2011 TSSTC 5
Référence : Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2011 TSSTC 5
Date : 2011-03-15
Dossier: 2010-01
Rendue à: Ottawa
EntreSociété canadienne des postes, appelante
et
Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, intimé
Affaire : Appel à l’encontre d’une instruction donnée par un agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 146(1) du Code canadien du travail
Décision : L’instruction est confirmée
Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelante : M. Stephen Bird, avocat, Bird Richard
Pour l’intimé : M. Thomas McDougall, avocat, Perley‑Robertson, Hill & McDougall LLP/s.r.l.
Motifs de décision
[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 146(1) du Code canadien du travail (le Code) à l’encontre d’une instruction donnée par M. Bruce McKeigan, agent de santé et de sécurité (Ag.SST), le 17 décembre 2009.
Contexte
[2] En 2004, les factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS), représentés par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP — le syndicat), sont devenus des employés de la Société canadienne des postes (SCP — l’employeur) à l’issue de négociations entre les parties. Avant 2004, les FFRS fournissaient leurs services à titre contractuel à la SCP comme facteurs des routes rurales et du service urbain (RRSU); ils n’avaient pas le statut d’employé et, de ce fait, ils ne pouvaient pas devenir membres d’un syndicat aux termes de la Loi sur la Société canadienne des postes.
[3] Le 12 mars 2009, le STTP a écrit à l’administration centrale de Ressources humaines et Développement des compétences Canada afin de lui soumettre la question faisant l’objet de l’instruction. Dans sa lettre, le STTP reprenait une position antérieure selon laquelle il n’avait jamais donné son accord à ce qu’il y ait deux comités d’orientation en matière de santé et de sécurité (comité d’orientation) pour deux groupes d’employés représentés par le syndicat.
[4] Le STTP défendait la position que l’existence d’un comité d’orientation pour les FFRS et d’un autre comité semblable pour l’Exploitation postale urbaine (EPU), deux groupes représentés par le même syndicat, contrevenait au sous‑alinéa 134.1(3)a) du Code.
[5] Le 3 juin 2009, l’Ag.SST McKeigan a entamé son enquête en participant à une réunion du comité d’orientation des FFRS. Le comité d’orientation était désigné sous le nom de Comité national mixte sur la santé et la sécurité des facteurs et factrices ruraux et suburbains (CNMSS des FRSS). L’Ag.SST a conclu durant cette réunion que les représentants du syndicat qui siégeaient au comité n’avaient pas donné leur accord à la constitution de deux comités d’orientation distincts pour les membres du STTP.
[6] À l’issue de cette réunion, l’Ag.SST McKeigan a déterminé que l’employeur avait contrevenu à l’alinéa 134.1(3)a) du Code et en a informé les membres du CNMSS des FRSS. Il a ensuite tenté de régler le litige entre les parties de façon interne. Par la suite, il a rencontré les représentants de l’employeur, qui, du reste, n’ont pas accepté son interprétation du Code sur cette question.
[7] Le 17 décembre 2009, l’Ag.SST McKeigan a donné l’instruction suivante à la SCP :
[Traduction]
Dans l’affaire du code canadien du travail
Partie II — santé et sécurité au travail
instruction à l’employeur en vertu du paragraphe 145(1)Le 3 juin 2009, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une inspection dans le lieu de travail exploité par la SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, au 2701, promenade Riverside, Ottawa (Ontario), K1A 0B1, ledit lieu étant parfois connu sous le nom de Société canadienne des postes (H).
Ledit agent de santé et de sécurité est d’avis que la disposition suivante de la partie II du Code canadien du travail a été enfreinte :
Nº
Alinéa 134.1(3)a) de la partie II du Code canadien du travail -
L’employeur peut constituer plusieurs comités d’orientation avec l’accord de tout syndicat représentant les employés visés.
L’employeur a constitué plusieurs comités d’orientation sans l’accord du syndicat.
Par conséquent, il vous est Ordonné par la présente, en vertu de l’alinéa 145(1)a) de la partie II du Code canadien du travail, de cesser la contravention au plus tard le 15 janvier 2010.
De plus, il vous est Ordonné par la présente, en vertu de l’alinéa 145(1)b) du Code canadien du travail, de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la répétition de la contravention dans le délai fixé par l’agent de santé et de sécurité.
Fait à Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2009.
