Dossiers d'intérêt particulier pour 1999-2000 - Rapport annuel 1999-2000

A. Dossiers d'intérêt particulier pour 1999-2000

Le projet Sidewinder - Rapport no 125

CONTEXTE DE L'EXAMEN DU COMITÉ

En septembre et octobre 1999, une série d'articles sur un projet commun à la GRC et au SCRS, portant le nom de code « Sidewinder », paraissent dans les journaux. Selon ces articles, une équipe « d'analystes et d'enquêteurs des milieux civil et policier », provenant à la fois du SCRS et de la GRC, est affectée à ce « projet gouvernemental très secret » ébauché en 1995. Le point commun des articles est que Sidewinder aurait été l'objet d'une ingérence politique abusive qui aurait porté préjudice à l'intérêt nationalNote de bas de page 1.

Voici les principales affirmations faites dans les journaux :

  • le but du projet Sidewinder était de recueillir, aux fins d'analyse, des renseignements sur les efforts du gouvernement chinois et de bandes de criminels asiatiques pour influencer les milieux canadiens des affaires et de la politique;
  • le projet a été abandonné avant terme parce que le Service craignait une résistance politique;
  • le SCRS a détruit à tort toutes les copies du rapport final sur le projet Sidewinder, de même que les ébauches, la correspondance et les autres documents connexes;
  • l'interruption du projet conjoint en 1997 était prématurée et a par la suite entravé la capacité du gouvernement de faire face à de nouvelles menaces qui pesaient sur le pays;
  • la suspension du projet et la dissolution de l'équipe ont découlé de la demande de ressources supplémentaires présentée par l'équipe chargée du projet Sidewinder et de sa recommandation, à la direction du SCRS et de la GRC, d'instituer une enquête officielle sur les activités présumées;
  • la mauvaise gestion du projet Sidewinder a nui sensiblement aux relations générales entre le SCRS et la GRC.

PORTÉE ET MÉTHODE DE L'EXAMEN

Voici ce qu'englobe l'examen du projet Sidewinder par le Comité : tous les documents existants que le SCRS avait créés ou amassés depuis le début du projet, les entrevues avec les agents du Service et de la GRC qui avaient pris part à la rédaction des rapports sur ce projet, la correspondance et les entrevues avec les tiers qui avaient offert des informations ou des documents au CSARS et tous les documents pertinents versés dans les dossiers du Service.

Le Comité ayant pour mandat d'examiner les activités du SCRS, c'est forcément là qu'il a fait porter ses efforts. Néanmoins, il n'a pas eu accès à tous les dossiers de la GRC sur le projet Sidewinder, mais uniquement à ceux touchant l'administration du projet et la rédaction des rapports. Le CSARS a en outre pu interviewer des représentants de la GRC.

La grande majorité des documents que nous avons étudiés sur Sidewinder provenaient des dossiers de la GRC, et non du Service. Après l'achèvement de la première ébauche du rapport en 1997, le SCRS avait éliminé la majeure partie de ses documents sur ce projet. Aux questions du Comité à ce sujet, le Service a répondu que cette mesure était légitime et pleinement conforme à ses pratiques de longue date en matière d'élimination de dossiers. Cette question est traitée en détail ci-après.

Principaux points

  • Le Comité n'a trouvé aucune preuve de la prétendue ingérence politique. Aucun des documents et dossiers examinés, aucune des entrevues menées et des observations recueillies ne permet de croire en une telle ingérence, réelle ou présumée. Le projet Sidewinder n'a pas été abandonné : il a été retardé après qu'on eut jugé le rapport insatisfaisant.
  • Quant à la première ébauche du rapport Sidewinder, nous l'avons trouvée très boiteuse à presque tous les égards. Elle dérogeait aux normes de rigueur professionnelle et analytique les plus élémentaires. Les mesures prises par le Service pour rehausser la qualité de ses futurs travaux de collaboration avec la GRC au projet Sidewinder étaient appropriées.
  • Le Comité n'a trouvé aucun indice de menace grave et immédiate, comme celle évoquée dans la première ébauche du rapport Sidewinder, ni de menace dont on n'aurait pas tenu compte par négligence ou à dessin, ni de menaces graves dont le gouvernement n'aurait pas été averti comme il le fallait, le cas échéant. Le SCRS et la GRC continuent tous deux d'enquêter séparément sur les menaces semblables.
  • Le Comité n'a trouvé aucun signe que les désaccords survenus entre le SCRS et la GRC au cours du projet Sidewinder aient suscité des difficultés sur d'autres plans de leurs relations mutuelles ou soient symptomatiques de telles difficultés.
  • Le Service a détruit des documents qu'il jugeait « éphémères » concernant la première ébauche du rapport Sidewinder. Il ne peut en retrouver d'autres que le Comité estime nettement non éphémères et il affirme qu'ils n'ont pas été détruits mais qu'ils sont « mal classés ». D'après le CSARS, cette confusion n'aurait toutefois pas eu de conséquences graves sur les événements entourant le projet Sidewinder. Il n'y a en outre aucun indice qu'on ait détruit ou modifié de quelque manière des renseignements bruts qui étaient conservés dans les dossiers du Service et sur lesquels les analystes de Sidewinder se sont fondés, entre autres, pour rédiger leur premier rapport.

GENÈSE DE SIDEWINDER

Pour Sidewinder, deuxième projet seulement à avoir été entrepris conjointement par le SCRS et la GRC en analyse du renseignement, les parties conviennent d'un plan en mars 1996. Ce projet mise sur des informations publiques de sources ouvertes et sur des renseignements déjà versés dans les dossiers du SCRS et de la GRC ainsi que d'organismes coopérateurs. Il doit servir à évaluer la menace que certains intérêts étrangers représentent pour la sécurité du Canada.

Quatre analystes, soit deux de chaque organisme, sont affectés au projet qui s'échelonne sur plusieurs mois. Au fil de sa réalisation, ils rédigeront des « bulletins de renseignement » provisoires exposant au gouvernement et aux services de renseignement alliés les liens nationaux et internationaux et les tendances que le processus d'analyse permettra de déceler sur le plan du renseignement. Le rapport final renfermera des diagrammes de ces liens, des graphiques et des profils de personnalité. L'équipe chargée de Sidewinder préparera aussi, « au besoin », un exposé multimédia sur les menaces que le projet aura permis de mettre au jour à l'égard du Canada.

D'après le plan, les clients principaux, ou du moins les premiers, sont la haute direction de la GRC et celle du SCRS, la gestion du projet étant confiée à la Direction des exigences, de l'analyse et de la production (EAP), au Service. Généralement, les rapports de l'EAP vont à un lectorat plus vaste du secteur public et, s'il y a lieu, aux services de renseignement alliés. On peut donc supposer qu'au SCRS, à tout le moins, les rapports de recherche sur Sidewinder devront atteindre un lectorat plus étendu.

Les membres de l'équipe Sidewinder commencent par arrêter un « plan de collecte » : quelles données recueillir et comment procéder. Selon ce plan, les renseignements qui revêtent un intérêt seront déterminés par recoupements de données entre les bases de la GRC et du SCRS. Les analystes de l'équipe puiseront aux dossiers existants des deux organismes, faisant aussi appel à deux autres ministères pour compléter cette base d'information. Des vérifications de dossiers seront effectuées dans les bases de données ministérielles et, en outre, les organismes nationaux d'application de la loi compétents en ce domaine seront consultés.

LA MALHEUREUSE PREMIÈRE ÉBAUCHE

D'après le plan, l'analyse effectuée pour le projet doit se terminer à la mi-novembre 1996. Les dossiers mis à notre disposition semblent toutefois confirmer ce que le Service dira au Comité : indépendamment du plan, « il ne s'est pas fait grand-chose, outre la rédaction d'une première ébauche qui s'est avérée inacceptable ». Et même ce travail subira un retard de quelque six mois.

La GRC dira au Comité que le roulement fréquent des analystes du SCRS affectés au projet a contribué au retard. Selon le Service, ces changements de personnel sont attribuables à divers facteurs, tous étrangers à Sidewinder même : réorganisation interne, mutations et départs à retraite.

La première ébauche, terminée en mai 1997, contient deux conclusions clés : des menaces éventuelles justifient l'affectation de ressources publiques supplémentaires et les autorités (de la GRC et du SCRS) doivent prendre les mesures nécessaires pour alerter les cadres opérationnels de la GRC et du SCRS à la nécessité de pousser plus loin l'enquête.

