2010-TSSTC-002(s) 

TSSTC-10-002

Dossier nº: 2010-01

Décision nº: TSSTC-10-002(S)

Code canadien du travail
Partie II
Santé et sécurité au travail

Société canadienne des postes, appelante
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, intimé

Le 18 février 2010

Cette demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction a été entendue par l’agent d’appel Richard Lafrance.

Pour l’appelante

M. Stephen Bird, avocat, Bird Richard

Pour l’intimé

M. Thomas McDougall, avocat, Perley-Robertson, Hill et McDougall, s.r.l.

  1. La présente concerne une demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction. L’instruction a été donnée le 17 décembre 2009 à la suite de l’enquête de l’agent de santé et sécurité (l’ASS) McKeigan sur une plainte déposée par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). À la fin de son enquête, l’ASS McKeigan a statué que Postes Canada avait enfreint le Code canadien du travail (le Code) en constituant deux comités d’orientation, en violation du paragraphe 134.1(3) du Code.
  2. Le 14 janvier 2010, M. Bird, au nom de la Société, a interjeté appel de l’instruction et a demandé une suspension de la mise en œuvre de ladite instruction.
  3. Une audience a eu lieu le 28 janvier et les 8 et 12 février 2010 à Ottawa, en Ontario. Ayant examiné avec soin les arguments des parties, j’ordonne la suspension de l’instruction jusqu’à ce qu’une décision sur le bien-fondé de l’appel soit rendue par un agent d’appel.
  4. Les motifs qui justifient la présente décision seront transmis aux parties en temps utile.

Richard Lafrance
Agent d’appel

 

Nº de décision :TSSTC-10-002(S)(R)

Nº de dossier : 2010-01

Rendue à : Ottawa, 04-03-2010

Société canadienne des postes, appelante
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP), intimé

Affaire: Demande de suspension de la mise en œuvre d'une instruction

Décision: La mise en œuvre de l'instruction est suspendue

Décision rendu par: M. Richard Lafrance, Agent d'appel

Pour la requérante: Me Stephen Bird

Pour l'intimé: Me Thomas McDougall

Motifs

[1] La présente décision porte sur une demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction déposée le 14 janvier 2010 par la Société canadienne des postes (SCP). L’instruction a été émise le 17 décembre 2009 par l’agent de santé et de sécurité Bruce McKeigan (ASS).

Contexte

[2] L’instruction visée par l’appel a été émise par l’ASS à l’issue de son enquête sur une plainte déposée par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP). Le STTP alléguait que Postes Canada avait contrevenu au Code canadien du travail (le Code) en constituant un second comité d’orientation sans son accord afin de régler les préoccupations des facteurs ruraux et suburbains (FRS) en matière de santé et de sécurité au travail (SST). L’ASS était d’avis que cela était contraire au paragraphe 134.1(3) du Code.

[3] L’instruction donnée à la Société dit ceci :

[Traduction]

Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte :

134.1(3)a) – Code canadien du travail,

(3) L’employeur peut constituer plusieurs comités d’orientation avec l’accord :

a) d’une part, de tout syndicat représentant les employés visés;

L’employeur a constitué plusieurs comités d’orientation sans l’accord du syndicat.

Par conséquent, il vous est Ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser la contravention au plus tard le 15 janvier 2010.

De plus, il vous est Ordonné par les présentes, en vertu de l’alinéa 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la répétition de la contravention dans le délai fixé par l’agent de santé et de sécurité.

[4] À la suite d’une audience tenue le 28 janvier et les 8 et 12 février 2010, j’ai ordonnéFootnote 1 note en bas de la page 1 la suspension de la mise en œuvre de l’instruction, le 17 février 2010, jusqu’à ce qu’un agent d’appel ait statué sur l’appel au fond. Les motifs de cette ordonnance sont exposés ci-après.

Analyse

[5] Le paragraphe 146(2) du Code est libellé comme suit :

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[6] Puisque je tire mon pouvoir du Code, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de manière à favoriser la réalisation de son objet, c.-à-d. veiller à la protection des employés en matière de santé et de sécurité.

[7] Afin d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour suspendre la mise en œuvre de l’instruction, j’ai appliqué les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan StoresFootnote 2  tels qu’ils ont été modifiés et adaptés par le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (TSSTC) :

  1. Le requérant doit convaincre l’agent d’appel de l'existence d'une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire.
  2. Le requérant doit démontrer qu’il subira un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue.
  3. Le requérant doit démontrer que si la mise en œuvre de l’instruction est suspendue, des mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés et de toute personne admise dans le lieu de travail.

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que futile ou vexatoire?

[8] Je souscris aux arguments de M. Stephen Bird, l’avocat‑conseil de la requérante, selon lesquels l’instruction nécessite l’interprétation d’une disposition du Code qui n’a encore jamais fait l’objet d’une interprétation judiciaire. J’estime que la décision aura nécessairement une incidence sur la manière dont les comités d’orientation en matière de santé et de sécurité pourraient être constitués à l’avenir. Par conséquent, je conclus à l’existence d’une question sérieuse à juger.

Le requérant subira‑t‑il un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[9] À propos du deuxième critère, S. Bird a fait valoir que l’instruction a une incidence appréciable sur la santé et la sécurité des employés ainsi que sur la capacité de Postes Canada de s’acquitter de ses obligations en vertu de la partie II du Code.

[10] M. Jeff Fraser, gestionnaire de la santé et de la sécurité pour la SCP, a déclaré que les préoccupations des FRS en matière de santé et de sécurité portaient sur un plus grand nombre de points et étaient différentes de celles des Services postaux urbains (SPU). Il a ensuite expliqué les différences qui existaient entre les deux groupes en matière de représentation ainsi que sur le plan de la nature du travail et de l’exécution des tâches.

