diminué sensiblement, car les contestations judiciaires ayant trait à leur utilisation auraient pu compromettre des poursuites. Selon le Comité, pareille attitude face aux demandes de divulgation ne saurait manquer de nuire aux opérations des deux organismes. La GRC lui a toutefois assuré que le nombre de demandes de divulgation a été relativement constant à l'échelle nationale.

Ni le protocole d'entente ni les lois actuelles n'offrent de solution évidente à cette énigme. L'incidence possible des modifications aux lois est sujette à discussion, mais ce qui ne laisse aucun doute, à notre avis, c'est le danger auquel le statu quo expose les enquêtes entourant la sécurité nationale.

Agents de liaison de la GRC et autres sources d'information

Notre examen des rapports de coopération au niveau régional a mis au jour des problèmes de transmission d'informations du SCRS à la GRC. Selon nos recherches, une quantité considérable d'informations va directement aux commandements fonctionnels de la GRC, ce qui a pour effet de donner à certains de ses agents de liaison un tableau incomplet de ce qui leur est fourni ou ne l'est pas. Les mécanismes de gestion et de traitement de l'information reçue à la GRC ne sont pas du ressort du Comité qui n'en croit pas moins que l'actuel système pourrait nuire à la coopération future avec le Service. Il sait par ailleurs que la GRC est saisie du problème et examine les solutions appropriées.

Chevauchement des responsabilités dans les aéroports internationaux

Le gouvernement fédéral a transféré récemment, de la GRC aux services de police locaux, la compétence à l'égard du maintien de l'ordre dans les aéroports internationaux canadiens. La présence de la police fédérale y a toutefois été maintenue par la création de détachements de la GRC provenant de la Section des enquêtes sur la sécurité nationale, qui est chargée d'enquêter sur les activités visées dans la Loi sur les infractions en matière de sécurité.

Au début de notre investigation, il a semblé y avoir un risque de chevauchement entre cette nouvelle organisation et le Service qui, aux points d'entrée, a également des représentants dont le rôle est surtout de prêter assistance à Citoyenneté et Immigration Canada dans le filtrage sécuritaire des immigrants. [Voir la description du rôle du SCRS en matière d'immigration à la page 12 du rapport du CSARS de 1997-1998.] Selon notre analyse, même si la présence des détachements de la GRC dans les aéroports a semé une certaine confusion auprès des autres organismes d'application de la loi quant à leurs responsabilités et mandats respectifs, les choses ont tôt fait de rentrer dans l'ordre et il ne s'est posé aucune difficulté grave.

Criminalité transnationale

Dès 1996, le Service a entrepris d'enquêter sur la criminalité transnationale du fait que les ressources financières colossales provenant du blanchiment de fonds et des autres entreprises illégales internationales étaient une menace pour la sécurité sociale et économique du Canada. Pour assurer la conformité de ses activités à son mandat, le SCRS a cependant limité ses enquêtes à la collecte d'informations « stratégiques », comme question de principe. Il devait se tenir loin de toute enquête criminelle.

Dans la Partie I de son étude, le Comité a noté que ces restrictions n'étaient pas bien comprises de certains membres de la GRC qui, au sujet du degré de participation du Service, nourrissaient des attentes que celui-ci n'était pas prêt à combler. D'après les résultats de nos recherches menées aux niveaux régional et opérationnel pour la Partie II, le rôle du Service à l'égard de la criminalité transnationale est toujours mal compris.

Aux yeux du Comité, il est manifeste que la quantité de renseignements pertinents fournis à la GRC était relativement minime. Nous avons été informés que la politique visant à limiter les enquêtes au niveau stratégique avait été suivie scrupuleusement. Cependant, les membres intéressés de la GRC ne saisissaient pas encore très bien les notions d'enquêtes « stratégiques » et « tactiques » et ils ont exprimé des doutes quant à la validité de la distinction entre les deux. Plusieurs ont soutenu que le SCRS ne leur communiquait pas tous ses renseignements sur la criminalité transnationale, ce que les agents du Service ont nié avec vigueur. Nous n'avons relevé aucune preuve de non-communication délibérée à l'endroit de la GRC. Cette question est traitée de façon plus approfondie dans la partie sur la criminalité transnationale, à la page 5.