[signature de l’Ag.SST McKeigan]
Bruce McKeigan
Agent de santé et de sécurité
Numéro d’attestation : ON8567
Société Canadienne des postes
2701, promenade Riverside
Ottawa (Ontario)
K1A OB1
[8] L’Ag.SST McKeigan a exposé les motifs de son instruction dans un rapport daté du 8 décembre 2009. Voici le résumé de ces motifs :
- il a déterminé que le terme « accord » au paragraphe 134.1(3) du Code peut prendre des formes différentes et ne se limite pas à une convention collective;
- aucun autre accord conclu entre les parties n’a été porté à son attention, de sorte qu’il s’est reporté à la convention collective conclue entre la SCP et le groupe des employés de l’EPU représenté par le STTP;
- il s’est ensuite reporté à la convention collective conclue entre la SCP et les FFRS représentés par le STTP;
- il n’a pas accepté l’argument de la SCP selon lequel la simple existence de deux conventions collectives distinctes constitue en soi un accord entre les parties pour constituer un comité d’orientation distinct; il a déterminé qu’un accord doit contenir un texte explicite pour justifier un arrangement de ce genre;
- il a déclaré que la convention collective des FFRS ne contenait pas de dispositions relatives à la constitution d’un comité d’orientation, contrairement aux conventions collectives que la SCP avait négociées avec trois autres groupes d’employés, ni de dispositions relatives à la constitution d’un comité de santé et sécurité au travail (comité local) distinct ou la nomination de représentants en matière de santé et de sécurité;
- il a conclu que le fait qu’un seul et même mandat régissait les activités des comités d’orientation de l’EPU et des FFRS était une preuve supplémentaire qu’un seul comité national mixte sur la santé et la sécurité avait été constitué pour les deux groupes;
- il en venu à la conclusion finale que le STTP n’avait pas donné son accord à la constitution de plusieurs comités d’orientation et que, de ce fait, la SCP n’avait pas respecté les dispositions du Code.
[9] Le 14 janvier 2010, l’appelante a déposé son appel et présenté une demande de suspension de la mise en œuvre de l’instruction.
[10] Le 22 février 2010, M. Richard Lafrance, agent d’appel, a ordonné la suspension de la mise en œuvre de l’instruction en attendant qu’un agent d’appel ait statué sur l’appel au fond.
Question en litige
[11] Je dois déterminer si l’Ag.SST McKeigan a commis une erreur en concluant que l’employeur, la SCP, a contrevenu à l’alinéa 134.1(3)a) du Code en constituant deux comités d’orientation pour les FFRS et l’EPU, sans l’accord de leur syndicat, le STTP.
Questions préliminaires
1) L’apparence de parti pris
[12] Durant l’audience du 27 mai 2010, l’intimé a soulevé la question de l’existence d’une crainte de partialité de ma part, après que j’eus informé les parties, au retour de la pause du midi, que j’avais occupé un emploi à temps partiel au ministère des Postes comme commis des postes, entre 1975 et 1980. M. MacDougall m’a demandé si j’étais membre du STTP durant cette période et je lui ai répondu par l’affirmative.
[13] M. MacDougall a soutenu que le fait que je m’étais interrogé, durant la pause du midi, sur la pertinence de révéler que j’avais travaillé pour la SCP confirmait que je craignais de donner l’impression d’avoir un parti pris en faveur du syndicat et que cela pourrait donner lieu à une [traduction] « correction de parti pris » c’est‑à‑dire un parti pris compensatoire en faveur de l’employeur.
[14] M. Bird a fait valoir que le STTP n’avait pas expliqué en quoi le fait d’avoir travaillé à temps partiel comme employé syndiqué pendant une courte période il y a une trentaine d’années incite à croire ou à soupçonner que je pourrais avoir un préjugé favorable à l’endroit de la SCP dans le présent appel. Il a déclaré que mon emploi passé ne me procurait pas d’information privilégiée sur la question en litige et que rien ne permettait d’affirmer qu’il me prédisposait à statuer en faveur de l’une ou de l’autre partie.
[15] J’ai indiqué aux avocats des parties que je n’avais pas occupé de charge syndicale durant cette période et que je n’ai pas eu la moindre relation avec la SCP ou le STTP depuis que j’ai quitté mon emploi il y a une trentaine d’années. Mon intention était simplement de divulguer ce fait aux parties.
[16] Afin d’expliquer ma décision de ne pas me récuser dans la présente affaire, j’aimerais renvoyer au passage suivant d’un texte réputé portant sur les procédures des tribunaux administratifs
[Traduction]
[…] ce ne sont pas toutes les relations, aussi ténues soient-elles, entre un décisionnaire et un participant, qui donnent naissance à des craintes de partialité. C’est seulement lorsqu’une relation suscite chez une personne raisonnable la crainte raisonnable que le décisionnaire pourrait ne pas agir avec impartialité — c’est‑à‑dire lorsque la relation est si étroite, si récente ou si forte qu’une personne raisonnable aurait raison de craindre que cette relation puisse influencer le jugement du décisionnaire.
