2011 TSSTC 7

Date : 2011-04-19

Dossier : 2009-03

Entre :

Dino Frighetto et Daniel Lekarczyk, appelants

et

Group 4 Securicor, intimée

Version caviardée

Affaire : Appel à l'encontre d'une décision rendue par un agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 129(7) du Code canadien du travail

Décision : La décision est annulée et une instruction est donnée

Décision rendue par : M. Michael McDermott, agent d'appel

Langue de la décision : Anglais

Pour les appelants : M. Hugo Leal-Neri, avocat, Sack Goldblatt Mitchell LLP

Pour l'intimée : M. Ben Ratelband, avocat, McCarthy Tétrault LLP

Motifs de la décision

    [1] La présente affaire porte sur un appel à l'encontre de la décision d'absence de danger rendue par un agent de santé et de sécurité (Ag.SST), le 12 janvier 2009, conformément au paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code).

Contexte

[2] Les faits décrits ci-après sont tirés du rapport et du témoignage de l'Ag.SST, ainsi que de la preuve essentiellement descriptive et non contestée contenue dans les témoignages ou dans les pièces justificatives produites par les parties durant l'instruction de l'affaire.

[3] Le 6 janvier 2009, les appelants, Dino Frighetto et Daniel Lekarczyk, qui sont tous 2 employés comme garde armé par Group 4 Securicor (G4S), l'intimée, ont exercé leur droit de refuser d'accomplir une tâche parce qu'ils avaient des motifs de croire que cette tâche constituait un danger pour eux, conformément au paragraphe 128(1) du Code. Pour être plus précis, ils ont l'un et l'autre refusé d'effectuer un itinéraire du service Dépôt express après en avoir reçu la demande. Le service Dépôt express est un service de cueillette et de transport de valeurs offert aux restaurants-minute et aux commerçants par G4S. Le service est fourni [texte caviardé] des locaux des clients au véhicule de G4S.

[4] Les appelants ont l'un et l'autre été embauchés initialement par Universal ATM, en août 1998 dans le cas de M. Frighetto, et aux alentours de 2002 dans le cas de M. Lekarczyk. Universal a été acquise par Securicor aux alentours d'avril 2005. Cette dernière entreprise est devenue G4S par la suite. Les appelants travaillent tous 2 à la succursale de G4S à Mississauga et ont accompli diverses tâches comme employés de l'entreprise et de ses prédécesseurs.

[5] Les témoignages entendus à l'audience et confirmés dans les exposés définitifs ont révélé que le service Dépôt express était différent du modèle plus conventionnel de service du numéraire en transit associé pour le transport de montants d'argent importants. [Texte caviardé] une fourgonnette ou un VUS [texte caviardé]. Dans la présente affaire, les appelants auraient utilisé [texte caviardé] depuis par un [texte caviardé]) pour effectuer les itinéraires du service Dépôt express qu'ils ont refusés. Le service est fourni par un seul garde armé (ci-après appelé l'agent) au lieu d'une équipe de 2 ou 3 gardés armés. Des limites s'appliquent aux [texte caviardé] que les agents peuvent cueillir chez les clients et au [texte caviardé] qu'ils peuvent transporter dans le véhicule avant d'achever l'itinéraire et de ramener le véhicule à la succursale de G4S. Ces limites sont beaucoup moins élevées que celles qui s'appliquent aux [texte caviardé] véhicules [texte caviardé] par des équipes plus nombreuses et s'établissent à [texte caviardé] entre les locaux du client et le véhicule; le nombre limite de [texte caviardé] qui s'appliquait apparemment au moment des refus de travailler [texte caviardé] par client. Le montant total d'argent qui peut être transporté dans le véhicule est [texte caviardé]. Le véhicule [texte caviardé] est clairement identifié comme appartenant à G4S, et durant leur travail, il est facile de savoir que les agents du service Dépôt express sont des employés de l'entreprise puisqu'ils portent sensiblement le même équipement, [texte caviardé] et une arme courte, que les gardes [texte caviardé].

[6] S'il est ressorti des témoignages que la principale activité du service Dépôt express est la cueillette et le transport [texte caviardé], dans le but probablement de faire [texte caviardé], fait également partie du service offert aux clients.

[7] Les itinéraires du service Dépôt express qui sont à l'origine des refus de travailler, le 6 janvier 2009, ont été attribués le même jour à chacun des appelants à la succursale de G4S à Mississauga. M. Frighetto et M. Lekarczyk ont l'un et l'autre indiqué sur un formulaire de plainte de l'entreprise en matière de santé et de sécurité qu'ils refusaient de travailler parce qu'ils ne se sentaient pas en sécurité [texte caviardé]. Dans la section du formulaire réservée aux recommandations des employés, ils demandaient qu'on leur fournisse [texte caviardé] et un véhicule [texte caviardé].

[8] L'avis du refus de travailler du 6 janvier a été remis le jour même au Programme du travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) et reçu par l'Ag.SST Robert Maklan. L'Ag.SST a commencé son enquête à midi le 8 janvier 2009, à la succursale de G4S à Mississauga, où il a tenu une réunion avec les appelants, le coprésident du comité local de santé et de sécurité représentant les travailleurs et des représentants de l'entreprise. Il a également obtenu un formulaire officiel d'enregistrement d'un refus de travailler de RHDCC signé conjointement par les 2 appelants et confirmant le motif du refus de travailler et la mesure corrective demandée qu'ils avaient indiqués 2 jours plus tôt sur leurs formulaires de plainte en matière de santé et de sécurité. L'Ag.SST Maklan a rendu sa décision le 12 janvier 2009 et remis son rapport d'enquête complet aux parties le 16 janvier 2009.

[9] En ce qui concerne les événements décrits par les employés, l'Ag.SST note que M. Lekarczyk venait de recommencer à travailler après une mise à pied lorsqu'on lui a demandé d'effectuer l'itinéraire du service Dépôt express. Il indiquait qu'il avait accompli cette tâche une trentaine de fois auparavant, mais que cela remontait à plus de 5 mois. Au-delà de l'équipe d'une personne et du véhicule [texte caviardé], il exprimait des réserves à propos du [texte caviardé] et indiquait qu'il avait été obligé, lors d'un arrêt, de faire plus de [texte caviardé] trajets aller-retour entre les locaux d'un client et le véhicule garé. Il faisait également état du [texte caviardé]. M. Frighetto a décrit les mêmes préoccupations générales à l'Ag.SST Maklan, qui a noté qu'il avait effectué des itinéraires du service Dépôt express un peu plus récemment que son collègue.

[10] Dans son compte rendu de la description des événements reçue de l'employeur, l'Ag.SST Maklan note que G4S affirme avoir effectué des analyses des risques professionnels et établi des procédures opérationnelles normalisées pour les itinéraires du service Dépôt express, en collaboration avec le comité d'orientation national en matière de santé et de sécurité (CONSS), et réalisé des analyses des risques pour chacun des arrêts de l'itinéraire du service. L'entreprise fournissait des détails sur les politiques qui autorisent les agents du service Dépôt express [texte caviardé] lorsqu'ils craignent d'être exposés à un risque ou, dans le cas où ils sont attaqués par un voleur, [texte caviardé]. Elle expliquait également les politiques relatives à la vérification de l'équipement avant de commencer à fournir le service. G4S indique qu'à sa connaissance, aucun véhicule ni aucun garde du service Dépôt express n'ont été attaqués par des voleurs depuis que le service a été instauré il y a une quinzaine d'années (l'information sur les quinze années d'existence a été contestée par la suite et l'entreprise a admis que le modèle avait d'abord été mis à l'essai dans le cadre d'un projet pilote en 2004) et se dit d'avis que les attaques armées contre des véhicules sont menées par des voleurs professionnels qui ont planifié leur coup et qui ne verraient pas d'intérêt à tenter de s'emparer des petits montants d'argent associés au modèle du service Dépôt express.

[11] Dans son compte rendu des tâches accomplies au moment du refus de travailler, l'Ag.SST Maklan décrit de façon assez détaillée les principaux aspects du modèle de service Dépôt express. Il indique que le service est fourni [texte caviardé].

[12] [Texte caviardé].

[13] [Texte caviardé].

[14] [Texte caviardé].

[15] Au cours de son enquête, l'Ag.SST a appris que 2 employés avaient récemment refusé de travailler [texte caviardé] sans être [texte caviardé]. Ces refus ont été traités à l'intérieur même de l'entreprise. Le premier refus, survenu en novembre 2008, concernait une garde qui se plaignait de la formation reçue et qui exprimait également des réserves à propos [texte caviardé]. Elle a été affectée à un autre poste. Le second refus, survenu le 6 décembre 2008, concernait M. Mike Lee, coprésident du CONSS à titre de représentant des travailleurs, à qui on avait demandé de faire seul l'entretien d'un GAB et qui avait refusé de [texte caviardé]. L'Ag.SST indique que, à la suite du refus de travailler de M. Lee, on s'est entendu sur la nécessité d'offrir une meilleure formation et une formation d'appoint et que M. Lee et M. Reg Smart, coprésident du CONSS à titre de représentant de l'employeur, ont accepté d'effectuer une analyse des risques professionnels et d'établir des procédures opérationnelles normalisées pour le service Dépôt express. Selon les renseignements recueillis par l'Ag.SST, les appelants étaient au courant des 2 refus de travailler antérieurs au moment où ils ont déposé leurs plaintes et refusé d'effectuer l'itinéraire du service Dépôt express [texte caviardé].

[16] Afin de rendre sa décision, l'Ag.SST Maklan a tenu compte de la définition de « danger » contenue dans le Code, qui insiste notamment sur l'existence d'une tâche ou d'un risque existant ou éventuel, et a observé ce qui suit :

[Traduction]

Au moment de l'enquête, G4S et les services de police n'avaient reçu aucune indication qu'un garde armé était sur le point d'être victime d'un vol. Cela n'exclut pas cette possibilité pour autant; le risque de vol est présent chaque fois que des montants d'argent importants sont transportés. C'est pourquoi de nombreux employeurs ont conclu un marché de services avec G4S dans le but de bénéficier du service Dépôt express. Leurs employés n'ont pas la formation nécessaire pour s'exposer au risque d'un vol lorsqu'ils vont déposer de l'argent à la banque ni ne s'attend-on à ce qu'ils s'y exposent. Il s'agit là d'un risque inhérent aux fonctions du garde armé de G4S.

