TSSTC-10-005

TSSTC-10-005

Référence : Boone c. Air Canada, 2010 TSSTC 005

Date : 2010-03-24

Nº de dossier : 2008-25

Greffe : Ottawa

Entre :

James Boone, appelant
-et-
Air Canada, intimée

Affaire : Appel interjeté à l’encontre d’une décision rendue par un agent de santé et sécurité en vertu du paragraphe 129.(7) du Code canadien du travail

Décision : La décision est annulée et une instruction est donnée

Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d’appel

Langue de la décision : Traduction de l’anglais.

Pour le appelant : M. Prescott Franco, Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale

Pour l’intimée : M. David Wong, avocat, Fasken Martineau DuMoulin, s.r.l.

Motifs

[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 129.(7) du Code canadien du travail (le Code) par M. James Boone, employé chez Air Canada, au sujet d’une décision d’absence de danger rendue oralement par Mme Dawn MacLeod, agente de santé et sécurité (ASS), le 20 août 2008, et confirmée par écrit le 21 août 2008, conformément au paragraphe 129.(4) du Code. Une audience a été tenue à Leduc, en Alberta, les 23 et 24 juin 2009.

Contexte

[2] Le 20 août 2008, M. Boone a exercé son droit de refuser d’accomplir un travail constituant un danger à son lieu de travail situé à l’Aéroport international d’Edmonton (l’aéroport d’Edmonton) à Leduc, en Alberta. Le refus de M. Boone avait trait à des préoccupations en matière de santé et de sécurité, qui constituaient selon lui un danger, à la suite d’une demande faite par son employeur d’accomplir une tâche s’inscrivant dans ses fonctions de préposé d’escale.

[3] La tâche consistait à entretenir les bloc toilettes de l’aéronef, tâche qui est accomplie par un employé pendant chaque quart au moyen de l’équipement connu sous le nom de chariot-toilettes. Le chariot-toilettes serait placé près de l’aéronef. Ensuite, à partir de la plateforme d’entretien située à l’arrière, l’employé accroche les boyaux entre l’aéronef et le chariot. Le contenu des toilettes, constitué de déchets humains et peut-être d’autres substances inconnues, est vidé dans le réservoir du chariot-toilettes.

[4] M. Boone a fait part de ses préoccupations dans une lettre à l’employeur en date du 15 mai 2008, date à laquelle M. Boone a également accompli la tâche pour la dernière fois avant son refus. Selon M. Boone, la lettre avait pour objet d’informer l’employeur des risques pour la santé et la sécurité associés à l’entretien des blocs toilettes des aéronefs et aux conditions liées à cet entretien qui pourraient affecter les autres employés, le public qui voyage et M. Boone lui-même.

[5] Le risque ou le danger spécifique qui a trait à M. Boone pendant cette tâche était l’exposition possible aux déchets du bloc toilettes et à son contenu. De plus, il éprouvait certaines inquiétudes au sujet de questions touchant les procédures à suivre pendant le transfert des substances de l’aéronef au chariot-toilettes.

[6] Les préoccupations et les questions soulevées dans la lettre sont résumées ci-après :

  • la nécessité d’un préposé d’escale affecté à un bloc toilettes qui utilise le matériel de protection et l’équipement de sécurité appropriés;
  • le mauvais entretien du chariot-toilettes (intérieur et extérieur);
  • le système de levage du chariot-toilettes est hors service depuis décembre 2007;
  • les pratiques de stockage et d’élimination des gants en caoutchouc dans le véhicule;
  • le risque de contamination croisée entre les employés qui effectuent l’entretien du bloc toilettes et les autres employés ou le public;
  • l’extrémité d’un boyau qui évacuait les déchets au cours du processus était couverte de ruban adhésif.

[7] Le 20 août 2008, l’ASS MacLeod s’est rendue sur le lieu de travail en réponse au refus de travailler de M. Boone; elle était accompagnée d’un collègue. À ce moment-là, l’ASS a reçu de M. Boone la description des circonstances du danger apparent, ce qui comprenait la lettre faisant état des préoccupations exposées précédemment et d’autres renseignements connexes concernant la tâche.

[8] L’ASS MacLeod a reçu la thèse de l’employeur, selon laquelle aucun danger n’était lié à l’exécution de cette tâche parce que l’employeur a fourni l’équipement de protection individuel (ÉPI) approprié. Les représentants de l’employeur ont affirmé à l’ASS que tout ce qui était nécessaire pour protéger l’employé contre le risque d’exposition a été fait et qu’ils se sont conformés à leur politique de manutention du matériel biologique.

[9] Le 20 août 2008, l’ASS MacLeod a rendu sa décision selon laquelle il n’existait pas de danger. L’ASS a fourni les motifs de sa décision dans un rapport qui fait partie du dossier de la présente affaire.

Question

[10] La question en litige en l’espèce consiste à déterminer si l’ASS MacLeod a commis une erreur en concluant que M. Boone ne courait pas de danger dans l’exécution d’une tâche qui consiste à entretenir le bloc toilettes de l’aéronef.

Preuve

[11] La preuve de l’appelant était constituée du témoignage de M. Boone et d’un témoin, un employé d’Air Canada qui occupait le poste d’agent de santé et sécurité auprès de l’Association internationale des machinistes et des travailleurs de l’aérospatiale (l’ASS du Syndicat).

[12] La preuve de l’intimée était constituée du témoignage de trois témoins; le gestionnaire des processus et des procédures d’Air Canada (gestionnaire des P et P), le gestionnaire des services de sécurité d’Air Canada (gestionnaire des SS) et le gestionnaire d’Air Canada chargé des opérations de la station à l’aéroport d’Edmonton (gestionnaire des OS).

[13] Voici une liste des faits établis par l’ASS MacLeod tels qu’ils sont rédigés dans son rapport, que je résume ci-après :

  •  M. Boone a exécuté les fonctions d’un préposé d’escale et possède plus de vingt-trois années d’expérience continue dans l’industrie et dix ans d’expérience comme préposé d’escale chez Air Canada.
  •  M. Boone a écrit une lettre dans laquelle il expose ses préoccupations au sujet de la tâche d’entretenir le chariot-toilettes, lettre qui a été acheminée à l’employeur le 15 mai 2008; une pétition comportant une liste de cent noms y était jointe.
  • L’employeur estimait qu’il n’y avait aucun danger associé à cette activité professionnelle parce qu’il fournit l’ÉPI et respecte la politique de la société au sujet de la manipulation du matériel biologique (des copies des politiques sont fournies).
  • La tâche d’entretenir le bloc toilettes n’a pas changé en plus de vingt ans. Toutefois, l’affectation de cette tâche a évolué; elle n’est plus attribuée à un employé par quart; il s’agit actuellement d’une responsabilité partagée entre les préposés d’escale; cette pratique a été en vigueur au cours des cinq dernières années.
  • La tâche est exécutée en moyenne de dix à treize fois par quart, selon les mouvements des aéronefs – arrivées et départs.
  • La transformation survenue au cours des cinq ou six dernières années est peut-être imputable à la diminution des niveaux de dotation, ce qui fait que la responsabilité d’exécuter la tâche est maintenant partagée entre les membres de l’équipe.
  • Chaque équipe est constituée de quatre postes : un poste au sol, un poste de transition, un conducteur, et un chef préposé d’escale.
  • Il y a deux chariot-toilettes à l’aéroport d’Edmonton.
  • Une étiquette d’entretien indiquant la nécessité de réparer un engin de levage mobile à courroie sur le chariot-toilettes était attachée au tableau de bord; elle était datée de décembre 2007.
  • L’extrémité d’un boyau utilisé pour le transfert des déchets était couverte de ruban adhésif.
  • Pendant l’enquête du 20 août 2008, des activités générales au sol ont été observées par l’ASS MacLeod et son collègue; l’ASS a constaté que l’employé qui exécutait la tâche ne portait pas de combinaison jetable ou d’écran facial.
  • L’ÉPI comme l’écran facial, gants et la combinaison jetable est fourni, mais son utilisation n’est pas obligatoire.
  • Les chefs préposés d’escale doivent passer un examen approprié qui est propre à la manutention de cargaisons d’aéronefs tel qu’il est mentionné dans la convention collective.