[11] M. John Pollack, gestionnaire général, Adressage et livraison, a déclaré que l’instruction de l’ASS McKeigan entraînerait le renvoi des préoccupations des FRS devant un comité d’orientation « commun » et que cela aurait une incidence sur la capacité de Postes Canada de désigner les représentants les mieux informés pour participer aux discussions des comités d’orientation. De plus, la grande majorité des points qui sont examinés par le comité des services postaux urbains n’ont aucune incidence directe sur les FRS.

[12] Mme Tammy Tompalski, gestionnaire de l’apprentissage et du perfectionnement, a témoigné à propos des difficultés qu’éprouve l’actuel comité des SPU à répondre aux besoins des SPU.

[13] M. Thomas McDougall, l’avocat-conseil de l’intimé, a ajouté que la SCP ne subirait aucun préjudice si l’instruction était mise en œuvre immédiatement. Il a fait valoir que le comité des SPU pourrait très bien continuer de fonctionner comme avant et inviter des personnes spécialisées dans le domaine en cause pour discuter des préoccupations particulières des FRS.

[14] Me McDougall a appelé M. Serge Champoux, représentant permanent en matière de santé et de sécurité, STTP, qui a déclaré que le comité d’orientation des SPU est amplement capable de se pencher sur les préoccupations des FRS en matière de santé et de sécurité. Il a ajouté que les préoccupations des FRS en matière de SST ne sont pas très différentes de celles des autres employés.

[15] M. Champoux a déclaré que le maintien du statu quo obligerait le syndicat à consacrer le double du temps à deux comités, avec les mêmes ressources, ce qui alourdirait considérablement la charge des représentants syndicaux.

[16] Je retiens de la preuve que ce sont les mêmes représentants du syndicat qui siègent aux deux comités d’orientation, mais que Postes Canada a des représentants différents, de manière, dit-elle, à ce que les représentants les mieux informés siègent aux comités.

[17] Étant donné qu’il n’est pas facile de constituer et d’organiser un comité de SST, et à plus forte raison un comité d’orientation en matière de SST, j’estime que cela pourrait prendre beaucoup de temps avant qu’un tel comité devienne fonctionnel, si je n’accorde pas la suspension demandée.

[18] Étant donné que l’appel sera instruit au fond les 27 et 28 mai 2010 et que les comités de SST sont l’un des principaux moyens envisagés par le Code pour favoriser et promouvoir la santé et la sécurité au travail, j’estime que modifier la structure actuelle des comités d’orientation pour la courte période qui reste d’ici à ce que le présent appel soit tranché compromettrait davantage la santé et la sécurité des FRS. Par conséquent, je conclus que l’ensemble de la Société, effectif compris, pourrait subir un préjudice appréciable si la suspension demandée n’était pas accordée.

[19] Avant d’en venir au troisième critère, j’aimerais formuler quelques observations à propos de l’allégation de Me Bird selon laquelle les faits et gestes de l’ASS McKeigan donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité, qui constitue un manquement aux règles de justice naturelle. Me Bird soutient que cela rend nulle la décision de M. McKeigan et que je n’ai d’autre choix que de suspendre la mise en œuvre de la décision (instruction) visée par l’appel. Me Bird soulève également la question du préjudice que cause à la SCP le fait de devoir appliquer une décision « nulle ». Me Bird a appelé M. Fraser et Mme Chayer‑Hayers, qui ont témoigné des actes et communications de l’ASS durant son enquête.

[20] Il est indiscutable que, durant son enquête, l’ASS est tenu de respecter les règles d’équité procédurale. Cela dit, à titre d’agent d’appel désigné en vertu du Code, je tiens des audiences de novo, ce qui m’autorise à recevoir des éléments de preuve qui n’ont pas été portés à la connaissance de l’ASS et de substituer mon jugement au sien. C’est pourquoi j’estime qu’il n’est pas nécessaire, dans le contexte d’une demande de suspension, de faire une distinction entre une instruction qui est prétendument nulle et une qui est portée en appel pour des motifs différents.

Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail?

[21] En ce qui concerne ce critère, Me Bird a affirmé que le maintien du statu quo était le meilleur moyen d’assurer la santé et la sécurité des FRS. Il a soutenu que cela aurait une incidence positive sur la santé et la sécurité des FRS, puisque la structure actuelle permet de poursuivre les discussions déjà en cours sur divers sujets. De même, la formule actuelle permet à la SCP de désigner des décisionnaires bien informés pour siéger à ce comité.

[22] Me McDougall a répondu à cela que la mise en œuvre de l’instruction aurait une incidence bénéfique sur la santé et la sécurité des FRS, car il ne serait pas nécessaire d’utiliser les représentants syndicaux qui siègent à ces comités à la limite de leurs capacités pour participer aux deux comités. Il a conclu en disant qu’un comité commun serait mieux en mesure de se pencher sur les préoccupations des FRS en matière de santé et de sécurité.

[23] Je retiens de la preuve que la structure actuelle des deux comités d’orientation a bien fonctionné durant les dernières années. Même si la formule n’est pas parfaite, comme en attestent les témoignages, j’estime que pour le temps qu’il reste d’ici à ce que l’appel soit tranché, la santé et la sécurité des FRS sera mieux préservée si la mise en œuvre de l’instruction est suspendue.

Décision

[24] En conséquence, j’accueille la demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée à Postes Canada par l’agent de santé et de sécurité McKeigan, le 17 décembre 2009.

Richard Lafrance
Agent d’appel

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