[17] Ayant déterminé que le risque de vol faisait partie intégrante des fonctions de l'agent armé, l'Ag.SST a entrepris d'examiner la prétention de l'employeur selon laquelle des mesures avaient été mises en place pour limiter ce risque. Ces mesures comprenaient le programme de formation de G4S, le port d'une arme courte [texte caviardé]. L'Ag.SST a également tenu compte [texte caviardé] G4S avait apportées au véhicule utilisé pour fournir le service Dépôt express, [texte caviardé]. Après avoir observé que le véhicule et les gardes [texte caviardé]. Quant aux préoccupations liées au fait [texte caviardé] l'Ag.SST a accepté le point de vue de l'employeur selon lequel des acheteurs sont susceptibles d'être témoins de l'incident, [texte caviardé], et des employés des commerçants ou du centre commercial s'empresseraient de composer le 911 sur le téléphone portable.

[18] L'Ag.SST Maklan a tiré la conclusion suivante :

[Traduction]

En tenant pour acquis que la formation est adéquate, [texte caviardé] que les arrêts effectués sont approuvés, un risque minimal de vol est associé [texte caviardé]. Je conclus dès lors à l'absence de danger (souligné par l'Ag.SST dans l'original).

[19] L'Ag.SST décrit toutefois 5 points que l'entreprise doit corriger avec la collaboration du comité local. Les 5 points sont énumérés dans son rapport d'enquête et sont accompagnés d'une indication que [traduction] « L'employeur devra fournir une promesse de conformité volontaire relativement à ces points. »

Questions en litige

[20] La première question que je dois trancher est celle de savoir si l'agent de santé et de sécurité a commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas de danger lorsque les appelants ont exercé leur droit de refuser de travailler conformément au paragraphe 128(1) du Code, le 6 janvier 2009.

[21] Dans le cas où je conclurais qu'il y avait un danger au sens du paragraphe 122(1) du Code lorsque les appelants ont exercé leur droit de refuser de travailler, je dois alors déterminer si le danger constitue une condition normale d'emploi aux termes de l'alinéa 128(2)b) du Code qui fait dès lors obstacle à l'exercice du droit de refuser de travailler.

Observations des parties

Observations des appelants

[22] Les appelants indiquent en résumé dans leur exposé final qu'il y avait un danger au sens du paragraphe 122(1) du Code lorsqu'ils ont refusé d'effectuer la tâche qui, croyaient-ils, constituait un danger pour eux, le 6 janvier 2009. Ils soutiennent que l'Ag.SST a commis une erreur en rendant sa décision, qu'il a tiré des conclusions de fait non fondées sur des éléments de preuve et qu'il n'a pas examiné à fond la preuve dont il disposait. De plus, à la lumière de l'aspect de novo du processus d'appel, ils avancent que l'intimée a contrevenu à un certain nombre de dispositions du Code parce qu'elle n'a pas éliminé les risques, ni protégé ses employés, ni donné une formation adéquate, ni veillé à ce que chaque employé soit informé de tous les risques connus et prévisibles en matière de santé et de sécurité et ni consulté le comité de santé et de sécurité.

[23] [Texte caviardé].

[24] [Texte caviardé].

[25] [Texte caviardé].

[26] [Texte caviardé].

[27] [Texte caviardé].

[28] En ce qui concerne [texte caviardé] n'est donc d'aucune utilité [texte caviardé]. À cet égard, M. Lekarczyk a déclaré que des clients dans un restaurant avaient déjà observé [texte caviardé].

[29] Les appelants soutiennent que la formation dispensée par G4S et les procédures connexes comportent plusieurs lacunes. [Texte caviardé].

[30] En ce qui concerne les procédures du service Dépôt express, les appelants ont indiqué qu'un itinéraire du service Dépôt express type comporte en moyenne [texte caviardé] et qu'ils ont déjà fait des arrêts [texte caviardé]. Chaque [texte caviardé].

[31] [Texte caviardé].

[32] Les appelants avancent que [texte caviardé] la définition de ce qu'est une équipe sûre, selon l'entreprise. À l'appui de leur position, ils renvoient à une discussion qui a lieu lors de la réunion du CONSS du 7 mai 2003 et qui portait sur [texte caviardé]. Cette question avait été soulevée à la suite [texte caviardé].

[33] Les appelants avancent que [traduction] « Les véritables raisons pour lesquelles G4S a [texte caviardé] un agent [texte caviardé] sont exclusivement de nature financière. » Ils indiquent qu'en 2004, à la lumière des modifications prévues au Code criminel en matière de responsabilité et des peines accrues auxquelles s'exposaient les gestionnaires qui ne veillaient pas à la protection des employés et du public en matière de sécurité, G4S a eu l'idée d'exploiter le marché du [texte caviardé]offrant des services [texte caviardé] aux restaurants-minute et aux autres commerçants qui confiaient probablement cette responsabilité à des membres de leur personnel. Les appelants renvoient au site Web de l'entreprise où G4S fait la promotion du service Dépôt express auprès des clients potentiels en le présentant comme [texte caviardé] conçu « pour les petits budgets ». Ils allèguent que, pour offrir ce service, G4S réduit ses coûts de main-d'œuvre et d'équipement en faisant transporter [texte caviardé], au détriment de la santé et de la sécurité de ses employés.

[34] Dans leurs observations sur le droit applicable à l'appel, les appelants citent textuellement la définition de « danger » contenue au paragraphe 122(1) du Code. Ils avancent que le critère qui s'applique dans la présente affaire est celui qui a été énoncé par l'agent d'appel dans la cause Securicor Canada Limited et Travailleurs canadiens de l'automobile, section locale 4266-A Note de bas de page 1. Le passage pertinent de cette décision est libellé comme suit :

Pour établir s'il y a danger, je dois établir le risque, la situation ou l'activité qui pourrait raisonnablement occasionner une blessure ou une maladie à la personne. Je dois aussi établir si ce risque, cette situation ou cette activité existait au moment de l'enquête de l'Ag.SST Marion ou si on pouvait raisonnablement s'attendre à ce qu'il se reproduise. Enfin, je dois établir si, dans les circonstances, le risque, la situation ou l'activité aurait pu être corrigé ou modifié avant qu'il ou elle se [sic] produise une blessure ou une maladie. Sinon, le risque, la situation ou l'activité représentait un danger aux termes de la loi.

[35] En ce qui concerne d'abord « [la] situation, [le] risque ou [la] tâche — existant ou éventuel — [qui est] susceptible de [leur] causer des blessures », les appelants avancent que [texte caviardé] ou composer le 911 en cas d'incident; [texte caviardé].

[36] En ce qui concerne l'existence du prétendu risque éventuel au moment où l' Ag.SST Maklan a effectué son enquête ou la question de savoir si ce risque est susceptible d'exister à l'avenir, les appelants soutiennent que l'absence de rapports de police sur les vols prévus n'est pas un argument valable parce que cela n'exclut pas la possibilité qu'un vol se produise; ils notent que l'Ag.SST a écrit dans son rapport que [traduction] « le risque de vol est présent chaque fois que des montants d'argent importants sont transportés ». Ils affirment en outre que [traduction] « La question de savoir si des vols ou des tentatives de vol se sont produits ou ne se sont pas produits dans le passé n'a aucune incidence sur la détermination de l'existence d'un danger, puisque la définition de ce terme comporte également une éventualité ». Ils renvoient à la décision de l'agent d'appel dans la cause Securicor Canada Limited, précitée, au paragraphe 17, qui dit ceci :

[...] un vol ou une agression aurait pu se produire sans avertissement et [...] il serait très difficile d'identifier un agresseur potentiel avant que la situation se produise.

[37] Compte tenu de la nature des tâches qu'ils devaient accomplir, les appelants avancent un certain nombre de raisons détaillées pour lesquelles un vol qualifié est susceptible de se produire à l'avenir. Ces raisons peuvent se résumer comme suit : (1) ils transportent [texte caviardé] dont un voleur éventuel ignore [texte caviardé]; (2) [texte caviardé] leurs uniformes de G4S et le logo de G4S sur le véhicule sont identiques à [texte caviardé]; (3) le montant maximal d'argent qui s'applique au service Dépôt express n'a aucune importance, puisqu'il est impossible de savoir combien d'argent il y a dans le sac [texte caviardé]; (4) [texte caviardé]; (5) l'absence de preuve que des voleurs « professionnels » ne cibleront pas des agents du service Dépôt express à l'avenir et le fait que des vols sont aussi commis par des voleurs improvisés et non pas seulement par des voleurs « professionnels ».

[38] En ce qui concerne la situation, la tâche ou le risque que constitue la cueillette et le transport [texte caviardé] selon le modèle du service Dépôt express et la possibilité que cette situation, cette tâche ou ce risque soit « susceptible de causer des blessures », les appelants font de nouveau allusion à [texte caviardé].

[39] Les appelants avancent également qu'ils sont susceptibles de subir des blessures avant que le risque soit écarté ou la situation modifiée. Ils allèguent, en somme, que G4S a créé [texte caviardé]. Ils plaident que G4S ne prendra pas de mesures pour écarter le risque tant qu'elle ne sera pas obligée de le faire, même si elle a admis, dans le contexte des procédures visant à ce que les [texte caviardé], qu'il est dangereux [texte caviardé].

[40] À l'appui de leur argument, les appelants renvoient aux décisions rendues dans 5 appels ayant trait au secteur du transport de valeurs dans des véhicules blindés, dans lesquelles l'existence d'un danger a été établie ou confirmée. Ils établissent un parallèle avec leurs propres préoccupations et des [traduction] « refus fondés sur des faits similaires » dans les causes citées.

[41] Au cas où l'intimée ferait valoir que s'il y avait un danger dans la présente affaire, ce danger constituait une condition normale d'emploi, les appelants avancent que le modèle du service Dépôt express n'est pas un service normal ou courant, car il fait exception à la pratique [texte caviardé] dans le sens contraire des évaluations et des politiques de G4S.

