2011 TSSTC 15

Référence : Tracey Rathwell c. Air Canada, 2011 TSSTC 15

Date : 2011-06-30
Dossier: 2008-32
Rendue à: Ottawa

Entre
Tracey Rathwell, appelante
et
Air Canada, intimée

Affaire : Appel à l’encontre d’une décision rendue par un agent de santé et de sécurité conformément au paragraphe 129(7) du Code canadien du travail
Décision : La décision est annulée et une instruction est donnée
Décision rendue par : M. Michael Wiwchar, agent d’appel
Langue de la décision : Anglais
Pour l’appelante : M. James L. Robbins, avocat, Cavaluzzo Hayes Shilton McIntyre & Cornish LLP
Pour l’intimée : Mme Nicola Sutton, avocate, Fasken Martineau DuMoulin LLP

Motifs de décision

[1] Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 129(7) du Code canadien du travail (le Code) par Mme Tracey Rathwell d’une décision d’absence de danger rendue par l’agente de santé et de sécurité (Ag.SST), Mme Rochelle Blain, de Transports Canada, le 31 octobre 2008, après son enquête sur un refus de travailler aux termes du paragraphe 129(1).

[2] L’audition de l’appel s’est tenue à Vancouver, en Colombie-Britannique, du 3 au 5 novembre 2009 ainsi que du 17 au 20 mai et du 13 au 17 septembre 2010, et à Montréal, au Québec, le 29 septembre 2010.

Contexte

[3] Le 26 octobre 2008, Mme Rathwell a refusé d’occuper le siège de service à la position G2 dans l’aéronef Embraer 190 sur le vol AC 544. Elle a basé son refus sur une blessure qu’elle avait subi au cours d’un atterrissage difficile alors qu’elle était assise au même endroit lors d’un vol précédent le 23 octobre 2007. Mme Rathwell a insisté sur le fait que la ceinture abdominale et les bretelles de sécurité du siège de service de l’Embraer 190 n’assurent pas sa sécurité lorsqu’elle fait des mouvements latéraux.

[4] L’Embraer 190 est muni de trois sièges de service : le siège de gauche à l’avant (G1), le siège de gauche à l’arrière (G2) et le siège de droite à l’arrière (D2). Tous les sièges de service sont pourvus de ceintures abdominales et de bretelles de sécurité. La position G2 est la plus rapprochée d’une porte de sortie et constitue le seul siège de service qui fait face à l’avant.

[5] Mme Rathwell mentionne que le 23 octobre 2007, alors qu’elle était affectée au siège de service G2 pendant un atterrissage brutal, elle a subi des blessures lorsque l’aéronef a fait un écart en touchant le sol; l’effet de rétention latérale de la bretelle de sécurité n’a pas été suffisant et Mme Rathwell a alors heurté la porte de sortie. Elle avait soulevé son bras pour protéger sa tête et elle a subi des blessures au bras, à l’épaule et au dos.

[6] La procédure de sécurité et d’urgence d’Air Canada exige que les agents de bord soient affectés à un siège de service. Les positions G1 et G2 sont des positions de travail prioritaires dans l’Embraer 190, ce qui signifie qu’un agent de bord doit être assis à la position G2 pendant la circulation au sol, au décollage et à l’atterrissage.

[7] Au moment de son refus de travailler, Mme Rathwell a mentionné que le siège de service G2, dont la ceinture abdominale et la bretelle de sécurité, fonctionnait normalement et de façon régulière. Aucun vice de fonctionnement n’avait été enregistré au moment du refus de travailler.

[8] Le jour du refus, Mme Curran-Burden, gestionnaire du rendement du personnel de cabine, a communiqué avec Transports Canada en présence de Mme Jean, coprésidente du groupe des employés du comité local de santé et de sécurité de Vancouver, et a informé l’agente de santé et de sécurité (Ag.SST), Mme Lisa Mah, du maintien du refus de travailler de Mme Rathwell.

[9] Le 31 octobre 2008, l’Ag.SST Blain a rédigé une lettre exposant sa décision selon laquelle les circonstances sur lesquelles le refus de Mme Rathwell s’appuyait représentaient une condition normale de son emploi au sens du paragraphe 128(2) du Code, et qu’en conséquence, il n’y aurait pas d’enquête fondée sur l’article 129. L’Ag.SST Blain a déclaré qu’elle n’avait pas envisagé la possibilité que l’employeur réduise le risque de blessure. La lettre informait Mme Rathwell qu’elle pouvait poursuivre l’affaire au moyen du processus de règlement interne des plaintes prévu par l’article 127.1 du Code et mentionnait que la décision était assujettie aux dispositions sur le contrôle judiciaire de la Loi sur la Cour fédérale.

[10] Depuis le refus de travailler, la position G2 dans l’Embraer 190 a fait l’objet d’une évaluation des risques par Air Canada, d’un examen par le comité local de santé et de sécurité de Vancouver, d’une Promesse de conformité volontaire, d’une enquête et d’un rapport de la part de Transports Canada.

[11] En outre, depuis le refus et après consultation avec Transports Canada, Air Canada a tenté d’atténuer le risque et de maximiser la protection des agents de bord dans le siège de service G2. Air Canada a recommandé des modifications à la position de protection des agents de bord au moyen de leur « système Globe » en décembre 2009 et en mai 2010 et d’un ajout dans la politique de l’employeur sous « Publication 356 » le 9 septembre 2010. La direction d’Air Canada a affirmé qu’elle continue à surveiller la situation en assurant le suivi et en établissant des tendances des blessures qui découlent du contact des agents de bord avec la porte pendant qu’ils sont assis et attachés à la position G2. Elle continue également d’évaluer l’effet des mesures d’atténuation.