Selon la GRC, un « comité mixte » des deux organismes devra étudier le document le 9 juin 1997. Le Service effectuera toutefois au préalable son propre examen interne, mettant ensuite le rapport en veilleuse parce que, d'après le directeur général de l'EAP, les conclusions « reposent sur des insinuations et ne sont pas corroborées par les faits ». La GRC s'opposera à voir écarter la procédure du comité mixte et incitera les analystes et auteurs de la première ébauche à préparer un cahier exposant des faits capables d'appuyer les affirmations énoncées dans le rapport. Les travaux relatifs au projet Sidewinder sont suspendus pendant que le Service et la GRC poursuivent leurs discussions sur l'avenir du projet.

REPRISE DE SIDEWINDER ET APPARITION DE DIVERGENCES

En janvier 1998, le SCRS et la GRC conviennent de reprendre le projet Sidewinder et la rédaction de ce qui doit devenir le rapport final. Le seul changement à l'effectif de l'équipe est le remplacement de l'analyste principal du Service, attribué par le SCRS à la réor-ganisation interne de l'EAP. Son successeur devient le principal auteur du rapport final qui sera terminé un an plus tard.

Après la reprise des travaux, l'équipe chargée de Sidewinder amorce la rédaction de nouvelles ébauches du rapport destinées à être soumises aux cadres du Service et de la GRC. Des désaccords surgissent rapidement entre les deux organismes. En mai 1998, le surintendant principal de la GRC, chargé du projet pour cette dernière, signale par écrit à son pendant au Service (le directeur général, EAP) un certain nombre d'erreurs factuelles qu'il a relevées dans l'ébauche révisée.

Il s'inscrit en faux contre la conclusion et contre la partie traitant des perspectives et demande qu'elles soient récrites. D'après la correspondance, il est évident que cette ébauche a pris une orientation nettement différente de la première qui porte à controverse.

En septembre 1998, un analyste du SCRS affecté à Sidewinder écrit à son homologue de la Sous- direction des analyses criminelles de la GRC, lui demandant un complément d'information. Dans sa réponse au SCRS (directeur général, EAP), l'officier responsable écrit que la GRC ne donnera aucun renseignement supplémentaire : « À notre avis, nous avons fourni suffisamment d'information documentaire pour appuyer les documents présentés par la GRC ».

En décembre 1998, la sous-directrice générale de l'EAP écrit à l'officier responsable de la GRC, signalant les insinuations contenues dans l'ébauche du rapport et en demandant la suppression : « Nous n'avons aucun élément factuel probant pour étayer nos soupçons et le Service craint les contestations évidentes que les lecteurs pourraient faire ». Elle ajoute qu'à son avis les deux organismes doivent être d'accord sur l'ajout de points au document conjoint et que « nous [le SCRS] ne pouvons malheureusement pas l'être dans ce cas-ci ».

RAPPORT FINAL SUR LE PROJET SIDEWINDER

La version finale du rapport Sidewinder, dont les deux organismes approuvent la distribution, est terminée en janvier 1999. Le SCRS nous a informés que la GRC avait accepté officiellement le rapport révisé et une copie de la version finale porte la mention « bon rapport », de la main du surintendant principal responsable. Répondant aux questions du Comité, ce porte-parole a cependant écrit que la GRC « n'est pas pleinement satisfaite du rapport final » car, contrairement à la première ébauche, il « ne soulève pas les questions stratégiques et élude certaines pistes de recherche plus intéressantes ».

Le Comité a lu les deux versions du rapport Sidewinder qui comportent des différences notables : la qualité et la profondeur d'analyse sont nettement supérieures dans la version finale. De toute évidence, beaucoup de choses se sont passées entre l'achèvement de la première ébauche et la distribution du rapport final, plusieurs mois plus tard.

Voici donc les questions essentielles que s'est posées le Comité : les mesures prises par le Service durant cette période étaient-elles appropriées et conformes aux politiques, aux instructions du Ministre et à la loi? Le gouvernement, le Parlement et la population du Canada ont-ils été bien servis par les conseils que leur a fournis l'organisme chargé d'évaluer les menaces pesant sur le pays et sur ses habitants?

CONSTATATIONS DU COMITÉ

Y a-t-il eu ingérence politique?

Selon un article paru dans un journal au début du débat public sur le projet Sidewinder, celui-ci avait été abandonné à mi-parcours parce que le SCRS craignait une résistance politique. Pour le Comité, il saute aux yeux que la première affirmation, l'abandon du projet, est simplement erronée : les travaux ont été suspendus temporairement en juin 1997 et repris au début de 1998.

Le Comité n'a trouvé aucune preuve de la prétendue ingérence politique. Aucun des documents ou dossiers que nous avons examinés ou reçus ne témoigne de l'existence réelle ou possible d'une telle ingérence. Aucun des employés du SCRS et de la GRC que nous avons interviewés n'était au courant d'une ingérence politique ou de l'immixtion d'autres organismes dans l'enquête sur Sidewinder ou dans d'autres investigations connexes. Aucune des autres parties qui ont offert de contribuer à notre examen n'avait eu vent de l'existence d'une ingérence ni fourni de renseignement quelconque corroborant la chose.

Le Service avait-il raison de mettre en veilleuse la première ébauche du rapport?

À l'étude de la première ébauche du rapport, le Comité l'a trouvée très boiteuse et peu convaincante à presque tous les égards. Des pans entiers manquent de suite logique au point d'être incohérents et le document donne abondamment dans l'alarmisme et dans la théorie de la conspiration. D'innombrables et grossières erreurs de syntaxe, de grammaire et d'orthographe témoignent du manque de rigueur général du document.

Pour le Comité, il est évident que le nœud du problème est l'absence de définitions claires, essentielles à la démarche proposée : pour examiner l'ampleur d'activités illégales et menaçantes par rapport à d'autres, tout à fait licites et anodines, il est capital de pouvoir différencier les deux. La première ébauche ne fait aucune distinction semblable; c'est plutôt un ensemble désordonné de « faits » décousus, reliés par des insinuations et des affirmations sans fondement.

Le Comité estime que le Service avait bien évalué la première ébauche et avait pris des mesures appropriées pour rehausser la qualité de ses futurs travaux de collaboration avec la GRC au projet Sidewinder. À son avis, ces deux actions étaient compatibles avec la responsabilité du SCRS : évaluer avec rigueur et professionnalisme les menaces pour le Canada et pour ses habitants et donner au gouvernement des conseils objectifs fondés sur ces évaluations. La première ébauche du rapport Sidewinder, dans sa version de mai 1997, ne respectait pas ces normes.

L'affaire Sidewinder a-t-elle refroidi les rapports de coopération entre le SCRS et la GRC?

Il est vital pour la sécurité des Canadiens que les rapports du SCRS avec la GRC demeurent fructueux. Par ailleurs, la surveillance de la qualité des ententes de collaboration entre les deux organismes est une préoccupation constante du ComitéNote de bas de page 2. En examinant le projet Sidewinder, le CSARS a relevé entre eux de profondes divergences de vues et de perspectives à cet égard, mais il n'a trouvé aucune preuve que ces désaccords aient révélé un problème plus répandu. Néanmoins, il a cherché les sources de friction et tenté de savoir ce que chaque organisme pensait des problèmes les plus graves.

Les difficultés ont commencé à l'achèvement de la première ébauche du rapport Sidewinder par l'équipe conjointe d'analyse. En deux mots, la direction de la GRC croyait que l'ébauche était bonne et contribuait dans une certaine mesure à prouver la thèse initiale, alors que pour les cadres du SCRS, les conclusions du rapport reposaient sur des insinuations et n'étaient pas corroborées par les faits. Le Service a insisté pour que l'ébauche soit reprise de A à Z.

Les cadres du SCRS ont dit au Comité que les difficultés tenaient, entre autres, au fait que l'équipe d'analystes supportait mal les critiques, que le rapport contenait des recommandations générales de mesures à prendre tandis que les rapports de l'EAP s'en tenaient normalement à l'analyse et que, pour certains membres de la GRC, ces recommandations visaient à obtenir davantage de ressources.

Les dirigeants chargés du projet à la GRC voyaient les choses tout autrement. Au cours d'entrevues avec le Comité et dans les lettres qu'ils lui ont adressées, ils se sont dits frustrés de l'attitude du Service face au mécanisme d'approbation dont les deux organismes avaient convenu au début du projet pour le rapport conjoint. Ils ont affirmé que leurs propres rapports d'analyse contenaient souvent des recommandations et qu'il y avait manifestement divergence de vues sur ce qu'est une bonne analyse stratégique. Enfin, la GRC a exprimé l'avis que la direction du Service semblait vouloir ne tenir aucun compte des résultats d'une révision conjointe, complète et impartiale.

Comme on l'a vu plus haut, le Comité estime que le projet Sidewinder n'a pas porté de préjudice irréparable aux relations générales entre le SCRS et la GRC.

La mise en veilleuse de la première ébauche du rapport a-t-elle compromis la sécurité nationale du Canada?