[42] Pour finir, les appelants résument leur argumentation en disant que G4S a créé un danger en retirant le [texte caviardé], en leur faisant [texte caviardé], de ce fait, il n'a pas respecté ses obligations en vertu des articles 124 et 125 du Code. Ils allèguent que les choix qui ont été faits sont basés sur des considérations d'ordre financier et que ces considérations ne devraient pas avoir préséance sur les préoccupations des employés en matière de santé et de sécurité. Ils soutiennent que les réserves exprimées par les membres du comité de santé et de sécurité représentant les travailleurs n'ont pas été prises en considération et que [texte caviardé] et les procédures du service Dépôt express n'éliminent pas les risques associés au modèle. Ils demandent les mesures réparatrices suivantes : une déclaration indiquant qu'il y a un danger; une instruction exigeant [texte caviardé]; une déclaration indiquant que G4S n'a pas consulté les comités de santé et de sécurité, en violation de l'alinéa 125(1)z) et des paragraphes 134.1(4) et 135(7) du Code; une déclaration indiquant que G4S n'a pas pris les mesures nécessaires pour éliminer ou réduire les risques, n'a pas veillé à la protection des appelants en matière de santé et de sécurité, n'a pas offert la formation nécessaire et n'a pas veillé à ce que les risques connus ou prévisibles en matière de santé et de sécurité soient portés à l'attention de chaque employé, en violation des articles 122.2 et 124 et des alinéas 125(1)q) et s) du Code.

Observations de l'intimée

[43] En ce qui concerne les refus de travailler survenus le 6 janvier 2009, l'intimée avance que les appelants ont l'un et l'autre reçu la formation nécessaire pour effectuer les itinéraires du service Dépôt express et qu'ils avaient effectué ces itinéraires dans le passé. Ils n'ont jamais été victimes d'un vol ou d'une tentative de vol ni subi de blessures pendant qu'ils effectuaient ces itinéraires. Ils ont refusé de travailler après avoir entendu parler d'un employé dont les préoccupations en matière de santé et de sécurité n'avaient pas été résolues. Selon l'intimée, les appelants ont refusé de fournir le service Dépôt express ce jour-là avant même de connaître les itinéraires particuliers, l'emplacement des commerces, les risques qui existaient ou non aux divers emplacements et l'état du véhicule et de l'équipement de protection personnelle qu'ils utiliseraient, et sans tenter d'obtenir des renseignements à ce sujet.

[44] Le seul témoin de l'intimée à l'audience était M. John Honan, gestionnaire national de la formation, G4S Canada. M. Honan a déclaré qu'il avait commencé à travailler dans le secteur du transport par véhicule blindé en 1991, dans une entreprise concurrente d'abord, et qu'il était employé par G4S ou ses prédécesseurs depuis 2001. Il a décrit ses diverses expériences de travail dans ce secteur, en indiquant notamment qu'il avait exercé en quelque sorte les fonctions de garde armé et de répartiteur avant d'accéder au poste de gestionnaire de la formation qu'il occupe toujours aujourd'hui. Il a suivi les cours reconnus par les autorités fédérale et provinciale pour obtenir le titre de moniteur de tir agréé. Il a déclaré qu'il avait conçu le programme national de formation de G4S et qu'il était responsable de tous les aspects de la formation des gardes armés, y compris la santé et la sécurité. Comme on le verra plus loin, l'intimée renvoie fréquemment, dans son exposé final, à des éléments du témoignage oral de M. Hunan à l'audience.

[45] La description du véhicule [texte caviardé] et de l'aspect du service Dépôt express ayant trait [texte caviardé] soumise par l'intimée concorde avec celle qui a été présentée ci-dessus. L'intimée indique que le modèle n'est pas une [texte caviardé] offerts par G4S, mais une incursion dans un nouveau marché. Afin d'étayer le caractère distinct du modèle, l'intimée renvoie au passage suivant du témoignage de M. Honan :

[Traduction]

Le service [Dépôt express] est un service totalement différent [du modèle conventionnel du service de transport de valeurs dans un véhicule blindé]; cela équivaut en fait à comparer des pommes et des oranges. Nous cherchons à accomplir des tâches que [les employés des commerçants particuliers] effectuaient eux-mêmes.

[46] Après avoir décrit la création du service Dépôt express et renvoyé de nouveau au témoignage de M. Honan, l'intimée indique qu'elle a étudié de quelle manière des entreprises offraient des services similaires [texte caviardé] au Québec, [texte caviardé] Nouvelle-Écosse. À l'étranger, M. Honan s'est rendu au Royaume-Uni pour étudier [texte caviardé].

[47] Le témoin a également indiqué qu'un modèle de véhicule et une trousse de formation avaient été proposés au CONSS pour le service Dépôt express et que la plupart des commentaires reçus du comité avaient intégrés dans le modèle, notamment [texte caviardé]. L'intimée affirme que le comité local de santé et de sécurité a été consulté et qu'une analyse du risque professionnel a été réalisée avec la collaboration des 2 comités. Le modèle a été mis à l'essai à London (Ontario) dans le cadre d'un projet pilote, ce qui a permis, selon l'intimée, de recueillir des commentaires additionnels auprès des employés.

[48] L'intimée indique qu'un certain nombre de mesures préventives — qui ont été décrites à l'audience — étaient en place au moment des refus de travailler et qu'elles avaient pour effet [traduction] « d'atténuer considérablement le risque de blessure et de maladie associé à la prestation du service Dépôt express ». [Texte caviardé]. L'intimée affirme de plus que la formule du service de jour seulement, qui a été adoptée, prétend-elle, à la demande des employés, [texte caviardé].

[49] En ce qui concerne la formation, l'intimée insiste pour dire que ni l'un ni l'autre des 2 appelants n'a prétendu qu'il n'avait pas reçu de formation ou qu'il ne connaissait pas la procédure à suivre pour fournir le service Dépôt express et note que leur témoignage dénote en général une bonne connaissance des procédures. Dans son exposé écrit final, l'intimée explique en détail les principaux éléments d'une présentation qui a occupé une bonne partie de l'interrogatoire principal du M. Honan à l'audience. C'est une présentation complète d'environ 120 diapositives qui fait 60 pages sur support papier et qui constitue la base de la formation sur le service Dépôt express. En résumé, le programme de formation porte sur les points suivants : [texte caviardé] le risque qu'un agent subisse réellement des blessures avant que le danger soit écarté [...] était très faible. »

[50] Ayant déclaré, en guise d'introduction à son argument, [texte caviardé], l'intimée poursuit en disant que [traduction] « La question à trancher dans la présente affaire consiste exclusivement à déterminer si le service Dépôt express constituait un « danger » en 2009, et non pas si le risque est plus grand qu'il le serait si un service différent était fourni dans des conditions différentes. » L'intimée note cependant que M. Honan a déclaré que [traduction] « le risque ne serait pas nécessairement moins grand si le service Dépôt express était fourni par des équipes [texte caviardé]. » L'intimée soutient que le [texte caviardé] dans des véhicules blindés semble comporter [texte caviardé] et note que [traduction] « des voleurs se sont déjà lancés à l'assaut de voitures blindées » (bien que rarement). M. Honan a déclaré que, d'après l'expérience de l'entreprise et l'évaluation du renseignement de sécurité et des études scientifiques, les vols qui se produisent dans ce secteur sont généralement toujours des opérations bien planifiées, et que ces voleurs sont moins susceptibles [texte caviardé], sachant que cela leur rapporterait probablement [texte caviardé]. Bref, l'intimée avance que [traduction] « [texte caviardé] publique du service Dépôt express constitue un moyen en soi d'atténuer le risque ». Pour finir, l'intimée note que depuis que l'entreprise a commencé à offrir le service Dépôt express en 2005, aucun vol ni aucune tentative de vol n'ont été signalés et aucun des employés qui fournissent ce service, y compris les appelants, n'a subi de blessures.

[51] Dans le résumé général de sa position, l'intimée avance qu'en dépit de multiples journées d'audience, les appelants [traduction] « n'ont tout simplement pas apporté des éléments de preuve convaincants et objectifs [...] pour conclure à l'existence d'un « danger » les autorisant à se prévaloir de leur droit de refuser de travailler le 6 janvier 2009. » En paraphrasant la jurisprudence, l'intimée avance que l'existence d'un danger possible n'équivaut pas simplement à l'existence d'un risque et que la preuve doit démontrer qu'il existe une possibilité raisonnable plutôt qu'une simple possibilité que le risque sera présent à l'avenir. Il faut en outre prouver qu'il est vraisemblable de croire que ce risque causera des blessures importantes à une personne qui y est exposée ou la rendra très malade, avant que le risque soit écarté. L'intimée estime que [traduction] « ces conditions préalables [...] n'ont pas été établies » dans le présent appel. Subsidiairement, l'intimée avance que, même s'il y avait un danger au sens du Code, la preuve produite à l'audience permet de conclure qu'il s'agit d'une « condition normale d'emploi » au sens de l'alinéa 128(2)b) du Code et que les appelants n'avaient toujours pas le droit de refuser de travailler.

