SIRC Annual Report 2014–2015

 

C’est avec plaisir que le Comité présente au Parlement et au peuple canadien son trentième rapport annuel. Nous faisons là état d’une perspective intéressante sur le travail accompli lors de l’année financière 2014-2015 dans le cadre de nos trois fonctions principales, soit la remise du certificat, nos études et les enquêtes sur les plaintes.

Ces trois responsabilités nous permettent d’englober les activités du SCRS, et chacune offre une approche bien précise. Ainsi, la remise du certificat au rapport annuel que le directeur du SCRS prépare à l’intention du ministre de la Sécurité publique nous permet de cerner les priorités du Service en matière d’enquête, ses initiatives internes, son développement organisationnel, et ses défis opérationnels. Nos études creusent un pan des activités du SCRS et vont au fond du sujet. Les enquêtes, quant à elles, nous donnent un point de vue extérieur sur des activités précises du Service.

Cette année, tout en tenant compte d’une exception, nous avons constaté lors du processus de remise du certificat que les activités décrites étaient conformes à la Loi sur le SCRS et aux directives ministérielles, et qu’elles ne constituaient pas un exercice abusif ou inutile par le Service de ses pouvoirs. Le CSARS a décidé d’entreprendre l’exercice du certificat d’une manière plus large, notamment dans l’intention de soutenir le ministre dans son rôle. C’est dans cette optique que nous avons recommandé que soit émise une nouvelle directive ministérielle qui donnerait au Service des instructions plus claires sur le format, le contenu et l’échéancier du rapport annuel du directeur.

Les études, qui visent à couvrir un large éventail des activités et des opérations du SCRS au Canada et à l’étranger, viennent compléter l’évaluation du rendement. Nous nous sommes penchés sur les activités de base du SCRS, comme le ciblage, les opérations faisant appel à des sources humaines, les pouvoirs octroyés au moyen de mandat et les échanges d’informations, mais nous avons aussi élargi notre champ de connaissances en empruntant des chemins encore peu arpentés, notamment dans le domaine de la collecte et de l’utilisation de métadonnées au SCRS.

Dans la plupart de ses études, le CSARS s’est montré satisfait de la manière dont le SCRS s’est acquitté de son mandat d’enquête sur les menaces envers la sécurité du Canada. Toutefois, cette année encore, le Comité a soulevé des préoccupations dans deux rapports spéciaux en vertu de l’article 54 de la Loi sur le SCRS qui ont été présentés directement au ministre de la Sécurité publique.

Le premier rapport découle de notre examen des efforts déployés par le SCRS pour lutter contre la « menace interne ». L’étude poussée sur les propres enquêtes internes du Service a révélé un certain nombre de lacunes en matière de formation, de politiques et procédures, de seuils d’enquête et de consigne par écrit des prises de décision. Dans un cas précis, le Comité a constaté que le SCRS n’avait pas fait preuve de l’attention et de la vigilance requises, et qu’il avait omis de prendre des mesures de suivi. Le Comité a donc formulé un certain nombre de recommandations importantes; toutefois, le Service a malheureusement décidé de ne pas tenir compte de plusieurs d’entre elles.

Le deuxième rapport portait sur une étude du CSARS dédiée aux relations du SCRS avec le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Le Comité a soulevé une potentielle préoccupation juridique à l’égard des activités du SCRS et des obligations du Canada en vertu d’accords internationaux. Il a ainsi constaté que le Service n’avait pas mis en place de mécanismes visant à systématiquement vérifier si les opérations faisant appel à des sources humaines pouvaient enfreindre les règlements canadiens adoptés pour mettre en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, à savoir le Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur Al-Qaïda et le Taliban. Le Comité a décidé d’invoquer une clause rarement utilisée dans la Loi sur le SCRS pour enjoindre le SCRS à effectuer un examen qui rassemble les informations requises, et ce, afin que le Comité prenne toutes les mesures de suivi jugées nécessaires.

Dans d’autres études, le CSARS a identifié des problèmes qui doivent, à son avis, être corrigés. Il a formulé des recommandations en ce sens, et il assurera le suivi de la réponse du SCRS. Le CSARS a également pris note de plusieurs activités du SCRS sur lesquelles il reviendra lors de futures études.