Par exemple, règle générale, le simple fait que le décisionnaire ait entretenu une relation professionnelle avec un participant dans le passé ne donne pas naissance à une crainte raisonnable de partialité.
[non souligné dans l’original]
[17] J’estime que l’intimé n’a pas expliqué en quoi ma brève période d’emploi à temps partiel comme travailleur syndiqué il y a une trentaine d’années inciterait à croire ou à soupçonner que je pourrais rendre une décision favorable à l’employeur. Le fait de supposer ou de soupçonner l’existence d’un parti pris possible n’est pas suffisant pour établir le bien‑fondé d’une crainte de parti pris.
[18] Il s’ensuit que j’ai refusé de me récuser et de renoncer à instruire le présent appel.
2) La règle énoncée dans l’affaire Browne c. Dunn
[19] L’appelante a déclaré que M. Steve Matjanec, le témoin de l’appelante, avait clairement dit, durant son témoignage, que l’employeur avait avisé le STTP qu’il refusait d’élargir la sphère de compétence du comité d’orientation de l’EPU pour intégrer le groupe des FFRS, de manière à ce qu’il n’y ait qu’un seul comité d’orientation. M. Bird a fait valoir que M. MacDougall n’avait pas contre‑interrogé M. Matjanec sur ce point crucial, ni ne l’avait informé que cette déclaration serait contestée par M. Floresco durant son témoignage ultérieur, de sorte que M. Matjanec n’avait pas eu l’occasion clarifier son témoignage ou de faire expressément des commentaires sur le témoignage attendu de M. Floresco.
[20] M. Bird a déclaré que c’était exactement le type de préjudice que la règle énoncée dans l’affaire Browne c. Dunn vise à corriger. S’appuyant sur cette règle, il a dès lors soutenu que le témoignage de M. Floresco, qui contredit celui de M. Matjanec sur ce point crucial, ne peut pas être admis en preuve, ou subsidiairement, qu’aucune valeur probante ne doit lui être accordée.
[21] J’estime que les témoignages contradictoires de M. Matjanec et de M. Floresco quant aux faits dont ils se souvenaient et à leurs intentions relativement aux discussions qui ont précédé la conclusion de la convention collective ne me seront pas utiles pour décider si un accord a été conclu et que, donc, ils n’auront pas d’incidence sur ma décision. Je n’ai donc pas à me prononcer sur la question de l’admissibilité de ces témoignages, puisque je n’en tiendrai pas compte.
Observations des parties
[22] Les observations des parties ont été reçues en totalité le 6 août 2010.
Observations de l’appelante
[23] Le seul témoin que l’appelante a appelé est M. Steve Matjanec, directeur général. À la date de l’audience, il occupait le poste de responsable principal du Programme de transformation postale à Postes Canada. Durant les négociations de 2003 entre la SCP et le STTP, les parties ont entamé des discussions préliminaires sur la possibilité que les facteurs des routes rurales et du service urbain (RRSU) deviennent des employés et soient représentés par le STTP. M. Matjanec est l’une des deux personnes qui représentaient la SCP et son témoignage a porté sur ces discussions avec les représentants syndicaux.
[24] M. Matjanec a témoigné à propos de l’issue des négociations avec le STTP au sujet de l’intégration des FFRS dans le comité d’orientation de l’EPU afin qu’il n’existe qu’un seul comité. La position qu’il a défendue durant toute la durée des négociations est que les FFRS constituaient un groupe distinct qui nécessitait des conditions d’emploi particulières. Il a également fourni des détails sur les autres comités d’orientation de la SCP.
[25] L’appelante estime que l’Ag.SST McKeigan a commis une erreur en décidant que l’employeur a constitué un comité d’orientation distinct pour les FFRS sans l’accord du STTP. M. Bird a plaidé que la SCP n’avait pas constitué un comité distinct d’un tout, que l’instruction de l’Ag.SST McKeigan a pour effet d’ordonner le regroupement de deux comités distincts, une décision que l’Ag.SST n’est pas habilité à prendre aux termes du Code.
[26] M. Bird a attiré l’attention sur le fait que M. Matjanec avait déclaré, durant son témoignage, que la SCP avait conclu un accord avec les quatre agents négociateurs, dont le STTP pour le groupe des employés de l’EPU, pour constituer quatre comités d’orientation distincts. Il a expliqué qu’après être devenue assujettie au Code, la SCP a dû se conformer à la disposition qui allait devenir le paragraphe 134.1(1) et constituer un comité national d’orientation pour tous les employés et intégrer tous les travailleurs syndiqués dans la structure d’un comité d’orientation « général ».
