2010-TSSTC-016
Référence : Bell Canada, 2010 TSSTC 16
Date : 2010-10-15
Dossier : 2010-36
Rendue à : Ottawa
Entre :
Bell Canada, appelant
et
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, intervenant
Affaire : Demande de suspension d’une instruction conformément au paragraphe 146(2) du Code canadien du travail.
Décision : La demande de suspension est accordée.
Décision rendue par : M. Pierre Guénette, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelant : Mme Maryse Tremblay, avocate, Heenan Blaikie
Pour l’intervenant : Mme Micheline Blackburn, représentante nationale, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier
MOTIFS DE DÉCISION
[1] La présente décision concerne une demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction déposée le 23 septembre 2010 par Mme Tremblay pour le compte de BellCanada. L’instruction a été donnée le 24 août 2010 par l’agent de santé et de sécuritéJimmy Ammoun (l’ASS Ammoun).
Contexte
[2] L’instruction portée en appel a été donnée à la suite d’une inspection du lieu de travail. L’instruction donnée à Bell Canada prévoit ceci :
[Traduction]
Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que les dispositions suivantes de la partie IIdu Code canadien du travail ont été enfreintes : Nº 1 Alinéa 125.(1)z.12) de la partieII du Code canadien du travail L’employeur est tenu de veiller à ce que le comité local ou le représentant inspecte chaque mois tout ou partie du lieu de travail, de façon que celui-ci soit inspecté au complet au moins une fois par année;
L’employeur a omis de s’assurer que chacun des lieux de travail suivants a été inspecté mensuellement tel que prévu :
- 725, rue Colborne, London (ON)
- 100, rue Dundast, Talbot Square, London (ON)
- 211, rue Lochiel, Sarnia (ON)
- 1149, rue Goyeau, Windsor (ON)
- 110, rue King O., Hamilton (ON)
- 160, rue Bay N., Hamilton (ON)
- 20, rue Hunter, Hamilton (ON)
- 63, rue King, St. Catharines (ON)
- 86, rue Market, Brantford (ON).
Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LA PRÉSENTE, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser toute contravention au plus tard le 30 septembre 2010.
De plus, il vous est ORDONNÉ PAR LA PRÉSENTE, en vertu du paragraphe 145(1)b) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre des mesures, dans le délai précisé par l’agent de santé et de sécurité, pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.
[3] Le 23 septembre 2010, Mme Tremblay, représentant Bell Canada, a interjeté appel de l’instruction et a demandé une suspension de celle-ci. À l’appui de sa demande de suspension, elle a fait valoir ses arguments à l’agent d’appel. Le Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (SCEP) ne s’est pas opposé à la demande de suspension. Dans cet appel, le SCEP a le statut d’un intervenant.
[4] L’agent d’appel a tenu une téléconférence le 29 septembre 2010 pour recevoir des arguments et des éclaircissements supplémentaires. Les participants à la téléconférence étaient Mme Tremblay, avocate de Bell Canada, et Mme Blackburn, représentante nationale du SCEP.
[5] À la fin de la téléconférence, j’ai ordonné une suspension de l’instruction jusqu’à ce qu’une décision sur le fond soit rendue. Voici les motifs de la décision.
Analyse
[6] Le paragraphe 146(2) du Code canadien du travail (le Code) prévoit que :146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.
[7] Pour statuer sur la demande de l’employeur, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de manière à favoriser la réalisation des objectifs du Code, c.-à-d. veiller à la protection des employés en matière de santé et de sécurité.
[8] Afin d’exercer mon pouvoir discrétionnaire de suspendre la mise en œuvre de l’instruction, j’appliquerai les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêtManitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores
- le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;
- le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;
- le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.
S’agit-il d’une question sérieuse à juger par opposition à une réclamation futile et vexatoire?
[9] Mme Tremblay a fait valoir que l’appel porte sur la question de savoir si l’employeur se conforme aux exigences de l’alinéa 125(1)z.12) du Code quand le « comité local 6005 » (le Comité) inspecte le lieu de travail par portion du territoire sur une base mensuelle. Cette question comporte donc des ramifications locales.
[10] Je suis convaincu par les observations de l’employeur qu’il existe une question sérieuse à juger dans le cadre du présent appel.
Le requérant subira-t-il un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?
[11] Mme Tremblay a fait valoir que Bell Canada a obtenu une exemption en 1999, en ce qui concerne les exigences du paragraphe135(1) du Code par le Programme du travail de Développement des ressources humaines Canada. La structure actuelle du Comité repose sur un territoire plutôt que sur un immeuble en particulier.
[12] Mme Tremblay a fait valoir que si l’employeur est tenu de veiller à ce que le Comité inspecte chaque immeuble mensuellement, l’employeur prévoit que le Comité aura besoin de 30 heures-personne additionnelles par mois pour effectuer ces inspections et les déplacements connexes. Par conséquent, quatre membres additionnels devraient être nommés au Comité. L’employeur devra modifier la structure du Comité qui a été approuvée par le SCEP et qui est en place depuis plus de dix ans. Ces changements feraient subir à Bell Canada des coûts élevés et superflus. Pour ces motifs, l’employeur estime qu’il subira un préjudice considérable si l’instruction n’est pas suspendue.
[13] En outre, Mme Blackburn a expliqué qu’à l’heure actuelle, l’inspection du lieu de travail est effectuée par deux membres du Comité (un gestionnaire et un employé). Elle a dit que si l’instruction n’est pas suspendue, une équipe d’inspection devra faire de longs déplacements dans tout le sud de l’Ontario pour observer l’instruction. Par conséquent, ces personnes seront plus souvent éloignées de leur bureau.
[14] Je suis convaincu que Bell Canada subira un préjudice considérable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue parce que l’organisation du travail de chaque unité de travail sera perturbée. L’employeur devra affecter des ressources plus qualifiées à la réalisation des inspections de chaque immeuble et en conséquence, chaque unité de travail devrait s’assurer de la disponibilité d’employés de remplacement additionnels. En outre, la structure du Comité devra être modifiée pour gérer ces inspections.
Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail?
[15] Mme Tremblay a fait valoir que si une suspension de la mise en œuvre de l’instruction est accordée, la santé et la sécurité des employés continueront d’être préservées parce que le Comité continuera d’exécuter ses fonctions, qui comprennent l’inspection du lieu de travail.
[16] De plus, Mme Tremblay a précisé que le SCEP a donné son consentement à la demande de suspension de l’employeur.
[17] Je crois que l’employeur continuera de préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne ayant accès au lieu de travail parce qu’une inspection régulière des divers lieux continuera d’être effectuée par les membres du Comité.
Décision
[18] Pour ces motifs, la suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée par l’ASSAmmoun le 24 août 2010 est accordée.
Pierre Guénette
Agent d’appel
Détails de la page
- Date de modification :