2010-TSSTC-014

Référence: Monam Industries Inc., 2010 TSSTC 14

Date : 2010-10-08
Dossier : 2010-23
Rendue à : Ottawa

Entre :

Monam Industries Inc., Appelant

Affaire : Appel à l’encontre d’une instruction donnée par un agent de santé et de sécurité, conformément au paragraphe 146(1) du Code canadien du travail.

Décision : L’instruction est confirmée.

Décision rendue par : Mme Katia Néron, Agente d’appel

Langue de la décision : Français

Pour l’appelant : M. Jacques Pelletier, président de Monam Industries Inc.

MOTIFS DE DÉCISION

[1] Il s’agit d’un appel déposé le 31 mai 2010 par M. Jacques Pelletier, président de Monam Industries Inc., à l’encontre d’une instruction émise le 21 mai 2010 par l’agent de santé et de sécurité (l’ASS) M. Régis Tremblay, conformément au paragraphe 146 (1) duCode canadien du travail (le Code).

[2] M. Pelletier soutient que l’instruction en cause n’est pas fondée.

Contexte

[3] Lors d’une inspection générale effectuée le 27 janvier 2010 dans le lieu de travail de Monam Industries Inc. situé à Chambly (Québec), l’ASS Tremblay a constaté que les pneus arrière d’un des deux chariots élévateurs utilisés par les employés dans l’entrepôt de ce lieu, le chariot de marque Klark # 286, étaient endommagés. De l’avis de l’ASSTremblay, l’usure de ces pneus était telle que cela pouvait affecter la stabilité du chariot lors de son utilisation pour la raison qui suit.

[4] Les roues arrière d’un chariot servent à diriger l’appareil et tournent constamment lors de son déplacement. Ainsi, de l’avis de l’ASS Tremblay, si les pneus de ces roues sont en mauvais état, cela peut causer le renversement de l’appareil.

[5] Suite à ce constat, l’ASS Tremblay a obtenu de la part de M. Pelletier une promesse de conformité volontaire (P.C.V.) demandant, au point # 11 de ce document, de prendre les mesures nécessaires pour corriger cette situation d’ici le 10 février 2010.

[6] Lors de la signature de la P.C.V., M. Pelletier a toutefois indiqué à l’ASS Tremblay qu’aucun correctif ne serait apporté aux pneus en cause car il était d’avis que les dommages sur ces pneus ne pouvaient pas avoir d’effet sur la stabilité et/ou la conduite sécuritaire du chariot.

[7] L’ASS Tremblay lui a indiqué que seule l’opinion d’une personne qualifiée pourrait le convaincre que l’usure des pneus en cause ne rendait pas instable le chariot lors de son utilisation.

[8] Suite à des échanges écrits ayant pour but d’obtenir le correctif demandé et de l’échec de ceux-ci, l’ASS Tremblay a décidé de se rendre à nouveau sur les lieux le 28 avril 2010. Il a alors fait mesuré par un mécanicien de l’entreprise le diamètre du pneu arrière gauche du chariot afin d’en mesurer l’usure et de pouvoir la comparer aux normes recommandées par les fabricants. Ces normes lui ont été fournies par M. Jean-Louis Marcoux, un formateur expérimenté sur l’utilisation sécuritaire de chariots élévateurs et travaillant au support technique à la compagnie Liftow Ltée, un concessionnaire de chariots élévateurs. Selon ces spécifications, il est recommandé de remplacer un pneu qui a, à l’état neuf, un diamètre de 22 pouces lorsque son diamètre mesuré au milieu du pneu est rendu à 19 ¾ pouces. Le diamètre mesuré ce jour-là au milieu du pneu était de 21.6 pouces.

[9] Malgré ce résultat, étant d’avis que les pneus en cause étaient quand même très endommagés sur les côtés (morceaux arrachés et fissures profondes), l’ASS Tremblay a décidé de prendre des photographies et de les transmettre à M. Marcoux pour obtenir son avis. Dans un courriel transmis le 5 mai 2010 à l’ASS Tremblay, M. Marcoux a écrit ce qui suit :

Ces pneus sont à première vue complètement finis.

Il n’y a plus de marque de traction.

Les fissures sur les côtés et au centre semble assez profonde.

Je recommande fortement de les changer.

[10] Sur la base de cet avis et M. Pelletier refusant toujours de remplacer les pneus en cause, l’ASS Tremblay a décidé de donner l’instruction faisant l’objet du présent appel. Cette instruction se lit comme suit :

Dans l’affaire du code canadien du travail
partie ii – santé et sécurité au travail

instruction à l’employeur en vertu du paragraphe 141.(1)

Les 28 avril 2010, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé, […] à l’inspection du lieu de travail (suivi SST) exploité par Industries Monam inc., employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 2130boul. Industriel, Chambly (Qc), ledit lieu étant parfois connu sous le nom de _____________.

Lors de l’inspection précédente du 27 janvier 2010 l’agent soussigné a reçu une Promesse de Conformité Volontaire (PCV) de l’employeur mentionnant à l’item 11 que la roue arrière gauche du chariot élévateur au propane # 286est endommagée et dans sa réponse, l’employeur mentionne que le dommage à la roue arrière gauche dudit chariot ne mets en aucun cas la stabilité et ou la conduite du chariot en péril et que aucune correction n’y sera apportée.

