2011 TSSTC 1

Référence : Bell Canada, 2011 TSSTC 1

Date : 2011-02-05
Dossier: 2011-04
Rendue à: Ottawa

Entre :
Bell Canada, appelant et Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, intervenant
Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction
Décision : La mise en œuvre de l’instruction est suspendue.
Décision rendue par : M. Richard Lafrance, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelant : Mme Maryse Tremblay, avocate, Heenan Blaikie s.r.l.
Pour l’intervenant : Mme Micheline Blackburn, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier

Motifs de la Décision

[1] La présente décision porte sur une demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction déposée le 7 janvier 2011 par Bell Canada. L’instruction a été émise le 9 décembre 2010 par l’agent de santé et de sécurité Jimmy Ammoun (Ag.SST).

Contexte

[2] Le 7 janvier 2010, Mme Tremblay, au nom de Bell Canada, a interjeté appel de l’instruction en demandant sa suspension. L’Ag.SST a émis l’instruction après avoir fait une inspection de plusieurs lieux de travail dans le district Ouest-ontarien de Bell Canada.

[3] L’instruction donnée à Bell Canada se lit comme suit :

« [traduction] À cause des contraventions constatées au cours de cette inspection, l’agent de santé et de sécurité soussigné a enquêté sur les activités de l’unique comité de santé et de sécurité responsable des lieux de travail de l’employeur situés dans les municipalités ontariennes de London, Sarnia, Windsor, Hamilton, St. Catharines et Brantford. Ledit agent de sécurité a conclu que l’ampleur des activités couvertes est telle que le comité existant établi par l’employeur et par le syndicat ne peut pas fonctionner efficacement pour couvrir tous ces lieux de travail. »

Par conséquent, il vous est Ordonné par la présente, en vertu de l’article 137 du Code canadien du travail, partie II, d’établir des comités de santé et de sécurité du travail individuels conformément à l’article 135 du Code canadien du travail, partie II ou, s’il y a lieu, pour chaque lieu de travail, de nommer des représentants en santé et sécurité conformément à l’article 136 du Code canadien du travail, partie II, pour les lieux de travail suivants :

725, rue Colborne, London (ON)

100, rue Dundast, Talbot Square, London (OON)

211, rue Lochiel, Sarnia (ON)

1149, rue Goyeau, Windsor (ON)

110, rue King O., Hamilton (ON)

160, rue Bay N., Hamilton (ON)

20, rue Hunter, Hamilton (ON)

63, rue King, St. Catharines (ON)

86, rue Market, Brantford (ON)

[4] Compte tenu des arguments écrits soumis par Mme Tremblay, j’ai ordonné une suspension de l’instruction le 12 janvier 2011 jusqu’à ce qu’une décision sur le bien‑fondé de l’appel soit rendue. Les motifs de cette ordonnance sont exposés ci‑après.

Analyse

[5] Le paragraphe 146(2) du Code canadien du travail (le Code) dispose :

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

[6] Puisque je tire mon pouvoir du Code, je dois exercer mon pouvoir discrétionnaire de manière à favoriser la réalisation de son objet, c.-à-d. veiller à la protection des employés en matière de santé et de sécurité.

[7] Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire de suspendre la mise en œuvre de l’instruction, j’ai appliqué les critères énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan StoresFootnote 1  tels qu’ils ont été modifiés et adaptés par le Tribunal de santé et sécurité au travail Canada (TSSTC) :

  1. Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire.
  2. Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important (appréciable).
  3. Le demandeur droit démontrer que dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mise en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

La question à juger est-elle sérieuse plutôt que frivole ou vexatoire?

[8] Je souscris aux arguments avancés par Mme Tremblay, l’avocate de l’appelant, à savoir qu’il s’agit d’une question ayant des incidences sur la santé et la sécurité et qui, donc, n’est ni frivole, ni vexatoire. J’estime que le résultat d’une décision d’un agent d’appel peut certainement influer sur la future structure des comités de santé et de sécurité. Par conséquent, je conclus à l’existence d’une question sérieuse à juger.

Le requérant subira-t-il un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[9] Quant au second critère, Mme Tremblay a soutenu que, si l’instruction n’est pas suspendue, Bell Canada devrait fondamentalement modifier la structure du Comité que le syndicat a acceptée et qui est en place depuis plus de dix ans sans qu’il y ait eu de plaintes. Pour se conformer à l’instruction, Bell Canada devra créer d’autres comités ou nommer d’autres représentants (il lui faudra nommer au moins huit nouveaux membres de comités ou représentants). En outre, les services en cause devraient assurer la disponibilité d’un nombre additionnel de substituts spécialisés.

[10] Apporter de tels changements à la structure établie, pour possiblement en revenir à la structure originale si l’appel de l’instruction devait être accueilli, représenterait pour Bell Canada des inconvénients importants et inutiles.

[11] À la lumière de ce qui précède, je suis convaincu que Bell Canada subirait un préjudice considérable si la mise en œuvre de l’instruction n’était pas suspendue.

Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail?

[12] En ce qui concerne ce critère, Mme Tremblay a affirmé que le maintien du statu quo était le meilleur moyen d’assurer la santé et la sécurité des employés. La structure actuelle est en place depuis plus de dix ans et a toujours été approuvée par le Programme du travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Le comité de santé et de sécurité en place continuera de surveiller les lieux de travail et d’en effectuer ses inspections mensuelles.

[13] En outre, au nom des employés intéressés, le syndicat consent à la présente demande de suspension de l’instruction, comme indiqué dans une lettre écrite par Mme Blackburn dans laquelle elle précise que le comité unique réussit à couvrir efficacement tous les lieux de travail susmentionnés. Je suis donc convaincu que les intérêts des employés en matière de santé et de sécurité continueront, pour le moment, d’être gérés par le comité existant de santé et de sécurité.

Décision

[14] Pour ces motifs, la suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée à Bell Canada par l’Ag.SST Ammoun le 9 décembre 2010 est accordée.

Richard Lafrance

Agent d’appel

Détails de la page

Date de modification :