Questions en litige

[12] Je dois trancher les questions suivantes :

  1. La question de savoir si l’appelante était exposée à un danger tel que le définit le Code lorsqu’elle a exercé son droit de refuser de travailler.
  2. La question de savoir, s’il existait un danger, si le danger constituait une condition normale d’emploi de manière à empêcher l’appelante d’exercer son droit de refus en vertu du Code.

Observations des parties

[13] Les observations finales des parties ont été reçues le 26 novembre 2010.

Observations de l’appelante

[14] Le dossier de preuve de l’appelante comprenait le témoignage de l’appelante et celui de trois autres témoins : Mme Jean, agente de bord et coprésidente du groupe des employés du comité local de santé et de sécurité de Vancouver; Mme Pelletier, agente de bord et ancienne coprésidente du groupe des employés du comité local de santé et de sécurité de Montréal, et représentante syndicale; et M. P. E. Yannaconne, ingénieur principal, Forensic Safety Group, qualifié de témoin expert.

[15] L’appelante a contesté la décision de l’Ag.SST Blain selon laquelle les circonstances sur lesquelles le refus de travailler reposait équivalaient à une condition normale d’emploi. L’appelante estimait que c’était incorrect.

[16] L’appelante a fait valoir que l’enquête n’a pas respecté l’exigence du paragraphe 129(4) qui consiste à déterminer s’il existe un danger, et qu’elle a privé à tort Mme Rathwell de son droit d’appel prévu au paragraphe 129(7).

[17] L’appelante a soutenu que, dans les faits, la décision de l’Ag.SST résultait d’une enquête menée en vertu du paragraphe 129(1). L’Ag.SST a décidé que, dans cette affaire, la condition normale d’emploi ne constituait pas un danger. Par conséquent, l’agent d’appel a compétence pour instruire un appel en vertu du paragraphe 129(7).

[18] D’après l’appelante, il existait effectivement un danger au moment du refus de travailler. Malgré l’observation des règles de navigabilité, la position G2 est dangereuse en raison de sa conception et de sa proximité avec la porte. Il y a un historique de blessures aux agents de bord qui occupent la position G2 parce que le système de limitation ne les empêchait pas de heurter la porte. Il existe des antécédents de préoccupations nombreuses soulevées par des agents de bord relativement à la porte G2 et aux caractéristiques physiques de la position G2.

[19] En outre, l’appelante a soutenu que la décision de l’Ag.SST selon laquelle la bretelle de sécurité du siège de service G2 Embraer et la proximité par rapport à la porte représentaient une condition normale d’emploi au sens du paragraphe 128(2) est incorrecte et déraisonnable. Cette décision ferait en sorte qu’il serait normal pour Air Canada de fournir à ses employés de l’équipement non sécuritaire qui ne protège pas ses employés en toutes circonstances. La décision considérait en outre qu’il était normal qu’Air Canada fournisse aux agents de bord de l’équipement dont le degré de sécurité est contesté au sein du comité local de la santé et de la sécurité, qui faisait l’objet d’une enquête de Transports Canada, et qui fait l’objet d’une évaluation du danger aux termes d’une Promesse de conformité volontaire.

[20] L’appelante a fait valoir que les mesures prises par Air Canada pour protéger les agents de bord qui sont assis à la position G2, sous forme d’avis concernant la position de protection n’étaient pas suffisantes au moment du refus de travailler. C’est ce que démontrent les blessures survenues après la prise de ces mesures.

[21] L’appelante a fait valoir qu’Air Canada a délibérément mis en place les circonstances dans lesquelles Mme Rathwell ne se sentait pas en sécurité en guise de mesure disciplinaire.

[22] En ce qui concerne l’applicabilité de la partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (Règlement CSST), l’appelante a soutenu que, comme les blessures subies en position G2 peuvent survenir seulement lorsque l’aéronef est en fonctionnement, c’est le Règlement sur la sécurité et la santé au travail (aéronefs) (Règlement SSTA) qui s’applique, et non le Règlement CSST. Quoi qu’il en soit, même si le Règlement CSST s’appliquait, l’appelante a soutenu que les mesures prises par Air Canada dans son évaluation du danger sont incompatibles avec la partie XIX.

[23] Pour tous les motifs qui précèdent, l’appelante a demandé qu’il y ait une déclaration selon laquelle il existait un danger dans les circonstances du refus de travailler et selon laquelle Air Canada devrait recevoir une instruction précise d’apporter des modifications au dispositif de retenue et à la position du siège de service G2, ou de rembourrer la porte G2 et la poignée pour empêcher toute blessure découlant d’un impact.

[24] En outre, l’appelante a fait valoir qu’une instruction de faire enquête sera insuffisante parce qu’Air Canada a déjà établi qu’elle ne mènera pas d’enquête juste et impartiale sur la question.

Observations de l’intimée

[25] Le dossier de preuve de l’intimée était constitué du témoignage des témoins suivants : M. Bradley, spécialiste de la formation en entretien; Mme Lambert, directrice principale, service à la clientèle et sécurité; Mme Jourdain, gestionnaire, sécurité et bien-être des employés; M. Lee, ingénieur en chef, OAIN.

[26] L’intimée a fait valoir que la demande de renseignements de l’Ag.SST Blain constituait une enquête et que l’Ag.SST a décidé à juste titre qu’il n’existait pas de danger au sens de l’article 122 du Code. Toutefois, l’intimée soutient également que peu importe l’existence ou non d’un danger, l’appelante ne pouvait faire valoir de refus de travailler parce qu’il s’agissait d’une condition normale d’emploi.