[14] Une copie du procès-verbal de la réunion du comité de santé et de sécurité au travail daté du 30 juin 2008 est incluse dans le rapport de l’ASS MacLeod. La réunion était coprésidée par un représentant de l’employeur et par l’ASS du Syndicat, à titre de coprésident par intérim, pour les employés. Le procès-verbal est rédigé ainsi :

[Traduction]

Points de discussion

Préoccupations au sujet de l’entretien du bloc toilettes

Les membres du personnel ont formulé certaines préoccupations au sujet de l’exposition à des produits biologiques dangereux lorsqu’ils procèdent à l’entretien des blocs toilettes des aéronefs et de l’équipement connexe.

La politique actuelle d’Air Canada exige que les gens qui entretiennent les blocs toilettes ou les camions prennent les précautions universelles suivantes :

  • Des combinaisons spéciales jetables doivent être portées pour se protéger contre les écoulements ou les déversements. Les combinaisons doivent être portées seulement pour l’entretien, et jamais dans des secteurs qui exposeraient les autres travailleurs. Elles doivent être réutilisées jusqu’à ce qu’elles soient contaminées.
  • L’écran facial assure une protection contre les éclaboussures.
  • Le respirateur N95 protège contre l’exposition aux inhalations.
  • Des gants en latex (tels que ceux qui sont utilisés pour équiper la cabine de l’aéronef) protègent les mains.
  • De lourds gants extérieurs en nitrile protègent les gants en latex. Ils ne sont pas jetables et doivent être lavés avec un désinfectant lorsqu’ils sont contaminés.

[15] Le rapport de l’ASS MacLeod comprend une copie de la politique de l’employeur intitulée « Pubs 70, Chap 15, Page 4, 08 01 29, Lavatory Servicing » qui concerne l’ÉPI et qui prévoit ce qui suit :

[Traduction]

3 – Entretien du systÈme de bloc toilettes

.01 Précautions et règles générales d’entretien – Entretien du bloc toilettes

[…] 8 Avec l’ÉPI standard, l’ÉPI suivant sera disponible pour permettre aux Services d’escale d’Air Canada d’effectuer l’entretien des bloc toilettes sur tous les aéronefs :

  • écran facial approuvé
  • gants approuvés
  • combinaison jetable approuvée.

[16] Le rapport de l’ASS MacLeod comprend une copie de la politique de l’employeur intitulée « Pub. 5, Corporate Safety Manual, Chap. 14 – Hazardous Material Management », pages 38, 39 et 40, en date du 20 janvier 2006, qui prévoyait ce qui suit :

[Traduction]

14.6 Manipulation du matÉriel biologique – prÉcautions universelles

.01 Objet

Comme il est impossible de connaître l’infectiosité du sang humain ou des fluides corporels contaminés par le sang, toute manipulation de ce matériel doit être conforme aux « Précautions universelles » auxquelles font référence les Centers of Disease Control (CDC). Les précautions universelles ne s’appliquent pas aux excréments, aux sécrétions nasales, aux crachats et à la salive, à la sueur, aux larmes, à l’urine et au vomi.

.02 Norme

L’équipement de protection individuel approprié doit être utilisé pour toute manipulation de produits biologiques dangereux, dont la nature est établie par les méthodes de travail et le degré de risque relatif. L’équipement de protection individuel pour manipuler des produits biologiques dangereux doit être utilisé comme suit :

  1. Des gants en nitrile jetables doivent être utilisés pour manipuler les produits pendant les activités légères. Les gants doivent être intacts et jetés après la tâche.
  2. Des gants en nitrile doivent être utilisés pour manipuler les produits pendant les tâches lourdes. Les gants doivent être intacts et lavés au moyen d’une solution hypochlorite/eau à 0,5 % après la tâche s’il y a contamination.
  3. En cas de risque d’éclaboussure, des lunettes de sécurité, des écrans faciaux et un vêtement ou une combinaison de protection doivent être portés. L’équipement doit être intact et lavé au moyen d’une solution hypochlorite/eau à 0,5 % après la tâche s’il y a contamination. Si un fluide biologique dangereux est éclaboussé dans les yeux, rincer les yeux dans un bassin oculaire pendant 10 minutes ou utiliser un flacon rince-oeil portatif.
  4. En cas de risque de déversement, des bottes en caoutchouc doivent être portées. Les bottes doivent être intactes et lavées au moyen d’une solution hypochlorite/eau à 0,5 % après la tâche s’il y a contamination.
  5. En cas de risque d’inhalation de buée, un masque HEPA antibuée jetable doit être porté. Le masque doit être intact et jeté une fois la tâche accomplie. Il peut être entreposé en lieu sûr s’il n’est pas contaminé.

    Si une protection respiratoire complémentaire est nécessaire, un demi-masque respiratoire ou un masque respiratoire complet peut être utilisé avec des cartouches filtrantes multifonctions HEPA P-100.

  6. Si les vêtements deviennent contaminés de quelque façon que ce soit, ils doivent être enlevés et jetés. En cas de contamination cutanée, la peau doit être lavée minutieusement au savon et à l’eau sur-le-champ.
  7. Le type d’équipement de protection individuel à utiliser dépend du type d’affectation d’entretien et du degré de risque qui y est associé.

Preuve soumise par l’appelant

[17] M. Boone a témoigné que son gestionnaire l’a envoyé chez lui le jour du refus parce qu’il a fait valoir son droit de refuser de travailler, ce qui, à son avis, allait à l’encontre du Code. Il a mentionné pendant le contre-interrogatoire que l’employeur n’a pas pris de mesure disciplinaire ni n’a fait de prélèvement sur sa paie.

[18] M. Boone a affirmé que les motifs de son refus de travailler se rapportaient expressément au très mauvais état de l’ÉPI et à l’état du véhicule le jour de son refus. Il croyait que la tâche d’entretenir les blocs toilettes de l’aéronef que lui a demandé d’accomplir l’employeur ce jour-là n’était pas sécuritaire. Selon M. Boone, au moment du refus ainsi que par le passé, l’employeur ne lui avait pas fourni de combinaison, une protection faciale adéquate ou des gants bien entretenus. Il estimait que l’ÉPI mentionné était nécessaire pour le protéger contre une exposition aux déchets du bloc toilettes dans le cadre de ses fonctions.

[19] Au cours de son témoignage, M. Boone a présenté des photographies prises après la date du refus qui illustraient les conditions qui, selon lui, révélaient l’activité quotidienne exercée lorsque les employés exécutaient la fonction d’entretenir les blocs toilettes des aéronefs. Certaines photographies illustraient des déchets du bloc toilettes à l’extérieur de la cuvette de stockage du camion située au-dessus du réservoir du camion. D’autres photographies représentaient ce qu’il estimait être des modifications improvisées au dispositif d’aération/d’indication de trop-plein situé dans la cuvette de stockage du camion, ce qui, d’après M. Boone, constituait une cause de la présence des déchets à cet endroit. En outre, d’autres photographies illustraient des boyaux de décharge de déchets sur lesquels se trouvaient, au dire de M. Boone, des déchets du bloc toilettes.