[52] Sur la question du droit applicable, l'intimée note que, depuis la refonte de la partie II du Code en 2000, la définition de « danger » contenue au paragraphe 122(1) [traduction] « englobe non seulement les tâches ou les risques immédiats, mais également les tâches ou les risques éventuels ou futurs qui sont susceptibles de se présenter et de causer des blessures avant que le risque soit écarté ou la tâche modifiée ». L'intimée avance que l'élément du futur est assorti de réserves dans la jurisprudence, notamment dans la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans la cause Martin c. Canada (Procureur général) Note de bas de page 2 dont elle cite le passage suivant : « [u]ne conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses ». Selon l'intimée, cela signifie qu'[traduction] « un Ag.SST ou un agent d'appel ne peut pas tirer des conclusions quant à ce qui est susceptible de se produire (c'est-à-dire quant à ce qui se produira vraisemblablement) à l'avenir en se fondant sur des inférences raisonnables tirées de la preuve qui lui a été soumise relativement à des situations réelles passées ou actuelles. » Au dire de l'intimée, la jurisprudence a établi un critère généralement reconnu pour déterminer l'existence d'un danger et ce critère à 4 volets [traduction] « est énoncé avec le plus d'éloquence dans la décision Chapman c. ADRC Note de bas de page 3, souvent citée ». Ce critère est formulé comme suit :

  • le risque potentiel, la situation ou l'activité future en question se présentera probablement
  • un employé sera probablement exposé à ce risque, cette situation ou cette activité quand il se présentera
  • l'exposition au risque, à la situation ou à la tâche se soldera probablement par une blessure ou une maladie pour l'employé qui y sera exposé
  • la blessure ou la maladie surviendra probablement avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée

[53] En s'appuyant sur la décision Chapman, l'intimée indique qu'il est de jurisprudence constante que les 4 conditions préalables doivent être remplies pour conclure à l'existence d'un danger au sens de la définition de ce terme. L'intimée note que dans la décision Chapman — la cause sur le SRAS —, l'agent d'appel a conclu qu'il était peu probable qu'un risque se présente, mais qu'il a également conclu, après avoir examiné les autres conditions préalables, qu'elles ne seraient pas remplies. L'intimée attire plus particulièrement l'attention sur l'élément d'imminence dans la quatrième condition préalable en renvoyant à ce propos à l'arrêt Martin v. Canada Note de bas de page 4 de la Cour fédérale. L'intimée renvoie à d'autres décisions dans lesquelles l'agent d'appel a conclu qu'il n'y avait pas danger dans les cas où le risque peut être écarté avant qu'il cause des blessures à une personne ou la rende malade : Employés et Syndicat uni du transport et Laidlaw Transit Ltd. – Para Transpo Division et Michel Labrecque Note de bas de page 5; et lorsque la formation, l'expérience, l'équipement de protection personnelle et les procédures à suivre concourent à réduire le risque de manière acceptable : Pepin c. Bell Canada Note de bas de page 6. L'intimée plaide que, dans toutes ces décisions [traduction] « le critère préliminaire à remplir pour conclure à l'existence d'un danger est très exigeant ».

[54] L'intimée fait également valoir que le droit de refuser de travailler est une mesure exceptionnelle qui « n'[a] pas été conçue [...] comme un outil pour régler des problèmes à long terme », selon la décision rendue dans la cause Stone c. Canada (Service correctionnel) Note de bas de page 7. Afin de mettre ce point en relief, l'intimée renvoie à l'arrêt Fletcher c. Canada de la Cour d'appel fédérale cité dans la décision Byfield c. Service correctionnel du Canada Note de bas de page 8 :

Le mécanisme [refus de travailler en cas de danger] prévu par le Code prévoit une méthode particulière d'établissement des faits pour régler une situation particulière. Il n'est pas destiné à constituer une tribune pour l'analyse de la politique d'un employeur.

[55] En ce qui concerne la jurisprudence citée par les appelants, l'intimée avance qu'elle n'est pas très utile pour trancher le présent appel, puisqu'elle porte sur des situations et des services qui n'ont rien à voir que la prestation du service Dépôt express le 6 janvier 2009. L'intimée renvoie à cet égard à l'argument contenu dans son exposé écrit final, selon lequel [texte caviardé].

[56] Afin de mettre en relief sa position principale selon laquelle les appelants n'étaient pas en danger au moment où ils ont refusé de travailler, l'intimée indique que dans le cas où l'existence d'un danger serait établie, il faudrait déterminer, dans un deuxième temps, si la situation en cause constitue une condition normale d'emploi, et cite le passage suivant de l'arrêt Verville v. Canada (Correctional Services) Note de bas de page 9 :

« normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire.

Conclure qu'un danger causé par une tâche constitue une condition normale d'emploi ferait échec à l'exercice du doit de refuser de travailler.

[57] Appliquant ses observations sur le droit aux faits du présent appel, l'intimée déclare que la preuve produite à l'audience ne satisfait pas aux exigences du critère à plusieurs volets permettant d'établir l'existence d'un danger et démontre plutôt qu'il n'y avait pas de danger lorsque les appelants ont refusé de travailler. Selon l'intimée, les probabilités que le risque, c'est-à-dire un vol ou une tentative de vol, se matérialise étaient faibles à ce moment-là, en raison de l'absence totale d'incidents passés de ce genre; le risque est si faible, en fait, qu'on peut dire qu'il repose essentiellement sur des hypothèques ou des conjectures. Subsidiairement, l'intimée avance que, même si le risque était susceptible de se matérialiser, les nombreuses mesures préventives en place et la formation dispensée feraient en sorte qu'il serait encore moins probable que les appelants y soient exposés. Qui plus est, dans le cas improbable où les appelants étaient exposés au risque, il serait peu probable que ce risque leur cause réellement des blessures. Et dans le cas improbable où le risque se matérialiserait, les mesures de prévention mises en place, y compris [texte caviardé], permettraient de corriger la situation avant que des blessures soient causées.

[58] L'intimée avance que les circonstances dans lesquelles les appelants ont refusé de travailler, c'est-à-dire en invoquant la disposition avant même de connaître les détails des itinéraires et de savoir l'équipement ou le véhicule qu'ils utiliseraient, après avoir entendu parler des préoccupations d'un autre employé au sujet du service Dépôt express, soulèvent la question de savoir s'il s'agit d'un cas pertinent pour conclure à l'existence d'un « danger ». L'intimée va jusqu'à dire que la présente affaire vise davantage à faire corriger un problème courant de santé et de sécurité qu'à obtenir une réparation pour avoir accompli une tâche susceptible de causer des blessures avant qu'elle soit modifiée.

[59] L'intimée soutient que la preuve démontre que les tâches accomplies pour offrir le service Dépôt express constituaient des conditions normales d'emploi pour les appelants au moment de leur refus de travailler et que cela ressort de la preuve qu'ils ont produite. Les 2 appelants, explique-t-on, avaient exécuté les tâches en question à quelques reprises dans le passé, sans incident aucun. Tout était comme d'habitude, le 6 janvier 2009, et les mesures de prévention, l'équipement et les pratiques habituelles étaient en place ce jour-là. Bref, rien ne permet de conclure que l'intimée a contrevenu aux articles 124, 125 ou 125.1 du Code, que l'Ag.SST n'est pas arrivé à une telle conclusion et que les présumées violations n'ont pas été examinées dans le cadre de l'appel.

[60] En conclusion, l'intimée fait valoir que la preuve produite à l'audience étaye une conclusion d'absence de danger et que, subsidiairement, la tâche qui avait été attribuée aux appelants lorsqu'ils ont refusé de travailler constituait une condition normale de leur emploi. L'intimée demande une ordonnance confirmant la décision de l'Ag.SST Maklan quant à l'absence de danger et le rejet de l'appel. Subsidiairement, l'intimée demande qu'un aspect de la décision de l'Ag.SST soit modifié, afin d'indiquer que les conditions de travail en litige constituent des conditions normales d'emploi.

Réplique des appelants

[61] Les appelants ont soumis une réplique détaillée dans laquelle ils défendent la position générale que l'intimée n'a pas expressément nié les faits qu'ils ont décrits, ni réfuté leurs arguments quant à l'existence d'un « danger » au sens du Code, un danger qui, selon eux, ne constitue pas une condition normale d'emploi. Le principal argument qu'ils font valoir au sujet de la jurisprudence applicable concerne le critère proposé par G4S pour établir l'existence d'un « danger » et défini dans la décision Chapman; ils avancent que ce critère a été abandonné après la décision de la Cour fédérale dans la cause Verville. Les appelants répètent dans leur réplique des arguments et des faits contenus dans leur exposé initial final, ou y renvoient. Après un examen complet de la réplique, j'en ai extrait les points et arguments présentés ci-après.

[62] En ce qui concerne les refus de travailler survenus le 6 janvier 2009, les appelants contestent l'argument de l'intimée selon lequel ils n'avaient encore jamais refusé d'effectuer un itinéraire du service Dépôt express même s'ils avaient l'un et l'autre déjà accompli cette tâche. Il s'agit d'un argument que les appelants jugent apparemment nécessaire de mettre en contexte. Ils expliquent qu'ils ont refusé de travailler [traduction] « parce qu'ils sentaient leur sécurité menacée après qu'un collègue eut également refusé [...] de fournir le service Dépôt express en raison de l'existence d'un danger, le 18 novembre 2008 — moins de 2 mois auparavant ». Ils ont appris que ce refus n'avait pas été résolu le jour où ils se sont eux-mêmes prévalus du droit de refuser de travailler et ils soutiennent qu'à cette date-là, ils n'avaient pas effectué d'itinéraires du service Dépôt express depuis le refus de travailler du 18 novembre 2008.

[63] Les appelants qualifient de fallacieux l'argument de l'intimée selon lequel [traduction] « [texte caviardé] ne serait pas nécessairement [texte caviardé] si le service Dépôt express était fourni par [texte caviardé] ». Le critère applicable pour déterminer l'existence d'un danger n'est pas de savoir si le service Dépôt express comporte un risque plus grand que les autres [texte caviardé]; l'existence d'un danger doit être déterminée en fonction des faits propres au service Dépôt express. Les appelants contestent également [texte caviardé]. Même si le service Dépôt express [texte caviardé], il faut se garder d'en conclure que le risque de vol est moins grand que celui auquel sont exposés [texte caviardé] ou le concept de « danger » ne pourrait jamais s'appliquer au modèle du service Dépôt express.

[64] En ce qui concerne le critère applicable pour déterminer l'existence d'un danger, les appelants contestent celui proposé par G4S parce que la décision Chapman, dont il est tiré, a été rendue par l'agent d'appel avant que la Cour fédérale rende sa décision dans « l'arrêt de principe » Verville. Ils avancent que le critère énoncé dans la décision Chapman attribue une portée excessive au critère du danger en imposant une norme de preuve plus exigeante que celle prévue par le paragraphe 122(1) du Code. Les appelants font valoir, en renvoyant à la décision Welbourne c. Canadian Pacifique Limitée Note de bas de page 10 et à la décision Verville, au paragraphe 41, que le critère applicable pour déterminer l'existence d'un danger est celui de « la susceptibilité » qui nécessite uniquement de prouver que la situation, la tâche ou le risque en question est capable de surgir ou de se produire et est susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou de la rendre malade avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation soit corrigée ou la tâche modifiée. Ils soutiennent que [traduction] « À l'inverse, le critère énoncé dans la décision Chapman est axé sur la « probabilité » », c'est-à-dire qu'il est « probable » que la situation, la tâche ou le risque se présentera, qu'un employé y sera exposé, que des blessures lui seront causées ou qu'il tombera malade et que cela se produira « probablement » avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.