[27] L’intimée a soutenu qu’il n’existait pas de danger, car l’historique des blessures révélait que celles-ci étaient rares et mineures.

[28] En outre, les blessures occasionnelles résultant d’un contact avec la porte G2 ne sont pas compatibles avec l’objectif de sa conception, à savoir l’absorption de l’impact. De plus, le siège de service G2 et les dispositifs de retenue étaient certifiés et conformes aux conditions réglementaires de navigabilité. En conséquence, l’intimée a soutenu que les résultats d’un rapport de Transports Canada daté du 19 mars 2009, qui évaluait le degré de protection d’un occupant assis d’une blessure imputable à un impact avec choc de la tête sur des éléments environnants de la cabine, représentaient un niveau de risque et non un danger.

[29] L’intimée prétend qu’elle n’a pas manqué à son devoir de s’assurer que ses employés étaient personnellement protégés, de façon raisonnable, des blessures résultant de l’impact avec la porte pendant qu’ils étaient bien retenus au siège de service G2, et ce parce que la probabilité qu’une blessure survienne dans l’avenir constitue une simple possibilité. En outre, il n’existait qu’une simple possibilité que l’appelante soit gravement blessée pendant qu’elle était bien assise.

[30] L’intimée a fait valoir que ce ne sont pas tous les dangers qui justifient un refus de travailler. Lorsqu’un danger constitue une condition normale d’emploi, il n'est pas justifié d’invoquer le droit de refuser de travailler. L’intimée a soutenu que l’exigence, pour l’appelante, de s’asseoir dans le siège de service G2 n’était pas imprévue et qu’il s’agissait par conséquent d’une condition normale d’emploi. De plus, le siège de service était en parfait état et fonctionnait bien le jour du refus.

[31] L’intimée a ajouté que le fait d’être exposé à de faibles impacts et à des microtraumatismes est normal dans le cadre d’un emploi d’agent de bord. De plus, l’intimée a fait valoir qu’Air Canada a atténué le danger en menant des enquêtes, en publiant des recommandations sur les positions de protection appropriées, et en continuant à surveiller la question.

[32] L’intimée a également fait valoir qu’il doit y avoir un équilibre entre le coût des mesures d’atténuation et le risque lorsque l’on établit si des mesures additionnelles devraient être prises par l’employeur.

[33] L’intimée a nié que les circonstances du refus de travailler aient été planifiées pour justifier une mesure disciplinaire.

[34] En ce qui concerne l’applicabilité de la partie XIX du Règlement CSST, l’intimée a soutenu que comme le danger potentiel découlant de l’occupation du siège de service G2 peut se produire seulement lorsque l’aéronef est en opération, le Règlement SSTA s’applique. En outre, l’intimée soutient qu’elle se conforme au Règlement SSTA.

Réplique de l’appelante

[35] L’appelante a fait valoir que comme l’intimée a reconnu que l’Ag.SST « a décidé qu’il n’existait pas de danger au sens de l’article 122 », il n’est plus contesté que l’agent d’appel a compétence d’instruire le présent appel en vertu du paragraphe 129(7).

[36] L’appelante a fait valoir que l’intimée n’est pas fondée en droit de déclarer que la détermination du danger consiste à établir si l’employeur a fait ce qu’il est raisonnable de faire et qu’il est inapproprié d’en faire usage dans le contexte de la détermination du danger et de la condition normale d’emploi.

[37] L’appelante a soutenu que bien que les observations de l’intimée à l’égard de la porte G2 sont incorrectes, elles indiquent qu’Air Canada a reconnu qu’il est nécessaire que les occupants de la position G2 soient protégés d’un impact contre la porte et que ni la bretelle de sécurité, ni la position de protection ne sont suffisantes pour empêcher l’impact avec la porte.

[38] L’appelante a fait valoir que l’intimée a présenté un raisonnement erroné lorsqu’elle a affirmé qu’une blessure découlant du siège de service G2 constitue une simple possibilité. Elle a fait valoir que l’intimée a fait fi d’un certain nombre de microtraumatismes et des préoccupations qui ont été soulevées au sujet de la position G2, qui leur permettaient d’établir un faible taux de blessures superficielles par départ. En outre, on prétend que, compte tenu de cette analyse, il n’existerait jamais de droit de refuser un travail dangereux chez Air Canada parce que le taux de blessure par départ est tellement faible qu’une blessure dans quelque circonstance que ce soit serait reléguée à une simple possibilité.

[39] L’appelante ne conteste pas qu’elle doive établir une possibilité raisonnable de blessure et soutient qu’elle rempli les critères menant à l’établissement de la possibilité raisonnable lorsque la blessure survient effectivement; comme dans le présent cas.

[40] L’appelante a fait valoir que l’affirmation d’Air Canada selon laquelle les blessures subies par les agents de bord sont négligeables et constituent une condition normale d’emploi équivaut à suggérer que le Code ne protège pas la santé et la sécurité des employés. On soutient qu’il n’existe aucun fondement juridique qui laisse croire que le fait d’être blessé constitue en soi une condition normale d’emploi et que ce n’est pas compatible avec le libellé et l’objet du Code.

[41] D’après l’appelante, l’admission de l’intimée selon laquelle elle continuait d’assurer la surveillance et le suivi de la question constitue une indication claire que la condition ne peut être qualifiée de normale.

[42] En ce qui a trait à l’allégation de l’intimée selon laquelle le droit de refuser de travailler est limité aux cas où l’équipement est hors service ou aux circonstances imprévues, l’appelante a soutenu qu‘elle n’est pas fondée en droit. Le Code ne comporte pas de telles restrictions sur le droit de refus.

