2011 TSSTC 22

Référence : Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2011 TSSTC 22

Date : 2011-09-16

Dossier : 2011-44

Rendue à : Ottawa

Entre :

Société canadienne des postes, demanderesse

et

Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, défendeur

Affaire : Demande de suspension d’une instruction

Décision : La demande de suspension est accordée

Décision rendue par : M. Michael McDermott, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : Mme Cheryl A. Edwards, avocate, Heenan Blaikie LLP

Pour le défendeur : M. Gerry Deveau, directeur national, région de l’Ontario, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes

MOTIFS DE DÉCISION

[1]               La présente décision concerne une demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction déposée le 25 août 2011 par la Société canadienne des postes (la Société). L’instruction a été émise le 3 août 2011 par l’agente de santé et de sécurité, Lindsay S. Harrower (l’Ag. SS).

Contexte

[2]               L’Ag.SS a émis son instruction à la suite de son enquête sur un refus de travaill conformément au paragraphe 129(1) du Code canadien du travail (le Code) et d’une conclusion de danger. Le refus de travail et la décision de l’Ag. SS concerne pour l’essentiel les conditions routières, ainsi que les conditions de l’accotement et de la circulation sur certaines parties du chemin Eramosa à Guelph en Ontario. L’instruction émise à la Société en vertu du paragraphe 145(2) du Code s’énonce comme suit :

[Traduction]

Ladite agente de santé et de sécurité considère que l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail : 

Plus précisément, la distribution du courrier à pied aux points de remise situés aux adresses 705 à 671 du chemin Eramosa à Guelph, en Ontario, constitue, de l’avis de l’agente de santé et de sécurité, un danger pour le facteur Remegus Cheeke et de toute autre personnes qui  doivent assurer la livraison à ces points de remise, parce qu’il risque d’être heurté par un véhicule.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 145 (2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de procéder immédiatement à la prise de mesures propres à écarter le danger ou à corriger la situation.

[3]               Postes Canada a présenté une demande qui interjette appel de l’instruction et qui sollicite une instruction modifiée dans laquelle il serait précisé que le danger est imputable aux conditions routières actuelles plutôt qu’aux points de remise en tant que tels.  Une suspension de la mise en œuvre de l’instruction a été demandée afin que les parties s’entendent sur un moyen permettant d’écarter le danger.

[4]               Une audience a été tenue avec les parties, le lundi 12 septembre 2011, par voie d’une conférence téléphonique. Au début de l’audience, j’ai attiré l’attention sur les critères sur lesquels se fondent les agents d’appel pour exercer leur pouvoir discrétionnaire visant la suspension de la mise en œuvre d’une instruction dont il est question au paragraphe 146(2) du Code. Il s’agit des critères suivants :  

1) Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire.

2) Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important.

3) Le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

S’agit-il d’une question sérieuse par opposition à une plainte frivole ou vexatoire?

[5]              L’appel de la société demanderesse a trait essentiellement au fait que l’Ag. SS a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la distribution du courrier à pied aux points de remise situés aux adresses 705 à 671 se trouvant du côté sud du chemin Eramosa constituait un danger au sens du Code. La Société affirme que la zone de danger vise les points de remise 741 à 705 situés du même côté du chemin Eramosa et que le danger est relatif à l’accès à ces points de remise plutôt qu’aux points d’appel en tant que tels. L’avocate de la demanderesse signale également que l’Ag. SS a souscrit à la position de la Société lors d’une discussion qu’ils ont eue après que l’Ag. SS a rendu sa décision et donné l’instruction en question. Le défendeur, par contre, soutient qu’il est justifié de conclure à un danger en ce qui concerne les points de remise 705 à 671. Personne n’a prétendu que la demande de suspension est frivole ou vexatoire. Néanmoins, les parties ne s’entendent pas du tout sur les faits en ce qui touche la sécurité en matière de livraison du courrier du côté sud du chemin Eramosa et, dans l’état actuel des choses, ce désaccord devra être évalué selon son bien-fondé. Par conséquent, je conclus qu’une question sérieuse doit être résolue.