En août 2014, le directeur du SCRS a demandé au CSARS de se pencher sur les circonstances d’un incident impliquant un agent de renseignement du Service qui avait obtenu des informations sur les contribuables auprès de l’Agence du revenu du Canada, et ce, en l’absence d’un mandat de la Cour fédérale. Il s’agit ici d’une demande peu commune; néanmoins le Comité a accepté d’enquêter sur l’incident. Dans son rapport au directeur du SCRS (résumé dans le présent rapport annuel), le Comité a noté que la direction du Service n’avait pas géré l’incident de façon appropriée, et il a émis plusieurs recommandations.

Enfin, le Comité ne peut présenter le travail de l’année écoulée sans exprimer sa profonde gratitude envers deux personnes remarquables. Nous aimerions ainsi remercier la présidente intérimaire sortante, l’honorable Deborah Grey, qui s’est acquittée de ses tâches avec un profond dévouement, beaucoup de passion et une grande vision. Nous tenons également à féliciter l’honorable juge Sylvie E. Roussel, qui fut l’avocat-conseil principal du Comité pendant huit ans, pour sa nomination à la Cour fédérale du Canada. Cette même année, le Comité a eu le plaisir d’accueillir un nouveau président, l’honorable Pierre Blais, C.P., ainsi que deux nouveaux membres, l’honorable Ian Holloway, C.P., C.D., c.r., et l’honorable Marie-Lucie Morin, C.P. Leurs admirables parcours professionnels et leurs expériences variées contribueront certainement à améliorer les travaux du CSARS.

Le Comité se réjouit de la meilleure mise à disposition et communication des informations de la part du SCRS, une préoccupation qu’il avait exprimée l’année passée. En effet, le CSARS exige des pratiques de divulgation d’information complètes et cohérentes, tant dans le cadre des études que des enquêtes, afin que ses propres analyses soient exactes, complètes et justes. Par conséquent, cette question demeure le fer de lance de ses discussions avec le Service.

Un nouveau paysage législatif

Des évolutions législatives majeures dans le domaine de la sécurité nationale ont été amorcées cette année, avec l’adoption de nouvelles lois qui ont apporté d’importantes modifications à la Loi sur le SCRS. Ce rapport est pour nous l’occasion idéale d’en commenter la portée sur le CSARS.

Le projet de loi C-44, la Loi sur la protection du Canada contre les terroristes, a reçu la sanction royale en avril 2015. Elle propose plusieurs modifications à la Loi sur le SCRS, notamment en indiquant clairement que les enquêtes que le Service mène sur les menaces envers la sécurité du Canada ou les évaluations de sécurité peuvent être effectuées à l’extérieur du Canada. À cette fin, la loi a également confirmé la compétence de la Cour fédérale à décerner des mandats dont la portée s’étend à l’extérieur du pays.

Depuis plusieurs années, le CSARS suit de plus en plus attentivement l’envol des activités du Service à l’étranger, ainsi que son empreinte. Ainsi, au début de la nouvelle décennie, le CSARS se penchait sur un aspect des activités du SCRS à l’étranger dans une ou deux de ses études annuelles; cette année, plus de la moitié de celles-ci creuse des éléments liés à de telles activités. À l’avenir, le CSARS devra étendre sa couverture des activités du SCRS en dehors de nos frontières, en se concentrant, par exemple, sur les relations du Service avec ses partenaires étrangers, les échanges d’informations, les risques opérationnels, les défis juridiques et les nouveaux pouvoirs octroyés au moyen de mandat. Le CSARS pourrait aussi devoir examiner un plus grand nombre de postes à l’étranger pour bien cerner la portée et la complexité du rôle du Service hors du pays.

