2011 TSSTC 3

Référence : Bell Solutions Techniques inc. c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2011 TSSTC 3

Date : 2011-02-11
Dossier: 2010-47
Rendue à: Ottawa

Entre
Bell Solutions Techniques inc., appelante
et
Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, intimé

Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction
Décision : La demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction est accueillie
Décision rendue par : M. Jean-Pierre Aubre, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelante : M. William Hlibchuk, avocat — Ogilvy Renault LLP
Pour l’intimé : M. Keith McMillan et M. Bill Nunn, SCEP

Motifs de décision

[1] Il s’agit d’une demande de l’appelante visant la suspension de la mise en œuvre d’une instruction donnée à l’appelante, le 19 novembre 2010, par l’agente de santé et de sécurité (Ag.SST) Karina Lopez‑Sacco, aux termes de l’alinéa 145(2)a) du Code canadien du travail (le Code).

[2] L’appelante veut obtenir la suspension de la mise en œuvre de l’instruction en attendant la tenue de l’audience et la conclusion de l’appel qu’il a déposé à l’encontre de l’instruction susmentionnée, aux termes du paragraphe 146(1) du Code.

Contexte

[3] Le 27 août 2010, un employé de l’appelante a été victime d’un accident de travail en tombant du poteau de téléphone en bois à étriers sur lequel il travaillait.

[4] Il semblerait que l’employé ait été distrait en descendant du poteau de téléphone en question et qu’il soit tombé d’une hauteur approximative de 12 pieds.

[5] Suite à cet accident de travail, l’Ag.SST Karina Lopez‑Sacco a mené une enquête, le 29 septembre 2010, qui s’est soldée par l’émission de l’instruction visée par l’appel.

[6] L’appelante prétend que l’instruction reçue de l’Ag.SST est beaucoup trop générale parce que son libellé fait en sorte qu’elle s’applique à la totalité des quelque 3 000 000 poteaux de téléphone compris dans le réseau de Bell Solutions Techniques Inc. (BST), alors que l’accident et le problème potentiel concernent uniquement les poteaux à étriers dont le nombre est estimé à 64 000 dans l’ensemble du réseau de BST.

[7] Après avoir pris acte de l’appel et de la demande connexe visant à obtenir une ordonnance provisoire suspendant l’application de l’instruction, le Tribunal a convoqué les parties à une audience pour entendre leurs observations sur la demande. Présidée par l’agent d’appel soussigné, l’audience s’est tenue le 22 décembre 2010, par téléconférence, avec la participation des représentants de l’appelante et de l’intimé.

[8] Les parties ont été informées du critère à trois volets que le Tribunal a adopté pour statuer sur une demande de ce genre. Pour l’application de ce critère, la partie ou les parties qui formulent la demande doivent établir à la satisfaction de l’agent d’appel que :

  • l’appel soulève une question sérieuse qui nécessite un examen (commencement de preuve);
  • la partie qui demande la suspension pourrait subir un préjudice appréciable si la demande n’est pas accueillie;
  • au lieu de donner suite à l’instruction, la partie qui demande la suspension a pris ou prendra des mesures pour protéger la santé et assurer la sécurité des employés ou des autres personnes qui pourraient, dans l’intervalle, être exposés au danger dont il est question dans l’instruction.

[9] Les parties ont présenté leurs observations sur les trois volets du critère applicable.

[10] En ce qui concerne le premier volet du critère, l’appelante a démontré que l’appel soulève la question de savoir si les méthodes de travail établies pour monter dans les poteaux de téléphone en bois et en descendre, plus particulièrement les poteaux en bois à étriers, sont conformes au Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, notamment le paragraphe 12.10(1), et si elles constituent un danger. Dans les observations du syndicat intimé sur ce point, les arguments avancés pour contester les divers points contenus dans les déclarations sous serment soumises à l’appui de la demande de l’appelante s’apparentaient davantage à des arguments sur le fond de la cause. J’estime que l’appelante a satisfait au premier volet du critère.