Selon des articles parus sur Sidewinder dans les journaux à la fin de 1999, le rejet de la première ébauche du rapport et sa révision ultérieure ont empêché le gouvernement de percevoir certaines menaces nouvelles, comme l'abus du système d'immigration. Le Comité n'a trouvé de preuve d'aucune sorte qu'il en ait été ainsi.

Même si la présentation du rapport final sur le projet Sidewinder a effectivement marqué la fin de l'entreprise conjointe, le SCRS et la GRC ont tous deux continué, chacun de son côté, à explorer et à analyser les menaces éventuelles pour le Canada.

Y a-t-il eu pour le Canada une menace grave à laquelle on n'a pas prêté attention?

La Loi sur le SCRS définit les menaces que le Service est chargé d'examiner en ce qui a trait à la sécurité nationale. Par rapport à ces définitions, l'étude du Comité n'a révélé aucune preuve tangible de l'existence d'une menace grave et immédiate, ni aucun indice de menaces auxquelles on n'aurait pas prêté attention par négligence ou à dessein.

Le SCRS a-t-il détruit des documents à tort?

Au début de son examen, le Comité a appris que le SCRS avait détruit presque tous les documentsNote de bas de page 3 qui avaient servi à la première ébauche du rapport Sidewinder (ceux concernant le rapport final avaient été conservés et étaient visés par son examen)Note de bas de page 4. Le CSARS devait donc déterminer si l'élimination des documents était légitime et conforme à la politique et à la loi.

Aux questions du Comité, le Service a répondu que la destruction des documents de travail était pratique courante pour tous les rapports d'analyse préparés par l'EAP (chargée du projet conjoint au SCRS) et était en tous points conforme à la politique gouvernementale. Essentiellement, l'explication du Service est que les documents détruits entraient dans la catégorie des « documents temporaires ou éphémères », c.-à-d. servant à préparer une analyse en collaboration, et qu'à ce titre ils n'étaient pas conservés plus longtemps que nécessaire, conformément à la politique des Archives nationales du Canada.

Par la suite, le Comité a toutefois établi que certains documents que le SCRS n'avait pu lui fournir n'étaient pas éphémères, notamment la correspondance entre les deux organismes au sujet des ébauches ainsi que l'entente signée par la GRC et le Service et énonçant les paramètres du projet conjoint initialNote de bas de page 5.

Ayant appris ces détails du Comité, l'Archiviste national lui a écrit que le Service avait déjà répondu de façon satisfaisante à ses propres questions. Quand nous avons attiré l'attention du SCRS sur l'affaire, il a pour sa part affirmé que les documents égarés n'avaient pas été détruits comme les autres, mais qu'ils avaient plutôt été « mal classés », d'où le fait qu'ils étaient introuvables.

N'ayant pu trouver au Service aucun document, ou presque, sur la première ébauche du rapport Sidewinder, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur la légitimité de la destruction des premiers documents. Certains ont été éliminés dans les règles et les autres ont été égarés, mais il nous est impossible de savoir lesquels avec certitude.

Le Comité trouve déconcertante l'impossibilité manifeste de retracer des documents. Le contrôle méticuleux de ceux-ci et la bonne gestion de l'information sont des traits essentiels du renseignement de sécurité. Comme il l'affirme dans l'étude de l'affaire des « documents perdus » (voir page 12), le CSARS estime que les procédures du Service en matière de contrôle des documents manquent de rigueur et que les correctifs que le SCRS a apportés à ses pratiques à ce sujet n'ont pas été aussi efficaces qu'ils l'auraient tous deux souhaité.

En dépit de ses inquiétudes au sujet du traitement que le Service a réservé à certains documents du dossier Sidewinder, le Comité ne croit pas que cette confusion ait eu des conséquences graves sur les événements entourant le projet.

Quoi qu'il en soit, le Comité n'a trouvé aucun indice attestant qu'on ait détruit ou modifié de quelque manière des renseignements bruts conservés dans les dossiers du Service, sur lesquels les analystes de Sidewinder se seraient fondés pour rédiger leur premier rapport.

PRINCIPAUX POINTS ET CONCLUSIONS

Au sujet de la présumée ingérence politique qui aurait eu cours au fil du projet Sidewinder, le Comité n'a rien trouvé de probant. Aucun des documents et dossiers examinés, aucune des entrevues menées et des observations recueillies ne permet de croire en une telle ingérence, réelle ou présumée. Le projet Sidewinder n'a pas été abandonné : il a été retardé après qu'on en eut jugé le rapport insatisfaisant.

Quant à la première ébauche du rapport Sidewinder, le Comité l'a trouvée très boiteuse à presque tous les égards. Elle dérogeait aux normes de rigueur professionnelle et analytique les plus élémentaires. Les mesures prises par le Service pour rehausser la qualité de ses futurs travaux de collaboration avec la GRC au projet Sidewinder sont appropriées.

Le Comité n'a trouvé aucun indice de menace grave et immédiate, comme celle évoquée dans la première ébauche du rapport Sidewinder, ni de menace dont on n'aurait pas tenu compte par négligence ou à dessin, ni de menaces graves dont le gouvernement n'aurait pas été averti comme il le fallait, le cas échéant. Le SCRS et la GRC continuent tous deux d'enquêter séparément sur les menaces semblables.

Le Comité n'a trouvé aucun signe que les désaccords survenus entre le SCRS et la GRC au cours du projet Sidewinder aient suscité des difficultés sur d'autres plans de leurs relations mutuelles.

Le Service a détruit des documents qu'il jugeait « éphémères » concernant la première ébauche du rapport Sidewinder. Il ne peut en retrouver d'autres que le Comité estime nettement non éphémères et il affirme qu'ils n'ont pas été détruits mais qu'ils sont « mal classés ». D'après le CSARS, cette confusion n'aurait toutefois pas eu de conséquences graves sur les événements entourant le projet Sidewinder. Il n'y a en outre aucun indice qu'on ait détruit ou modifié de quelque manière des renseignements bruts qui étaient conservés dans les dossiers du Service et sur lesquels les analystes de Sidewinder se sont fondés, entre autres, pour rédiger leur premier rapport.

En conclusion, voici ce que le Comité estime vital à retenir du projet Sidewinder : le SCRS est chargé d'évaluer avec rigueur et professionnalisme les menaces pour le Canada et pour sa population et de donner au gouvernement des conseils objectifs fondés sur ces évaluations. Le CSARS est pleinement d'accord avec les initiatives visant à réunir les compétences respectives du Service et de la GRC pour les projets qui s'y prêtent. Par ailleurs, il appartient aussi au SCRS de veiller à ce que ces conseils soient les meilleurs possible. En remettant sur le métier la première ébauche du rapport Sidewinder, qui ne respectait pas cette norme, on a obtenu un produit final nettement amélioré.

Les documents perdus, une grave entorse à la sécurité - Rapport no 126

TOILE DE FOND DE L'INCIDENT

Le 10 octobre 1999, le véhicule d'un employé de l'Administration centrale du SCRS est vandalisé dans la région du Grand Toronto. Il contient un certain nombre de documents du Service, dont plusieurs sont classifiés et figurent parmi les articles dérobés. La police est avertie lorsque l'effraction est découverte et l'employé signale par la suite le vol à un superviseur, au SCRS.

L'enquête policière révélera que les auteurs du vol, du menu fretin en manque de drogue, ont vraisemblablement jeté les documents classifiés, sans en avoir pris connaissance, dans une benne à déchets dont le contenu sera par la suite déversé dans une décharge. Les documents ne pourront être retrouvés.

À la suite de l'enquête menée par la Direction de la sécurité interne du Service—pratique normale en pareil cas—le SCRS licencie l'employé et prend des mesures administratives moins sévères contre d'autres de ses agents qui sont indirectement mêlés à l'incident. Il modifie en outre certaines de ses procédures de contrôle des documents et étoffe son programme interne de « sensibilisation à la sécurité ».

L'examen du Comité a porté sur les divers éléments de l'incident : les circonstances qui ont déclenché l'enquête de la Sécurité interne, la manière dont elle a été menée et ses résultats ainsi que tous les facteurs susceptibles d'aider à évaluer si l'incident est attribuable à des problèmes systémiques de sécurité au sein du Service.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

Y a-t-il eu des signes avant-coureurs de ce comportement répréhensible de l'employé?

Notre examen des dossiers de sécurité du Service n'a révélé aucune infraction antérieure à la sécurité, par l'employé, si ce n'est des manquements mineurs. Nous n'avons rien trouvé qui laisse présager un tel comportement de sa part, ni le grave manquement à la sécurité qui s'est produit.