[20] M. Boone a témoigné qu’il a exécuté la tâche environ cent fois au cours des cinq dernières années. Il n’a jamais subi de blessure ni contracté de maladie en raison d’une exposition aux déchets du bloc toilettes. Il était au courant d’une blessure ou maladie à une personne qui a été exposée aux déchets du bloc toilettes. Il s’agissait d’une blessure ou d’une maladie aux yeux qui a pu être causée par une éclaboussure, toutefois ce cas n’a pas été consigné.

[21] M. Boone a reconnu pendant le contre-interrogatoire que des gants en latex jetables et un écran facial se trouvaient dans le véhicule le jour de son refus. Toutefois, il a affirmé que l’écran facial appartenait à une autre société; en conséquence, l’employeur ne l’a pas fourni. Sans égard à ce fait, il croyait que l’écran facial était répugnant et qu’il y avait des déchets dessus. Par conséquent, il aurait refusé de le porter.

[22] L’ASS du Syndicat a témoigné que ses fonctions comprenaient la formation, la prestation de conseils sur des questions de santé et de sécurité et l’observation d’employés pendant qu’ils sont au travail et la participation à des enquêtes connexes. Il possède une attestation en santé et sécurité au travail de l’Université de l’Alberta et a suivi d’autres cours liés à la sécurité. Il a pris part à une évaluation du risque touchant l’entretien du bloc toilettes de l’aéronef qui avait été effectué après qu’une instruction ait été donnée à l’employeur par l’ASS MacLeod après le refus de travailler.

[23] L’ASS du Syndicat est d’avis que dans les circonstances, le danger couru par M. Boone résidait dans l’exposition à des déchets humains non traités provenant des blocs toilettes des aéronefs. Selon lui, les déchets des blocs toilettes peuvent renfermer des produits biologiques infectieux dangereux qui ne seraient pas visibles à l’oeil nu. Il a affirmé que l’employeur a subventionné des vaccins/injections pour contrer l’hépatite « A » et le tétanos chez les employés. Selon lui, ce geste démontrait que l’employeur reconnaissait l’existence de tels dangers et de maladies connexes.

[24] L’ASS du Syndicat a affirmé que le risque de contracter ces maladies ou ces maux a été atténué par la protection des voies d’entrée qui permettent aux déchets des blocs toilettes d’entrer dans le corps humain, soit par ingestion orale directe, par transmission de la main à la bouche, par absorption par les membranes muqueuses des yeux ou du nez, et par voie cutanée à la suite de coupures, d’éruptions et de contusions. Il a affirmé, en se fondant sur ses connaissances en matière de santé et de sécurité au travail, que les effets sur la santé qui ont trait aux déchets humains non traités comprennent le tétanos, les vers parasites, l’hépatite « A », les parasites causés par des protozoaires et les bactéries de la famille de la E. coli. Il a dit que comme le danger ne peut pas être contrôlé par des mesures d’ingénierie, l’ÉPI est la méthode requise pour protéger les employés.

[25] L’ASS du Syndicat a priorisé l’utilisation de l’ÉPI dans l’ordre suivant :

  • les masques/écrans faciaux pour réduire l’exposition à l’ingestion;
  • les combinaisons imperméables pour réduire l’exposition par des coupures ou des éruptions;
  • des gants en latex jetables devant être utilisés pour faire diminuer l’exposition à des coupures aux mains;
  • une deuxième paire de surgants pour une protection additionnelle;
  • la nécessité de vaccins et d’injections;
  • des pratiques d’hygiène comme se laver les mains.

[26] L’ASS du Syndicat a déclaré qu’au cours des nombreuses années pendant lesquelles il a travaillé dans l’industrie, il a été témoin de nombreux employés qui sont entrés en contact avec des déchets des blocs toilettes dans diverses circonstances. Il a ajouté que la plupart des employés, en accomplissant la tâche dont il est question, entrent en contact direct avec des déchets des blocs toilettes à au moins une reprise pendant leur carrière.

[27] L’ASS du Syndicat a mentionné qu’à ce jour, personne n’a subi de blessure ou contracté de maladie à la suite d’une exposition à des déchets des blocs toilettes. Néanmoins, selon lui, il existe un risque et la politique de l’employeur reflète cette situation. Il a mentionné qu’étant donnée l’existence de la possibilité de produits biologiques infectieux dangereux dans les déchets des blocs toilettes, un ensemble complet d’ÉPI devait être utilisé par les employés.

[28] Pendant le contre-interrogatoire fait par M. Wong, l’ASS du Syndicat a dit qu’il a pris part au processus d’évaluation des risques avec les représentants de l’employeur et qu’ils ont analysé ensemble, étape par étape, la tâche d’entretenir les blocs toilettes; il s’agissait d’un effort concerté et tous ont convenu du contenu et des conclusions. Il a convenu que le rapport indiquait que le risque à chaque étape obtenait régulièrement la cote « D », soit le risque le plus faible qui peut être attribué. Il a reconnu que le rapport indiquait, en ce qui concerne les mesures d’atténuation, que l’employé doit être placé en amont et à l’extérieur de la zone de déversement, dans le but d’offrir une protection si de la matière devait s’échapper pour quelque motif que ce soit. Il a convenu que l’employé doit être muni de gants en caoutchouc et que c’était la seule mesure d’atténuation mentionnée dans le rapport dans cette catégorie pour environ cinquante étapes rattachées à la tâche.

[29] L’ASS du Syndicat, pendant le contre-interrogatoire, s’est fait demander de lire un passage du rapport d’évaluation du danger sous la colonne intitulée « Process » (Processus), qui énonçait ce qui suit en ce qui concerne l’une des étapes de l’exécution de la tâche :

[Traduction]

« L’opérateur accroche le conduit de remplissage de détergent. (Risque – Il pourrait y avoir encore du fluide résiduel dans le conduit de remplissage et ce fluide résiduel pourrait éclabousser les yeux de l’opérateur). »

 

[30] L’ASS du Syndicat a reconnu qu’il a peut-être donné son accord à l’époque à la mesure d’atténuation énoncée dans le rapport d’évaluation du danger au sujet de l’ÉPI, soit les gants. Toutefois, l’ASS du Syndicat est actuellement d’avis que c’était une omission de sa part et de la part des autres en ce sens que compte tenu du danger possible et de la possibilité d’éclaboussure dans les yeux, une mesure d’atténuation additionnelle consisterait à fournir et à utiliser une protection pour les yeux.

Preuve soumise par l’intimé

[31] Le gestionnaire des P et P a déposé en preuve un rapport daté de novembre 2008, après une instruction donnée par l’ASS MacLeod à l’employeur le 20 août 2008. Le rapport a été dressé par le gestionnaire des SS et le gestionnaire des P et P et s’intitulait « Risk Assessment: Aircraft Lavatory Servicing – YEG » (le rapport). Le rapport avait pour objet de déterminer et d’évaluer les dangers liés à l’entretien des blocs toilettes à l’aéroport d’Edmonton. Le gestionnaire des P et P et d’autres personnes, notamment les représentants des préposés d’escale et l’ASS du Syndicat, ont effectué cette évaluation le 16 septembre 2008. L’évaluation comprenait une analyse du type d’ÉPI utilisé par les employés à la lumière de la façon d’entretenir les blocs toilettes.