[43] En conclusion, l’appelante a prétendu qu’Air Canada n’a pas épuisé toutes les solutions de rechange dans la mesure raisonnable pour atténuer le danger à la position G2.

Analyse

[44] L’intimée a contesté ma compétence d’instruire la présente affaire au début de l’audience. Je suis d’avis que la décision rendue dans Canada c. Vandal et al    Footnote 1 , selon laquelle le risque rattaché au siège de service G2, qui constituait le fondement du refus de travailler de Mme Rathwell, représente une condition normale d’emploi, équivaut à une décision d’« absence de danger » au sens de l’article 122 du Code.

[45] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que Mme Rathwell a le droit d’interjeter appel de la décision d’absence de danger et que j’ai compétence pour instruire cet appel en vertu du paragraphe 129(7) du Code.

[46] Avant de passer à la question du danger, j’aimerais aborder la question soulevée par l’appelante, selon laquelle l’employeur a volontairement, en guise de mesure disciplinaire, mis en place les circonstances dans lesquelles Mme Rathwell ne se sentait pas en sécurité. Cette question n’est pas liée à la question de savoir s’il existait effectivement un danger pour l’employée au moment du refus. De plus, c’est le Conseil canadien des relations industrielles qui possède, en vertu de l’article 133 du Code, la compétence pour faire enquête sur les circonstances d’une allégation de violation de cette nature. Par conséquent, je n’examinerai pas cette question.

Mme Rathwell était-elle exposée à un danger tel qu’il est défini en vertu du Code lorsqu’elle a exercé son droit de refuser de travailler?

[47] Ma décision sur la question du « danger » devrait se fonder sur une interprétation du terme tel qu’il est défini au paragraphe 122(1), qui est ainsi rédigé :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur;

[48] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale dans Verville c. CanadaFootnote 2  note en bas de la page 2 et Martin c. Canada (Procureur général)    Footnote 3  note en bas de la page 3 ont statué que pour conclure à l’existence d’un danger :

  • Il doit y avoir un risque, une situation ou une tâche qui est susceptible de causer des blessures à l’employé qui y est exposé, ou de le rendre malade, même si les effets ne sont pas immédiats, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée.
  • La définition n’exige pas que le « danger » cause une blessure chaque fois que survient un risque, une situation ou une tâche. Les termes « susceptible de causer » indiquent que la situation, la tâche ou le risque pourrait causer des blessures à tout moment, mais pas nécessairement chaque fois.
  • Il n’est pas nécessaire d’établir avec précision le moment où la situation se produira, la tâche sera accomplie ou le risque sera présent. Il suffit de déterminer dans quelles circonstances la situation, la tâche ou le risque est susceptible de causer des blessures et d’établir que ces circonstances se produiront un jour ou l’autre, non pas comme une simple possibilité, mais comme une possibilité raisonnable.

[49] En outre, Madame la Juge Gauthier, dans la décision Verville (précitée), de la Cour fédérale, a mentionné que:

  • La perspective raisonnable de blessures ne peut reposer sur des hypothèses ou des conjectures, mais si un risque ou une situation est capable de surgir ou de se produire, il devrait être englobé dans la définition.
  • Il existe plus d’un moyen d’établir que l’on peut raisonnablement compter qu’une situation causera des blessures. Il n’est pas nécessaire que l’on apporte la preuve qu’une personne a été blessée dans les mêmes circonstances exactement. Une supposition raisonnable en la matière pourrait reposer sur des avis d’expert, voire sur les avis de témoins ordinaires ayant l’expérience requise.
  • La perspective raisonnable de blessures pourrait même être établie au moyen d’une déduction découlant logiquement ou raisonnablement de faits connus.

[50] Par conséquent, pour déterminer s’il existait un danger pour Mme Rathwell, je devrai me demander si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que le risque potentiel d’être tenu de s’asseoir dans le siège de service G2 à proximité de la porte G2, combiné au défaut de la ceinture et de la bretelle de sécurité de retenir les employés de faire un mouvement latéral, pourrait causer une blessure.

[51] Bien que la décision Verville indique qu’il n’est pas nécessaire d’établir que quelqu’un a été blessé dans les mêmes circonstances pour prouver que la situation sera raisonnablement considérée comme source de blessure, dans la présente affaire, la preuve indique un cas préalable de blessure.

[52] Mme Rathwell a dit avoir subi une blessure invalidante le 23 octobre 2007, alors qu’elle était assise dans le siège de service G2. Elle s’était conformée à la procédure appropriée relativement à la position de protection et avait utilisé la ceinture du siège et la bretelle de sécurité, mais une fois que les roues ont touché le sol, l’aéronef a fait un écart et elle n’a pas été en mesure de maintenir la position de protection. Elle a été déplacée vers l’avant, vers la droite, puis vers la gauche, pour ensuite frapper la porte. La bretelle de sécurité ne l’a pas assez retenue. Elle a tout de suite levé la main pour protéger sa tête, et elle a frappé la porte avec son bras, sa main et sa cuisse.

[53] Mme Rathwell a témoigné que cet atterrissage a été plus brutal que d’habitude, mais qu’il n’a pas été le plus dur qu’elle a vécu. Elle a peut-être vécu des atterrissages similaires ou plus difficiles une fois l’an. Personne d’autre n’a été blessé sur ce vol et elle n’était pas au courant de problèmes de maintenance qui auraient pu découler du vol. La blessure de Mme Rathwell a fait en sorte qu’elle a éprouvé de plus en plus de douleurs pendant plusieurs jours. Elle a tenté de se soigner en prenant des Tylenol, des douches chaudes et de la glace pour son cou. Elle a continué à travailler en évitant d’utiliser son bras gauche. Elle a affirmé éprouver tellement de douleur qu’elle était incapable d’ouvrir un tiroir plein de liqueurs douces. Elle a travaillé en endurant la douleur et c’était difficile. Après une journée, elle s’est rendu compte qu’elle avait besoin d’aide.