Un autre problème, plus grave peut-être, est que certains représentants de la GRC étaient tout aussi soupçonneux à l'égard des renseignements du SCRS que des autres informations mises en commun avec lui et répugnaient pour les mêmes raisons à en demander la divulgation. Le Comité estime que ces problèmes risquent de contrecarrer les efforts du Canada pour faire échec à cette terrible manifestation du crime organisé. Nous exhortons le Service, la GRC et le gouvernement à prendre les mesures appropriées pour éviter tout malentendu à l'avenir.

Qualité des relations globales

Les plaintes que les recherchistes du CSARS ont recueillies de la bouche des porte-parole de la GRC dans les trois divisions qu'ils ont visitées visaient pour la plupart les politiques du Service ou le système administratif plus vaste qui, à leur avis, suscitait des difficultés évitables. Les employés du Service n'ont été l'objet d'aucune récrimination. Plusieurs représentants de la GRC ont parlé en termes élogieux de l'apport global du SCRS aux opérations et enquêtes mixtes ainsi que de la qualité de sa coopération en général. Les deux organismes tenaient souvent des réunions et des séances de familiarisation (organisées surtout par le Service) et recouraient à un mécanisme non officiel pour résoudre les problèmes particuliers à un bureau régional ou à une division, généralement par des contacts personnels entre les cadres supérieurs des deux organismes.

Des cas particulièrement difficiles survenus récemment dans deux bureaux régionaux continuent de provoquer des frictions. Le Comité estime toutefois que l'efficacité opérationnelle n'en a pas subi de dommage irréparable. À son avis, exception faite des deux craintes exprimées plus haut—l'utilisation par la GRC des renseignements du SCRS dans les procédures pénales et la compétence du Service en matière de criminalité transnationale— les rapports entre les deux organismes peuvent être qualifiés de coopération véritable et fructueuse.

Liaison du SCRS avec les organismes étrangers - Rapport no 112

Méthode d'examen

En vertu du sous-alinéa 38(a)(iii) de la Loi sur le SCRS, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité examine les ententes entre le Service et les services de renseignement et de police étrangers ainsi que les informations que le SCRS leur communique.

Cette année, le CSARS a effectué sa vérification dans deux bureaux qui œuvrent dans des régions ayant subi de profonds changements politiques et économiques et qui fournissent un apport spécial à la collecte de renseignements sur les conflits déchirant ces régions et sur le terrorisme. De ces bureaux relève un éventail hétérogène de pays, pour la plupart en développement. Quelques-uns de ces États respectent les principes démocratiques de gouvernement, mais l'instabilité politique est un trait distinctif de la plupart d'entre eux, que les observateurs des droits de la personne placent, dans bien des cas, sur la liste des pays à surveiller.

La vérification a porté sur trois catégories principales de documents :

  • tous les échanges d'informations effectués par les agents de liaison-sécurité (ALS) du SCRS dans ces deux bureaux, dont ceux traités électroniquement;
  • toute la correspondance de ces bureaux avec des organismes de renseignement étrangers; et
  • l'ensemble des instructions et documents de référence reçus ou envoyés par les ALS, y compris leurs « évaluations d'organismes étrangers ».

Les objectifs essentiels de l'examen étaient de vérifier si les relations et contacts avec les organismes étrangers concernés étaient conformes aux ententes particulières en matière de liaison et si le Service avait traité comme il le devait les informations qu'il leur avait fournies ou qu'il en avait reçues. Dans ce travail, le Comité a accordé une attention particulière aux échanges d'informations avec les organismes de pays soupçonnés de violer les droits de la personne.

Programme de liaison avec l'étranger

Pendant la période considérée, l'organisation de la Direction de la liaison avec l'étranger et des visites (DLEV) n'a subi aucun changement majeur à la suite de son établissement comme direction « autonome », au milieu de 1997. Cependant, plusieurs problèmes de gestion ont retenu notre attention.

La règle des informations fournies par des « tiers »

En ce qui touche les renseignements secrets qu'il fournit, le SCRS a pour politique générale que les organismes étrangers ne doivent pas en faire la demande pour le compte d'autres organismes (nationaux ou internationaux). Pour assurer la transparence et l'intégrité du processus de diffusion, il est essentiel que le SCRS sache à qui vont ces informations et qui les sollicite.