[65] Les appelants attirent l'attention sur l'argument de l'intimée selon lequel les conclusions quant à l'avenir, dans le contexte de l'existence d'un « danger », doivent être fondées sur des inférences tirées d'incidents réels passés ou actuels au lieu de reposer sur de simples conjectures ou hypothèses et rejettent l'argument connexe selon lequel [traduction] « les probabilités que le risque (qu'un agent du service Dépôt express soit victime d'un vol ou d'une tentative de vol) se matérialise étaient faibles au moment du refus de travailler, en raison de l'absence totale d'incidents passés sur lesquels se baser pour formuler l'hypothèse que le risque pourrait se matérialiser. » Les appelants soutiennent qu'au contraire, [traduction] « le risque d'être la cible d'un vol ou d'une agression en effectuant la cueillette ou le transport [texte caviardé], est susceptible d'exister à l'avenir. » Ils ajoutent qu'[traduction] « il n'est pas nécessaire de démontrer que des incidents se sont produits dans le passé pour conclure qu'un vol ou une tentative de vol pourraient se produire à l'avenir. »

[66] Les appelants formulent des observations sur les décisions Welbourne, Martin et Verville, plus particulièrement sur les paramètres du risque possible, ainsi que le critère et la preuve requis pour établir l'existence d'un risque futur. S'ils admettent que[traduction] « l'existence d'un risque est de nature hypothétique en l'absence d'éléments de preuve permettant d'établir que ce risque est susceptible de se produire à l'avenir », ils avancent cependant que [traduction] « Afin de démontrer que le risque peut se produire [...] alors qu'[il] dépend entièrement de l'imprévisibilité du comportement humain (comme c'est le cas dans l'arrêt Verville), on ne doit pas se limiter à la preuve « d'incidents réels passés ou actuels » pour établir l'existence d'un risque éventuel ou futur. ».

[67] Les appelants affirment que [traduction] « Dans le secteur du transport de valeurs, la possibilité réaliste qu'un vol ou une tentative de vol se produise à l'avenir dépend de la nature du travail accompli par les employés qui ont refusé de travailler. » Au soutien de leur position, ils citent les conclusions contenues dans 4 décisions mettant en cause Securicor, citées dans leur exposé initial final, en reproduisant de nouveau le passage de la décision Securicor Canada Limited et Travailleurs canadiens de l'automobile, section locale 4266-A, qui dit qu'« un vol ou une agression aurait pu se produire sans avertissement et [...] il serait très difficile d'identifier un agresseur potentiel avant que la situation se produise ». Ils renvoient également l'observation contenue dans le rapport de l'Ag.SST selon laquelle [traduction] « le risque de vol est présent chaque fois que des montants d'argent importants sont transportés ». Ils rejettent l'argument subsidiaire de l'intimée selon lequel la formation donnée aux agents du service Dépôt express limite les probabilités qu'ils soient victimes d'un vol ou d'une tentative de vol, pour la bonne raison qu'aucune formation, aussi exhaustive qu'elle soit, ne peut conjurer le danger excessif associé au modèle du service Dépôt express. Les appelants concluent que [traduction] « le risque éventuel n'est pas de l'ordre de conjectures ou d'hypothèses; c'est plutôt une possibilité réaliste. »

[68] Dans le contexte du passage de l'arrêt Verville reproduit ci-dessus, les appelants font valoir que leurs témoignages et ceux de M. Lee et de M. Di Lisi, qui représentent [traduction] « l'opinion de témoins ordinaires ayant l'expérience nécessaire » appuient leur argument selon lequel le risque en question, c'est-à-dire le risque [texte caviardé] soit victime d'un vol ou d'une tentative de vol durant [texte caviardé], est susceptible de leur causer des blessures. Ils avancent que le risque, [texte caviardé] sont des points sur lesquels M. Di Lisi est en mesure de présenter une perspective unique, puisqu'il a coprésidé le comité local de santé et de sécurité du travail à titre de représentant des travailleurs et qu'il a effectué des itinéraires du service Dépôt express. Pour revenir à l'arrêt Verville, les appelants soutiennent qu'il n'est pas nécessaire de prouver que des blessures seront probablement causées ou qu'il est probable que des blessures seront causées chaque fois. Ces éléments satisferaient vraisemblablement au critère énoncé dans la décision Chapman, disent-ils, si ce n'était qu'il a été remplacé par celui décrit dans l'arrêt Verville.

[69] En ce qui concerne la question de savoir si le risque en question est susceptible de causer des blessures avant qu'il soit écarté ou que la tâche soit modifiée, les appelants rejettent l'argument de l'intimée selon lequel l'agent pourrait corriger la situation en appliquant les mesures préventives et les politiques établies, [texte caviardé]. Ils avancent que [traduction] « Par définition, les moyens par lesquels le risque peut être écarté ou la tâche modifiée sont des moyens externes par rapport au risque, à la tâche et à la situation et ne peuvent pas nécessairement être mises en place avant que des blessures soient susceptibles d'être causées. Autrement dit, ces moyens de contrôle échappent au contrôle de l'employé qui exerce son droit de refuser de travailler, car c'est la responsabilité de l'employeur de les fournir. » Les appelants ajoutent que [traduction] « si l'employé avait le pouvoir d'écarter le danger, le droit de refuser d'effectuer un travail jugé dangereux n'aurait pas sa raison d'être. »

[70] Au soutien de leur argument selon lequel les moyens pour écarter un risque échappent au contrôle de l'employé, les appelants citent 2 causes. Ils renvoient d'abord à l'arrêt Verville (au paragraphe 34) et aux observations de madame la juge Gauthier, selon lesquelles « l'absence de menottes sur la personne d'un agent correctionnel impliqué dans une empoignade avec un détenu doit être susceptible de causer des blessures avant que des menottes ne puissent être obtenues du poste de contrôle ou par l'intermédiaire d'un surveillant K-12, ou avant que tout autre moyen de contrainte ne soit fourni » (non souligné dans l'original). Ils citent ensuite un passage du paragraphe 203 de la décision Brazeau et Securicor Canada Ltd.Note de bas de page 11, dans lequel l'agent d'appel observe qu'un risque éventuel ne pouvait pas être écarté avant que des blessures soient susceptibles d'être causées, « car Securicor n'a jamais indiqué qu'elle comptait modifier volontairement [texte caviardé] » (non souligné dans l'original). Appliquant les 2 causes au présent appel, les appelants avancent que [traduction] « le risque doit être écarté en fournissant [texte caviardé] » et que [traduction] « G4S a expressément indiqué qu'elle ne prendra pas de mesures pour écarter le risque tant qu'elle serait pas obligée de le faire. »

[71] Les appelants rejettent certains des arguments de l'intimée quant aux raisons pour lesquelles la présente affaire n'est pas un cas approprié pour conclure à l'existence d'un « danger ». Dans un premier temps, et comme je l'ai indiqué au début de la présente décision, ils contestent la prétention de G4S voulant que la preuve requise pour établir l'existence d'un danger soit exigeante et que cette preuve n'a pas été faite dans la présente affaire. Dans un deuxième temps, ils rejettent l'argument selon lequel le droit de refuser de travailler ne peut pas être utilisé pour contester les politiques de l'employeur ou pour résoudre des questions relatives à la dotation. À ce propos, ils citent les observations formulées par madame la juge Gauthier dans l'arrêt Verville (au paragraphe 52) à propos de 3 causes dans lesquelles l'argument que le risque inhérent de blessures ou de décès constitue une condition normale d'emploi avait été avancé, et selon lesquelles « un danger accru résultant par exemple d'une modification de la politique de l'employeur (telle la dotation minimale) n'était pas automatiquement exclu de l'exception de l'alinéa 128(2)b) » (non souligné dans l'original). Dans un troisième temps, ils rejettent les arguments de G4S selon lesquels ce n'est pas une cause appropriée pour établir l'existence d'un danger, pour la bonne raison que les appelants se sont prévalus de leur droit de refuser de travailler avant même de connaître les détails des itinéraires particuliers et de savoir l'équipement ou le véhicule qu'ils utiliseraient pour effectuer le travail. Ils avancent que c'est le modèle du service Dépôt express qui est la cause du risque et de leur refus de travailler et non pas ces détails particuliers.

[72] Les appelants sont par ailleurs totalement en désaccord avec l'argument de l'intimée selon lequel tout danger dont l'existence serait établie dans la présente affaire constituerait une condition normale d'emploi et ne serait donc pas visé par les dispositions relatives au refus de travailler, conformément à l'alinéa 128(2)b). Ils expliquent que le danger associé à la cueillette et au transport [texte caviardé] dans le modèle du service Dépôt express ne constitue pas une condition normale de leur emploi. Au soutien de cet argument, ils citent la description du « sens ordinaire » des mots de l'alinéa 128(2)b) contenue dans l'arrêt Verville (au paragraphe 55) : « le mot « normal » s'entend de quelque chose de régulier, d'un état ou niveau des affaires qui est habituel, de quelque chose qui ne sort pas de l'ordinaire. Il serait donc logique d'exclure un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité. En ce sens, et à titre d'exemple, dirait-on qu'il entre dans les conditions normales d'emploi d'un [texte caviardé] sécurité [texte caviardé] à partir d'un établissement bancaire si des modifications étaient apportées à son emploi de telle sorte que cette tâche doive être exécutée [texte caviardé] (non souligné et non en gras dans l'original). Les appelants renvoient également au paragraphe 220 de la décision Brazeau, et à l'observation de l'agent d'appel selon laquelle l'effet de l'alinéa 128(2)b) « ne signifie pas que les employés [...] doivent exécuter une tâche au mépris de leur vie, de leur santé ou de leur sécurité sans égard aux conséquences. Au contraire, quand l'employeur ne s'est pas acquitté de ses responsabilités en vertu des articles 124 et 125 du Code, il est dangereux pour l'employé de travailler dans ces conditions et le danger ne constitue pas une condition de travail normale » (non souligné dans l'original).