[54] Mme Rathwell a obtenu une rencontre auprès d’un médecin de Vancouver. Le médecin l’a dirigée vers un chiropraticien et un physiothérapeute afin qu’elle suive des traitements. Elle a présenté une demande d’indemnisation des accidents du travail auprès de WorkSafe BC pour le temps qu’elle a perdu et les huit semaines de traitement qui, selon ses dires, ont été acceptées en appel. Elle a également consulté son médecin de famille avant de retourner au travail le 31 octobre 2007. Elle a témoigné qu’elle a reçu un diagnostic de blessure des tissus mous à son épaule gauche, à son cou, à son dos, et qu’elle a subi une meurtrissure lorsqu’elle s’est heurtée contre la porte.

[55] De plus, avant la blessure subie par Mme Rathwell en octobre 2007, la preuve révèle que d’autres agents de bord se sont blessés pendant qu’ils étaient assis, qu’ils étaient retenus dans la position G2 et qu’ils utilisaient la position de protection. Il convient particulièrement de noter que le 21 novembre 2006, Mme Innocente s’est frappée à la tête et à un œil sur une protubérance de la porte G2 au cours de faibles turbulences, pendant qu’elle était bien attachée et protégée. Mme Innocente en a été quitte pour un œil au beurre noir. Le 27 mai 2007, M. Scott-Haywood s’est également frappé violemment la tête sur la protubérance de la porte G2 et a subi une blessure.

[56] D’autres cas de blessures à la tête et aux membres résultant d’un contact avec la porte G2 ont été signalés en 2008 après que Mme Rathwell ait subi une blessure alors qu’elle était assise et retenue dans la position G2 en position de protection. Mme Martinez s’est durement frappée la tête à plusieurs reprises sur la porte le 16 juin 2008, ce qui lui a occasionné de vives douleurs sur le côté et à l’arrière de la tête.

[57] De plus, dans de nombreux formulaires mis en preuve, des agents de bord ont fait part à Air Canada de leur inquiétude relativement à l’incapacité de les attacher au siège de service G2 pour limiter leurs mouvements latéraux et à la proximité de la porte G2 avec l’occupant du siège de service G2.

[58] Tous les autres agents de bord qui ont déclaré des blessures à la tête ou aux membres ont indiqué que le siège de service G2 était trop rapproché de la porte et ont proposé différentes modifications comme une augmentation de l’espace entre le siège de service et la porte, le rembourrage de la porte, ou des modifications à la bretelle de sécurité.

[59] M. Yannaconne, un expert en génie mécanique et en systèmes de retenue de l’occupant, a témoigné que le dispositif de retenue à l’arrière de l’aéronef, où se trouve la position G2, nécessite un certain niveau de protection contre les mouvements latéraux qui occasionnent des chocs, comme un mouvement d’oppositions de fuselage ou de la turbulence. Il a ajouté que des bretelles de sécurité comme celles qui sont utilisées à la position G2 n’empêchent pas l’accélération latérale de l’occupant ou la force avec laquelle l’occupant peut frapper une surface dans l’enveloppe de chocsFootnote 4  note en bas de la page 4 qui donne lieu à des risques. Par conséquent, l’occupant de la position G2 pendant la turbulence ou au cours d’atterrissages difficiles peut être contraint de bouger vers l’avant préalablement au verrouillage de la bretelle de sécurité, puis peut accélérer le long d’un arc latéral comme un ballon captif.

[60] En raison de ce manque de retenue latérale, M. Yannaconne a déclaré que les surfaces dures ou protubérantes dans l’enveloppe de chocs de l’occupant constituent une préoccupation compte tenu des systèmes de protection de l’occupant. En l’espèce, il a affirmé que la surface non rembourrée de la porte et de la poignée qui sont tout près du siège de service G2 n’étaient pas considérées comme une surface « amie ».

[61] D’après M. Yannaconne, le dispositif de retenue à la position G2 pourrait faire en sorte qu’un agent de bord soit blessé; l’ampleur des blessures dépend seulement de la force de l’impact sur la surface à l’intérieur de l’enveloppe de chocs. De plus, il a ajouté que les positions de protection qui dépendent des muscles de l’agent de bord pour être appliquées peuvent également augmenter les microtraumatismes en situation de turbulence.

[62] En outre, le témoin de l’intimée, Mme Jourdain, a également déclaré que sa propre enquête lui avait appris que les agents de bord pouvaient se blesser sur la porte alors qu’ils étaient assis et retenus en position G2 et qu’ils ont recours à la position de protection.

[63] Ainsi, en l’espèce, je n’ai pas à vérifier s’il pourrait y avoir un risque hypothétique ou une condition dangereuse à un moment ou un autre dans l’avenir. Il m’apparaît évident que cela s’est produit. Je suis d’accord avec l’appelante qu’il existe une preuve considérable selon laquelle des agents de bord se sont blessés dans des situations de turbulence ou d’atterrissage brutal alors qu’ils étaient assis dans le siège de service G2 en raison du défaut de la bretelle de sécurité de bien les retenir de bouger latéralement, de l’inefficacité de la position de protection qui ne les protège pas bien contre ce mouvement et de la probabilité d’entrer en contact avec la porte G2 et la poignée dures.