Notre étude a révélé plusieurs cas où le service de renseignement d'un pays allié avait offert au SCRS de servir d'« intermédiaire » pour obtenir des renseignements d'organismes d'autres pays, offres que le Service a rejetées. Dans une autre affaire, plus grave celle-là, nous avons appris qu'un organisme étranger allié avait mis à la disposition d'un service de renseignement des informations provenant du SCRS, sans son autorisation, ce qui va nettement à l'encontre de la règle des informations fournies par des « tiers ». D'après les dossiers, l'administration centrale du Service voyait cette pratique d'un mauvais œil et a invité les ALS à faire savoir clairement à cet organisme qu'il devait y mettre un terme.

Examen annuel de bureaux à l'étranger

En octobre 1996, le gestionnaire du programme du Service en matière de liaison avec l'étranger a affirmé son intention d'examiner chaque année des bureaux de liaison choisis pour aider à recommander à la haute direction du SCRS les améliorations requises, ce que le Comité a avalisé. Depuis, cependant, aucun plan officiel n'a été mis en œuvre. Le directeur général qui coiffe actuellement la Direction continue, il est vrai, d'inspecter individuellement les bureaux au besoin, mais le projet initial de rapports réguliers et officiels offrait plus d'avantages que l'actuelle formule, croyons-nous. Le Service soutient que le mécanisme de surveillance en place est satisfaisant.

Rôle révisé des agents de liaison-sécurité

Dans de précédents rapports de vérification, le Comité a appuyé un plan visant à conférer un rôle actif aux ALS dans le processus d'examen de l'information destinée aux organismes étrangers. Selon ce plan, les agents étaient, en fait, les juges ultimes de l'opportunité de leur transmettre l'information. Nous sommes heureux de constater que la DLEV a mis ce plan à exécution.

Suivant la nouvelle politique, un agent de liaison-sécurité qui s'oppose à la communication d'informations à un organisme étranger, comme le propose la direction opérationnelle compétente du SCRS, peut soumettre la question à la DLEV, à l'administration centrale. Cette politique rétablit en effet une fonction que s'était vu retirer la haute direction lorsque l'ancienne Direction de la liaison avec l'étranger a été dissoute, au début des années 90.

Ententes de liaison avec l'étranger

La liaison avec les services de renseignement étrangers est assujettie aux ententes que le Service conclut avec eux en vertu de l'article 17 de la Loi sur le SCRS et à une instruction donnée en 1982 par le Ministre. Celle-ci traite des rapports et des échanges des agents de liaison-sécurité à l'étranger ainsi que des visites du personnel du SCRS et des services alliés.

Selon l'instruction ministérielle de 1982 sur la liaison avec l'étranger, la coopération du SCRS avec un organisme de l'extérieur doit être conforme à la politique étrangère du Canada. De plus, la conclusion de toute entente de liaison avec un service de renseignement étranger doit être approuvée par le Solliciteur général qui consulte d'abord le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international.

Étude approfondie des diverses ententes

Ces dernières années, le Comité a prêté beaucoup d'attention aux ententes du Service en matière de liaison avec l'étranger. C'est ce qui l'a amené, entre autres, à signaler des rapports d'ALS évaluant favorablement des organismes peu recommandables et discrédités, et des ententes demeurées inappliquées depuis bien des années. Comme nous le notions dans notre dernier rapport de vérification (1997-1998), le Service de sécurité avait conclu, avant la création du SCRS, une bonne moitié des 215 ententes de liaison que gèrent les ALS affectés par le SCRS à l'étranger et dont bon nombre étaient même antérieures à l'instruction ministérielle de 1982.

Voici ce que nous déclarions en 1998 au sujet du projet d'étude exhaustive des ententes par le gouvernement : « la nouvelle instruction ministérielle imminente fournira... l'occasion d'assurer que toutes les ententes avec les organismes étrangers, notamment celles qui remontent avant la création du Service, soient revues et modifiées ». À cette fin, le Comité a aussi recommandé que le SCRS revoie systématiquement toutes les ententes conclues avec de tels organismes lorsqu'il aura reçu l'instruction. En août 1999, le Ministre n'avait cependant donné aucune nouvelle instruction.