Par conséquent, IL VOUS EST ORDONNÉ PAR LA PRÉSENTE en vertu d l’alinéa 141.(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de faire effectuer une inspection par une personne qualifiée du domaine des chariots élévateurs, des pneus arrières du chariot élévateur de marque Clark, de couleur verte et identifié en noir du numéro 286 afin de vous assurer que son utilisation n’entraîne ni risques ni perte de contrôle pour la protection de l’opérateur et des occupants du lieu de travail.

De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES d’obtenir et remettre à l’agent de santé et de sécurité soussigné, un rapport d’inspection signée par la personne qualifiée au plus tard le 4 juin 2010.

Fait à Montréal, ce 21e jour de mai 2010.[…]

[11] Le 7 octobre 2010, une audience s’est tenue par téléphone relativement à cette affaire.

Question en litige

[12] La question dans cette affaire est de déterminer si l’instruction donnée le 21 mai 2010 par l’ASS Tremblay était bien fondée.

Observations de l’appelant

[13] Bien qu’admettant que les pneus arrière du chariot en cause sont endommagés, M. Pelletier soutient que cette usure ne peut pas, à son avis, avoir d’effet sur la stabilité et/ou la conduite sécuritaire du chariot.

[14] M. Pelletier a indiqué qu’il a toutefois fait mesurer par M. Bernard Tremblay de la compagnie « Belisle Tire », le fournisseur des pneus sur le chariot en cause, l’usure sur les pneus arrière de l’appareil. Selon M. Pelletier, la mesure obtenue est de 21 5/8 pouces pour le diamètre au milieu du pneu alors que, selon les informations fournies par M. Tremblay à M. Pelletier, il est recommandé de changer le pneu à 19 ¾ pouces de diamètre pour les pneus en cause.

[15] Selon M. Pelletier, le diamètre des pneus arrière du chariot en cause était, à l’origine et à l’état neuf, de 22.7 pouces.

Analyse

[16] Tel qu’indiqué plus haut, je dois décider dans cette affaire si l’instruction donnée le 21 mai 2010 par l’ASS Tremblay était bien fondée.

[17] Selon les documents rattachés au rapport d’enquête de l’ASS Tremblay et les mesures prises sur les pneus en cause, l’usure des pneus arrière sur le chariot en cause est à l’intérieur des limites acceptables selon les normes recommandées. Selon ces normes, il est recommandé de changer un pneu lorsque son diamètre, mesuré au milieu du pneu, est rendu à 19 ¾ en pouces quand, à l’état neuf, ce diamètre était de 22 pouces.

[18] Les photographies des pneus arrière du chariot en cause que l’on retrouve dans les documents rattachés au rapport de l’ASS Tremblay démontrent par contre que ceux-ci sont endommagés.

[19] De plus, selon l’avis d’un formateur expérimenté dans le domaine de la conduite sécuritaire d’un chariot élévateur à qui l’ASS Tremblay a transmis ces photographies, ce dernier a indiqué par écrit qu’il était d’avis que ces pneus étaient « complètement finis », qu’il n’y avait « plus de marque de traction » sur ceux-ci et qu’il recommandait « fortement de les changer ».

[20] Compte tenu de ce qui précède, je ne suis pas convaincue, tel que l’allègue l’appelant, que les dommages sur les pneus en cause ne peuvent pas entraîner un risque de renversement du chariot lors de son utilisation.

[21] De plus, selon l’alinéa 141(1)a) du Code, un agent de santé et de sécurité désigné en vertu de cette loi peut ordonner à un employeur d’effectuer une inspection ou des enquêtes. Cet alinéa se lit comme suit :

141(1) Dans l’exercice de ses fonctions et sous réserve de l’article 143.2, l’agent de santé et de sécurité peut, à toute heure convenable, entrer dans tout lieu de travail placé sous l’entière autorité d’un employeur. En ce qui concerne tout lieu de travail en général, il peut:

  1. effectuer des examens, essais, enquêtes et inspections ou ordonner à l’employeur de les effectuer; […]. [souligné par nos soins]

[22] Sur la base de tout ce qui précède, je suis ainsi d’avis qu’il était fondé de la part de l’ASS Tremblay, tel que l’autorise l’alinéa 141(1)a) du Code, de demander à Monam Industries Inc. de faire effectuer une inspection par une personne qualifiée dans le domaine des chariots élévateurs pour déterminer si les dommages existants sur les pneus arrière du chariot en cause n’entraînent ni risques ni perte de contrôle de l’appareil et ce, de façon à assurer la protection de l’opérateur ainsi que des piétons pouvant circuler à proximité du chariot lors de son utilisation.

[23] Pour cette raison, je suis d’avis que l’instruction contestée dans cette affaire doit être maintenue.

Décision

[24] Par ces motifs, tel qu’indiqué verbalement à M. Pelletier le 7 octobre 2010, je confirme l’instruction donnée le 21 mai 2010 par l’ASS Tremblay.

Katia Néron
Agente d’appel

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