Conséquences possibles pour le Service et la sécurité du Canada

Pour évaluer les conséquences de la découverte et de la publication éventuelles des documents classifiés sur la sécurité nationale, le Comité en a examiné des copies. D'après l'évaluation du Service même, le préjudice aurait pu être grave, même si certaines informations contenues dans les rapports remontaient à quelque temps et étaient déjà publiques. Ces informations auraient en effet révélé l'existence de certaines enquêtes du SCRS et, pis encore à son avis, la nature de ses contraintes opérationnelles. Dans son évaluation, le Service a noté deux facteurs importants de nature à limiter les dégâts possibles : aucune source n'avait été identifiée et aucune opération, compromise.

Notre propre examen des documents nous a amenés à conclure dans le même sens que le SCRS : ils risquaient de susciter, sans motif valable, des menaces pour la sécurité du pays.

Une gestion de documents inquiétante

Au cours de son enquête, la Sécurité interne a eu beaucoup de mal à déterminer le contenu précis d'un document et a donc dû établir au jugé ce que l'employé avait en main au moment du vol. Cette difficulté apparente a amené le Comité à conclure à un problème possible dans les procédures générales de contrôle interne des documents au SCRS. Pour expliquer cette lacune, le Service a affirmé qu'au moment où l'employé avait emporté le document hors de ses locaux, celui-ci n'avait pas encore été versé dans son système de dossiers.

À la suite de cet incident, il s'est posé un deuxième problème de gestion de documents qui n'y était toutefois pas lié directement. Le Comité a eu vent d'une affaire de possession de documents sans autorisation. Ayant demandé à deux directions opérationnelles de lui expliquer leurs procédures de contrôle respectives, le SCRS a conclu que l'affaire était un cas isolé et n'obligeait pas à modifier les procédures.

Pour empêcher la répétition de l'un ou l'autre de ces problèmes, le Service a de nouveau souligné à son personnel l'importance de suivre de bonnes procédures de contrôle des documents et d'autorisation.

Autres questions soulevées par l'affaire des « documents perdus »

Comme on l'a vu plus haut, plusieurs autres employés ont été mêlés à l'incident, quoique indirectement. Même si l'enquête interne du Service a montré que la plupart des allégations médiatiques de dérogation aux procédures n'étaient pas fondées, l'incident révèle, selon le CSARS, que le contrôle exercé par le SCRS sur les documents emportés par les agents hors de ses locaux n'était pas assez rigoureux. Depuis, le Service a pris les mesures nécessaires pour corriger ces points faibles.

Politiques, procédures et facteur humain

Pour le Comité, il est manifeste que ses investigations sur l'incident et celles du Bureau de l'Inspecteur général ainsi que le vif intérêt des médias et l'enquête du Service même ont attiré une attention sans précédent sur les mécanismes de sécurité interne du SCRS. Il en a découlé divers changements. Le Service est néanmoins d'avis—et nous en convenons avec lui—qu'aucune règle ni politique, si élaborées soient-elles, ne peuvent écarter le risque que de tels incidents se produisent. Le discernement dans la conduite du renseignement dépend, en définitive, de gens consciencieux ainsi que de règles strictes.

L'AFFAIRE DES « DOCUMENTS PERDUS » EN CONTEXTE

Affaires antérieures de sécurité interne

L'examen effectué par le Comité l'a amené à s'enquérir auprès du SCRS de précédentes enquêtes sur la sécurité interne et de leurs résultats. Dans notre analyse, nous avons tenu compte des profonds changements survenus depuis quinze ans dans le contexte de la sécurité nationale et internationale et des rajustements que le SCRS a dû faire à ses politiques et à ses pratiques, notamment dans les rapports d'infractions à la sécurité.

Nous n'avons trouvé aucun cas identique à cette dernière affaire, mais nous avons noté qu'un vaste éventail de sanctions—allant jusqu'au licenciement— avaient été imposées aux employés pris en défaut dans les cas comportant des éléments semblables.

L'étude des manquements antérieurs à la sécurité a suscité deux observations au Comité. Tout d'abord, les changements apportés aux politiques et pratiques du SCRS en matière de sécurité interne ont souvent été provoqués par des incidents, au lieu d'être le fruit d'une analyse et d'un examen réfléchis des procédures. Le Service s'en est tenu essentiellement à une attitude de réaction en matière de sécurité interne, en dépit de sa propre politique et de celles des organismes centraux qui prescrivent des examens périodiques.

En second lieu, plusieurs des affaires documentées dans les dossiers du Service ont amené le Comité à envisager d'adopter de nouvelles procédures d'examen afin que ses membres puissent comprendre ces événements le mieux possible quand ils se produisent.

La conduite de l'enquête par le Service

Le Service a mené avec compétence et professionnalisme sa propre enquête sur l'affaire des « documents perdus », ce qui lui a finalement permis de comprendre comment ses documents classifiés avaient été égarés. Le personnel de la Direction de la sécurité interne a su bien diriger et coordonner l'examen des nombreuses questions soulevées par l'incident. L'Administration centrale du SCRS a donné des directives claires au bureau régional de Toronto, qui a pour sa part réussi à obtenir la coopération fort précieuse des services de police locaux—ce qui était crucial pour déterminer le sort probable des documents. Enfin, les politiques et lignes de conduite applicables à la compilation et à l'évaluation des conséquences par les divers organes opérationnels se sont avérées efficaces.

CONCLUSION

Comme nous l'avons déjà vu, le cadre stratégique du Service en matière de sécurité interne existe depuis un certain nombre d'années et a généralement été modifié par suite d'infractions à la sécurité du renseignement survenues au Canada (« documents perdus ») ou à l'étranger—l'affaire Aldrich Ames, de la CIA, étant l'une des plus célèbres.

Même s'il ne peut être attribué à des politiques déficientes en matière de sécurité interne, cet incident de fraîche date a permis de constater le manque de rigueur du Service dans certaines procédures de mise en œuvre de ces politiques. Nous savons que le SCRS procède périodiquement à des examens internes de ses procédures de sécurité. Néanmoins, les manquements à la sécurité survenus ces dernières années et touchant des documents du Service (dont traitent ces pages) donnent à penser que ces examens n'ont pas été aussi efficaces que le Service et le Comité l'auraient souhaité. Le CSARS continuera à suivre de près ce volet des opérations du SCRS.

Les menaces découlant d'un conflit étranger - Rapport no 124

CONTEXTE DE L'EXAMEN

Cette étude gravite autour d'une enquête du SCRS sur les menaces pouvant découler d'un conflit étranger. Le Canada peut subir les contrecoups de guerres et de querelles intestines qui font rage dans d'autres pays pour diverses raisons : l'ouverture de sa société et la relative perméabilité de ses frontières, sa politique internationale engagée et ses solides alliances de défense ainsi que la présence en sol canadien de diverses communautés « étrangères ». Les conflits liés à la mère patrie amènent naturellement certains belligérants à tenter un jour ou l'autre de gagner l'appui (moral, politique et financier) de compatriotes habitant au Canada.

Dans le cas qui nous occupe, la menace apparente découlait principalement des activités de services de renseignement étrangers à l'œuvre au Canada : présumées tentatives en vue de recueillir des fonds et de l'information sur des communautés étrangères, de fomenter des désordres civils au Canada et d'acquérir illégalement des armes et des technologies.

Chaque fois qu'il examine l'enquête du Service sur un conflit lié à la mère patrie d'une communauté d'origine étrangère, le Comité s'emploie tout particulièrement à mesurer l'impact de son enquête sur cette communauté. Si le SCRS cible des groupes canadiens ou interviewe des membres de communautés étrangères, nous nous efforçons de vérifier si sa démarche est légitime et en tous points conforme à la loi.

L'examen du Comité couvre la période de deux ans allant d'avril 1997 à mars 1999. Il englobe toute l'information recueillie au cours de l'enquête et conservée par la suite, les autorisations d'enquête demandées et les pouvoirs obtenus par la voie de mandats ainsi que l'usage fait par le Service des renseignements recueillis auprès de sources humaines, dont les membres interviewés au sein de la communauté.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

Le Comité a établi que le SCRS avait des motifs valables de mener son enquête et d'employer les méthodes permises dans les autorisations d'enquête et dans les mandats judiciaires. Le niveau de l'enquête était proportionnel à la gravité de la menace et, à une exception près, le Service n'a recueilli que les renseignements strictement nécessaires à son enquête.

Trois points ont retenu l'attention du Comité :

  • une autorisation d'enquête trop générale,
  • des entrevues avec des dirigeants de groupes ethniques et d'intérêt,
  • la conservation de renseignements non nécessaires.
Autorisation d'enquête trop générale

Le Service a obtenu deux autorisations d'enquête dont la seconde, qui comportait le plus haut degré d'intrusion, a suscité des inquiétudes. Il a ainsi entrepris de scruter les activités de services de renseignement étrangers, ce qui aurait pu l'amener à cibler des diplomates étrangers et un résident du Canada qu'on croyait lié à ces agents. L'idée était de déterminer dans quelle mesure ceux-ci ou leurs relations exerçaient des activités clandestines ou illégales représentant une menace pour le Canada.