[64] Pour déterminer s’il existe un danger ou non, au sens du Code, le grand principe qui doit m’orienter dans mon analyse est son objet préventif. La disposition sur l’objet de la partie II du Code est la suivante :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[65] Tel qu’il est mentionné précédemment dans Verville et dans Martin, pour que quelque chose soit considéré comme un danger, il n’est pas nécessaire de causer une blessure chaque fois qu’il y a un risque, une situation ou une tâche. Le danger doit seulement être susceptible de causer une blessure en tout temps.

[66] De plus, la définition du mot « danger » dans le Code n’exige pas qu’il soit fréquent. Par conséquent, je rejetterais l’argument de l’intimée selon lequel le caractère occasionnel des blessures devrait me convaincre de conclure à l’absence de danger.

[67] En outre, l’intimée reconnaît que les agents de bord qui étaient assis dans le siège de service G2 ont déjà subi des blessures dans les cas où les bretelles de sécurité ne les ont pas protégés d’un contact avec la porte G2 pendant la turbulence ou des atterrissages brutaux. Toutefois, l’intimée prétend que comme ces blessures n’étaient pas graves, ce risque ne devrait pas être considéré comme un danger.

[68] La définition de danger prévue par le Code n’exige pas que la blessure possible soit grave pour qu’elle soit considérée comme un danger. Si l’on garde la prévention à l’esprit et compte tenu du fait que la définition de danger ne comporte pas d’exigence de gravité, je conclus qu’il ne m’appartient pas d’établir des limites arbitraires de la gravité à l’égard des faits de cette affaire. Il suffit d’établir que les blessures, comme celles qui ont été décrites précédemment aux paragraphes 52 à 55, n’étaient pas sans conséquence et se sont déjà produites et qu’il existe une possibilité raisonnable qu’elles surviennent de nouveau.

[69] Le jour du refus de travailler de Mme Rathwell, le 26 octobre 2008, elle a dû s’asseoir dans le siège de service G2. Jusque là, Air Canada exigeait que ses agents de bord adoptent une position de protection lorsqu’ils étaient assis dans le siège de service G2. Je suis convaincu par le témoignage de nombre d’agents de bord, dont Mme Rathwell, et de M. Yannaconne, qu’il ne suffisait pas d’adopter une position de protection pour atténuer le risque et faire en sorte qu’il ne constitue pas un danger.

[70] La preuve qui m’a été soumise a révélé que bien que les agents de bord adoptaient la position de protection qui était recommandée, pendant la turbulence ou des atterrissages brutaux, il leur est arrivé de ne plus être protégés et d’entrer en contact avec la porte G2. Le témoin de l’intimée, M. Bradley, qui possède de l’expérience comme agent de bord, a convenu en contre-interrogatoire que les agents de bord peuvent avoir à abandonner leur position de protection lorsqu’ils sont dans le siège de service G2.

[71] Par conséquent, compte tenu de tout ce qui précède, je crois que Mme Rathwell, en étant tenue de s’asseoir dans le siège de service G2 à la date de son refus, se serait exposée à un risque en s’installant dans le siège de service muni d’une bretelle de sécurité qui ne la protège pas contre le mouvement latéral tout en étant très proche de la surface dure de la porte G2. Je conclus également, sur la base des circonstances décrites précédemment, qu’il existe une possibilité raisonnable que Mme Rathwell se soit blessée si elle avait dû s’asseoir dans le siège de service G2 et si l’aéronef connaissait de la turbulence ou un atterrissage brutal, parce que :

  1. des blessures se sont déjà produites;
  2. d’autres agents de bord craignent de se blesser dans le siège de service G2;
  3. la bretelle de sécurité G2 ne protégé pas les occupants d’un choc contre la porte G2 d’un point de vue de conception.

[72] Sur ce point, je conclus donc qu’au moment du refus de travailler de Mme Rathwell, il existait un danger.

[73] Ayant conclu à l’existence d’un danger au moment du refus de travailler de Mme Rathwell, j’examinerai maintenant la question de savoir si ce danger constituait une condition normale d’emploi et empêchait par conséquent Mme Rathwell d’exercer son droit de refuser un travail dangereux en vertu du Code.

Le danger est-il une condition normale d’emploi?

[74] Je dois déterminer si au moment du refus de Mme Rathwell, le danger auquel elle était exposée était une condition normale d’emploi aux termes de l’alinéa 128(2)b) du Code et si, en conséquence, il lui était interdit d’exercer son droit de refuser un travail dangereux.

[75] Le Code ne définit pas la « condition normale d’emploi ». Toutefois, le Code expose les principes qui doivent guider l’employeur dans son intervention, la priorité à donner aux mesures à prendre pour protéger les employés, et l’obligation générale de l’employeur énoncée aux articles 122.1, 122.2 et 124 du Code. Ces dispositions prévoient :

122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

[…]

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

[76] En outre, la Cour fédérale, dans P&O Ports Inc. et Western Stevedoring Co. Ltd. c. Le Syndicat International des débardeurs et des Magasiniers, Section Locale 500Footnote 5  note en bas de la page 5, a maintenu l’interprétation de l’agent d’appel dans ce dossier concernant un danger qui constitue une condition normale d’emploi. Tout comme la Cour, je suis tout à fait d’accord avec l’interprétation de cette notion par l’agent d’appel, qui est reproduite au paragraphe 46 comme suit :

[…]

[152] Je crois qu’avant qu’un employeur puisse affirmer qu’un danger est une condition de travail normale, il doit reconnaître chaque risque, existant et éventuel, et il doit, conformément au Code, mettre en place des mesures de sécurité visant à éliminer le danger, la situation ou l’activité; s’il ne peut l’éliminer, il doit élaborer des mesures visant à réduire et à contrôler le risque, la situation ou l’activité dans une mesure raisonnable de sécurité, et finalement, si le risque existant ou éventuel est toujours présent, il doit s’assurer que ses employés sont munis de l’équipement, des vêtements, des appareils et du matériel de protection personnelle nécessaires pour les protéger contre le danger, la situation ou l’activité. Ces règles s’appliquent évidemment, dans la présente affaire, au risque de chute ainsi qu’au risque de trébucher ou de glisser sur les panneaux de cale.