Ce retard inquiète le Comité de surveillance. L'instruction ministérielle existante touchant les ententes avec des organismes étrangers est largement dépassée et il en faudrait une nouvelle pour mener l'étude exhaustive qui s'impose depuis longtemps sur ce plan. Nous exhortons donc le Ministère à substituer à l'instruction de 1982 un document qui traduise l'expérience du gouvernement à ce jour dans l'administration des ententes avec des organismes étrangers et qui soit conforme à la Loi sur le SCRS.

Initiatives nouvelles en matière de liaison avec l'étranger

Au cours de la période à l'étude, le SCRS a pris part à diverses initiatives nouvelles qui ont élargi l'éventail des activités découlant de ses ententes avec des organismes étrangers. À l'intention du personnel de ces organismes, il a institué un cours de formation en analyse du renseignement, qui permet de comprendre les fonctions des services de renseignement au sein des institutions civiles démocratiques. De plus, le Service a répondu à l'appel de plusieurs organismes étrangers qui cherchaient à se renseigner sur la rédaction de lois destinées à régir les opérations de renseignement dans leurs propres pays.

Les droits de la personne dans les rapports avec plusieurs organismes étrangers

En raison des antécédents de certains organismes étrangers qui entrent dans le champ d'action des bureaux visés par notre examen, la question des droits de la personne a pris une importance d'autant plus grande. Dans un de ces bureaux, l'unique organisme signataire d'un accord sur l'échange de renseignements de sécurité (par opposition à d'autres informations moins délicates) avait mauvaise réputation quant au respect des droits de la personne. Le personnel du CSARS a porté une attention spéciale aux informations échangées par le SCRS avec cet organisme, mais aucune n'a suscité de craintes.

Une entente avec un deuxième organisme, quoique plus limitée dans la nature des informations échangeables, a aussi retenu l'attention du Comité. Ce que le CSARS craignait n'était pas l'organisme lui-même, mais plutôt le risque que l'information parvienne aux pendants de celui-ci au sein de l'armée et de la police.

Relativement optimiste à l'égard de ces échanges, le SCRS affirme que la plupart des services de renseignement n'ont pas de pouvoirs de police et violent donc moins souvent les droits de la personne. Le Comité est d'accord avec cette affirmation, mais il estime qu'il faut demeurer vigilant. Le SCRS peut en effet fournir des informations à un organisme qui est respectueux des droits de la personne mais qui peut par la suite les transmettre à des organismes gouvernementaux qui, eux, ne le sont pas. Dans le cas qui nous occupe, aucun échange d'informations du Service avec cet organisme étranger n'a suscité de difficultés.

En ce qui concerne un troisième organisme étranger peu respectueux des droits de la personne, le Comité a examiné avec un soin particulier les échanges de correspondance. Il a noté que le Service était pleinement conscient des allégations de corruption, d'incompétence et de violation des droits de la personne qui pesaient sur cet organisme et qu'il en avait tenu compte dans ses rapports avec lui. Le SCRS nous a informés qu'il ne poursuivra ces rapports que si l'organisme continue de respecter les droits de la personne de façon satisfaisante.

Entente particulièrement délicate avec un organisme étranger

Une entente conclue il y a plusieurs années, entre le SCRS et un service de renseignement étranger d'un pays coupable de violations graves des droits de la personne, a tout particulièrement retenu l'attention du Comité.

Cette entente, qui avait été approuvée par le Solliciteur général, avait un champ d'application assez restreint. Entre autres conditions dont elle était assortie, elle devait être revue après un laps de temps relativement bref. De plus, pour protéger les ressortissants de ce pays, le SCRS ne devait demander aucune information aux autorités locales sur des personnes habitant encore là-bas.

Conformément aux directives ministérielles, le SCRS a examiné l'entente et, l'ayant trouvé utile et avantageuse pour le Canada, il a demandé au Ministre de la renouveler. Le Solliciteur général a accédé à la demande à condition que le Service revoie à nouveau l'entente et fasse rapport dans un an. Le Comité a constaté que la nouvelle révision demandée par le Ministre n'a pas été faite, ce qu'il a signalé au SCRS. Celui-ci lui a répondu qu'à son avis, cette directive avait été donnée à tort.

Après avoir consulté le ministère du Solliciteur général, le Comité a déterminé qu'en dépit de l'interprétation du Service, la directive du Ministre était claire et valide : le SCRS devait revoir l'entente et la faire approuver par le Ministre. Depuis, le SCRS nous a informés qu'il avait demandé par écrit l'approbation du Solliciteur général.