[32] Le rapport, sous la rubrique « Discussion », évaluait le danger et le risque associés aux déchets des blocs toilettes. Les observations contenues dans le rapport proviennent du gestionnaire de l’hygiène industrielle de l’employeur, un hygiéniste industriel agréé, et se lisent comme suit :

[Traduction]

« Règle générale, la manipulation des déchets traditionnels du bloc toilettes (urine, excréments, vomi, etc.) ne nécessiterait même pas le recours à la méthodologie des précautions universelles. Toutefois, comme nous ne pouvons garantir que ces déchets ne sont pas contaminés par du sang, AC a mis en œuvre la procédure des précautions universelles en vue de la manipulation des déchets des blocs toilettes (des procédures spécifiques et l’ÉPI approprié) – il est possible d’examiner ces éléments dans le document 5.

En ce qui concerne le risque, il se peut que ces déchets s’accompagnent de dangers biologiques de type viral, bactérien ou parasitaire (en particulier si les utilisateurs des blocs toilettes sont atteints d’un trouble médical infectieux spécifique); toutefois, l’exposition à ces dangers serait minime s’il y avait une éclaboussure ou un déversement, car une exposition importante serait nécessaire (exposition à des quantités considérables à la suite de coupures cutanées, d’une ingestion, d’une inhalation ou d’un contact avec les yeux) ».

[33] Le rapport a fourni un autre élément d’évaluation sous la même rubrique que ci-dessus établi par le médecin chef de l’employeur; cet élément d’évaluation se lit comme suit :

[Traduction]

« [Si l’entretien des blocs toilettes est effectué] en respectant les procédures et sans défaillance de l’ÉPI, le risque sera faible. »

[34] Les conclusions du rapport établissaient qu’il n’y avait pas de dossiers d’employeur concernant des blessures subies par des employés ou des maladies professionnelles causées par la contamination par l’ingestion de déchets provenant des blocs toilettes des aéronefs. Un examen des dossiers disponibles à l’aéroport d’Edmonton révélait deux blessures liées aux opérations des blocs déchets, dont aucune n’a entraîné de perte de temps ni n’était liée à une exposition aux déchets des blocs toilettes.

[35] Le rapport renfermait un énoncé sous la rubrique « Conclusion » qui se lit comme suit :

[Traduction]

L’évaluation du risque a établi clairement que le danger principal possible lié à l’entretien des blocs toilettes d’AC réside dans le contact possible avec du sang contaminé, et des dangers biologiques de type viral, bactérien ou parasitaire qui peuvent être présents dans le fluide des blocs toilettes de l’aéronef.

Il est mentionné que pour qu’il y ait un risque pour l’employé, cette exposition nécessiterait une « exposition à des quantités considérables à la suite de coupures cutanées, d’une ingestion, d’une inhalation ou d’un contact avec les yeux ».

Il peut y avoir un déversement aux « points de traitement » suivants :

  • Ouverture du panneau d’entretien de l’aéronef.
  • Manipulation du boyau d’évacuation du chariot-toilettes.
  • Des raccords d’évacuation de l’aéronef si
    1. il reste des déchets liquides derrière l’embout du raccord et
    2. le boyau d’évacuation est mal ajusté et se dégage pendant l’évacuation.

Il est possible de minimiser avec succès toutes ces expositions en plaçant simplement son corps en amont des zones de déversement possibles et en s’éloignant de celles-ci.

La possibilité d’exposition à la suite de coupures sur les mains en manipulant les boyaux, les panneaux et autres constitue toutefois une exception. Des gants en caoutchouc pour l’entretien des blocs toilettes conviennent pour atténuer ce risque.

[36] Pendant le contre-interrogatoire effectué par M. Franco, le gestionnaire des P et P a affirmé que selon lui, le jour du refus, on s’attendait à ce que les employés se conforment à la politique des précautions universelles de l’employeur. De plus, le gestionnaire des P et P s’est fait montrer des photographies illustrant la cuvette de stockage du chariot-toilettes remplie de déchets des blocs toilettes qui avaient débordé du réservoir. Il s’est fait demander si, dans ces conditions, il pouvait y avoir un risque qu’un employé se fasse éclabousser et il a répondu affirmativement. Toutefois, il a ajouté que c’est l’inobservation des procédures adéquates qui est à l’origine de la situation représentée et que selon lui, des gants sont le seul ÉPI requis.

[37] Pendant le même contre-interrogatoire mené par M. Franco, le gestionnaire des P et P a dit que selon lui, l’ÉPI n’est pas facultatif suivant les politiques applicables le jour du refus. Il n’était pas d’accord avec l’affirmation formulée par l’ASS dans son rapport, selon laquelle l’ÉPI n’est pas obligatoire.

[38] Dans le cadre de leurs témoignages, le gestionnaire des SS et le gestionnaire des P et P ont expliqué que le rapport renfermait une évaluation du risque potentiel présent à chaque étape de la tâche. Comme l’expose le rapport et comme le décrit le gestionnaire des P et P, il a été établi qu’aucune étape de la tâche ne s’accompagnait d’un risque plus grand que « D », soit la cote de risque possible la plus faible.

[39] Le gestionnaire des OS de l’aéroport d’Edmonton a témoigné que les employés de l’aéroport s’acquittent de la tâche environ deux cent fois par semaine. Selon lui, cela indique que la tâche a été exécutée des milliers et des milliers de fois par des employés à Edmonton sans que quiconque déclare une maladie contractée à la suite de l’exposition à des déchets des blocs toilettes.

Arguments

Appelant

[40] M. Franco a fait valoir que l’employeur a enfreint l’article 147 du Code parce que M. Boone a été envoyé chez lui à la suite de son refus de travailler. M. Franco a demandé que l’employeur fasse l’objet d’une ordonnance d’interdiction de prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’employés qui refusent de travailler en situation de danger.

[41] M. Franco a soutenu que les déchets des blocs toilettes des aéronefs peuvent contenir du sang et donc un mélange qui renferme des produits biologiques infectieux dangereux. De plus, il a prétendu que l’ASS MacLeod ne disposait pas de tests indépendants sur le contenu des blocs toilettes pour étayer ses conclusions et que la décision de l’ASS ne se fondait pas sur des éléments de preuve ou des données statistiques qui appuient le port facultatif de l’ÉPI adéquat. L’employeur ne disposait pas de données indépendantes appuyant le faible degré de risque des déchets des blocs toilettes.

[42] M. Franco a fait valoir que les employés ont le droit de savoir ce qu’ils manipulent.

[43] M. Franco a soutenu que le témoignage de l’ASS du Syndicat, selon lequel [traduction] « la plupart des préposés d’escale reçoivent un déversement sur eux à une reprise », indiquait qu’il existe une probabilité raisonnable qu’un préposé d’escale sera exposé à des déchets infectieux. L’ASS MacLeod justifie également le niveau d’exposition dans sa décision en affirmant [traduction] « qu’il existe une probabilité raisonnable que l’employé puisse être exposé à des situations susceptibles d’être dangereuses au moins de dix à treize fois par jour. »

[44] M. Franco a fait valoir que le témoignage de l’ASS du Syndicat, dans le cadre duquel il décrivait le risque d’exposition à des déchets infectieux, est beaucoup plus grave que ce que décrit l’employeur. Il a soutenu que l’ASS du Syndicat a décrit la possibilité que les déchets des blocs toilettes puissent contenir des maladies, des parasites, des virus et de nombreuses autres substances infectieuses. Il a prétendu que l’ASS du Syndicat a témoigné que les déchets infectieux sont invisibles et a fait valoir que des maladies causant des blessures pourraient alors être transmises à une autre personne.

Intimé

[45] M. Wong a présenté l’argument suivant au sujet de la demande de M. Franco selon laquelle l’employeur doit se faire ordonner par Ressources humaines et Développement des compétences Canada de cesser de prendre des mesures disciplinaires à l’égard d’employés pour refus de travailler en situation de danger. En premier lieu, il a soutenu qu’un agent d’appel n’a pas compétence pour statuer sur une allégation de violation de l’article 147, car ces plaintes sont régies par l’article 133 du Code. En second lieu, M. Boone n’a pas fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour son refus de travailler.