Gestion des enquêtes

Le Comité d'approbation et de réévaluation des cibles

Pour le SCRS, la possibilité de scruter les activités d'une personne, d'un groupe ou d'une organisation est soumise à des politiques qui comportent un contrôle rigoureux des méthodes et techniques employées à cet égard. Le Comité d'approbation et de révision des cibles (CARC) est au SCRS le principal groupe opérationnel qui est chargé d'étudier et d'approuver les demandes d'autorisation d'enquêter émanant des agents du Service. Il est présidé par le Directeur du SCRS et composé de membres de la haute direction du Service et de représentants des ministères de la Justice et du Solliciteur général.

Niveaux d'enquête

Des trois niveaux d'enquête existants, le troisième est celui qui comporte le plus haut degré d'intrusion et que la loi et la haute direction soumettent aux mesures de contrôle les plus strictes. Les enquêtes de niveau 2 peuvent comprendre des entrevues personnelles et une filature limitée. Celles de niveau 1 ont une durée brève et permettent au SCRS de recueillir de l'information provenant de sources ouvertes et de dossiers conservés par des services étrangers de police, de sécurité ou de renseignement.

Enquêtes contextuelles

Une autorisation d'enquête contextuelle habilite le SCRS à enquêter sur les activités d'une personne, d'un groupe ou d'une organisation qu'il soupçonne, pour des motifs raisonnables, d'être une menace à l'égard de la sécurité du Canada et qui a un lien avec ce contexte ou secteur d'intérêt particulier ou en découle.

Même s'il est fait état du but de l'enquête dans l'autorisation en question, à savoir évaluer trois catégories de menaces—espionnage, activités influencées par l'étranger et violence à des fins politiques (alinéas 2a), b) et c) de la Loi, respectivement)—par rapport à l'une des cibles nommées, une seule de ces catégories pouvait s'appliquer, à vrai dire.

Les instructions ministérielles actuelles précisent soigneusement les divers critères et exigences auxquels doit correspondre chaque catégorie de menaces. De l'avis du Comité, il y aurait lieu de préciser dans toute demande d'autorisation d'enquête dans quelle mesure les menaces qu'une cible particulière est censée représenter sont conformes à ces critères.

Le Comité recommande que toute demande d'autorisation d'enquête soit structurée et rédigée de manière à préciser clairement les raisons d'enquêter sur chacune des cibles nommées, et cela, pour chaque définition de menace invoquée.

ENTREVUES AVEC DES DIRIGEANTS DE GROUPES ETHNIQUES ET D'INTÉRÊT

En général, les rapports du Service avec les membres de communautés étrangères ont été irréprochables. Le Comité a cependant relevé un cas où l'enquêteur du SCRS avait semblé conseiller un individu pour ce qui est de savoir s'il devait organiser des manifestations publiques ou y participer. Aucun des éléments recueillis sur l'affaire ne nous a fait douter des bonnes intentions de l'agent, mais nous n'en avons pas moins exhorté le SCRS à rappeler à ses agents que leur tâche est de recueillir des renseignements, et non de suggérer les orientations politiques à suivre.

Conservation de renseignements non nécessaires

L'examen des bases de données du SCRS par le Comité n'a révélé qu'un cas où les renseignements recueillis n'étaient pas « strictement nécessaires ». Il s'agit de renseignements d'ordre nettement personnel qui n'étaient d'aucune utilité pour les enquêtes. Nous avons fait valoir avec force nos inquiétudes au Service. D'accord avec cette constatation, il a fait supprimer ces renseignements de sa base de données.

Le financement du terrorisme - Rapport no 122

CONTEXTE

Dès le Sommet du G8, tenu à Halifax en 1995, la communauté internationale a commencé à se soucier davantage des questions liées à la collecte illicite de fonds à l'étranger pour financer le terrorisme. En 1996, les pays du G8 ont adopté diverses mesures pour réduire le recours abusif aux « organismes, groupes ou associations ayant ou non des objectifs caritatifs, sociaux ou culturels, par les terroristes qui se servent de ces entités pour masquer leurs propres activitésNote de bas de page 6 ». Dans cette optique, l'ONU doit adopter en 2000 la Convention internationale sur la répression du financement du terrorisme.

La prospérité relative du Canada ainsi que l'ouverture et la diversité qui y règnent en font un endroit rêvé pour les groupes qui recourent à des moyens illicites pour financer des activités terroristes leur permettant d'atteindre leurs visées politiques. Divers pays, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont adopté des lois interdisant des organisations terroristes connues et criminalisant toutes leurs activités de collecte de fonds, mais le Canada ne leur a pas emboîté le pas pour diverses raisonsNote de bas de page 7.

Les efforts du gouvernement pour régler ce problème international de plus en plus grave ont consisté à accroître l'efficacité des échanges d'informations entre les organismes canadiens et à resserrer l'application des lois et règlements existants. Au centre de la nouvelle initiative gouvernementale figure la création, en 1996, du Groupe de travail interministériel pour la lutte contre le soutien au terrorisme (GTI). Pour enrayer le problème du financement du terrorisme, ce groupe déploie, outre les compétences du SCRS, celles de la GRC, de Citoyenneté et Immigration Canada et des ministères des Affaires étrangères, des Transports, de la Justice, des Finances et de la Défense nationale en matière de réglementation, d'enquête et de collecte d'informations.

Le Service joue un rôle consultatif auprès du gouvernement, par l'entremise du GTI, et il informe directement les ministères fédéraux compétents des activités de financement du terrorisme qui auraient cours au Canada. L'examen du Comité a porté sur diverses facettes des efforts du SCRS pour éliminer les problèmes liés à ce phénomène au pays.

MÉTHODE D'EXAMEN

L'examen du Comité englobait trois sources différentes de données :

  • tous les dossiers documentant les communications et échanges d'informations entre le Service et le gouvernement du Canada pour la période du 1er mars 1995 au 31 mars 1999,
  • les entrevues d'agents compétents au SCRS et de leurs interlocuteurs dans les divers ministères,
  • un échantillon d'enquêtes pertinentes que le Service avait menées et que nous avons examinées à fond, y compris tous les documents, dossiers opérationnels et dossiers de mandats pertinents ainsi que les renseignements reçus d'organismes étrangers.

Notre but était double : déterminer si les conseils et la coopération du Service avaient bel et bien secondé le gouvernement dans ses efforts pour réduire le financement du terrorisme et vérifier si toutes les activités du SCRS étaient irréprochables et conformes à la loi.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

Enquêtes du Service sur le financement du terrorisme

Le Service a affirmé que ses enquêtes entourant le terrorisme international l'avaient amené à soupçonner plusieurs organismes canadiens de faciliter la réalisation d'objectifs de financement du terrorisme. Notre étude sur ces enquêtes a montré que le SCRS avait suffisamment d'informations pour croire que les traits d'union entre ces groupes terroristes internationaux et leurs activités de financement constituaient une menace pour la sécurité du Canada.

Échanges d'informations

Les échanges d'informations entre le SCRS et ses clients ministériels se poursuivent depuis un bon moment, en dépit de l'interruption de plusieurs mois notée par le Comité dans le cas de l'un d'eux, après quoi les voies de communication sont toujours demeurées ouvertes. Et le SCRS et les ministères se sont dits satisfaits des activités de liaison. Selon les destinataires des rapports du Service, ces informations ont été fort utiles comme « pistes d'enquête », aidant à déterminer quand et comment assurer un suivi.

L'examen du processus d'échange d'informations a permis au Comité de mettre au jour un certain nombre de difficultés et d'obstacles possibles :

  • l'utilisation d'informations du SCRS dans des instances judiciaires,
  • la nature des conseils au gouvernement.
L'utilisation d'informations du SCRS dans des instances judiciaires

En fournissant des renseignements à ses clients ministériels, le Service a éprouvé des difficultés semblables à celles que le Comité avaient relevées à l'égard d'autres relations du SCRS pour ce qui est du traitement d'informations à valeur probante éventuelleNote de bas de page 8. Les lois canadiennes actuelles font qu'il est difficile d'empêcher la divulgation de renseignements classifiés dans les instances judiciaires où ils servent à appuyer des poursuites. Le Service se soucie beaucoup de protéger ses sources canadiennes et étrangères et, faute de modifications aux lois en vigueur, les clients ministériels continueront d'avoir du mal à utiliser ses renseignements devant le tribunal.

La nature des conseils au gouvernement

L'examen des dossiers du SCRS a amené le Comité à constater que celui-ci était sélectif dans les informations qu'il fournissait à ses clients ministériels. En réponse à une question du CSARS, le Service a affirmé qu'il évitait de communiquer des renseignements susceptibles de compromettre la sécurité des sources humaines, ses opérations ou ses relations avec des tiers, comme les services de renseignement alliés.