[27] L’appelante a fait valoir que même s’ils sont représentés par le STTP, les FFRS constituent un groupe distinct et une unité de négociation distincte. À titre de nouveaux employés, ils ont été intégrés d’office dans la structure du comité d’orientation « général », car la SCP n’a jamais voulu constituer un comité d’orientation national distinct pour ce groupe d’employés.
[28] Afin d’illustrer l’effet de la loi dans ce cas particulier, M. Bird a proposé trois scénarios hypothétiques.
[29] M. Bird a déclaré que lorsque les FFRS sont devenus des employés de la SCP, l’employeur n’a pas constitué un comité d’orientation distinct pour eux, en dépit de ce que dit le STTP. C’est tout le contraire qui s’est produit, puisque les FFRS ont été intégrés d’office dans la structure du comité d’orientation « général ». Pour créer un comité d’orientation unique de l’EPU et de FFRS, il faudrait que la SCP prenne une mesure bien précise pour regrouper ces employés avec l’accord du syndicat. L’appelante a plaidé qu’elle n’avait jamais pris une mesure de ce genre.
[30] L’appelante estime que l’Ag.SST a mal interprété l’article 134.1 du Code, car il a tenu pour acquis que la SCP avait retiré les FFRS du comité d’orientation de l’EPU sans l’accord du STTP. M. Bird a soutenu que les FFRS n’avaient jamais fait partie de ce comité d’orientation distinct parce qu’ils n’y ont jamais été intégrés par la SCP. De plus, aux termes du libellé explicite du Code, seul l’employeur peut créer une structure pour un comité d’orientation distinct, pour autant qu’il ait l’accord du syndicat.
[31] M. Bird a fait valoir que la SCP avait refusé d’intégrer les nouveaux employés dans un comité d’orientation distinct déjà établi. Il a en outre soutenu que l’instruction donnée par l’Ag.SST, qui équivaut, en droit, à ordonner qu’un groupe d’employés soit intégré dans le comité d’orientation distinct d’un autre groupe d’employés, excède les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi et n’est donc pas valide.
[32] M. Bird a fait valoir, à titre subsidiaire, que la SCP et le STTP s’étaient mis d’accord pour constituer des comités distincts durant les discussions préliminaires de 2003 qui ont débouché sur l’attribution du statut d’employé aux FFRS et à la signature d’une convention collective pour une unité de négociation des FFRS. Il est vrai que la convention collective ne fait pas expressément mention d’un accord pour constituer deux comités distincts et qu’il aurait certainement été préférable d’être plus explicite, il n’en reste pas moins que l’article 134.1 ne dit pas que l’accord en question doit être mis par écrit ou incorporé dans la convention collective.
[33] M. Bird a attiré l’attention sur le fait que le témoignage de M. Matjanec à propos de la proposition initiale du STTP d’intégrer les entrepreneurs des RRSU dans l’unité de négociation des employés de l’EPU et de les assujettir aux dispositions de la convention collective de l’EPU n’avait pas été contesté. Il est évident que la proposition du STTP aurait également eu pour effet d’intégrer ces entrepreneurs dans le comité d’orientation de l’EPU; il est acquis aux débats que la SCP n’a pas accepté cette proposition.
[34] L’appelante a fait valoir que, peu de temps après cela, le STTP avait abandonné sa proposition d’intégrer les FFRS dans une unité de négociation générale et avait proposé en échange que le texte de l’article 33 de la convention collective du groupe de l’EPU soit inclus dans une nouvelle convention collective pour les FFRS. Le paragraphe 33.03a) de la convention collective de l’EPU porte là encore sur la constitution d’un comité d’orientation, ce qui signifie que le STTP proposait une autre fois de constituer un comité d’orientation unique pour les employés de l’EPU et les FFRS. M. Matjanec a indiqué, lors de son témoignage, que M. Floresco, le négociateur en chef du STTP, avait déclaré que l’article 33 de la convention collective de l’EPU convenait pour les deux groupes d’employés; il est acquis aux débats, là encore, que la SCP n’a pas accepté cette proposition.
[35] M. Bird a déclaré que M. Floresco avait gardé un souvenir pour le moins vague des négociations. Alors qu’il prétendait contredire le témoignage de M. Matjanec sur ce point crucial, M. Floresco n’avait pas conservé de souvenir précis à ce sujet ni sur de nombreux autres aspects des négociations, à l’exclusion du fait que les parties n’avaient pas discuté de la structure du « comité général » au niveau local. M. Floresco ne s’était pas muni de notes pour se rafraîchir la mémoire.