[73] En ce qui concerne la hiérarchie des 3 mesures préventives décrites à l'article 122.2 du Code, c'est-à-dire l'élimination des risques, leur réduction et la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, les appelants font valoir que l'intimée n'a pas appliqué ces 3 mesures. Ils prétendent, en somme, que l'intimée a créé le risque au lieu de l'éliminer, en instaurant le modèle de service Dépôt express, après avoir conclu en 2003, dans le cas du modèle préconisant [texte caviardé], que [traduction] « la meilleure option, du point de vue de la sécurité, est d'avoir [texte caviardé] qui se protègent mutuellement ». Les appelants avancent que G4S n'a pas procédé à une évaluation des mesures nécessaires pour réduire le risque avant la mise en œuvre du service Dépôt express. À titre d'exemple, ils indiquent que G4S a accepté trop facilement l'avis du fournisseur selon lequel il était impossible d'appliquer une pellicule de plastique résistant aux balles sur les glaces des véhicules Ford et qu'elle n'a pas examiné la possibilité d'utiliser des glaces résistant aux balles à la place de la pellicule de plastique. Ils rappellent également que la formation, l'EPP et les politiques de G4S comportent des lacunes.

[74] Les appelants rejettent l'argument de l'intimée selon lequel la preuve la plus concluante que les tâches relatives à la prestation du service Dépôt express constituent une condition normale d'emploi provient de leur propre témoignage. Ils affirment que ce témoignage portait sur les tâches habituelles associées à ce modèle et non pas sur ce qui constitue des conditions normales d'emploi au sens de l'alinéa 128(2)b). Pour tout dire, les appelants sont d'avis que le danger associé au service Dépôt express [traduction] « est lié exclusivement à la méthode que G4S a choisi d'utiliser pour exécuter le travail » et que [traduction] « cette méthode est complètement différente des méthodes de travail habituelles dans le secteur et chez G4S. »

[75] En conclusion générale, les appelants font valoir que le risque éventuel en question constitue un danger et que le danger ne constitue pas une condition normale d'emploi. À cet égard, ils jugent indiqué de renouveler la demande contenue dans leur exposé final, soit qu'une instruction soit donnée en vertu de l'alinéa 145(2)a) du Code afin que des mesures soient prises pour [traduction] « écarter le risque ou corriger la situation ou modifier la tâche qui constitue le danger » ou pour [traduction] « protéger toute personne contre ce danger ». Ils renouvellent également leur demande pour obtenir des déclarations indiquant que G4S a contrevenu aux articles 122, 124, 125, 134 et 135 du Code.

Analyse

[76] Le terme « danger » est défini comme suit au paragraphe 122(1) du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l'intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d'avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

[77] À la lumière de cette définition, je dois examiner les questions suivantes dans la présente affaire :

  • Y avait-il une situation, une tâche ou un risque existant ou éventuel en place le 6 janvier 2009
  • L'exposition à la situation, à la tâche ou au risque est-elle susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou de la rendre malade
  • Le risque éventuel est-il susceptible de causer des blessures à une personne ou de la rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée

Y avait-il une situation, une tâche ou un risque existant ou éventuel?

[78] Avant d'analyser directement cette question, je dois examiner l'argument de l'intimée selon lequel en se prévalant de leur droit de refuser de travailler avant même de connaître les itinéraires à effectuer, les commerçants à visiter et l'état de l'équipement ou du véhicule fourni, les appelants ont soulevé des doutes quant à la pertinence du présent appel pour déterminer s'il y a un danger. Je ne suis pas d'accord avec cet argument. Le danger auquel les appelants prétendent avoir été exposés et sur lequel s'articulent principalement leurs observations dans le présent appel, est le modèle du service Dépôt express, [texte caviardé]. Si les situations qui surviennent aux divers stades d'un itinéraire et l'état de l'équipement et du véhicule font partie intégrante du processus et constituent des éléments pertinents pour se prononcer sur la question de l'existence d'un danger, c'est le modèle au complet qui causait un problème aux appelants. Ailleurs dans ses observations, l'intimée avance que les appelants avaient reçu de la formation sur le service Dépôt express et qu'ils avaient déjà effectué le travail. On peut donc en conclure que les appelants n'ont pas refusé d'accomplir des tâches qu'ils ne connaissaient pas après avoir été priés d'effectuer un itinéraire du service Dépôt express, le 6 janvier 2009. [texte caviardé] d'un véhicule [texte caviardé], par contre, demeure l'une des constantes du modèle.

[79] Dans le même ordre d'idées, je ne suis pas d'accord avec l'inférence de l'intimée selon laquelle l'affaire ne devrait pas être tranchée en vertu des dispositions relatives au refus de travailler, puisque ce n'est pas le cadre approprié pour analyser les politiques de l'employeur. Pour commencer, le témoignage de M. Lee et les procès-verbaux des comités de santé et de sécurité indiquent que le modèle [texte caviardé] a été examiné par le CONSS et qu'à l'issue de ces discussions, aux dires de M. Lee, [traduction] « on a convenu qu'il y avait un désaccord ». Dans la décision Elnicki et Loomis Armoured Car Service Ltd. Note de bas de page 12, citée par les appelants, qui porte sur un refus de travailler dans le même secteur d'activité, le CCRT, auquel le Tribunal s'est substitué depuis, conclut ceci : « Certes, cette question pourrait et devrait être examinée par le comité de sécurité, mais cela ne signifie pas pour autant que le Conseil n'est pas l'instance compétente [...] ». De plus, si les observations de madame la juge Gauthier dans l'arrêt Verville, selon lesquelles « un danger accru résultant par exemple d'une modification de la politique de l'employeur (telle la dotation minimale) n'était pas automatiquement exclu de l'exception de l'alinéa 128(2)b) », ont été formulées dans le contexte de l'examen d'une condition normale d'emploi, elles trouvent, selon moi, un écho particulier dans la présente affaire.

[80] Du point de vue des appelants, la situation, la tâche ou le risque éventuel ou futur qui est susceptible de leur causer des blessures [traduction] « est le risque éventuel d'être victime d'un vol ou d'une agression pendant [texte caviardé] véhicule [texte caviardé] ». Comme en témoigne l'extrait du paragraphe 16 du rapport de l'Ag.SST Maklan reproduit ci-dessus, l'Ag.SST fait allusion au [traduction] « risque de vol » durant [texte caviardé] et ajoute qu'[traduction] « Il s'agit d'un risque inhérent aux fonctions d'un garde armé de G4S ». Le paragraphe suivant de son rapport commence par les mots suivants : [traduction] « Compte tenu du risque inhérent [...] ». Dans le document de formation sur le service Dépôt express, l'intimée indique que [traduction] « Il est bien connu que le vol est un risque inhérent aux services fournis dans le secteur du transport de valeurs » (pièce 8, diapositive 104). Bref, on semble s'accorder à dire que les risques éventuels et le risque de vol sont bien réels.

[81] Même si l'intimée admet dans le document de formation que le vol est un risque inhérent au travail, elle défend la position que [traduction] « les probabilités que le risque (qu'un agent du service Dépôt express soit victime d'un vol ou d'une tentative de vol) se matérialise étaient faibles au moment du refus de travailler, en raison de l'absence totale d'incidents passés sur lesquels se baser pour formuler l'hypothèse que le risque pourrait se matérialiser. » L'intimée estime que [traduction] « le risque est si faible qu'on peut dire qu'il repose essentiellement sur des hypothèques ou des conjectures ». Elle prétend que cette position est étayée par la jurisprudence, notamment le paragraphe 37 de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans la cause Martin. Je reproduis intégralement le paragraphe en question ci-après :

[...] une conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard.

[82] Je ne crois pas que l'absence d'incidents passés scelle le sort de l'argument voulant que le risque de vol ou de tentative de vol associé au modèle du service Dépôt express soit si faible qu'on peut dire qu'il repose essentiellement sur des hypothèses ou des conjectures. L'absence d'incidents de ce genre est certes un point important, et il faut en tenir compte, comme le dit la citation tirée de l'arrêt Martin, mais ce n'est pas un élément déterminant. Le paragraphe 41 de l'arrêt Verville jette à mon sens un éclairage très intéressant sur ce point :

[...] le sens courant d'une situation ou d'un risque « éventuel » (ou en anglais « potential ») n'exclut pas un risque ou une situation qui peut ou non se produire, eu égard à l'imprévisibilité du comportement humain. Si un risque ou une situation est capable de surgir ou de se produire, il devrait être englobé dans la définition. [...] il n'est pas nécessaire que l'on soit en mesure de savoir exactement quand cela se produira. Il ressort clairement de la preuve que, en l'espèce, des agressions imprévues peuvent effectivement se produire.

[83] Le paragraphe 36 de l'arrêt Verville apporte également un éclairage intéressant :

[...] je ne crois pas non plus qu'il soit nécessaire d'établir précisément le moment auquel la situation ou la tâche éventuelle se produira ou aura lieu. Selon moi, les motifs exposés par la juge Tremblay-Lamer dans l'affaire Martin, susmentionnée, en particulier le paragraphe 57 de ses motifs, n'exigent pas la preuve d'un délai précis à l'intérieur duquel la situation, la tâche ou le risque se produira. Si l'on considère son jugement tout entier, elle semble plutôt reconnaître que la définition exige seulement que l'on constate dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures, et qu'il soit établi que telles circonstances se produiront à l'avenir, non comme simple possibilité, mais comme possibilité raisonnable.

[84] L'imprévisibilité du comportement humain nous amène à nous interroger sur l'argument de l'intimée selon lequel [texte caviardé] dans le véhicule [texte caviardé] du service Dépôt express ne sont pas suffisamment élevés pour attiser la convoitise de voleurs professionnels. [Texte caviardé]. Je partage le point de vue de l'Ag.SST Maklan selon lequel [traduction] « le risque de vol est présent [texte caviardé] sont transportés ». Si la possibilité que des voleurs professionnels de haut calibre tentent de s'emparer de l'argent du service Dépôt express est évidemment moindre, elle n'est pas complètement nulle. J'estime en outre que l'argument des appelants concernant la possibilité que des criminels moins ambitieux, des toxicomanes ou d'autres voleurs agissant sous l'impulsion du moment commettent ou tentent de commettre un vol n'est pas dénué de fondement. À ce propos, le témoin de l'intimée a admis en contre-interrogatoire que des vols pourraient se produire à l'improviste. Comme les appelants l'ont indiqué, [texte caviardé] pourrait bien penser que le [texte caviardé] qui s'y trouve vaut la peine de tenter sa chance.