Observation générale sur les droits de la personne et les organismes étrangers

Les ententes du SCRS avec les services de renseignement étrangers ont essentiellement pour but de recueillir les informations requises pour protéger les Canadiens. Dans le meilleur des mondes, les contacts étrangers du Service respecteraient tous les droits de la personne de façon satisfaisante, ce que beaucoup ne font pas, dans les faits. Pour obtenir les renseignements requis, le SCRS doit parfois traiter avec des organismes mal cotés à cet égard.

Le Comité estime qu'il faut tout mettre en œuvre pour éviter que les échanges d'informations du Service puissent prêter à la violation des droits de la personne. Pour assurer un contrôle serré, les ALS doivent fournir au reste du SCRS des données complètes et exactes sur le respect de ces droits par les organismes et sur leur tendance à transmettre sans autorisation les informations reçues à des tiers.

Coopération débordant le cadre d'une entente

L'examen des dossiers contenant les informations détaillées que le Service avait fournies à deux services de renseignement étrangers a révélé certaines catégories d'informations qui débordaient le champ d'application de l'entente.

Les divulgations ont eu lieu après que le Service eut été informé d'un plan visant à lancer des campagnes terroristes contre des personnalités étrangères. Devant l'urgence de l'affaire, l'administration centrale du SCRS a autorisé l'ALS à communiquer l'information aux représentants du gouvernement étranger concerné.

Le Directeur du SCRS a prévenu le Solliciteur général de l'affaire. Il est clair que la communication de l'information débordait le cadre de l'accord de liaison, mais l'instruction du Ministre confère au Directeur la prérogative d'autoriser pareille communication dans des circonstances exceptionnelles. Le Comité estime que le Service a agi à bon droit dans cette affaire.

Informations périmées

Suivant une pratique répandue parmi les services de renseignement, le SCRS demande à ses agents de liaison-sécurité à l'étranger de présenter des rapports sur leurs activités et des évaluations sur les organismes avec lesquels ils traitent. L'étude des dossiers de l'un des bureaux où nous avons effectué notre examen a révélé que des rapports administratifs clés dataient de très loin.

L'importance de ces rapports ne doit pas être sous-estimée : pour le personnel de l'administration centrale et pour les cadres du SCRS, c'est un outil clé qui sert à déterminer ce qui peut être communiqué aux organismes étrangers. Aux yeux du Comité, cette faille est plus qu'un simple détail administratif. Le Service l'a informé qu'il avait fait le nécessaire pour mettre les dossiers à jour et pris des mesures pour éviter la diffusion future d'évaluations périmées.

Communication à un autre organisme gouvernemental

Dans cette affaire, le Comité a scruté l'enquête du Service sur plusieurs ressortissants étrangers qu'on soupçonnait d'avoir participé hors du Canada à un programme menaçant la sécurité du pays. Ayant conclu que les suspects n'étaient pas une menace, le SCRS semblait quand même avoir transmis l'information recueillie sur leur compte à un autre organisme du gouvernement du Canada. Le CSARS s'est enquis auprès du Service de la nature de l'information et de l'autorisation en vertu de laquelle il l'avait communiquée. Le SCRS lui a alors exposé les circonstances de l'affaire, ce qui a convaincu le Comité que l'échange d'informations était dans les règles.

Affaire étudiée

D'après les directives données par l'administration centrale du SCRS à l'un de ses ALS à l'étranger, il a semblé au Comité que l'agent avait été invité à mener une enquête que le Ministre aurait dû approuver au préalable. Cette approbation n'ayant pas été demandée, nous avons poussé plus loin nos recherches sur l'affaire.

Selon nos conclusions, l'administration centrale du SCRS ne voulait pas que ses directives soient comprises comme une « mission » de faire enquête et l'ALS ne les a d'ailleurs pas interprétées ainsi. Apparemment, elle voulait plutôt que l'ALS soit attentif à une situation particulière dans ses discussions avec des représentants étrangers, de façon à pouvoir noter les informations propres à enrichir les évaluations d'organismes, dont la mise à jour était en cours.

Lorsque nous avons fait part au Service de nos préoccupations au sujet de l'ambiguïté de sa note, il a réagi promptement. Depuis, le personnel de l'administration centrale a été averti à plusieurs reprises qu'il devait être plus minutieux et précis dans ses communications avec les ALS.