[36] L’appelante a fait valoir qu’en retirant ses propositions pour constituer un comité d’orientation unique face au refus explicite de la SCP de mettre cette structure en place, le syndicat a accepté en droit que les FFRS ne fassent pas partie d’un comité d’orientation unique de l’EPU et des FFRS. Il n’était pas nécessaire d’avoir un accord écrit explicite en ce sens.
[37] L’appelante a conclu son exposé en déclarant que l’Ag.SST McKeigan n’avait pas tenté de déterminer s’il y avait un accord entre l’employeur et le syndicat accord en examinant la chronologie des négociations qui ont conduit à l’existence d’un comité d’orientation des FFRS et de l’EPU. De plus, le dossier ne contient aucune indication que l’Ag.SST a interrogé expressément un représentant du STTP sur les propositions qui ont été présentées à la table de négociation. Il s’ensuit que l’Ag.SST ne disposait pas de tous les faits probants nécessaires pour prendre une décision éclairée et acceptable.
[38] L’appelante a demandé que l’instruction donnée par l’Ag.SST McKeigan, le 17 décembre 2009, soit annulée.
Observations de l’intimé
[39] L’intimé a appelé deux témoins, M. George Floresco, 3e vice‑président national du STTP et négociateur en chef du syndicat pour la première convention collective des FFRS, et Mme Gayle Bossenberry, 1re vice‑présidente nationale du STTP. Mme Bossenberry était également la représentante nationale du syndicat en matière de santé et de sécurité; elle a occupé le poste de coprésidente syndicale du CNMSS de l’EPU entre 2002 et 2008, ainsi que de coprésidente syndicale du CNMSS des FFRS entre 2006 et 2008.
[40] Le témoignage de M. Floresco a porté sur son rôle et ses discussions avec les représentants de la SCP durant la négociation de la nouvelle convention collective des FFRS au cours de l’été 2003.
[41] Mme Bossenberry a déclaré qu’elle n’avait pas participé aux négociations avec l’employeur relativement à la nouvelle convention collective des FFRS durant l’été 2003. Son témoignage a porté sur la constitution du CNMSS des FFRS par la SCP au début de 2006. Elle a expliqué qu’entre 2004 et 2006, les FFRS n’étaient pas représentés par le CNMSS de l’EPO au niveau du comité d’orientation, ni par quiconque. Après 2006, le STTP a participé aux réunions du CNMSS des FFRS sous toutes réserves et n’a jamais reconnu la légitimité du comité. Dès l’instant où le CNMSS des FFRS a été constitué, le syndicat a toujours maintenu que l’employeur n’avait pas obtenu son accord pour constituer un comité distinct.
[42] Selon l’intimé, le STTP et la SCP ont conclu une convention collective le 28 février 2000. La stipulation 33.03a) de cette convention constituait un comité d’orientation du STTP et de la SCP désigné sous le nom de Comité national mixte sur la santé et la sécurité (CNMSS).
[43] L’intimé a déclaré qu’en juillet 2003, le STTP et la SCP ont conclu une convention collective pour les FFRS et qu’à partir de ce moment‑là, les dispositions du Code se sont appliquées aux FFRS.
[44] L’intimé a expliqué qu’à titre d’employés de la SCP représentés par le STTP, les FFRS devaient être intégrés dans le CNMSS conformément à l’article 134.1 du Code. Or, en 2006, la SCP a constitué unilatéralement un comité d’orientation pour les FFRS désigné sous le nom de CNMSS des FFRS.
[45] M. MacDougall a défendu la position que l’employeur ne peut pas constituer plusieurs comités d’orientation, à moins d’avoir obtenu l’accord du syndicat; or la preuve démontre clairement que le STTP n’a jamais donné son accord à la constitution d’un comité d’orientation distinct pour les FFRS.
[46] M. MacDougall a observé que si les parties avaient voulu constituer un comité d’orientation distinct pour les FFRS, elles l’auraient prévu dans la convention collective des FFRS. Or les parties ont plutôt convenu d’appliquer le Code, qui oblige expressément l’employeur à obtenir l’accord du syndicat pour constituer un comité d’orientation, s’appliquerait.
[47] M. MacDougall a attiré l’attention sur la déclaration de M. Floresco selon laquelle le STTP n’a jamais accepté d’incorporer dans la convention collective une disposition visant à constituer un comité d’orientation distinct pour les FFRS. Les parties n’ont à peu près pas discuté des comités d’orientation durant les négociations et pendant tout ce temps‑là, les négociateurs du STTP croyaient qu’il était entendu que le Code s’appliquerait et que les FFRS seraient intégrés dans le CNMSS déjà établi, qui était considéré comme le comité d’orientation pour les membres du STTP.
