2011 TSSTC 24

Référence : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2011 TSSTC 24

Date : 2011-10-06

Dossier : 2011-45

Rendue à : Ottawa

Entre :

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, appelante

Affaire : Demande de suspension de la mise en œuvre d’une instruction.

Décision : La demande de suspension est accordée.

Décision rendue par : M. Douglas Malanka, agent d’appel

Langue de la décision : Anglais

Pour la demanderesse : M. Andy Pushalik, avocat, Fraser Millner Casgrain, s.r.l.

MOTIFS DE DÉCISION

[1]    Le 26 août 2011, M. A. Pushalik, avocat de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le « CN ») a déposé une demande écrite en vue d’obtenir la suspension de la mise en œuvre de l’instruction conformément au paragraphe 146(2) du Code canadien du travail (le « Code »). Ce paragraphe est rédigé ainsi :

146(2) À moins que l’agent d’appel n’en ordonne autrement à la demande de l’employeur, de l’employé ou du syndicat, l’appel n’a pas pour effet de suspendre la mise en œuvre des instructions.

Contexte

[2]   L’instruction faisant l’objet de l’appel a été donnée par l’agent de santé et de sécurité (l’ Ag. SS) Chris Wells à M. Robert Bruder, gestionnaire principal des risques, au CN, le 9 août 2011, en vertu de l’al. 141(1)h) du Code. L’instruction est rédigée ainsi :

               [traduction]

Le 9 août 2011, l’agent de santé et de sécurité soussigné a procédé à une enquête concernant des documents dans le lieu de travail exploité par la Compagnie des chemins de fer nationaux, employeur assujetti à la partie II du Code canadien du travail, et sis au 874, chemin Thorton Sud, Oshawa (Ontario)  L1J 8M6, ledit lieu de travail étant parfois connu sous le nom d’OSHAWA MECHANICAL DEPARTMENT.

Par conséquent, il vous est ORDONNÉ PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l’alinéa 141(1)h)  du Code canadien du travail, partie II, de produire, au plus tard le 19 août 2011, les documents et les renseignements afférents à la santé et à la sécurité de vos employés ou à la sécurité du lieu de travail, qui sont énumérés ci-après, et de permettre  ledit agent de santé et de sécurité de les examiner et de les reproduire totalement ou partiellement.

Fournir tous les renseignements médicaux que la Compagnie de chemins de fer nationaux détient dans ses dossiers au sujet de M. Rick McColl  en vue de la tenue d’une enquête sur un décès.

Fait à Toronto, ce 9e jour du mois d’août 2011.

[3]   L’audition de la demande en suspension a eu lieu le 2 septembre 2011. M. Rod Thompkins, le délégué syndical en chef, RGL, Local 2004 du Syndicat canadien des métallurgistes unis d’Amérique a informé le Tribunal que le syndicat ne voulait pas agir en tant que défendeur dans cette affaire.

[4]   Après avoir examiné les observations écrites et orales présentées par M. Pushalik, j’ai ordonné la suspension de la mise en œuvre de l’instruction du 6 septembre 2011, jusqu’à ce qu’une décision sur le fond de l’appel ait été rendue par un agent d’appel. Les raisons pour lesquelles j’ai accueilli la suspension de l’instruction sont énoncées ci-après.   

Analyse

[5]   Le pouvoir d’un agent d’appel d’accorder une suspension découle du paragraphe 146(2) susmentionné, et de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit correspondre à l’objet de la Loi énoncé à l’article 122.1 du Code ainsi qu’à toute autre disposition applicable.

art. 122.1 La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions.

[6]   Pour rendre une décision dans le cadre de cette demande de suspension, j’ai appliqué le critère en trois volets adopté par le Tribunal. Ce critère exige que :

1) Le demandeur doit démontrer à la satisfaction de l’agent d’appel qu’il s’agit d’une question sérieuse à traiter et non pas d’une plainte frivole et vexatoire;

2) Le demandeur doit démontrer que le refus par l’agent d’appel de suspendre l’application de l’instruction lui causera un préjudice important;

3) Le demandeur doit démontrer que dans l’éventualité où une suspension serait accordée, des mesures seraient mises en place pour assurer la santé et la sécurité des employés ou de toute autre personne admise dans le lieu de travail.

S’agit-il d’une question sérieuse à juger par opposition à une plainte frivole ou vexatoire?

[7]   M. Pushalik a fait valoir que l’instruction est incompatible avec l’obligation qu’a l’employeur de protéger les renseignements personnels de ses employés. Plus particulièrement, il a déclaré que la question sérieuse à trancher est celle de savoir si le besoin qu’a l’agent de santé et de sécurité d’obtenir des documents de nature médicale en vue de mener sont enquête l’emporte sur le droit à la vie privée d’un employé et, par conséquent, sur l’obligation qu’a l’employeur de protéger ce droit. En outre, l’instruction donnée par  Ag. SS Wels se rapporte à l’employé du CN qui a été mortellement blessé dans un accident sur les lieux du travail.

[8]   Si l’on se fonde sur l’argument de M. Pulshali concernant l’importante notion des droits à la vie privée des employés et sur le fait que l’instruction se rapporte au décès d’un employé du CN, je suis convaincu qu’il y a une question sérieuse à trancher.

La demanderesse subirait-elle un préjudice appréciable si la mise en œuvre de l’instruction n’est pas suspendue?

[9]   M. Pushalik a fait valoir que les documents demandés dans l’instruction ne sont pas en possession ou sous le contrôle du CN, mais qu’ils sont détenus exclusivement par une entité séparée connue sous le nom de CN Santé. Il a soutenu que si la suspension n’était pas accordée, le CN serait contraint de produire les documents de nature médicale et, selon  lui, un tel acte constituerait une violation de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « LPRPDE »). Il a maintenu que l’instruction ne devait pas mettre le CN en position de contrevenir à la LPRPDE lorsque le pouvoir de donner une telle instruction est contesté par le CN dans le cadre d’un appel.  

[10]           À son avis, le CN est un employeur touché par une accréditation syndicale et, si la suspension n’était pas accordée, la communication risque d’avoir une incidence négative importante sur ses relations avec ses employées et leur agent de négociation.   

[11]           Eu égard aux observations faites par M. Pushalik et puisque la philosophie du système de responsabilité interne énoncée dans le Code prévoit que les employeurs et les employés travaillent en collaboration pour veiller à ce que la santé et la sécurité des employés et des personnes admises dans le lieu de travail soient protégés, l’argument du CN me convainc qu’il subirait un important préjudice si l’instruction n’était pas suspendue.

Quelles mesures seront mises en place pour préserver la santé et la sécurité des employés ou de toute personne admise dans le lieu de travail dans l’éventualité où la suspension de la mise en œuvre de l’instruction serait accordée?

[12]           Durant l’audience, l’ Ag. SS Wells a expliqué qu’avant de prendre d’autres mesures, il attendrait l’issue de l’appel du CN au sujet de l’instruction qu’il a donnée. Je suis convaincu que le fait d’accorder la suspension de la mise à exécution de l’instruction n’aura pas d’incidence négative sur la santé et la sécurité des employés.  

Décision

[13]           Pour ces motifs, la suspension de la mise en œuvre de l’instruction donnée par l’ Ag. SS Wells au CN le 9 août 2011 est accordée.

Douglas Malanka

Agent d’appel

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