Les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord et les institutions névralgiques

Pour les opérations délicates, on recourt invariablement aux sources humaines qui, même si elles sont le moyen le plus efficace de recueillir des renseignements, comportent aussi le plus de risques quant aux effets sur les institutions sociales, sur la dissension licite et sur la vie privée des gens.

La Loi sur le SCRS interdit expressément au Service d'enquêter sur les « activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord », à moins qu'elles ne soient liées à une menace concernant la sécurité du Canada, au sens donné à ce terme dans la Loi. Le SCRS est tenu de peser avec soin la nécessité d'une enquête et ses incidences possibles sur les libertés civiles individuelles et sur les institutions névralgiques du Canada, dont les syndicats, les médias, les institutions religieuses et les campus universitaires.

RECOMMANDATIONS

Cette étude a donné lieu à deux recommandations dont la première touche la nature des conseils fournis par le Service :

Le Comité recommande qu'à l'avenir, le SCRS communique à ses clients ministériels tout changement important, découlant de renseignements nouveaux, aux évaluations qu'il leur a déjà fournies.

Quant à la seconde recommandation, même si le Comité est d'accord pour qu'on modifie la loi de manière à permettre une utilisation plus efficace des informations que se partagent le SCRS et ses clients ministériels, pareille amélioration des procédures pourrait bien faire augmenter le nombre des plaintes dont le CSARS est saisi. Pour parer à une telle éventualité,

Le Comité recommande que le ministère du Solliciteur général et le Bureau du Conseil privé prennent des mesures spéciales pour informer le CSARS, en temps voulu et s'il y a lieu, des propositions du GTI qui influent sur les activités du SCRS.

Le Comité continuera à surveiller le rôle de conseil que joue le Service auprès du gouvernement du Canada au sujet de cette menace croissante qui pèse sur la sécurité et sur les intérêts du pays .

Enquête sur une menace intérieure - Rapport no 121

MÉTHODE D'EXAMEN

Au cours d'un examen antérieur, le Comité avait appris l'existence de plusieurs opérations pour lesquelles le SCRS faisait appel à des sources et qui touchaient parfois le milieu de la contestation légitime—notamment certaines protestations et manifestations. Il a par la suite examiné ces opérations.

Les autorisations d'enquête visaient plusieurs individus en vertu de l'alinéa 2c) et de l'article 12 de la Loi sur le SCRS. Suivant cet alinéa, le Service a pour fonction d'enquêter sur les activités constituant une menace « qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger... »

Au cours de son enquête, le SCRS avait recueilli des renseignements sur les cibles et sur des protestations et manifestations auxquelles elles avaient pris part. Les renseignements qu'il avait obtenus lui avaient servi à établir des évaluations de la menace destinées à ses clients de l'administration fédérale et aux organismes d'application de la loi compétents.

Au cours de son examen de l'enquête, le Comité a étudié tous les rapports des sources du SCRS, toutes les informations conservées au sujet de cibles et de manifestations et les autres renseignements accessoires recueillis, en se reportant notamment aux politiques du Service et aux instructions ministérielles concernant les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord. Le CSARS s'est aussi penché sur toutes les autorisations d'enquête pertinentes, sur les dossiers d'exploitation de sources et sur les notes internes du SCRS. De plus, il a interviewé les employés du Service qui étaient chargés des enquêtes.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

L'examen du Comité n'a mis au jour aucun écart aux politiques du Service ou aux instructions ministérielles. Le SCRS avait des motifs raisonnables de soupçonner les cibles de constituer des menaces pour la sécurité du Canada. Aucune des sources humaines n'a commis d'acte illégal ni agi à titre d'agent provocateur. De plus, elles ont recueilli des renseignements sur des cibles qui avaient été approuvées dans les règles. Nous n'avons relevé aucun cas où les sources du SCRS auraient influencé les activités de groupes ou d'organismes légitimes.

En dépit de ses conclusions générales, le Comité entretient certaines craintes au sujet de cette série d'enquêtes. Au fil de leur déroulement, qui a duré plusieurs années, le Service a pris des décisions d'enquêter, choisi les méthodes à employer à cet égard, recueilli des informations et conseillé des clients du secteur public. En dépit de la conformité de toutes ces actions à la politique écrite, leur examen a troublé le Comité sur divers points, dont ceux-ci :

  • les politiques en vigueur sur la gestion des méthodes d'enquête des sources humaines n'assuraient pas que la haute direction ait été pleinement informée du fait qu'en raison d'activités imprévues des cibles autorisées initialement par le CARC, une organisation qui ne figurait pas elle-même parmi ces cibles s'était par la suite trouvée mêlée aux activités d'enquête du Service,
  • en pratique, on n'a pas suivi à la lettre, dans certains cas, les directives du SCRS voulant que les sources fassent rapport uniquement sur des « sujets d'enquête autorisés »,
  • dans deux cas où des cibles autorisées étaient l'objet d'une surveillance, le Service a recueilli fortuitement des informations sur les activités d'une organisation. Il ne les a pas conservées dans sa base de données actives,
  • une évaluation de la menace, fournie par le Service sur la base d'informations recueillies durant ces enquêtes, n'est pas conforme à l'esprit de la Loi, selon le Comité.

Rôle du SCRS dans la prévention de la violence à caractère politique

Le SCRS joue un rôle central dans la défense du Canada contre les menaces que peuvent représenter les groupes associés à la violence à caractère politique. Au nombre des « menaces envers la sécurité du Canada » sur lesquelles il est expressément chargé d'enquêter figurent « les activités qui touchent le Canada ou s'y déroulent et visent à favoriser l'usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d'atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger » (alinéa c) de la définition de menaces, article 2 de la Loi sur le SCRS).

Outre le fait qu'il informe l'ensemble du gouvernement sur la nature des menaces envers la sécurité du Canada, le SCRS prodigue renseignements et conseils directement à plusieurs ministères et organismes gouvernementaux. Cette information peut fonder les profils destinés au filtrage des immigrants. Dans certains cas, les conseils du SCRS peuvent être déterminants dans l'admission d'un demandeur ou dans le rejet d'une demande de citoyenneté. Les renseignements de sécurité peuvent aussi servir à déterminer s'il convient d'autoriser l'accès d'un individu à des renseignements classifiés, ainsi qu'à seconder la police dans son rôle en matière de prévention du crime et de poursuites au criminel.

Le Comité estime que ces cas, peu nombreux il est vrai, laissent entrevoir un manque de rigueur occasionnel, de la part du Service, dans l'application des politiques existantes qui obligent celui-ci à mettre en balance l'obligation de protéger les libertés civiles et la nécessité d'enquêter sur les menaces éventuelles. Le Comité a porté ces cas particuliers à l'attention du SCRS, de même que son souci général pour la nécessité de peser rigoureusement ces deux éléments.

Le Service est d'avis que ses politiques actuelles, dont celle sur la nécessité de niveaux multiples d'approbation, répond amplement aux préoccupations du CSARS. Il estime respecter en tous points les instructions ministérielles qui l'obligent à choisir des méthodes d'enquête proportionnelles à la menace et à veiller à mettre ces méthodes en balance avec le préjudice qui pourrait en découler pour les libertés civiles. Le SCRS a déclaré que « la position voulant que la Loi, combinée aux instructions du Ministre, oblige à prouver qu'il y a eu ‹ mise en balance › dans chaque cas, revient à dénaturer à la fois la Loi et ces instructions ».

Le Comité ne doute aucunement que, dans toutes ses activités d'enquête, le Service prenne extrêmement au sérieux la question des liberté civiles. Il n'est cependant pas d'accord avec sa position quant à la nécessité de prouver qu'il y a eu mise en balance « dans chaque cas ».

Un principe essentiel de la responsabilité administrative veut que les processus présidant à la formulation des jugements et à la prise des décisions peuvent être aussi importants que les décisions et les jugements eux-mêmes. Le Comité aimerait voir des preuves tangibles que les décisions d'enquête importantes sur le milieu de la contestation légitime sont bien pesées.

Le Comité recommande que le Service apporte à ses procédures administratives les changements nécessaires pour que soient bien pesées toutes les décisions d'enquête importantes sur les activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord et que la chose soit documentée.

Outre le fait que ces changements seraient un autre moyen de rassurer le Comité, ils aideraient, à son avis, à ce que la nécessité de protéger les libertés civiles demeure une préoccupation constante de tout le personnel du Service.

Le Comité a formulé une autre recommandation concernant la nécessité de clarifier une partie du Manuel des politiques sur les opérations (qui est un document classifié) du SCRS.