C’est surtout le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, qui a reçu la sanction royale en juin dernier, qui se traduira par une nouvelle charge de travail plus complexe pour l’équipe des recherches et l’équipe de l’aide juridique du Comité. Il faut ici souligner le nouveau mandat du SCRS en ce qui a trait à la « perturbation », notamment le fait que « s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une activité donnée constitue une menace envers la sécurité du Canada, le Service peut prendre des mesures, même à l’extérieur du Canada, pour réduire la menace. » En outre, en vertu de la nouvelle loi, « la prise par le Service de mesures pour réduire une menace envers la sécurité du Canada est subordonnée à l’obtention d’un mandat […] s’il s’agit de mesures qui porteront atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ou qui seront contraires à d’autres règles du droit canadien. »

La nouvelle loi exigera que le directeur du SCRS inclue dans le rapport annuel qu’il présente au ministre des informations précises concernant une description générale des mesures prises à l’égard des menaces envers la sécurité du Canada; le nombre de mandats décernés et le nombre de mandats présentés qui ont été rejetés; et, une description générale des mesures prises en vertu des mandats en cause. Le CSARS sera tenu d’examiner et d’évaluer cette information supplémentaire dans le cadre du processus de certification.

Le CSARS étudie un échantillon de présentation de mandats et de mandats décernés au Service sur une année donnée. Il faudra qu’il élargisse son examen pour y inclure les mandats qui entrent dans le cadre de cette loi, qu’il vérifie si l’information qui motive le mandat est précise, et si les activités menées sous l’autorité de la Cour fédérale ont respecté les paramètres énoncés dans le mandat. Du même coup, le CSARS sera mobilisé pour déterminer la légalité des activités de réduction de la menace pour lesquelles le Service n’a pas présenté de demande de mandat à la Cour fédérale. Cette évaluation du caractère constitutionnel des activités et des droits en vertu de la Charte ajoutera aux activités de recherche un élément juridique.

Enfin, et surtout, le CSARS a maintenant l’obligation légale d’examiner « à chaque exercice au moins un aspect de la prise, par le Service, de mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada. » Cette responsabilité mobilisera dans une large mesure les ressources du Comité, car il s’agit d’activités qui sont, par nature, sujettes à de potentielles controverses et/ou à haut risque, ce qui signifie qu’elles devront être examinées tous les ans de manière ciblée et adéquate.

À la lumière de tous ces changements, le Comité a favorablement accueilli l’annonce faite dans le cadre du Plan d’action économique du Canada d’avril 2015 du financement supplémentaire accordé au CSARS pour qu’il améliore ses activités de surveillance du Service. Cette augmentation du budget permettra de renforcer la capacité du Comité à s’acquitter de ses nouvelles exigences législatives. Dans le même temps, le CSARS va chercher à développer ses moyens technologiques pour gagner en efficacité et en productivité en cette période charnière de changements.

Le CSARS est clairement désireux et capable de satisfaire les attentes croissantes. Son travail a considérablement évolué au cours des dernières années au fil des récents changements, et les choses vont certainement s’accélérer dans les mois et années à venir. Nous garderons toutefois le cap sur le principe qui nous guide depuis 1984 : notre rôle de pierre angulaire d’un mécanisme qui permet d’assurer une reddition de comptes des activités du renseignement de sécurité au Canada.

Quand « surveillance » et « contrôle » ne sont pas synonymes

Lors des récents débats sur la nouvelle législation, le CSARS a noté qu’on utilisait souvent les termes « surveillance » et « contrôle » presque indifféremment. Pourtant, ils ne sont pas synonymes. Le mot « surveillance » est employé dans notre contexte de référence pour qualifier l’observation attentive, minutieuse et rétrospective de l’accomplissement de fonctions, et ce, en fonction de critères précis prédéterminés. Le terme « contrôle » renvoie au « pouvoir de diriger » quelque chose ou quelqu’un (comme une agence ou une organisation) dans un climat contemporain, voire en temps réel.

Bien que les organismes de surveillance, comme le CSARS, cherchent à améliorer la conformité à la législation des organisations ou de leur travail grâce à des recommandations novatrices, ils n’exercent pas de forme de « contrôle ». Cela permet donc au Comité de procéder à une évaluation complète du rendement passé du SCRS sans pour autant être impliqué dans ses décisions opérationnelles et activités quotidiennes.

Membres du comité

Membres du comité

De gauche à droite : l’honorable Marie-Lucie Morin, l’honorable L. Yves Fortier, l’honorable Pierre Blais et l’honorable Gene McLean. Absent sur la photo : l’honorable Ian Holloway.

 

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2016-12-02