[46] M. Wong a fait valoir que compte tenu des observations de M. Franco, il était clair que le danger potentiel en litige était l’exposition aux déchets des blocs toilettes. Par conséquent, l’intimé estime, sur la base du critère énoncé dans une décision du Bureau canadien d’appelFootnote 1 (BCA) dans Canada (Service correctionnel) et SchellenbergFootnote 2, et du critère énoncé par la Cour fédérale dans Syndicat des agents correctionnels du Canada c. Canada (Procureur général)Footnote 3, que l’appel doit être rejeté pour les trois motifs suivants :

  • il n’existe pas d’attente raisonnable que M. Boone sera exposé à des déchets des blocs toilettes dans le cadre de l’exécution de sa tâche;
  • il n’existe pas d’attente raisonnable que l’exposition à des déchets des blocs toilettes cause une maladie ou un préjudice;
  • Air Canada n’a pas fait défaut, dans la mesure raisonnable, de s’assurer que ses employés sont protégés personnellement contre l’exposition aux déchets des blocs toilettes.

[47] M. Wong a fait valoir que lorsque la procédure appropriée est suivie, la possibilité que l’employé qui accomplit la tâche soit exposé aux déchets des blocs toilettes est très mince. Plus précisément, il a affirmé que sauf dans de rares circonstances dans lesquelles un déversement survient, les déchets sont transférés dans un système fermé qui empêche toute possibilité d’exposition aux déchets.

[48] M. Wong a fait valoir que l’évaluation des risques qui englobait la participation de l’employeur et la représentation des employés par l’intermédiaire de l’ASS du Syndicat comprenait une analyse étape par étape de la tâche telle qu’il est énoncé dans le rapport. Les seules mesures d’atténuation jugées nécessaires pour la tâche étaient les suivantes :

  • se placer en amont/à l’extérieur de la zone de déversement;
  • des gants;
  • effectuer fermement les raccords;
  • avoir recours à des placiers au besoin;
  • faire attention en reculant;
  • faire attention en plaçant les rampes.

[49] M. Wong a soutenu que l’ASS du Syndicat a participé à la rédaction du rapport et qu’il souscrivait alors à tout ce qui s’y trouvait, y compris l’affirmation selon laquelle les gants étaient le seul ÉPI nécessaire pour atténuer les risques minimaux rattachés à l’exécution de la tâche. Il a prétendu que l’utilisation de gants et un positionnement adéquat éliminent essentiellement le risque d’exposition aux déchets lors de l’exécution de la tâche.

[50] M. Wong a fait valoir que M. Boone a laissé entendre qu’il ne disposait pas de l’ÉPI adéquat le jour du refus. Toutefois, il a soutenu que M. Boone a reconnu qu’il avait accès à des gants le jour du refus. Par conséquent, il a soutenu que d’après le témoignage de M. Boone lui-même, il était clair que le seul ÉPI jugé nécessaire dans le rapport lui était accessible le 20 août 2008.

[51] En outre, M. Wong a fait valoir que même si le rapport établissait clairement qu’un écran facial ne constituait pas un ÉPI nécessaire pour atténuer les risques rattachés à la tâche, M. Boone avait accès à un écran facial le jour de son refus.

[52] M. Wong a prétendu que lorsque l’ASS MacLeod a témoigné que l’employé peut être exposé à une situation dangereuse au moins de dix à treize fois par jour, elle faisait référence aux situations dangereuses qui sont inhérentes au travail accompli sur le tarmac en présence d’aéronefs qui se déplacent.

[53] M. Wong a prétendu qu’à l’audience, aucune preuve n’a été présentée pour établir qu’une personne a été ou est susceptible de devenir malade ou blessée à la suite de l’exécution de la tâche. Il a soutenu qu’à cet égard, la seule preuve présentée par M. Boone était constituée de spéculations et d’un témoignage d’opinion de l’ASS du Syndicat sur le potentiel de transmission de maladie des déchets.

[54] M. Wong a soutenu que la preuve produite à l’audience établissait clairement que les seules blessures déclarées ou consignées qui touchaient l’exécution de la tâche étaient des blessures mineures et qu’aucune d’elles n’était liée à l’exposition aux déchets ni n’a entraîné de perte de temps de travail, et ce malgré la fréquence à laquelle cette tâche est exécutée par le personnel de l’employeur à l’aéroport d’Edmonton.

[55] M. Wong a soutenu que compte tenu de la décision de l’agent d’appel Cadieux, du BCA, rendue dans Welbourne et Chemin de fer Canadien Pacifique LtéeFootnote 4, la possibilité conjecturale qu’une maladie découle de l’exécution de la tâche ne constitue pas un motif suffisant pour étayer une conclusion de « danger » en vertu du Code.

Analyse

[56] Je me pencherai d’abord sur la question soulevée par M. Franco, selon laquelle l’employeur a violé l’article 147 du Code, et sur sa demande visant à ce que j’ordonne à l’employeur de cesser de prendre des mesures disciplinaires à l’égard des employés pour des refus de travailler en cas de danger. Cette question n’est pas liée à l’existence ou non d’un danger pour M. Boone au moment du refus. De plus, c’est le Conseil canadien des relations industrielles qui possède, en vertu de l’article 133 du Code, la compétence pour faire enquête sur les circonstances d’une allégation de violation de cette nature. En conséquence, je ne suis habilité à examiner ni la question ni la demande.

[57] Conformément au paragraphe 146.1(1) du Code, je dois examiner les circonstances de la décision rendue par l’ASS MacLeod le 20 août 2008 et les motifs qui la justifient. Je peux confirmer sa décision qu’il n’existait pas de danger ou, si je conclue dans le sens contraire, je peux donner une instruction en vertu des paragraphes 145(2) ou 145(2.1).

[58] Je dois déterminer s’il existait un danger ou non pour M. Boone dans l’exécution de la tâche d’entretien des blocs toilettes des aéronefs. Le terme « danger » qui est défini par le paragraphe 122(1) du Code se lit comme suit :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[59] Je me concentrerai sur les éléments clés de la définition du danger qui m’aideront à déterminer s’il existait ou non un danger pour M. Boone. Je poserai les trois questions suivantes qui doivent toutes faire l’objet d’une réponse affirmative pour qu’il y ait danger :

  • Y avait-il une situation, tâche ou risque existant ou éventuel?
  • Existait-il une possibilité d’être exposé au risque, à la situation ou à la tâche?
  • Y avait-il une attente raisonnable qu’une exposition au risque, à la situation ou à la tâche ait causé une blessure ou une maladie à une personne qui y est exposée?

Y avait-il une situation, tâche ou risque existant ou éventuel?

[60] M. Boone s’est fait demander d’entretenir les blocs toilettes des aéronefs au moment de son refus. Il s’agissait d’une tâche qui faisait partie intégrante de l’opération. La tâche a été exécutée de la même manière pendant plus de vingt ans. Le seul et unique changement a résidé dans l’attribution de la tâche : celle-ci était initialement attribuée à une personne désignée par quart de travail, et elle est maintenant une responsabilité partagée au sein de l’équipe.