Constatation générale

Dans ses examens périodiques des activités de liaison du Service à l'extérieur du pays, le Comité scrute l'ensemble des nombreuses difficultés que suscite le travail des ALS des bureaux étrangers. Ceux-ci sont parfois des milieux éprouvants sur les plans personnel et professionnel. En général, les ALS des deux bureaux où s'est déroulé notre examen manifestaient un esprit d'initiative et de discernement. De plus, le Service a fait preuve de discernement dans la sélection des informations à communiquer à ses partenaires étrangers.

Dossiers d'intérêt particulier - rapports sommaires

Allégations d'un ancien employé du SCRS (art. 54) - Rapport no 113

En vertu de l'article 54 de la Loi sur le SCRS, le Solliciteur général peut, en tout temps, demander au Comité de lui présenter un rapport sur toute question relevant de sa compétence. En juillet 1998, l'honorable Andy Scott, alors titulaire de cette charge, a fait part au CSARS de certaines allégations d'un ancien employé du Service contre celui-ci. Il lui a demandé d'examiner les allégations, puis de lui remettre un rapport détaillé exposant les faits sur lesquels elles reposaient, le cas échéant.

Les allégations étaient de nature diverse : abus de pouvoir, abus systémique, népotisme, corruption, favoritisme, harcèlement sexuel et non-conformité aux politiques du Service et aux lois canadiennes. Quatre d'entre elles visaient des opérations du SCRS.

Un recherchiste du Comité a rencontré le plaignant qui a toutefois refusé de fournir des détails au sujet de ses allégations, prétextant qu'il ne croyait pas au processus. Il nous a donc fallu puiser ces détails dans les lettres du plaignant antérieures au début de notre enquête.

Les doléances de l'ex-employé semblent tenir au rejet du grief qu'il avait présenté au Service en 1987. Le Comité a surtout noté une lettre adressée par la suite au Directeur du SCRS dans laquelle le plaignant affirmait que, si le grief était réglé en sa faveur, les autres allégations—même les plus graves— pourraient être résolues d'une manière ou d'une autre. Autrement, il devrait puiser à d'autres informations qu'il avait en mains et qui « prendront soin des hésitations du Directeur », comme il l'a lui-même écrit.

Quoi qu'il pense de ces affirmations, qui sont en réalité une forme de chantage, le Comité a pris au sérieux toutes les allégations du plaignant et les a examinées une à une.

Dans son rapport au Ministre, le CSARS a pris soin de noter qu'en ce qui a trait aux éléments de son enquête relatifs aux ressources humaines, il était pleinement conscient que ses pouvoirs normaux d'examen et d'enquête ne s'étendaient pas aux politiques du Service en matière de gestion du personnel. Il a néanmoins pu tirer des conclusions fort claires.

Dans l'ensemble, il a conclu que les allégations étaient sans fondement. Voici les principales conclusions qu'il a formulées dans son rapport au Ministre :