[153] Une fois toutes ces mesures suivies et toutes les mesures de sécurité mises en place, le risque « résiduel » qui subsiste constitue ce qui est appelé une condition de travail normale. Toutefois, si des changements sont apportés à une condition de travail normale, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions de travail normales. 

[154] Aux fins de la présente instance, je conclus que les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d'éliminer ou de contrôler le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s'assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale.

[…]

[77] De même, et plus récemment, dans Canada c. Vandal et al., la Cour fédérale a confirmé le raisonnement de ce Tribunal sur ce qui constitue une condition normale d’emploi dans le contexte des agents de correction qui doivent escorter des détenus. Dans Eric V. et autres c. Service correctionnel du CanadaFootnote 6  note en bas de la page 6, ce Tribunal a déclaré :

[302] Il y a aussi une autre distinction importante à faire entre ce danger et un danger qui constitue une condition normale d’emploi qui ne justifierait pas un refus de travail. Ce dernier danger présuppose que l’employeur a d’abord identifié la présence d’un danger lors d’escortes et que de ce fait, il a pris toutes les mesures nécessaires pour protéger ses employés i.e. qu’il a identifié et contrôlé tous les facteurs qui ont une importante incidence négative sur la tâche de faire des escortes. À ce moment, rien de plus ne peut être fait par l’employeur pour protéger davantage les employés.

[78] Ainsi, pour déterminer si le danger de s’asseoir dans le siège de service G2 avec une bretelle de sécurité qui ne limite pas adéquatement le mouvement latéral et qui, par conséquent, ne protège pas l’occupant contre les chocs avec la surface dure de la porte G2 se trouvant à proximité constitue une condition normale d’emploi, je dois tenir compte des mesures prises par Air Canada pour atténuer ce danger.

[79] Air Canada estime qu’étant donné que l’historique des blessures a révélé qu’elles étaient rares et mineures, elle a pris des mesures de prévention adéquates dans les circonstances. Ces mesures consistaient à apporter des modifications à la position de protection, puis à publier des recommandations. L’application graduelle de cette stratégie n’a pas mis fin aux blessures. Des mesures visant à apporter des changements matériels pour éliminer ou réduire le risque, ou pour assurer une protection à cet égard, ont été rejetées. On a envisagé installer du rembourrage agissant comme cousin de protection contre les contacts de la tête avec la porte; toutefois, cette option a été rejetée parce qu’elle a été jugée non rentable compte tenu du risque, soit la fréquence et la gravité de ce risque particulier.

[80] Néanmoins, Air Canada continue de faire des recherches et de surveiller le risque lié à la position dans le siège de service G2 en assurant le suivi des blessures et en établissant les tendances sur ce plan, ce qui indique qu’Air Canada demeure préoccupée de la question et fait preuve d’ouverture à l’égard de mesures d’atténuation supplémentaires. Toutefois, au vu des témoignages de Mme Lambert et de Mme Jourdain, l’intimée ne prendra pas d’autres mesures, sauf si Transports Canada lui donne l’instruction de le faire.

[81] Air Canada a présenté un rapport de Transports Canada daté du 19 mars 2009, qui concluait que l’installation du siège G2, dont le dispositif de retenue, est conforme aux conditions réglementaires de navigabilité. Ce rapport recommandait que la conception ne soit aucunement modifiée.

[82] À l’opposé, le témoin expert de l’appelante, M. Yannaconne, a présenté une opinion concernant la hiérarchie des stratégies d’atténuation comportant des mesures de prévention du risque. Il a décrit les types de mesures préventives dans la séquence prioritaire suivante :

  1. éliminer le danger;
  2. se protéger contre le danger;
  3. formuler une mise en garde;
  4. donner de la formation.

[83] La hiérarchie technique qui précède, telle qu’elle s’applique à la santé et à la sécurité au travail, n’était pas contestée par Mme Jourdain, la gestionnaire de la sécurité d’Air Canada. De plus, l’avis de M. Yannaconne est conforme aux stratégies de prévention en matière de santé et de sécurité au travail qui sont largement acceptées. Par exemple, la partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail prévoit les mesures de prévention suivantes (de la plus fiable à la moins fiable) pour faire face aux dangers qui ont été évalués :

  1. éliminer le danger;
  2. réduire le danger;
  3. fournir de l’équipement de protection individuel;
  4. appliquer une procédure administrative.

[84] D’après M. Yannaconne, la solution d’atténuation du danger la plus fiable consisterait à éloigner le siège de la porte, afin que celle-ci se trouve à l’extérieur de l’enveloppe de chocs. Selon lui, il s’agirait d’une approche ambitieuse, mais non impossible.