[61] Je crois savoir que le travail de M. Boone le jour du refus consistait à utiliser le chariot-toilettes qui est placé à proximité du bloc toilettes de l’aéronef. Le contenu du bloc toilettes est vidé, puis acheminé par la chasse d’eau avec du détergent par des boyaux branchés entre le chariot-toilettes et l’aéronef. À la fin de la procédure, les boyaux sont débranchés et entreposés et le chariot est garé jusqu’à ce qu’il soit de nouveau nécessaire. Cette tâche peut être exécutée environ treize fois par quart de travail. À la fin du quart ou lorsque le réservoir du chariot est plein, il est transporté à un site qui se trouve à proximité où les déchets des blocs toilettes sont jetés et éliminés. La tâche telle que je l’ai décrite est l’activité en litige.

[62] Les déchets des blocs toilettes sont-ils dangereux? La preuve qui m’a été présentée relativement à cette question provient d’une affirmation formulée par le gestionnaire de l’hygiène industrielle de l’employeur, un hygiéniste industriel agréé, dans le rapport mentionné au paragraphe 31.

[63] Le rapport est issu d’une instruction donnée à l’employeur par l’ASS après le refus de travailler. L’instruction exigeait que l’employeur effectue une évaluation du danger de l’activité. L’employeur a observé l’instruction et a revu tous les aspects de l’activité liés aux déchets des blocs toilettes et les dangers potentiels connexes, ce qui a été à l’origine d’une révision des politiques et procédures de l’employeur.

[64] J’accorderai de la valeur probante aux conclusions du rapport dans la mesure où ce sont les seuls renseignements dont je dispose aux fins de l’analyse de l’activité, de la substance et des dangers potentiels qui y sont associés.

[65] Le gestionnaire de l’hygiène industrielle a déclaré dans le rapport qu’habituellement, la manipulation des déchets courants des blocs toilettes (urine, excréments, vomi, etc.) ne nécessiterait pas d’avoir recours à la méthodologie des précautions universelles. La méthodologie dont il fait mention est énoncée dans la politique de l’employeur au paragraphe 16, sur la manipulation du matériel biologique.

[66] Le gestionnaire de l’hygiène industrielle a ajouté que rien ne garantit que les déchets des blocs toilettes ne transportent pas de risques de contamination virale, bactérienne ou parasitaire, en particulier si les utilisateurs des blocs toilettes sont infectieux en raison d’un état de santé spécifique. Il a mentionné que rien ne garantit que les déchets des blocs toilettes ne sont pas contaminés par du sang et qu’il est donc possible que les déchets des blocs toilettes transportent des risques de contamination virale, bactérienne ou parasitaire.

[67] Ces renseignements m’indiquent que bien que les déchets des blocs toilettes ne sont pas toujours constitués de substances biologiques infectieuses, l’employeur préfère qu’elles soient traitées comme tel et que des mesures de prévention correspondent au danger présent. Le gestionnaire de l’hygiène industrielle ne précisait pas dans son énoncé quel ÉPI était réputé nécessaire, il mentionnait seulement qu’il devait être conforme aux procédures de l’employeur se trouvant dans le document 5.

[68] Par conséquent, je peux déduire de ce qui précède que les déchets des blocs toilettes, qui peuvent être une substance biologique potentiellement infectieuse pouvant porter des risques de contamination virale, bactérienne ou parasitaire, doivent être considérés dangereux.

[69] De plus, je conclus que dans les circonstances, les déchets des blocs toilettes répondent à la définition de « substance dangereuse » donnée dans le Code au paragraphe 122.(1), qui se lit comme suit :

« substance dangereuse » Sont assimilés à des substances dangereuses les agents chimiques, biologiques ou physiques dont une propriété présente un risque pour la santé ou la sécurité de quiconque y est exposé, ainsi que les produits contrôlés.

[70] Par conséquent, je conclus qu’il existait un risque quand M. Boone s’est fait demander d’entretenir les blocs toilettes des aéronefs le jour de son refus.

Existait-il une possibilité d’être exposé au risque, à la situation ou à la tâche?

[71] Je me reporterai de nouveau aux renseignements contenus dans le rapport pour répondre à cette question. Le rapport m’a fourni de nombreux exemples dans le cadre desquels les employés pourraient être exposés à des déchets des blocs toilettes en exécutant cette tâche. Parmi les quelque cinquante sous-tâches identifiées, dix-neuf indiquaient que l’exposition au fluide ou l’éclaboussure par un fluide représentait un risque potentiel. Règle générale, les commentaires formulés par les auteurs au sujet des sous-tâches étaient les suivants :

  • le fluide résiduel pourrait éclabousser les yeux du préposé;
  • le détergent liquide pourrait éclabousser les vêtements et le visage du préposé;
  • le fluide pourrait être en contact avec les vêtements et le visage du préposé;
  • les déchets liquides résiduels pourraient se déverser sur les vêtements du préposé;
  • le fluide pourrait éclabousser le visage du préposé;
  • ces déchets pourraient éclabousser le préposé;
  • les contaminants pourraient éclabousser le préposé, etc.

[72] En ce qui concerne cette question, j’accorderai également de la valeur probante au témoignage de l’ASS du Syndicat. Il a témoigné que son expérience lui a enseigné que la plupart des employés ont été en contact direct avec des déchets des blocs toilettes d’une forme ou d’une autre au moins une fois dans leur carrière.

[73] En me fondant sur les renseignements fournis aux paragraphes 71 et 72, je m’inscris en faux contre la position de M. Wong et de l’ASS, selon laquelle les déchets des blocs toilettes étaient confinés dans un système fermé, ce qui éliminerait la possibilité d’y être exposé. Les possibilités d’exposition, qui me sont expliquées clairement, établissent que des déchets des blocs toilettes peuvent entrer en contact avec des employés pendant la procédure usuelle d’entretien ou par accident. Il est vrai que ces occasions peuvent être rares et éloignées l’une de l’autre; néanmoins, la possibilité d’exposition existe effectivement et existait au moment du refus.

[74] En outre, la preuve révélait que le jour du refus de M. Boone, l’employeur disposait de deux politiques qui s’appliquaient de manière pertinente à l’exposition à ce risque. Selon moi, ces politiques constituaient le nœud de la question soumise par M. Boone. La première politique portait sur l’entretien des blocs toilettes des aéronefs et la deuxième, sur la manipulation du matériel biologique. Les deux politiques traitent de mesures de prévention qui touchent la fourniture de l’ÉPI aux employés.

[75] D’une part, la première politique, qui porte sur l’entretien des blocs toilettes des aéronefs dans le paragraphe 15, mentionne que dans le cadre de cette tâche, un écran facial approuvé, des gants approuvés et une combinaison jetable approuvée seront mis à la disposition des employés. J’en ai déduit que le port de l’ÉPI au cours de cette tâche n’était pas obligatoire (il était facultatif) pour les employés.

[76] D’autre part, la deuxième politique, qui a trait à la manipulation de matériel biologique et qui est connue sous le nom de « précautions universelles » au paragraphe 16, énumère les nombreux types d’ÉPI que doit utiliser un employé en situation de risque d’exposition à des produits biologiques dangereux. Je suis d’avis que cette utilisation était obligatoire, c’est-à-dire que les employés doivent se servir de l’équipement fourni par l’employeur.

[77] Je suis décontenancé du fait que deux politiques qui sont clairement liées à la tâche en question comportent des procédures nettement contradictoires sur l’ÉPI qui doit être fourni aux employés et utilisé par ceux-ci. Dans la présente affaire, je dois établir quelle politique s’applique.

[78] Dans l’esprit d’une enquête de novo, je dois également accepter la preuve postérieure au refus qui s’applique de manière pertinente aux circonstances au moment du refus. J’ai expliqué aux paragraphes 63 et 64 que je tiendrais compte du rapport présenté par l’employeur parce qu’il renferme des renseignements pertinents sur les expositions possibles aux déchets des blocs toilettes le jour du refus.