  • Contrairement à ce que prétend l'ex-employé, soit que beaucoup de postes au SCRS n'étaient pas comblés par voie de concours, notre étude a permis de constater qu'en fait très peu de postes étaient comblés par nomination et qu'aucun titulaire de ces postes n'avait travaillé à titre d'adjoint de direction, comme le prétendait le plaignant.
  • Nous avons étudié la stratégie de dotation énoncée dans le manuel de la politique du Service sur les ressources humaines. Après avoir examiné tous les documents exposant l'historique, la qualification des candidats et la procédure d'emploi, nous avons conclu que l'allégation concernant un concours tenu en 1997 à Montréal était dénuée de tout fondement. Toutes les procédures de gestion de personnel suivies dans cette affaire étaient conformes à la politique établie.
  • En ce qui a trait à l'allégation de harcèlement sexuel faite par le plaignant au sujet des classes de nouvelles recrues du SCRS, le Comité a conclu qu'elle ne reposait sur aucun fait.
  • Quant à l'allégation du plaignant concernant la réaction du Service à une plainte de harcèlement formulée contre un de ses gestionnaires, notre étude a révélé qu'il n'y avait eu aucune irrégularité dans le règlement de la plainte par le SCRS.
  • Au sujet de la politique du Service imposant la mobilité aux agents de renseignement, nous (contrairement au plaignant) la croyons essentielle tant aux opérations qu'au perfectionnement professionnel. La viabilité d'un organisme national de renseignement serait difficile à concevoir sans une telle politique de gestion du personnel.
  • Nous avons été très préoccupés par l'allégation du plaignant voulant qu'on ait recueilli des renseignements opérationnels à l'occasion d'entrevues de filtrage de sécurité pour Citoyenneté et Immigration Canada. Comme le montrent de précédents rapports de vérification, cette allégation touche une préoccupation centrale du Comité. Malheureusement, elle était très générale et lui a été présentée sans aucun exemple ni détail. L'absence de détails laissait peu de place à l'enquête du CSARS dans cette affaire, mais le Comité est rassuré par le fait qu'il s'emploie souvent à vérifier le contexte et le contenu des comptes rendus d'entrevues de filtrage et qu'il peut mener une enquête approfondie lorsqu'il est saisi de plaintes détaillées.
  • Dans son rapport au Ministre, le Comité a aussi déploré l'opinion fort tendancieuse de l'ex-employé à l'endroit d'un ancien directeur du Service. Il a été particulièrement troublé par la façon cavalière dont le plaignant a mis en doute la fiabilité et la loyauté d'un collègue de travail qui avait des états de service très impressionnants comme fonctionnaire au Canada et à l'étranger.
  • Enfin, le Comité a jugé sans fondement aucun l'une des allégations les plus graves sur le plan opérationnel, soit qu'un directeur du SCRS ait délibérément caché des informations aux organismes de surveillance (le CSARS et l'Inspecteur général) qui ont examiné le rôle du Service dans l'attentat perpétré en 1992 contre l'ambassade d'Iran.
  • Toutes les autres allégations d'ordre opérationnel ont été rejetées comme non fondées.

Les dossiers échappés - Rapport no 116

Dans l'examen des dossiers effectué à l'administration centrale du SCRS au début de 1998, le Comité en a trouvé certains,ouverts par le Service de sécurité de la GRC, qui ont échappé au vaste examen que le SCRS avait fait en 1990 de tous les dossiers reçus de la GRC. Ces dossiers étaient encore considérés comme « actifs », même si le délai de conservation en était expiré et qu'il y aurait eu lieu de déterminer s'il fallait les éliminerNote de bas de page 11.

Nos questions ont amené le SCRS à effectuer un examen interne et à trouver 833 dossiers qui avaient échappé à son examen. Il a conclu que certains de ces dossiers étaient encore utiles sur le plan opérationnel. Nous en avons examiné un échantillon pour déterminer si les motifs invoqués par le Service pour les conserver étaient valables.

Notre examen a révélé que ces dossiers avaient été mal placés à cause d'une « erreur administrative » inexplicable : aucune date de rappel ne leur avait été attribuée lors du vaste examen effectué par le Service en 1990.

En général, nous estimons que la procédure du SCRS pour l'examen des dossiers est bonne, mais que son application lui donne du mal.

Nous avons appris que le SCRS avait publié en 1995 un recueil de procédures, mais nous avons constaté que ses Lignes directrices concernant l'examen et l'élimination des dossiers et destinées à faciliter les décisions des analystes dans l'élimination des dossiers n'avaient pas été mises à jour depuis les dernières modifications remontant à 1991.

Nous recommandons que les Lignes directrices concernant l'examen et l'élimination des dossiers soient mises à jour de manière à refléter la politique et les besoins opérationnels actuels du Service.

Le SCRS nous a informés qu'il examinerait et mettrait à jour ses procédures d'élimination de dossiers.

Notre étude a révélé que la Sous-section des exigences des Archives nationales (SSEAN) n'avait pas de procédure permettant de suivre les dossiers une fois ceux-ci confiés aux modules opérationnels compétents afin qu'ils déterminent s'il y a lieu de les éliminer.

Nous recommandons que les modules opérationnels soient tenus de respecter les délais fixés par la SSEAN pour l'élimination des dossiers et que la SSEAN instaure une procédure de suivi efficace.

Le SCRS a dit qu'il adopterait un nouveau système de rappel.

Nous avons constaté que les critères précis, prévus dans les Lignes directrices pour la conservation des dossiers, figuraient rarement parmi les motifs invoqués par les analystes. Nous avons aussi noté que les raisons données par écrit pour justifier la conservation n'étaient pas suffisamment détaillées.