La demanderesse subira-t-elle un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[6]               La société demanderesse affirme que le fait de faire précisément mention dans l’instruction de la livraison du courrier aux points de remise 705 à 671 du chemin Eramosa l’empêche d’explorer des mesures, en collaboration avec le comité local de santé et de sécurité et le syndicat, qui pourraient assurer une livraison sécuritaire à ces points de remise. Un certain nombre de mesures possibles figurant dans l’annexe à la lettre datée du 25 août 2011 relative à l’appel et à la demande de suspension devraient être examinées selon leur bien-fondé. Toutefois, l’avocate de la demanderesse prétend qu’il existe un risque que l’examen et la mise en œuvre de telles mesures pourraient aller à l’encontre de l’instruction et faire obstacle à la consultation sur des solutions possibles. Selon l’avocate, cela, à quoi il faut ajouter l’interruption qui en résulte du service public de distribution du courrier à ces points de remise, fera subir un préjudice appréciable à la Société.

[7]               Pour le compte du défendeur, M. Deveau, tout en confirmant que le syndicat était disposé à se pencher sur des moyens visant à assurer une livraison sécuritaire du courrier, soutient que le libellé de l’instruction n’empêche pas un tel examen. Il a fait état de l’annonce de l’installation récente par la Société d’une boîte postale multiple du côté nord qui recevra, semble-t-il, le courrier et fournira un service de distribution du courrier pour les résidents, plutôt qu’aux (c’est moi qui souligne) résidents des points de remise en question. Il a exprimé son point de vue d’une façon assez convaincante. Toutefois, comme il l’a admis lui-même, c’est une question de terminologie.

[8]               À mon avis, cela laisse place à une interprétation de la terminologie et au risque qui en résulte d’une contravention apparente de l’instruction. Il semble être nécessaire de préciser où se situe le danger dans cette affaire. Si une suspension n’est pas accordée, j’admets que cela fera obstacle au processus de consultation et à la recherche d’une solution. Je suis convaincu que le fait de ne pas accorder de suspension causerait le préjudice notable décrit par la demanderesse.

Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail?

[9]               L’avocate de la demanderesse a confirmé que la distribution du courrier à pied aux points de remise 741 à 671 sur le chemin Eramosa cesserait et que celle qui est effectuée aux points de remise 705 à 671, actuellement suspendue, ne serait pas rétablie tant que les questions de sécurité ne seront pas réglées en collaboration avec le comité local de santé et de sécurité  et le syndicat.

[10]           Certes, j’estime que ces engagements satisfont au troisième critère mentionné au paragraphe 3 ci-dessus et que la suspension sera accordée à la condition qu’ils soient respectés, mais je n’accepte pas la suggestion faite par l’avocate de la demanderesse, à savoir que la suspension doit être maintenue jusqu’à ce que les parties arrivent à s’entendre sur une solution. Premièrement, les mesures dont les parties pourraient convenir dans le but de modifier l’instruction devraient être examinées en fonction de leur bien-fondé par un agent d’appel. Deuxièmement, bien que je sois persuadé que les parties n’ont pas l’intention de reporter leurs discussions, je pense que celles-ci pourraient s’éterniser. Je fixerai la durée de la suspension jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le bien-fondé de l’appel.

Décision

[11]           Ayant conclu que les critères requis étaient satisfaits, j’accorde une suspension de l’instruction que l’agente de santé et de sécurité, Lindsay S. Harrower, a donnée le 3 août 2011 à la Société canadienne des postes, à la condition que les engagements pris par l’avocate de la Société, qui sont détaillés au paragraphe 9 ci-dessus, demeurent en vigueur. La suspension restera en vigueur jusqu’à ce qu’un agent d’appel rende une décision sur le fond même de l’appel.

Michael McDermott
Agent d’appel

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