[79] J’accorde une valeur probante au rapport en ce sens qu’il comportait des mesures de contrôle des risques qui ont été à l’origine de changements apportés aux politiques et procédures de l’employeur après le refus de travailler de M. Boone. Voici une liste de certaines des mesures de contrôle qui, au dire des auteurs, seront mises en œuvre par l’employeur :

  • des inspections quotidiennes des cabines et du compartiment réacteur;
  • des cours et une formation (en salle de cours et pratique) sur les opérations et les techniques d’entretien des blocs toilettes;
  • la fourniture d’ÉPI;
  • l’adhésion aux protocoles de déclaration des risques;
  • l’assurance qu’une supervision adéquate est exercée sur le lieu de travail;
  • l’adhésion aux protocoles de déclaration des risques établis.

[80] En outre, j’accorde une valeur probante au rapport parce qu’il renferme un plan d’action correctif qui proposait des modifications aux procédures de fonctionnement sécuritaire uniformisées d’entretien des blocs toilettes des aéronefs. Voici un résumé des modifications proposées :

  • s’assurer de se placer de façon sécuritaire pendant l’entretien des blocs toilettes, notamment en tenant compte de facteurs comme le vent et les zones de déversement potentielles;
  • veiller à ce que les employés connaissent l’importance de faire diminuer les possibilités de déversement au moyen de raccordements serrés et complets;
  • rendre obligatoire l’usage de gants de caoutchouc pour l’entretien des blocs toilettes (gants de caoutchouc jetables SOL-VEX) comme ÉPI standard pour l’entretien des blocs toilettes;
  • modifier les politiques connexes;
  • surveiller le personnel d’entretien des blocs toilettes dans le cadre du programme continu de prévention des risques au poste et les inspections des lieux de travail pour assurer le maintien de la viabilité du processus.

[81] Je dois déterminer, à l’examen de l’ensemble de la preuve, de quel ÉPI  M. Boone aurait eu besoin pour se protéger contre le risque au moment de son refus. Je n’aurai pas la tâche facile parce que l’employeur, après avoir évalué le risque, a apporté de nombreux changements importants à ses politiques et procédures tel qu’il est expliqué précédemment. La décision de l’employeur de faire des gants en caoutchouc jetables la seule pièce d’équipement de protection à fournir et de les rendre d’utilisation obligatoire pour les employés a un impact majeur sur l’évaluation du risque par rapport à l’ÉPI.

[82] M. Wong a fait valoir que l’employeur a fourni à M. Boone des gants en caoutchouc jetables le jour du refus, tel qu’il est prévu dans les politiques et les procédures révisées, et donc que l’ÉPI maintenant exigé était disponible. M. Wong a fait valoir que par conséquent, le risque d’exposition aux déchets des blocs toilettes pendant la tâche est essentiellement éliminé.

[83] Je ne peux souscrire à cet argument parce que l’utilisation obligatoire de gants constituait une seule composante du plan d’action correctif de cette tâche. D’autres éléments tout aussi importants faisaient partie du plan d’action correctif qui a entraîné des modifications aux procédures et aux politiques. De plus, de nouvelles mesures de contrôle de la santé et de la sécurité ont été intégrées à la tâche qui comportait des changements importants concernant l’éducation, la formation, l’inspection et l’entretien de l’équipement, etc. Ces éléments n’avaient été ni mis en pratique ni mis en œuvre au moment du refus de M. Boone.

[84] L’article 122.2 du Code prescrit les mesures que doit prendre un employeur pour empêcher l’exposition à un risque. Les mesures sont décrites dans un certain ordre hiérarchique et se lisent comme suit :

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

[85] Il m’apparaît clairement que l’employeur a établi qu’une exposition aux déchets des blocs toilettes ne pouvait pas être éliminée ou réduite dans la mesure nécessaire. En conséquence, l’employeur a adopté la mesure finale énoncée à l’article 122.2, qui consiste à fournir aux employés l’ÉPI pour les protéger d’une exposition possible aux déchets des blocs toilettes. L’employeur a classé les déchets des blocs toilettes en matériel biologique dangereux et infectieux; il est donc facile de comprendre que de l’ÉPI qui convient serait nécessaire comme protection.

[86] Après examen de la preuve, je conclus que la politique de l’employeur sur la manipulation du matériel biologique, appelée les « précautions universelles », était la politique applicable au moment du refus de M. Boone. Par conséquent, au moment de son refus, M. Boone aurait dû recevoir de l’ÉPI adéquat, qui va selon moi au-delà de l’utilisation de gants de caoutchouc jetables comme seule et unique pièce d’équipement de protection.

[87] Le jour du refus, un écran facial se trouvait dans le chariot. Toutefois, M. Boone a témoigné qu’il appartenait à une autre société, ce qui n’était pas contesté par l’intimé. M. Boone a affirmé que peu importe le fait que l’écran facial se trouvait dans le chariot, il ne pouvait pas être porté parce qu’il n’était pas propre ni n’avait été entretenu. En conséquence, un écran facial adéquat n’a pas été fourni par l’employeur.

[88] Par conséquent, je conclus que l’employeur n’a pas fourni de protection faciale adéquate le jour du refus.

[89] L’intimé n’a pas contesté l’allégation formulée par M. Boone selon laquelle un vêtement ou une combinaison de protection ne lui était pas accessible le jour de son refus.

[90] Par conséquent, je conclus qu’un vêtement de protection adéquat n’a pas été fourni à M. Boone le jour de son refus de travailler.

[91] En me fondant sur la preuve, je conclus que M. Boone n’a pas reçu d’ÉPI adéquat en conformité avec la politique de l’employeur qui devait le protéger contre une exposition possible aux déchets des blocs toilettes. Il était donc possible que M. Boone ait pu être exposé à des déchets des blocs toilettes le jour de son refus lorsqu’on lui a demandé d’accomplir la tâche d’entretenir les blocs toilettes des aéronefs.

Y avait-il une attente raisonnable qu’une exposition au risque, à la situation ou à la tâche ait causé une blessure ou une maladie à une personne qui y est exposée?

[92] J’entreprends mon analyse de cette question en me reportant aux propos de Madame la juge Gauthier dans l’arrêt Juan Verville c. Canada (Service correctionnel)Footnote 5, décision dans laquelle elle a affirmé, au paragraphe 51, qu’il existe plus d’une façon d’établir que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une situation cause une blessure ou une maladie. Une attente raisonnable de blessure ou de maladie pourrait être fondée sur des opinions d’expert, voire sur les opinions de témoins ordinaires qui possèdent l’expérience nécessaire lorsque les témoins sont dans une meilleure position que le juge des faits pour se constituer une opinion. Ce pourrait être établi au moyen d’une inférence découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[93] De plus, Madame la juge Gauthier a affirmé, au paragraphe 35 de l’arrêt Verville, que pour établir une attente raisonnable qu’une exposition à un risque, à une situation ou à une tâche occasionnera une blessure ou une maladie, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y aura une blessure chaque fois que la tâche ou la situation se produira. La version française « susceptible de causer » indique que la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois.

[94] L’examen que j’ai fait de la preuve devrait me permettre de décider si M. Boone était susceptible de se blesser ou de contracter une maladie, à tout moment mais pas nécessairement chaque fois, dans le cadre de l’exécution de la tâche qui comprenait une possibilité d’être exposé à des déchets des blocs toilettes.