[48] M. MacDougall a observé que Mme Bossenberry avait déclaré dans son témoignage qu’après la signature de la convention collective des FFRS, le STTP s’était constamment opposé à ce que l’employeur constitue un comité d’orientation distinct pour les FFRS, ce que l’employeur a admis.
[49] L’intimé a relevé que la SCP tentait, dans ses observations, de présenter le comité d’orientation des FFRS comme un comité d’orientation « général » dont les FFRS sont les seuls membres d’office, ce qui ne concorde pas avec les faits ni avec la loi.
[50] M. MacDougall a expliqué que lorsque les FFRS sont devenus des employés de la SCP, il y avait déjà un comité d’orientation du STTP et de la SCP, appelé le CNMSS, qui avait été constitué et que, comme membres du STTP, les FFRS font partie de ce comité.
[51] Selon l’intimé, la SCP semble tenir pour acquis que, du fait qu’ils constituent une unité de négociation distincte, les FFRS ne sont pas visés par l’accord conclu entre le STTP et la SCP pour constituer le CNMSS. Toujours est‑il qu’on ignore pour quelle raison la SCP croit qu’elle doit constituer un comité d’orientation pour chaque unité de négociation; les autres comités d’orientation distincts de la SCP regroupent les membres de trois autres syndicats.
[52] Dans ses observations, M. MacDougall a observé que la SCP avait admis que le texte de la convention collective des FFRS n’indique pas qu’il y a un accord pour constituer un comité d’orientation pour les FFRS. La SCP admet en outre qu’un accord écrit explicite serait la meilleure preuve de l’existence d’un accord.
[53] Comme M. Floresco l’a expliqué lors de son témoignage, les discussions entre les parties durant les négociations ont porté sur la structure proposée des comités locaux et très peu ou pas du tout sur la structure des comités d’orientation.
[54] L’intimé a rappelé que M. Matjanec et M. Floresco avaient l’un et l’autre déclaré qu’ils croyaient, durant les négociations, que le Code s’appliquait et que la structure du comité d’orientation serait déterminée en fonction des dispositions qu’il contient. À la lumière du désaccord entre les parties quant aux exigences du Code, leur décision durant les négociations que le Code aurait un effet déterminant témoigne de l’absence d’un accord formel sur la structure des comités d’orientation.
[55] L’intimé demande que la décision de l’Ag.SST McKeigan soit confirmée et que la SCP soit tenue de se conformer aux dispositions du Code.
Réplique de l’appelante
[56] L’appelante défend la position, dans sa réplique, que les observations du STTP reposent sur la prémisse fallacieuse que les FFRS faisaient partie, en fait et en droit, de la structure du comité d’orientation de l’EPU. L’intimé n’a pas tenu compte de la disposition du Code attribuant à l’employeur le pouvoir de constituer un comité distinct. Les FFRS n’ayant jamais été intégrés dans le comité d’orientation de l’EPU, la SCP pourrait difficilement prendre une mesure bien précise pour constituer un comité distinct à leur intention.
Analyse
[57] Je dois déterminer si l’Ag.SST McKeigan a commis une erreur en concluant que l’employeur a contrevenu à l’alinéa 134.1(3)a) du Code en établissant deux comités d’orientation pour les FFRS et pour l’EPU sans l’accord du syndicat, en l’occurrence le STTP.
[58] La disposition du Code citée en référence dans l’instruction de l’Ag.SST est la suivante :
134.1 (1) L’employeur qui compte habituellement trois cents employés directs ou plus constitue un comité d’orientation chargé d’examiner les questions qui concernent l’entreprise de l’employeur en matière de santé et de sécurité; il en choisit et nomme les membres sous réserve de l’article 135.1.
2) L’employeur qui compte normalement plus de vingt mais moins de trois cents employés directs peut aussi constituer un comité d’orientation.
3) L’employeur peut constituer plusieurs comités d’orientation avec l’accord :
- d’une part, de tout syndicat représentant les employés visés;
- d’autre part, des employés visés qui ne sont pas représentés par un syndicat.
[non souligné dans l’original]
[59] Le terme « syndicat » est défini de la façon suivante à l’article 3 de la partie I du Code:
« syndicat » Association — y compris toute subdivision ou section locale de celle-ci — regroupant des employés en vue notamment de la réglementation des relations entre employeurs et employés.
[60] Pour l’application du Code, l’employeur doit absolument avoir l’accord du syndicat ou des employés visés pour constituer un autre comité d’orientation.
[61] Afin de trancher la question en litige, je diviserai donc mon analyse en deux parties en posant les questions suivantes :
- L’employeur a‑t‑il constitué plusieurs comités d’orientation pour les FFRS et les EPU?