Nous recommandons que les analystes de la SSEAN et des modules opérationnels justifient en détail leurs décisions de retenir les dossiers, en précisant les critères applicables énoncés dans les « Autorisations de disposition de documents » et le motif invoqué par le Service en vertu de la Loi sur le SCRS.

Enfin, à notre avis, un certain nombre de dossiers auraient dû être envoyés aux Archives nationales du Canada ou même détruits, car ils ne semblaient contenir aucune information utile sur le plan opérationnel. Nous avons fait part de la chose au Service.

Affaire liée à un conflit étranger -Rapport no 106

En 1998-1999, le CSARS a examiné une enquête complexe et délicate du Service, échelonnée sur plusieurs années et faisant appel à des sources humaines. En raison du caractère hautement confidentiel de l'opération, des motifs liés à la sécurité nationale nous empêchent de fournir des détails qui pourraient mettre des vies en danger. Comme il était en désaccord avec le SCRS sur d'importants aspects de la conduite de l'opération, le Comité a dit au Directeur du Service ce qu'il pensait de ces questions difficiles.

Opinion du CSARS sur les enquêtes contextuelles

Depuis quelques années, le Comité de surveillance et d'autres organismes (notamment l'Inspecteur général du SCRS) sont au fait des difficultés qui peuvent découler d'autorisations d'enquêtes dites « contextuelles ». De telles autorisations permettent d'enquêter dans les circonstances où le SCRS soupçonne l'existence d'une menace pour la sécurité du Canada, mais où les individus ou groupes particuliers associés à la menace ne sont pas encore connus. Autrement dit, elles permettent au Service d'enquêter sur la menace générale et de chercher à identifier les personnes ou groupes qui trempent dans des activités liées à cette menace. Comme pour toute autre procédure d'autorisation, il faut obtenir l'approbation de la Cour fédérale si des pouvoirs conférés par la voie de mandats sont sollicités.

Ainsi, une autorisation « contextuelle » peut être nécessaire dans le cas hypothétique où une série de bombes exploseraient dans diverses régions du pays, sans qu'aucun groupe ne revendique les attentats. Le SCRS enquêterait alors en vertu d'une telle autorisation. Le fondement juridique de son action serait l'existence présumée d'une menace pour la sécurité du Canada, au sens donné à ce terme à l'article 2 de la Loi sur le SCRS.

L'enquête pourrait révéler que ces attentats étaient le simple fait d'activités criminelles intérieures. Elle pourrait aussi montrer qu'un groupe ayant des visées politiques avait décidé de recourir à la violence pour faciliter la réalisation de ses fins. Dans le premier cas, le Service devrait remettre toutes ses informations à la police et suspendre sa propre enquête. Dans le second, il poursuivrait son enquête et, au fil de la collecte de nouveaux renseignements, il en circonscrirait le champ aux individus ou groupes directement mêlés à l'affaire.

Dans l'exemple cité plus haut, s'il ne menait pas d'enquête contextuelle, le SCRS tenterait d'établir ce qui s'est passé et de trouver qui a fabriqué et fait sauter les engins, mais il le ferait, et c'est là la distinction cruciale, en l'absence complète de processus officiel d'enquête et de toute procédure juridique et administrative liée à ce processus. La distinction entre ces deux approches peut ne pas sembler très importante dans un contexte aussi concret que l'explosion de bombes, mais elle pourrait l'être dans d'autres situations moins précises.

Le Comité estime qu'une autorisation contextuelle est nettement préférable à l'absence d'autorisation. Il s'élèverait énergiquement contre toute politique du SCRS qui approuverait la tenue d'une enquête sans autorisation appropriée.

Même si, à notre avis, les enquêtes contextuelles ont leur place dans l'éventail des moyens fournis par la loi au SCRS pour protéger la sûreté et la sécurité du Canada, nous tenons à préciser que la haute direction doit être très vigilante face aux enquêtes menées en vertu de telles autorisations. De plus, nous exhortons le Service à tout mettre en œuvre pour passer le plus rapidement possible de l'enquête contextuelle à l'enquête particulière (fondée sur l'identité de la cible).

Le Comité de surveillance continuera de porter une attention spéciale à ce type d'enquêtes pour s'assurer qu'elles sont toutes à l'abri de tout reproche.

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2016-12-02