Une longue enquête en matière de contre-espionnage - Rapport no 118

CONTEXTE DE L'EXAMEN

Le Comité de surveillance estime qu'un moyen essentiel d'assurer le maintien de la qualité et de la légitimité des activités du SCRS consiste à examiner périodiquement les grandes enquêtes qui s'échelonnent sur plusieurs années. Son dernier rapport sur l'opération de contreespionnage considérée remonte à un certain temps.

MÉTHODE D'EXAMEN

Le Comité a orienté ses investigations et ses recherches de manière à répondre à certaines questions clés au sujet de l'enquête :

  • Y avait-il effectivement menace (selon la définition de la Loi sur le SCRS)?
  • La nature de l'enquête du Service (degré d'intrusion, quantité de ressources déployées) était-elle proportionnelle à la menace?
  • Les activités du SCRS étaient-elles à l'abri de tout reproche et conformes aux instructions ministérielles, à sa politique interne et à la loi?
  • Les conseils donnés au gouvernement d'après les résultats de l'enquête ont-ils été fournis en temps voulu et étaient-ils nuancés et exacts?

Notre vérification a porté sur les dossiers opérationnels du SCRS concernant un groupe choisi d'enquêtes, sur les documents joints aux demandes d'autorisation d'enquête et de mandat, sur les rapports du Service à ses clients de l'ensemble du secteur public ainsi que sur les entrevues avec les agents du SCRS et avec les représentants des ministères qui utilisent le renseignement élaboré par le Service.

En plus de scruter des activités précises du Service, le Comité a tenu compte d'éléments, tel le nombre d'agents de renseignement connus et présumés au Canada, et de facteurs moins tangibles comme le préjudice que pourraient subir les intérêts canadiens si les gouvernements de pays alliés en venaient à croire que les efforts du Canada en matière de contreespionnage sont insuffisants ou inefficaces.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

La nature de la menace

Le Service estime que la cible de cette enquête exerce des activités de renseignement qui prennent la forme d'espionnage classique, d'influence étrangère sur divers éléments de la société canadienne ainsi que du vol de renseignements économiques et scientifiques par des moyens clandestins.

Le recours à la filature par le SCRS

Le SCRS recourt à la filature pour connaître les types de comportement, les relations, les déplacements et le « savoir-faire professionnel » des groupes et individus que visent ses enquêtes. Cette méthode sert à déceler les menaces à la sécurité nationale, tels l'espionnage et le terrorisme. Les opérations de filature permettent en outre de recueillir beaucoup de renseignements personnels. À cette fin, les équipes du Service emploient diverses méthodes. En situation d'urgence, il est permis de lancer une opération de filature avant d'obtenir une autorisation d'enquête.

Voici ce que déclarait le Comité dans un rapport antérieur : « les menaces posées par les activités de collecte de renseignements de cette [cible] sont vagues, pour le moment, et parfois difficiles à définir ». Même si les événements ont permis de confirmer le sérieux et la réalité d'une menace grave pour les intérêts canadiens, celle-ci nous semble actuellement limitée et peu courante à en juger par les activités concrètes et confirmées.

Les divergences de vues du Service et du Comité quant à la nature des menaces nous ont amenés à tirer des conclusions différentes de celles du SCRS au sujet de certaines activités de la cible. Il ressort de certaines activités sur lesquelles le Service avait enquêté, mais pas de toutes, que la cible recueillait des renseignements au Canada.

Dans un cas, le Service a considéré comme une activité menaçante—une tentative en vue d'influencer un fonctionnaire canadien—ce qui semble un usage diplomatique courant. Dans un autre cas, sans guère d'informations pour le confirmer, le SCRS a attribué un objectif de collecte de renseignements à des relations consulaires apparemment normales.

L'examen du Comité l'a aussi amené à s'interroger sur certaines opinions du Service quant à la nature de la menace. À notre avis, ces opinions sont parfois tirées par les cheveux.

Décisions d'enquêter

Le Comité de surveillance a examiné à fond un éventail représentatif de cibles sur lesquelles le Comité d'approbation et de réévaluation des cibles (CARC) avait autorisé le SCRS à enquêter. Il s'est penché sur l'argumentation que le Service avait fait valoir pour chaque cible ainsi que sur les affidavits joints aux demandes de mandat, sur les pièces justificatives et sur les rapports d'enquêtes.

De l'avis du Comité, les documents examinés justifient chacune des décisions d'enquêter qu'il a étudiées. L'affidavit joint à la demande de mandat pour obtenir des pouvoirs contre une cible contient toutefois un certain nombre d'exagérations. Dans un cas, l'information fournie remonte à plus de dix ans et est tirée des « impressions » d'une source. Dans un autre, on rapporte les suppositions d'une source. Certaines affirmations voulant que la cible exerce des « activités suspectes » nous semblent trompeuses ou exagérées. Cependant, en dépit de ces imprécisions, les éléments justifiant d'enquêter sur la cible paraissent convaincants, dans l'ensemble, au Comité.

Activités d'enquête et conservation de renseignements

Le Comité a relevé plusieurs cas où le Service avait dérogé aux politiques ou n'avait pas été assez circonspect dans son action :

  • certains renseignements recueillis par le Service ne répondaient pas au critère de « stricte nécessité » : liste de membres, comptes rendus sur une réunion publique et données sur des individus qui n'étaient ni des cibles eux-mêmes ni connus pour avoir des rapports avec des cibles,
  • les actes du SCRS à l'égard d'une cible semblaient comporter des risques sérieux,
  • les dossiers du Service concernant un volet de l'enquête semblent montrer qu'une source a prêté son concours à une cible sous une forme qui a suscité des craintes au Comité.
Affectation de ressources

Le Comité a eu du mal à vérifier si les ressources consacrées par le Service à cette enquête étaient proportionnelles à la menace. Même si son examen n'a révélé aucun problème aigu, il continuera de suivre de près l'affectation des ressources à ce secteur.

Conseils au gouvernement

Le Service produit plusieurs publications classifiées qui visent à communiquer ses conclusions à divers milieux au sein du gouvernement du Canada. Le Comité en a examiné un éventail ayant trait à cette enquête particulière et comparé les affirmations qui y sont faites aux données justificatives versées dans les dossiers du SCRS et il a demandé à ses clients ce qu'ils pensaient de l'utilité et de l'exactitude des rapports du Service.

Aucun des clients interviewés n'a contesté l'exactitude ou l'à-propos des rapports du Service, ni la qualité des analyses qu'ils renferment. La plupart y voient une information documentaire utile. En examinant les renseignements fournis à l'appui des conclusions du SCRS, le Comité a cependant relevé certaines anomalies :

  • le SCRS a affirmé qu'une démarche d'une cible visait peut-être à « créer un réseau d'agents ». Notre examen a montré que les dossiers ne contenaient aucun document corroborant cette hypothèse,
  • un rapport affirmant qu'une cible avait misé sur une certaine pratique commerciale pour obtenir une technique avancée brevetée n'était pas exact, en principe. À notre avis, les renseignements du Service ne correspondent pas à la description faite dans le rapport,
  • le SCRS a informé ses lecteurs qu'une cible avait trempé dans diverses affaires d'espionnage au cours d'une longue période. L'examen de ces affaires a amené le Comité à croire que les éléments étayant certaines d'entre elles étaient peu concluants ou fondés sur des suppositions ou qu'ils ne tenaient pas compte d'autres explications raisonnables et bénignes pour les actions en cause.

CONCLUSION

Pour le Comité, la menace que les activités de cette cible pouvaient faire peser sur les Canadiens et sur les intérêts du pays est grave. Il est donc vital que le SCRS veille de façon particulière à ce que les analyses et les rapports découlant de ses enquêtes restent précis et impartiaux. Le gouvernement du Canada est aux prises avec une foule de dossiers internationaux difficiles sur les plans économique et diplomatique et sur celui de la sécurité. En ce qui touche la sécurité nationale, il est en droit d'attendre les meilleurs conseils possible qui reposent sur une analyse claire et sur des données obtenues de façon aussi transparente que le permettent la loi et la prudence et qui soient dénués de toute idée préconçue ou hypothèse non fondée. Notre examen a révélé quelques cas où le SCRS avait parfois tiré des conclusions qui n'étaient pas fondées sur les faits connus.

Échanges d'informations avec les organismes canadiens (4) - Rapport no 119

Dans l'exercice de ses fonctions d'enquête sur les menaces présumées à l'égard de la sécurité du Canada, le Service coopère avec les ministères et organismes fédéraux et provinciaux ainsi qu'avec les services de police de l'ensemble du Canada, et il échange des informations avec eux. Le pouvoir de conclure des ententes à cette fin lui est octroyé à l'article 17 de la Loi sur le SCRS, tandis que le paragraphe 19(2) de cette loi l'habilite à communiquer des informations à divers ministères et organismes canadiens « en vue de l'exercice des fonctions qui lui sont conférées ».