[85] De l’avis de M. Yannaconne, la deuxième solution la plus fiable serait une amélioration du dispositif de retenue; il croit que ces améliorations seraient raisonnablement réalisables. Selon lui, l’ajout d’un verrou manuel et la modification d’un enrouleur ne nécessitent pas les étapes de conception ou de mise à l’essai qui sont requises pour modifier un siège ou une cellule, parce qu’il s’agirait simplement de remplacer une composante par une autre qui est déjà utilisée dans la flotte d’Air Canada. Je constate que Mme Lambert a affirmé que lorsqu’Air Canada a acquis deux Boeing 767 d’une autre ligne aérienne, les systèmes de retenue ont été modifiés par le retrait de ceintures et leur remplacement par des ceintures munies de dispositifs d’enroulement automatique lorsque le comité local de santé et de sécurité de Vancouver s’est dit préoccupé de la question.

[86] M. Yannaconne propose également le recours à du rembourrage comme protection contre la porte G2. Il estime que l’on peut ajouter du rembourrage à la porte pour réduire le risque de blessure aux agents de bord. Je constate encore une fois que Mme Lambert a témoigné que dans une autre situation en matière de sécurité, qui avait trait à un Airbus 320, Air Canada a ajouté du rembourrage de protection dans cette situation.

[87] M. Yannaconne est d’avis que la position de protection serait la solution la moins fiable. Il a déclaré que ladite position exigeait que les agents de bord se placent au préalable de manière à être mieux positionnés pour absorber un impact avant. De plus, l’objet de la position dans le cadre de laquelle la personne rapproche son menton de sa poitrine lorsque des sièges se font face est d’éliminer les mouvements rapides et de réduire la probabilité de blessure au cou. Les positions de protection des mains et des pieds ont pour but de réduire le mouvement désordonné des mains et des pieds. En outre, toutes les positions de protection des agents de bord à la position G2 sont conçues pour le mouvement vers l’avant; une position de protection contre les mouvements latéraux vers la gauche correspondrait à une protection contre la porte de manière à contrer la vélocité relative d’un mouvement vers la porte. M. Yannaconne a déclaré qu’il s’agit d’une solution inadéquate, parce que le mouvement qui affecte un agent de bord en position G2 est imprévisible et occasionné par de la turbulence, par une opposition de fuselages et par un écrasement.

[88] D’après M. Yannaconne, dans les faits, le recours à la position de protection de concert avec le type de rétracteur qu’il y a sur la bretelle de sécurité de l’aéronef Embraer peut aggraver le risque de mouvement latéral pour l’occupant. En se protégeant, l’occupant ralentit l’accélération, et par conséquent retarde le verrouillage du rétracteur. Il a affirmé que même si une personne était consciente de la probabilité de l’accélération en direction avant, la protection commencerait à perdre de son efficacité vers une force gFootnote 7  note en bas de la page 7 de 1, d’après la force physique, l’habileté, la taille et la position de l’occupant, ainsi que la durée de l’événement.

[89] M. Yannaconne concluait qu’il doit y avoir une approche systémique de protection de l’occupant; la position de protection fait partie du système, tout comme le dispositif de retenue. Il a affirmé que la position de protection ne représente pas un substitut du dispositif de retenue; elle réduit tout simplement la vitesse et l’ampleur du mouvement, afin de placer l’occupant en position optimale pour faire face à la situation susceptible de survenir.

[90] Air Canada fait valoir le rapport de Transports Canada qui recommande de ne pas modifier le siège G2, dont le dispositif de retenue. Toutefois, à mon avis, le témoignage de M. Yannaconne concernant le risque continu et les mesures pratiques visant à éliminer ou à réduire le risque ou à se protéger contre celui-ci s’est révélé convaincant. Les interrogations qui lui ont été soumises pendant le contre-interrogatoire n’ont pas révélé de lacunes visibles dans son raisonnement.

[91] Je conclus que l’employeur n’a pas, de façon raisonnable, éliminé ou réduit le danger, ni établi de protection contre le danger identifié dans le refus de travailler de Mme Rathwell. Air Canada a établi qu’elle a admis l’existence d’un risque dans la position du siège de service G2. Elle a également prouvé qu’elle a tenté d’exercer un contrôle sur le risque en publiant des recommandations et en rendant obligatoires les positions de protection. Toutefois, ces mesures de contrôle ne sont pas parvenues à réduire efficacement le risque dans les circonstances et par conséquent, le danger subsiste.

[92] En outre, des éléments de preuve établissent qu’Air Canada était au courant d’une solution de protection comme le rembourrage de la porte G2, mais qu’elle a choisi d’écarter cette solution parce qu’elle la jugeait trop coûteuse. De plus, M. Yannaconne a souligné, dans son témoignage, la pertinence d’un dispositif de retenue amélioré pour faire face au risque. Comme il en a été question précédemment, la preuve établit qu’Air Canada a déjà modifié un dispositif de retenue dans un aéronef pour apaiser une préoccupation en matière de sécurité.

[93] La preuve indique par conséquent qu’Air Canada aurait pu prendre d’autres mesures raisonnables pour éliminer ou réduire le danger ou établir de la protection contre celui-ci à la position du siège de service G2. Comme le danger subsiste raisonnablement, je n’accepte pas que la possibilité que des occupants du siège de service G2 se heurtent à une surface dure de la porte constitue une condition normale d’emploi.

[94] Pour ce motif, à la date du refus de Mme Rathwell, il ne lui était pas interdit d’exercer son droit de refuser un travail dangereux en vertu de l’article 128 du Code.

Décision

[95] Pour tous les motifs qui précèdent, j’annule par la présente la décision selon laquelle il n’existait pas de danger; décision qui a été rendue par l’Ag.SST Blain le 31 octobre 2008.

[96] J’ordonne par la présente à l’employeur de prendre des mesures afin de protéger Mme Rathwell du danger qui existait le 26 octobre 2008 et qui existe encore à ce jour, aux termes de l’instruction jointe à la présente décision.

Michael Wiwchar
Agent d’appel

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