[11] Pour ce qui est du deuxième volet du critère, celui qui porte sur la question du préjudice appréciable que pourrait subir l’appelante, BST soutient que l’instruction se trouve en fait à paralyser ses activités, en ce qu’aucun des employés de BST n’a le droit de monter dans un poteau de téléphone en bois à étriers s’il ne peut pas utiliser une échelle portative. Cela signifie que BST ne pourra pas fournir les services requis par la clientèle du réseau de Bell dans les cas où les employés doivent monter dans ce type de poteaux. Si l’appelante reconnaît que la mesure ne touche qu’une fraction plutôt minime des quelque 3 000 000 de poteaux que comprend le réseau servi par BST, elle indique que les interruptions de service exigent une réponse rapide et que le public en général est susceptible de subir un préjudice si BTS est incapable de fournir ce service à ses clients résidentiels, commerciaux ou institutionnels, sans compter que l’entreprise pourrait se faire imposer de lourdes sanctions pécuniaires si les services ne sont pas fournis selon les indicateurs établis par le CRTC.

[12] En réponse à cet argument, le syndicat intimé a indiqué que le nombre de poteaux de téléphone qui sont directement visés par l’instruction est minime et s’interroge sur la probabilité que BTS se fasse imposer des sanctions pécuniaires comme elle le soutient. Quant au reste des arguments du syndicat, je suis d’avis qu’ils se rapportent plutôt au bien‑fondé de l’appel.

[13] J’estime que l’appelante BST a également satisfait au deuxième volet du critère applicable.

[14] Pour en venir au troisième volet du critère, BST a attiré l’attention sur deux communiqués qui ont été émis après la réception de l’instruction visée par l’appel. Dans le premier communiqué, daté du 3 décembre 2010, adressé à l’Ag.SST, il est écrit que tous les employés concernés ont été informés que [traduction] « dans les cas où, en raison de la nature de leur travail (plus de 2,4 m au‑dessus du niveau permanent sûr le plus proche), ils ne sont pas sûrs de pouvoir utiliser au moins une main pour se tenir solidement, un dispositif de protection contre les chutes doit être mis en place. Si ces consignes ne peuvent pas être suivies, les employés doivent utiliser soit une échelle, soit des éperons, conformément à la politique de l’entreprise; si aucune des mesures décrites ci‑dessus ne peut être appliquée, ils doivent communiquer avec leur gestionnaire pour recevoir d’autres instructions. »

[15] Un second communiqué, daté cette fois du 10 décembre 2010, et prenant effet le jour même, indique que les employés doivent utiliser soit une échelle, soit des éperons pour monter dans les poteaux lorsque c’est possible. Ce communiqué suspendait également l’application de la règle ESP 027, qui décrit la marche à suivre pour monter dans des poteaux à étriers, et interdisait aux employés d’utiliser les étriers pour monter dans ce type de poteaux, jusqu’à avis du contraire. Le communiqué indiquait que dans les cas où il était impossible d’utiliser une échelle ou des éperons ou lorsqu’il était nécessaire d’avoir accès à une plateforme aérienne, les employés devaient communiquer avec leur gestionnaire pour obtenir d’autres instructions. Pour finir, le communiqué disait que tout autre moyen ou équipement qui pourrait être utilisé pour monter dans les poteaux devait être évalué en collaboration avec le comité des politiques et approuvé par le service de santé et de sécurité avant d’être mis en application.

[16] Le syndicat intimé a déclaré, en réponse à cet argument, que les mesures temporaires mises en place n’étaient pas suffisantes à une époque où d’autres employeurs avaient adopté de bonnes solutions pour prévenir des chutes d’une certaine hauteur. À part mentionner un autre employeur qui utilisait, semble-t‑il, un dispositif anti‑chute adapté aux situations particulières visées par l’instruction, et affirmer qu’il est possible et pratique d’utiliser des dispositions et des procédures de protection contres les chutes dans toutes les situations où des tâches sont exécutées en hauteur et indiquer que cette idée doit être examinée par l’employeur en collaboration avec le comité des politiques, le syndicat intimé n’a pas avancé d’autres arguments.

[17] J’estime que l’appelante a également satisfait au troisième volet du critère.

Décision

[18] Compte tenu du fait que les mesures (le plan d’action) qui ont été communiquées à l’Ag.SST Lopez‑Sacco par l’appelante, le 3 décembre 2010, sont temporaires et visent à assurer la santé et la sécurité des employés en attendant que l’appel soit tranché et compte tenu des consignes de sécurité communiquées aux employés par l’appelante, le 10 décembre 2010, dans le même but, la demande de suspension présentée par l’appelante, le 17 décembre 2010, est accueillie par la présente.

Jean-Pierre Aubre

Agent d’appel

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