[85] Au soutien de son argument selon lequel les probabilités d'être victime d'un vol sont faibles, l'intimée avance également que [texte caviardé] modèle du service Dépôt express égale [texte caviardé]. Elle soutient que le service Dépôt express est différent du modèle conventionnel de G4S axé sur l'utilisation de véhicules blindés pour le transport de montants d'argent importants. M. Honan a déclaré dans son témoignage que comparer les 2 modèles équivalait à comparer [traduction] « des pommes avec des oranges ». Je n'accepte pas sa comparaison. Il s'agit plutôt de comparer des « pommes avec des pommes », étant acquis qu'il existe différentes variétés de pommes, qu'il y en a de différentes couleurs et de différentes grosseurs et j'ajouterai, parce que je crois que cela s'applique dans la présente affaire, qu'il existe aussi des différences dans la dureté de leur peau. Elles n'en demeurent pas moins des pommes, au même titre, selon moi, que le service Dépôt express demeure un service fourni par le secteur du transport de valeurs. C'est d'ailleurs ainsi qu'on le présente dans le diaporama de formation décrit ci-dessus. Comme les appelants l'ont indiqué et comme le confirme le document de formation, le véhicule affiche les couleurs de G4S et les agents portent des vêtements les désignant comme des employés de G4S. L'agent porte également une arme courte visible [texte caviardé]. Le portrait qui en résulte est celui d'un agent armé et d'une personne exposée aux risques du métier, risques qui doivent être atténués conformément aux dispositions du Code.

[86] Le rôle général du service Dépôt express dans le secteur comme moyen de transport de [texte caviardé] est manifeste et les risques inhérents à une activité de ce genre vont de pair. J'estime que ce modèle comporte des lacunes particulières qui sont de [texte caviardé]. Le fait que l'agent doit [texte caviardé] risques attribuables à des lacunes [texte caviardé] pas été suffisamment corrigées ou atténuées. Le fait que pour fournir le service à un client l'agent doive [texte caviardé], sans voir le véhicule et sans savoir ce qui se passe à l'extérieur [texte caviardé], comporte un niveau inacceptable de risque et un risque éventuel qui n'est pas complètement atténué par les mesures préventives et les politiques mises en place par l'entreprise.

[87] À la lumière des observations formulées ci-dessus et après avoir entendu les témoins pendant 9 jours d'audience et examiné les pièces justificatives produites en preuve et les arguments écrits des parties, je conclus que, le 6 janvier 2009, le modèle du service Dépôt express des services de transport de valeurs présentait un risque éventuel, soit le risque de vol ou de tentative de vol, « capable de surgir ou de se produire », selon les observations formulées dans l'arrêt Verville. Je conclus également que l'éventualité que ce risque surgisse à l'avenir est une possibilité raisonnable plutôt qu'une simple possibilité.

L'exposition à la situation, à la tâche ou au risque est-elle susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée ou de la rendre malade?

[88] L'arrêt de principe Verville nous fournit des indications utiles pour répondre à cette question. Le paragraphe 51 de l'arrêt Verville étaye la position des appelants selon laquelle [traduction] « il y a plusieurs façons d'établir qu'une situation est susceptible de causer des blessures » et que cet état de fait [traduction] « peut même être établi au moyen d'une inférence tirée de faits logiquement ou raisonnablement connus. » Il est à la fois logique et raisonnable d'inférer que le but d'un vol ou d'une tentative de vol est de délester ou de tenter de délester une personne de montants d'argent ou de biens qu'elle a en sa possession ou qui lui appartiennent et de s'enfuir avec le produit du vol ou d'en prendre autrement possession. Dans la présente affaire, cela consisterait à délester ou à tenter de délester l'agent de l'argent dont il a la garde et de s'enfuir avec cet argent. Il est pareillement logique et raisonnable d'inférer qu'en commettant ou en tentant de commettre le vol, le voleur représenterait une menace physique pour la victime, en l'occurrence l'agent, ou lui infligerait un préjudice corporel. Cela ne veut pas dire que chaque vol ou chaque tentative de vol se terminera de cette manière, mais comme nous l'enseigne encore une fois l'arrêt de principe Verville, au paragraphe 35, pour répondre à la définition de « danger », « la situation ou la tâche doit pouvoir causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement à chaque fois ».

[89] Ayant déterminé l'existence du risque éventuel de vol ou de tentative de vol, je note que les tâches que les appelants ont refusé d'accomplir le 6 janvier 2009 auraient nécessité l'utilisation du véhicule qui comporte les 2 lacunes particulières [texte caviardé]. J'estime que chacun de ces 3 aspects du service Dépôt express représente une situation qui nous autorise à penser que les appelants sont susceptibles de subir des blessures à la suite d'un vol ou d'une tentative de vol. J'examine chacun de ces 3 aspects à tour de rôle ci-après.
[Texte caviardé]

[90] [Texte caviardé].

[91] M. Di Lisi a déclaré que la question avait été examinée et qu'elle avait été soumise au CONSS. M. Honan a déclaré [texte caviardé]. Dans 3 des appels auxquels les appelants renvoient dans leur exposé final, il a été déterminé que l'exposition du dos de l'agent pendant qu'il faisait l'entretien de GAB ou transportait [texte caviardé] constituait un danger ou concourait à l'existence d'un danger. (Securicor Canada Limitée et Fédération des employées et employés de services publics inc.Note de bas de page 13; Girouard et Securicor Canada Ltd Note de bas de page 14 et Securicor Canada Limited et Travailleurs unis de l'automobile, section locale 4266-A).
[Texte caviardé]

[92] [Texte caviardé].

[93] [Texte caviardé].

[94] [Texte caviardé].

Service de transport [texte caviardé] dans des centres commerciaux

[95] L'expression « centre commercial » désigne plusieurs réalités allant du mail linéaire de quartier au mail intérieur couvert. [Texte caviardé]. Le risque éventuel de vol ou de tentative de vol s'accroît au-delà des limites acceptables et j'estime que l'exposition à ce type de situations est susceptible de causer des blessures.

[96] [Texte caviardé].

[97] Je conclus que le risque éventuel de vol ou de tentative de vol qui n'a pas été suffisamment réduit ou atténué, selon la conclusion que j'ai tirée ci-dessus, et auquel les appelants auraient été exposés est susceptible de leur causer des blessures s'ils y sont exposés.

Le risque éventuel est-il susceptible de causer des blessures ou de rendre malade avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée?

[98] Il est sans doute utile à ce stade-ci d'examiner l'argument de l'intimée selon lequel [traduction] « même si le risque était susceptible de se matérialiser au moment des refus de travailler, les nombreuses mesures préventives en place et la formation dispensée feraient en sorte qu'il serait encore moins probable qu'un employé y soit réellement exposé ». Selon l'intimée, les mesures préventives comprennent [texte caviardé] associés au modèle du service Dépôt express, [texte caviardé]. L'intimée soutient que cette dernière politique, [traduction] « de pair avec les autres mesures préventives en place, indique que le risque que des blessures soient causées à un agent avant que le danger soit écarté, même au cas improbable où il serait victime d'un vol, était très faible ». Il m'apparaît nécessaire d'examiner cet argument et d'analyser l'efficacité des mesures préventives.

[99] [Texte caviardé].

[100] Avant de clore mon analyse sur ces questions, je tiens à dire que pour que l'EPP soit efficace, [texte caviardé] perdent de leur utilité lorsque les agents n'en connaissent pas l'existence. Ces points font partie des 5 sujets de préoccupation que l'Ag.SST Maklan énumère à la fin de son rapport. Il insiste notamment sur la nécessité de mettre à jour l'ARP, un document qui devrait être mis à la disposition des agents, et d'y incorporer des renvois aux manuels, aux procédures et aux politiques applicables. Il indique également qu'il exigera une promesse de conformité volontaire (PCV) de l'entreprise afin que les problèmes soulevés soient résolus. Les modalités de la PCV reprenaient la liste des 5 sujets de préoccupation de l'Ag.SST. Dans une décision rendue de vive voix à l'audience, le 18 septembre 2009, j'ai conclu que l'Ag.SST avait la responsabilité de déterminer si les modalités de la PCV étaient respectées. Il s'agit d'un processus continu qui n'est pas de mon ressort.

[101] En ce qui concerne la formation sur le service Dépôt express, le document de formation de G4S dont il a été question plus tôt couvre tous les aspects du service, même si une partie de son contenu semble aussi s'appliquer aux autres services de transport de valeurs offerts par l'entreprise. La formation à bord du véhicule utilisé pour fournir le service Dépôt express semble se donner exclusivement dans les locaux de G4S ou aux alentours et ne comprend pas des visites chez des clients ou un premier parcours accompagné. L'absence de formation d'appoint me préoccupe quelque peu. Comme je l'ai indiqué au début ma décision, M. Lekarczyk a reçu sa formation sur le service Dépôt express le 8 février 2006 et M. Frighetto a reçu la sienne le 28 août 2006. Ils ont l'un et l'autre déclaré qu'ils n'avaient pas reçu de formation d'appoint avant d'être chargés d'effectuer des itinéraires du service Dépôt express le 6 janvier 2009. La formation initiale et d'appoint est l'un des 5 points à corriger établis par l'Ag.SST Maklan et indiqués dans la PCV. Cette question sera résolue dans le cadre de ce processus.

[102] J'en viens maintenant directement à la question de savoir si des blessures seraient causées avant que le risque soit écarté ou la tâche modifiée. En ce qui concerne le type de véhicule utilisé le 6 janvier 2009, c'est sa conception, [texte caviardé], qui cause le risque éventuel. Les [texte caviardé] au véhicule n'ont pas réduit suffisamment ce risque éventuel. Tant que ce type de véhicule continue d'être utilisé pour fournir le service Dépôt express, le risque éventuel que j'ai déterminé sera présent. Il ne semble pas que G4S ait donné la moindre indication qu'elle était prête à cesser d'utiliser ce type de véhicule pour fournir le service Dépôt express. Dans ces conditions, et conformément à ma conclusion selon laquelle le risque est de nature à causer des blessures, je conclus que des blessures sont susceptibles d'être causées avant que le risque soit écarté ou la tâche modifiée.