[95] Le gestionnaire de l’hygiène industrielle de l’employeur a déclaré que le préjudice que peut subir un employé est minime, parce qu’il faut une exposition à des quantités considérables de déchets des blocs toilettes à la suite de coupures cutanées, d’une ingestion, d’une inhalation ou d’un contact avec les yeux. Pour moi, il est difficile d’évaluer ce qu’il voulait dire par cette déclaration. A-t-il tenu compte des critères mentionnés dans la partie 10 du Règlement sur la santé et la sécurité au travail du Canada (le Règlement), en particulier de l’article 10.4, ou y a-t-il fait référence? A-t-il rédigé un rapport comme l’exige l’article 10.5 pour expliquer ses conclusions? S’il existe un rapport écrit, il n’a pas été produit en preuve. Comme il n’a pas comparu comme témoin pour répondre à ces questions, je dois m’en remettre à ma propre interprétation de sa déclaration.

[96] Par ailleurs, l’ASS du Syndicat a témoigné que l’employeur subventionne les vaccins pour l’hépatite « A » et le tétanos pour les employés. Il croyait que cette situation équivalait à reconnaître que ces risques et des maladies connexes existaient. M. Wong n’a pas contesté son témoignage sur ce point. De plus, au vu de ses connaissances, la pièce d’équipement de protection la plus importante pour diminuer l’exposition aux déchets des blocs toilettes était le masque/l’écran facial.

[97] Compte tenu du fait que la preuve m’a montré qu’il n’y a pas de garantie que les déchets des blocs toilettes ne contiennent peut-être pas de produits biologiques infectieux dangereux, il existe une possibilité que des employés entrent en contact avec du sang qui peut transporter des risques de contamination virale, bactérienne ou parasitaire tout en assurant l’entretien des blocs toilettes des aéronefs.

[98] En conséquence, je crois que comme le jour du refus M. Boone aurait pu être exposé à des déchets des blocs toilettes et à leur contenu dans le cadre de l’exécution de cette tâche, il était également possible qu’il entre en contact avec des produits biologiques infectieux dangereux.

[99] J’aimerais maintenant souligner que la Cour fédérale a établi dans VervilleFootnote 6 que lorsque l’on considère si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une situation cause une blessure ou une maladie, il n’est pas nécessaire de disposer d’une preuve que quelqu’un d’autre a été blessé ou a contracté une maladie dans les mêmes circonstances.

[100] Par conséquent, ce n’est pas parce que je n’ai pas reçu de preuve établissant que des employés ayant subi une blessure ou contracté une maladie par le passé après avoir accompli une tâche que l’on ne pourrait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’une exposition aux déchets des blocs toilettes cause une blessure ou une maladie.

[101] Je peux seulement déduire des faits qui m’ont été présentés qu’il existe une possibilité de transmission de la maladie par des déchets des blocs toilettes. Les risques biologiques de type viral, bactérien ou parasitaire qui peuvent être présents dans les déchets des blocs toilettes pourraient transmettre des maladies comme le tétanos, les vers parasitaires, l’hépatite « A » et les parasites protozoaires et les bactéries de la famille de E. coli. J’accepte ces renseignements provenant du témoignage de l’ASS du Syndicat.

[102] En outre, d’autres maladies infectieuses transmises par les utilisateurs des blocs toilettes qui ont des troubles de santé représentent une autre source potentielle qui peut être transmise par les déchets des blocs toilettes. J’accepte ces renseignements provenant de l’énoncé contenu dans le rapport du gestionnaire de l’hygiène industrielle.

[103] Les parties conviennent que les déchets des blocs toilettes peuvent contenir des produits biologiques infectieux dangereux. Voici une traduction de la définition du mot « infectious »Footnote 7 (infectieux) :

[Traduction]

infectieux – 1 Susceptible de causer une maladie, insalubre, vecteur d’infection 2 En ce qui concerne (une) maladie : transmissible; peut être transmise d’une personne à une autre par transfert de micro-organismes. De plus, (au sujet d’une personne) infectée, responsable de l’infection d’autrui. 3 Atteint d’une maladie. […] 1 hépatite infectieuse, mononucléose infectieuse, parotidite infectieuse, etc. […]

[104] Je crois par conséquent que d’après cette définition, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’une exposition à des déchets des blocs toilettes puisse causer une blessure ou une maladie à M. Boone à n’importe quel moment, mais pas nécessairement chaque fois.

[105] Par conséquent, je conclus que M. Boone était exposé à un danger le 20 août 2008, lorsqu’il a exercé son droit de refuser un travail dangereux.

[106] Enfin, je reconnais que l’employeur a modifié ses politiques et procédures depuis le refus en intégrant des mesures d’atténuation additionnelles pour diminuer l’exposition aux déchets des blocs toilettes. Les mesures étaient axées sur l’ÉPI, le positionnement des employés, l’éducation et la formation, entre autres.

[107] Toutefois, l’ASS du Syndicat a témoigné qu’il croyait que lui-même et les autres personnes ayant pris part à l’enquête sur l’évaluation du risque postérieure au refus avaient fait erreur de conclure que la seule pièce d’ÉPI requise pour exécuter une sous-tâche en particulier était des gants en caoutchouc jetables. À son avis, la mesure d’atténuation devrait être modifiée de manière à inclure un écran facial en plus des gants pour cette sous-tâche en particulier. Je constate que c’est la seule sous-tâche qu’il a été appelé à commenter pendant son témoignage et que la même opinion peut s’appliquer à d’autres sous-tâches dans le cadre de l’exécution de la tâche.

[108] Pour ce motif, je crois que comme M. Boone ne reçoit pas une protection adéquate, il demeure exposé à un danger à ce jour.

[109] J’ai déclaré que les déchets des blocs toilettes satisfaisaient à la définition que donne le Code d’une substance dangereuse. Cela étant dit, l’employeur est tenu de s’acquitter des fonctions énoncées à l’article 125 du Code et dans les dispositions réglementaires prescrites qui portent sur les substances dangereuses et sur l’hygiène et l’équipement de protection individuel qui sont également applicables.

Décision

[110] Pour tous les motifs qui précèdent, j’annule par les présentes la décision selon laquelle il n’existait pas de danger, décision qui a été rendue par l’ASS MacLeod le 21 août 2008.

[111] J’ordonne à l’employeur de prendre immédiatement des mesures afin de protéger M. Boone du danger aux termes de l’instruction jointe à la présente décision.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

Appendice

Référence: Boone c. Air Canada, 2010 TSSTC 005

Numéro de dossier : 2008-25

Instruction donnée à Air Canada

Par suite d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) de la partie II du Code canadien du travail (le Code), j’ai effectué, en conformité avec l’article 146.1, un examen d’une décision ayant établi qu’il n’existait pas de danger qui a été rendue oralement par un agent de santé et sécurité le 20 août 2008, puis confirmée par écrit le 21 août 2008. Cette décision a été rendue à la conclusion de l’enquête sur un refus de travailler de M. James Boone à l’Aéroport international d’Edmonton, à Leduc, en Alberta. Le lieu de travail est exploité par Air Canada, un employeur visé par le Code.

J’ai conclu qu’il existait un danger pour M. Boone le 20 août 2008 lorsque l’employeur lui a demandé d’entretenir des blocs toilettes des aéronefs sans protection adéquate. Il est donc exposé à des déchets des blocs toilettes qui peuvent contenir des produits biologiques infectieux dangereux en accomplissant cette tâche.

Par conséquent, je vous Ordonne par les présentes, conformément à l’alinéa 145.(2)a) du Code, de prendre des mesures sur-le-champ pour protéger M. Boone et toute autre personne contre le danger et de faire rapport de ces mesures à un agent de santé et sécurité du Bureau de district d’Edmonton du ministère de Ressources humaines et Perfectionnement des compétences Canada, Programme du travail, d’ici le 23 avril 2010.

Fait à Ottawa, le 24 mars 2010.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

À : Air Canada
Aéroport international d’Edmonton
Leduc, Alberta

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