- Dans l’affirmative, l’employeur a‑t‑il obtenu l’accord du syndicat pour constituer plusieurs comités d’orientation pour les FFRS et l’EPU?
[62] La première question me permettra d’examiner de quelle manière l’employeur a constitué ses nombreux comités d’orientation en application du paragraphe 134.1(1) du Code. Il s’agit là d’un élément crucial pour déterminer de quel comité d’orientation les FFRS font partie depuis qu’ils sont des employés de la SCP. Si je décide qu’ils n’ont jamais été réellement retirés de la structure du comité d’orientation « général » de l’employeur, comme le soutient l’appelante, mon analyse s’arrêtera là et il ne sera pas nécessaire d’examiner la seconde question.
[63] Si je conclus que l’employeur a constitué un comité d’orientation distinct pour les FFRS, je devrai alors examiner la seconde question et déterminer si le syndicat a donné son accord à l’employeur pour constituer plusieurs comités d’orientation pour les employés représentés par le STTP.
1) L’employeur a‑t‑il constitué plusieurs comités d’orientation pour les FFRS et l’EPU?
[64] L’argument de l’appelante selon lequel les FFRS ont été intégrés dans la structure d’un comité d’orientation « général » lorsqu’ils sont devenus des employés de la SCP n’est pas convaincant.
[65] Je n’ai pas entendu de témoignage quant à la constitution ou à l’existence du comité d’orientation « général ». M. Matjanec a témoigné à propos des accords de l’employeur avec quatre syndicats pour constituer des comités d’orientation, mais il n’a pas glissé un seul mot sur la constitution d’un comité d’orientation « général » ou sur sa structure. La seule information dont je dispose à propos du comité d’orientation « général » provient des observations de M. Bird.
[66] M. Bird a défendu la position que les FFRS avaient été intégrés d’office dans la structure du comité d’orientation « général » de la SCP. Cet argument pourrait être valable si seulement ce comité avait une quelconque « structure ». Cela suppose nécessairement l’existence de parties ou d’éléments concrets; or la structure du comité d’orientation « général » qui m’a été présentée n’était pas quelque chose de bien planifié ni de bien organisé à cet égard.
[67] L’article 135.1 du Code énonce les nombreuses règles communes aux comités d’orientation. Or rien ne prouve que la SCP a appliqué l’une ou l’autre de ces règles à son comité d’orientation « général ». Les éléments décrits à l’article 135.1 n’ont pas été produits en preuve, par exemple : la composition du comité, les règles de procédure applicables, les registres sur les questions dont le comité est saisi ou même les documents d’orientation qui attestent l’existence d’un comité d’orientation « général ».
[68] Compte tenu de l’absence de preuve sur le sujet, l’appelante ne m’a pas convaincu de l’existence d’un comité d’orientation « général » prêt à accueillir les FFRS en janvier 2004.
[69] Je dispose par ailleurs d’éléments de preuve selon lesquels l’employeur a constitué unilatéralement un comité d’orientation pour les FFRS au début de 2006. Le comité a été désigné sous le nom de « CNMSS des FFRS », ce qui nous indique très clairement que ce comité a été constitué « expressément » pour ce groupe d’employés. Par conséquent, je ne crois pas qu’on puisse assimiler ce comité à un comité d’orientation « général ».
[70] De plus, il ressort clairement du témoignage non contesté de Mme Bossenberry que les FFRS n’ont pas bénéficié de la moindre représentation au comité d’orientation durant la période comprise entre l’entrée en vigueur de leur convention collective en 2004 et la constitution du CNMSS des FFRS au début de 2006, même si la SCP prétend qu’il y avait un comité « général » en place durant cette période‑là.
[71] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que l’employeur a constitué deux comités d’orientation distincts, un pour les FFRS et un autre pour l’EPU.
[72] Ayant déterminé que la SCP a constitué plusieurs comités d’orientation pour les employés représentés par le STTP, j’examinerai donc la seconde question.
2) Dans l’affirmative, l’employeur a t il obtenu l’accord du syndicat pour constituer plusieurs comités d’orientation pour les FFRS et l’EPU?
[73] Sur ce point, l’appelante a défendu la position que l’employeur et le syndicat s’étaient entendus pour constituer des comités distincts durant les discussions préliminaires de 2003 qui ont mené à l’attribution du statut d’employé aux facteurs et factrices ruraux et suburbains et à la conclusion d’une convention collective. L’intimé a défendu le point de vue contraire.
[74] L’article 134.1 du Code n’exige pas que l’accord conclu entre l’employeur et le syndicat soit mis par écrit ou incorporé dans la convention collective. La convention collective des FFRS ne fait pas expressément allusion à la constitution de deux comités d’orientation distincts.