[103] [Texte caviardé], selon les témoignages [texte caviardé] un niveau inacceptable le risque qu'un vol ou une tentative de vol se produise. L'équipement de protection et les politiques préventives de G4S ne permettent pas d'atténuer ou de réduire suffisamment le risque éventuel. [Texte caviardé]. L'agent peut ne pas être capable d'appliquer ces mesures, [texte caviardé] qu'il marche parmi la foule [texte caviardé].

[104] Je suis disposé à admettre que, dans les cas où l'agent utilise un véhicule qui ne comporte pas les lacunes décrites ci-dessus et [texte caviardé], il sera en mesure d'appliquer les procédures établies par l'entreprise pour réduire le risque. C'est ce genre de situation que représente, par exemple, la diapositive montrant l'image d'un café dans le document de formation de G4S, à laquelle le mot [texte caviardé] semble s'appliquer le mieux. [Texte caviardé]. En quittant les locaux du client, l'agent aura, en plus de [texte caviardé] enseignées [texte caviardé] avoir fourni des services à un client [texte caviardé] parcourir souvent une certaine distance, parmi la foule, [texte caviardé]. Encore une fois, il ne me semble pas que G4S ait indiqué qu'elle était disposée [texte caviardé] pour fournir des services Dépôt express aux clients dont les locaux sont situés à l'intérieur [texte caviardé], et sauf indication contraire, je conclus que des blessures sont susceptibles d'être causées aux appelants avant que le risque soit écarté ou la tâche modifiée.

Le danger constitue-t-il une condition normale d'emploi?

[105] Ayant répondu par l'affirmative aux 3 questions formulées ci-dessus, je dois maintenant concentrer mon attention sur l'argument subsidiaire de l'intimée selon lequel la tâche qui avait été confiée aux appelants avant qu'ils refusent de travailler constituait une condition normale d'emploi et que, de ce fait, ils ne peuvent pas exercer leur droit de refuser de travailler en vertu de la partie II du Code. Le 27 janvier 2010, la Cour fédérale du Canada a confirmé une décision du Tribunal Note de bas de page 15 portant sur l'interprétation de la notion de « condition normale d'emploi ». Cette décision définit un danger qui constitue une condition normale d'emploi comme étant de nature résiduelle. C'est le danger qui subsiste après que l'employeur a pris toutes les mesures nécessaires pour écarter le risque, corriger la situation ou modifier la tâche ou concernant lequel aucune instruction n'est susceptible d'être donnée en vertu du paragraphe 145(2) afin de veiller à la protection des employés.

[106] Il s'ensuit qu'un danger constitue une condition normale d'emploi s'il ne peut être contrôlé par les mesures protectrices prévues dans le Code. Dès lors qu'il a été déterminé qu'un danger constitue une condition normale d'emploi, il n'est plus possible de se prévaloir du droit de refuser de travailler.

[107] L'article 122.2 du Code, qui présente un intérêt particulier, dit ceci :

La prévention devrait consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d'équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d'assurer la santé et la sécurité des employés.

[108] À la lumière de ce que j'ai lu et entendu relativement au présent appel, j'estime que le risque éventuel de vol ou de tentative de vol dans l'accomplissement des tâches relatives au service Dépôt express ne peut pas être éliminé complètement. Il s'ensuit que la réduction des risques et la fourniture d'EPP, de vêtements et de dispositifs sont des points qu'il est essentiel d'examiner.

[109] En ce qui concerne le véhicule utilisé pour fournir le service Dépôt express, j'estime que le fait qu'il n'offre pas de protection contre les balles à une époque où la possession d'armes portatives et d'autres fusils n'est pas la prérogative exclusive de ceux qui sont autorisés par la réglementation constitue un manquement à l'obligation de réduire le risque et de veiller à la protection des employés en matière de santé et de sécurité. De même, j'estime que le fait que l'agent doit descendre du véhicule pour prendre les contenants de pièces de monnaie à livrer et que son dos et son arme sont exposés, alors qu'il existe des solutions de rechange, contribue à accroître le risque éventuel. L'objectif aurait dû être de réduire ce risque. Pour reprendre les observations formulées dans l'arrêt Verville, les 2 situations comportent « un niveau de risque qui n'est pas une caractéristique essentielle, mais qui dépend de la méthode employée pour exécuter une tâche ou exercer une activité ». Je conclus dans les 2 cas que le risque en cause peut être réduit et que le danger ne constitue pas une condition normale d'emploi.

[110] Comme je l'ai indiqué ci-dessus, j'estime que le fait que l'agent doit entrer dans un [texte caviardé] et marcher parmi la foule, [texte caviardé], sans savoir ce qui se [texte caviardé], comporte un risque éventuel qui n'est pas atténué par les mesures préventives mises en place par l'employeur. Je conclus, dans le droit fil de l'analyse à laquelle je me suis livré au paragraphe précédent, que le danger ne constitue pas une condition normale d'emploi.

[111] En plus de demander expressément une déclaration confirmant l'existence d'un danger et une instruction pour corriger la situation, les appelants veulent également obtenir une déclaration indiquant que l'intimée n'a pas consulté le comité local de santé et de sécurité et le comité national d'orientation lors de la mise en œuvre du service Dépôt express, en violation de l'alinéa 125(1)z) et des paragraphes 134.1(4) et 135(7) du Code. En ce qui concerne l'alinéa 125(1)z), qui dispose que les employeurs doivent veiller à ce que leurs superviseurs et leurs gestionnaires reçoivent une formation adéquate en matière de santé et de sécurité et soient informés des responsabilités qui leur incombent en la matière, je ne dispose pas d'éléments de preuve irréfutables ou d'arguments spécifiques sur lesquels je peux m'appuyer pour faire une déclaration indiquant que G4S ne s'est pas acquittée des responsabilités qui lui sont imposées par cette disposition. Dans le cas des paragraphes 134.1(4) et 135(7), qui décrivent les attributions du comité d'orientation et du comité local de santé et de sécurité, les témoignages ont révélé que les représentants de l'employeur avaient tardé à réagir et à prendre des mesures pour corriger certains problèmes, mais ces manquements n'ont pas été suffisamment étoffés ou débattus pour me convaincre de faire une déclaration de non-conformité. Les procès-verbaux des comités produits en preuve et cités à l'audience et les indications reçues que des correctifs sont en cours de préparation avec l'aide des comités afin de respecter les modalités de la PCV m'indiquent que, si tout n'est pas parfait, il y a un système fonctionnel de comités de santé et de sécurité en place à G4S.

[112] Les appelants demandent également une déclaration indiquant que l'intimée a contrevenu aux articles 122.2 et 124. Il est à tout le moins implicite dans la décision que j'ai rendue sur l'existence d'un danger que la hiérarchie des mesures préventives prévues à l'article 122.2 et l'obligation générale imposée à l'employeur par l'article 124 de veiller à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité n'ont pas été respectées à tous égards. Cela dit, l'essence du présent appel et la plupart des éléments de preuve et des arguments qui ont été présentés portaient sur l'existence ou sur l'absence d'un danger. C'est pourquoi j'estime que la décision que j'ai rendue sur l'existence d'un danger et l'instruction connexe que je donne en vertu de l'alinéa 145(2)a) suffisent pour résoudre la situation.

[113] Pour finir, les appelants veulent obtenir une déclaration selon laquelle l'intimée a contrevenu aux alinéas 125(1)q) et s), qui portent, respectivement, sur l'obligation de l'employeur d'offrir aux employés l'information, la formation, l'entraînement et la surveillance nécessaires pour assurer leur santé et leur sécurité et de veiller à ce que soient portés à leur attention les risques connus ou prévisibles que présente pour leur santé et leur sécurité l'endroit où ils travaillent. Ces exigences concordent pour la plupart avec les points contenus dans la PCV que l'Ag.SST Maklan a obtenue de G4S et je ne vois pas de raison de déroger à ce processus.

Décision

[114] Après un examen attentif de la preuve et des arguments qui m'ont été présentés et pour les motifs exposés ci-dessus, j'annule par la présente la décision d'absence de danger rendue par l'agent Maklan, le 12 janvier 2009. L'instruction que je donne en vertu de l'alinéa 145(2)a) est annexée à la présente décision.

Michael McDermott

Agent d'appel

Appendice

Référence : Dino Frighetto et Daniel Lekarczyk c. Group 4 Securicor

Dossier : 2009-03

Instruction donnée à Group 4 Securicor

Saisi d'un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code), j'ai effectué une enquête aux termes de l'article 146.1 relativement à une décision d'absence de danger rendue par un agent de santé et de sécurité, le 12 janvier 2009, et confirmée par écrit le 16 janvier 2009. Cette décision a été rendue au terme d'une enquête sur le refus de travailler de M. Dino Frighetto et de M. Daniel Lekarczyk à la succursale de Group 4 Securicor située à Mississauga. L'entreprise, un employeur assujetti au Code, est également appelée G4S.

J'ai conclu qu'il y avait un danger pour M. Frighetto et pour M. Lekarczyk le 6 janvier 2009, lorsque l'employeur leur a demandé d'effectuer des itinéraires du service Dépôt express de transport de valeurs. Il s'ensuit que M. Frighetto et M. Lekarczyk étaient exposés individuellement au risque éventuel de vol ou de tentative de vol eu égard aux 3 points suivants :

  • l'utilisation d'un véhicule qui ne leur fournit pas une [texte caviardé]
  • l'utilisation d'un véhicule qui les oblige [texte caviardé]
  • un processus qui les oblige [texte caviardé], pour livrer ou cueillir des valeurs chez les clients dont les locaux sont situés [texte caviardé]

Par conséquent, il vous est ordonné par les présentes, conformément à l'alinéa 145(2)a) du Code, de prendre immédiatement des mesures pour protéger M. Frighetto, M. Lekarczyk et toute autre personne contre le danger et de faire rapport de la mise en œuvre de ces mesures à un agent de santé et de sécurité du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, Programme du travail, au bureau de district de Toronto, au plus tard le 19 mai 2011.

Fait à Ottawa, le 19 avril 2011.

Michael McDermott

Agent d'appel

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