Conformément au sous-alinéa 38a)(iii) de la Loi, le Comité est chargé d'examiner les accords de coopéra-tion que le Service conclut avec des organismes canadiens ainsi que les informations et renseignements qu'ils en reçoivent aux termes de ces accords.

MÉTHODE D'EXAMEN

Cet examen a porté sur les échanges d'informations du SCRS avec les organismes canadiens pendant l'année civile 1998. Outre les échanges effectués dans les divers bureaux régionaux, le Comité a aussi étudié sur place les activités de l'un de ces bureaux.

Notre examen visait à déterminer si le Service avait respecté les accords conclus avec les autres organismes et s'il s'était conformé à la Loi sur le SCRS, aux instructions ministérielles et à ses politiques opérationnelles en recueillant et en communiquant les renseignements. Dans ses investigations, le Comité a examiné, en particulier :

  • s'il y avait une commune mesure entre les menaces et les atteintes à la vie privée découlant de la communication des renseignements,
  • si les échanges d'informations étaient strictement nécessaires pour répondre aux besoins opérationnels du Service selon l'article 12 de la Loi sur le SCRS,
  • si ces échanges supposaient l'utilisation abusive de renseignements personnels et délicats,
  • si les informations échangées étaient raisonnables et conformes aux faits,
  • si toutes les communications d'informations du SCRS respectaient le préambule du paragraphe 19(2) de laLoi sur le SCRS.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

Coopération générale

Le Comité a constaté que la coopération du SCRS avec les ministères et organismes fédéraux et ses relations avec les autorités et services de police provinciaux étaient fructueuses. Son examen a aussi révélé l'existence d'une volonté générale d'échanger des renseignements, au sein du SCRS et de la GRC.

Dans un bureau régional, le Comité a toutefois relevé une série de demandes de renseignements de la GRC qui étaient demeurées sans réponse. Ayant demandé la raison de cet état de choses, il a appris que la Région avait par la suite instauré un mécanisme de suivi pour corriger la situation.

Échanges et communications de renseignements

Même si, selon nos constatations, la majorité des échanges de renseignements du SCRS étaient conformes aux politiques, aux ententes et aux exigences de la loi en 1998, le Comité a trouvé des cas où le SCRS avait conservé des informations qui n'étaient pas nécessaires, à son avis.

Conservation de renseignements non nécessaires

Le Comité a noté qu'une région avait reçu un rapport qui n'était pas « strictement nécessaire », au sens de l'article 12 de la Loi sur le SCRS. Depuis, le Service l'a supprimé de sa base de données.

Dans un autre cas, notre examen effectué dans un bureau régional du SCRS a révélé que plusieurs rapports de deux organismes au sujet de manifestations à venir avaient été conservés dans la base de données opérationnellesNote de bas de page 9. À notre avis, certains renseignements trouvés dans ces rapports montrent qu'il n'y avait pas de motifs raisonnables de croire à un risque de violence grave ou de menace pour la sécurité publique. Le Comité a recommandé que le Service consigne dans des rapports et conserve uniquement les renseignements dont il a besoin pour satisfaire à ses obligations en matière d'évaluation de la menace.

Le système de repérage

Le Comité a noté que le repérage des échanges d'informations du SCRS avec les organismes canadiens était cohérent, en général. Il a toutefois relevé des variantes dans l'application de la procédure de repérage par les régions et quelques cas où les données destinées à cette fin n'étaient pas consignées avec exactitude. Nous avons en outre exprimé notre étonnement de constater que la politique relative aux rapports opérationnels était encore en cours d'élaboration après une période fort longue.

La prolifération des armes de destruction massive - Rapport no 120

CONTEXTE DE L'EXAMEN DU COMITÉ

Le Canada s'emploie depuis longtemps à prévenir, ou du moins à ralentir la prolifération des armes de destruction massive (chimiques, biologiques et nucléaires) auprès des pays qui n'en sont pas déjà dotés. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il se porte à l'avant-plan de toutes les initiatives diplomatiques et politiques importantes qui visent à instaurer un régime international destiné à surveiller et à contrôler la propagation de ces armes, leurs dispositifs de lancement et les technologies nécessaires à leur fabrication.

Depuis la dissolution de l'Union soviétique, la menace que ces armes représentent pour la sécurité des Canadiens est devenue plus diffuse et difficile à écarter. De plus en plus d'États et même d'organisations terroristes trouvent les moyens de se procurer (ou, dans certains cas, de voler) les technologies et l'expertise nécessaires pour fabriquer des armes extrêmement meurtrières qui pourraient être utilisées contre le Canada ou ses alliés.

Même si le Canada ne possède pas lui-même ces armes, son infrastructure d'industries nucléaires, chimiques, biotechnologiques et électroniques avancées et ses installations de recherche l'exposent à des tentatives d'acquisition illicite. Bien des technologies dites « à double usage », employées chez nous à des fins pacifiques, peuvent aussi servir à fabriquer des armes.

Depuis nombre d'années, l'un des axes de la politique étrangère du Canada est d'endiguer le flot illicite d'armes de destruction massive et de technologies connexes. Un important volet intérieur de cette politique est la nécessité de comprendre la nature des activités illicites et clandestines qui peuvent menacer la sécurité du pays, des Canadiens et d'autres personnes. Le Service joue un rôle important dans la collecte et l'analyse de cette information et, en 1999, il a désigné « la lutte contre la prolifération comme l'une de ses priorités au chapitre du renseignement de sécuritéNote de bas de page 10 ». Le but de l'examen du Comité était de déterminer si le SCRS s'était bien acquitté de son rôle de conseil auprès du gouvernement dans un domaine manifestement vital.

MÉTHODE D'EXAMEN

Le Comité a examiné tous les dossiers des exercices 1997–1998 et 1998–1999, relatifs à l'enquête du Service sur la prolifération des armes de destruction massive. Il a interviewé des employés du SCRS, assisté à des séances d'information et étudié les documents du Comité d'approbation et de réévaluation des cibles (CARC) du Service dans les cas illustrant les efforts globaux de celui-ci pour enrayer la prolifération. En outre, le CSARS a examiné diverses affaires qui ont fourni un éclairage sur la Sous-section des questions de prolifération du SCRS, ses méthodes de fonctionnement et ses relations avec les organismes canadiens et étrangers.

CONSTATATIONS DU COMITÉ

La menace d'un pays étranger

D'après les dossiers du SCRS, il était évident que les tentatives répétées d'un certain pays étranger pour se procurer des armes de destruction massive avaient fait de lui l'un des pôles des investigations du Service. L'étude exhaustive de la documentation nous a amenés à conclure que celui-ci avait des motifs raisonnables de croire à une menace à l'égard de la sécurité du Canada, au sens des alinéas 2a) et b) de la Loi sur le SCRS, et que le niveau de son enquête était proportionnel à cette menace. Le Comité a établi qu'à une exception près (qu'il a signalée au Service), les renseignements recueillis étaient « strictement nécessaires », ce qui est une condition à respecter.

Une cible menaçante

Le Comité a examiné l'affaire d'une certaine cible de la lutte contre la prolifération, qui avait attiré son attention peu de temps auparavant. À son avis, le Service a vu juste en considérant comme une menace pour la sécurité nationale les efforts déployés par la cible pour tourner les lois du Canada.

Activités illégales

Des renseignements fournis au Service l'ont amené à croire que certaines activités représentaient une menace pour la sécurité du Canada, au sens des alinéas 2a) et b) de la Loi. L'enquête ultérieure du SCRS a révélé qu'il y avait eu infraction aux lois canadiennes, ce qui fut signalé au ministère fédéral compétent. Le Comité a conclu que le niveau de l'enquête était proportionnel à la menace et que le Service n'avait conservé dans sa base de données que des renseignements strictement nécessaires.

La lutte globale du Service contre la prolifération

Aux yeux du Comité, il est manifeste que le SCRS joue un rôle important dans le traitement des questions de prolifération, à la fois au pays (où il coopère avec la police et avec les autres organismes d'application de la loi) et sur la scène internationale (où il appuie les initiatives du ministère des Affaires étrangères pour enrayer la prolifération et où il échange des renseignements avec les gouvernements de pays alliés et avec les autres éléments du régime international de lutte à la prolifération). Dans l'ensemble, nous avons constaté que, pour les questions de prolifération, le Service avait une approche à la fois souple et saine sur le plan stratégique. Il s'est employé de façon spéciale à donner à sa Sous-section des questions de prolifération une marge de manœuvre considérable quant au personnel à embaucher, ce qui traduit le caractère spécialisé et technique des tâches qu'il lui confie.

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2016-12-02