[75] La réponse à cette question repose essentiellement sur l’interprétation du mot « accord » au paragraphe 134.1(3); or ce terme n’est pas défini dans le Code. J’utiliserai donc la définition contenue dans un dictionnaire courant
[Traduction]
Accord
- l’action de se mettre d’accord; de partager la même opinion; (conclusion d’un accord)
- entente mutuelle
- arrangement entre des parties relativement à un plan d’action, etc.
- document décrivant un arrangement de ce genre.
- correspondance entre des formes (accord en genre, en nombre ou en personne)
- état de ce qui est harmonieux.
[non souligné dans l’original]
[76] La définition reproduite ci‑dessus indique clairement que le terme « accord » ne se limite pas à un texte écrit. La définition comporte d’autres aspects qui pourraient de toute évidence prouver l’existence d’un accord entre les parties. Vu l’absence d’accord écrit dans la présente affaire, je tiendrai compte des autres éléments requis de la définition.
[77] Je déterminerai donc si les aspects suivants de la définition étaient présents, plus particulièrement :
- les parties partageaient‑elles la même opinion?
- existait‑il une entente mutuelle entre elles?
[78] Je dirai d’abord que l’employeur et le syndicat ont raté une excellente occasion de conclure un accord clair et non équivoque durant les négociations de 2003. Les parties disposaient d’un modèle de libellé explicite au le paragraphe 33.03a) de la convention collective de l’EPU relativement à la constitution d’un comité d’orientation qu’elles ont désigné sous le nom de CNMSS de l’EPU. La SCP a cependant rejeté la proposition du STTP d’utiliser le même texte, si bien que l’occasion de définir le statut des FFRS relativement à un comité d’orientation leur a filé entre les doigts.
[79] Au contraire, l’article 24 de la nouvelle convention collective des FFRS traitait de la question des comités de santé et de sécurité, mais pas de la question de la constitution d’un comité d’orientation. Le domaine complet de la santé et de la sécurité au travail est couvert dans quatre courts paragraphes dans la convention collective. Le premier paragraphe est une disposition générale qui indique que les dispositions du Code s’appliquent aux employés. Les paragraphes suivants fournissent des détails sur les comités de santé et de sécurité, mais demeurent muets sur la question de la constitution d’un comité d’orientation ou d’un comité national pour ce groupe d’employés.
[80] Il m’apparaît évident que les négociations de 2003 ont été très intenses et que les négociateurs avaient un mandat énorme à réaliser dans des délais extrêmement serrés. Je suis convaincu que les parties ne partageaient pas le même point de vue sur la question de la constitution d’un comité d’orientation pour ces employés. Compte tenu de l’importance que revêtait la conclusion de cette « première » convention collective par rapport à une disposition sur un comité d’orientation, je peux comprendre que seuls les points qui faisaient l’objet d’une entente parfaite ont été explicitement incorporés dans la convention collective à ce moment‑là.
[81] Je conclus, par conséquent, que l’omission d’un article sur les comités d’orientation ou les comités nationaux semblable à celui contenu dans la convention collective de l’EPU est une indication que les négociateurs en chef avaient de profondes divergences de vues sur cette question. Rien ne les empêchait de prendre un engagement précis et non équivoque sur cette question, mais pour une raison ou pour une autre, cela ne s’est pas produit. Il est évident pour moi que la SCP et le STTP ne partageaient pas la même opinion ni n’en sont venus à une entente mutuelle sur la question de la constitution d’un comité d’orientation pour les FFRS. Ce qui s’est passé c’est que l’employeur et le syndicat étaient d’accord pour dire qu’ils étaient en désaccord.
[82] J’ajouterai à cela que Mme Bossenberry a déclaré qu’elle s’était opposée à de nombreuses reprises à ce que l’employeur constitue unilatéralement le CNMSS des FFRS; j’y vois là une autre raison de conclure à l’absence d’une entente mutuelle sur la question entre la SCP et le STTP après les négociations de 2003. Ce fait démontre également que le syndicat n’a pas donné son accord à la constitution du comité d’orientation.
[83] Par conséquent, après examen de la preuve dont je dispose, je conclus que la SCP a contrevenu à l’alinéa 134.1(3)a) du Code en constituant le CNMSS des FFRS pour le groupe des FFRS sans l’accord de leur syndicat, le STTP.
Décision
[84] Pour ces motifs, je confirme l’instruction donnée par l’Ag.SST McKeigan, le 17 décembre 2009 et j’accorde à l’employeur jusqu’au 15 avril 2011 pour se conformer à cette instruction.
Michael Wiwchar
Agent d’appel
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